bordas-demoulin - le cartésianisme i
TRANSCRIPT
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
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LK
CARTESIANISME
ou
l.A
VRITABLE
RNOVATION
DES
SCIENCES
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
2/484
Pari--
Typo2ra|>hii'
I.acrampr
oi
(;omp.. nif
DamicKo.
>
-
-
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3/484
LE
CARI
SIANISME
ou
lA VliRITABLE
RI\OVVTIOIV
DES SCIENCES
OUVRAGE COURONN PAR
L'inSTITUT
SlIVl
DE
LA
THIilORIE
DE LA SUBSTANCE ET DE CELLE DE
L
INFINI
PAR
BOUDAI
-U]fI01JI.I],
PIIECKDK
D'LI^
DISCOURS
SUR LA
RFORMATIO^
DE LA
PHILOSOPHIE
AU
UIX-NEUVIME
SiCLE
POUR SERVIR
d'introduction
GNRALE
Par
F.
HUET
Piofesciii-
la Facult
de Philosophie
et Lettres
deCJainl.
TOME
PREMIER
TARIS
J.
HETZEL,
LIBRAIRE-niTElK
r>S
,
RUR
DE sri>K
1843
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
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^^^
%
llUnisiricnot
-
(3clair,
Ancien .\nlair\^-
^moiiUn
,
-
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^
C'ablu
Cauiurr,
dur
de
Sarl;
-
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DISCOURS
SUR
LA
REFORMATIOIV
DE lA
PHILOSOPHIE
AU DIX-NEUVIME
SICLE,
ET
INTRODUCTION
GNRALE.
Les
doctrines
et les thories
n'ont
pas
manqu
notre
sicle
;
chaque
jour
en
voit
clore,
comme
chaque
jour en emporte. On
prodigue
les
mois
de
rforme
et de
progrs; les
systmes
s'improv sent,
et
l'ambition de
l'apostolat
est
devenu
vulgaire.
Que
de
projels et
de promesses
pompeuses
que
d'illusions
bientt
dtruites
que
d'amres
d-
ceptions
Mais
aussi,
quand
on
remonte
aux
cau-
ses
de cette
strile abondance,
quelle
hte
de
produire
avant
d'avoir
conu quelle
vaniteuse
I
A
-
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Il
l.A
HKIOHMATION
inipalience
d'laler
des
opinions
d'un
jour
I.es
ides
ont
si
peu
de
consistance,
qu'elles
passent
en
un
njoment,
oul)lies
mme
de
leurs
auteurs.
L'entreprise
que
nous
annonons
aux
esprits
srieux
se
recommande
du
moins
leur
attention
par
la
maturit.
Un
homme,
ds
l'ge
o
la pense
s'veille,
tourmentdubesoindes'expliquerl'talsi
extraordinaire
o
se
trouve
aujourd'hui
le
monde,
et
envahi
par
une
tristesse
qui,
loin
de
lpuiser,
redouble
son
ardeur,
se
plonge tout
entier dans
des
mditations
et
des
travaux
infatigables.
Il
in-
terroge
tous
les
temps,
il sonde
toutes
les
scien-
ces.
Il
a
dcouvert
ce
qu'il
croit
la
vrit
:
loin
de
se
reposer,
il ne
cesse,
renferm
en
lui-mme,
d'prouver
sa
doctrine
et de
s'y
affermir en
l'ap-
prKjuant aux
questions
les
plus
nombreuses
et
les
plus
varies. Ce
n'est
qu'aprs
trente annes
de
recherches
qu'il
se
dcide
lever la
voix
et
donner le signal d'une
rformation
complte
de
la philosophie.
Sollicit
parla beaut du
sujet
qu'une
acadmie
propose,
sans
clbrit,
sans
crdit,
et presque
sans
nom, il
entre
en
lice et
porte
un jugement
dtaill
sur
le
plus
grand
des
sicles
scientifiques. Dans
ce
premier
essai, il
ne
dissimule
point
ses
ides
philosophiques
et
religieuses,
et
malgr
l'opposi-
tion
qu'elles
rencontrent,
il
arrache
le
suffiage de
la
savante
assemble.
Tel
est
Ihomme
qui vient
au-
-
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DE
LA
PHILOSOPHIK.
III
jour.riiui
tenler
une
preuve plus
dcisive
: apis
avoir
compll
l'exposilion
de
ses principes,
du
moins
en
ce qu'ils ont
de
fondamental,
il
les
sou-
met au vritable
juge, le
public.
Quel
est
le
caractre
de
cette
rlornie
qu'un
in
connu
a
mrie
dans
sa pense
solitaire
et ind-
pendante,
quel
en
est
le
but?
qu'a
t-elle
d'original?
Si elle
ne resle
pas
exclusivement
mtaphysique,
comment,
de ces hauteurs inaccessibles
la
foule,
sait-elle descendre
aux
objets qui
nous
touchent
plus
sensiblement,
et
se
mler
aussi
la vie
so-
ciale,
politique et religieuse
de
notre
ge? C'est
sans
doute
h
l'uvre
elle-mme
de rpondre.
Mais
comme
l'auteur n''a gure prsent
que
la
lace
la plus
svre
de
sa doctrine,
on
a
pens
que,
tout en
travaillant
prparer
riiiielligcnce
des
principes,
il ne serait
pas
inutile
d'en signaler
d'a-
vance
quelques applications, d'indiquer
ce
qu'ils
peuvent
pour
le
progrs
des
diffrentes
sciences,
et
de
montrer
en
particulier
de quel jour
ils
clai-
rent
ces
dbals entre
la
philosophie
et
la
tholo-
gie, entre l'tat
et
l'glise,
qui
agitent si
puis-
samment les
esprits,
et
qui, en
effet,
touchent
au
fondement
de
notre
ordre social.
C'est dans
ce
dessein
qu'on
a
crit
cette
Introduction.
Quand
on n'y verrait
pas
l'occasion d'une
ten-
tative
philosophique,
le sujet
trait par
M.
Bor-
das-Demoulin
offre
en
luimme un
imprissable
-
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V
LA
RKfORMATlO.V
inlrt.
Le
Cartsianisme,
coinpiis
coinm*^
ri
doit
l'tre,
c'est le
rveil
triomphant
de
la
pense
aprs
le
long
sommeil
du Moyen-Age,
c'est
le
gnie de la
science,
inaugurant
une
civilisation
nouvelle
sur
les
ruines de
la
barbarie
vaincue.
Jamais
rvolution
philosophique
ne fut
aussi
ra-
pide
dans
sa
marche,
aussi
puissante
dans
ses
effets,
aussi
durable
dans son
action
:
le
mouve-
ment
se
propage
en
un instant, et il
est
imprim
pour
des
sicles. A
la voix
de
Descaries, il
se
fait
(omme une leve
en
masse d'hommes
de gnie.
Quelle cole,
o,
pour ne
signaler
que les
plus
illus-
tres,
paraissent
Malebranche,
Leibnilz,
Bossuet.
Fnelon,
Arnauld, Pascal, Borelli,
Newton,
Huy-
ghens,
les
Bernoulli, Kuler
Qu'importe
la
diver-
sit des
sciences? Philosophes,
thologiens,
physi-
ciens,
gomtres,
tous
obissent h
une
impulsion
commune,
et
cette
impulsion
vient
de Descartes.
Une
fois
lanc dans
la
voie
des dcouvertes, l'es-
piit
humain
y
marche
pas
de
gant.
la lumire est
partout.
Rien
n'chappe
ce
dvoient
esprit
d'examen,
cette insatiable
avidit
d'expliquer et de comprendre,
qui devait enfanter
tant
de
miracles.
Tout le
sicle de
Louis
XIV
en
est
pntr.
La
libert et la force
de
la
raison
se
mon-
trent
jusque dans les ficlionsdes
poles
et
les
jeux
de
l'imagination.
Elles
clatent dans
la
connais-
sance
(le
rhommc.
La mlaphvsi(jue
n'a
point
-
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I>K
I.A
IMIlLOSOPIIll,.
V
ri'abmes,
la
loi
n'a
point
de
mystres,
que
l'on
ne
sonde
avec
une
incomparable
audace.
Mais
ce
qu'il
y
a de
plus
frappant,
et
pour
ainsi
parler, de
plus
inou,
dans le cartsianisme,
c'est
l'essor
qu'y
pren-
nent les
sciences physiques et
mathmatiques.
