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M. Gerhard Simson Les transformations du droit européen du divorce depuis dix ans In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 1 N°1-2, Janvier-mars 1949. pp. 23-38. Citer ce document / Cite this document : Simson Gerhard. Les transformations du droit européen du divorce depuis dix ans. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 1 N°1-2, Janvier-mars 1949. pp. 23-38. doi : 10.3406/ridc.1949.18832 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1949_num_1_1_18832

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Les transformations du droit européen du divorce depuis dix ans

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M. Gerhard Simson

Les transformations du droit européen du divorce depuis dix ansIn: Revue internationale de droit comparé. Vol. 1 N°1-2, Janvier-mars 1949. pp. 23-38.

Citer ce document / Cite this document :

Simson Gerhard. Les transformations du droit européen du divorce depuis dix ans. In: Revue internationale de droit comparé.Vol. 1 N°1-2, Janvier-mars 1949. pp. 23-38.

doi : 10.3406/ridc.1949.18832

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LES TRANSFORMATIONS DO DROIT EUROPÉEN

DU DIVORCE DEPUIS DIX ANS n

DOOTHUTH. QBRHARP SIMSON ConMiller gouverattMntal, Stockholm

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, dans nombre de pays européens, des changements radicaux sont intervenus dans le domaine du droit du divorce qui, bien qu'ils méritent une attention toute particulière, ne sont que trop peu connus hors des frontières de ces pays. Le but de ce rapport est de donner des renseignements sommaires sur ces changements. Et voici, comme préambule, les paroles dont s'est servi, dans l'introduction de son ouvrage, il y a dû) ans, l'auteur d'un des traités les plus éprouvés et les plus étendus sur le droit international de famille : «C'est une fatalité que les travaux de ce genre ne peuvent fournir aucune garantie sur ce que le droit étranger qu'ils nous présentent soit vraiment complet et qu'il ne devient pas suranné au cours du temps que demande l'impression. Mais, même en dépit de cet inconvénient, les travaux dudit genre doivent être considérés comme une nécessité ». ÇL).

C'est un fait connu que dans le domaine du droit international privé, c'est la matière du droit du mariage qui joue le rôle le plus important et qui oblige, le plus souvent, le juge à appliquer la loi étrangère. La vérité de ce fait est encore plus apparente pour notre époque, dans laquelle l'inquiétude et l'incertitude politiques ne font que constamment augmenter le nombre des émigrés et des réfugiés. En effet, il arrive très souvent que les tribunaux du pays ne sont pas

(*) Traduit de l'allemand par le DT Imte Zajtay. ehtrgé de recherches an Centre National de la Recherehe Scientifique.

(1) En ce qui concerne le droit de l'époque d'avant-guerre, la source la plus sûre en est l'ouvrage d'Alexandre Bergman, Internationales Bhe-una Ktndsthaftsrecht, en deux volumes, H* édition, Berlin, 1938-1940, qui contient le texte des lois. Le précis de Siegried Boachan, Europäisches Familienrecht, Berlin 493?, est facile à manier, mais pas entièrement éprouvé. Un ouvrage de grande valeur est le recueil de Leske-Lowenfeld : Das Ehereckt der europäischen Staaten und ihrer Kolonien, II* édition, Berlin 1937, qui contient aussi des indications bibliographiques sur les publications eu langues étrangères. Voy. aussi Herman Cohn : The foreign laws of marriage and divorce, Tel-Aviv, 1937« Sur l'époque d'après-guerre, la brochure asset sommaire de l'avocat suisse, Rudolf Moser, Das europäische Ehescheiduvgs-uné Shetrennungsrecht in srin*r neuesten Entwicklung. Zürich, 4948. Celui-ci contient des extrait« dès lois nouvelles, en langve française on allemande. • = ■

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24"tBS TRANIfÔRMATIONi DU »»OIT IUROPÉBN BO

compétents en matière de dissolution des mariages contractés à l'étranger, mais qu'il devient quand même inévitable de renseigner les étrangers sur les possibilités d'obtenir la dissolution de leur mariage dans leur pays natal.

Aucun domaine du droit civil n'est susceptible de pénétrer, dans les rapports personnels de l'homme d'une façon aussi énergique que le droit du mariage et du divorce. Mais il faut reconnaître en même temps que c'est justement la matière de droit civil qui a le moins de stabilité et qui reflète le plus sensiblement les variations des considérations d'ordre moral, l'influence de la religion et l'évolution culturelle des peuples. Mais, avant tout, les changements de sa forme se produisent sous l'influence des événements politiques.

Il est curieux de constater que, très souvent, la transformation du droit du mariage figure parmi les premières actions d'un nouveau régime politique. Cela est vrai déjà pour l'histoire de France. L'institution du divorce a été introduite par la loi du 20 septembre 1792 de l'Assemblée Nationale. Sous une forme différente , elle a été consolidée par Napoléon, mais elle a été complètement écartée par Louis XVIII, en 1816, aussitôt après la Restauration. De pareilles conséquences des changements politiques se sont également produites à notre époque. En très peu de temps après l'occupation de la France, le Maréchal Pétain, en qualité de Chef de l'Etat Français, a rendu, en 1941, par voie législative, le divorce plus difficile. Mais déjà, le 12 avril 1945, au nom du Gouvernement provisoire de la République Française, le Général de Gaulle annulait la loi dé Pétain et promulguait de nouvelles dispositions.- Pourtant celles-ci ne constituent pas un retour complet au système de là Troisième République. . De pareils événements peuvent être signalés dans d'autres pays. Déjà, au cours de sa première année d'existence, la République Espagnole a adopté l'institution du divorce, qui fut complètement écartée immédiatement après la victoire de Franco. Après l'annexion de V Autriche, en 1938, l'une des premières mesures prises par Hitler a consisté en une transformation complète de l'ancien droit du mariage du pays. En conséquence des divergences de vues et des difficultés d'ordre politique qui se sont manifestés très peu de temps après l'occupation de V Allemagne par les Alliés, le Comité de contrôle interallié n'a pu promulguer qu'un nombre très restreint de lois. Mais comme les travaux relatifs au droit du mariage ont été entrepris de très bonne heure, il fut possible de promulguer déjà, au début de 1946, une nouvelle loi sur le mariage pour toutes les quatre zones d'occupation. En Hongrie, peu après la libération du pays, en 1945, de l'occupation allemande, un décret-loi a grandement facilité h divorce, et, en même temps, ou au cours de l'année suivante, la Bulgarie et la Yougoslavie ont sécularisé l'institution du divorce et écarté le droit du divorce purement ecclésiastique. De même, après sa libération, en 1945, la Grèce a adopté un nouveau droit du mariage, mais conformément à la structure politique du pays, cette innovation a été moins radicale que les réformes entreprises dans lea

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UM TRANSFORMATIONS DO DROIT lOROPÄW DU DIVORCE Î5

pays voisins. On a beaucoup commenté les transformations du droit russe du mariage ; en effet elles reflètent l'évolution du régime soviétique depuis la conception adoptée en décembre 1917 — quelques semaines après la Kévolution d'octobre — et selon laquelle la dissolution du mariage était considérée comme un acte privé, jusqu'au divorce de l'année 1944, dont la procédure est rendue difficile et, à l'instar des droits occidentaux, nécessite obligatoirement l'intervention des tribunaux.

