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8/18/2019 Berque Jacques, Dépossession Du Monde Elbaki Hermassi Jacques Berque (1)
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Tiers-Monde
Jacques Berque, Dépossession du monde Elbaki Hermassi
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Hermassi Elbaki. Jacques Berque, Dépossession du monde . In: Tiers-Monde, tome 6, n°21, 1965. pp. 277-279.
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NOTES BIBLIOGRAPHIQUES
des
facteurs
matériels de
localisation.
L insuffisance des « critères traditionnels »
de
localisation
est mise en
évidence
(réserves de
population active, ressources
de
matières premières,
voies
de
communication
adéquates).
Les
décisions
de
localisation sont
en effet
influencées par bien d autres considérations.
Cet
effort
pour montrer le
caractère
partiel de
ces facteurs
ne
doit
cependant pas
faire
oublier
deux choses. D abord que
ces facteurs
exercent
effectivement
une
action
dont
l importance peut être déterminante (comme
il est
dit, p. 23)
ou très réduite.
Ensuite
que la compensation d avantages absents d une région,
par l importation ou par
tout
autre moyen
comporte
en général un coût.
La
lecture des
pages
21
à
25 montre comment la
notion de situation vient
à
l emporter de plus en plus
sur
la notion de
site.
Il reste qu aux yeux de
l auteur,
l ensemble des caractéristiques d un
lieu
(le
site)
garde son importance dans
le
processus
de
croissance
car
«
l expansion
de certains
espaces
peut
être
liée
à des
structures
naturelles qui
orientent
leur vocation.
En
l espèce,
il
convient
de valoriser les
atouts
propres à
la région ».
Pour les pays de développement,
il est
très important d utiliser d abord les virtualités locales. De plus, des
données géographiques
conditionnent les
flux
et les concentrations
d activités,
comme
les
voies
de
transport,
les
moyens de
communication à
l intérieur
des agglomérations
ou vers l extérieur, la
disponibilité
de terrains
industriels
ou
à bâtir, d eau, de combustible, de services publics.
En résumé,
chacun de
ces
trois ouvrages
consacre
quelques
développements
aux relations de
la croissance
régionale avec
l espace qu elle
affecte.
Mais
ne
serait-il
pas
souhaitable
de
voir ce problème
traité
d une
manière
plus synthétique
et
moins dispersée?
Jacques
Berque, Dépossession
du
monde,
Paris,
1964, Editions du Seuil, 215 p.
(I,
D).
Dépossession du monde semble être
à
la
fois
le
couronnement
d une œuvre
jalonnée par les « Arabes d hier
à
demain
»,
le « Maghreb entre deux guerres »,
mais aussi
la
maîtrise d une intuition nouvelle
ou
si l on veut une tentative de
relier
en
profondeur
les problèmes de
la
décolonisation aux grands problèmes
de
notre temps.
De l analyse de l émancipation
et
de
la
conquête de
l identité,
nous sommes conduits
à
des
niveaux
où
se
joue
à
la
fois le
destin
de
l ancien
colonisé
et
de l ancien
dominateur.
Pour la première
fois
en effet depuis Lénine
et
quoique dans un esprit
différent,
une recherche fondée sur le goût de la totalité
et
l analyse des «
degrés
de signification » s applique
à
définir l essence de l impérialisme; le ton
est
mis sur la « déperdition
»,
sur la conception d une plus-value qui n est pas
seulement économique ou politique, mais «
plus
gravement
anthropologique ».
Pour décrire ce processus, l auteur prend
son
point de départ
dans
l expérience
islamo-méditerranéenne,
mais
И
finit
par
étendre son
analyse
à d autres peuples...
Les Arabes ont vécu
la
situation coloniale comme une
« injure essentielle » et
ont à
ce sujet
émis « les cris
et
les gestes les plus poignants »...
