thèse traduction
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Rpublique algrienne dmocratique et populaire Universit Mentouri Constantine Facult des Lettres et des Langues
Dpartement de traduction
Thse de Doctorat dtat, Prsente par Ferhat Mameri
Sous la direction du Professeur : Mokhtar MEHAMSADJI
Le Concept de Littralit dans la traduction du Coran Le cas de trois traductions.
Anne universitaire : 2005-2006
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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Le Concept de Littralit dans la traduction du Coran Le cas de trois traductions :
1- Le Coran, traduction de Jacques Berque, ditions Sindbad, Paris 1990; 2- Le Coran, LAppel, traduit par Andr Chouraqui, ditions Robert LAFFONT, S.A-, Paris, 1990; 3- Le Saint Coran et la traduction en langue franaise du sens de ses versets; Rvis et dit par : La Prsidence Gnrale des Directions des Recherches Scientifiques Islamiques, de lIfta, de la prdication et de lorientation religieuse, Al-Madinah Al-Munawwarah, 1410 de lHgire =1989 ou 1990.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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Remerciements :
Jadresse mes remerciements dabord mon encadreur, Pr.
Mokhtar MEHAMSADJI, qui, tel un grand frre, a accept
lencadrement de mon projet de recherche malgr ses nombreuses
proccupations et auprs duquel jai trouv conseils et instructions
judicieuses pendant mes moments dhsitations et dincertitudes.
Mes vifs remerciements vont galement mon frre et ami Dr. Amar
OUIS, chef de dpartement de traduction luniversit Mentouri
Constantine, qui a su me convaincre de soutenir la prsente thse
dtat ici en Algrie alors que javais lintention de le faire sous
dautres cieux, et qui a pris en main tout le ct administratif pour
laboutissement de ce projet.
Merci aussi tous les membres du jury ainsi qu tous ceux qui, de
prs ou de loin, ont contribu pour que ce projet voit le jour.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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Ddicace :
mon pouse
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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Sommaire :
Introduction .. 02
Chapitre 1 : Histoire de la traduction du
Coran . 19
1.1. Introduction ..... 20
1.2. traduire le Coran vers le Latin . 20
1.3. Traduire le Coran vers le franais et langlais. 22
1.4. Conclusion 29
Chapitre 2 : linterprtation du
Coran . 32
2.1. Introduction .. 33
2.2. Lapproche traditionaliste 34
2.2.1. Les ides religieuses, historiques et politiques de
Fazlu Rahman .. 35
2.2.2. La mthode de Rahman pour interprter le Coran. 42
2.3. Lapproche rationaliste ..... 51
2.3.1. La mthode de Mohammed Arkoun pour approcher le
Coran .. 54
2.4. Conclusion 60
Chapitre 3 : Approches thoriques et traduction coranique62
3.1. Introduction ..... 63
3.2. lapproche interprtative (thorie du sens) .... 64
3.2.1.Captation du sens et non captation de la langue . 68
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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3.2.2. Importance des connaissances
extralinguistiques.. 69
3.2.3. Capter le vouloir dire de lauteur ... 71
3.2.4. Transmettre le sens et non traduire la langue ... 75
3.3. quivalence dynamique et traduction coranique . 85
3.3.1. La fonction informative .... 88
3.3.2. La fonction expressive .. 89
3.3.3. La fonction imprative .. 90
3.4. Courant littraliste et traduction ... 92
3.4.1.Traduction ethnocentrique et traduction
hypertextuelle.. 92
3.4.2.Traduire littralement nest pas faire du mot mot 96
3.5. Conclusion 101
Chapitre 4 : Cadre mthodologique 103
4.1. Introduction ... 104
4.2. Prsentation du corpus . 105
4.3. Mthodologie danalyse .... 108
4.4. Conclusion . 110
Chapitre 5 : Analyse des traductions . 111
5.1. Introduction ... 112
5.2. Traduire le dhikr ... 112
5.2.1.Confrontation et analyse des traductions ... 119
5.3. des mots et des concepts .. 122
5.4. Traduire laltrit des noms propres ... 127
5.4.1.Le cas du terme Issa .... 127
5.4.1.1. Confrontation et analyse des traductions .. 135
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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5.4.2. Traduire les noms des prophtes .... 143
5.4.2.1. Confrontation et analyse des traductions .. 151
5.5. Traduire le terme Fitna 154
5.5.1. Confrontation et analyse des traductions .. 164
Conclusion ..... 167
* Conclusion gnrale . 168
* Rfrences bibliographiques . 188
* Appendices . 195
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Introduction
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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Introduction :
La prsente recherche sinscrit dans le cadre de lanalytique de la
traduction. Elle consiste essentiellement affronter plusieurs
traductions face au texte source et aura pour objectif de tenter de
mieux comprendre lacte de traduire, de faire le lien entre la pratique
et la thorie de la traduction, de mettre le doigt sur des problmes
cibls et relever certaines difficults de la traduction. Nous
tenterons galement de conceptualiser les problmes pratiques en
vue daider le traducteur prendre ses dcisions lors de lopration
traduisante.
Le premier chapitre sera consacr lhistoire de la traduction du
Coran. La partie 1.2. du chapitre abordera le traduction du Coran
vers le Latin (car cest vers cette langue quil a t traduit en
premier), la partie 1.3 traitera de la traduction coranique vers le
franais, langlais et les autres langues europennes.
Parler de la traduction du Coran sans aborder le domaine de son
interprtation serait, nos yeux, ngliger la tradition islamique et les
tentatives dinterprtations modernes. Cest pour cette raison que
nous avons consacr le deuxime chapitre au domaine de
linterprtation coranique. Lors de nos lectures, nous avons constat
que, gnralement, il existe deux approches diffrentes, pour ne
pas dire opposes, traitant de linterprtation coranique. La partie
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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2.2 abordera lapproche traditionaliste, reprsente par Fazlu
Rahmane, qui soutient que pour procder tout acte dinterprtation
(comprhension, traduction) il faut revenir la tradition et
lexgse islamiques, et notamment aux circonstances de la
rvlation. Quant la section 2.3, elle traitera de lapproche
rationaliste, reprsente par Mohammed Arkoun, lequel soutient
que lexgse et la tradition islamiques ont toujours t
compromises par les contraintes sociopolitiques et quil est temps
de procder linterprtation du Coran dune manire objective en
ayant recours aux mthodes offertes par les sciences modernes
comme la linguistique, la smiotique, la philologie, etc.
Le troisime chapitre sera rserv la partie thorique de notre
travail. Dans ce chapitre, nous allons tudier trois thories
traductologiques dominantes. En premier lieu, dans la section 3.2,
nous allons aborder la thorie interprtative dont le point de dpart
est lcole suprieure des interprtes et traducteurs (l.S.I.T.) et qui
soutient quavant de poser tout acte traductionnel, il faut dabord
dverbaliser, chercher le vouloir dire de lauteur et capter le sens (le
message) en laissant tomber la lettre. Aux yeux des tenants de cette
thorie, la langue serait un simple transporteur du message. La
deuxime thorie (section 3.3) que nous allons aborder a une
relation directe avec lobjet de notre travail car elle a t initialement
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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fonde en se basant sur la traduction biblique. Il sagit du fameux
concept de lquivalence dynamique de Nida et Taber. Les deux
auteurs proposent dans leur Theory and practice of translation que
le traduire biblique doit principalement focaliser son intention sur le
rcepteur du texte traduit. Ils soutiennent que pour quune traduction
soit considre comme tant un acte russi, elle doit principalement
chercher des quivalences dans la culture cible afin de crer le
mme effet sur son lecteur que celui laiss par le texte source sur
son lecteur. Quant la section 3.3, elle sera consacre au courant
littraliste, essentiellement reprsent par Walter Benjamin, Henri
Meschonnic et Antoine Berman. Cest un courant qui accorde
normment dimportance la lettre et qui soutient que la langue
est loin dtre un simple vhicule pour transporter le message. Les
tenants de ce courant soutiennent que forme et contenu sont
intimement lis, voir mme indissociables, et que cest la forme, la
langue, qui oriente et faonne la manire de percevoir le vcu de
nimporte quelle socit.
Dans le quatrime chapitre, nous allons prsenter le cadre
mthodologique de notre travail. Nous sommes tout fait conscients
du fait que le choix dun corpus est trs dterminant pour un travail de
recherche. Car, pour que le projet soit men terme, au moins dune
faon satisfaisante, cela dpend amplement de ce choix. Cest
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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pourquoi, nous-nous sommes limits choisir trois traductions
franaises, savoir :
1- le Coran, traduction de Jaques Berque, ditions Sindbad, Paris,
1990 ;
2- Le Coran, lAppel, traduit et prsent par Andr CHOURAQUI,
ditions : Robert LAFFONT, Paris 1990 ;
3- Le Saint Coran et la traduction en langue franaise du sens de
ses verset, Rvis et dit par : La Prsidence Gnrale des
Directions des Recherches Scientifiques Islamiques,de lIFTA,
de la prdication et de lorientation religieuse, Al-Madinah Al-
Minawwarah,1410 de lHgire=1989 ou 1990.
Pourquoi spcialement ces trois traductions parmi tant dautres ?