Dans les pays à qui les bouleversements de la politique intérieure ont été épargnés, le droit du divorce n'a subi aucun changement sinon des changements d'importance minime. Cela est vrai tout d'abord pour les Etats nordiques. De même, en Angleterre, la réforme réalisée par le Matrimonial Causes Act de 1937 reste toujours en vigueur. Elle a été complétée, sur certains points, par le Matrimonial Causes (War Marriages) Act de 1944 qui contient aussi quelques nouvelles dispositions en matière de compétence. (1).

Trois pays européens, à savoir V Italie, V Espagne et V Irlande n'admettent pas du tout le divorce. Il en est de même, hors l'Europe,! entre autres pour V Argentine, le Brésil, le Chili, la Colombie et le Paraguay. Ces pays sont soùs le régime du canon 1118 du Codex juris canonici de 1917, en vertu duquel : « Un mariage valablement contracté {ratum et consummatum) ne peut être dissous par aucun fait humain et pour aucune raison, à l'exception de la mort. » (2).

En Italie, c'est l'article 149 du Codice civile de 1942 jgui est en vigueur : « II matrimonio non si scoglie ehe con la morte di uno dei oonjugi. » Cette disposition correspond au Concordat de Latran passé entre le Saint Siège et l'Italie le 11 février 1929. En vertu de l'article 84 du Concordat, l'invalidation d'un mariage religieux contracté par des sujets italiens de religion catholique ressortit à la compétence des autorités et tribunaux ecclésiastiques qui sont tenus d'appliquer le droit canon aussi bien au point de vue de la procédure que du droit matériel. Dans ce domaine, les tribunaux de l'Etat n'exercent qu'une activité restreinte : c'est la Cour d'Appel qui munit les jugements d'annulation et les dispenses (en cas de mariage» non-consommé) ecclésiastiques de V exequatur et décide aussi de leur enregistrement. (3). Par contre, les séparations (separazionï) ressor- tissent, aux termes des articles 150-158 du Codice civile à la compétence exclusive des tribunaux de l'Etat ; ils peuvent ordonner la séparation pour la durée d'une action en nullité dont le tribunal ecclésiastique est saisi.

Cette réglementation n'a pas subi de changement après l'écrou-

(1) Voy. First interim report of the committee on procedure in matrimonial causes, London, 4946.

(5) Contrairement à l'Espagne, le Portugal admet le divorce depuis quarante ans ; il est régi* par 1a décret du 3 novembre 1910 sur l'introduction du divorce (v. surtout les articles 4 et 35).

f8> Voy. la loi italienne du 27 mai 1929 sur l'application da Concordat passé entre le Saint Siège et l'Italie le 11 février 4929 (article 17 dans la partie concernant le mariage).

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96 IBS TRANSFORMATIONS DU DROIT BUR OPÄBN DU DIVORCE

lement du régime fasciste et l'abolition de la Monarchie. Au contraire, le Concordat de Latran est devenu, après de vives discussions et grâce aux voix des députés communistes, une partie de la nouvelle Constitution entrée en vigueur le 1* janvier 1948. Il faut retenir pourtant que le 24 avril 1947, au scrutin secret et avec 194 voix contre 191, la Constituante italienne a décidé que la Constitution ne devrait; pas disposer de l'indissolubilité du mariage (1). Au point de vue juridique, ce fait n'a pas d'importance, mais on peut en déduire l'existence de certains courants dans le peuple italien qui ne sont pas tout à fait d'accord avec la doctrine officielle sur l'indissolubilité du mariage.

En Espagne, le mariage civil obligatoire (2) et la très libérale loi républicaine du 2 mars 1932 qui a admis, parmi d'autres, le divorce par consentement des époux (art. 4) ne furent que d'une courte durée de six ans. Le général Franco a abrogé cette loi déjà en 1938, et a rétabli peu après, par une nouvelle loi du 23 septembre 1939, sous leur forme ancienne, les dispositions du Codigo civil du 24 juillet 1889 relatives à cette question. L'art. 104 est ainsi conçu : «c El divordo solo produce la suspension de la vida comun de los casados. » Ainsi, en Espagne, « divordo » ne signifie que la sépara-* tion (art. 105) qui, contrairement à la solution italienne, est prononcée par les tribunaux ecclésiastiques. En Espagne, la condamnation à cause d'adultère est récemment devenue un empêchement de mariage.

En Irlande, il avait existé autrefois la possibilité d'obtenir le divorce par voie d'acte du Parlement, mais cette procédure n'est plud appliquée (8).

Tandis que dans ces trois pays qui ne connaissent pas le divorce, on ne s'est pas écarté de la réglementation en vigueur et qu'en Espagne, on est retourné à une réglementation antérieure, il faut signaled toute inné série d'autres Etats, dans lesquels les changements politiques ont eu pour conséquence l'introduction ou la facilitation du divorce. .

En Allemagne, pendant quelque quarante années^ depuis le 1" janvier 1900, le divorce avait été régi par les dispositions du Bürgerliches Gesetzbuch (art. 1564 et suiv.). Avec le temps, ces dispositions se sont avérées trop étroites, ce qui a très souvent amené les époux à recourir à une cause de divorce fictive et à dissimuler la véritable. Tandis que, dans la pratique, les causes absolues ont été de plus en plus reléguées en arrière plan, on a eu de plus en plug recours à la seule cause relative (dissolution à cause de manquements graves aux devoirs conjugaux, art. 1568).

