andes nématode sas39 2007

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Le journal de l'IRD Éditorial n° 39 - mars/avril/mai 2007 3,81 bimestriel 2000 et 2004, les topographies d’une zone de 915 km 2 de glaciers situés dans la région du Spiti/Lahaul (Himachal Pradesh, Inde). Leur épaisseur aurait diminué en moyenne de 0,85 m par an sur cette période. Une estimation fiable n’a pu être obte- nue qu’en déjouant bon nombre de causes d’erreurs et d’approximations propres aux observations par satellites. En effet, les données provenant de la mission Shuttle Radar Topography (SRTM), menée par la Nasa en février 2000 sous-estiment les valeurs aux hautes altitudes et les surestiment aux basses. Quant à celles qui ont été obte- nues en 2004 avec le satellite français Spot 5 par des techniques de photogrammétrie sté- réoscopique – méthode consistant à calculer une image en trois dimensions à partir de deux photos du même lieu prises sous des angles différents pour reconstituer le relief –, elles montrent une incerti- tude de 25 m dans le positionnement horizontal des images. Les autorités des grands pays hima- layens (Inde, Pakistan, Chine) n’autorisant pas S i les 30 000 km 2 de glaciers himalayens ne représentent que 7 % de l’ensemble des glaciers de montagnes de notre planète, ils participent néanmoins à alimenter les sept plus grands fleuves d’Asie. Comme tous les autres glaciers du monde, ils fondent sous l’impact du réchauffement climatique. Cependant, estimer l’am- pleur de cette fonte reste délicat puisque leur nombre important et leur difficulté d’accès due à l’étendue de la chaîne himalayenne rendent les relevés de ter- rain difficiles à réaliser. Pour contourner ces difficultés, les chercheurs des unités Great Ice et Legos ont eu recours à l’ima- gerie satellitaire pour comparer, entre A près une année de travaux préparatoires, l’agence que l’IRD a été chargé de mettre en place pour amplifier l’effort de recherche français au service du développement est opérationnelle en 2007. Les organismes français et les universités 1 ont adopté une démarche collective pour construire cette agence d’objectifs, de programmation et de moyens voulue par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement et explicitée dans le contrat d’objectifs de l’IRD signé en juin 2006. Ainsi, l’Institut, opérateur de recherche depuis plusieurs décennies, fort de son dispositif déployé sur les trois continents en développement et de son expérience des partenariats au Sud, se voit-il confier avec l’Agence une mission supplémentaire. Sous réserve de précautions d’ordre déontologique et éthique, la coexistence de ces deux missions fera notre force. Nous savons bien que, pour être véritablement au service du développement, la recherche se conduit sous l’autorité du pays d’accueil, en partenariat avec les universités et les instituts du Sud. C’est ainsi que se sont constitués, à l’IRD, comme au Cirad et à l’Institut Pasteur, ces réseaux de recherche au Sud sur lesquels repose la légitimité de notre agence. Pas de recherche sans les partenaires du Sud, pas d’Agence non plus. Ainsi, le conseil d’orientation dont s’est dotée l’Agence est-il composé à part égale de huit membres désignés par les établissements de recherche français et de huit personnalités étrangères issues, pour sept d’entre elles, des trois continents du Sud et dont quatre ont été proposées par des organismes internationaux de recherche. Cette stricte parité est un gage de l’ambition de l’Agence. Les premières discussions, sur les thématiques prioritaires ou sur les appels d’offres, sont profondément marquées par cette dynamique collective impliquant Nord et Sud. Le financement est assuré en partie par une contribution des établissements qui marquent ainsi leur adhésion à la démarche. C’est grâce à sa fonction de mutualisation que l’Agence contribuera de façon déterminante à placer l’ensemble de la recherche française au service du développement. 1. Le CNRS, l’Inserm, le Cirad, l’Institut Pasteur, la conférence des Présidents d’uni- versité et l’IRD sont représentés au Conseil d’orientation de l’Agence. par Jean-François Girard président de l’IRD L’Agence : An I l’accès à des cartes ou à des photographies aériennes précises de ces régions transfron- talières, aucune réfé- rence n’est donc dis- ponible pour estimer et corriger ces erreurs d’observations. C’est donc en comparant les deux topographies établies à partir des relevés des deux satellites sur des zones non glaciaires, donc invariantes, que les chercheurs ont pu corriger les dévia- tions et superposer les deux modèles de terrain. Leur comparaison donne une carte des variations de l’épaisseur des glaciers sur toute la région observée, entre 2000 et 2004, pour des