Pour
la
premire
fois l'intelligence humaine
domine
l'uni-
vers
matriel,
en
commence
la
conqute
pacifique,
et lgue aux ges suivants
le germe
d'o
sortiront
les
merveilles
de
l'industrie.
Pendant
que
le
sys-
tme
du
monde s'labore,
les
mathmatiques,
sor-
tant
des
anciennes
mthodes,
les
rejettent
comme
des
entraves
,
et
se dploient dans l'infini.
Le
cartsianisme
CvSt
dans
l'ordre
intellectuel
ce
qu'est dans
l'ordie politique
la
rvolution
fran-
aise
:
ces
deux
poques solennelles, un
monde
nouveau
vient
remplacer le vieux
monde
qui s'-
croule.
Le
gnie
d'un
homme
ne
suffit
point
expliquer
des
changements
aussi
prodigieux.
Que
pourrait
le
gnie
sans
la maturit
des
temps?
Si
Descartes
fut
suivi
par l'lite
de son
sicle, c'est qu''il vint
l'heure
favorable,
et
que
la
disposition gnrale
des
esprits
secondait la hardiesse
de
son
entreprise. Dj, avant
l'apparition
de la philosophie
cartsienne, quelque
chose
d'inconnu
se remuait
au
fond
des
mes; les
vieilles
institutions taient
menaces
par
un
sourd
mais
vaste
besoin
de rforme
et d'indpendance.
(Test
le mme espril
(|ui.
pour
ses coups
d'essai,
-
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VI
LA
RKIOUMATION
susciie
les
conmiuiies,
riiTi[jiinierie,
la
leiiais-
sauce des
lettres,
pousse
Colomb
la
dcouverte
d'un
monde,
revendique
la libert
religieuse,
que
de
coupables
excs
font
ajourner,
et
qui
enfin,
dans
l'ge
de
la
force,
produit
le
cartsianisme
ou
la
r-
novation des
sciences,
prlude
glorieux et
nces-
saire
del
rnovalionsociale
du
genre
humain. Rien
de
plus
manifeste
que
l'enchanement
de
tous
ces
faits.
Le
cartsianisme
a
donc
ses
racines dans ce
qui
a
prcd,
comme
il
prpare
les progrs
ult-
rieurs;
il est
d
aux
mmes
causes
que
la
civilisa-
tion
moderne, dont
il fait une partie
considrable,
et
pour
en
saisir
la
vritable origine,
pour
en
com-
piendre
toute la
porte
et
la grandeur,
il
faut
assister
renfanleinenl de
cette
civilisation.
Entre l'antiquit et les
temps modernes,
il
y
a
rellement un abme.
Parcourez
les
nations
an-
ciennes les plus
clbres
et
les
plus
polices.
Par-
tout,
except
dans
un
coin obscur
du
monde,
o
est dpos
le
germe
d'un
meilleur avenir, le
spec-
tacle
de
la dgradation
humaine
frappera doulou-
reusement vos
regards;
partout la
souillure de
l'idoltrie
se
joint la
plaie
hideuse
de
l'esclavage;
paitout
manquent
ces deux
grands fondements.
Dieu
et
la libert
Les rpubliques,
comme les mo
narchies,
reposent
sur
le principe
que
l'hounne
ne
s'appartient
pas,
qu'il n a
aucun
droit
naturel,
qu
i
est
la piopril
de
1 T.lat. Le
but
comme
le
tiiomplie
-
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Dl
LA
PHILOSOPHIE. Vil
les
lgislateurs
est
d'enchaner
la
nalure
eld'loul-
ler
sa
voix.
L'tat
rgne
sur
les
biens,
sur
les
per-
sonnes,
sur
la
pense;
il
impose
la religion,
il
fait
la
justice
et
la
vertu.
C'est
une servitude
incu-
rable,
universelle.
Nul
succs,
nulle apparence
de
vigueur
et de
prosprit
ne saurait dissimuler
ce
vice
essentiel
En
Grce et
Rome, o
retentit
le mot de
libert,
j'admire de
grands
citoyens,
je
cherche
vainement des
hommes. Ce
patriotisme
si
vant
a
pour
premier fondement la
haine
et
le m-
pris de
tous
les autres peuples.
La socit
punit
de
mort le
crime de
pense'
librement,
et
de
soulever
le
voile
politique
des
superstitions.
Mme
infriorit,
mme
abaissement de
l'homme
dans
l'ordre
ma-
triel :
esclave
des
institutions
sociales,
il
a
perdu
aussi
son titre de
roi
de
la
nature.
Sa
pense ne
s'tend
pas
plus
loin que ses
sensations.
Les
sciences
physiques restent dans
l'enfance, et
l'in-
dustrie,
i>rive
de
son
piincipe
vivifiant,
aban-
donne
des
mains serviles,
ne tente
rien
pour
relever
la
condition
de la vie
humaine.
Ni
le
gnie, ni
la force
d'me,
ni les grands
ca-
ractres,
ne
manqurent
l'antiquit;
et
pourtant
elle
ne
connut
jamais
le
progrs
vritable.
Tout
ce
qui
tendait
dvelopper
l'homme,
h
largir
sa
vie
morale,
y
minait la base
artificielle
des
socits.
L'influence
des
sciences
et
des
arts tait
dissol-
vante;
la
vertu
mme avait
ses dangers
:
le
citoyen.
-
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VUI
LA
RKFOKMATION
uvre laciice
des
lgislateurs,
ne
pouvait
vivre
que
parle sommeil et
l'anamissementile
l'homme
naturel.
La philosophie
sut
affranchir
quelques
mes
et
cra les vritables
hros
de
l'antiquit
;
mais la philosophie
elle-mme
contribuait
plus
que
tout le reste
relcher
les liens
d'un
troit
patriotisme,
sans pouvoir
communiquer
aux na-
tions le
principe
d'une
vie nouvelle; elle sentait,
elle
proclamait
son impuissance
relever
le
genre
humain
de
sa
dgradation
.
Et
que
fit-elle
pour
ses
plus nobles
dfenseurs,
que
de
les
conduire
une
mort
glorieuse
mais strile? Les
socits rou-
laient
dans
un
cercle
fatal.
Menaces
dans
leur
existence
par
tout
ce
qui
rpandait
sur elles
de
l'clat
et
de la
gloire,
condamnes
prir
par leur
prosprit
mme,
chaque
triomphe
les rapprochait
de
leur lin.
Par
quelle
force
le
genre
humain
est-il
sorti
de
cet
tat
d'abaissement?
Comment
l'adoration
d'un
Dieu
unique,
rserve
jusqu'alors
un
seul peuple
et
quelques
sages,
s'est-elle
rpandue
sur
toute
la
surface
de
la
terre?
Qui
a
dtruit
l'esclavage?
Qui
a
bris
le
sceau
mystrieux,
qu'on
aurait
dit
plac
sur la
nature
pour
en ravir
la
connaissance
l'homme?
Comment
les
lumires,
l'aisance
et la
libert
ont-elles
remplac
l'oppression
et
les
tn-
bres
antiques?
Le
Christ
parat
:
la
prsence
divine,
l'huma-
-
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DK
LA
PlIlLOSOPlilK.
IX
iiil Iressaille et
commence
relever
ia
lte.
Sa
fai-
blesse
lui
venait
de
son
loignementdeDieu,
source
de
toute
vrit
etde
tout
bien.
Prcipitepar
sa
faute
de la perfection premire o
l'avait
place
son
auteur,
elle avait tran son long
exil
travers les
misres
et
les opprobres des
anciennes
civilisa-
tions.
Mais
que
Dieu
descende
jusqu'
Thomme,
incapable
de
se
redresser
jusqu'
lui
:
aussitt
l'homme
est
arrach
la vie
des
sens
qui
le
cour-
bait
vers
la
terre.
Rapproch
de
la
raison
souve-
[aine, le
regard tourn
vers
les splendeurs
de
son
origine,
comment resterait-il encore
assujetti
aux
cratures?
La
rvolution
religieuse,
qui
le
rconci-
lie
avec Dieu, porte
dans
son
sein
les
autres
rvo-
lutions
qui
doivent
le
rendre
matre dans
l'univers
et
libre dans la socit.
Comme
il
y
a
un
but
pour
chaque homme dans
le
ciel,
il
y
en
a un
pour
l'hu-
manit sur
la terre.
Alors
seulement
commence
le
progrs
vritable,
dont
furent
dshrits
les
ges
prcdents,
qui ne
servirent
qu' en
prparer
la
tardive
apparition.
C'est
comme une
seconde
cra-
tion
du
genre
humain, mais
dont
les
merveilles
ne pouvaient se
dvelopper
qu'avec la
suite
des
sicles.