Les critres de notre choix sont les suivants :
- Ce sont des traductions que les critiques ont reues et considres
comme tant des traductions valables.
- Ce sont des traductions rcentes, dites dans une mme anne.
- Ce sont des traductions faites par des traducteurs venant
dhorizons divers (de cultures diffrentes et surtout reprsentant les
trois religions monothistes.)
La critique a dj tax la traduction de Chouraqui dtre judase ;
Je vous rappelle que dautres traductions, celle dAndr Chouraqui,
pour ne citer que lune des dernire en date, est une pale copie de la
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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Thora, une Thora dulcore ! 1 Cest dans ce mme sens quon a
reproch la traduction de Berque dtre trop biblique et celles faites
par des institutions religieuses musulmanes dtre conformistes. Nous
tenterons de vrifier la part de la vrit de tout cela. Nous estimons
que cette tache est trs vrifiable en se basant sur lanalyse des textes
traduits. Car, travers le choix des termes, des expressions et des
quivalences, on peut dgager dune manire concrte la part
culturelle, qui est un facteur important qui contribue considrablement
grer lacte de traduire. Et cest principalement pour cette raison que
nous avons veill ce que notre corpus ne soit pas uniforme mais
vari. En ce qui concerne la mthode adopte, nous avons opt pour
la mthode descriptive, car elle convient le mieux la nature et la
vise de notre projet.
Le dernier chapitre (chapitre 5) sera consacr lanalyse des
traductions. Nous irons dabord, de manire systmatique, chercher le
terme, lexpression, ou le verset dans le texte source en arabe. La
version du Coran sur C.D ROM avec sa traduction saoudienne nous
aide beaucoup gagner du temps dans ltape de la recherche, car
elle offre des outils de recherche par mots cls, par expressions, par
versets ou mme par sourates. Nous exposons ensuite le verset
original avec les trois traductions sous forme de tableaux, pour faciliter
la comparaison. Et cest en basant sur la confrontation et lobservation 1 Malek Chebel, entretien accord au quotidien algrien El-Watan, du 20 mars 1999.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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des traductions, ainsi que sur les critiques faites leur gard, que
nous allons procder lanalyse des traductions en veillant surtout
en faire un rapprochement avec les courants traductologiques dj
mentionns.
Il a toujours t communment admis que le traduire est un acte qui
se trouve trs difficile atteindre. Et quand nous passons la
traduction coranique, la tche devient de plus en plus complexe, car
il ne sagit plus de traduire une ide dautrui, mais lon traduit une
religions qui reflte la vie et la civilisation de tout un peuple, du
moins ceux qui pratiquent cette religion. Si un musulman ou un
arabe lit la traduction du Coran, et quil se confronte des zones
dombres, il se rfrera automatiquement la source pour mieux
comprendre, et ce nest pas vraiment l le problme. Si par contre
cest un tranger qui se trouve face cette mme traduction, il
naura dautre ressources pour dsambiguser sa comprhension.
De nombreux travaux antrieurs ont t mens sur la traduction des
textes sacrs. Dans sa traduction du Coran, faite entre 1947 et 1950
en trois volumes, Blachre a consacr tout le premier volume,
intitul Introduction au Coran, donner une rflexion que la
traduction de ce livre sacr. Bien que lIntroduction soit une
excellente synthse de lhistoire de la traduction du Coran vers les
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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diffrentes langues et un travail critique dune grande valeur sur les
traductions du Coran faites depuis le Moyen-ge, il reste,
cependant , que cest un travail ax sur le produit lui-mme, le texte
traduit, plutt que sur lacte de traduire. Dautre part, le travail de
Blachre, limage de celui de bien dautres orientalistes, a toujours
t tax comme tant un travail idologique qui manque de
scientificit. Il faut admettre, demble, que ce reproche ntait pas
totalement non fond. Car dans plusieurs partie de lIntroduction, et
notamment dans le chapitre intitul Critique souleve par le texte
reu dans la vulgate, Blachre sme le doute sur lintgrit et
lauthenticit du Coran. Cette faon de faire a beaucoup heurt la
sensibilit du monde musulman, lui qui se mfiait dj beaucoup de
tout travail orientaliste .toutefois, malgr cette polmique, il faut
reconnatre que lIntroduction est un effort remarquable et une
matire trs fconde pour les tudes de la traduction. Il soulve
normment de problmes faisant face aux traducteurs du Coran
tout en essayant de proposer des solutions pour le contourner.
Dans The Theory and Practice of Translation, (The Theory), Nida et
Taber tentent dtablir une mthode pour traduire la Bible. Sans oublier
le fait que translating is far more than a science, les deux auteurs
essayent une manire didactique d tablir les tapes et les
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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procdures suivre pour approcher un texte sacr. the first two
chapters are essentially introductory ,for they deal with certain of the
broader issues and attempt to orient the reader with respect to the total
task.The following chapters take up in a systematic order the
fundamental procedures of translating : analysis, transfer,
reconstructing and testing2
En se basant essentiellement sur lanalyse des traductions antrieures
de la Bible, les auteurs tentent, dune faon pdagogique, de jalonner
le parcours des traducteurs lors de lopration traduisant un texte
sacr. Ils russissent fort bien illustrer les difficults et les problmes
lis la traduction, en gnral, et celle des uvres sacres en
particulier. Dautre part, se basant sur leurs propres expriences ainsi
que sur lexamen et lobservation de plusieurs autres traductions, les
auteurs nous rvlent beaucoup de perspectives sur lacte de traduire
un texte sacr. Toutefois, juge trop pragmatique et trop cibiste, leur
mthode na pas fait lunanimit. Il faut admettre que pour les deux
auteurs, le texte source importe peu. Ils misent normment sur
ladaptation du texte en fonction du rcepteur : Even the old
question : is this a correct translation is intended will be likely to
understand it correctly3.
2 Prface, E. Nida et C. Taber : the Theory and practice of translation, 3 The theory, page 1.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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Ainsi, pour Nida et Taber, il faut toujours veiller ce que la traduction
soit ramene au niveau du lecteur. Une approche pragmatique qui
servirait beaucoup un missionnaire mais qui ne peut tre applicable
tous les cas de traduction des textes sacrs.
Sans prtendre pouvoir mettre en rapport la problmatique de la
traduction du Coran avec tous les courants et toutes les thses
traductologiques, nous tenons toutefois souligner ce rapport avec les
thses les plus connues comme celles de la traduction des textes
sacrs chez Henri Meschonnic, la traduction de la posie chez Antoine
Berman, et la traduction littraire chez Walter Benjamin. Nous
comptons aussi largir le glossaire des notions utiles qui servirait
comme un outil pour tout traducteur du Coran, procdure applicable
toute traduction dun texte sacr. Par ailleurs, partant du principe que
la tradition islamique a son propre mot dire concernant ce sujet, nous
allons inclure un tat de la question quant la problmatique
lintrieur de la tradition islamique.
Notre objectif donc est de reprer dabord les zones textuelles et de
tenter de comprendre et de dfinir les facteurs contribuant motiver
les choix des traducteurs travaillant sur la traduction du Coran. Ce
faisant, nous esprons pouvoir dfinir, au moins, une partie des
lments qui participent grer lacte traductionnel.
Pour tout musulman, le Coran est la parole de Dieu qui a t rvle
son messager, le prophte Mohamed. Cette rvlation a dur environ
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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vingt ans. Elle a commenc la Mecque vers lan 610 et sest acheve
avec la mort du Prophte, en 632. Selon le texte coranique mme,
cette parole est destine toute lhumanit sans distinction de race, de
couleur, de religion ou de statut social. Plusieurs des versets
coraniques attestent de ce fait, jen citerai un. Dans le verset numro
41 de la sourate Ezzumour, le Coran dit :
. 41.
Nous vous avons rvl le livre a lhumanit dune manire
certaine. Celui qui se dirige vers le droit chemin le fait pour lui-
Mme ; celui qui sgare, le fait son propre dam, tu nes pas
Leur rpondant. Ezzumour, 41.
Toutefois, malgr son aspect universel, le Coran a t rvl dans une
langue prcise, qui est larabe du 7me sicle, dans un contexte
gographique particulier, le milieu dsertique de lArabie, et dans un
contexte culturel trs prcis, qui est celui de la tribu de Quraiche la
Mecque, dabord, et ensuite celui de Mdine.
Cette ralit culturelle est clairement affiche dans plusieurs des
versets coraniques, je me contenterai ici den citer :
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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. 27 28.
Certes, Nous citons toutes sortes dexemples dans le Coran
lintention des humains pour quils rflchissent ; un Coran
arabe sans dtour fin quils se prmunissent.
Ezzumour,27/28
Pour mieux illustrer le caractre contextuel du Coran, je citerai ici un
exemple donn par Amina Wadud, dans son livre Quran and Woman.
Il sagit du terme Huri ou Hur-al-Ayn utilis dans le coran pour dsigner
les compagnes du paradis. Ce terme avait un sens particulier pour les
arabes du 7eme sicle. Cela reprsentait une femme vierge et docile,
ayant de grand yeux noirs et une peau blanche. En fait, cest la femme
idale dont tout homme du milieu culturel de cette poque rvait. Cette
description dmontre clairement que le Coran tenait compte des rves
et des dsirs de ces Arabes. Toutefois, il serait impensable que le
Coran prenne ce modle de femme pour reprsenter ou donner une
description universelle de la femme idale. Ainsi, la valeur de ces
exemples coraniques est trs relative et elle ne peut, en aucun cas,
tre applicable toutes les cultures en tout temps.