(i) Voy. Moser op. cit. p. 5. (1) Auparavant, le mariage civil a été obligatoire en Espagne pendant l'époque 4870-1875. (3) An Liechtenstein le divorce n'est pas admis pour les époux catholiques, II est possible

pour les époux appartenante toute autre confession,

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LBS TRANSFORMATIONS DU DROIT EUROPÉEN DU DIVORCE 27

Pendant les douze années de son existence, le régime national - socialiste a évité, dans la mesure la plus considérable, d'apporter des modifications au droit civil allemand et le Bürgerliches Gesetzbush est resté presque inctact, Pourtant, le droit du mariage en présente une exception. Il est également vrai, d'autre part, que — contrairement à d'autres expériences politiques de ce genre et, sans doute, tenant aussi compte de l'opinion des cercles ecclésiastiques d'Allemagne — ce fut seulement au bout de cinq ans que Hitler publia et exécuta la réforme matrimoniale préparée par ses experts juridiques. Ce ne fut, en effet, que lors de l'annexion de l'Autriche, en 1938, qu'il jugea venu le moment propice. L'Allemagne et l'Autriche avaient des systèmes tout

à' fait différents pour le droit du mariage et du divorce. Comme on avait prévu une unité politique et juridique des deux pays, il a été considéré comme justifié de' procéder à l'unification de leur respectif droit de famille. C'est ainsi que Hitler promulgua, le 6 juillet 1938, une loi nouvelle et unifiée pour l'entière « Grande Allemagne » (1). Il a profité de l'occasion pour insérer dans cette loi les dispositions raciales de Nuremberg, publiées en Allemagne trois ans plus tôt et de les faire entrer en vigueur de cette façon en Autriche.

Abstraction faite de ces circonstances et de quelques idées spécifiquement national-socialistes, il est difficile, même pour un adversaire de l'idéologie autoritaire, de ne pas reconnaître que la loi et la réglementation qu'elle donne au divorce ont été soigneusement élaborées et qu'elles représentent un certain progrès. Tandis que sous la Eépu- blique de Weimar et en vertu du Bürgerliches Gesetzbuch le but avait été de sauvegarder tous les mariages, 1* nouvelle loi a été prête à renoncer à des mariages ébranlés dont le" maintien ne représentait plus aucun intérêt. En même temps, la loi s'est proposée de trouver un compromis équitable entre les intérêts personnels des époux, les considérations générales d'ordre moral et le point de vue de l'Etat.

Pour ces raisons, le Comité de Contrôle Interallié qui le 20 février 1946, sous le numéro 16, promulgua une nouvelle loi de mariage pour les quatre »ones, a gardé presque sans modification la réglementation de la loi d'Hitler et s'est contenté d'en éliminer les dispositions raciales et quelques autres dispositions inspirées de l'esprit national-socialiste. L'application des dispositions mentionnées a été d'ailleurs déjà suspendue par la loi n° 1> que le Gouvernement Militaire Interallié de l'Allemagne a publié en 1945.

Parmi les causes absolues de divorce on a supprimé le refus de"

procréation et l'infécondité prématurée. D'autre part, l'abrogation de la loi sanitaire de mariage de 1935 a entraîné l'élimination de certains empêchements eugéniques de mariage. (2).

(1) Voy. Pram Massfelder, Das grofsrfeutsche Ehegesetx, II* édition, 4939. (8) Une étadé précise tninparée dw divergences des lois de 19*8 et tWt a été faite par

le prvfawnr Günther BHtzke dans la revue Pntsehe Rtehtsseitschrift. 1946, p. 436. Voy. tuai Freiherrn Reinhard et Hans t. Godln, DatEhtgesttz vom SO Ftbrv.nr 1HS, Berlin, 1947.

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Î8 UW TRANSFORMATIONS DU DROIT BUROPÀHI DU DITOBCB

Le droit allemand actuel connaît deux causes de divorce fondées sur la faute : l'adultère, et d'autre part, la clause générale d'atteintes graves et de conduite malhonnête et immorale qui rendent impossible le rétablissement d'une communauté conjugale correspondant à la nature du lien matrimonial. La partie coupable ne peut pas demander le divorce sur la base de la culpabilité de l'autre, lorsque cette culpabilité est en rapport avec la sienne propre et que, par conséquent, sa demande manque de justification morale.

Les causes de divorce indépendantes de la culpabilité sont : la maladie mentale, la conduite résultant de troubles mentaux et la maladie contagieuse ou répugnante dont la guérison ne peut être attendue dans un délai prévisible. Mais dans ces cas, le divorce ne peut être accordé, si la demande ne paraît pas moralement fondée et s'il entraîne une atteinte extraordinairemènt grave de l'autre partie : de ce point de vue, la durée du mariage, l'âge des époux et l'origine de la maladie doivent être pris en considération (art. 47).

Il faut retenir que, depuis 1938 et contrairement au droit antérieur, après trois ans de séparation effective, la partie coupable possède également le droit de demander la dissolution du mariage, malgré l'opposition de l'autre partie, si un bouleversement profond et irrémédiable du lien matrimonial est constaté et qu'après une appréciation par le juge des caractères essentiels de la vie commune et de l'ensemble des faits., le maintien du mariage ne paraît pas moralement justifié (article 48). Le Comité de Contrôle interallié a complété cette disposition en ajoutant que dans les cas ou l'intérêt d'enfants mineurs exige le maintien du mariage, la demande en divorce doit être rejetée.

Le divorce est prononcé de façon qut ou bien l'une de» parties seulement est déclarée coupable, ou principalement coupable, ou bien toutes les deux sont déclarées coupables.

Il faut retenir tout particulièrement que le droit de demander le divorce s'éteint à l'expiration de certains délais (6 mois à compter de la connaissance et 10 ans à compter de la naissance de la causé), ou autrement en cas de pardon. Dans la pratique, on considère comme pardon, avant tout, le contact sexuel intervenu en connaissance de la cause de divorce. On assimile au pardon la conduite de la partie non-coupable qui permet de conclure qu'elle n'a pas considéré la faute de l'autre comme susceptible de détruire le lien matrimonial (art. 49).

Ri le texte de ces dispositions n'a presque pas changé, leur interprétation a quand même subi des modifications, importantes depuis 1946, étant donnée l'exclusion des critères d'appréciation national- socialistes. Ainsi, dans une importante décision de juridiction suprême, de nouveaux points de vue ont été établis en ce qui concerne l'interprétation du principe du bouleversement de la vie commune aux termes de l'article 48 ; certains arguments invoqués par le Reichsgericht pendant le régime nazi (par exemple, principes de po-

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*> LES TRANSFORMATIONS DU DROIT EUROPEEN DU DIVORCE 20

litique démographique, considérations d'ordre général) ont été déclarés inadmissibles. (1).

Depuis 1938, la séparation de corps n'existe plus en Allemagne. Dans la pratique, elle n'a joué qu'un rôle insignifiant. Dans les mariages des protestants elle ne s'est presque jamais produite.

