quand j'avais cinq ans, je m'ai...
Post on 28-Jun-2020
3 Views
Preview:
TRANSCRIPT
HOWARDBUTEN
Quandj’avaiscinqansjem’aitué
TRADUITDEL’ANGLAISPARJEAN-PIERRECARASSO(TitreoriginalBurt)
ÉditionsduSeuil
CelivreestdédiéàFrank.
1.Quandj’avaiscinqans,jem’aitué.J’attendaisPopeyequipasseaprèsleJournal.Ilalespoignetsplusgrosqueles
genset ilest tellement fortqu’ilgagnetoujoursaufinish.Mais le Journalvoulaitpass’arrêter.Monpapailleregardait.Moijem’avaismislesmainssurlesoreillespasquele
Journalçamefaitpeur.Çameplaîtpascommetélévision.YalesRussesquivontnous enterrer. Y a le président des États-Unis qui est chauve. Y a les grandsmomentsdufabuleuxsalondel’autodecetteannée,quej’ysuismêmealléunefoisetça,çam’aplucommechoseàfaire.Un monsieur du Journal est venu. Il avait quelque chose dans sa main, une
poupée,etill’alevéeenl’air.(Çasevoyaitbienquec’étaitpasunevraiepersonneàcausedescoutures.)J’aienlevémesmains.—Ceque je vousmontre là, il adit lemonsieur, c’était le jouetpréféréd’une
petitefille.Etcesoir,àcaused’unaccidentstupide,cettepetitefilleestmorte.Jesuismontédansmachambreencourant.J’aisautésurmonlit.Jem’aienfoncélafiguredansmonoreilleretjel’aiappuyéefort,fort,trèsfort
jusqu’àcequej’entendeplusriendutout.J’aiarrêtéderespirer.Etpuismonpapaestvenuetilaenlevél’oreilleretilamissamainsurmoietila
ditmonnom.Jepleurais.Ils’estpenchéetilapassésesmainssousmoietilm’asoulevé.Ilafaitcommeça,commeilfaitàmescheveux,etj’aiposématêtesurlui.Ilesttrèsfort.Ilm’adittoutdoucement:—Là,là,fiston,toutvabien,pleurepas.—Jepleurepas,j’aidit,jesuisungrandgarçon.Mais jepleurais.Alorsmonpapam’aditque tous les jours il yadesgensqui
deviennentmortsetquepersonnesaitpourquoi.C’estcommeça,c’estlesrègles.Etpuisilestredescendu.Je suis resté assis sur mon lit très longtemps. Assis, comme ça, longtemps,
longtemps. J’avais quelque chose de cassé à l’intérieur, je sentais ça dans monventreetjesavaispasquoifaire.Alorsjem’aicouchéparterre.J’aitenduledoigtaveclequelfautpasmontreretjel’aiappuyécontrematête.Etpuisj’aifaitpoumavecmonpouceetjem’aitué.
2.JesuisàlaRésidenceHomed’EnfantslesPâquerettes.Jesuisiciàcausedecequej’aifaitàJessica.Jesaigneencoredunezmaisçafait
pasmal,maisj’ailafigurenoireetbleuesurlajoue.Çafaitmal.J’aihonte.Quand je suis arrivé ici, la première personne que j’ai rencontrée c’était
MmeCochrane.Elleestvenuemevoiraucomptoiroùj’étaisavecmonpapaetmamaman. Tout lemonde s’est serré lamain saufmoi.Moi elles étaient dansmespochesmesmains.Etellesétaient fermées,c’étaientdespoings.MmeCochranem’aemmené.Elleestmoche.Elleestàdégobillerdelaregarderetelleporteunpantalon malgré qu’elle est vieille. Elle me parle tout doucement comme si jedormais.Maisjedorspas.Ellem’aemmenédansmonaile.Yasixlits.Pasderideau,pasdetapis.Pasde
commode.Pasde télévision. Les fenêtres ont desbarreaux commeenprison. Jesuisenprisonàcausedecequej’aifaitàJessica.EtpuisjesuisallévoirleDrNevele.Sonbureauestparlà:traverserlevestibule,passerlesgrandesportes,etpuis
parici,etalorsc’estlà.Iladespoilsdanssonnez,unvraipaillasson.Ilm’aditdem’asseoir. Jem’ai assis. Je regardais par la fenêtre qui a pas de barreaux et leDrNevelem’ademandécequejeregardais.J’aiditdesoiseaux.Maisjeregardaissiyavaitmonpapapourm’emmenercheznous.Il y avait unephoto sur le bureauduDrNevele, des enfants, et il y avait une
photodeJésus-Christquidoitêtreunefaussepasqueyavaitpasd’appareilsphotoàl’époque. Ilétait sur lacroixeton luiavaitaccrochéunécriteau.Yavaitd’écritONRI.Maisjevoispascequeçaadedrôle.LeDrNeveles’estassisderrièresonbureau.Iladit:—EtsilepetitGilmeparlaitunpeudelui,s’ilmedisait,parexemple,cequ’il
préfèrefairepar-dessustout,hein?J’aibiencroisémesmainssurmesgenoux.Commeunpetitgarçonbienélevé.Je
n’airiendit.—Ehbien,Gil.Qu’est-cequetupréfèresfaire,pardessustout,disonsquandtues
avectespetitscamarades,hein?Moij’étaisassis,là,sansdireunseulmotderéponse.Ilmeregardaitcommeça
avecsesyeuxetmoijeregardaisparlafenêtresidesfoisjeverraispasmonpapaseulement je levoyaispas.LeDrNevelem’aencoredemandéetpuisencoreetencoreetpuisils’estarrêtédemedemander.Ilattendaitquejeparle.Ilattendait,ilattendait.Maismoijevoulaispasparler.Ils’estlevé,ilafaitletourdelapièce,etpuisils’estmisàregarderparlafenêtreaussi,alorsj’aiarrêtéderegarder,moi.J’aidit:—Ilfaitnuit.LeDrNevelem’aregardé.—Maisnon,Gilbert.Ilfaitgrandjour.C’estlemilieudel’après-midi.—Ilfaitnuit,j’aidit.«QuandBlackyvient.»LeDrNevelem’aregardé.—C’estlanuitquis’appelleBlacky?
(Dehors,unevoitures’estgaréeetuneautreestpartie.Monfrangin,Jeffrey,mongrandfrère,yconnaîttouteslesbagnoles,tupeuxyaller,toutes.Unevoiturequipasse, ilpeuttedirelamarquetoutdesuite.Maisquandonestàl’arrièredelanôtre,onarrêtepasdesefairegronderpasqu’ongigote.)—Lanuit,Blackyvientchezmoi,j’aiditça,maisjel’aipasditauDrNevele.Je
l’ai dit à Jessica.Aprèsqu’onm’abordé sous les couvertures. Il vient semettresousma fenêtre,àattendre. Il saitquandc’est l’heure. Il restecoi. Ilditpasunbruit.Pasunbruitdechevalcommefont lesautres.Maismoi jesaisqu’ilest là,pasquemoijepeuxl’entendre.Ilfaitlebruitduvent.Maisc’estpasduvent.Ilal’odeurdesoranges.Alorsjenouemesdrapsensembleetjemelaissedescendreparlafenêtre.C’esthaut–cinquantemètres!J’habitedansunetour.Laseuleduquartier.«Quandjegalopesursondos,sessabotsfontlebruitdescartesàjouerqu’on
metdanslesrayonsd’unerouedevéloetlesgenscroientquec’estça,justement.Maisnon.C’estmoi.EtjegalopesurledosàBlacky,jusqu’àlafindesmaisons,lafindesgens.Yapluspersonne.Yaplusd’école.Yalaprisonoùonmetdesgensquin’ontrienfaitdemal.Etons’arrêtecontrelemur.Toutrestecoi.JememetsdeboutsurledosàBlacky;ilesttrèsglissantmaisjamaisjeglisse.Etjegrimpepar-dessuslemur.« Dedans y a des soldats, y z’ont des ceintures blanches croisées en travers,
commelespatrouilleursdesûretésaufqu’ilsontdesbarbes.Ilssuent.Ilsdorment.Yenaunquironfle,legrosquiestméchantaveclesenfants.«Jemefaufilejusqu’àlapartieprison,làoùlesfenêtresontdesbarreauxetje
disdoucementauxgensquisontdedans:«Vousêtesinnocents?«Ilsdisentqueoui.Alorsjedéfaislesbarreauxdudoigtaveclequelfautpasmontreretjelesfaissortir.«Jesuisjusteentrainderepasserlemurpourm’enallerquandlegrosquiest
méchantaveclesenfantsseréveilleetmevoit,seulementc’estdéjàtroptard.Jeluifaisunsigneetjesaute.C’esthaut–cinquantemètres!Toutlemondecroitquejesuismort.Maisnon.J’aimacapeetjelatienscommeçaetlevents’amèneetgonflemacapeetc’estcommesijevolais.J’atterrissurBlackyetons’envaetpuisonmangedessablésetdulait.Moijetrempe.LeDrNevelemeregardaitavecdesgrosyeux,—C’esttrèsintéressantqu’ilm’adit.—Jeteparlaispasàtoi.—Àquidoncparlais-tu?—Tusaisbien.—Qui?(Dehorsunpetitgarçoncommemoijouaitàlaballe,illafaisaitrebondirdansle
parking en riant. Son papa est venu le chercher et l’a emmené de la RésidenceHome d’Enfants les Pâquerettes – dans leurmaison, où il jouait avec des petitstrainsquiroulentpourdevrai.)—Gil, soyons copains, veux-tu ?Deux copains qui se racontent des choses. Je
croisquejepeuxt’aideràtrouvercequitetracasse,etensuitet’aideràarrangerça.Tuesunpetitgarçonmalade.Leplusvitetumelaisserastevenirenaide,le
plusvitetuirasmieuxetleplusvitenouspourronsterenvoyercheztoi.Tuveuxbien?J’ai recroisé lesmainssurmesgenoux.C’est l’attitudecorrectepours’asseoir.