Leur
violence,
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TIERS MONDE
leur langue solennelle, leur dignité de vieux classiques, leurs
affinités gréco-
latines font
d eux
les
héros
les plus scéniques de la décolonisation.
Mais
leur
être
traditionnel
est
si
profondément
marqué
que
la mutation
les
fait
passer d une société
«
sacrale
»
à une société
«
historique
».
On sait
déjà les
divergences
qui ont opposé
à
ce sujet M.
Jacques
Berque
à
Louis
Massignon... Mais pour si
profondes
que soient les vues du «
Cheikh
admirable »,
elles portent en
fait
davantage
sur
l être traditionnel que
sur cette
société
renaissant
à l histoire, en
quête
violente de modernité
et
dont l auteur
traduit si bien l évolution.
En
restituant
à
cette
société
la dimension temporelle, en mettan en relief
son
historicité, Dépossession
du
monde
nous
semble décoller de façon radicale
par rapport
à
l orientalisme traditionnel.
La colonisation est définie comme dissociation de la liaison, propre
à
une
société, entre une nature et une culture. C est un « désaxement général
à
toutes
les
catégories
de
la vie
locale.
La
religion
devient
superstition,
le droit
coutume,l art
folklore ». « Délogé de sa culture,
le colonisé
ne l est pas moins de sa
nature. » L éviction terrienne consiste
pour
l étranger «
à
occuper l intégralité
du terrain en rompant les attaches écologiques de la vie traditionnelle ».
De là
le
déracinement (i).
Ces
troubles rappellent les
ruptures que l économie
industrielle
a déjà
infligées aux
vieilles sociétés
rurales, partout
dans le monde. La
levée
du
monde
colonial
selon
M. Berque est l analogue du
soulèvement
prolétarien
du xixe siècle. Le
recours
libre et quelque peu libertaire aux
données
de
l histoire,
de la
linguistique,
la
forme d un écrit
ou Г «
utopie coudoie l analyse
et la narration
», voilà
qui
peut dérouter
certains
lecteurs, mais l auteur ne
repousse pas
l idée que l écrit soit
qualifié
de «
baroque
».
Notre
époque
n est-elle pas
celle
des
«
ruptures de style
et
des discordances de niveaux
» ?
Ce
serait
par
contre
trahir
l intention
et
l esprit
du
livre
que
de
l interpréter
comme une approche du sous-développement. Si
ce
livre peut être considéré
comme un
événement,
c est précisément parce
qu il constitue la
première
approche d une sociologie de
la
décolonisation. Mais dire
cela, ce
n est pas
pour autant faire une interprétation achevée,
car
le processus de la
décolonis tion est saisi
lui-même comme l histoire par excellence
de notre
Temps.
C est la même histoire « qui
a
fait les nations occidentales, répandu les empires,
émancipé les jeunes nations », en procédant chaque fois «
à
une razzia sur les
significances »,
et en infligeant
une réduction
« au
flux de l humain ».
C est
pourquoi l auteur semble montrer que
la
décolonisation procède
fond ment lement
d une émancipation de
la Terre, c est
une
réappropriation
de l homme
à sa géographie, l homme se
retrempant
aux sources de
la
nature
retrouvée et
voilà
pourquoi
«
la
réforme agraire,
soubassement
terrien
de
cette
histoire
nouvelle, en
est
aussi le lyrisme de
même
que l industrialisation en serait
l épopée ».
C est parce que des
déperditions
de même
type
ont été infligées à la fois
au
monde
colonial
et au
prolétariat européen
quand il
était « masse souffrante
et nocturne », c est
parce
que la civilisation
technicienne
a
partout
atteint
et
mutilé l homme en
détruisant
son entourage, que
l ouvrage nous propose
finalement les termes d une
problématique
planétaire.
Ce type d analyse
a
quelque parenté avec la manière dont Rousseau remonte
(i)
Le Maghreb
d hier
à
demain, Cahiers Inter.
Sodo/., XXXVII,
juillet-décembre
1964.