inter- valles d’altitude de 100 m. Les plus grands glaciers dont les langues terminales descendent le plus bas (environ 4 000 m) sont en net recul, avec une diminution de 8 à 10 m de leur épaisseur au-dessous de 4 400 m. Cette perte reste de 4 à 7 m entre 4 400 et 5 000 m, passant à 2 m au-dessus de 5 000 m. L’estimation par images satellitaires donne un bilan moyen de – 0,7 à – 0,85 m par an sur les 915 km 2 de glaciers étudiés, soit une perte totale de 3,9 km 3 d’eau en Au cœur du courant de Humboldt Le courant de Humboldt, au large du Pérou et du Chili, est l’écosystème océanique de tous les excès. Soumis aux perturba- tions environnementales du phé- nomène El Niño, il abrite aussi la plus intense production biolo- gique de tous les océans. p. 8-9 Genre et sida Les diverses dimensions du genre face à l’épidémie de VIH/sida. p. 7 Mégalithes et art rupestre Patrimoine méconnu du Cameroun p. 10 Dans ce numéro Les satellites regardent fondre les glaciers Vue d’une partie du glacier Chhota Shigri depuis son sommet à 6 265 m. © IRD/Y. Arnaud Relevé de la position d’une balise d’ablation au DGPS sur la langue du glacier Chhota Shigri à 4 400 m. © IRD/Y. Arnaud (suite page 2) Entretien avec Michel Laurent, directeur général de l’ IRD Politique de site à l’IRD meilleures cohérence et visibilité A fin de ré- pondre aux perspectives ambitieuses tracées par le contrat d’objectifs 2006-2009 de l’IRD, Michel Laurent, direc- teur général de l’IRD, a proposé en octobre 2006 les grandes lignes d’un plan d’action rela- tif à la politique scienti- fique de l’Institut. L’une des déclinaisons de ce plan réside dans la mise en place d’une politique de site, destinée à renforcer la cohérence scientifique des activités conduites par l’Institut tant en métropole que dans les ROM-COM et à l’étranger. La réflexion a été conduite en deux étapes : l’une, engagée en novembre 2006, a porté sur les sites et centres métropolitains et a mobilisé l’ensemble de l’Institut : directeurs d’unité, représentants, directeurs de centre, directeurs des départe- ments scientifiques. Le produit de cette réflexion conjointe, sous forme de propo- sitions d’évolution de l’appareil scientifique et d’implantation géographique, sera présenté au Comité de direction et aux instances statutaires de l’IRD. Le document de travail actuel regroupe toutes les orientations et propositions contribuant à la rationalisation du dispositif de recherche, de formation et de valorisation de l’Institut. La deuxième étape, concernant l’étranger et l’outre-mer tropical français, actuel- lement en cours, s’achèvera en juin 2007. Le séminaire annuel des directeurs d’unité, directeurs de centre et représentants qui se tiendra début septembre 2007 à Paris sera l’occasion d’une présentation d’ensemble de ces propositions. Politique de site, pourquoi, comment ? En premier lieu, qu’entendez-vous par site ? La définition d’un site repose sur l’exis- tence d’activités scientifiques relative- ment pérennes, conduites par un nombre significatif de chercheurs : un site peut ainsi être décrit comme un espace géographique, dépourvu de sta- tut administratif, réunissant un ensemble d’activités partenariales mono ou pluri- thématiques de l’IRD (implantation d’uni- tés, plate-forme technologique, Institut fédératif de recherche,…). Ces activités scientifiques de recherche, de formation, d’expertise, de valorisation et de diffu- sion peuvent être conduites sur un lieu unique d’implantation, correspondant ou non à l’existence d’un centre de l’Institut, ou dans un espace plus vaste de type régional ou interrégional, comme c’est le cas à l’étranger. Site et centre ne sont donc pas de même nature et n’ont pas le même objectif. Mais la politique d’un centre doit s’ins- crire dans le cadre d’une politique de site. Une politique de site affirmée consolidera en retour la politique du centre et des unités qui y sont hébergées. 5 ans. Afin de vérifier ces résultats et de valider le procédé, les observations satellitaires sont comparées au bilan de masse du glacier Chhota Shigri (15 km 2 ) établi entre 2002 et 2004 par l’unité Great Ice et ses partenaires indiens grâce à des relevés de terrain. Les valeurs du bilan réalisé à partir de ces données de terrain et calculé grâce aux données satellites concordent. Pour les deux méthodes d’évaluation, le glacier du Chhota Shigri aurait perdu en moyenne un peu plus d’un mètre de glace tous les ans. Même si l’imagerie satellitaire avait déjà été utilisée pour mesurer la fonte de glaciers – la même équipe avait expérimenté cette technique sur les massifs alpins – c’est cependant la première fois qu’un tel procédé est mis Réunion des représentants, Paris, janvier 2007. © IRD/O. Dargouge (suite page 15) © IRD/A. Debray