Commeunboncitoyen.Pasunmot,pasdechouinegomme.LeDrNeveleestrestédeboutdevantmoi;ilattendaitmaismoij’airiendit.J’écoutaisdesbruitsdanslegrand vestibule de la Résidence Home d’Enfants les Pâquerettes, des bruitsd’enfantsquipleuraient.—Ilfautquejemesauve,jeluiaidit.—Pourquoi?—Monpapaestlà.—Gil,tesparentssontpartis.—Non,là,c’estpaspareil,ilssontrevenuspourmedirequelquechose,ilssont
revenusmechercher,docteurNevele.—Assieds-toi,s’ilteplaît.J’étaisdéjàdeboutprèsdelaporte.J’aiposémamainsurlapoignée.—Gil,veux-tut’asseoir,s’ilteplaît.Je l’ai bien regardé et j’ai ouvert la porte un tout petit peu et il est venu. J’ai
courudel’autrecôtédesonbureau.Ilafermélaporteetilestrestédevant.—Gil,c’étaitàJessicaquetuparlais?Jen’airienditdutout.—Jessican’estpasici,qu’iladit.Alors là, j’aipris laphotode Jésus-Christet je l’ai jetéepar terre. J’aiposé la
corbeilleàpapierpardessuset je l’aiécraséeetpuis j’aidonnéuncoupdepieddedansetj’aicourumemettredanslecoinprèsdelafenêtre.—Elleestàl’hôpital.Samèreesttrèsinquiète.Très.Peut-êtrevoudrais-tume
racontertaversiondel’affaire?Magorges’estmiseàmefairemal.C’étaittuant.Jeluiaicrié«merdesalecon»
etçam’afaitencoreplusmal,alorsj’aicrié,deplusenplus.Jecriais,jecriais.LeDrNeveleest retournéderrière sonbureau. Il a rienditdu toutet il s’est
assisets’estmisàlireunmorceaudepapiercommesiyavaitpersonne.Seulementyavaitquelqu’un.Yavaitunpetitgarçondeboutdansuncoin.C’étaitmoi.—Ilfautquejetéléphoneàmonpapa,j’aidit,jeviensdemerappelerquej’avais
quelquechoseàluidire.LeDrNeveleasecouélatêtesansmeregarder.Jesuisallém’appuyercontresonrayonnageà livres.Lesétagèresontplié.En
regardantleDrNevele,j’aidit:—Jeteparlaispasàtoi(maisilapaslevélesyeux),jeparlaisàJessica.—Jessican’estpasici.Leslivressesontécrasésparterreetrépandusàtraverstoutelapiècepasque
j’avaispoussélerayonnage.Lebruitm’afaitpeur.J’aicourujusqu’àlaporteetjel’aiouverte.LeDrNeveles’estlevé.Jel’airefermée.Maintenantilvam’apprendre, j’aipensé.Ilvamedonneruneleçondont jeme
souviendrai.Ilvamefairevoirquicommandeici.Ilvalefairepourmonbienetunjourjeleremercierai.Etçavaluifaireplusmalqu’àmoi.Maisnon,ilm’aseulementregardé.Etpuisiladittrès,trèsdoucement:
—Tuveuxlaceinturedecontention?Jeleregardais.Ilmeregardait.Ons’estregardé.—Oui.Jenesavaispascequec’était.Jel’airegardé.Ilaouvertuntiroirdesonbureau
etilaprisuneceinture.Ilm’aassisdanslefauteuil,ilamislaceintureautourdemoiet lesbouclesdansmamain. J’aidéjàvuça, commedans lesavions,pasdetrous.J’aitirésurlaceinture.Elleétaitserréedéjà,elles’estserréeencoreplus.LeDrNeveleregardait.Elleétaitautourdemonventre.Etjel’aiserrée,etpuisjel’aitiréeverslebas,surmonzizi,etjel’aiencoreserrée,serrée,serréesurmonzizitellementserréequeças’estmisàmefairesimalquejem’aimisàpleurer,etj’aiencoreserré.Surmonzizi.—Çasuffit,aditleDrNevele.Il s’est amené il a enlevé la ceinture et il l’a rangée quelque part. Il a pris le
téléphoneetilafaitdesnumérosmaispasassez.Iladit:—DitesàMmeCochranededescendreàmonbureau.Etpuisilestrevenusemettreaccroupidevantmoietilm’aregardésouslenez.—Dis-moiunechose,uneseule,surcettepetitefille,Gil,ettupourrasretourner
danstonaile.Quandl’as-tuvuepourlapremièrefois?Jel’airegardépendantlongtemps.Etpuisj’aiditquelquechose:—Devant chez nous il y a une pelouse et j’ai pas le droit demarcher dessus
pasque pourquoi vous croyez que papa paye un jardinier ? Mais des fois, je laregarde depuis l’allée. Alors les nuages viennent, moi je reste sur l’allée etj’attends.Alorsleventsemetàsoufflercommequandilvapleuvoir.Maisilpleutpas.Leventsouffle.Ilsouffletellementtellementquebientôtj’arriveplusàtenirdebout.«Alorsjem’ymets.Jefaisdixpasàreculonsetjedescendsl’alléeencourantet
je saute.Etpuis je remonte l’alléeencourantet je saute.Etpuis je redescendsl’allée en courant et je saute et alors le ventme vient par en dessous et il mesoulèveau-dessusde lapelouseet ilm’emporte tout le longdupâtédemaisons,par-dessus toutes les pelouses où j’ai pas le droit demarcher. Je vole jusqu’à lamaisondeShrubs,aucoin.Leventesttoujourschaud.Enhiverilestfroidmaislàj’ailedroitdemarchersurlapelousepasqu’yalaneige.LeDrNeveleétaitappuyécontrelaporte.Ilafaitlagrimace.—Gilbert,plusvitetudéciderasdem’aider,plusviteturentrerascheztoi.Voilà
tout.Autrement,turisquesderestericitrèslongtemps.—Laferme,jeluiaidit.—Plaît-il?—Jeteparlaispasàtoi.—Àqui…—Jessica.—Jet’aiditqueJessican’était…Je lui ai lancé la chaise à la figure. En la repoussant avec son bras, ça lui a
déchirésamancheetils’estjetésurmoiencourantetilm’aattrapéetilm’aserrémaisalorslàvraimentfortseulementj’aicrié:—Tumechatouilles-yeu,tumechatouilles-yeu!
Laportes’estouverte.C’étaitMmeCochrane.Elleétaitcalme.—MenezM.RembrandtenSalledeRepos,aditleDrNevele.Ilyresteratant
qu’iln’aurapasreprislecontrôledelui-même.Vousvoulezdel’aide?Mme Cochrane est sortie et elle est revenue avec un bonhomme en chemise
bleue,c’étaitunemployédelaRésidenceHomed’EnfantslesPâquerettes.AlorsleDrNevelem’alâché.Jem’aifrotté lenezsurmamancheetMmeCochranem’aprislamain.Jeluiaidit:—Voussavez,madameCochrane,jepeuxmarchertoutseul.Elleariunpeucouci-couçaetellem’adit:—Bon,bendonne-moilamainentoutcas,va…Alorsj’aiditO.K.EtmaintenantjesuisenSalledeRepos.Yapasdemeublesicirienqu’unechaise.
C’esttoutcarrélà-dedans.Quatrecôtésdelamêmetaille.C’estdelagéométrie.Jel’aiapprisàl’école.(Àl’expositionSciencesetTechniquesj’aivuunepièceavecunmurseulement,rienqu’un.C’étaituncercle.)Jedéduisqu’ilpleutdehors.Ilpleutdescornescommevachequipissecommey
dit Jeffrey. (C’estmon grand frère, tu peux y aller, il peut te dire lamarque detouteslesbagnoles.Maisalorstoutes,hein.)Jevoisbienqu’ilpleutpasqu’ilyadel’eauquicoulesurmesmotslàoùj’écrissurlemur.LesSallesdeReposc’estdessalessalles.Celuiquilesafaites,jedéduisqu’ilétaitbête.Ilpleut.P-L-E-U-T.Ilpleut.Envenanticij’aitrouvéuncrayondanslevestibule.MmeCochranem’apasvule
ramasser.Etaprèsqu’ellem’alaissélà,j’aifaitquelquechose.Jesuisgrimpésurlachaisecontrelemur.Etj’aiécritquelquechoseavecmoncrayon.Quandj’avaiscinqansjem’aitué.J’aiécritçasurlemurdelaSalledeRepos.C’estlàquejesuis,entraind’écrire.
3.La première fois que j’ai vu Jessica Renton, c’était pendant l’exercice d’alerte
aérienne.C’étaitvers la findudeuxièmesemestre,auprintemps. Il faisaitchauddehorsquandonestallédubâtimentprincipalaupréfa.Lepréfac’estcommeunesortedepetitemaison,derrièrel’école,oùyalesdeuxièmes.J’étaisendeuxièmeàcemoment-là.(Lepréfasentcommeuneodeur,çameplaîtpascommearôme.Lepréfaesttout
petitpourunbâtiment.Iln’yaquedeuxclassesdedans.J’étaisdansune.Jessicaétait dans l’autre. Je ne l’avais jamais remarquée avant l’exercice d’alerteaérienne.)L’exercice d’alerte aérienne, c’est dix coups de cloche très courts. C’est très
effrayantpourlesenfants.Ilyadesrègles.Ondoitsemettreenrangpardeux.OndoittirerlesstorespourquelesRussesysaventpasqu’onestlàpournoustuer.Ensuiteondoitalleraubâtimentprincipaldanslecalme.Làondoits’alignerlelongdes casiers dans le hall et s’asseoir par terre et éteindre toutes les lumières etchanterGodBlessAmerica(Dieubénissel’Amérique).Çafaittrès,trèspeur.Les deux classes de deuxième étaient en rang devant le préfa, en attendant
d’aller dans le bâtiment principal. Y avait pas de bavardage. (C’est une autrerègle.) Tout lemonde avait les trouilles pasque peut-être qu’il allait y avoir desbombes.J’avaislestrouillesseulementpersonnenelesavait.Jesuisunbonacteur,moipersonnellementjetrouve.Etpuisquelqu’unaparlé.—Jerentrechezmoi,hein,mademoiselleYoung.C’étaitune fille.Elleétaitbrune,sansnattes (maisavecdesbarrettes, toutde
même).Elleétaitlà,unpeupenchée,commeça,lesmainsdansledos,commesiellefaisaitdupatinàglace.—Jeviensdemedirequ’ilfallaitvousprévenir,pasquemoi,jevaisrentrer.MlleYoungadit:—Jessica,veux-tumefaireleplaisirderentrerdanslesrangs!Onneparlepas
pendantunexerciced’alerteaérienne.—Non,aditJessica.Jerentrechezmoi–etelleacommencéàmarcher.MlleYoungétaittrèsfâchée.Elleacrié:—Jessica,reviensicitoutdesuite!Jessica s’est arrêtée et elle s’est retournée. Elle est revenue et elle est allée
devantMlleYoungetelleluiaparlétrèsdoucement:—Mademoiselle, si y va y avoir des bombes, je veux être chezmoi avecmes
parents.C’estlàquejevais.MlleYoungelledisaitplusunmot.EllerestaitlàcommeçadevantJessicaquila
regardaitlenezenl’air.LarobedeJessicaétaitrougeettrèsdouce,çasevoyaitqu’elle était douce rien qu’à la regarder. (Je suis fort pour regarder. J’ai lesentimentquelarobedeJessicaétaitvraimentdouce.)MlleYoungregardaitJessica.— Ce n’est pas une alerte aérienne, Jessica. C’est seulement un exercice, un
entraînement.Iln’yaurapasdebombe.Ceserafinidansquelquesminutes,aucun
besoinderentrerchezsoi.Remets-toienrangs’ilteplaît.Jessican’apasbougé,mêmepas,riendutout.Moij’aicruqu’elleallaitsemettre
àpleurerouà–maisrien.Elleaparlésansbouger.— Vous savez, mademoiselle, j’avais très peur pasque je croyais que c’était
dangereux.Monpapavaconstruireunabridanslacave.Ill’avudansunjournal,J’ai cruquec’étaitunevraiealerteaérienne. Je trouvequecen’estpasbiendefairepeurcommeçaàdesenfants.Mademoiselle a pas dit de réponse mais Jessica est restée devant elle très
longtemps,etquandlesclochesontsonnélafindel’exerciced’alerteaérienne,elleétaittoujoursdeboutaumêmeendroit.Jel’airegardée.Elleestrestéejusqu’àcequetoutlemondesoitparti.Elleétaittouteseule.Alors,vraimentlentement,elleaprisleborddesarobedanssesmainsetelleafaitungrandtouretunerévérence.C’étaitçalapremièrefoisquej’aivuJessicaRenton.