En effet, le Coran lui-mme dmontre laspect relatif de ces exemples.
Car aprs que la communaut musulmane se soit tablie Mdine,
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elle sest beaucoup largie et diversifie. Beaucoup de femmes ont
embrass cette nouvelle religion, ainsi que dautres tribus qui navaient
pas ncessairement les mmes dsirs et les mmes gots que la tribu
de Quaiche la Mecque. Cest pourquoi le langage coranique a
chang pour sadapter cette nouvelle ralit culturelle. On constate
que dans toutes les sourates mdinoises, le Coran nutilise plus le
terme Hur-al-Ayn mais plutt dautres termes plus gnriques, comme
compagnes, pouses ou autres. Dans la Sourate El-Imrane, V.15,
le Coran dit :
15.
Dis : Est-ce que je ne vous annonce pas mieux que tout
cela : pour ceux qui craignent leur seigneur des jardin
dessous lesquels des rivires coulent, ils seront ternels,
des pouses de puret. Allah est clairvoyant sur ses
adorateurs.
Il importe de souligner ici que lutilisation dautres termes
comme djenna , paradis, qui vient de la mme racine que le mot
jardin, ainsi que les termes rivires ou autres font aussi partie des
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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dsirs et des rves de ces Arabes qui vivaient dans un milieu
dsertique.
Cest ainsi que le message coranique est intimement li au contexte
culturel de lArabie au temps de la rvlation, mais notamment la
langue arabe. Pour tout musulman, ou presque, le Coran sans larabe
ne serait pas le Coran. Il serait mme inconcevable dimaginer un
Coran non arabe. En traduction littraire, on voque trs souvent les
concepts de forme et contenu. Dans le cas du Coran, le problme est
largement plus complexe. Il y a dabord le fait que pour les musulmans,
le Coran est la parole de Dieu. Ainsi, tout changement dans le texte
coranique impliquerait un changement du caractre divin de ce texte.
En examinant les titres de diffrentes traductions, on saperoit que, le
plus souvent, laccent est mis sur le contenu plutt que sur la forme. Et
il se trouve que justement, dans le cas de tout texte sacr en gnral,
et du Coran en particulier, forme et contenu sont intimement lis. Est-
ce que cest parce que le texte coranique est difficile traduire quon
doit renoncer sa traduction ?
Il est connu que le premier mot qui a t rvl au prophte Mohamed
est : lis ! :
. :1 2 3 4 5.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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Lis au nom de ton Seigneur qui a cre ; il a cre lhomme
dune adhrence ;lis ! Ton Seigneur le trs noble ;qui a
enseign par la plume, a enseign lhomme ce quil ne
savait pas. El-Alak : 1,2,3,4,5.
Le Coran a t rvl pour tre lu et pour tre compris. Et comme on
la dj mentionn plus haut, il a t rvl toute lhumanit. Et
quand on sait que, de nos jours, les arabes ne forment quune minorit
du monde musulman, il serait impensable de parler encore de
lintransmissibilit du Coran. Car la raison dtre du Coran, comme
plusieurs de ses versets lindiquent, c est d tre compris. Comment le
comprendre ? Telle est la question quil faut se poser. Mais cette
question se pose dabord au niveau intralinguistique avant quelle ne
soit pose au niveau inter linguistique .Parce quavant que le problme
de la comprhension soit pos pendant la traduction, il la t, et il
lest encore jusqu' nos jours, lintrieur de la langue de source
mme. Car le Coran a toujours t sujet plusieurs interprtation, et
cest l un autre aspect des difficults auxquelles font face les
traducteurs. Ces difficults rsident dans le fait que le texte coranique
fourmille de termes emprunts, dvis de leur sens originel4 que ces
termes font toujours lobjet d plusieurs interprtations diffrentes. Quel
sens doit-on choisir ? 4 Blachre : Introduction au Coran.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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Et de quel droit opter pour un sens particulier et laisser tomber les
autres ? Dans une foule de cas,nous nous heurtons des termes
dont la signification reste vague ou douteuse. O met-on le non-
arabisant en garde contre le correspondant franais quon propose ?5.
Daucun peuvent dire que , par respect pour le lecteur , le traducteur
est tenu de garder tous les sens possibles. Pour plus de fidlit, il doit
lui rendre compte mme des difficults de traduction quil rencontre, et
ce en utilisant des notes en bas de page . Cest ce que font la plupart
des traducteurs. Cependant, il faut admettre que cette solution na pas
que des avantages. Car, en plus dalourdir normment le texte traduit,
elle ne fait que compliquer la tche de la comprhension dun texte
difficilement comprhensible.
Il est communment admis que par sa traduction de la Bible, Martin
Luther (1483-1548), a boulevers les fondements de lancienne
socit allemande tout en dblayant le terrain lmergence dune
nouvelle socit. Ainsi, si lacte traductionnel contribue, en gnral,
lmergence de nouvelles ides, souvrir sur lautre ou mme la
possibilit de devenir lautre, traduire un texte sacr peut conduire la
(re) construction des fondements de toute une socit. Nous
cherchons vrifier lhypothse selon laquelle les traducteurs du
Coran ne font que reproduire ce que leurs propres cultures et leurs
propres religions leur dictent. En se basant sur lanalyse de trois 5 Blachre : Ibid.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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traductions du Coran vers le franais, nous tenterons galement de
dgager les diffrents facteurs contribuant grer et baliser
lopration traduisante dune faon gnrale .
Des thses soutiennent que procder plusieurs traductions dun
mme texte sacr serait une tche ncessaire pour saisir le sens et
faire passer le message. This means that several different levels of
translation, in terms of vocabulary and grammatical structures are
required, if all people are to have essentially equal opportunities to
understand the message.6 Ainsi, selon Nida et Taber, le fait davoir
plusieurs traductions utilisant un vocabulaire diffrent, et des structures
diffrentes, pourrait aider mieux saisir le sens et tendre les
champs du lectorat. En dautres termes : la traduction dun texte sacr
doit sadapter aux exigences et aux besoins du lecteur (la fameuse
quivalence dynamique).
En ce qui nous concerne, nous-nous contentons dabord d examiner
de prs les traductions tudies. Ensuite nous procderons une
confrontation des zones textuelles suivie dune analyse comparative
des solutions proposes par les traducteurs. Et enfin, en troisime lieu,
nous tenterons de dgager les facteurs qui ont motiv les choix de
chaque traducteur. Ce faisant , noud pensons pouvoir dterminer
The theory and practice of translation, E. Nida and Charles Taber, E j-BRILL , LEIDEN , 1969 .
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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lexistence dune ou de manire ( s ) particulire ( s ) dapprocher le
traduire coranique.
Nayant pas la prtention de cerner pleinement un sujet si complexe,
nous estimons toutefois que notre recherche, si modeste quelle soit,
est mme de faire avancer le dbat sur lanalytique de la traduction
en gnral, de mettre en lumire beaucoup daspects, encore obscurs,
de la traduction des textes sacrs en gnral, et celle du Coran en
particulier ; et surtout dexpliquer et de dterminer, au moins dune
faon partielle, les facteurs contribuant grer lacte traductionnel, en
gnral, et celui du Coran en particulier.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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Chapitre I :
Histoire de la traduction du Coran
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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Chapitre I :
Histoire de la traduction du Coran :
1.1. Introduction :
Il importe de noter quil y a toujours eu une grande rsistance la
traduction coranique et que dimminents thologiens comme Chafii,
Ahmed Ibn Hanbel et lImam Malek se sont mme alls dclarer
quil serait un pch que de le traduire. Ils soutiennent que la
traduction du Coran pousserait les musulmans non arabes
apprendre lIslam via un intermdiaire (la traduction) qui contient
souvent des erreurs qui peuvent tre fatal lislam et au message
coranique. Contrairement ce point de vue, dautres thologiens
comme Abou Hanifa, El-Boukhari et Zamakhchari ont jug
ncessaire de procder la traduction du Coran car, pour les non
arabes, il est de leur droit daccder au message coranique et quil
nest aucunement de leur faute sil a t rvl dans une langue
autre que la leur. Et si on considre la ralit du monde islamique
actuellement, on constate que les arabes ne forment quune
minorit ( peine 20%) et parler ce stade de la non traduisibilit du
Coran serait un peu absurde.