En Autriche j avant l'occupation du pays par Hitler, le droit du mariage était compliqué et on lé jugeait peu satisfaisant. La dis« solution du mariage différait selon les confessions. Pour les catholiques, le divorce (la dissolution du lien matrimonial) était tout à fait inadmissible. L'article 111 de V Allgemeines Bürgerliches Gesetzbuch déclarait formellement que « le mariage valable d'époux catholiques ne peut être dissous que par la mort de l'un d'eux ». Pour les catholiques il n'y avait que la séparation, désignée par la loi comme séparation de table et de lit. 11 en était de même pour les mariages où l'un des époux appartenait à la confession catholique. Par contre, pour les chrétiens non-catholiques, le divorce était admis. La constatation d'une « aversion insurmontable » suffisait à cet effet, si le divorce était demandé par les deux parties. Enfin, les Juifs étaient, à ce point de vue, sous le régime des dispositions de leur propre religion.

L'évolution du droit du divorce des catholiques autrichiens est compliquée et n'a, de nos jours, qu'une importance historique. La connaissance de cette évolution est pourtant importante pour la compréhension de certains effets s'étendant au delà du domaine de la politique législative. Il y a eu par moments la possibilité d'éluder, en Autriche, les dispositions réglementant le divorce. Ainsi dans le Burgenland, partie de l'ancien territoire hongrois et attachée par le traité de Saint-Germain de 1919 à l'Autriche, le droit hongrois qui admettait le divorce d'époux catholiques, resté en vigueur. D'autre part, en vertu des art. 83 et suiv. de l'ABGB, les autorités administratives avaient le pouvoir d'accorder des dispenses aux empêchements de mariage. Par un subterfuge du droit canon, certaines autorités ont accordé, en cas de séparation de table et de lit, « 1^ dispense de Fempêchement constitué par le mariage existant ». Un grand nombre de catholiques se sont servis de cette dispense pour contracter un nouveau mariage. Pourtant la Cour Suprême, dans un avis donné sur la requête du Ministère de la Justice (2), a déclaré plus tard que ces dispenses avaient été contraires à la loi et a affirmé la possibilité de considérer le second mariage contracté dans ces conditions comme radicalement nul. Les personnes qui, avec le concours de l'Etat, avaient contracté un second mariage, se trouvaient donc constamment exposées au danger de l'annulation de ce dernier ; on avait même posé la question d'une bigamie punissable. Dans sa jurisprudence ultérieure, la Cour Suprême a persévéré dans son

(1) Décision de la Cour Suprême pour la sone britannique., du 31 mai 1948, publiée dans la Suadeuttcht Juristenxeitung, 4948, p. 703.

(%) Amtliche Sammlung, \y; ISS.

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. ■ ■ 30 tßS ÏRANStORUATlONS DÜ-MtOtt EUROPEEN DU DIVOBCB

opinion. Tout cela a touché, en même temps, le problème délicat de savoir dans quelle mesure les tribunaux sont compétents pour con- trôler la légalité des actes de droit public de l' administration. En vertu du Concordat de 1334, les mariages catholiques ont été de non« veau placés sous le régime du droit canon,, et une dispense est deve- nue pratiquement impossible.

L'incertitude de ces rapports juridiques et le mécontentement des intéressés a contribué à gagner certains Autrichiens à la cause d'Hitler, qui a promis l'ouverture immédiate de possibilités légales rendant le divorce accessible aux catholiques. Comme nous l'avons déjà mentionné, cette promesse fut réalisée par lui immédiatement après l'occupation du pays, en mars 1938. A partir du 6 juillet 1938 et jusqu'à la capitulation de 1945, avec d'insignifiantes modifica- tions, ce f ut la loi grand-allemande . sur le mariage qui était en vigueur en Autriche (1). Il est assez curieux de constater que cette loi d'Hitler a été gardée par l'Autriche même après le recouvrement de son indépendance. Par ce fait, le divorce est resté admissible pour les catholiques de l'Autriche contemporaine.

Le maintien en vigueur de la loi grand-allemande sur le mariage est basé sur la loi autrichienne du lw mai 1945. On a écarté — comme en Allemagne — les empêchements d'ordre racial et d'autres disposi- tions de caractère national-socialiste comme, par exemple, le divorce pour infécondité prématurée. La seule différence importante avec la loi allemande consiste en ce qu'on a gardé comme cause de divorce le refus de procréer. L'époux peut donc toujours demander le divorce, en Autriche, si l'autre, sans bonne raison, persévère dans son refus d'engendrer ou d'accueillir des descendants ou s'il applique ou fait appliquer des moyens servant à la prévention de la naissance (arti- cle48).

En Bulgarie, jusqu'à ces derniers temps, il n'y avait aucun droit d'Etat sur le mariage, et des dispositions d'ordre ecclésiastique ont régi cette matière pour les époux appartenant aux différentes confessions. La plus importante de ces lois a été le statut de l'Exarchat de 1883 pour les Bulgares orthodoxes (2) : en vertu de celui-ci, le divorce était prononcé par les tribunaux ecclésiastiques avec l'approbation d'un évêque (art. 187). La plupart des causes de divorce entraînaient également l'interdiction pour l'époux coupable de se remarier pendant un délai fixé (2 à 5 ans) ; en cas d'une demande de remariage, l'autorité ecclésiastique devait examiner le cas au point de vue d'une « amélioration » éventuelle de l'époux cou-; pable.

. L'époque d'après-guerre a entraîné une modification radicale. En

(1) Le titre complet de cette lot est le suirant ; (hielt zur Vereinheitlichung des Recht* der Eheschliessun'i und der Ehescheidung im Lande Österreich und im übrigen Reichsgebiet vom 6 Juli 4958.

(1) Reproduit par Bergmann, op. dt. roll, p. 66. V. aus9i Gelbert : La loi orthodoxe- orientale sur le mariage, le divorce et la nullité de mariage. Revue critique de législation et de Jurisprudence. Année 1943, p. SO.

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LBS TRANSFORMATIONS DU DROIT EUROPEEN DU DIVORCE 3i

vertu de l'Ukase n° 107 concernant le décret-loi du 12 mai 1945 sur le mariage, seul le mariage civil garantit les droits et les obligations qui s'attachent, selon les lois, au lien matrimonial (art. 1er).

La nouvelle loi, qui est très soigneusement élaborée, réglemente non seulement le droit du mariage et du divorce, mais aussi la procédure dans les procès matrimoniaux. Ici, les tribunaux d'Etat remplacent, avec effet immédiat, les tribunaux ecclésiastiques (art. 48, 72).