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An example of a scientific approach linking biology and geology.

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  • Le journal de l'IRD

    d i t o r i a l

    n 39 - mars/avril/mai 20073,81

    bimestriel

    2000 et 2004, les topographies dunezone de 915 km2 de glaciers situs dansla rgion du Spiti/Lahaul (HimachalPradesh, Inde). Leur paisseur auraitdiminu en moyenne de 0,85 m par ansur cette priode.Une estimation fiable na pu tre obte-nue quen djouant bon nombre decauses derreurs et dapproximationspropres aux observations par satellites.En effet, les donnes provenant de lamission Shuttle Radar Topography(SRTM), mene par la Nasa en fvrier2000 sous-estiment les valeurs auxhautes altitudes et les surestiment auxbasses. Quant celles qui ont t obte-nues en 2004 avec le satellite franais

    Spot 5 par des techniquesde photogrammtrie st-roscopique mthodeconsistant calculer uneimage en trois dimensions partir de deux photos dumme lieu prises sous desangles diffrents pourreconstituer le relief ,elles montrent une incerti-tude de 25 m dans lepositionnement horizontaldes images. Les autoritsdes grands pays hima-layens (Inde, Pakistan,Chine) nautorisant pas

    S i les 30 000 km2 de glaciershimalayens ne reprsententque 7 % de lensemble desglaciers de montagnes de notre plante,ils participent nanmoins alimenter lessept plus grands fleuves dAsie. Commetous les autres glaciers du monde, ilsfondent sous limpact du rchauffementclimatique. Cependant, estimer lam-pleur de cette fonte reste dlicat puisqueleur nombre important et leur difficultdaccs due ltendue de la chanehimalayenne rendent les relevs de ter-rain difficiles raliser. Pour contournerces difficults, les chercheurs des unitsGreat Ice et Legos ont eu recours lima-gerie satellitaire pour comparer, entre

    A prs une anne de travauxprparatoires, lagenceque lIRD a t charg de mettre en place pour amplifier leffortde recherche franais au service du dveloppement est oprationnelle en 2007. Les organismes franais et les universits1 ont adopt une dmarche collective pour construirecette agence dobjectifs, de programmation et de moyensvoulue par le Comit interministriel de la coopration internationale et du dveloppement et explicite dans le contrat dobjectifs de lIRDsign en juin 2006.

    Ainsi, lInstitut, oprateur de recherchedepuis plusieurs dcennies, fort de son dispositif dploy sur les trois continents en dveloppement et de son exprience des partenariats au Sud, se voit-il confier avec lAgenceune mission supplmentaire. Sous rserve de prcautions dordredontologique et thique, la coexistencede ces deux missions fera notre force.Nous savons bien que, pour trevritablement au service du dveloppement, la recherche seconduit sous lautorit du pays daccueil,en partenariat avec les universits et les instituts du Sud. Cest ainsi que se sont constitus, lIRD,comme au Cirad et lInstitut Pasteur,ces rseaux de recherche au Sud sur lesquels repose la lgitimit de notre agence.

    Pas de recherche sans les partenairesdu Sud, pas dAgence non plus. Ainsi, le conseil dorientation dont sestdote lAgence est-il compos partgale de huit membres dsigns par les tablissements de recherche franaiset de huit personnalits trangresissues, pour sept dentre elles, des trois continents du Sud et dont quatre ont t proposes par des organismes internationaux de recherche. Cette stricte parit est un gage de lambition de lAgence.