1.2. Traduire le Coran vers le Latin :
La premire traduction du Coran a t faite sous limpulsion de
labb de Cluny, Pierre le Vnrable (1092-1156). Durant son
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
28
voyage en Espagne (entre 1141 et 1143), cet ecclsiastique,
probablement avec laide de larchevque Raymond de Tolde,
constitua une quipe dirige par un anglais, Robert de Rtines
(Robertus Retenensis) archidiacre Pampelune, assist dun
Dalmante nomm Hermann. La tche de ces deux clercs, savants
en langues latine et arabe, consistait donner leurs avis sur les
passages dinterprtation dlicate, et le vritable traducteur est un
certain Pierre de Tolde, probablement un converti qui ne matrisait
pas la langue latine autant que la langue arabe, et cest la raison
pour laquelle Pierre le Vnrable a dsign un co-traducteur, appel
aussi Pierre, de lordre de Cluny, charg de rviser le style de la
traduction. Ce travail dailleurs adress Saint Bernard, ne prcde
que de quatre annes la deuxime croisade. Comme le dclare
Pierre le Vnrable, cette traduction est destine la propagande
contre lIslam. Cest pourquoi elle a t reproduite un grand
nombre dexemplaires pour les besoins des missionnaires et des
thologiens.
Concernant cette premire traduction du Coran, Blachre disait :
Sagit-il dune traduction ? On nhsite pas le nier
quand on voit combien le texte latin ressemble peu au
texte arabe , qui le plus souvent , est seulement rsum .
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
29
Tel quel cependant , la Chrtient , cinq sicles durant ,
lutilisera soit directement soit indirectement dans ses
controverses furieuses et vaines contre lIslam.7
Et malgr son caractre controvers, cest pourtant cette mme
traduction latine de robert de Rtines qui fut le travail de base de la
version faite par lhumaniste et thologien suisse Buchmann (alias
Bliander) publie Ble en 1543. Et il est galement fort probable
que cest cette mme version qui constitue lossature de la version
italienne LAlcorano di Macometto faite par lhumaniste Andrea
Arrivabene (publie en 1547). Cette dernire traduction italienne
passa en allemand par le biais de Schweigger sous le titre de Der
Turken Alcoran (Nuremberg, 1616, 2eme diction 1623) et cette
version, son tour, fut traduite en nerlandais, Hambourg, en
1641.
1.2. Traduire le Coran vers le franais et langlais :
Il a fallut attendre le dbut du XVIIme pour que la premire
traduction franaise du Coran voit le jour par le Biais de Andr Du
Ryer (1580 ? 1660). Ce Bourguignon avait loccasion de bien se
prparer cette tche du fait quil travaillait comme consul en
Egypte, do il est all Constantinople, vers 1630 pour apprendre
7 Blachre : introduction au Coran.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
30
le turc. Cette premire traduction franaise parut en 1647 Paris
sous le titre de LAlcoran de Mahomet, a eu beaucoup de sucs
tant donne que lintelligentsia de lpoque sintressait beaucoup
au monde islamique. Les ditions se succdent : en cinq ans, on en
compte pas moins de cinq, soit Paris, soit Amsterdam. Par
ailleurs, cette version de Andr Du Ryer connat lhonneur dune
traduction en Anglais (1688), en nerlandais (1698), et en allemand
(sans date). Pendant prs dun sicle, les rditions, avec ou sans
modifications, se multiplient tant en France quen Angleterre et aux
Pays-Bas. La dernire en Franais a vu le jour Amesterdam en
1770. A ce moment dj, nombreux taient les spcialistes qui, en
Europe, avaient constat les insuffisances du travail de Du Ryer.
Durant son long sjour en Orient (entre 1650 et 1665), le franciscain
Germain de Silsie a tent de donner une meilleure traduction latine
du Coran . Concernant cette traduction, Blachre note :
Dautre part, les remarques acerbes qui accompagnent
le texte latin montrent que, pour ce moine, comme pour
Pierre le Vnrable, il sagit surtout de fournir un
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
31
instrument aux missionnaires chrtiens, dans leurs
controverses avec les musulmans.8
Ce sont les mmes intentions mentionnes plus haut par Blachre
qui sont nettement affiches cette fois-ci dans la traduction publie
Pardoue, en 1698, par Marracci sous le tire, combien long et
explicatif : Alcorani textuss universus ex correctioribus Arabum
exemplaribus summa fide, descriptu, eademque fide ex arabico
idiomate in latinum translatus : oppsitis unicuique capitis notis, atque
refutatione Ainsi, ce travail comprend dabord une rfutation de
lIslam, parue prcdemment en 1691 Rome, intitule Prodomus
ad refutationem Alcorani et le texte arabe avec traduction latine
accompagne dune annotation trs abondante.
Moins de dix ans plus tard, les attaques et les injures contre lislam
semblent quelque peu dmodes. Ainsi ds 1705, Reland, dans son
De religione Mahammedica , sefforce de comprendre le fait
islamique au lieu de le condamner. Cette nouvelle tendance est
mme pousse un peu plus loin pour mieux battre en brche le
catholicisme officiel.
Cest dans ces circonstances quen 1734 Londres, une nouvelle
traduction anglaise intitule : The Koran commonly called the
8 Lintroduction.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
32
Alcoran of Mohamed a t publie par G. Sale. Dans son
Preliminary discourse, Sale tente de donner un expos
relativement objectif sur ltat du monde arabe avant lislam, sur les
influences externes quil a subies par la nouvelle religion, des
prceptes qui la caractrisant et de son volution. Preliminary
Discourse et traduction connaissent immdiatement la faveur du
public comme le prouvent les rditions successives et les
traductions en allemand (1746) ou en franais (1770). Entre 1833 et
1880, Preliminary Discourse et traduction de Sale ont t
rimprims pas moins de cinq fois en Amrique anglo-saxonne.
En France, cest certainement la version et au Preliminary
Discourse de Sale que la bonne socit, et Voltaire en particulier,
doivent ce quils connaissent de Coran et de lislam. La version de
Du Ryer semble de plus en plus date. On ne la rdite plus quaux
Pays-Bas avec le sentiment quil faut ractualiser. Ainsi, en 1770, un
imprimeur dAmsterdam lavait reproduite prcde dune traduction
franaise de Prliminary Discourse. Ce sera le dernier effort pour
prolonger la vie de cette version.
En 1782 -3 parat Paris une nouvelle traduction franaise faite par
Claude Savary (1758-1788) . Elle est prcde dun aperu sur la
vie du prophte tire dauteurs musulmans. A propos de cette
traduction, Blachre notait :
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
33
Esprit ouvert et curieux, mais superficiel et trs enclin
la dclamation, Savary avait connu lislam au cours dun
sjours en Egypte. Ill semble bien possdait larabe
dialectale, il na par contre quune connaissance
insuffisante de la langue crite. Sa version du Coran
sappuie donc sur celle de Marraci et de Sale, avec
confrontation du texte arabe. Malgr tout , elle ne laisse
dtre fort suprieur celle de Du Ryer.9
Lanne 1840 reprsente une tape de grande importance dans la
traduction du Coran vers les langues europennes. En effet , cest
cette mme anne que paraissent deux traductions qui auront par la
suite un grand succs.
Malgr que la premire, celle dUlmann, a eu moins de succs que
la deuxime, ci-aprs cite, elle a eu cependant le mrite dutiliser
un rcent travail de Geiger sur les rapprochements du Coran et de
la Bible. Cest pourquoi elle a t considre comme un classique
pendant un peu plus de soixante ans.
La seconde, celle de Kasimirski, connatra un plus grand succs.
Dabord publie sous la direction de Pauthier, dans les livres sacrs
9 Introduction au Coran.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
34
de lorient, elle est amende par lauteur ds lanne suivante.
Munie dune annotation visant clairer les obscurits du texte,
cest cette seconde version qui, en France, simpose au lecteur non
arabisant. Concernant cette version, on peut lire dans lintroduction
de Blachre :
Cette version a des mrites ; la langue en est lgante, la
lecture relativement aise ; elle constitue donc une honorable
vulgarisation du texte coranique destine un public peu
exigeant.10
On notera que cest en dehors de lhexagone, par contre, que des
progrs considrables taient raliss ; en Angleterre : les
traductions de Rodwell (Londres, 1861) de Palmer (Oxford, 1880) ;
en Allemagne ; celles de Grigull (Halle, 1900), de Henning (Leipzig,
1901) ; en Italie ; celles de Fracassi (Milan, 1913) et de Bonelli
(Milan, 1929) ; en Inde ; celle de Mirza Abu-IFazi et de Muhammad
Ali (Lahore, 1920) ; en Norvge enfin : celle de Zettersteen
(Stockholm, 1913).
10 Ibid
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
35
Cependant, compter de 1929, les islamistes franais ont essay
de rattraper le temps perdu. Car en moins de neuf annes,
paraissent successivement trois nouvelles versions du Coran.
La premire, celle de E. Montet (Paris, Payot,1929) na pas eu le
succs espr tant cause de la forme que pour les inexactitudes
quelle contenait. Elle avait lavantage, cependant, de fournir aux
nophytes une introduction explicative trs utile et des notes au
dbut de chaque chapitre.
La seconde, celle de Laimache et Bendaoud (Oran, sans date)
pousait le mme esprit progressiste que celui qui guide les
traducteurs indiens Mirza Abu-I-Fazi et Maulvi Muhammed Ali. Ils
estiment, contrairement la tradition, que le Coran, comme la Bible,
doit tre traduit dans toutes les langues puisquil est un ouvrage
universel rvl lhumanit entire sans aucune exception. On
reproche cette version, cependant, labsence de toute annotation.
La dernire traduction, celle de Pesle et Tidjani (Rabat, 1936) est
dune forme plus lgante que la premire mais avait cependant le
mme dfaut que la seconde.