La rgnration
se
fait d'abord sentir dans les
individus
;
elle s'annonce par
des
prodiges
de
charit
et de
dvouement.
La terre,
lonne de
tant d'h-
rosme,
avait
t
conquib^e
la
foi
chn'lienne,
les
-
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15/484
X
LA
RKJK.MATIO.N
(Csars
avaient abaiss
devant
elle
la majest
de
l'empire;
rien, en
apparence,
ne
manquait
son
iriomplie;
et
cependant la
lche
la
plus
difficile
peut-tre
restait
accom|)lir.
L'esprit ancien
vivait
toujours
dans les
institutions,
dans les
murs
pu-
bliques, dans
les liabiludes tout
entires
de
la
socit.
Point
de
droits
naturels,
point
de
libert,
nul
essor
de
la science
et de
Tindustrie.
L'tal
res-
taitpaien;
comme
l'idoKtrie,
il devait tre dtruit
de fond en
comble.
L'invasion
des
Barbares
semble
devoir
l'emporter; mais
telle
tait la
profondeur
du
mal,
qu'il
rsiste
cet effroyable dluge, l'ne
action
plus
sre,
plus
impitoyable
est
ncessaire.
H
faut
s
emparer
de
1
homme au
dedans et au
dehors,
teindre
en
lui jusqu'au
souvenir d'un
pass
fu-
neste,
le
dpouiller
de
son
cur
pour
lui donner
un
cur nouveau.
Quelle
entreprise
que
celle
de
saisir
corps
corps le
gnie
du
pass,
et
de
refaire
l'homme, la socit,
le
monde
L'glise
se
met
l'uvre.
Comme
inspire
par cette parole
du
Christ,
que
les
vieux vases
ne peuvent
contenir
le
vin
nouveau,
elle
dtruit
pour fonder,
elle
op-
prime pour
affranchir; elle allacjue
sans relche
cette brillante mais
fausse (
ivilisation
du paga-
nisme.
Les
lumires
de
f
intelligence,
les chefs-
d'uvre
des
arts,
et
les
enchantements
de la Grce
et les
grandeurs
de
Rome,
tout disparait.
L'glise
absorbe
la
puissance
civihN
't
le
pa|>e les
pouvoirs
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
16/484
DK
LA l'IlILOSOI'HIfc;.
\|
(le
1
Eglise.
Une
ihocralie
lormidable
s'organise,
non
de
dessein priidil,
mais
par
la
force
des
choses.
Le
monde dompt parat
comme
immobile;
lout
ce
qui
s'agite
est aussitt lelranch
par
le
fer
cl
le feu. Certes,
il
faut
un
trange
aveuglement
pour voir
dans
celte poque
transitoire l'ge
dor
du
christianisme.
Qui
oserait
la
comparer
aux
pre-
miers temps de
l'glise
pour
les murs
el pour
la
doctrine?
Le
culte
se
fait
extrieur,
matriel;
on
le
charge
de
grossires
praliques
qui
en
voilent la
noble
et
touchante
simplicit.
Que
d'abus
et
de ds-
ordres,
combattus
plus tard
par
l'glise
elle-mme,
ne
s'introduisent
pas
dans
les
plerinages,
les
in-
dulgences,
le
culte
des
reliques
el des images
A
la
vue
de
la
coriuption
gnrale,
le vrai
croyant
dtournerait la
tte, s'il ne
dcouvrait
sous lanl
de maux
le progrs immense
qu'a fait
l'uvre
de
la
rparation.
Eu
effet,
pendant
que
la
nature
humaine,
res-
serre de toutes parts,
semble
comme anantie
sous l'treinte
du
pouvoir
sacerdotal,
lalfran-
chissemenl intrieur
s'opre, les
mes sont em-
portes
de
vive
force
au
sein
de
Dieu,
el
dans
ce
renoncement
violent
aux
(hoses
de
la
terre,
dans
cette mort
du
vieil
homme, s'accomplit
la
transformation
qui
fait
clore
l'honmie
nouveau.
Toutes
les
grandeurs
de l'avenir
son
contenues
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
17/484
XII
LA
RFORMATION
dans
ce
retour
intrieur
Dieu,
qui
rendrait
l\
rame
sa
vigueur
et
sa
dignit
premire,
s'il
pou-
vait tre
complet
ici-l)as.
Mais
l'esprit
chrtien,
quelque
faible
que
soit
d'abord son
action,
a
du
moins
un
thtre o
i)
[)eut
se
dployer
sans
ob-
stacle.
Dans
ce
monde de
la
thocratie
et
de
la
fo-
dalit,
je
salue
le
berceau
du
monde
moderne.
Il
est
pauvre
et
nu
comme
celui du
Christ;
mais
il
faudrait
y
apporter
aussi
les
symboliques
prsents
de
myrrhe,
d'encens
et
d'or,
si
l'on
voula^t
repr-
senter
en
figure
ses
glorieuses destines.
Qui
n'admirerait
ici
la
profondeur
des
conseils
de
la
Providence,
en
la
voyant marcher infaillible-
ment
ses
fins
par des
moyens
qui
semblent en
opposition
avec
le
but
qu'elle
poursuit?
L'oppres-
sion,
l'abstinence,
les
privations
de
l'esprit
et
de
la
chair,
conduisent
l'affranchissement
de la
pense,
la
conqute
des
biens
terrestres; et
voil
qu'
la
lueur
des
derniers bchers
qui
s'teignent
apparat tout
coup
la
libert
de
conscience. Quel
merveilleux
et
imprvu
dnouement Ainsi
a
t
form
l'esprit
nouveau,
qui
n'est
que l'esprit
chr-
tien:
c'est
l
en
ralit
son
vrai nom. Il
n'est
pas
(Vhier,
cet
esprit,
quoique
nouveau,
quoique
prin-
cipe universel
de
rnovation; l'avenir
lui appai-
lient,
et dj nous
louchons
son
avnement
d-
linilif.
11 a
j)Our bul
de ses
elorts
la
rparation
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
18/484
DR
LA
PIIII.OSOPIIIK.
XIII
do
lanalLiieenlire,
pour
terme,
la
lin
des
sicles.
Omnia
insUmrare
in Christo,
renouveler
loules
choses par
le
Christ
et dans
le Christ,
voil
son
suhlime
programme,
trac,
il
y
a
dix-huit
sicles,
par Taptre
saint
Paul
Le premier
usage
que
l'humanit
devait
faire
de
ses
forces restitues,
c'tait
de
briser
l'instrumeni
terrible
de
sa rgnration,
de renverser
la
tho-
cratie, la fodalit
et
la
scolastique.
Du
sein
de
la
socit
place
sous
ce
rgime
oppresseur,
s'chap-
pent des cris rpts
d'indpendance.
Le
travail
eimobli
commence
d'lever la
bourgeoisie
la ri-
chesse
et
la
libert.
Le
pouvoir
civil
s'affranchit
de
la domination
du
sacerdoce,
et
le
niveau
du
despotisme royal prpare
l'galit
politique.
Heu-
reuse
l'glise, si
ses
princes
eussent
dpos
temps une
dictature
dsormais
odieuse,
et
compris
que,
sans altrer
le dogme,
ils pouvaient
satisfaire
aux
ncessits
nouvelles
de
leur
position,
par
de
profondes
rformes dans
la
discipline
et le
gouver-
nement
Pour nous
lenfermer
dans
notre sujet et
ne
par-
ler que
de
la
rvolution
intellectuelle,
on
en
d-
couvre
le
premier
germe
dans Roger Bacon
,
le
moine
physicien
et
alchimiste.
Au
quinzime
et
au
seizime
sicle,
la
renaissance
des
lettres
agite les
esprits, qu'elle dispute h
la
scolaslique,
et
seconde
les
progrs naissants
de
la raison: on dirait
que
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
19/484
\1V
LA
ItKrORMATION
raiiliquilsorl
purilie du
lomlieaii.
o
l'f^glise
l'a-
vait tenue
comme
en
rserve pour
les
besoins
fu-
inrs
de
l'hunianil.
Les sciences elles ans
peuvent
maintenant
laler
leurs merveilles
:
les
penples,
que
l'orlifie sans cesse
l'influence
du
christianisme,
n'ont
rien
craindre
de
leurs
pi'Ogrs,
qui
vont
servir
la
splendenret
la
prosprit
des
empires.