4.Cejour-là,j’aiprisparMarlowepourrentrerdel’école.D’habitude,jedescends
Lauder,laruedanslaquellej’habite,maiscejour-là,j’aipasséparMarlowe.J’attendaistoutseulaucarrefour.(D’habitudejerentreavecShrubsmaisilétait
enretenuepasqu’ilavaitditmerdeàMlleFilmer.Shrubssonvrainomc’estKenny.C’estunmauvaisélève,touteslesmaîtressesledétestent.Maisc’estmonmeilleurami. Je leconnaisdepuismanaissance. Ilaexactementunesemainedeplusquemoi.Exactement.Onestdesfrèresdesang.Quandonavaitcinqansons’estpiquéledoigtavecuneépingleetonacollénosdeuxdoigtsl’uncontrel’autre.Saufquemoijel’aipasfaitpasquej’aipeurdesépingles.Alorsjem’aireferméuntiroird’ungrand coup sur le pouce pour avoir du sang. J’ai gardé un plâtre pendant sixsemaines.)J’avaiscommencépardescendreLauder,commed’habitude,seulementyavaitles
patrouilleursdesûreté[1]aucarrefourqui sontméchants.Y sontaffreux.Y s’enprennentauxpetitsenfants.Quej’ensuisjustementun.J’avaismondessindanslamain(pasqu’onavaitfaitdelapeintureenclassequandonavaitpluseuriend’autreàfaire)etj’attendaisaucoinquelepatrouilleurdise«Allons-y».Lespatrouilleursdesûretéécartentlesbrascommeçaetydisent«Nebougeonspas»quandyadesvoituresquiviennentetpuisydisent«Allons-y»quandonpeuttraversersansdanger.C’estpourçaqu’onlesappellepatrouilleursdesûreté.Pendantquej’attendais,lepatrouilleuravumondessin.—Qu’est-cequec’est,unegrenouille?—Non.C’estuncheval,c’estmoiquil’aidessiné.Ym’aregardé,ilétaittrèsgrand.—Nonmaist’esdingueouquoi?qu’ilm’adit.J’aidit:—Oui.Ilallaitmetaper.Maismondessinétaittoutàfaitbon,moipersonnellementje
trouve,commecheval.Ilétaitvert.Jel’avaisappeléVerdi.Lepatrouilleurmel’aarrachédelamain,cequiadéchirélaboucheàVerdi.Il
s’est marré et puis y l’a montré à l’autre patrouilleur qui lui a dit d’arrêter dedéconner. (Ilsmettentdeuxpatrouilleursdesûretéàchaquecarrefourpourqu’ypuissentsemettreàdeuxsurlespetitsenfants.)Etpuisilm’arenduVerdiendisant«Allons-y».Maisj’ysuispasallé.J’aidit:—Est-cequevousavezdupapiercollantpourarrangerlaboucheàVerdi?—Turigoles?iladitlepatrouilleur.—Vousl’avezdéchirée.—Casse-toipetitcon,ilm’aditlepatrouilleurenmemontrantlepoingetj’aivu
qu’ilavaitlesonglestoutnoirs.C’estpourçaquejesuisrentréparMarlowecejour-là,ettoutseul.J’aitraversé
lapremière rue tout seul.D’abord il faut s’arrêter.Ensuiteon regardebiendesdeuxcôtéspourvoirqu’yapasdevoiturequivient.Etalorsontraverselarueen
marchantpasencourant.Moi je suis fortpour les règlesdesécurité. Jeme suisjamaisfaitécraser…DanslarueMarloweyavaitdeshélicoptèresdanslesarbresquisontdespetits
machinsvertsquitournicotententombant.C’estintéressantcommeobjetnaturelmoipersonnellementjetrouve.Et puis il s’est passé quelque chose. J’ai vu Jessica qui marchait sur l’autre
trottoir avec Marilyn Kane que je peux pas sacquer, pour ne rien vous cacher,pasque c’est une grosse conne, franchement. C’est aussi la meilleure amie deJessicacommej’aiapprisplustard.Ellesmevoyaientpas.J’étaisinvisible.Maisj’airalenti et je m’ai baissé pour rattacher mon soulier. (Sauf que je l’ai pas faitvraiment pasque j’ai des mocassins qui sont super, mon vieux. Je me les ai faitacheterparmamanmanD’habitudeellem’achètedesgrollesdeboy-scoutquejedétestemaislàjeluiaifaitlagrandescèneduIIdanslemagasindechaussuresetellem’aachetélesmocassinsquejevoulais.Yapasuneseulecouturedessus,rien.Etysontpointusenplus.Mamanmanpoussedescrisàchaquefoisqu’ellelesvoit.Elledit:«Pournerientecacher,tumefaishonte.»C’estcommeçaquej’aiapprisPournerienvouscacher.)JessicaetMarilynKanedescendaientlarueMarlowe.Jelesairegardées.Elles
parlaient.Jessicabalançaitunsacàmainavecdesfrangesaprès.Jesavaispascequ’ilyavaitdedans.Ilallaitetvenait,allaitetvenaitlelongdesarobeetquandillatouchaitçafaisaitcommedessortesdevaguesdanssarobe.J’aipensé:Danslesacyaunebaguettemagiquequisetransformeenfleurs.Etaveconvousdonneunchapeau,gratuit,j’enaivuunechezMaxwell,legrandmagasin.LamaisondeJessicaétaitcelleaveclesvoletsbleus.Etenbrique,pasenbois.
Maispasdesbriquesrouges,desmauves.Elleestrentréededansc’estcommeçaquejelesais.Elleestrentréeparlaportedecôtéquidonnedansl’allée.Danssonalléeyadel’herbeaumilieucequej’aimepasautantquenotrealléeànousquiestsansrien.Etaussionauneportedederrière,pasdecôté.(MarilynKaneadescendularueMargarita.EllehabitedansStrathmoor.Dans
descabinets.)JemesuisarrêtédanslarueenfacedelamaisondeJessicapourlaregarder.Je
mesuismisderrièreunpetitarbre.(Nousavonsunpetitarbredevantcheznous,ilaencoredupapierdumagasind’arbresautourdu tronc.C’estcommeçaque jereconnaisnotremaison.Quandilseragrand,moiaussi.Maisjepourraireconnaîtrema maison à cause du château sur la pelouse. Que je vais construire quand jesortiraid’ici.J’enaidéjàconstruitununefois,maisavecShrubs,avecdelaboue.Mon père nous a fait la grande scène du II pasqu’il a dû louer un camion pourenlever toute laboue sur lapelouse.C’étaitungrandchâteau.Onallait le fairemauve.)IlyavaitduventdanslarueMarlowe,çam’acomplètementdécoiffé.Jemesuis
peignéaveclesdoigts.J’ailaraiesurlecôté.Jevoudraisbienavoirunebanane,commeunrocker,maismamanmanelleveutlaraiesurlecôté.J’aihorreurdeça.Çametue,laraiesurlecôté.Enfin,quandilssontassezlongs,jepeuxaumoinsmettreduBrylcreemdessus.Jetrempetoutlepeignededansetça,monvieux,c’estsuper.
(LagrandescèneduII,c’estencoreavecmamanmanquejel’aiappris.Elleditquejelaluiaijouée.)Il y avait des rideaux aux fenêtres de Jessica. Je les ai regardés pendant une
demi-heure. Jepouvaissavoir l’heurepasque j’avaismamontreque j’aieuepourHanoukahavantdelaperdre.PendantquejeregardaislesrideauxdeJessicaletrottoirs’estouvertsousmes
pieds.Heureusementjesuispastombépasquemesmocassinsontdestrucspourpasquejetombe.C’étaithaut–cinquantemètresetyavaitdesdinosauresetdufeu.J’aisautépar-dessusetj’aiatterridansl’herbe.Etpuisj’airegardédel’autrecôtéde la rueet j’aivuque Jessicam’avaitvuetqu’elledisait :«Oh la la,quelbravejeunehomme!»Quand je suis rentré chez nous,mamanmanm’a demandé pourquoi j’étais en
retard.J’aiditquej’avaiseuunaccidentdevoiture.Elleacrié.Maisjeluiaiditquetoutallaitbienpasquej’avaispasététué,c’étaitquelqu’und’autre.Elles’estmise à hurlermais j’ai dit que j’avais oublié qui. Et puis je suismonté dansmachambrepourjoueravecmeshommes.—Papa,combiençacoûtedesvoletsbleus?quej’aidemandépendantledîner.—Pourquoi?—J’vaisenmettreàmonchâteau.—Moivivanttuneconstruiraspasunautrechâteau.—D’accord,quej’aidit.Maispourquandtuserasmort?Ensuiteiladitqu’ilpourraitlesavoirengrosmaisjesaispascequeçaveutdire.
Peut-êtrequequandleboisestgrosc’estmoinscherquefinfintrèsjoli,jesaispas.Mauve.M-A-U-V-E.Mauve.Etpuisquelquesjoursaprèsl’écoleaétéfiniepourlesgrandesvacances.Toutle
mondeacrié«Youpie!».Pendantl’été,j’ai jouéavecShrubsbeaucoupsouvent.OnjouaitàZorro,luic’étaitlecheval.Jeluiaiapprisàhennir.C’estcommetoussermaisbienpluslong.NotrebonneSophieaditquej’allaisenfaireunestropié,deShrubs.C’estunenégressedecouleur.J’aiuncostumedeZorro.J’aiaussilecostumedeRobindesBoisetlecostumede
PeterPan(quiontlemêmepantalon)etlapanoplieduCadetdel’EspaceetlePèreNoël etSupermanet leDocteur.Quand je joue àZorro tout seul, je prendsdestraversinscommecheval.Jelesprendssurlelitàmamanmanetjem’ensersaussipourfairelesméchantsetleurdonnerdescoupsdepoing.DansZorro,leméchantc’estElCommandante. Ilestà la télé.Lemoisdernier, ilachangé. Jeffreyaditqu’il avait vu l’ancienEl Commandante dans une pub pourBrylcreemmais c’estqu’unmenteur,monvieux.Shrubsetmoionafaitunplan.C’étaitunsignal.Fallaitsifflercommelesoiseaux.
Leplanc’étaitqueShrubs,quandil iraitsecoucher, ilnoueraitsesdrapset ilselaisseraitdescendreparlafenêtre,etpuisilviendraitchezmoietilferaitlesignaletalorsj’attacheraismesdrapsetjemelaisseraisdescendreparlafenêtreetonjoueraitàZorrolanuit,commeenvrai.L’heurequejemecouchec’estneufheuresmaisjepeuxresterpluslongtempsà
conditionde faire touteunehistoire.Mais ce soir-là je suismonté sanshistoire.D’habitude manman vient nous border. Des fois elle nous chante. Elle est très
excellentecommechanteuse.LachansonpréféréedeJeffreyc’estlaBerceusedelapleinelune,etlamiennec’estleChiendechasse,seulementmanmanlasaitpas.Desfoisellevientpasnousborderetjedoiséteindremalumièretoutseul.Deboutprèsdel’interrupteur,jepointemondoigtversmonlitpuisj’éteinsetjecourslàoùmontremondoigt.C’estcommeçaquejepeuxretrouvermonlitdanslenoir.J’aipeur d’aller me coucher pasqu’y a desmonstres dansmon placard. Je ferme laporte.Plusdefoisonlapousse,pluselleestfermée.Avantdemecoucherjepousselaportedemonplacardcinquantefois.Lesoirdenotreplan ila falluque jeprenneunbainavantd’allermecoucher.
J’aimeraisêtreassezgrandpourprendredesdouches,maisjesuistroppetitpourlafairemarcher.Desfoisjeprendsunedoucheavecmonpapa.Ilesttoutnuavecdes poils sur lui et sur son zizi. J’en ai pas sur lemien. J’aime pas prendre desdouchesavecmonpapa.Manmanellenouslitaussiavantqu’ons’endorme.Monlivrepluspréféréc’estLe
petit chienqui voulait unpetit garçon. Lepluspréféréde Jeffrey c’est Le petitautocarqui tombaitenmorceaux.Des foismanman invented’autreshistoiresetdesfoiselleinvented’autreschansons.Elleenainventéunequis’appelleTouslesenfantsduquartier.C’estsurl’heured’alleraulitdanslarueLauder.Yatouslesnomsdesenfantsdelarueetpuisensuiteçafait
Euxilsfontdodoettoi?Chut,chut,chut,chut.Euxilsfontdodoettoi?