En faisant une comparaison entre les traductions franaises et
celles faites vers les autres langues europennes, Blachre notait :
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
36
Sans doute, quand on compare lexquise infidle de
Du Ruyer ou de Savary aux toutes dernires translations
franaises, on peroit avec vidence les progrs
auxquels ont conduit trois sicles dorientalisme.
Toutefois, si lon rapproche ces dernires traductions de
celles en anglais et en Allemand, on se sent quelque peu
humili. Au fond, depuis Savary, chaque traducteur,
chez nous, donne limpression de se borner retoucher,
amliorer, complter dans le dtail le travail de son
prdcesseur franais, do un pitinement dont les
causes sont multiples. Trop souvent, nos traductions ne
font pas tat des contributions fournies par la philologie
trangre.11
1.4. Conclusion :
Actuellement, il importe de noter que les traductions du Coran en
franais sont nombreuses et peuvent se rpartir en deux
catgories : celles l'usage des croyants, et les ditions
destination du grand public ou des lecteurs cultivs qui veulent avoir
accs l'un des textes majeurs de la littrature religieuse. Les
premires se dsignent souvent par des priphrases telles que
11 Ibid.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
37
"essai d'interprtation" ou "essai de traduction du Coran
inimitable". Outre la modestie des auteurs, il faut rappeler que, pour
le musulman, le Coran est crit en "arabe pur"et que son style est
considr comme "inimitable". On peut ranger dans cette premire
catgorie la version de Muhammad Hamidullah (Club franais du
livre), qui a t approuve par les autorits religieuses saoudiennes
et est largement diffuse dans les milieux musulmans. Il existe aussi
une bonne traduction de Cheikh Hamza Boubakeur, ancien recteur
de la Mosque de Paris.
La traduction de Kasimirski (Garnier-Flammarion) remonte 1840.
Son auteur tait drogman la cour de Constantinople. Elle reste
intressante, cependant, par ses qualits littraires et le rle qu'elle
a jou dans la connaissance du Coran en France, pendant prs d'un
sicle.
La traduction de Denise Masson est la plus rpandue. Publie en
1967, elle est disponible en Pliade et en Folio (Gallimard). Elle se
fonde notamment sur les travaux de Rgis Blachre. Prcde
d'une introduction fournie et d'un lexique, elle s'adresse au fidle
croyant comme au lecteur curieux.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
38
Deux autres versions du Coran occupent une place part. Celle de
Jean Grosjean (Seuil) s'efforce de rendre l'ampleur et le style
potique du texte arabe. Andr Chouraqui (Laffont) a poursuivi sur
le Coran le travail qu'il avait dj accompli sur la Bible : rendre le
sens et la saveur de la racine smitique des mots. Elle dconcertera
sans doute plus d'un lecteur musulman. On peut signaler aussi les
traductions d'E. Montet (Payot) et celle de Ren Khawam
(Maisonneuve & Larose).
Il importe de noter enfin quen plus des traductions du Coran vers
lhbreu, lOurdou, lafghan, le chinois etc., il existe actuellement
plus de 51 traductions vers langlais, 47 vers lallemand, 36 vers le
latin, 31 vers le franais, 15 vers litalien et 11 vers le russe.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
39
Chapitre II :
Linterprtation du Coran :
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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Chapitre II :
Linterprtation du Coran
2.1 Introduction :
Influenc par la philosophie grecque, et surtout les livres dAristote,
un juriste andalou, Avrros, (Cordoue 1126 Marrakech 1198),
tait le premier philosophe dans lEspagne musulmane voquer
non seulement le droit mais lobligation de lexercice de la raison
pour chaque musulman averti qui veut approcher le Coran. Depuis
ce temps, et jusqu nos jours, deux tendances concurrentes ont
toujours domin la scne quant la comprhension et
linterprtation du Coran. La premire est une approche
traditionaliste qui se base essentiellement sur lexgse pour fournir
toute explication au texte coranique. Quant la deuxime approche,
en plus de mettre laccent sur lutilisation de la raison, elle reste trs
critique et trs mfiante vis--vis de la Tradition. Nous aurons
loccasion de revenir plus loin sur ces deux approches, vu leur
grande importance.
Il est vident que pour traduire un texte, il faut dabord le
comprendre. Et le Coran comme tout autre texte, nchappe pas
cette rgle. Cest ainsi que les questions de nature hermneutique
savrent incontournables. Car avant mme que la question de sa
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
41
traductibilit soit pose, la question de sa comprhension et de son
interprtation simposent delles-mmes.
Comme on la dj mentionn plus haut, il existe deux approches
contemporaines dominent la scne de linterprtation coranique. La
premire approche est de tendance traditionaliste. Elle est surtout
adopte par les institutions religieuses, les institutions dEtats des
pays musulmans ainsi que par certains universitaires contemporains
oeuvrant au sein de ces institutions. Cette approche se base
principalement sur ce quont dit les anciens : thologiens, exgses,
et jurisprudences islamiques. La deuxime approche est de
tendance rationaliste. Prtendant pouvoir fournir une interprtation
objective et neutre du Coran, cette approche est celle quon retrouve
chez tous les orientalistes du temps moderne comme Blachre ou
chez des universitaires comme jacques Berque et Mohammed
Arkoun.
Pour mieux illustrer ces deux grandes tendances, nous avons
dcid dtudier de plus prs ce que disent deux de ses plus grands
reprsentants contemporains.
2.2. Lapproche Traditionaliste :
Fazlur Rahman, est un islamologue pakistanais. Malgr sa
formation universitaire, diplm de luniversit dOxford, et malgr
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
42
les postes universitaires quil a occups dans les universits
occidentales (professeur universitaire en Angleterre puis au Canada
avant doccuper le poste de Professeur des tudes islamiques
luniversit de Chicago depuis 1988), Rahman reste toujours
considr comme tant le chef de file du courant traditionaliste
moderne. Car la priode qui le marquera jamais est celle o il a
occup le poste de directeur de linstitut de la Recherche Islamique
en Pakistan, une institution dEtat.
Ci-aprs, nous allons tenter dexaminer de plus prs lapproche de
Rahman lgard de la valeur des prceptes du Coran. Nous
essayerons galement dexplorer les relations existant entre sa
philosophie et sa mthode dinterprtation du Coran. Car, pour lui,
cette mthode demeure le moyen incontournable pour rpondre aux
besoins changeants de la socit musulmane. Dautre part, nous
allons essayer dexplorer la dfinition que Rahman donne la
philosophie islamique qui est fortement imprgne par trois termes
religieux, savoir : Limam, Lislam et la taqwa.
2.2.1. Les ides religieuses , historiques et politiques de Rahman :
Les ides religieuses, historiques et politiques de Rahman peuvent
facilement se comprendre travers une explication de sa
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
43
mthodologie danalyse, de comprhension et dinterprtation du
Coran.
Ainsi, la mthode danalyse du Coran que propose Rahman
consiste en un double mouvement. Il soutient quon doit dabord
analyser le texte dans le temps prsent et ensuite le projeter en
arrire vers le temps de sa rvlation. En deuxime lieu, on doit
faire le mouvement inverse, du pass vers le prsent .
The first of the two movements mentioned above , then
consists of two steps : first, one must understand the
import or meaning of a given statement by studding the
historical situation or problem to which it was the
answer The second step of the first movement, then,
consists of understanding the meaning of the Quran as
a whole as well as in terms of the specific situations. The
second step is to generalize those specific answers and
enunciate them as statements of general moral-social
objectives that can be distilled from specific texts in light
of the sociohistorical background and the often stated
rationes legis.12
12 Rahman , Islam and Modernity , 6 .
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
44
Il importe de noter que les deux derniers termes, rationes legis, que
jai mis en gras et qui sont en italique dans le texte original, nont
pas t dfinis par Rahman dans ce passage. Toutefois, dans
dautres circonstances, il les dfinit comme tant illat alhukm
, littralement: : les raisons de la loi. Lide, cest que chaque loi
islamique annonce par le Coran cache, dune manire
systmatique, ses propres raisons dtre.
Ainsi, Rahman soutient que toute analyse du Coran doit
obligatoirement adopter une approche historique. Car le Coran nest
autre que la parole de Dieu qui rpond des situations historiques
bien dtermines et bien prcises. Cest pourquoi il critique les
spcialistes occidentaux pour avoir nglig cet aspect. Par ailleurs,
il nhsite absolument pas avancer les mmes critiques envers les
philosophes musulmans.