Ainsi
la
lparation
chrtienne ne donnait
pas seu-
lemenl
au
inonde
une
nouvellecivilisation,
elle l'en-
richissait
aussitt des dbris de
l'ancienne,
fcon-
ds,
aprs
tant
de
sicles,
[)ar
son
action
toute-
puissante.
On
voit
de
toules parts
cloie
des
tentatives
philosophiques que rcconnnandent
l'observa-
teur
les
noms
de
Tlsio,
de
Campanella,
de Bru-
no,
de
Ranius et
du
chancelier
Bacon.
Toutefois,
nul d'entie
eux ne mrita
le titre
de
rnovateur,
et
il
y
a plus
de
ridicule encore
que
d'injustice
dans
la
prtention
de
les
opposer
Descartes.
De
l'enthousiasme
pour les sciences, un pressentiment
d'un avenir
meilleur,
et le
mpris
de la scolaslique,
voil ce qu'ils
offrent;
mais nulle ide
vaste,
cra-
trice, nulle
dcouverte
capitale
dans
les
sciences.
Ils
ne
souponnent
pas
les
principes
de
la
philoso-
phie
:
comment
auraient-ils
renouvel
l'esprit
hu-
main?
Ils
ne
sont
pas
mme
les vrais
prcuiseurs
de
Descartes.
L'poque
prparatoire
qui
prcda
la
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
20/484
DK
LA
PIIII.OSOIMIIE.
XV
rnovalion
toiiiplle
des
sciences
a
des
noms
plus
imposants;,
pins
dignes
de
l'admiration
et
de
la
re-
connaissance
de
la
poslrit.
On
n'a
besoin
qne
de
nonnner, pour l'tude
de
la nature,
Copernic,
Ke-
pler, Galile;
Harvey,
en
mdecine;
Vite,
en
ma-
thmatiques. L'antiquit
se trouve
dj
dpasse,
et
dans
de
si
nombreuses
et
si
belles
dcouvertes,
on
sent la
vigueur
que
le
cliiistianjsme
a
commu-
nique
rinlelligence
humaine.
Mais
c'est en
vain
que
l'on
chercherait
parmi
ces
grands
hommes
le
fondateur d'une
poque scientifique.
Kepler
mme
et
Galile
ne
sont
pas
faits
pour
ce
rle
;
le
gnie
mtaphysique
leur
manque;
ils
ne
s'lvent
point
.
aux principes.
Les
grandes
vrits
qu'ils
dcou-
vrent,
faute
de
cet
appui,
restent
en
quelque
sorte
sans usage,
et
n'ont port leurs
fruits
qu'aprs
la
r-
volution
cartsienne.
Avec
Galile
et
Kepler,
l'es-
prit humain
n'est point
encore
renouvel,
et
Ton
ne
peut
pas
dire
qu'il
rgne
sur
l'univers.
Enfin,
un
homme
se
rencontre en
qui
respire
l'invincible
ar-
deur
du
progrs chrtien; il
rappelle
la
pense
elle-mme
et
Dieu, il la
rend
capable
de tout
:
c'est
comme un signal de
rsurrection,
les
ombres
du
pass
disparaissent
:
Descartes
a introduit
l'hu-
manit
dans
le
monde
nouveau
des sciences.
C'est
ainsi
que M.
Bordas-Demoulin
comprend
l'origine
de
la
civilisation
modeine,
et
par con-
squent
du cartsiaisme,
(jui en
est le
premier
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
21/484
XVI
LA
KKI
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
22/484
DK
LA l'HILOSOPIllE.
XVII
li'iiilrieureiiienl
el
immdiatement
uni
aux
ides
suprieures
el
ternelles qui consliUient
l'essenec
divine.
Cette
union
est elle
pleine,
comme
h
l'ori-
gine,
Ihomme
est
dans sa puissance. Vient-elle
se
rompre
par
la
chute,
l'homiie
est dgrad.
Se
renoue-t-elle
par
la
rparation,
F
homme
se
relve;
et
mesure
qu
elle
se
ressei-re,
il
est
sans
cesse
en
progrs.
De
ces rvolutions intrieures
qui
pr-
cipitent
ou
qui
rtablissent,
viennent
les rvolu-
tions
analogues
des choses humaines.
Dans
l'homme
et
hors de Thomme,
dit
Pascal,
partout
est
la
marque
d'un Dieu
perdu.
Partout
aussi
est
la
marque,
non
pas sans
doute d'un
Dieu
retrouv,
mais
d'un Dieu
qui
se retrouve.
Non-seu-
lement il
se
retrouve
dans
l'homme,
depuis
l'tablis-
sement
du
christianisme,
qui,
en
le
rconciliant
avec
Dieu,
le rconcilie avec lui-mme;
il
se
re-
trouve
encore
dans
la
socit, depuis la formation
des
communes, qui,
en
se dveloppant,
ont
resti-
tu ta
r
homme
la
possession
de
lui-mme,
et
en-
fant
les
peuples aujourd'hui libres
ou
impatients
de
l'tre;
il
se
retrouve aussi
dans
l'univers
depuis
le renouvellement
ou
la
naissance
des sciences
physiques, qui font connatre
l'homme la
terre,
les
cieux, les
lments,
son
propre
corps et
celui
des autres tres
organiss,
et
il
va
bienll
se
re-
trouver
pour
toutes
les
nations.
Dj la civilisation
moderne,
qui le
rend,
emporte
l'Europe,
l'Ani-
I.
B
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
23/484
Wlll
LA
UFOKMATIO\
rique,
presse
l'Afrique
et
l'Asie,
dont
elle
mine
les
empires
vieillis,
qui
n'attendent
qu'un
grand
branlement
pour
tomber.
S'il
fallut
le rgime de
compression
et de
mort du
Moyen-Age
pour
d-
truire
la
civilisation de
la chute,
lui
enlever
l'homme,
afin qu'il
pt
se
rattacher
Dieu et pro
duire
la civilisation
de
la
dlivrance,
celte
civilisa-
tion
suffit
pour
diruire, dans
les autres parties de
la terre,
la
civilisation
de
la
chute.
Rien
ne
saurait
rsister
son
esprit
d'indpendance dissolvante
et
d'activit
rnovatrice.
H
Par
l'effet
de
la chute, le
genre
humain,
en
se
multipliant,
s'est
divis en une
multitude innom-
brable de
peuples
diffrents
de
cultes, de
lois,
de
murs,
d'intrts,
ayant
chacun
ses erreurs,
ses
prjugs,
ses
folies.
Par
l'effet
de
la
rparation,
ils
vont tous,
sous
le
rgne
de
la
vrit
et de
la
raison,
retourner
h
l'unit,
vers
laquelle les nations main-
tenant
chrtiennes
convergent avec
l'indomptable
nergie de
lanaturequi se
restaure.
Le sacerdoce
ou-
vrant
les
yeux aux
lumires
du sicle,
se
convertis-
sant
la
libert
civile, religieuse, politique,
secon-
dera
cet
universel mouvement avec l'nergie
plus
indomptable encore
de
son
pouvoir
surnaturel.
Ici
j'entends les clameurs de l'ignorance
et
de
l'irrtlexion :1e
sacerdoce a
fait
son
temps, l'homme
n'a
plus
besoin
de son secours. Nul
doute,
si
l'homme est
compltement rgnr. Mais alors
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
24/484
DR
LA PHILOSOPHIE. Xl\
plus
de
penchant
au
mal,
pins
d'erreur,
plus
d'i-
gnorance
en
lui.
Si
trop
visiblemeni
il
n'en
est
point
ainsi, la
rparation
n'est
point
consomme,
et
le pouvoir
par lequel
elle a
commenc
est
indis-
pensable,
et
pour
qu'elle ne
rtrograde
pas,
et pour
qu'elle
se
continue.
Comme
l'union
intrieure
Dieu
ne
peut
tre
rtablie
dans
sa
perfection,
tant
que
l'me
est
attache
au
corps
actuel
,
il s'ensuit
que
la
rparation ne
s'accomplira
point
ici-bas, et
que la
ncessit
du
sacerdoce
n'y
cessera
jamais.
La civilisation prsente
a beau
accrotre les
forces
de
l'homme, ds que
parla
mme elle
multiplie les
moyens
et les
occasions d'en
abuser;
elle
l'clair,
elle le
moralise,
mais elle
le dcharn,
mais
elle
lui
prodigue
les
jouissances,
et
le laisse
ainsi
dans
r
impuissance
relative de
se
conduire
par
lui-mme.