Lapeurqueçamefait,monvieux!Cesoir-làons’estassissurmonlitetmanmanaprisun livre.Maisc’étaitpas
pareil.—Cesoir,nousallonsraconterunehistoireunpeuparticulière.Votrepèreetmoi
nousavons le sentimentqu’il est tempsquevousappreniezcertaineschoses, lesgarçons. Ce livre a pour titre la Petite Graine. Bientôt vous serez de grandsgarçons,presquedeshommes,etilyadeschosesquevousdevezsavoir.—Commentçasefaitquejesuisungrandgarçonalorsqu’hierj’étaisunbébé
pasquejemetraînaisdanslasaleté?quej’aidemandé.Elleacommencéàtournerlespagesdulivrequiétaitmêmepasencouleurs.—Est-cequ’yadespetitschiens,manman?quej’aiencoredemandé.(Jepensais
quepeut-êtreyauraitdeshistoiresdepetitschiens.)—Non,chéri,ellearépondu.C’estunehistoiresurdesgensquiexistentcomme
toi,commeJeffrey,papaetmoi.—Labarbe,iladit,Jeffreyenfaisantcommeçaavecsesyeuxpourfairelesyeux
blancs.Etmamanluiadit:—Continuecommeça,unjourtuserasaveugle,tuserascontent.LaPetiteGrainec’étaitl’histoired’enfantsqueleurmèreattendaitunbébéalors
ilsvontàlafermeavecleurgrand-pèrequi leurmontredespoulets,desœufsettout. C’était barbant, mais alors barbant à mort. Moi j’étais énervé pasque je
savaisqueShrubsallaitvenir,pournotreplan.Elles’estenfinarrêtéedelireetelleestpartieetj’aimismoncostumedeZorro
sous les couvertures.Etpuis j’ai attendu. J’attendais, j’attendais. Il faisait chauddansmon litavecmoncostumedeZorro.Etpuis j’aientenduShrubsdehorsquicriait:«Gil!».Jesuissortidemonlit.J’aicommencéànouermesdraps.Etpuislalumières’estallumée.C’étaitmamère.—Gil, Kenneth est là, dehors, il t’a appelé, il prétend que vous vous êtesmis
d’accord pour jouer dehors ce soir. Il n’en est absolument pas question, tum’entends?Etpuisellem’avuavecmoncostumedeZorro,ellem’aregardé.—Bon,ben,çairapourunefois,j’imagine.Jeffreyvavousaccompagner.Regarde
unpeucequetuasfaitdemesdrapstoutpropres.Elle m’a emmené en bas. Toutes les lumières étaient allumées. Mon papa
regardaitlatélé.J’avaismonmasqueetmonchapeaudeZorroetmanmanm’aprislemasqueendisant:—Attendsunpeuquejet’arrangeça,voilà,ilestdroitmaintenant,etpuisellea
ajouté:Bonjetedonnequinzeminutes.Onyestallé.Toutdesuitej’aicourumecacherderrièreunarbre,bienbaissé.Je
guettaisElCommandante.C’estunmalin,señor.Ilétaitsurlapistedesseptmilles,à lastationWellsFargo,avecdesprisonniersque j’allais libérer,alors jem’étaiscachéderrièreunarbreenattendantmonchevalpourpouvoirgaloperdanslanuitquandla luned’argent luit.J’allaisvolerausecoursdeJessicaquiétaitenprisonpour avoir des volets bleus ce qui est strictement interdit. J’ai entendu ElCommandante.J’aitirémonépée.—Qu’est-cequetufabriquesaveccecrayon,Gil?qu’iladit,Jeffrey.Ilestàmoi,
tul’asprissurmonbureau.Il était en train de parler à Shrubs de son dernier modèle réduit, c’était une
Thunderbird.Shrubs luiademandécombienyavaitdepièceset Jeffrey luiaditmille que c’était seulement pour les grands. Et Shrubs a demandé s’il pourraitregarderJeffreylamonteretJeffreyaditnonpasqueShrubsill’auraitcassée.YavaitquemoiquijouaitàZorro.J’aicrié:—Venezamigos!Onyva!Jeffreym’adit:—Qu’est-cequeturacontes?Dépêche-toidefinirqu’onpuisserentrer.Alors on a fait une fois le tour du pâté de maisons, en marchant simplement
commeça.Etpuisonestrentrécheznous.Mamanmanademandésions’étaitamusémaisjesuisseulementmontédansmachambreetj’aipointémondoigtversmonlit.Pasquecesoir-làj’aiéteintmalumièretoutseul.
5.La nuit dernière c’était ma deuxième nuit à la Résidence Home d’Enfants les
Pâquerettes.J’airenduàcôtédemonlit.Çaacommencéquandj’aieumonrendez-vousavecleDrNevelehier.Ilsavait
quej’écrissurlemurdelaSalledeReposmaisilm’aditquec’étaitpermis.Iladit:—Peut-êtrequeGilberts’exprimemieuxparécritcoralement.Jesaispascequec’estcoralement,jecroisquec’estunesortedemusique.Cheznousj’aipasledroitd’écriresurlesmurs,sijelefais,j’yaidroit.Maisune
foisj’aidessinéunchevalsurlemurdemachambreetj’aieulafessée.J’enétaisàlacrinièrequandmanmanestentrée.Toutdesuiteelleacrié:—Pourquoicrois-tuqu’estfaitlepapier,pourleschiens?—Maisnon,j’aidit,pourfairedesavions!Alorsellem’adonnéunebaffe.Etelleadit:— Non mais dis donc, à qui parles-tu, hein ? Tu me prends pour une de tes
copines.Etmoij’aidit:—Jecroyaisqu’onétaitcopains.—Tuvasmenettoyerçatoutdesuitemonbonhomme.—Non.—Nettoie-moiçajetedis.—Non,c’estmachambreetjedessinesijeveux.—Cen’estpastachambre,quicrois-tuquilapaie?—Qui?—Tonpère.—Jelaluipaieraialors.—Comment?—Jetravaillerai.—Queltravail?—Jevendraidestrucs.—Quelgenredetrucs?—Delalimonade.Maisj’aidûnettoyer.Çam’aprittouteunejournée.AvecduVim.Àmonrendez-vous,leDrNevelem’afaitasseoirdanslefauteuiloùj’avaiseula
ceinturedecontention.Ilm’asourimaisc’étaitdelafrime,ilm’alaissélongtempsassissansmedireunmot.Puisilacommencé:—Parle-moidetonécole,Gil.J’ai regardé le tapis de son bureau. Il estmarron avec comme plein de petits
morceaux.Etj’aipensé,c’estdesmaisonsdelavilletoutenbasoùdesassassinsgrouillentàchaquecoinderuepourvolerleschosesdespersonnesinnocentes.Icienhautdans leciel jepeuxmeservirdemesyeuxauxrayonsXpour lesvoiretplongerjusqu’enbaslesobligeràlesrendre.LeDrNevelem’aregardé.—Quellessontlesmaîtressesquetuaimeslemieux,Gilbert?Ilyenabienune
quetupréfères.
Unepetitefilleétaitmontéesurletoitd’unedesmaisonsenbaspoursuivieparunvoleur.J’aicrié:«Nevousenfaitespas,jevaisvoussauver!»etjemesuislevédemachaiseetjemesuislaissétomberdanslesnuages,jelesaitraversésetjeluiaidonnéuneracléeetjel’aisauvée.Elleportaituneroberougeaveccommedessortesdevaguesdansletissu.—S’ilteplaît,Gilbert,assieds-toi.Lesfauteuilssontfaitspours’asseoir,paspour
grimperdessus.Tuneferaispasçacheztoi,toutdemême?aditleDrNevele.—Jeteparlaispasàtoi,quej’aidit,moi.—Ellen’estpas ici,qu’ilm’aréponduensecouant latête,et j’aidonnéunbon
coupdepieddanslefauteuilquiesttombécontresonbureauetquiarenversélalampededessusquel’ampouleaexplosé.LeDrNevelen’arienditsauf:—Quelleesttamatièrepréféréeàl’école?Alors dehors dans le vestibule j’ai entendu des roues et j’ai pensé : C’est un
chariotdefoinetcachédedansilyaShrubsseulementpersonnepeutlevoiretilvasauterdehorsetmelancermonépéeetjelapointeraicontreleDrNeveleetjerenverserailatêteenarrièreetjepartiraid’ungrandrireavantdem’éloigneraugalop. Alors j’ai couru dans le vestibulemais je n’ai pas vu Shrubs. C’était unechaise roulante avec une fille dedans qui n’avait presque pas de cheveux et sesmainsétaientcommedesgriffes.JesuisrentrédanslebureauduDrNeveleetjemesuisrassis.Ilnem’arienditdutout.—Est-cequejepeuxavoirlaceinturedecontention?j’aidit.—Plaît-il?—Jepeuxavoirlaceinture?LeDrNeveleasecouélatête, lentement,commemonpapaavaitfait,unefois,
quandiladûendormirnotrechien.—S’ilvousplaît,m’endormezpas,quej’aimurmurétoutbas.J’airegardéparterremaisyavaitplusdemaisons,rienqu’untapis.LeDrNevele
secouaitlatête.—Est-cequetumeparles,maintenant,Gilbert?qu’ilm’ademandé.Etj’airépondu:—Jesaispas.Etjemesuismisàpleurer.Ilaécritquelquechosedanssoncahierpendantlongtempsetmoijerestaisassis
sans rien faire. Puis il a refermé son cahier et il a dit que si j’en avais envie jepouvaisallerdans laSalledeReposetécriredeschoses,si jenevoulaispasenparler.Maisjen’ysuispasallé.Non,jesuisallédanslaSalledeJeu.C’estunesalle,ilyadesjouetsdedanspour
jouer avec etmêmeune jungle pour rire en plastique qui est bien pour grimperdedansetjoueràTarzan.JesaistrèsbienfaireTarzan,jesaisfairelecri.IlyaunpetitcarrédécoupédanslaportedelaSalle,deJeupourqu’onpuisse
regarderdedansdepuislevestibule.C’estcequej’aifait.Yavaitdesenfantsquitombaientdelajungleenplastiqueetquisecognaientlatête,etd’autresenfantsquicavalaientpartoutcommedesdingues.J’enaidéduitqu’ilsétaientdérangés.Etilyavaitunhommeaveceuxquiavaitlescheveuxrouxetdeschaussuresblanches
commelesmédecins.Jel’airegardéparlecarré.C’était commeune sorte de docteur des enfants dingues.D’un seul coup il est
venuversmoi,ilaouvertlaporteilm’aregardéetiladit:—Tulesaàl’œilunmoment,jerevienstoutdesuite,d’accord?Un petit garçon était assis tout seul dans un coin de la Salle de Jeu pasque
personnevoulaitjoueraveclui.C’étaitunnègredecouleur.Illevaitlamaindevantses yeux et il gigotait les doigts commepour se dire au-revoir à lui-même. Il sebalançait sur le plancher, d’avant en arrière, d’avant en arrière. Bateau-ciseau,bateau-ciseau,bateau-ciseau,commeça,sansjamaiss’arrêter.—Çamarche?C’étaitleroux,ilétaitrevenu.D’abord j’ai rien voulu dire et puis ilm’a regardé avec ses yeux et ils étaient
marronavecdespetitsmorceauxvertsdedanscommeceuxdeJessica.—Yaunpetitgarçonlà-dedans,quejeluiaidit,quisefaitau-revoirau-revoirà
lui-même.Lerouxm’aregardé.Ilm’atendulamainendisant:—Jem’appelleRudyard.Maisjeluiaipasserrélamain.J’avaispasenvie.J’avaistroppeur.Maisym’a
souriquandmême.Etiladit:—Enfait,c’estbonjourbonjourqu’ilfait.EtilestretournédanslaSalledeJeu.Moi j’ai regagnémon aile. J’avais sommeil. Jem’ai assis surmon lit. Il a des
draps.Àlamaison,j’aipougnougnou,macouverture.Elleestbleue.Jel’aidepuisquejesuistoutbébé.Mamanmanveutlajetermaismoijel’enempêche.Unefoisj’aifaitquelquechose.J’aifaitpipisurpougnougnou.Çasentaittrèsâcre.Mon lit est aumilieude la rangée. Y a six lits dansmon aile et quatre autres