En vertu des art. 30 et 38, le divorce est accordé sur la base du consentement mutuel et ferme des époux, sans qu'il soit nécessaire de remplir d'autres conditions. La demande doit exposer en détail l'accord des époux sur le sort des enfants. On peut y ajouter aussi des conventions réglementant leurs rapports pécuniaires. Le tribunal est tenu de procéder, avant tout, à une tentative de conciliation, et, si celle-ci ne produit pas de résultat, le divorce ne pourra être prononcé qu'après un délai d'au moins trois mois. U est requis à cet effet que la décision des parties soit « inébranlable » et que les conventions des époux concernant les enfants servent effectivement les intérêts de ces derniers.

En outre, chacun des époux peut demander le divorce « si, en conséquence d'une grave atteinte portée au lien matrimonial, le maintien de la communauté conjugale n'est plus possible. »

Les autres causes de divorce sont : l'adultère (dans le délai d'un an à partir de la connaissance des faits et de trois ans à partir de l'acte commis), l'attenta^ contre la vie, la condamnation aux travaux forcés pour au moins cinq ans, l'absence pendant au moins deux ans, les maladies mettant gravement en danger l'autre partie ou les descendants, l'impuissance, le mariage infécond pendant 15 ans (l'action doit être intentée dans les 20 ans à compter de la conclusion du mariage), et l'infraction grave aux devoirs conjugaux ; pour cette dernière, quelques cas spéciaux comme ceux 4e prodigalité, malhonnêteté et ivrognerie se trouvent énumérés dans la loi.

Les héritiers peuvent continuer à faire valoir une demande en divorce « pour constater son bien fondé » (art. 39).

L'époux contre lequel le divorce a été prononcé pour cause de maladie dangereuse ne peut se remarier qu'après s'en être complètement guéri.

En Grèce, les lois publiées en matière civile, depuis la constitution de l'Etat grec, en 1853, sont restées en vigueur jusqu'à la fin de la deuxième guerre mondiale, y compris la « loi civile de la Grèce » de 1856. Certains territoires du pays (Crète, Samos, Iles ioniennes) ont été, en partie, sous le régime de dispositions encore plus anciennes. Les tentatives nombreuses et souvent réitérées de réforme et d'unification n'avaient jamais abouti. Le droit de mariage était de caractère religieux, il était essentiellement sous le régime des dispositions de l'Eglise grecque orthodoxe (1). Par contre, le divorce était

(i) Voy. George» Dlobounlotis, dana fourrage cité de Lenke-Loewenfeld, p. 766.

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32 LES TRANSFORMATIONS DU DROIT EUROPEEN DU DtVORCB

réglé par la loi grecque n° 2228 du 24 juin 1920 et confié à l'Etat, suivant ainsi l'exemple du Éugerliohe8 Gesetzbuch (1).

Après de longs travaux préparatoires, dirigés pendant les dix dernières années par le professeur Ballis, un code civil a été élaboré et promulgué en 1940 et il aurait dû entrer en vigueur le 1er juillet 1941. Ceci fut empêché par l'entrée en guerre de la Grèce. Après la libération du pays, on a décidé de faire reviser le code par une commission juridique comprenant trois membres. Dans sa nouvelle forme, le code fut promulgué en 1945 et il entra en vigueur le 23 février 1946 (2).

La formation du mariage a gardé son caractère religieux. Le divorce ressortit à la compétence de l'Etat, mais dans le cas des! chrétiens-orthodoxes, il doit être précédé par une procédure de conciliation devant l'évêque.

Sont reconnues comme causes de divorce : l'adultère, l'atteinte contre la vie, l'abandon dolosif, la* maladie mentale, l'éloignement,

. l'impuissance (2) -et la lèpre. A celles-ci s'ajpate une clause générale en vertu de laquelle toute infraction grave au mariage qui rend impossible le maintien de la vie commune autorise l'autre époux à demander le divorce (art. 1442). La séparation de corps n'existe pas en Grèce.

En Hongrie, un droit civil codifié fait défaut jusqu'à nos jours et, pour la plupart, c'est le droit coutumier qui est appliqué — comme dans le cas du Common Law britannique — complété par des sources écrites (4). t

Dans le domaine du droit du mariage, le texte fondamental avait été, jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale, la loi XXXI dej l'année 1894 (5). Ses dispositions concernant le divorce ont été régies par le principe de la faute (art1.- 75 et suiv.) Dans certaines conditions, le divorce a été admis, selon l'art. 80, à titre d'ébranlement du lien conjugal, mais ceci supposait une séparation de corps pour une durée définie par le juge. Pour l'éviter, les époux ont souvent eu recours à un abandon fictif. On a essayé en vain de supprimer ce* procès simulés et dissimulants.

Après l'écroulement définitif du régime Horthy, cette réglemen-

(1) Publiée dans l'ouvrage cité de Bergmann, Tome I, p. 240. En vertu de l'art. 4, la loi n'était pas applicable aux Mahometans, aux Juifs et aux habitants de l'île de Crète. Voy. Diobouniotis, op. cit. p. 779 et Papapanos dans le Rechtsvergleichendes Handwörterbuch, Tome I, p. 75.

(2) V. Nicolas Valticos dans le Bulletin trimestriel de la Société de Législation Comparée, 4947, p. 50 et P. I. Jepos The new greek civil code of 1946, dans le Journal of. Comparative Législation and International lato, Vol. 28, parties 3 et 4, p. 69, ainsi que Moser op. cit., p. 53.

(3) L'art. 1446 est ainsi conçu : « Chacun des époux peut réclamer le divorce pour incapacité de l'autre partie à l'acte sexuel, si celle-ci, existant lors de la célébration du mariage, et étant inconnue au requérant a duré pendant trois années ultérieures à cette date et qu'elle continuel subsister lors de la sommation en justice ». V. à ce propos l'art. 36 de la loi bulgare sur le mariage, et l'art. Si n' 11 de la loi polonaise sur le mariage.

(4) Voy. Révay et Almasi dans l'ouvrage cité de Leske-Lowenfeld, p. 228 et 243; v. aussi Ferdinand Ronay, Die Privatrechtsgesetzgebung Ungarns 19I5-19£O. Zeitschrift für ausländisches und internationales Privatrecht. Tom* 13, p. 536.

(5) L« texte «st reproduit dans l'ouvrag» cité de Bergmann, T. I, p. 797.