Aujourd'hui
s'accomplisseni
les
promesses
tem-
porelles de
l'Ancien
Testament,
mais
autrement
que
les
juifs
croient
qu'elles
doivent
le
faire.
Ils
attendent
un
roi
qui
leur
soumette
les nations
et
qui
les
enrichisse de
leurs
dpouilles.
Le
Christ
les
leur
soumet
en
effet,
mais
c'est
en
faisant
rgner
sur
elles
sa
loi
que
les
juifs
annoncent
,
et
qu'ils
portent
en
figure.
Il
les
enrichira
aussi
de
leurs
dpouilles,
mais
ce
sera
en les
rendant
participants
des
biens
de
la
civilisation
moderne,
fruit
de
cette
loi.
Avant,
nanmoins,
qu'ils se
fondeni
ainsi
dans
l'ordre
nouveau
avec les
aulres
peuples,
il
faut
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
25/484
\X
LA
UKI OHMA
riON
(|ue
les
autres
peuples
ysoieiU
eux-mmes
runis.
Jusque-l,
l'aneienne
loi
nayanl
poiiil atteint son
but,
qui est
le
rgne
religieux
et
social
de
l-
vangile,
il est
ncessaire
que
ses
sectateurs
lui
de
-
meurent
attachs,
sans
quoi
elle
serait
vicieuse
tombant
avant
le
terme.
Mais aussi alors
le
Juil.
reconnaissant
dan>
Tordre
actuel
l'empire
de
ce
.
roi qu'il
attend
d'en haut,
sortira
des
ombres et
des
figures
pour
entrer
dans la
lumire
et
la ralit.
On
le verra
donc
incessamment
venir
la
suite
des
nations
humaines dans
celte vaste cit
de
Dieu,
fermant la
marche
qu'il ouvrit
il
y
a
dix-huit
sicles.
Ainsi
se
vrifie la sentence de
Pascal,
que
ceux
qui
savent
les
principes
de
la
religion
peuvent
rendre raison,
et
de
toute
la
nature
de
T
boni
me
rt
en particulier,
et
de
toute
la
conduite
du
monde
en gnral.
il
ne
lui lut
point
donn de
conlemplei-
ces
merveilles
de
la rparation,
qui
ne
pouvaient tre
aperues
que des
hauteurs
du dix-neuvime
sicle
Par
la mme
raison, elles
chapprent
Bossuet,
Pour eux,
Dieu perdu
ne
devait point
se retrou-
ver dans
les
peuples,
mais
seulement
dansl'homme,
et
en
ce
qui
concerne
le
salut
ternel.
Comme
de
leur
temps
les effets
de la rparation,
par
rapport
la
vie
prsente,
n'taient
pas
encore
assez
mani-
festes
pour tre
reconnus,
ils
ne l'ont conue
que
dans
ses
effets
pai-
raj)port
la vie future.
Pascal
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
26/484
1K
I.A l'HlLOSOPlUE.
XXI
ne
se doute
senleiiiei)l
pas
qu'elle
soil
dans eetle
perfeelibiiit
indfinie
des
sciences
naturelles,
sur
laquelle
il a
compos
un si beau
discours.
Il ne
remarque point
que
chez les
anciens l'esprit
hu-
main tail
arriv,
dans tons les
sens, au terme
de
ce qu'il
pouvait
sous
la
chute. C'est
pourquoi
il
ne
cherche
les
preuves
de
la religion
que dans l'exi-
stence
du peuple juil.
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
27/484
XII
LA
HKFOKMATION
sance
et
de
grandeur.
Comment
s'lever
assez
haut
pour
dominer
cette
imposante
rvolution?
Com-
ment
saisir,
dans
toutes les
formes
qu'elle prend,
les
principes,
les
tendances,
les
vrits,
les er-
reurs?
M.
Bordas-Demoulin
a
choisi
la
seule
posi-
tion
qui
pt
le
rendre
matre d'un
aussi
vaste
sujet
:
il
s'est
plac
au
cur
de
la
mtaphysique,
et
c'est
de
l
qu'il
tend sur
les
systmes
une rgle
inflexi-
ble
et
toujours
sre.
Il
remet au
jour
cette
grande
Thorie
des
Ides,
dont
Platon est
le
pre,
et qui,
jusqu'
Descartes
et
Leibnilz, n'a
(
ess
d'inspi-
rer
les
plus illustres
penseurs.
Ce
n'est pas
stri-
lement
qu'il
la
reproduit
,
elle
se
montre
ici
avec
les
perfeclionnemenis
de
vingt sicles,
et
affermie
par les
dbals
fameux des
coles
cartsiennes.
Mais
surtout, pour
la
premire fois, elle
trouve, dans
les
Thories
de
la
Substance et de
l'Infini,
une base
fixe
et
inbranlable qui lui
manquait jusqu'alors.
C'est
une
rsurrection
de
la
mtaphysique.
L
est
la
vritable originalit
du
livre
de
M.
Bordas-De-
moulin, et
toute
la force
de
la
nouvelle
rforma-
lion.
On
sent
les doctrines
de
fauteur circuler,
coumie
une
sve
puissante,
dans toutes
les
parties
de l'ou-
vrage
;
elles
donnent
au cartsianisme
la vie
el
l'unit,
mais elles
ne sont
pas
spares
de
l'expo-
sition
historique,
quelles
soutiennent
et
quelles
animent.
L'on a devant
les
yeux
un vaste ensenddp
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
28/484
l)K
I.A
PUILOSOPUIE.
XXllI
le conceptions,
mles avec des faits
nombreux
el
inlressants,
qui
se
droulent
avec
une
abondance
el
une
richesse
merveilleuses.
J'essaie ici
de les
rassembler
en
faisceau,
et
de
concentrer la
lu-
mire
des
principes.
Rien n'est tranger
la
thorie
des
ides
;
sans
elle
on
ne
comprendra jamais
ce
qui
s'opra
de
irand
et
de
salutaire
dans
les
tnbres
du
Moyen-
ge,
lorsque
l'homme
fut
rattach
intrieurement
Dieu.
Le
sujet
que
nous
quittons
et
celui
dans le-
quel
nous
allons
entrer,
se
touchent, et
ne veulent
pas tre
considrs
isolment.
L'un
et
l'autre
m-
ritent
qu'on
s'y
arrte; ce sont, pour
les sciences
philosophiques,
deux fondements nouveaux
et ca-
pables
de
porter une infinit
de
travaux
futurs
Je pense; au del
des
sens
et
de
l'imagination
et
de leurs
fugitives
apparences,
me
repliant
sur
moi-
mme,
je dcouvre les raisons et les
causes
de
ce
qui
est, les
ralits,
les substances. Tout
ce
qu'embrasse
la
pense
offre quelque
chose
de
g-
iiral,
qui convient
une
infinit
d'objets
exis-
tants
ou
possibles;
les sens, borns aux
objets
prsents, ne sauraient
atteindre
que des qualits
particulires,
les
seules aussi dont
l'imagination
conserve
la
trace.
Par
la
rtlexion,
l'tre
intel-
ligent
revient
sur lui-mme;
il se
rend
compte de
tout ce
qu'il
prouve;
il
est
capable
de
vrit
et
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
29/484
XXIV
LA
KKrORMATIOX
tir, chacune
de
ses
impressions
1
aljsorbe
lout
en-
tier;
il
ne
petit les
juger,
parce
qu'il
ne
s'en
dis-
tingue
pas;
il n'existe
ix)ur
lui
ni
vrit,
ni erreur,
mais seulement de
la
douleur
et
du
plaisir. La
i-ai
son, le
droit, la
vertu,
l'honneur,
voil
des ob-
jets
que
rien ne
reprsente dans
la sensibilit
animale:
et
quant aux objets
qui impression-
nent
les
sens,
quelle
dilrence entre celte
em-
preinte d'eux-mmes,
qu'ils dposent
dans les
organes,
et
la
vritable connaissance
des
propri-
ts
et
des
lois
de
la
nature
L'animal qu'aieclenl
les impressions
de
la
lumire, du
son,
de
l'lectri-
cit, de
la
chaleur,
souponne-t-il
les
thories
phy-
siques
par
lesquelles
on s'efforce
de
substituer
la
pure sensation la reprsenlalion intelligible
de ce
que sont en elles-mmes les
qualits
des corps?
Ainsi
la
pense a
ses
objets
et
son domaine
part.
Ces
objets intelligibles,
que les sens
ne
sauraient
atteindre, ce sont
les ides,
fondement
ncessaire
et
unique
de nos
connaissances
de lout ordre.