enfants.Jeconnaispasleursnomsencore,saufun.Ils’appelleHowie,ildortdanslelitd’àcôté,iladescicatricespartoutdequandilajetéunbidond’essencedanslefeu.Ilestméchant.Jeluiaidemandésiyavaitdeshot-dogsàlaRésidenceHomed’EnfantslesPâquerettesetym’aditcauseàmonculmatêteestmalade.(C’estdesgrosmots.)Le lit d’à côtédumien,de l’autre côtéest vide.Peut-êtrequ’unpetitgarçonvavenirydormirquiseramonami.Jem’aiassissurmonlitet jem’aimisàpleurerpasquejevoulaisrentrerchez
nous.Alorsjem’aienfoncélafiguredansl’oreilleretjel’aiappuyéejusqu’àcequejedorme.Etj’aifaitunrêve.C’était chez nous et c’était pas chez nous. On était dans le salon à regarder
Popeyeà latélé,mamanman,monpapaetJeffrey.Alorsyaunmonsieurquiestvenu faire un communiqué qu’il allait y avoir une tornade. J’ai sauté et j’aicommencéàcrier:—Venezvitetoutlemonde,fautdescendresemettreàl’abriàlacave!Maispersonneabougé.Manmans’estmoquéedemoi,elleariendisant:—Neteconduisdoncpascommeuntoutpetitbébé,Gil,voyons!Jeffreyétaitparterre.Ilregardaitdesvoituresdansunmagazine.Ilavaitditque
jepouvaispasregarderaveclui.Jeregardaisparlafenêtreetjevoyaisquelecielétaittoutnoiralorsjecriais:
—Vite,dépêchez-vous!Mais personne bougeait. Ils faisaient comme si j’étais même pas là. Ils se
parlaient. Ma manman a dit : « Attention pas de chahut. » Et mon papa m’ademandésij’avaisprismonbain.«Pasdebain,pasdeZorroàlatélé.»Derrièrelui,parlafenêtre,jevoyaislatornadequis’amenait,elleétaitnoireetlongueetsetortillaittellementquejevoyaispasdansquelsenselleallait.J’aicourujusquedansla cave. Je m’asseyais sous l’escalier et j’écoutais pour voir quand les autresarrivaient.Maisj’entendaisrienquelebruitdelatornade.Çafaisaitlebruitd’untrainmaissifortqueçafaisaitmalauxoreilles.Etçadevenaitdeplusenplusfort,deplusenplusfort.Çavenaitsurnotremaison.Etjecriais:—S’ilvousplaîtlesgars!S’ilvousplaîtvenez!Dépêchez-vous!Jecriaissifortquej’enétaismaladeetjepouvaismêmeplusm’entendre.Toutse
mettaità trembler.Unverresecassait.Alors je regardaisvers laporte.YavaitJessica, ses lèvres remuaient mais j’entendais rien. Je disais « Quoi ? » maisj’entendaistoujoursrien.Latornaderugissaitcommedeslionsàl’intérieurdemoiet puis Jessica faisait un grand tour et une révérence et elle s’en allait. Je luicourais après mais j’avais peur de sortir de la cave avec la tornade. J’avais lafrousse. T’es qu’un trouillard mon vieux. Alors j’hurlais j’hurlais. Et Jessica seretournaitetmeregardaitetelledisait:«Pourquoitum’asfaitça,Gil,cequetum’asfait?»Etjememettaisàpleurer.«Pourquoitul’asfait?»elledisaitencoreet latornadeétaità l’intérieurdemoiet jememettaisàgenouxet jeposaismatêteparterreetjedisais:«Oh,s’ilteplaîtJessica,devienspasmorte,s’ilteplaîtdevienspasmorte.»Quandjem’airéveilléjesavaispasoùj’étais.J’airendupasquej’avaistellement
peur.Yz’ontdûfairevenirunportierpournettoyercematin.Howieaditquej’étaisun
bébépuisquejerendaisetj’aipastrouvérienàluirépondre.Etaujourd’huij’avaisdenouveauleDrNevele.Jeluiaidemandésimalettreque
Jessicam’avaitécriteétaitarrivée.Jeluiaiditquelesoiroùonavaitfaitçaelleavaitditqu’ellem’écriraitunelettresijamaisonétaitséparés.—N’ycomptepas,m’aditleDrNevele.Je luiaiplusparléaprèsça. J’aicroisé lesbraset jem’aiassis.Et j’aiparléà
Jessica.Etquandilm’aencoreditqueJessicaétaitpaslà,j’aipiquélespapierssursonbureauetj’aicommencéàlesdéchirer.Maisilm’asimplementregardéetjelesaipasdéchirés.—Vas-y,ilm’adit,déchire-les,oualors,s’iltefonttellementenvie,garde-les,tu
peuxlesemporter.C’estcequej’aifait.JesuisallédanslaSalledeRepos.C’estlàquejesuisencemoment.J’aiécrit
quelquechosesurlemur.Z.CommeZorro.(Âcre,c’estunmotdemonpapa,illeditpourlesradisnoirs.)Rembrandt,Gilbert(suite)12/3Encequiconcernel’interactionverbaliséeaveclethérapeute, larésistancedu
patientresteextrême.Lepatientrefuseeneffetdes’adresserdirectementàmoi,préférantpourleséchangesverbauxuneformedetransfertprolongé.C’est-à-direqu’il communique avec moi par l’intermédiaire de la présence imaginaire de lapetiteJessicaRenton(voirdossiers7,rubriqueI). J’estimequecetteattitudeestfonctiondedeuxaffectsquiserecoupentetserenforcentmutuellement:a)l’enfantrefuse d’affronter la réalité du mal qu’il a effectivement fait à Jessica qui, aumomentoùj’écrisceslignes,estencoreenobservationauNewMercyHospital(latransmissiondesrapportsmédicauxaétésollicitéeparlettre12/1),ilcréedoncsaprésence ici, intacte, afin de prouver le contraire et b) l’enfant se sert de cettetierce personne pour s’adresser indirectement au thérapeute. Au moyen de cetingénieux transfert depersonnalité, il s’adresse à elle et c’estmoi qui l’entends.Cesdeuxsymptômesmesemblentpathogènessinonpathologiquesetinterviennentl’unetl’autredanslaconditiondujeunepatient.Car il n’en demeure pas moins que tout traitement efficace de ce cas passe
obligatoirementparunerestaurationdelacommunicationverbaledirecte.Lefaitqu’il écrive sur lemur (cf. 12/2) tend à prouver que l’enfant présente une forteinclination langagière, il est d’ailleurs très doué (championd’orthographede sonécole) et j’y vois une preuve supplémentaire du fait que là est bien le nœud duproblèmeetlaprincipalevoieàexplorer.Diverssymptômesmanifestéspar lepatientdonnentàpenserqu’ilsouffred’un
complexe du justicier. Dont la fonction, ici encore, est double : a) Transfert deculpabilité. En se hissant au statut de héros, on crée du faitmême unméchantextérieurquel’onpeutchargerdetouslespéchésdumonde,soulageantdumêmecoup sa propre culpabilité pour toutes les mauvaises actions qu’on peut avoircommises ; b) Une conduite de fuite. D’ailleurs sociopathologique. Les allusionsconstantesauvol,àl’essor,ausaut.Ils’agitdeseplacersoi-mêmeendehors–etau-dessus–delasociété.C’estunemanièresymboliqued’accomplirsestrèsfortestendancesantisociales.Pourlemomenttoutefois,lethérapeuteauteurduprésentrapportestimequeles
accèsderageincontrôlableconstituentleproblèmeleplusgraveetleplusurgentdu patient. Il s’agit d’une véritable anomalie de comportement, socialementinadéquate et frisant la psychopathie. Le patient constitue unemenace pour sonentourage et doit, pour cette raison, faire l’objet d’une surveillance constante(c’est-à-direqu’ilconvientcommemesureconservatoireminimalede lemaintenirconfinémomentanémententrelesmursdenotreinstitution),bénéficierdetrèspeude faveurs et ne jamais se voir offrir l’occasion d’exercer sa violence. Cecomportementneseraenaucuncastoléréici.J’ai recopié ça sur le mur dans les papiers que j’ai pris dans le bureau du
DrNevelepasque jem’ennuyais,mais j’y comprends rien.C’est des tropgrandsmots.
6.Après les grandes vacances, il a fallu que je retourne à l’école. J’avais oublié
l’écoleàcausedesvacancesqui sont longuesquandonestunenfant. Jedétestel’école.Yfautselevertôt.Mamanmanmeréveilleenvenantdansmachambreeten me caressant la tête et puis en me tapotant les fesses (qui sont souspougnougnou ma couverture) et puis elle s’approche tout près tout près de mafigureetellechuchote:«Gil,monchéri,c’estl’heuredeselever.»Ellechuchotesidoucement, si gentiment, je voudrais la tuer. Si seulement je pouvais avoir unréveille-matin!Jeme lève. Jevaisauxcabinets.Puis jeme lave lesdentset la figure. (J’aime
mieuxlasalledebainsdupremierquiestbleue.Celledurez-de-chausséeestrosecommepourune fille.)Etpuis jem’habille. Je saism’habiller tout seul.Manmanarrangemesaffaireslaveillesurl’autrelitquiyadansmachambreoùsqueJeffreydormait sauf que maintenant il a sa chambre pour lui tout seul oùsque Sophiedormaitavantsaufquemaintenantelleydortplus.JesaispasoùSophiedort.Jecroisqu’elledortpas.Jedétestemeshabits, y sontmoches.LarryPalmer, lui, seshabits sont super-
chouettes.Ilestrudementàlamode,monvieux,avecdesvraiesfringuesdetravail.EtunebananecommesurlapubpourBrylcreem.Quandjesuishabilléjedescendspourlepetitdéjeunerquemanmanfaitetqueje
peuxpasencaisser,pournerienvouscacher,pasqu’ymedonneenviededégobillertripes et boyaux. J’ai jamais faim pour le petit déjeunermais elle m’oblige à lemanger.C’est desœufs brouillés avec commede l’eau tout autour.Mamanmans’assiedsursachaiseoùsqu’elles’assiedtoujours,auboutdelatable,tournéesurlecôtépourêtreenfacedemoi.Jem’assiedssurlachaiseàJeffreypourlepetitdéjeunerpasqu’ils’envaavantmoi.Manmanasarobedechambrerose.Elleaunfiletsurlescheveux.Elleadespantouflesquiluipendentdespiedscommeçaalorsonestobligédelesregarder.Elleaduvernisrougesurlesonglesdesesdoigtsdepiedsquiesttoutécailléetqu’onpeutpass’empêcherderegardernonplus,commesesjambesquiontdesveinesdedansquisontbleues.Elleacommeuneodeurdelotionqu’ellesentdel’autrecôtédelatable.Yfautquejemangedesœufsbrouilléspleinsd’eauensentantl’odeurdesalotion.Au petit déjeuner, tout reste très coi pasque c’est très tôt le matin. Je peux
entendre lapenduledusalon.Elle fait tic-tac.Mamanmanelleboit toujoursunetassedecafé.Elle regarde lemuravecdesgrandsyeux.Elle l’aspireen faisantchlllpp!Etpuisellelegardedanssabouchependantuneheure.J’attends.Toutestsilencieux.Tic-tac.J’attends.Etpuisalorsellel’avale.Çafaitlebruitd’unegrossevaguedéferlante.Alorsellemedonnemondéjeuneràemporter.Ilestdansunsacenpapierd’emballage.Unsacneuf. J’aiunsacneuf tous les jours.Elle le replietroisfoisetluimetdesagrafes.Yad’autresenfantsquiviennentavecunsactoutfroissé, comme ceux de l’orphelinat. D’autres enfants ont des boîtes à déjeuneravecdesdessinsdessuscequejetrouvecucullapralinemoipersonnellement.Jemangepasmondéjeuner.Jelemetsdansmoncasieretjelelaisselàpourrir.