    Les premires discussions, sur les thmatiques prioritaires ou sur les appels doffres, sont profondmentmarques par cette dynamique collectiveimpliquant Nord et Sud. Le financement est assur en partie parune contribution des tablissements qui marquent ainsi leur adhsion la dmarche. Cest grce sa fonction de mutualisation que lAgence contribuerade faon dterminante placerlensemble de la recherche franaiseau service du dveloppement.

    1. Le CNRS, lInserm, le Cirad, lInstitutPasteur, la confrence des Prsidents duni-versit et lIRD sont reprsents au Conseildorientation de lAgence.

    par Jean-Franois Girardprsident de lIRD

    LAgence : An I

    laccs des cartes ou des photographiesariennes prcises deces rgions transfron-talires, aucune rf-rence nest donc dis-ponible pour estimeret corriger ces erreursdobservations. Cestdonc en comparantles deux topographiestablies partir desrelevs des deux satellites sur des zonesnon glaciaires, donc invariantes, que leschercheurs ont pu corriger les dvia-tions et superposer les deux modles deterrain. Leur comparaison donne unecarte des variations de lpaisseur desglaciers sur toute la rgion observe,entre 2000 et 2004, pour des inter-valles daltitude de 100 m.Les plus grands glaciers dont leslangues terminales descendent le plusbas (environ 4 000 m) sont en netrecul, avec une diminution de 8 10 mde leur paisseur au-dessous de4 400 m. Cette perte reste de 4 7 mentre 4 400 et 5 000 m, passant 2 mau-dessus de 5 000 m. Lestimation parimages satellitaires donne un bilanmoyen de 0,7 0,85 m par an surles 915 km2 de glaciers tudis, soitune perte totale de 3,9 km3 deau en

    Au cur du courant de Humboldt

    Le courant de Humboldt, aularge du Prou et du Chili, estlcosystme ocanique de tousles excs. Soumis aux perturba-tions environnementales du ph-nomne El Nio, il abrite aussi laplus intense production biolo-gique de tous les ocans. p. 8-9

    Genre et sidaLes diversesdimensions dugenre face lpidmie deVIH/sida. p. 7

    Mgalitheset artrupestrePatrimoine

    mconnu du Cameroun p. 10

    Dans ce numro

    Les satellites regardent fondre les glaciers

    Vue dune partie du glacier Chhota Shigri depuis sonsommet 6 265 m.

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    Relev de la position dune balise dablation au DGPSsur la langue du glacier Chhota Shigri 4 400 m.

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    E n t r e t i e n a v e c M i c h e l L a u r e n t , d i r e c t e u r g n r a l d e l I R D

    Politique de site lIRDmeilleures cohrence et visibilit

    A fin de r-pondre auxperspectivesambitieuses traces parle contrat dobjectifs2006-2009 de lIRD,Michel Laurent, direc-teur gnral de lIRD, apropos en octobre2006 les grandes lignesdun plan daction rela-tif la politique scienti-

    fique de lInstitut. Lune des dclinaisons de ce plan rside dans la mise en placedune politique de site, destine renforcer la cohrence scientifique des activitsconduites par lInstitut tant en mtropole que dans les ROM-COM et ltranger. La rflexion a t conduite en deux tapes : lune, engage en novembre 2006, aport sur les sites et centres mtropolitains et a mobilis lensemble de lInstitut :directeurs dunit, reprsentants, directeurs de centre, directeurs des dparte-ments scientifiques. Le produit de cette rflexion conjointe, sous forme de propo-sitions dvolution de lappareil scientifique et dimplantation gographique, seraprsent au Comit de direction et aux instances statutaires de lIRD. Le documentde travail actuel regroupe toutes les orientations et propositions contribuant larationalisation du dispositif de recherche, de formation et de valorisation delInstitut.La deuxime tape, concernant ltranger et loutre-mer tropical franais, actuel-lement en cours, sachvera en juin 2007. Le sminaire annuel des directeursdunit, directeurs de centre et reprsentants qui se tiendra dbut septembre 2007 Paris sera loccasion dune prsentation densemble de ces propositions.Politique de site, pourquoi, comment ?