La
sensation
a sa place
dans
l'conomie
de la
science
humaine
;
mais quels
que
soient
les secours
que
rintelligence
en tire pour le langage
et
pour
l'tude
de
l'univers, la
sensation
en
elle-mme,
soit
affec-
tive,
soit
reprsentative,
n'est
point
un
degr,
aussi
infime
que l'on
veuille,
de
la
pense;
elle
n'eu
est
ni
le
commencement,
ni
l'bauche.
Elle
peut
servir
exciter
certaines
ides,
toutes,
si
l'on veut :
elle
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
30/484
DE
LA
1>HILOSOPHIK
XX.V
ne
coulribueeii
former
aucune.
C'est
l
une
tlifl-
rence
de
nature.
Au-dessus
de
l'animal,
et
plus
souvent
opprim
que
servi
par
lui,
s'lve
dans
riiomme
l'tre
spirituel.
Que
l'honmie
donc
sorte
des sens,
qu'il s'arrache
leurs
illusions,
s'il
veut
s'accoutumer la
lumire des ides
et
sonder
ces
profondeurs
de
science que
chacun
porte
en
soi.
11 faut considrer
ensuite
que les ides
sont
quel-
que chose
de
stable
et
de
permanent
dans
l'esprit.
Je
mdite sur
un
sujet dtermin
;
je
puis
le
quit-
ter
et le
reprendre mille
fois
:
j'aurai
accompli
mille
actes de
perception ou
de
connaissance,
mais
une
seule
et
mme
ide aura toujours
t
le centre
de
mes
penses.
Voil
ce
qui
demeure
lixe au
fond
de
l'intelligence,
et ce qu'elle
emploie
son
gr
autant
de
fois
qu'elle
veut.
L'ide
en soi est donc
distincte
de
la
perception
actuelle
et
de toutes les
connaissances
que
l'on
en
peut
former. Les percep
tions
passent,
les
connaissances
se
succdent
:
l'i-
de
ne connat ni destruction
ni
changement.
Qu'elle
soit actuellement perue et en usage,
ou
qu'elle
se
conserve,
dans les profondeurs de 1 me, comme
l'tat latent,
sa
nature
n'en est
point altre
Croire
que les
ides
n'existent
qu'au
moment
o
elles
se
montienl,
c'est
rduire
la
pense
des
con-
ceptions
fugitives,
c'est
la faire variable, inteiniit-
lente
comme celles-ci,
rendre
toute
mmoire im-
possible,
et
briser
la continuit
de
la
vie
intellec-
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
31/484
XXVI
LA
RKIORMATION
tuellc.
Tel
esl
l'excs o
lombe
l'cole
cossaise
avec
tous
les
conceplualisles,
lorsqu'elle
dfiuil
l'ide,
Cacle
de
l'esprit
qui
connat
(1).
Un acle de
connaissance
estiemplac
par
un
aulre
:
que
reste
t-il
du
premier?
rien,
si
vous
n'admettez
pas,
sous
l'acte
qui
parat
et
disparat,
l'ide
qui demeure
et
qui gardera
la
trace de
l'acte
lui-mme. Selon
qu'elle
est
perue
avec
plus
ou
moins
d'nergie,
une
mme
ide
apparatra
tantt
claire et distincte,
tantt
obscure
et
confuse.
Rien de
plus
facile
que
de se
rendre
compte de
ces
dilrenls
caractres,
des
ides,
si l'on
voit en
elles un
fond
rel
et
tou-
jours
subsistant,
(|ue
l'esprit,
suivant
ses
efforts
et
ses
dispositions,
embrasse
plus
ou
moins
par-
faitement
.
Mais
je
le
demande
:
si l'on confond
l'ide
avec
la
perception,
ne
devient-il pas
absurde
de
diie
encore
qu'une
mme ide, c'est--diie
alors une
mme perception,
pourra
tre
tour
tour
claire
et
obscure?
Qu'y
a-t-il
de
commun
entre
deux
ac-
tes,
deux perceptions,
dont
l'une est
obscure
et
lautre
claire?
Comment
donc
et
sous
quel lapporl
seraient-elles
une
seule el
mme perception?
La
logique
vulgaiie est pleine
d'erreurs
ou
de
vaines
subtilits
qui
ont leiu' cause
dans
cette
confusion
de
deux
cboses
si
essentielles
ii
distinguer.
Ce
(|u'elle
enseigne
du
rapport
entre
l'extension el
la
(I)
Fragiii.
ili'
M Kovi-i-Collaid. ilns
les
OEuv.
de
lieid.
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
32/484
DK
LA
PHILOSOPHIE.
XXVII
coiiiprhensiou
des
ides peut lre
ci
l pour
exemple.
Observons,
en
passant,
que
dans
l'usage
le mot
ide
dsigne
galement
l'ide
en soi
et
la
perception,
et
qu'au
lieu
de
ce
terme qui
sufft
seul, les
auteurs
mettent quelquefois
ide gn-
rale, ide
intellectuelle, et
mme
ide abstraite;
cette
dernire
expression,
nanmoins, est
viter
dans
ce
sens,
h
cause
de
Tabus
qu'en ont
lait
les
mots,
sensualistes.
Mais, au reste,
peu
importent
les pourvu
que
l'on
saisisse bien la distinction
des
choses,
et qu'on
l'exprime
clairement quand
les
questions
rexigenl.
Survivant aux
penses
particulires qu'elles
contribuent
former , les
ides
sont
les
matriaux
primitifs
et les
lments
indestructibles
de
nos
di-
verses
connaissances
;
elles se
retrouvent
partout
et
sous
toutes
les formes. On
pourrait
les
comparer
au2f
lettres
de
l'alphabet.
Avec un
petit
nombre
de
caractres,
on
a
le
moyen
d'exprimer
les
mots,
les
phrases,
les discours,
et d'entasser
volumes
sur
volumes. Les combinaisons
effectues de
ces
ca-
ractres,
aussi
nombreusesqu'on
les
suppose, nem-
pchenl
point
l'existence
de
combinaisons
nouvel-
les.
Ainsi,
avec une bien
autre
plnitude,
les ides
portent
en
elles-mmes
des
connaissances
infinies.
Toutes
les
ides
se
tiennent,
se
mlent,
se sup-
posent
mutuellement.
Nulle
n'existe sans
les
autres.
Toutes
se
voient en
chacune.
L'ide
d'unit,
par
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
33/484
XWill
LA
Ui:i'0UMAT10>
'xeniple,
existe
l-clle
sans liJe de
pluralil?
M
y
a-l-il
pas
un
rapport
essentiel
de
l'une
l'autre?
Que
d'ides
secondaires
se
rattachent
celles-l
et
toutes ensemble
ne
tiennent-elles pas la
grande
ide
de
l'tre?
C'est
un
tout
indivisible.
Chaque
ide
peut
tre
plus
ou
moins
appioCondie,
et il
y
en
a
toujours, dans un
moment donn, un grand
nombie
qui
ne
sont
pas distinctement
aperues,
et
qui
sub-
sistent,
comme
nous
l'avons dit.
dans
une
sorte
d'tat
latent.
Mais
veut-on
la
preuve (prau
fond
toutes les
ides sont
incessanmierU
prsentes
l'es-
prit,
et que
la
pense toute entire
entre
dans cha-
cun
de
ses
actes?
Que
l'on
considre
le
jugement
le
plus
simple:
l'on
y
trouvera
ncessairement
li-
de
gnrale
de
l'tre,
et
celle
du rapport
de Tlre
aux
qualits
ou manires
d'tre,
c'est--dire,
en
germe,
toutes
les ides
et
tous
les
raj)porls
possi
bls
Kst-ilune
seule
connaissance,
une seule
op-
ration
inlellecluelle,
(pii
se
puisse
concevoii ,
si
Ton
ne
suppose l'exislence
de
ces
ides
l'ondauien-
lales
qui
impliquent
toutes
les
autres? Otez
un
tre pensant
les
ides, la
raison
s'en va,
la
vo-
lont
est dracine
avec
elle,
et
l'tre tout
entier
s'an('anlit.
Les
ides
sont
donc
des
pro[>rits
es-
sentielles
de
l'esprit
;
et
le
caractre
des
proprits
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
34/484
Ii;
I.A
l'HII.OSOIMIIK.
\XI\
peiiieul.
ce qui
cliang*',
et'
qui
peut
lre
aequis
ou perdu,
eo
ne
sont
pas
ls
id
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
35/484
\\\
LA
UKK)MAII().\
chacune
de
ses
qualils
esl
ide, piiiK
ipe
de
con-
naissance.