La raison c’est que j’ai de la pleurodynie.Cest unemaladie,mon docteur le dit,
quand j’ai des crampeset puis ladiarrhée.Et ça s’appellepleurodynie.C’est unpointdecôté,ensomme,maisjedéduisque,sijemangepas,j’enauraipas,malgréque je soye un gros mangeur et qu’à la maison je soye toujours le chef ducommandodesnettoyeursd’assiette.Àl’école,yaaussiunecantineoùsqu’onpeutacheteràdéjeunerpourtrente-cinq
cents.Onsemetenrangpourfairelaqueueetlescuisinièressonttoutesgrossesavecdesdoigts rouges et un filet sur les cheveux.On a du lait dansdespetitesbouteilles.Ilesttiédassepasqu’ilslegardenttoutprèsdelàoùsqu’yaleschiffonspour nettoyer les tables quand on a fini de manger. L’eau est grise avec desmorceauxde choses àmanger qui flottent dedans.Ça sent le vomi.On frotte latableaveclechiffonetylaisseuneespècedetraceblanche.J’achètepasdelaitàl’écolevraimentsouvent.Desfoisc’estmoiquisuischefdetableetjedoisnettoyeraprèsledéjeuner.On
risqued’êtreenretardpourrentrerenclasse.Unefoisj’aiprisungrandbalaietjem’ensuisservipourbalayerlatableetMlleSmithaditqu’elleallaitmetordrelecou.(MlleSmithestprofdegym;ellesurveilleledéjeunerpasqueleréfectoireestinstallé dans le gymnase, avec des sortes de tables qui rentrent dans les murscommeça.MlleSmithpensequ’elleestunhomme.Elleportedesblousonsetelleapasdelèvresdutout.)Le jour de la rentrée, Shrubs est passé me chercher et ensuite on est allé
chercherMortyNemsickquihabitelaporteàcôtéetquiestdingue,pournerienvous cacher. Et puis on est allé à l’école. Qui est exactement à trois pâtés demaisonsetdemi,exactement.Pourcommencer,onaeuassembléegénérale.Lesassembléesgénéralesc’estdans l’auditorium.Quiestaussiuneclasse. J’ai
déjàeuauditoriumdesfois.Onyfaitduthéâtre.Despièces.Lederniersemestre,uneautreclasseavaitmontéleMerveilleuxMagiciend’Oz.Ilsontgagnéunprix.L’auditoriumestuneclassespéciale.Lamoitiédelajournée,onaclassedansnotresalle, dans le préfa, et l’autremoitié on a desmatières spéciales dans d’autressalles.(C’estdansl’auditoriumquej’aivudesvaguesdéferlantesunefoisdansunfilm
sur lamer, en assemblée générale. C’est des vagues très très grosses, elles sedéfontlentement.)Ce jour de la rentrée, on est allé en assemblée juste après l’appel dans nos
anciennes salles de classe. Pour aller à l’auditorium il faut de l’ordre. Pas debavardage, les fillesd’uncôté, lesgarçonsde l’autre.Onattenddeboutavantdes’asseoir.Chaqueclasseasaplace.Jem’aiassisprèsdeShrubspourqu’onpuissechahuter.Quandons’estassisilasortiunstyloqu’ilavaitoùsqu’onvoyaitunefillededans que sa robe elle tombait quand on la retournait à l’envers. Il l’a achetésoixante-quinzecentsaupatrouilleurducarrefourdeSevenMileRoadquiestunvoyou.Lestylom’adonnécommeunesortededrôledechatouillisdansleventre,sousleventre.Toutlemondel’aregardé,onétaitaumilieud’unerangée.EtpuisMlleFilmers’estamenéealorsShrubsl’acachésoussachemise.Pourl’assembléegénérale,oneulebrigadierWilliams.Onl’avaitdéjàeuavant,
c’estun flic. Il aunpétardet tout.On luidit toujours«DescendezMlleFilmer,
feu!»maisyladescendjamais.C’estunpeintre.Ilaunchevaletetildessineleshistoires en même temps qu’il les raconte. C’est barbant, mon vieux, c’est paspossible.Iladessinéunfeu,c’étaittroisronds,unrouge,unorangeetunvert,etpuisilnousaditdefaireencoreplusattentionenhiverquandontraverseàcauseque lesruessontglissanteset ila transforméle feuenbonhommedeneige. Iladessinéunvieuxhibousagaceet il l’achangéenbicycletteseulement jesaispascommentpasquejeregardaisShrubsretournersonstylo.Maisalors ilestarrivéquelquechose.MlleFilmeravu.Shrubsaessayédele
planquermaistroptard.Elles’estpenchéepar-dessusquatreélèvesetelleavouluprendre le stylo, seulement Shrubs a tiré dessus et elle m’est tombée sur lesépaules.Elleétaitrudementlourdepourunemaîtresse.Elleaprislestylo.—Oùavez-voustrouvéça,mongarçon?—Chaipas.(Shrubsdittoujours«chaipas»quandonl’engueule.)—Qu’est-cequeçaveutdire«jenesaispas»?—Chaipas.MlleFilmers’estmiseenrogne.—Vousallezmerépondreoui!EtShrubsadit:—Chaipascequeçaveutdire«chaipas».—Maisvousnesavezjamaisrien,vous,c’estça?—Chaipas,qu’ilaencoreditShrubs.MlleFilmeraessayédeluidonnerunegiflemaisilabaissélatêteetc’estmoi
quiaipris.Çam’amêmepaschatouillé.J’aiessayédemelevermaiscommeelleétaitencoreàmoitiéappuyéesurmoielleabasculéetelleestunpeutombéeparterre et le stylo est tombé et il a roulé sous les chaises jusqu’au bout del’auditoriumettoutlemondeessayaitdeleramasser.LebrigadierWilliamsadessinéunsignaldepassageàniveauetill’atransformé
enpatrouilleurdesûreté.(Lacroixestdevenuelesdeuxceinturesdetravers.)C’estSylviaGrosbeckqu’aramassélestyloetl’adonnéàMlleFilmer.LaFilmer
l’amisdanssapocheetelleafaitcommeçaavecsondoigtàShrubs,cequivoulaitdireviensunpeuici.—Viensmechercher!qu’iladitShrubs(ilétaitfoufurieux).Etellel’afait.LebrigadierWilliamsaregardécequisepassaitetçaluiafaitlouperlafigure
dupatrouilleurdesûretéetMartyPolaskiagueulé :«Houou!Défigurépour lavie!»AlorsMlleFilmerl’aattrapéluiaussietellelesatiréstouslesdeuxjusqu’aufond de l’auditorium et son bureau. On l’entendait crier et un petit, au premierrang,s’estmisàpleurertoutfortetlebrigadierWilliamsaditunpoème:Lespolicierssonttesamisquandtuteperds.Lespatrouilleursdesûretésontlà
pourtefairetraverser.Jem’arrêteaurougeetjepasseauvert.Cesontlesrèglesdesécurité.Etpuislaclocheasonnéettoutlemondes’estmisàfairedubruit.MlleKolshar
adit:«Cen’étaitpaslesignaldudébutdesbavardages.»Maispersonnenesavaitquoi fairepasquec’était la rentrée, ledébutd’unnouveausemestreetpersonnesavait dans quelle salle aller. Les maîtresses se sont réunies sur l’estrade de
l’auditoriumet tous lesélèvesontcommencéàdirebonjouràdesvoisins. JemesuisdemandéoùétaitShrubs.J’aipenséqueMlleFilmerl’avaittué.EtpuisMlleMurdockestarrivée.C’étaitmamaîtressequandj’étaisenpremière
année.Elle adit que tout lemonde retourneà sa sallede classeoù il était l’andernieretdepasserparicietparlà,saufceuxqu’elleallaitlirelesnomsetellealudesnomsetyavait lemiendenom.Touslesautressontpartis.J’aicommencéàsuer pasque je voyais pas Shrubs. Je pensais queMlle Filmer l’avait tué. Et jepleuraispresque.Elleestsortiedesonbureauaveclesbrascroisésetalorsd’unseul coup jem’ai levé. Et je suis allé la trouver sur l’estrade de l’auditorium etpendant que jemarchais jem’ai dit que j’étais au sommet d’unemontagne trèshauteetquetouslesautresétaientenbasetqu’ilyavaitduventquimesoufflait.Jem’aiarrêtéjustedevantMlleFilmeretj’aicrié:—Qu’est-cequevousavezfaitàShrubs!quej’aicrié.Sivousluiavezfaitdumal,
jevoustue,jelejuredevantDieu!Etpuisj’aifaitpipidansmonpantalonetjemesuismisàpleurertoutfortpasque
jepensaisque tout lemondey z’avaientvuetpuis laportede l’auditoriums’estouverteetc’étaitJessicaetelleavu.Jepleuraisetjesuisallém’asseoir.J’avaisjustementclassed’auditorium,c’était
pourçaqueMurdockelleavaitlumonnom.M. Stolmatsky est entré. C’est unmaîtremais c’est aussi un acteur dans une
université. C’était lui qui s’était occupé duMerveilleuxMagicien d’Oz quand onl’avaitmontépour leconcoursausemestreprécédent.EtpuisMlleFilmera faituneannonce:—Puisque la quasi-totalité de la distribution duMagicien d’Oz se trouve dans
cetteclasse,M.StolmatskyademandésinouspouvionsutilisercetteheurepourrépéterenvueduconcoursquidoitavoirlieuàLansing.Jesuisrestéassistoutseul.M.Stolmatsky a alors demandéà la troupedemonter sur scène. Jessica s’est
levée. Elle était Dorothy. Elle portait la robe rouge qui avait comme de petitesvagues dedans quand elle marchait. Il y avait aussi trois garçons. Ils restaientdebout sans rien faire.Et il y en avait unquatrième sur le côtéde la scènequisoufflaitsursonpoing.Plustard,j’aiapprisquec’étaitcenséêtreunmicroetqueluifaisaitlebruitdelatornade.M.Stolmatskyestallétoutaufonddel’auditoriumetilacrié:—Allez,surlesplanches,lesamantsdeThespis!(Jen’aipasl’ombred’uneidée
decequeçapeutbienvouloirdire.)Etpuis Jessicas’estretrouvéeaumilieude lascène.Elles’estmiseàdiredes
mots.Elledisait:—TataM,TataM.C’étaittrèsdoux,trèsbas.M.Stolmatskyaditqu’ilentendaitrienmaisJessica
l’écoutaitpaspasqu’elleregardaitquelquepartdanslevide.Jevoyaistrèsbiensesyeuxdelàoùj’étais,loinpourtant.Ilsétaientvertsavecdeséclatsbrunsdedans.Elleestrestée longtempsàregardercommeçasansrien faired’autreet tout lemonde attendait. Et puis, très lentement, elle s’est mise à genoux. Elle était à
genouxetellemurmurait:—TataM,TataM.Legarçonqui était sur le côtéde la scènea arrêtéde souffler sur sonpoing.
Personnenebougeait.C’étaitunvrai silence. Jessicaamurmuré«TataM,TataM»,etpuiselles’esttue.Seslèvresbougeaientmaisiln’ensortaitaucunmot.Elles’estallongéeparterreetelleaposésatêtesursonbras.—Qu’est-ce qui se passe ? a criéM. Stolmatsky. Tu as oublié le reste de ton
texte?Jessicaalevélatêtetrèslentementetj’aivuqu’ellepleurait.M.Stolmatskyétait
trèsétonné,iln’arienditd’autre,etj’aicomprisqu’ellen’avaitrienoublié.Auboutdequelquessecondes,M.Stolmatskyadit:—C’étaitexcellentmonchou,tunousasvraimentfaitaimerDorothy.Jessical’aregardépendantlongtemps.—Fermez-la,monsieurStolmatsky,qu’elleluiadit.(C’estmamanmanquim’aapprisJen’aipasl’ombred’uneidée.Elledittoujours
çaquandjeluiposedesdevinettesdemonhebdomadairepréféré.Cellequej’aimeleplusc’est:«Pourquoilecrétinjette-t-ilunependuleparlafenêtre?»)