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LES TRANSFORMATIONS DU DROIT EUROPÉEN DD DtVORGft 33

tation a subi un changement très profond. Le divorce a été facilité aussi bien au point de vue des causes que de la procédure. Le décret n° 6800/1945 du 16 août 1945, publié par le gouvernement national provisoire complétant et modifiant la loi XXXI de l'année 1894 a créé trois nouvelles causes de divorce, toutes indépendantes de la culpabilité (1.)

En vertu des art. 6 et 7 du nouveau décret, le divorce est accordé en cas de consentement mutuel des époux, à condition que deux ans se soient écoulés depuis la conclusion du mariage. Une demande corn* mune des époux est requise à cet effet qui doit contenir leur accord en ce qui concerne la dissolution du mariage, la pension alimentaire et l'usage du nom, et peut contenir les dispositions des époux quant à la réglementation de leurs rapports patrimoniaux. Le juge est tenu d'interroger les époux en personne sur leur demande et ensuite de nouveau dans un délai de 30 à 60 jours ; si, à ce moment, les époux persévèrent dans leur demande, le divorce est prononcé par jugement.

En vertu de l'article 4 du décret, le divorce peut être accordé sur la demande unilatérale de l'époux, en cas d'interruption de la vie conjugale depuis plus de cinq ans. En ce qui concerne la question dd la pension alimentaire et de l'usage du nom, le juge en décide selori les règles de l'équité.

Contrairement au droit antérieur, la maladie mentale incurable et existant depuis plus de trois ans a été admise comme cause de divorce.

Jusqu'en 1946, le droit de mariage de Yougoslavie avait été l'un des plus compliqués en Europe (2). Suivant les différentes parties du pays et les différentes confessions, on a été sous le régime du droit serbe, autrichien, hongrois, montenegrien et canon (3). Les divergences en étaient considérables. Par exemple la bigamie était punissable, mais en Bosnie et Herzégovine, les Mahometans ont été libres d'épouser jusqu'à sept femmes. Dans une partie du pays, le divorce était interdit, dans l'autre il était admis.

Après la libération du pays de l'occupation allemande, le gouvernement du Maréchal Tito a promulgué, le 3 avril 1946, au nom de la République Populaire Fédérale de Yougoslavie, une loi fondamentale sur le mariage qui a unifié le droit et entièrement écarté le rôle qu'avait joué l'Eglise dans ce domaine. On a introduit le mariage civil obligatoire et, dès lors, le mariage doit être contracté devant uri

(1) Voy. Deutsche Rechtsxeitschrift 1948. p. 247. (2) Voy. Milan Bartos dans le Bulletin Trimestriel de la Société de Législation Comparée

1946.P.136. (3) Dans la partie montenégrienne delà Yougoslavie, les dispositions suivantes avalent été en

vigueur, parmi d'autres, jusqu'en 1946: «Si une femme commet l'adultère et que son mari la prend en flagrant délit, il sera permis à ce dernier de tuer toutes les deux parties de l'adultère. Mais si la femme se sauve, elle ne doit pins avoir de résidence dans ce pays » (art. 72). « Si une femme vole son mari, la première et la seconde fols elle sera punie d'emprisonnement, la tro'slème fols elle sera soumise ^ une punition corporelle et séparée dé son mari. Le mari sera lihre de se r* marier, mais la femme n'aura pas ce droit » (art. 77). — Code de Montenegro, du 23 avril 1853, reproduit dans l'ouvrage cité de Bergmann, Tpme I, p. 345 et suiv.

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34 LES TRANSFORMATIONS DU DROIT EUROPÉEN DU DIVORCE

« Comité du peuple » (art. 26)) Selon le préambule de la loi « Le mariage en tant que base de la famille est sous la protection de l'Etat. »

Les- causes de divorce énumérées dans les art. 55 et suiV. sont : l'adultère, la menace contre la vie, les mauvais traitements, les injures et la vie malhonnête, la maladie incurable, l'abandon non justifié ou dolosif dépassant la durée de six mois, l'absence de deux ans, les peines privatives de liberté au-dessus de trois ans. Une cause spéi ciale de divorce est la condamnation pour un délit « dirigé contre l'intérêt du peuple ou de l'Etat » (art 63).

Très importante est la disposition de l'art. 56, al. 1 : « Les deux époux peuvent demander le divorce si la vie commune est devenue} insupportable du fait de l'inégalité d'humeur, du désaccord durable, de l'hostilité constante et de toute autre cause susceptible de troubler la vie conjugale dans une telle mesure ».

. ■ * La vie commune est considérée comme insupportable, si les deux époux, en exposant leurs raisons légitimes, demandent par consentement mutuel le divorce. Si la cause du bouleversement de la communauté est uniquement la faute de l'un des époux, le divorce ne peut être demandé que par l'autre.

Le divorce ne peut être prononcé que par le tribunal. Celui-ci doit disposer en même temps de la pension alimentaire et de l'éducation des enfants ; dans certaines circonstances, l'éducation des enfants peut être confiée à l'époux déclaré coupable.

La séparation de corps n'existe plus. En Pologne aussi, la réglementation du droit civil a montré, pen

dant longtemps, un tableau extrêmement varié. Dans la « Pologne du Congrès », le Code Napoléon et le Code civil du Royaume de Pologne de 1825 ont été en vigueur, tandis que les parties antérieurement allemandes, autrichiennes, hongroises et russes sont restées sous le régime du droit antérieur. Ainsi, on a vécu dans les différentes parties de la Pologne sous le régime du Bürgerliches Gesetzbuch allemand, de V Allgemeines Bürgerliches Gesetzbuch autrichien et sous celui de certaines lois hongroises et du Swod-Zakonoto russè- tzariste. Cela avait pour conséquence que dans certaines parties c'était le mariage civil, dans d'autres le mariage religieux qui était obligatoire ; de même, le divorce était interdit ou admis selon led différentes parties du territoire (1)* Dans la Pologne du Congrès, il y avait une loi sur le mariage de 1836 qui interdisait le divorce pour les catholiques, mais l'admettait pour les autres confessions (2). Ce np fut qu'en 1945, après la libération, qu'on a procédé à l'unificatiori législative du droit des personnes et du mariage.

La nouvelle loi sur le mariage a été promulguée par le décret du 25 septembre 1945 et elle est entrée en vigueur le 1er janvier:

(i) Voy. Konstanty Ostrowic« dans l'ouvrage cité de Leske-Lowenfeld, p. 397, aussi Ku- ratow-Kuratowskl, Régime légal matrimonial au Code civil polonais, Paris, 1921.

V. Das kongresspolnische Zivilrecht jeinschliesslich des Ehegesetzes von 1836), traduit tand et commenté par Heint Mayer, Berlin, 1942.