Sans nier le fait quils ont contribu considrablement faire
avancer non seulement la civilisation arabo-musulmane mais aussi
celle de toute lhumanit, Rahman soutient par ailleurs que le fait
que ces philosophes se sont bass principalement sur lactivit
rationnelle contredit grandement les piliers et les fondements de la
religion musulmane. Car il est convaincu quelle est plutt base sur
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
45
la foi. (Voir Islamic Methodology, P.119). Ce dveloppement de
Rahman peut tre considr comme une rplique la pense
philosophique mdivale reprsente par Ibn Sina (dont le nom
latinis est Avicenne), Ibn Rushd (dont le nom latinis est Averros),
Al-Farabi et autres. Pour concilier deux vrits contradictoires, lune
religieuse et lautre philosophique, ces philosophes ont eu la
conviction de lexistence de deux vrits parallles. Cette notion de
double-vrit dplait normment Rahman. Dans Prophecy in
Islam13, il soutient que ces philosophes ont commis une grave erreur
en assimilant la vrit religieuse la vrit intellectuelle ou
philosophique. Et cest toujours dans ce mme ordre dides, en
critiquant la notion de la double-vrit , quil prononce ses
regrets face ce manque de conviction islamique de la part des
philosophes musulmansibid. Ainsi, Rahman place les ides des
philosophes musulmans dans leur contexte historique, ensuite il
conclut que ces ides contredit sa manire dinterprter le Coran.
Ce qui choque le plus Rahman chez ces philosophes musulmans
cest que leur pense a compltement nglig laspect moral. Car
pour lui, il est utile, voire mme ncessaire, de dbattre ces
questions lintrieur mme du discours philosophique.
13 Fazlur Rahman : Prophecy in Islam Philosophy and Orthodoxy , ( London ; George Allen & Unwin , 1958 )
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
46
Rahman nest pas convaincu que la philosophie grecque ou perse
est ncessairement oppose au Coran. Nanmoins, il souligne le
besoin dtablir et de dfinir lthique, ou la morale, du Coran pour
deux raisons :
La premire cest parce que pour les musulmans, le Coran est la
parole de dieu ; et deuximement, ils croient que le Coran contient,
que ce soit dune faon relle ou potentielle, toutes les rponses
toutes les questions qui peuvent surgir dans la vie quotidienne. Et
cest dans ce mme sens quil regrette, encore une fois, que
lhistoire religieuse de lislam na pas tabli une philosophie morale.
Il estime que les philosophes musulmans ont chou produire un
systme dthique islamique cohrent en concentrant tous leurs
efforts sur des questions purement mtaphysiques et en
abandonnant tous les aspects pratiques la jurisprudence, Charia
islamique.
En analysant trois termes essentiels utiliss dans le Coran, Rahman
tente dtablir les fondations dune thique coranique. Les trois
termes en question sont lIman, lIslam et la Taqwa. Le premier
terme, iman, dont la racine a-m-n signifie vivre en paix avec soi
mme, a non seulement un sens de paix et de scurit mais aussi la
signification de croire et davoir la foi en Dieu.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
47
Ainsi, lIman est un acte qui doit venir du cur. An act of heart, a
decisive giving of oneself up to God and His Message and Gaining
peace and security and fortification against tribulation. Ibid.
Ce faisant, Rahman arrive la conclusion que la foi nest pas
exclusivement le rsultat dun savoir intellectuel purement rationnel.
La savoir rationnel ne constitue quune partie, parmi tant dautres,
de la foi. Rahman cite de nombreux passages du Coran pour
appuyer son point de vue.
Le deuxime terme, lislam, tire ses origines de la racine s-l-m
qui signifie tre sain et sauf. Le substantif al-islam
signifie le fait de soumettre ; do le terme muslim, musulman, qui
signifie celui qui se soumet Dieu. Rahman soutient que lislam est
intimement li liman (la foi). The surrender to Gods law, in
its essential nature, is not possible without faith.14. Il ajoute mme
que dans certains versets coranique, le terme islam est identifi
comme tant Gods light and Gods guidance15, des expressions
quivalentes au terme iman. En dautres termes plus clairs, liman et
lislam sont deux termes qui simpliquent muellement, car an
individual may have some sort of iman but it cannot be true and full
14 Rahman, some Key Ethical . P 172. 15 Rahman : ibid.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
48
iman unless it is islamically expressed and worked out through p
proper community. ibid .
Taqwa, , le dernier des trios termes, constitue pour Rahman le
concept dthique central dans le Coran. Il soutient que quand on
examine de plus prs ce terme, on est un peu tonn que
finalement il signifie la mme chose que les deux prcdents.
Liman et lislam. La racine du terme, w-q-y , a le sens de
protger et de sauver de la destruction. Dans lexgse islamique,
ce terme est systmatiquement expliqu par la crainte de dieu .
Cependant, Rahman souteint que son sens le plus standard serait
to guard or protect against something, ou to protect oneself
against the harmful or evil consequences of ones conduct ibid.
Ainsi, on peut constater clairement comment ces trois termes
Ethico-religieux jalonnement le parcours philosophique de Rahman.
Le terme iman dmontre que toute philosophie islamique, y compris
bien sr tout effort dinterprtation du Coran, ne peut pas et ne doit
pas tre un effort purement intellectuel. Par consquent, ce point de
vue de Rahman condamne clairement le fait de se baser
exclusivement sur une doctrine rationnelle pour approcher le Coran.
Et cest dailleurs pourquoi il accuse les philosophes rationnels
musulmans davoir fait lerreur de dcarter des questions pratiques
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
49
qui intressent les musulmans et de ne sintresser qu des
questions purement mtaphysiques.
Il est noter, enfin, que cette prise de position de Rahmane tire ses
origines du Courant Mu3talizite, n au douzime sicle et dont le chef
de file est Abu Hamed El-Ghazali (1058-1111), (voir son uvre
principale : Ihy ulum Eddin, Revivification des
sciences religieuses).
2.2.2. La mthode de Rahman pour interprter le Coran :
Rahman soutient que pour comprendre le message coranique, il faut
procder une interprtation qui consiste un double mouvement. Il
faut dabord aller de la situation prsente la priode de la rvlation
coranique ; puis revenir une nouvelle fois la situation prsente. Sa
mthode peut tre schmatise comme suite :
Situation historique Rponse du Coran
Gnralisation des rponses spcifiques
Dsignation des objectifs moraux et sociaux du Coran
Situation Valeurs coraniques
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
50
contemporaine
Tableau tir de Quran Liberation and Pluralism ; Farid Esack, 1998
Ainsi, le premier mouvement consiste comprendre le Coran
comme un tout en terme de recommandations spcifiques
rpondant une situation donne. Cela peut se faire en deux
tapes. La premire consiste tudier dabord la situation dans sa
conjoncture historique et sociale ainsi que les exigences thico-
morales de cette situation. Il est primordiale que cette tape prcde
ltude du texte coranique traitant de cette situation. La deuxime
tape serait de procder une gnralisation de ces rponses
conjoncturelles pour quelles puissent servir comme cadre gnral
susceptible de sadapter des objectifs gnraux sociaux et moraux.
Quant au deuxime mouvement, il consiste appliquer ces objectifs
gnraux sur la situation socio-historique actuelle. Cette application
demande elle aussi quelle soit tudie pour en dgager les priorits
sur lesquelles les valeurs coraniques doivent tre appliques.
Socit musulmane
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
51
En dbattant des derniers travaux sur le Coran, faits par des
occidentaux ou par des musulmans, Rahman les divise en trois
catgories :
1. Des travaux qui tentent de trouver et de mettre en relief
linfluence du judasme ou de la chrtient sur le Coran.
2. Des travaux qui essayent de reconstruire lordre chronologique
du Coran.
3. Des travaux qui essayent de dcrire le contenu du Coran, en
tout ou en partie.
Durant la dernire dcennie, les tudes sur le Coran dans loccident
sont devenues une activit la mode. Pour Rahman, cet intrt
soudain envers lislam est d principalement ce que les
occidentaux se sont rendus compte de limportance de lislam
comme phnomne universel (qui ne concerne pas exclusivement
le monde arabe, lequel reprsente peine 20% du monde
musulman). Rahman divise ces tudes en quatre catgories :
- Des tudes faites par des chrtiens, exprimant dans la plupart
des cas leurs propres points de vue et leurs propres buts.
- Des tudes qui se penchent sur la formation et le rassemblement
du texte coranique, y compris les analyses littraires et
structurales du Coran.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
52
- Des travaux qui sintressent essentiellement au sens du Coran.
- Des tudes qui ne traitent pas directement du coran mais qui
contiennent une certaine forme de son interprtation.
Pour Rahman, il serait impossible une personne extrieur une
religion de la comprendre dune manire adquate, encore moins
dune manire exhaustive. Il soutient aussi quune ide donne par un
spcialiste tranger concernant une religion donne ne peut tre
admise que si elle est valide par les disciples de cette religion :
statement about a religion say yes to it Rahman, 1985 : 190 , 197.
Pour tudier lislam en gnral, et pour approcher le Coran en
particulier, Rahman soutient que le spcialiste doit rpondre
certaines conditions. La premire, to be open-minded and
unprejudiced. ibid. savoir : avoir lesprit ouvert, ne pas avoir de
prjugs. La deuxime condition tient dans lhonntet, ou la fidlit,
dans la construction de la ralit, viter ce quil appelle le
rductionnisme historique. Il prsume aussi que le chercheur reconnat
que le Coran et la sunna, la tradition du prophte, sont les seules
rfrences et les seuls critres normatifs pour toute tentative de
comprendre lislam : to recognize the Quran and the Sunna as
normative criterion-referents fo all expressions and understanding of
Islam ibid. p.198 .