    En premier lieu, quentendez-vouspar site ?La dfinition dun site repose sur lexis-tence dactivits scientifiques relative-ment prennes, conduites par unnombre significatif de chercheurs : unsite peut ainsi tre dcrit comme unespace gographique, dpourvu de sta-tut administratif, runissant un ensembledactivits partenariales mono ou pluri-thmatiques de lIRD (implantation duni-ts, plate-forme technologique, Institutfdratif de recherche,). Ces activitsscientifiques de recherche, de formation,dexpertise, de valorisation et de diffu-sion peuvent tre conduites sur un lieuunique dimplantation, correspondantou non lexistence dun centre delInstitut, ou dans un espace plus vastede type rgional ou interrgional,comme cest le cas ltranger. Site et centre ne sont donc pas de mmenature et nont pas le mme objectif.Mais la politique dun centre doit sins-crire dans le cadre dune politique de site.Une politique de site affirme consolideraen retour la politique du centre et desunits qui y sont hberges.

    5 ans. Afin de vrifier ces rsultats etde valider le procd, les observationssatellitaires sont compares au bilan demasse du glacier Chhota Shigri(15 km2) tabli entre 2002 et 2004 parlunit Great Ice et ses partenairesindiens grce des relevs de terrain.Les valeurs du bilan ralis partir deces donnes de terrain et calcul grceaux donnes satellites concordent.Pour les deux mthodes dvaluation,le glacier du Chhota Shigri aurait perduen moyenne un peu plus dun mtre deglace tous les ans.Mme si limagerie satellitaire avaitdj t utilise pour mesurer la fontede glaciers la mme quipe avaitexpriment cette technique sur lesmassifs alpins cest cependant lapremire fois quun tel procd est mis

    Runion des reprsentants, Paris, janvier 2007.

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  • Sciences au Sud - Le journal de lIRD - n 39 - mars/avril/mai 2007

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    niveau de la mer, ceux de la pomme deterre requirent des conditions froides etse dveloppent principalement, la lati-tude du Prou, au-dessus de 2 000-2 500 m. Le nmatode de la pomme deterre Globodera pallida, parasite inca-pable de se dvelopper sur dautresplantes, a covolu avec son hte et nese rencontre au Prou quau-dessus delaltitude seuil de 2 000-2 500m.Des chercheurs1 ont tudi la phylogniemolculaire de populations de Globoderapallida prleves dans les Andes pru-viennes. Ils ont mis en vidence que lesud du Prou andin abrite les lignesayant la plus grande variabilit gn-tique. Les populations se sont ensuite dif-frencies mesure quelles colonisaientles rgions situes plus au nord.Selon linterprtation envisage avecThierry Sempr, gologue lIRD, si lacolonisation des Andes pruviennespar G. pallida sest propage du sudvers le nord, on peut mettre lhypo-thse que cest parce que laltitudeseuil de 2 000-2 500 m a t acquiseprogressivement du sud vers le nord,en rendant disponibles de nouveauxterritoires pour le couple hte-parasite.Ainsi, au Prou, le soulvement andinse serait dabord produit au sud, puisse serait propag longitudinalementvers le nord. Il faut en conclure que leshautes Andes sont nes dans la rgion

    L a gnalogie de Globoderapallida, un nmatode parasitede la pomme de terre auProu, fournit des indications sur la for-mation de la Cordillre. Lvolution deGlobodera pallida et de son hte, lapomme de terre, comme celle de tousles autres organismes vivants, est engrande partie conditionne par lvolu-tion de leur environnement. Dans lesAndes, lacquisition de hautes altitudesa notamment dclench ladaptationau froid de nombreuses lignes dani-maux et de plantes, qui ont diverg partir dorganismes de basse altitude.Ces divergences sont enregistres parla phylognie des groupes.Le soulvement andin a trs probable-ment provoqu la divergence deslignes de la pomme de terre (Solanumtuberosum) et de la tomate (S. lycoper-sicum), qui sont gntiquement voi-sines. Les cousins sauvages de la tomatecultive poussent naturellement sur leversant pacifique des Andes jusquau