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LES ÎRANSFORMÀTÎONS DU DROff EUROPEEN DU DIVOBCfc 3&

1946 (1). Elle introduit dans toutes les parties de la Pologne le mariage civil obligatoire ; contrairement au droit antérieur, les époux jouissent, dans le mariage, d'une parfaite égalité de droits.

Dans la conception de la nouvelle loi, le mariage est une institution sociale et non pas une convention individuelle (2). Cette idée se trouve également exprimée dans la réglementation du divorce. Le consentement mutuel n'est pas suffisant. La condition indispensable de tout divorce est qu'il ne porte pas atteinte aux intérêts des enfants mineurs (art. 24). Une tentative de conciliation des époux doit avoir lieu « dans la mesure où l'intérêt des enfants et l'importance sociale du mariage l'exigent » (3).

La question de la «culpabilité est importante au point de vue de la pension alimentaire et de la réparation du dommage causé par le divorce. Outre le dommage matériel, une réparation peut être également adjugée à titre de dommage moral.

La condition de tout divorce est un bouleversement effectif et durable de la vie commune qui — à l'exception des cas de maladie et d'impuissance — doit être fondé sur la culpabilité de l'un des époux. La loi contient rénumération de 11 cas de bouleversement : 1. adultère ; 2. atteinte à la vie et injures graves ; 3. refus d'aliments ; 4. abandon doiosif d'un an : 5. crime déshonorant ; 6. vie oisive ou immorale ; 7. profession infamante ; 8. ivrognerie ou. passion de stupéfiants ; 9. maladie mentale ; 10. maladie sexuelle dangereuse ; 11. impuissance au-dessous de l'âge de 50 ans. Il est nécessaire que l'origine des causes de divorce soit ultérieure à la formation du mariage.

La séparation de table et de lit est supprimée. Des dispositions transitoires ont été en vigueur jusqu'au 31 dé

cembre 1948 : par exemple, le divorce par consentement mutuel était admis pour les mariages contractés avant le 31 décembre 1945.

En Roumanie, (4) dans le domaine du droit du mariage, les dispositions du Codul civil de 1865 sont maintenant en vigueur pour le territoire entier. Il n'y a plus, comme auparavant, des droits particuliers de caractère confessionnel pour certains territoires.

Les causes de divorce (art. 221 et suiv.) sont, comme dans le Code Napoléon, les suivantes : adultère, condamnation aux travaux forcés ou à la réclusion, voies de fait, brutalité ou mauvais traitements sérieux s'ils sont de caractère grave et durable. Les causes de divorce perdent leur vigueur par une réconciliation subséquente des époux (art. 251). La loi du 23 juin 1943 a abrogé les dispositions du Code civil relatives à la procédure et les a remplacées par de nouvelles dispositions. En vertu de ces dispositions le tribunal est ténu de procéder

(1) Voy Constantin Stifter dans le Bulletin Trimestriel de la Société de législation Comparée, 1947, p. 86.

(2) Voy. Stifter op cit., p. 92. ' (3) Aft. VIII de la loi d'introduction de la loi polonaise snr le mariage. (4) Poor l'épine antérieure yoy. Lévy-Uilmann, La vie juridique Ses peuples. Vol. IV,

Roumanie, p 227 el suIt. Voy. aussi Kanschansky, Das rumänische Eherecht, dans la roue Ostrecht, 1926, p. 2 il et 1937 p. 49.

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3& LBS fRANäPORllATlONS »Ü DROIT ÈUAOPéEN DÛ DlVÖftÖB

à une tentative de conciliation entre les époux ; à défaut de résultat positif, l'audience est tenue après un délai d'au moins de 30 jours.

A côté du divorce pour une des causes déterminées par la loi, il y a aussi le divorce par consentement ; cependant ce dernier se présente, dans la pratique, très rarement, car il est considérablement compliqué et soumis à des conditions spéciales. Il est nécessaire, pour que l'accord des parties puisse* être considéré comme inébranlable, qu'entre autres formalités, les époux comparaissent à quatre reprises, toujours dans un délai de 3 mois, et que — sans égard à l'âge des époux — les parents et grands-parents vivants des époux donnent à chaque occasion leur consentement écrit au divorce.

La séparation de corps est inconnue en Eoumanie. En vertu de l'art. 285, un tiers des biens de l'époux coupable est

dévolu aux enfants (en cas de divorce par consentement des époux, c'est la moitié des patrimoines des parents qui est ainsi dévolue).

L'art. 277 a aboli la défense en vertu de laquelle le droit antérieur interdisait aux époux divorcés de se remarier entre eux.

Pour comprendre l'évolution du divorce en Russie Soviétique, il faut tenir compte de l'évolution parallèle de l'institution du mariage dans ledit pays. Il en faut distinguer quatre étapes,

Pans là Eussie des tsars le mariage était religieux. Dans beaucoup de questions le droit de famille du 8wod Zahonov remonte à l'époque de Pierre le Grand. Un décret du régime soviétique â introduit le mariage civil déjà le 20 décembre 1917. Il fut confirmé par le décret de la BSFSE le 22 octobre 1918. Les parties, en personne ou par écrit, déclaraient leur intention de se marier, un fonctionnaire enregistrait celle-ci et déclarait que le mariage était contracté. La bigamie, les mariages entre proches parents et les mariages avec des aliénés étaient interdits.

Le divorce — qui avait été également réglé par un décret peu de temps après la Eévolution d'octobre — a pu s'obtenir, sans autre formalité, par consentement mutuel ou par déclaration unilatérale. L'accord des époux était enregistré d'office dans les actes de l'état civil. La déclaration unilatérale devait être raportée au tribunal et entraînait également la dissolution du mariage. L'époux nécessiteux et incapable de travailler avait, après la dissolution du mariage, droit à une certaine pension alimentaire (art. 130) .

Le 19 novembre 1926 avec effet au l'r janvier 1927 une loi de la ESFSE a été promulguée sur le mariage, la famille et la tutelle, et à côté du mariage enregistré, la loi a introduit le mariage de fait (1). Lors de l'enregistrement du mariage il fallait donner des indications sur les mariages antérieurs et sur les enfants provenant de ces mariages ; d'autre part les fiancés étaient tenus de déclarer qu'ils étaient réciproquement au courant de leur état de santé. L'enregistrement du mariage avait pour but « de servir l'intérêt de l'Etat et de la société

(1) La traduction française a été faite par Jules Patouîllet, tes codes de la Russie Sovié tique, III. Nouveau Code de la famille, Paris, 1921. Voy. autsi P. ChapUt, La famille en Russie Soviétique, Paris 1929.