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
53
En mme temps, Rahman soutient que les musulmans eux-mmes ont
peur, de nos jours, de prsenter clairement des opinions qui vont
lencontre des ides reues ou dominantes. Il souligne, par ailleurs ,
que pour comprendre le Coran, les spcialistes musulmans procdent
le plus souvent de la manire suivante : ils tudient le Coran verset
par verset pour les expliquer sparment. Or cette faon de faire,
selon lui, ne peut pas donner une vue globale de la vie ou de lunivers.
Ainsi, tous les travaux effectus, que ce soit par les musulmans ou
par les non musulmans, ne sont pas susceptibles de nous donner
une rponse exhaustive des questions traitant des concepts
coraniques globaux sur Dieu, ltre humain ou la socit. Et pour
pouvoir comprendre le coran comme un tout et non pas comme une
suite de versets rpondant des situations spcifiques, cela
demanderait non seulement une tude des diffrents points de vue
des premires gnrations musulmanes mais aussi une tude de la
langue arabe de lpoque, de la grammaire et du style.
Lautre effort que le chercheur sera port fournir est celui de
lijtihad ; c'est--dire faire leffort pour comprendre un texte ancien et
ladapter afin quil puisse faire face de nouvelles situations. En
voquant lijtihad, Rahman le dfinit comme suite :
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
54
The effort to understand the meaning of a relevant text or
precedent in the past containing a rule, and to alter that
rule by extending or restricting or otherwise modifying it
in such a manner that a new situation can be subsumed
under it by a new solution Islam and Modernity, Ibid.
7.8.
Dans ses premiers travaux, Rahman soulignait limportance
dtudier le Coran dans lordre de sa rvlation , et non pas tel quil
est prsent dans la vulgate. Ce faisant , il prsumait quon peut
avoir une perception exacte du mouvement islamique qui ne soit
pas compromise par les institutions officielles , rgimes politiques ,
qui ont t tablies plus tard. Selon lui , cela nous vitera aussi ce
quil appelle les interprtations artificielles et extravagantes des
modernistes : save us much of the extravagance and artificially
modernist interpretations of the Quran. ibid.
Cependant, dans ses derniers travaux, Islam and Modernity, 1982 ;
Rahman qualifie cette mthode comme tant juste une explication
dune ide encore en gestation. Il nous revient cette fois avec une
approche logique, par opposition lapproche chronologique .
A premire vue , on a limpression que les critiques que rserve
Rahman lapproche chronologique contredit le fait quil mette par
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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ailleurs laccent sur laspect historique pour comprendre le Coran.
Cependant, une lecture plus proche de ses propos nous rvle
facilement quil ne rejette aucunement laspect historique, mais ce
quil reproche plutt lapproche chronologique, cest quelle nous
donne quune interprtation fragmentaire du Coran. Il prsume que
la mthode la plus approprie pour interprter le Coran rside
principalement dans le fait de diffrencier entre les buts moraux et le
buts lgaux de chaque verset. Les buts moraux , ou thiques , sont
universels et servent de guide tous les musulmans en tout temps.
Quant aux buts lgaux, ceux qui concernent la jurisprudence, ils
doivent toujours tre lobjet dune interprtation et dune adaptation
pour pouvoir traiter des situations nouvelles. Car les conditions de la
socit arabe en Arabie au septime sicle sont loin dtre
universelles. En rsum : les principes thiques du Coran sont
constants alors que les principes lgaux sont changeants.
Rahman est convaincu que le but ultime du Coran est purement
moral ; et que la valeur ternelle du Coran rside principalement
dans ses principes moraux et non dans le texte lui-mme. Par
consquent, il croit fermement que cette approche est la seule et
lunique mthode acceptable pour rendre justice au Coran et le
rendre conciliable avec les situations modernes. Cest le seul
chappatoire pour que the message of the Quran become
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
56
relevant to the contemporary situation .16 The Impact of Modernity,
P .121.
La mthode que propose Rahman pour interprter le Coran aide
beaucoup mieux clarifier la philosophie islamique dans le monde
moderne. Lun des lments les plus importants dans sa philosophie,
le terme Iman, implique la combinaison de la doctrine avec laction ;
et cest exactement ce quil a fait dans Major Themes of the Quran
o il a essay de traiter de plusieurs questions contemporaines la
lumire du Coran. En fait, au moment o il prtend que toutes ces
questions ont une rponse dans ce quil appelle lislam pure du
Coran, The pure islam of the Quran , on peut facilement
comprendre que ces rponses ne sont pas tout fait videntes pour
le commun des mortels, car il faut un grand effort dinterprtation
pour y arriver.
Tamara Sonn qualifie lapproche de Rahman comme tant une
hermneutique existentielle, existential hermeunetic. Elle soutient
que pour Rahman, linterprtation des textes religieux ne doit pas se
baser exclusivement sur une approche cognitive. Car, pour lui, une
approche purement intellectuelle est importante et fait partie du
16 Rahman : The Impact of Modernity , P .121.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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comportement humain, certes, mais elle seule, elle est loin dtre
parfaite. Et quand on analyse de prs la faon dont Rahman aborde
des questions traitant de certains concepts comme dieu, ltre
humain, la nature, la prophtie, la lumire de son interprtation du
coran, on saperoit facilement que lanalyse de Sonn est
parfaitement pertinente. Car pratiquement dans tous ses travaux,
Rahman introduit la notion de Taqwa, qui est intimement lie aux
valeurs morales.
Rahman croit que la situation actuelle de lislam, qui montre un
certain malaise face certaines situations contemporaines, est due
principalement une connaissance inadquate de la tradition
islamique, dune part, et au manque de comprhension des
dveloppements modernes, dautre part. Cest pourquoi il est
convaincu que la solution rside dans la rforme de lducation dans
le monde musulman. Cette conviction, il lannonce ouvertement
dans lun de ses travaux :
The remedy for this highly undesirable and dangerous
situation lies of course in the educational reform in the Muslim
worlda creative synthesis is still lacking that would enable
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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Muslims to carry out a re-interpretation of traditional Islam and
its values for the present and the future.17
Il croit galement que seule une tude plus pousse des buts du
Coran et de lislam pourra permettre aux musulmans de composer
avec les nouvelles situations modernes dune manire effective et
efficace. Ce faisant, ils pourront aussi enraciner ces buts et ces
principes dans le monde contemporain sans pour autant faillir aux
fondements et aux constantes de lislam.
2.3. Lapproche rationaliste :
Diplm de la Sorbonne, ou il enseigne actuellement lhistoire de la
pense islamique, Arkoun montre dans ses travaux une trs grande
affinit avec les courants acadmiques franais contemporains,
notamment le courant structuraliste et post-structuraliste de Paul
Ricur et Michel Foucault, ainsi que le dconstructionisme de
Jaques Derrida.
Tout en rejetant toute rfrence lorthodoxie pour donner une
interprtions au Coran, Arkoun met lemphase sur le recours une
approche smiotique et socio-historique. Il prsume quen adoptant
17 Rahman : Perception of Desirable Societies,3-4.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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une approche purement rationnelle, on ne peut quenrichir ces deux
derniers. Il soutient quil existe actuellement quatre approches
possibles illustres par quatre discours concurrents :
-Le discours islamique actuel qui tend commander tous les
autres par sa puissance politique et sa grande porte sociale
et psychologique ; il senracine dans la dimension mythique de
la Tradition tout en scularisant son insu, les contenus
religieux de cette tradition ;
- le discours islamique classique qui explicite la Tradition dans
sa phase de formation et de fixation dans des corpus
authentiques ;
- le discours orientaliste qui applique la phase de formation
et de fixation une critique philologique et historique
dominante historiciste et positiviste propre au XIXme sicle ;
- le discours des sciences de lhomme et de la socit qui vise
retravailler les trois prcdents pour faire valoir, dans
chaque cas, les questions refoules dans limpensable ou
limpens et rendre ainsi possible une reprise critique actuelle
du problme de la tradition et des Traditions en Islam.18
18 Mohammed Arkoun, Aspects de la foi de lIslam. Pp. 149-150. Publications des facults universitaires Saint-Louis, 36, Bruxelles, 1985.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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Il est vident que la dernire approche est celle pour laquelle
Arkoun a opte.
Il soutient que le texte coranique est la rvlation de Dieu, certes,
mais cette rvlation est communique dans une langue naturelle
qui utilise un systme de signes. Cest pourquoi, si on veut procder
toutes formes doprations sur ce texte, que ce soit une opration
de comprhension, dexpression, dinterprtation, de traduction, de
communicationil faut quil fasse lobjet dune analyse et dune
tude rationnelle comme nimporte quel autre texte. Le caractre
sacr de la langue coranique nest plus de mise. Il faut dabord
carter les anciens systmes de lgitimation reprsents par la
thologie islamique classique et la jurisprudence islamique. Car le
vocabulaire et la mthode utiliss anciennement sont prsentement
dats. Ils ne sont plus conciliables avec les situations
contemporaines, pour la simple raison que ces systmes de
lgitimation sont compromis par les contraintes idologiques
imposes par ceux qui dtenaient le pouvoir lpoque. Ensuite, il
faut procder une analyse objective et rationnelle de ce texte sans
aucune sacralisation. Car cest justement le fait de considrer ces
textes comme tant sacrs qui empche et bloque immdiatement
la communication. Pour ce faire, il propose de suivre, dune faon
mthodique, les trois approches suivantes : une approche
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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smiotique, une approche historique et sociologique et enfin une
attitude thologique.