    J ean-Franois Gugan plante ledcor. La Dclaration publiquedintrts stipule que le HCSPcontribue au processus dlaborationdes objectifs de sant publique et desplans stratgiques inscrits dans la loi etvalue leur ralisation. Il assure gale-ment, en lien avec les agences sani-taires, une fonction gnrale daide la dcision des pouvoirs publics enmatire dvaluation et de gestion desrisques sanitaires, incluant lexpertisede la politique vaccinale .Et il ajoute : Cette affirmation corres-pond un repositionnement du rle deltat qui reprend la main sur les dci-sions, en mettant en avant limpor-tance de la rigueur scientifique et delindpendance dans la dmarche desant publique, avec une articulationrenforce entre le HCSP et les agencesde scurit sanitaire. Au-del des remaniements de struc-tures, lesprit mme a chang. Il sagit

    de rorienter la faon dapprhenderles problmatiques pour aller du modecuratif lchelle individuelle vers lemode prventif lchelle des popula-tions. Trs concrtement, le HautConseil dfinira pour un ensemble deproblmes de sant (pathologies oudterminants), des objectifs quantifiset susceptibles dtre atteints unechance pluriannuelle .La centaine de membres, choisie parmides candidatures libres ou institution-nelles, reflte le souci de sappuyer surdes comptences dpassant le cadredu monde mdical. Sont ainsi venueslargir la palette de disciplines habi-tuellement sollicites, la gntique despopulations, la gographie, la dyna-mique des populationsUne des volonts affiches est dedpasser lapproche traditionnelle fran-aise plutt curative et fonde sur larecherche des causes proximales enanalysant les facteurs de risques sani-

    taires, et en particulier dadopter uneapproche prventive au regard desparamtres environnementaux. Parmiles cinq plans nationaux stratgiquesdfinis, lun concerne la limitation delimpact de ces facteurs environnemen-taux sur la sant. Jean-Franois Guganapportera sa contribution, tout aumoins pour les aspects biologiques,dans laxe Dterminants environne-mentaux de la sant qui est transversalaux commissions spcialises. Saconnaissance du monde tropical serautile, en particulier pour la prise encompte de loutre-mer franais.Entrant dans le cur du sujet, J.-F. Guganprcise : Pour ce qui concerne lesmaladies infectieuses, les paramtresdordres cologique et climatique sont prendre en compte dans les poli-tiques de sant car ils sont habituelle-ment importants dans le cycle de viedes pathognes. Par exemple, les cam-pagnes de vaccination ou les traite-ments par antibiotiques induisent chezles pathognes cibles des mutations,des adaptations, des rsistances. Seule

    [email protected] - 213, rue La Fayette -F - 75480 Paris cedex 10Tl. : 33 (0)1 48 03 77 77Fax : 33 (0)1 48 03 08 29

    http://www.ird.fr

    Directeur de la publicationMichel Laurent

    Directrice de la rdactionMarie-Nolle Favier

    Rdacteur en chefOlivier Dargouge ([email protected])

    Comit ditorialRoger Bambuck, Jacques Boulgue,Jacques Charmes, Nathalie Dusuzeau,va Giesen, Alain Leplaideur, DanielLefort, Christian Marion, Jacques Merle,Georges de Noni, Grard Winter

    RdacteursFabienne Beurel-Doumenge([email protected]),Olivier Blot ([email protected])

    Ont particip ce numroOudir BenabderrahmaneCline BezyCline Ravallec

    Correspondants Jacqueline Thomas (Dakar) Mina Vilayleck (Nouma)

    Photos IRD Indigo BaseClaire LissaldeDanile Cavanna

    Photogravure, ImpressionIME, 3, rue de lIndustrie, 25112 Baume-les-DamesTl. : 03 81 84 11 78

    ISSN : 1297-2258Commission paritaire : 0909B05335Dpt lgal : mai 2007

    Journal ralis sur papier recycl.

    Le journal de l'IRD

    P r v e n t i o n e t d u c a t i o n

    Une nouvelle politique de sant publique

    la confluence entresciences de la vie et sciences de la terre, des travaux sur lvolutiondun nmatode clairentlhistoire gologique des Andes pruviennes.

    de la Cordillre o celle-ci est actuelle-ment la plus large et le volume monta-gneux le plus important.Ces rsultats originaux2 innovent en cesens quils dmontrent que des passe-relles fcondes peuvent se crer entresciences de la Vie et sciences de la Terre.Ltude de la phylognie dorganismesdaltitude pourrait ainsi dboucher surdes rsultats gologiques intressants,dune part par lanalyse darbres phylo-gntiques, en termes de distributionsbiogographiques (phylogographie),dautre part en utilisant ces arbrescomme horloges molculaires (phylo-chronologie). En retour, la connaissancede lhistoire gologique des Andes

    Lhistoire gologique des Andes raconte par les nmatodes

    pourrait clairer les modalits des adap-tations biologiques rgionales et per-mettre de tirer des conclusions gn-rales quant limpact des orogensessur lvolution des organismes.