L'lre
el
l'ide
de
llre,
l'activit et
l'ided'activit,
le
nombreel
l'ide
de nombre,
etc.,
c'est
tout
un
dans
l'esprit.
Si
par impossible
une
pierre
pensait,
la
pesanteur
en
elle
deviendrait
pa-
reillement
ide de
pesanteur.
Mais
le
caractre
des
lres
physiques,
minraux,
vgtaux
et
animaux,
c'est
justement
que
leurs
proprits ne sont
pas
susceptibles
d'tre
acconjpagnes de
force
r-
flexive.
Non-seulement,
h
l'aide
de
ses
ides ou
pro-
prits,
un
tre
inielligenl
se
pense
lui-mme,
il
peut
encore
,
selon
les
divers degrs
o
il les
per-
oit,
connatre et se
reprsenter par
elles
une
in-
finit
de
choses
diffrentes
de
soi.
Par
exemple,
l'activit
spirituelle ou
l'ide
d'activit
sert
pour
comprendre et
valuer
tous
les
genres d'activit
que
dploient
autour
de nous
les tres de
la
na-
ture. L'esprit
se
porte partout
avec
lui-mme, et
c'est toujours sa substance
propre
qui fait le
fond
de
ses
connaissances.
Comment,
en
effet,
aurions-
nous des
connaissances,
quel
litre seraient-elles
ntres,
si
notre
tre
n'y entrait
en
quelque ma-
nire?
Chaque
pense
que
je
fornie,
c'est moi,
et
non
pas
un
tre
quelconque
que je
l'attribue.
Mais que
peut-il
y
avoir
de
moi dans chaque pen-
se,
si
tout
tre
intelligent
n'a
pas des
ides
en
propre,
si
la raison
n'est pas individuelle
et per-
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
36/484
1)K
LA
l'ilILUSOPiliK.
XXXI
sonnolle
chacun?
Oui,
nous
avons
des
ides,
une
raison
nous,
et c'est
|)ourquoi
nous
nous
sentons
prsents
dans
toutes nos
penses,
quels
que
soient
les
objets particuliers
qu'elles
embrassent.
Mais
suffit-il h
la
science
qu'il
y
ait
des
ides en
nous?
Dans les
connaissances
de
l'homme,
ct
de
ce
qu'il
lire
de son propre
fonds,
n'aperoit-on
rien
qui
vienne
d'une source
plus
leve?
Ici
se
dcou-
vre
une
nouvelle
et plus vaste
lumire.
Je
suis,
mais quelle
sorte
d'tre
trouv-je
en
moi?
un
tre
contingent,
n
d'hier,
limit,
impar-
fait.
Et cependant
puis-je
m'
arrter
l'ide
de
l'tre,
sans
apercevoir
la
ncessit,
l'immensit,
l'ternit
de
l'tre?
La
pense
ne
se repose
que
dans
cette
contemplation
:
c'est
l
son
tat naturel.
I^*
esprit,
jusque dans
ses
erreurs,
n'est mu
que
par
lattrait
de
la
vrit;
or,
toute vrit,
comme
telle^
est absolue etinnnuable.
Quelque
sujet
qu'on
approfondisse, l'essor
de la
mditation nous ravit
nous-mmes.
Cette
pense,
qui
prend
son
point
d'appui
dans une nature
faible
et
dbile,
voit bien-
tt s'taler
ses
regards
la
substance
dans sa
pl-
nitude,
avec une intelligence
infinie,
une activit
manifeste tout
entire,
et qui,
se
maintenant
tou-
jours
dans
la
mme
perfection,
est l'ordre et
la
beaut
inaltrable;
ternel
fondement
de
toutes
les
vrits,
puissance souveraine, raison,
principe
et
fin
des
tres, cause antrieure
et
suprieure
h
-
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xwii
LA
kkfohmaho.n
loulc
aiilro.
Piiis-je
me
rcconnalro
encore
dans
(es
incomparables
aUril)iils?Nc
faul
il
pas
que je
sois
sorti
de
moi-mme
pour
aller
contempler une
autre
nature
que
moi
,
ou
i>lutt
ne
faut-il
pas
que
cette
nature,
en
influant
sur
la
mienne, attire
incessam-
ment
vers
elle
mon
regard
intrieur?
Ne
seiait-il
pas
absurde
de
dire
que
la
pense
est
sans
ob-
jet,
alors
qu'elle
clate
dans
sa
force et
dans
sa
splendeur?
Si
je
suis
attentif,
je les retrouverai
tlans
toutes
mes
connaissances,
ces
lments in-
telligibles
d'un
autre
ordre,
ces
ides plus vastes
et
plus
pleinement
reprsentatives,
qui se
mlent
aux
miennes,
qui les
pntrent
et
les
enveloppent
de
toutes
parts
Elles
ne peuvent
tre
des
pro-
prits
de
mon
esprit, encore
moins
appartenir
la nature
physique;
ncessairement, elles
sont les
proprits
d'un
esprit absolu
comme
elles, d'un
esprit
souverainement
parfait
ou
de
Dieu.
Ainsi,
chacune
de
nos ides
a sa
correspondante
en Dieu et nous
rattache
lui; c'est--dire qu'il
existe deux
sources
d'ides,
lune en
nous
et l'au-
tre
en
Dieu, et que
les ides
qui
nous appartiennent
dpendent
immdiatement
de
celles
qui appar-
tiennent h Dieu.
La
substance
intelligible
divine
soutient et
fortifie
la
ntre.
Dieu
pense
avec
nous,
et
il
a mme
plus
de pat que
nous dans chacune
de nos
penses.
Entre notre raison
et la
sienne
la
comnmnication est directe
el
de
tous
les
instants.
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
38/484
DR LA PHILOSOPHIK.
XXXI II
Les ides
divines,
modle
incr
des
ntres,
sont
la
vrilable el
dernire mesure
de
toutes
choses;
il faut aller jusqu' elles pour
rencontrer
une
cer-
titude
inbranlable. Dieu
est
le
centre
commun
des intelligences.
C'est
en
lui
que nous
venons
coniempler
notre tour
les
vrits
ternelles
dont
se nourrit,
sans
les
diminuer,
chaque
gnration
qui
passe.
Unie
la
raison
divine,
son
principe
et sa
rgle
,
notre
raison
,
sans
cesser
de
nous
tre
personnelle,
acquiert
une
irrcusable
au-
torit.
11
ne
faut
pas
voir
dans ce
rapport
de l'me
avec
Dieu
quelque
chose
de
surnaturel
et
de mystique
C'est
une
condition essentielle
de
la
pense
:
que
Dieu
se
retirt
entirement
d'un
esprit,
de
fait il
l'anantirait.
Mais si
l'alliance ne
peut jamais
tre
tout
fait rompue,
elle
est plus ou moins iioile,
suivant
le
bon
ou le
mauvais usage
que
font
de
leur
libert les
cratures
intelligentes.
A
me-
sure
qu'elles s'loignent
de
la
source
de
lumire,
leur
raison s'obscurcii,
el meurt
la
vie
de
la
vrit.
Voil cette
union avec
Dieu,
dont
la
plnitude
fit
la
grandeur
et
la flicit
de
l'homme
dans
Ttai
primitif,
qui,
affaiblie
par la chute,
quoique non
entirement
brise, le laissa
pauvre
ef
dnu,
que
le
Christ
CvSt venu
rtablir, que
le
rgime
violent
de
la thocratie, au
Moyen
Age,
resserra
pour
l'in-
I.
c
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
39/484
\XXIV
LV
HliFORMATIO.V
(livklu,
iJt
natre
puiir
les
peuples,
el
qui.
enfin
renoue
et
affermie
jamais,
doit
rpandre de plus
en
plus
sur
le
monde
la
science,
la
vertu, les
ri-
chesses
et
la
libert.
L'homme
qui a
su
descendre
profondment
en
lui-mme,
nest
pas
moins
certain de
l'existence
de
Dieu
que
de
sa
propre
existence.
Se
connatre
et
connatre
Dieu,
fun
implique
l'autre,
lun
est
impossible
sans
lautre,
el
tous
les
deux forment
la
philosophie
vritable. On
voit
qu'elle
est tout
entire
dans
la
comiaissance
de
la
iialme
el
de
l'origine
des
ides.
Tous
les
faux
systmes de
ra
taphvsique
ont
pour
cause
une
erreur
sur
ce poinl
capital.