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NOTES BIBLIOGRAPHIQUES
de l homme social
à
l homme naturel, mais ce retour
n a
rien de métaphysique,
car
l auteur ne perd jamais de
vue la
référence aux réalités vivantes.
Pour
Jacques
Berque
notre
époque
est à
la
recherche
du
fondamental;
par
le
recours
à
des bases,
aux
Uçûl,
elle
tente de se ressaisir
pour fonder
un nouvel
humanisme.
Ce n est pas un hasard si la lecture de cet ouvrage si subtil
a
donné à
beaucoup l occasion de réfléchir et
aussi,
il
faut le dire, de se reconnaître.
Elbaki Hermassi.
Nguyen Huu Chau, Structures,
institutions
et développement
économique
dans les
pays sous-développés, L.G.D.J.,
1964, 287 p. in-40, préface
de
M.
G. Leduc,
professeur
à
la Faculté de Droit et des Sciences économiques de Paris
(I, A,
г).
Le sous-développement
n est pas seulement
une réalité
qu il est convenu
de qualifier de concrète. Il
est
aussi, pour son
malheur supplémentaire,
une
mode intellectuelle
qui
ne disparaîtra
pas
de sitôt :
et il
faut savoir gré à
Nguyen Huu Chau, aujourd hui
professeur
agrégé de sciences économiques,
d avoir, dans cette thèse de doctorat soutenue en
1961
devant
la
Faculté de
Droit de
Paris, refusé la
tentation facile de proposer, après
tant
d autres, sa
théorie
générale
du
sous-développement. Bien
mieux
encore : d avoir
choisi
la
voie
difficile de
l assimilation
de
l énorme
littérature du
sous-développement
pour en proposer une mise
en ordre,
laquelle s avère
beaucoup
plus utile
et
efficace pour la compréhension et la connaissance des
problèmes
du sous-
développement que
tel ou
tel de
ces
essais théoriques
qui
viennent encombrer
les
rayons des bibliothèques.
Il
faut souhaiter que, périodiquement, d autres
économistes
(et
ce devra demain
être
le
tour des
sociologues),
aient le
même
courage intellectuel que l auteur de
ce
livre. Ainsi
celui-ci apparaît-il
non
seulement
comme un ouvrage de
référence,
précieux par
la richesse
de sa
documentation,
mais
aussi comme une sorte de manuel
qu on
voudrait
recommander
aux étudiants
quelque peu
avancés dans l apprentissage des
problèmes
du sous-développement
:
ils y
trouveront un modèle
de
méthode
critique et
un
exemple, trop rare
en
ce
domaine,
de mesure
dans le jugement
et de clarté
dans l exposition
de questions
souvent difficiles. Nguyen
Huu Chau
rend par
là
un
très bel
hommage à son
maître,
lui-même
auteur
d un cours
d économie
du
développement
qui
constitue le manuel de base le plus
remarquable dont on dispose sur
ces
problèmes (1).
Le livre de Nguyen
Huu Chau est
ordonné en trois parties
:
les
pays
sous-
développés
entre
les doctrines
ou
la
formation
de
la nation
selon
le
libéralisme
et
selon le marxisme; analyse du sous-développement;
la
problématique du
développement
et
la théorie
économique contemporaine.
Sous
chacune de
ces
trois
rubriques générales
sont
examinées
un grand nombre
de
questions
dont
beaucoup sont
cruciales
pour la théorie du développement
entendu
au
sens scientifique
du terme. On retiendra
en particulier
les
pages
où
Nguyen
Huu
Chau donne un exposé
résumé de la
pensée
de
Marx
sur « les
modes
de
production
asiatiques
» fondés
sur d idylliques
«
communes
»
à
la résonance
singulièrement actuelle (p. 81
et
suiv.); l analyse
critique
des schémas d expli-
(1) Pr Gaston Leduc,
Cours
d économie du
développement
(Les
cours de Droit, édit.).
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