7.Ilvoulaitvoirs’envolerlesminutes.
Jen’aipasécritça.Ça faitune semainemaintenantque je suisà laRésidenceHomed’Enfants les
Pâquerettes.Jedétestecetendroit.Jevoudraisletuer.Cequejedétestepirequetoutc’estlepetitdéjeuner.C’estdansunegrandesallebruyanteavecdeslonguestablesoùnousmangeonsavecd’autresjeunesquisontdégoûtantsàregarder.MmeCochraneet lesenfantsdemonailes’asseyentàune table. IlyaPhilet
RobertetMannyetHowie.Robertn’aqueseptans.Howieneufetlesautreshuitanscommemoi.Robertpleuretoutletempscequimetapesurlesnerfs,pournerienvouscacher,et il faitpipiau lit lanuitetçasent toutà faitâcre. Ildortdel’autrecôtédelapièce,enfacedemoi.Àcôtédemoi,c’estHowie,legarçonaveclescicatrices.Philneparlejamais,ilrestecoietsourittoutletempsetjesaispaspourquoi,peut-êtrequ’ilestcontentcontentoualorspeut-êtrequesafigures’estbloquéecommeça.(Mamanmanquandjefaisdesgrimaceselledit,attention,siyauncourantd’airmafiguresebloqueraetjeresteraicommeçapourtoujoursetmoijedischouettecommeçaj’auraiplusàmefatigueràfairedesgrimaces,mafigurelesferatouteseulepourmoi.)Mannyamonâgeetaussiilestjuifcommemoi,ilalescheveuxnoirsettoutbouclésetdedrôlesd’expressions.Au petit déjeuner d’aujourd’hui j’ai fait un hippopotame avec ma bouillie de
céréalesquiétaittoutedesséchée.Jeluiaifaitunlitavecunetranchedepaingrilléet avecma serviette je lui ai fait une couverture.Ensuite avecma cuiller je l’aibattuàmort.Jeluiaifendulatêted’ungrandcoupetpuisjel’aicoupéendeuxetje l’ai écrabouillé surmonassiette.MmeCochrane s’est fâchéeetm’ademandépourquoij’avaisfaitça.J’aiditpasquec’étaitunméchanthippopotamequ’avaittuéJessica.Ill’avaittraînéedanslarivièreetl’avaittuée.Robertadit:—Quellerivière?Jeluiaiversémonjusd’orangesurlatêteendisant:—Cetterivière-là.Etonm’aemmenédanslecabinetduDrNevelesur-le-champ.Ilavaitencoresonmanteaucequim’asurprispasquejecroyaisqu’ilhabitaitàla
RésidenceHomed’EnfantslesPâquerettesmaisnon.Jepensequ’ildoithabiteruncentrecommercial.— Bonjourmon petitmonsieur, ilm’a dit avec un sourire, si vous voulez vous
donnerlapeinedepénétrerdansmonantre,jesuisàvoustoutdesuite.Maisalors là,non.Pasaveccequ’il avaitdit. Jamaisde lavie ! J’aiessayéde
partirencourantmaisMmeCochranem’arattrapé.—Qu’est-cequec’estencorequecettehistoire?qu’ilafaitleDrNevele.MmeCochraneluiaditpourlepetitdéjeuner.—Non,j’aiditmoi,c’estpasça.—Maisqu’est-cequec’estalors?—Vouslesavezbien!—Dudiablesijelesais!aditleDrNevele.Jen’enaipaslamoindreidée.Allez,
entre!—Non,non,jeveuxpasallerdansvotreantre!quej’aicrié.—Gilbert!—Ohnon!Jeseraisage,c’estjuré,jeseraisagetoujours,jepromets.Metuez
pas!Metuezpas,docteurNevele!Et je hurlais et je donnais des coups de pieds et jemordais. Fallait que jeme
sauve,absolument.—MadameCochrane,emmenez-leenSalledeReposetqu’ilyrestetantqu’ilne
serapascalmé.J’yaicouru.Toutseul.PasqueleDrNeveleavaitditmonantre.Pasquequequand
j’avaiscinqans j’aivuun filmquim’adonnédescauchemarsquemême je lesaiencore.C’étaitunfilmavecuneespècedecaveoùonvoustorture,yaunegrossechose qui vous descend sur le ventre et qui vous écrase jusqu’à ce que vosintérieurssortentpardestrouscommedesspaghettis,etvoussaignezàmortetyaunhommeaffreuxavecuncapuchonetunmasque toutnoirsetc’estundocteurcommeleDrNevele.Ças’appelaitl’Antredudocteurnoir.Ilyavaitquelqu’undans laSalledeRepos.Mincedesurprise.C’était l’homme
auxcheveuxrouxdelaSalledeJeux.C’estunesortededocteurluiaussi.J’aivoulurepartir.—Non,ilm’adit,non,non,neparspas,jem’enallaisjustement.Situveuxbien
prendrelerelais,grandgarçon.Ilavaitunecravatecettefois,commes’ilétaithabillépoursortir. Jesuisresté
danslaSalledeReposmaisluin’estpasparti.Ilestrestéassislàsansriendire.—Jem’envais,ildisait,d’uninstantàl’autrejem’envais.Etpuisilafaitquelquechosedebizarre.Ilalevélesmainsdevantsesyeuxetila
bougésesdoigtsetpuisilfaisaitMmmmavecsabouchecommes’ilfredonnaitmaisc’étaitseulementunbruitpasdelamusique.—Tudevraispast’asseoirparterreavecteshabitsdudimanche,jeluiaidit.Tu
vasêtrepuni.Ilalevéleregardversmoi.Ilavaitlesyeuxvertsavecdeséclatsmarrondedans,
commeJessica.—Commec’estvrai,ilm’adit.Etpourtant,commec’estloin.Etpuisils’estlevéetilestparti.AlorsmoijesuisallépourécrireçasurlemurdelaSalledeReposetj’aivuque
quelqu’unavaitécrit
Ilvoulaitvoirs’envolerlesminutes.Etcen’étaitpasmoi.Alorsjel’aisuivipasqu’ilauraitpasdûécriresurmonmur.IlestalléàlaSallede
Jeux.Laporteétaitouverte.Jel’airegardéparlapetitefenêtre,ilétaitlàaveclepetit nègre de couleur que j’avais déjà vu, celui qui est dingue. Le roux était àquatre pattes par terre avec lui et le petit garçon pleurait sans arrêt, pleurait,pleurait.Etpuislerouxm’avu.Ils’estlevéetilm’aditd’entrer.Jesuisentré.
—JeteprésenteCari,ilm’adit.Ilmord.Etpuisilestsortienrefermantlaportederrièreluietjemesuisretrouvétout
seulavecCari.Quimord.Il s’est levé et d’un seul coup il s’estmis à courir aussi vite qu’il pouvait tout
autourde laSallede Jeuxetpuis il s’est flanquécontre laporte, ila rebondienarrièreetilestrepartisanspleurerniriendutout.Etpuisils’estassis.Etpuisils’est levé.Etpuis ila faituncercleet ilamarchésurquelques jouetset ils’estrassis.Jeluidisaisrien.Jecroisqu’ilsavaitmêmepasquej’étaislà.Ilaramasséuncoussin et s’est mis à le bouffer. Ses yeux sont devenus tout drôles. Un quiregardaitpar ici l’autrepar là. Ilclignaitdesyeuxetremuaittrèsfort latête. Ils’estmisàécraserlesjouetsdanslecoffreàjouets.—Tudevraispas,jeluiaidit.Maistoutcequ’ilafaitc’étaitdesiffler.Etpuisils’estrelevéetilestentrédroit
danslemuretpuisils’estassiscontrelemuretilalevélesmainsdevantlesyeuxetils’estmisàgigoterlesdoigts.C’étaitlamêmechosecommefaisaitlerouxdanslaSalledeRepos.EtpuisCariesttombéetilarouléparterreetils’estcognétrèsfortcontrela
jungleenplastiquequia failli luidégringolerdessusmais finalementnon,alors ils’estrassisavecledoscontrelemuretils’estmisàsebalanceretàcognersatêtecontre lemur. Je voyais unpetit endroit chauvederrière sa tête d’à forcede lacogner.D’unseulcoupils’estassistoutdroitetilaposélesmainssursesgenouxetils’esttenucommeunpetitgarçonbienélevé.Jeluiaidit:—T’esassisbiencommeilfaut,Cari,commeunbonpetitcitoyen.IlfaisaitMmmmmavecsabouche,rienquedubruitpasdemusique,commeavait
faitleroux,etpuisils’estlevéetilestalléprèsd’unpetitchariotrougequ’yadanslaSalledeJeuxetilestmontédedansets’estrassiscommeunbonpetitcitoyen.—C’estpasfaitpourça,jeluiaidit.C’estpourtransporterdeschosesdedans.Maisilestresté.Ilétaittoutraidecommeunestatuedanslepetitchariotrouge.