Pour mieux cerner les ides dArkoun, il serait utile de comprendre
sa manire danalyser le processus de la rvlation et comment un
texte crit devient un code, c'est--dire un texte sacr faisant
autorit.
2.3.1. La mthode de Arkoun pour approcher le Coran :
Pour Arkoun, il y a dabord la parole de Dieu qui existait avant
mme quelle soit communique aux hommes. Cette parole l est
inconnue et ignore par les tre humains car il nexiste aucun
moyen de la percevoir comme telle. Ensuite, il y a des situations
historiques o cette parole se manifeste travers des langues
naturelles (en hbreu pour les prophtes hbreux, en aramen pour
Jsus de Nazareth, en arabe pour Mohammed, etc. Cette parole a
t mmorise et transmise oralement pendant une longue priode
avant quelle soit crite. Une fois crite et prserve dune faon
officielle, le livre devient la seule source et le seul moyen pour
accder la parole de Dieu pour les gnrations suivantes. Et du
moment o on na pas le droit de modifier dajouter ou de soustraire
la parole de Dieu, en tout ou en partie, le seul et unique moyen pour
que cette parole ne soit pas date et pour quelle soit conciliable
avec les nouvelles situations, cest de linterprter.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
62
Si chronologiquement, la rvlation est effectivement close
avec la mort du Prophte, il reste que son exgse, son
explication, sa traduction en normes rituelles et thico
juridiques se poursuivent encore jusqu nos jours : cest par
ce travail de soi sur soi et sous la pression de lhistoire que la
communaut produit lislam comme Tradition vivante. Arkoun,
ibid. P.153
Arkoun met beaucoup laccent sur lhistoricit du texte coranique.
Etant donn quil est li une situation historique donne, ce texte
risque dtre dat et dpass par les nouvelles situations historiques.
Et cest ainsi que son seul et unique moyen de son salut devient
linterprtation. Cette interprtation ne peut se faire dune faon
rationnelle et objectif quen utilisant dabord une approche
smiotique. Il maintient que la smiotique ambitionne une reprise
critique distanciant, la fois , lobjet lire et tous les objets
seconds produits par la Tradition. Comment les signes utiliss dans
les corpus signifient-ils ? Quels mcanismes linguistiques sont
utiliss pour produire ce sens et non cet autre ? Pour qui et
quelles conditions ce sens surgit-il ? ; Ibid. P. 166.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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Il soutient, de plus, que seuls la smiotique peut nous permettre
daccomplir des procds de slection, de dcontextualisation
recontextualisation, de projection rtrospective et prospective,
dinterprtation littrale ou sotrique, damplification smantique ou
mythique , ibid. Que cest par la smiotique quon peut crer une
Tradition vivante. Par Tradition vivante, Arkoun entend le fait de
sloigner de lobjet initial en tant que donn linguistique,
historique, socioculturel li un espace-temps singulier. ibid.
Le Coran dit : Aujourdhui jai port la perfection pour vous votre
religion et parachev mon bienfait ; jagre pour vous lislam pour
religion.
En interprtant ce verset, Arkoun avance ce qui suit :
la lecture de ce verset comme de tout Coran dpend de
la place quon accorde lhistoricit pour dchiffrer toute la
priode de la rvlation et de laction prophtique. Arkoun,
ibid.
En accordant normment dimportance lhistoricit du Coran,
Arkoun met en valeur le caractre temporel du texte coranique et
par consquent la ncessit de renouveler sa comprhension et son
interprtation en fonction des nouvelles donnes socio-historiques.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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Dailleurs, plus loin, il le dit trs ouvertement : Dans cette
perspective, lislam nest jamais achev, il doit tre redfini dans
chaque contexte socioculturel et chaque phase historique. ibid.
Arkoun soutient que cest cause du facteur de lhistoricit que
nous devons prendre notre distance de la Tradition. Il souligne que
cette Tradition est trop compromise par les contraintes religieuses et
sociopolitiques de lpoque.
En soulignant bien cet aspect, Arkoun nous rappelle bien le concept
de lgitimation ainsi que la fameuse relation qui existe entre
savoir et pourvoir, chez Foucault. En analysant les ides
dArkoun, Tamara sonn explique ces concepts avant de faire le lien
avec linfluence exerce sur son approche rationaliste :
Foucault uses the term Knowledge to mean the body of
accepted truths about things in any given context ; he does not
think of it as truth as such. In that sense, knowledge, he
believes, is the vehicle of the process whereby institutions
maintain their dominance. The meanings that we learn as we
receive our language are meanings that are considered
somehow conductive to the survival of the dominant power
structure in which we learn our language. Thus the same set
of terms can be construed in multiple ways, and generally are,
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
65
but the interpretations that are accepted are those that are
useful within the dominant power structure .For example,
children in the 950s in North America learned negative
connotations for the terms socialism and communism, while
at the same time children in the Soviet Union learned negative
connotations of the term capitalism. Individuals are involved
in the construction of those connotations, of course, but in the
service of the dominant power structure. Those Intellectuals
who achieve success- who are accepted as qualified experts
and given broad exposure are those whose interpretations
support the connotations useful to the dominant power
structure.19
Ainsi, on peut facilement avancer que, des exceptions prs, aucun
travail intellectuel nchappe cette rgle, mme actuellement. Car,
si lautorit des institutions religieuses a partiellement disparu, elle
na fait que changer de peau. Cette autorit est toujours l sous
dautres noms et impose encore ses contraintes sur lacte
intellectuel, y compris bien videmment sur lacte de traduire.
19 Tamara Sonn : Interpreting Islam, P.8.
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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Prtendre que lintellectuel est totalement indpendant et quil peut
utiliser librement sa raison sans aucunes contraintes reste une
thse contestable.
Et cest justement dans cette mme ligne que Farid Esack crit ce
qui suit :
scholars, their critiques of the theories of knowledge and the
way it is produced, as well as the intellectualist solutions which
they offer, also operate within history., ibid, un peu plus loin,
Farid ajoute : knowledge, like any other social tool, while it
can be critical, is never neutral.20
En effet, chaque travail hermneutique, que ce soit dune faon
consciente ou inconsciente, contient un certain parti pris. Un travail
hermneutique neutre cent pour cent na jamais exist et
nexistera probablement jamais.
Toutefois, ce constat nest pas, et ne doit pas tre considr comme
un prtexte pour dire que tout travail hermneutique est impossible.
Le chercheur doit admettre cette ralit et tre conscient de ces faits
et il doit composer avec pour accomplir son travail.
20 Farid Esack : Quran Liberation & Pluralism, An Islamic Perspective of Interreligious Solidarity against oppression : Oxford : One world, 1998.
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2.4. Conclusion :
On notera ici que pour Rahman, linterprtation des textes religieux
ne doit pas se baser uniquement sur une approche cognitive. Car,
pour lui, lapproche intellectuelle elle seule elle est loin dtre
exhaustive. Et quand on analyse de prs la faon dont Rahman
aborde des questions traitant de certains concepts comme dieu,
ltre humain, la nature, la prophtie, la lumire de son
interprtation du coran, on saperoit facilement que lanalyse de
Sonn est parfaitement pertinente. Car pratiquement dans tous ses
travaux, Rahman introduit la notion de Taqwa, qui est intimement
lie aux valeurs morales.
Rahman croit que la situation actuelle de lislam, qui montre un
certain malaise face certaines situations contemporaines, est due
principalement une connaissance inadquate de la tradition
islamique, dune part, et au manque de comprhension des
dveloppements modernes, dautre part. Cest pourquoi il est
convaincu que la solution rside dans la rforme de lducation dans
le monde musulman.
Quant Mohamed Arkoun, il met beaucoup laccent sur lhistoricit
du texte coranique. Etant donn quil est li une situation
historique donne, ce texte risque dtre dat et dpass par les
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nouvelles situations historiques. Et cest ainsi que son seul et unique
moyen de son salut devient linterprtation. Cette interprtation ne
peut se faire dune faon rationnelle et objectif quen utilisant
dabord une approche smiotique. Il maintient que la smiotique
ambitionne une reprise critique distanciant, la fois , lobjet lire et
tous les objets seconds produits par la Tradition. Comment les
signes utiliss dans les corpus signifient-ils ? Quels mcanismes
linguistiques sont utiliss pour produire ce sens et non cet autre ?
Pour qui et quelles conditions ce sens surgit-il ? ; Ibid. P. 166.
Il soutient, de plus, que seuls la smiotique peut nous permettre
daccomplir des procds de slection, de dcontextualisation
recontextualisation, de projection rtrospective et prospective,
dinterprtation littrale ou sotrique, damplification smantique ou
mythique , ibid. Que cest par la smiotique quon peut crer une
Tradition vivante. Par Tradition vivante, Arkoun entend le fait de
sloigner de lobjet initial en tant que donn linguistique,
historique, socioculturel li un espace-temps singulier. ibid.
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Chapitre III :
Approches thoriques et traduction coranique
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Le concept de littralit dans la traduction du Coran : le cas de trois traductions
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