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LES TRANSFORMATIONS DU DROIT EUROPÉEN DU DIT OR CE 37

et de faciliter la protection des droits personnels et pécuniaires et des intérêts des époux et des enfants ». (art. 1").

Le mariage de fait résultait de la reconnaissance mutuelle (article 11), de la vie commune, de l'existence d'un ménage commun, de la déclaration des rapports conjugaux à de tierces personnes par correspondance personnelle ou d'autres documents, de l'appui matériel réciproque ou de l'éducation en commun des enfants (art. 12).

Le mariage enregistré aussi bien que le mariage de fait entraînaient, tout en conservant la séparation de biens, une communauté d'acquêts sous administration commune (art. 10) Pour l'établir, le concours du tribunal pouvait être invoqué. Dans chacune des deux catégories de mariages, une demande d'aliments était recevable au besoin, après la dissolution, mais seulement pour la durée d'un an.

Dans ces conditions, la dissolution du mariage pouvait se produire par la cessation de la vie commune (1). L'enregistrement de la dissolution était possible, mais non nécessaire, il n'avait qu'un effet déclaratif.

Tandis que cette réglementation comprenait la forme la plus simple de la conclusion et de la dissolution du mariage, en 1936 une certaine innovation a été introduite dans le domaine du divorce. L'art. 27 de la loi du 27 juin 1936 a disposé que « pour supprimer toute conduite insouciante à l'égard de la famille et des obligations qui en dérivent », les deux parties devaient être convoquées d'office à l'occasion du divorcé pour l'inscription dans le registre de l'état civil, et que le divorce devait être inscrit aussi dans leurs passeports. Les deux parties étaient obligées de comparaître en personne. La possibilité d'un divorce unilatéral sans la connaissance de l'autre partie a été supprimée. En même temps on a augmenté les frais d'enregistrement qui s'élevaient à 50 roubles pour le premier, 150 pour le second et 300 pour chacun des divorces suivants.

Le décret du 8 juillet 1944 du Conseil suprême de l'Union Soviétique a réalisé une transformation complète. Cette réforme a été faite « dans l'intérêt de renforcer la famille et encourager la formation de mariages prolifiques » (2). Il est caractéristique que le même décret a créé la « médaille de maternité », l'ordre de « l'honneur des mères » et la distinction « mère héroïne ». Le décret a été complété par le décret du 16 avril 1945 qui dispose de l'exécution du décret et de la procédure en divorce.

Dès lors, la seule cohabitation effective n'est plus susceptible de créer un mariage dans le sens juridique (art. 19). Il n'existe plus! que le mariage enregistré, qui doit être contracté dans les locaux destinés à ce but et solennellement remis en état.

Conformément à tout cela, le droit du divorce (art. 23-26) a éga-

(1) Les Godes in droit de famille des Républiques Fédérales SoTiétlqnes (Ukraine. Russie Blanche, Azerbaïdjan, Géorgie, Arménie, Turkmenistan, Usbekistan, Kirglsie), datant de 19Î6-4935. ont snlti cette ligne.

(2) Voy. A. Groaber dans le Bulletin trimestriel de la Société de Législation Comparée, 6He

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38 U» TRANSFORMATIONS DU DROIT EUROPEEN DU DIVORCE

lement complètement changé. Non seulement on a supprimé le divorce unilatéral, mais, .en vertu de la loi même, le consentement mutuel n'est pas nécessairement suffisant. Le divorce est prononcé par le tribunal. Celui-ci est tenu de convoquer les deux parties, ainsi que les témoins, d'éclaircir les causes de divorce et d'essayer une conciliation. La procédure en cours doit être rendue publique, aux frais du demandeur, dans un journal local. Si la reconciliation n'a pas lieu, le demandeur peut saisir une plus haute instance. La loi ne donne aucune enumeration de causes de divorce et le tribunal décide, après l'appréciation souveraine des faits, s'il y a lieu de dissoudre le mariage. Le tribunal dispose aussi de la pension alimentaire, des conventions d'ordre pécuniaire, de l'usage du nom et de la garde des enfants. Les frais de procédure ont été considérablement augmentés, ils se montent, à côté d'une taxe de 100 roubles à verser immédiatement, à 500-2.000 roubles. "

A l'étranger, il est difficile de juger les conséquences pratiques du nouveau droit de divorce, car la loi ne contient aucune indication sur les faits qui doivent être pris en considération par les tribunaux' comme causes de divorce. Cependant, d'importants éclaircissements ont été fournis à ce sujet par une étude de G. M. Sverdlow « Modem Soviet Divorce Practice » (1) qui a été publiée en traduction anglaise dans The Modem Law Review (1948, p. 163). Selon l'auteur, dans deux tiers dés cas qui lui sont connus, la demande en divorce était basée sur le consentement mutuel des époux, et elle n'a été re jetée que dans un seul cas. Sverdlow écrit à ce sujet : « Tout ce que l'Etat demande, c'est de savoir avec certitude qu'il y a en effet un accord mutuel et qu'il a été passé après de mûres réflexions et sans frivxh lité. » En outre, l'auteur affirm'e que le rejet est très rare même en cas de demandes unilatérales (5 à 6 %) et ne se produit que dans les mariages où il y a des enfants mineurs* Comme principales causes de divorce on fait valoir : l'infidélité, les mauvais traitements qui rendent la vie commune impossible et l'impossibilité non-fautive de la vie, commune (éloignement et maladie durable).

Une importance pratique s'attache à la question dont Sverdlov ne traite pas, de savoir dans quelle mesure le travailleur russe moyen peut supporter les frais considérables du divorce et dans quelle mesure ces frais ont diminué le nombre des procès.

La disposition unique de la Joi du 15 février 1947, promulguée par le Conseil Suprême de l'Union Soviétique et signée par le président N. S jvernik, interdit le mariage entre sujets russes et étrangers. Cependant elle ne dispose pas des possibilités de divorce concernant les mariages contractés auparavant entre Russes et étrangers. Au point de vue de ceux-ci, les dispositions générales sont en vigueur.

fi) II faut retenir que cette étude très instructive de Sverdlov, la traduction anglaise de laquelle ne fut publiée qu'en arril 10*8. parut en langue russe déjà au cours de (946. Elle ne traite que de la pratique dans la première moitié de 19 '5. notamment de 400 cas dans 18 Tilles. On n'est paj en mesure de constater si les faits cités par l'auteur sont généraux et s'ils restent justes pour les dernières années.