    1. Damien Picard, doctorant, Didier Mugniryet Olivier Plantard de lInra Rennes.2. D. Picard, T. Sempr & O. Plantard, Anorthward colonisation of the Andes by thepotato cyst nematode during geologicaltimes suggests multiple host shifts from wildto cultivated potatoes, Molecular phylogene-tics and evolution, 42, p. 308-316, 2007.

    ContactThierry [email protected]

    une approche au niveau des popula-tions humaines permet de voir ces ph-nomnes et, partant, de reprer leszones risque. Enfin la cration de lcole des hautestudes en sant publique (EHESP), placesous la tutelle conjointe des ministreschargs de la sant, des AffairesSociales, de lducation et de laRecherche, comblera une lacune enmatire de politique de formation.Homologue de lcole des hautestudes en sciences sociales et sur lemodle du Conservatoire national desarts et mtiers, lEHESP intgrera lcolenationale de sant publique de Rennespour former les personnels aux pro-blmes de sant publique.

    ContactJean-Franois [email protected]

    Ltat franais se dote de nouveauxoutils de pilotage de la politique de sant publique. Parmi eux, un organisme dexpertise, de coordination et dvaluation, le Haut Conseil de la sant publique(HCSP), est remani et ses missionsredfinies. Jean-Franois Gugan,co-pidmiologiste et directeur de recherche lIRD dans lunit de recherche Gntique et volutiondes maladies infectieuses (unit mixteCNRS/IRD), vient dtre choisi commemembre de cette instance. Il nous enexplique les objectifs et les enjeux.

    Chacun des deux arbres phylogntiques de Globodera pallida figurs ici(en regard dune image topographique des Andes pruviennes) prsente une structure caractrise par des lignes anciennes tablies au sud et des lignes successivement plus rcentes chelonnes vers le nord. Les pointills indiquent les sites dchantillonnage ; les tirets blancs dlimitent les principales divergences phylogntiques.Ces arbres sont bass sur les distances gntiques calcules partir dun gne mitochondrial et de 8 loci microsatellites.

    Haut Conseil de sant publiqueLe HCSP remplace deux structures : le prcdent Haut Conseil instance derflexion cre en 1991 et le Conseil suprieur dhygine, plutt technique etcr la fin du XIXe sicle. Il comprend un collge et des commissions spciali-ses. Le prsident est lu par les membres du collge et des commissions. Les commissions spcialises sont orientes sur : gestion des risques sanitaires prvention des limitations dactivit et des altrations de la qualit de la vie dterminants collectifs et individuels des comportements expertise mthodologique transversale vise danalyse prospective

    Les missions du HCSP : dfinition dobjectifs, expertise, rflexions prospectives.

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    en uvre sur une zone gographiquepour laquelle aucune donne fiable decontrle au sol, donc aucun reprepour caler les images, nest dispo-nible. Les estimations ralises tantcorrobores par celles issues de relevsde terrains et en adquation avec lafonte value des glaciers sur len-semble du monde entre 2001 et 2004,les chercheurs envisagent dtendreltude dautres zones de lHimalaya.Ils esprent ainsi pouvoir, terme, pr-ciser lvolution encore mal connue delensemble des glaciers himalayens quistendent sur un territoire grandcomme la France et assurent lapprovi-sionnement en eau de dizaines de mil-lions de personnes.

    ContactsYves Arnaud, IRD, UR032, Great Ice,[email protected] Berthier, CNRS, [email protected]

    tienne Berthier, Yves Arnaud, RajeshKumar, Sarfaraz Ahmad, PatrickWagnon and Pierre Chevallier, Remotesensing estimates of glacier massbalances in the Himachal Pradesh(Western Himalaya, India), RemoteSensing of Environment, 2006,doi:10.1016/j.rse.2006.11.017.

    Extrait de limage Spot 5panchromatique 2,5 m de rsolution du 12 novembre2004, avec en jaune les contours du glacier Chhota Shigri, en rougele rseau de balise et en violet les contours du glacier Bara Shigri.

    (suite de la page 1)