En
effet,
placez
les ides exclusivement
en Dieu,
la science et
la raison nous
deviennent
trangres;
les
esprits
particuliers, ne
conservant
rien
de
substantiel,
ne
&ont plus
que
des moditica-
(ions
de
l'esprit
absolu,
et l'on, est
entran
au
panthisme.
Concentrez
les
ides
en nous
seuls,
et
moins de
les
affaiblir,
de
les
dnaturer,
de
les
rduire des
formes
vides,
strile
ressource
des
pripatliciens,
vous
serez
pousss cet
extrme
de
proclamer
le moi Dieu
,
ce qui
ramne
le
pan-
thisme
par
un
autre dtour.
Descendrez-vous
jus-
qu'
faire
venir les
ides
du dehors
par
les
sens,
vous
voil
condamns
matrialiser
l'me,
quand
mme,
par
un
raffinement
de
sensualisme
qu'on
a
invent
de
nos
jours,
vous chercheriez
ennoblir
-
7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I
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l)K 1 A
IMULOSOIMUK.
XXXV
celle
origine
en
y
mlant
Taciion
sociale
el
l'in-
Jliience du
langage. Paiierai-je
des
consquences
morales,
politiques el
religieuses,
qui
dcoulent
de
ces
trois manires exclusives d'envisager
les
ides?
Elles sont
connues,
elles trahissent
et
d-
noncent
Terreur des principes.
On ne saurait
les
viter que
dans
la
philosophie
des
ides, dont le
principe, quoique unique,
renferme
la
fois
Tin-
nit,
la vision
en
Dieu, el
l'influence
secondaire
de
la
nature
et
de la
socit
;
c'est la
seule
qui
soit
en
harmonie
avec les
besoins
et
les
esprances
du
genre
humain.
Je
suppose
un
lableau
capable
de
reprsenter,
en
aussi peu d'espace que l'on voudra,
l'aide
de
cer-
tains traits permanents
qui
se
combinent,
se res-
serrent
et
s'tendent selon les
occasions,
tous
les
tres, toutes
les
figures, tous les
vnements.
Voil,
direz-vous,
un
merveilleux
lableau.
Ce n'est
pas
tout
encore.
Animons
ce
lableau,
donnons-lui
la
puissance
de
rflchir.
En
se considrant,
il
verra
qu'il
reprsente toutes
choses,
et
que
celle
repr-
sentation universelle,
c'est
lui-mme.
Pour
coii-
nalre les
objets,
il n'aura
qu' se
regarder;
seu-
lement
il
ne
serait
point
port
le
faire
et
considrer
la
partie
de
lui-mme
qui
correspond
aux
diffrents objets, si
ceux-ci
n'exeraient
sur
lui
quelque
influence. En
gnral
ce n'est que
dans
un
certain tat
el
en
l'absence
de
tout ob-
-
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XXXVI
LA
RFORMATIO.V
slacle
extrieur, qu'il
jouit coiiipliinient
tic
f.i
puissance
de se
contempler
soi-mme.
Mais aussi,
lorsqu'il
l'exerce
dans
sa
plnitude
et
en
toute
libert,
il reconnat avec
admiration
qu'il
n'existe
et
ne
jouit
de
la lumire que par
l' influence f-
conde
d'un
soleil toujours
visil)le,
dont
les
rayons,
-ds
le
principe
,
ont
grav
en
lui
tout
ce
qu'il
est,
et
continuent
d'entretenir
et
d'aviver
l'em-
preinte
primitive. Ce
qui est
ainsi grav
par
les
rayons
du
soleil,
c'est limage
du
soleil
lui-mme,
type
et
original suprme
oi
subsiste ternelle-
ment
vivant
ce
qui
n'est qu'en peinture
dans le
reste
des
tres.
Aussi
le
tableau n'a
qu'
porter
ses
regards
A'ers
le
centre
lumineux dont l'clat
l'envi-
ronne,
pour
tre
assur qu'il
reprsente
des choses
relles,
et
non pas
de
vaines ond^res.
Ajoutons
que
l'astre
crateui'
claire
la fois
une infinit
de
tal)leaux
pensants. Ajoutons,
si
l'on
veut,
que,
parmi
ces
tableaux,
les
uns
aperoivent
distinc-
tement
ce
qui les
claire,
les autres
sont
tellement
occups
se
regarder,
ou
regarder
au-dessous
d'eux,
qu'ils
ne
voient
pas d'o
leur
vient
la
lu-
mire,
quelquefois
mme s'imaginent
follement
que
le soleil
n'existe
pas. Comprenons
donc,
images
Tvantes
d'un
Dieu,
la dignit
de la
pense.
Re-
connaissons dans notre
esprit
un reflet
pale,
mais
rel, de
la
lumire
incre,
et
attachons
nous
contempler
d'aussi
prs
que possible
le
vrai
so-
-
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Di:
LA PHILOSOPHIE.
XXXVIl
IimI
des
intelligences,
qui
illumine
tout
homme
ve-
nanl
en
ce
monde.
Quand on iudie les ides en
elles-mmes,
qu'on
les voit en
Dieu
comme
dans
leur
source
pre-
mire,
et
en
nous
comme
dans
leur
source
se-
conde,
on
a
une
science
de
ralits,
c'est
la
mtaphysique.
Hors
de
l,
on
se
perd
dans
les
mots, les
subtilits,
les
chimres,
dans
la
logique,
l'ontologie, tout
ce
qui
est propre h
dcrier
la
phi-
losophie auprs
des
hommes
de
sens,
qui n'en
con
naissent
que
ces
contrefaons
scolastiques.
La lo-
gique,
uvre
du
gnie
formuliste
d'Arislole,
se
Halte
d'tudier
les
lois
de
la
pense,
abstraction
laite du
sujet
qui
pense
et
des
objets
penss.
C'est
oe
qu'on
appelle
en
Allemagne,
de la
logique
pure
ou
formelle.
J'aimerais
autant
tudier
un
pays, ab-
straction
faite
du sol,
du
climat
et
des
habitants.
A
ct
de
la
logique,
florissait
l'ontologie,
que dis-je?
llorissail;
l'une
et l'autre
ne
sont
encore
aujour-
d'hui que
trop
florissantes.
L'ontologie
tudie
les
lies
et
leurs propiits
gnrales en
elles-mmes,
et non
pas dans
les ides
qui
sont les premires
ralits
et
la
raison
de toutes les autres.
Encore
une
fois,
ces
creuses et
bizarres
conceptions
sont
la
ruine
de
la
[)hilosophie.
Puisque
les ides constituent
l'esprit,
et qu'il
nous est donn
de les
pntrer
par
une
forte r-
flexion,
on
peut
arriver
i)ar
elles
jusqu
au
fond
de
-
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43/484
XX.XVIII
LA RFOLMATIO.V
l'esprit,
jusqu'
la
substance,
et
la
vue
de
ce
que
sont
les
choses
en
elles-mmes
prparera
notre
pense
s'arrter
sur
l'infini.
La
thorie
de
la substance
et
celle
de
l'infini
ont
t
traites
par
l'auteur
dans
deux opuscules
part,
qui se
trouvent
imprims
la suite
du Cartsia-
nisme;
ce
sont
des
morceaux
crits,
non
pour
tre
lus,
mais
pour
tre
mdits. Je
me borne
ici
quelques
points
essentiels;
on
verra
qu'ils
sont
indispensables
pour
complter
la
thorie
des
ides,
qui cache son
vritable fondement
dans
ce^
profondeurs
mtaphysiques.
Parmi
nos
ides,
les
unes
reprsentent
ce
qui
suppose
l'inertie,
la
divisibilit,
ce
qui
peut
s'va-
luer en nombre,
comme
la
longueur,
la
distance,
la
dure
;
les autres
reprsentent ce
qui
suppose
l'nergie,
l'indivisibilit,
ce
qui
n'admet que
des
diffrences d'intensit
,
et
ne
saurait
s'valuer
en nombre,
comme
le
plaisir,
la beaut, le
droit,
la vrit, la
sant.
On
peut, avec Malebranche.
appeler les premires,
ides
de
grandeur,
et
les
se-
condes,
ides de perfection.
videmment
cette
di-
vision
comprend toutes
les
ides.
Or,
c'est l
une
diffrence
essentielle
qui
ne tient
pas des
combi
-
naisons
logiques,
mais
la nature
des
choses.
Il
est
impossible
de rattacher
une
racine
commune les
ides
de
grandeur
et les
ides
de
perfection. Coni-
menl
concevoir,
en
effet,
que
l'me
pt