(Y a « Petit Chariot Rouge » d’écrit dessus, sur le côté.) J’ai ramassé un petitcoussinetjeluiailancémaisilapasbougéetill’aprisenpleinefigure.—C’estfaitpourquetulerattrapesetquetumelelances,jeluiaidit.Tuferais
mieuxdesortirdelàavantquelerouxreviennesinonyvatepunir.Etpuislaportes’estouverteetunemployéestentré.IlaprislamaindeCariet
aessayédelefairesortirdupetitchariotrougemaisyvoulaitriensavoir.—Allez,faispasleméchant,aditl’employéquiétaitgrandettoutpoilu.Cariluiamordulamain.J’aivuqueçasemettaitàsaigneretl’employéahurlé:
«Espècedepetitsalopard!»etpuisilaprisCariparlesépaulespourquipuisseplusbougeretilluiatordulesbras.Cariygueulait,ybalançaitdescoupsdepiedsetmêmedescoupsdedentsdanslevide,etl’employéavaitbiendumalàletenir.Ill’alâché.—Jerevienstoutdesuite,iladit.Caris’estarrêté.Ils’estarrêténet,commedansundessinanimé.Etpuisilafait
unbruit.—Pouche.Jesuisalléprèsdelui.Ilm’afaituneespècederegardcommeça,etj’aitenduma
mainetym’amêmepasmordu.Jel’aitouché.Iladitencore«pouche».Etpuisilaprismesmains et il a tirémais jem’ai écarté. Alors il a hurlé vraiment pointucommeunesirèneetmoijem’aimisvraimentenrogneetj’aicrié:—Ferme-la,Cari,tusaisbienqu’yvontreveniravecdesceinturesdecontention
etqu’yvont tepuniret te flanquerdesbaffesenpleinepoireet te fairevoirquicommandeicietpourtonbien!OhbonsangdebonDieu,jetecomprendsvraimentpas!Etjem’aimisàpleureraussietjesaismêmepaspourquoi,pasquec’étaitCari.Y
m’aprislamainetyl’aposéesurlepetitchariotrouge.—Pouche.L’employéestrevenuauboutdequelquesminutesavecunautre,seulementCari
étaitplusdanslepetitchariotrouge.IlétaitassistoutàfaitcommeunbonpetitcitoyensurunepetitechaiseprèsdelafenêtredelaSalledeJeux.Ilsm’ontregardé.J’aidit:—Toutcequ’yvoulaitc’étaitqu’onlepousse.Ils ont emmené Cari et je suis retourné dans la Salle de Repos. Je pensais à
l’homme aux cheveux roux qui faisait bouger ses doigts devant ses yeux etfredonnait dubruit commeCari.C’était undocteurmais il faisait pas commeundocteur.Ilfaisaitcommeunpetitgarçon.Commemoi.Rembrandt,Gilbert(suite)12/10RudyardWalton,thérapeutedansnotreinstitutiondepuisunan,manifestebeaucoupd’intérêtpource
patient,bienqu’ilsoitenfaitaffectéaupavillonSud-Ouest,danslequeliltravailleprincipalementavecdesenfantsautistiquesoumentalementretardés.Walton,dontlesrésultatssonttrèsappréciésdanssonservice,travaillesemble-t-ilselonunprincipe
dutype«guérisseur-malade»,sij’osedire.Ilentreavecchaquemaladedansunerelationbilatéraleet« prend sur lui » en assimilant les symptômes de ses patients, créant ainsi, j’imagine, une relationd’empathieaveceux.Iln’enapasmoinsprislaresponsabilitéd’intervenirunilatéralementdansletravailquej’aientrepris
avecGilbert,et j’aidûluienparler.Ilaniéavoiravecl’enfant lamoindrerelationthérapeutique, ilditqu’iléprouvebeaucoupde«sympahie»pourcepetitetappréciesacompagnie.Jeneluiaipasmoinsdemandédebienvouloirs’occuperexclusivementdesesproprespatientsdupavillonSud-Ouest.LesrelationsqueWaltonétabliraitaveccepatientseraientforcémentnuisiblesà labonneévolution
demon traitement.À l’évidence, la techniquedeWalton, si technique il y a, a pour effet de renforcerdansunpremiertempslescomportementsdel’enfant,laissantleurmodificationpourplustard,dansunsecondtemps,aprèsl’établissementdefortsliensrelationnels.Or,ilm’apparaîtquelescomportementsdeGilbertRembrandtnedoiventnullementêtrerenforcés.Ils’agiteneffetd’uneattitudesociopatheetdestructrice. Elle doit être strictement réprimée dans lamoindre de sesmanifestations, toute idée detolérancedoit êtreexclue, et laprésenced’unautre thérapeute,quece soitdans le rôle«d’ami»ouquelqueautre,nepeutêtretolérée.Je crois d’ailleursdemondevoir de signalerqueM.Waltona crupouvoir abandonner sans aucune
surveillanceundesesproprespatients,unenfantautisteaudernierdegré,lepetitCari,encompagnieduseulGilbertRembrandt.Unaide-soignantaétégravementblesséparmorsuredupetitCariàlasuitede cemanquement caractérisé au règlementdenotre institution. (Walton aurait prétendupar la suiteavoiragideproposdélibéréetaffirméquelesdeuxenfantsenavaientretiréuncertainprofit.Quoiqu’ilensoit,cetteaffaireseraexaminéeparleconseildedisciplinelasemaineprochaine.)Walton a également laissé entendre qu’il jugeait que le cas Rembrandt ne relevait pas des soins
prodiguésdansnotre institution.L’enfantn’a,selon lui, rienà faire ici. J’affirmetoutefoisquantàmoique l’enfant présente de véritables troubles du comportement et a même récemment manifesté dessymptômes schizoïdes à tendance nettement paranoïaque, avec complexe de persécution et présencehallucinatoired’assassinsdansmoncabinet,unetrèsévidentetentativedefuitedevantlaculpabilitéàl’égarddelapetiteJessicaaumoyend’untransfertnégatif
Jemedoisdoncderéaffirmermondiagnosticetmonpronostic:ils’agitd’unenfanttrèsgravementaffectédanssoncomportementetdontleséjouriciseraprobablementlong.C’étaitsurunpapier.Jel’aivoléauDrNevele,sursonbureau,pendantquej’y
étais.
8.Pendantquej’étaisassisdanslaSalledeRepos,MmeCochraneestvenueetelle
m’aditquejedevaisallezchezledentistele lendemain,quec’est lesrèglesà laRésidence Home d’Enfants les Pâquerettes. Je lui ai attrapé le bras et je l’aimorduecommeCarimaisellem’aflanquéunebaffeenpleinepoirealorsjemesuismisàhurlerdetoutesmesforcesaussifortquej’aipu:«Jevaistuerquelqu’un!Jevaistuerquelqu’un!»Ellem’alaissétoutseuldanslaSalledeRepos.Maisquandj’iraichezledentiste
jevais le tuer. Jedéteste ledentiste.Cheznous jesuisobligéd’yaller.Manmanm’emmène.La première chose déjà en entrant c’est l’odeur. J’ai tout de suite des haut-le-
cœuretçame faitpeur.Quandonouvre ladeuxièmeporteà l’intérieuryaunesonnerie.Yaunefenêtredanslemurqu’onpeutpasvoiràtraversetderrièreyauneinfirmièrequilafaitglisserpourl’ouvriretquidemandemonnom.Etpuisjem’assieds.Toutestcoi sauf l’aquariumqui faitdesbulles.De lamusiquesortduplafond.Surlesmursyadesphotosd’enfantsquimeplissentlesyeuxtoutcontentscontents.Laportes’ouvreet l’infirmièreditmonnomavecunsouriredevingtmètres.Y
fautquej’entre.Jevaisdanslecabinet,yadel’eauquiglouglouteetellemefaitasseoirdanslefauteuilpours’allongeretellelerenverseenarrièreetmecolleunbavoiretpuisuntrucderrièrelanuque.Lafraise–cenom-làc’estcommelesouriredel’infirmière–pendau-dessusde
moiavectoutessesroulettes,sesfilsetsestuyaux.Ças’abaisse.Yadifférentespointesqu’iladapteaubout.Chacuneestspécialementfaitepourmefairedumal.Etalorsjeresteassislàetriennesepassemaisj’entendsunenfantjusteàcôté
qui hurle. Puis l’infirmière rentre et elle me dit : « Ouvre. » Elle parle toutdoucement.Toutlemondechezledentisteparletoutdoucementetçamefiledestrouillesterribles.Etellemeplantedescouteauxdanslesgencivesetellemeraclelesdents.Etpuis leDrStahl rentre très très vite, il est toujours très trèspresséet fait
semblantd’êtrecontentcontentmaisjesaisbienquec’estpasvraipasquejeluiaienvoyéuncoupdepieddans les couillesune fois.C’étaitquand j’avais cinqans.Maismaintenantjesaisqu’ilfautseconduirecommeunpetitgarçonbienélevéetcommeunboncitoyenchezledentiste.Ilalarouletteetmoij’airien.LeDrStahlregardemespapierspuis il regardedansmabouchepuis il regardemespapierspuis ilregardedansmabouche.Ilaunmiroirauboutd’unmancheet ilregardedansmabouche(desfoisjefaissemblantd’êtreluiavecunecuillermaisdedansonse voit à l’envers) et je lui demande si j’ai des cariesmais tout cequ’il dit c’est«Ouvre».Alors il sort tousses instrumentset il faitdesbruits surmesdentsendisant :
«Toc,toc,toc,quiestlà?»Ilessaied’êtredrôlemaisyavraimentpasdequoi.Ildit:«Sijetefaismal,dis-
le-moi»,etpuisjepeuxplusriendiredutoutpasqu’ym’enfoncesonpoingdanslabouche.Puisilprendunmachinpointuetilmeleplantedansladentetilletortille
et je sensde l’électricitéquime traversepartoutet jeme tournesur le fauteuiltellementçafaitmal.Alorsildit:«Etmaintenantvoyonsl’étageendessous.»Ilregardemespapiersetilécritdeschosesdessus.Jeluidemande:«S’ilvous
plaît,j’aidescaries?Vafalloirmepasserlafraise?»EtleDrStahl:«Ouvre».Ilvisseunechosedemétalsurmaboucheavecducotondedansetilmetl’espèce
desuceursousmalangueetçaaspiretoutemaboucheetmalangueetilprendlafraise et il la met dans ma bouche et le bruit commence comme des avions àréactionquidécollentàl’intérieurdematêteetilsemetàfairetrèschaudetlatêtemetourneetçafaittellementmalquej’ail’impressiondem’enfoncerdanslaterreet ilestcomplètementpenchéau-dessusdemoiet jevoissafiguredetrèsprèset il souritplusdu tout. J’aimal, j’aimal. J’essayede luidired’arrêterrienqu’unesecondemais jepeuxpaspasqu’ilest toujoursen traindemepasserà lafraiseetsijebougeilvamecouperlalangueendeux.Tellementquej’aimaljememets presque debout et lui il me retient avec son coude. Et puis j’entends unesirène dans ma tête, celle d’une ambulance qui vient me chercher. La fraisetraversemaboucheets’enfonçadansmatêteetmonsangàl’intérieurdemoimefaitmal.Personneneviendraàmonsecours.Personneneviendraàmonsecours.Personne.Quand je sors du cabinetmamanmanme dit : « Eh bien, tu vois bien que ça
n’étaitpassiterrible,hein?»Et, hier soir, à la Résidence Home d’Enfants les Pâquerettes, j’ai pensé au
dentisteetjem’aiendormienpleurant,pasquej’aipeuretmanmanestmêmepaslà.Jeveuxrentrercheznous.Et cematin à la place du petit déjeuner je suis allé à la Salle de Jeux et j’ai
regardéparlafenêtrepasqu’yavaitpersonne.Jeregardaispasserlesvoituresetjemedemandaissiyavaitpasquelqu’unquiallaitchezmoi.Etpuis j’aientendu laportede laSallede Jeuxquis’ouvrait.Mais jem’aipasretourné. Jevoulaisvoirpersonne.Yapaseuunseulbruitpendantunmomentetpuisj’aientenduchanter.C’était
un homme. Il chantait : « Je suis seul, ce soir, avecmes peines, je suis seul cesoir…»C’étaittrèsdoux.Jeregardaisparlafenêtre.Jemeretournaispas.Ilaencore
chanté.Ilchantaitbien.(Jesuisbonenmusiqueàl’école.Leprochainsemestrejeseraidanslachorale.
Mlle Allen a promis. Une fois on a eu une chanson, Trois Petits Agneaux, etMlle Allen a choisi trois élèves pour la chanter en assemblée générale. Y avaitKenny Aptekar, Gary Faigin et moi. J’ai pu manquer deux classes de sciencesnaturellesgrâceàça.Etpuisyauneautrechanson,lesTailleursdepierre,yaunrefrainqu’onfaitexploserlesrochersàladynamiteetyfautcrier«feu!»commeçatoutfort,crier,paschanter.D’ailleursc’estécritenmajusculesFEU!çaveutdirequifautcrier.Maistoutlemondeapeurpasquesionestleseulàcrier,onal’airidiot.MaisMlleAllenelleestsympa.Unjour,enmusique,quelquesjoursaprèsl’assembléegénéraleaveclebrigadierWilliams,onchantaitApporte-moilapaix,ôgrand fleuve, et y avait que moi qu’arrivais à chanter la deuxième voix. AlorsMlleAllenellem’afaitleveretchantertoutseul.HaroldLunds’estmoquédemoi
etm’aditquej’étaisunechochotteetj’aieuhonte.Etpuisquelqu’unestentrédanslaclasse.Etc’étaitJessica.ElleapportaitunmotdeMlleVerdon,laprofdedessin.MlleAllenm’aditdecontinueràchanterpendantqu’ellelisaitlemot.Alorsj’aifaitquelque chose. Jem’aimis à chanter HeartbreakHôtel, c’est super,mon vieux.C’estElvis,jepeuxl’imiteràlaper-fec-tion.J’aichantédeplusenplusfort,deplusenplus fortet j’ai fermé lesyeux.Quand je lesairouverts, Jessicameregardaitmêmepasetjem’aiarrêté.Maisquandelleestpartieellem’aregardéetellem’afaitunesortedesourire.)JemerappelaistoutçaenregardantparlafenêtredelaSalledeJeuxetpuisla
personnequichantaitaditquelquechose:—Puis-jevousoffrirunGlobo?C’étaitleroux.Jeluiaipasditderéponse.Ilarechanté:«Jesuisseulcesoir…»Lesvoiturespassaientdevant la fenêtreet soudain j’ai cruvoir lanôtreet j’ai
cognéaucarreaumaisjem’étaistrompé.«Jesuisseulcesoir…»Jel’airegardés’éloigneretj’aipensé:Peut-êtrequec’estnotrevoituremaisque
mesparentsveulentplusdemoiàcausedecequej’aifaitàJessica.—J’aidit:puis-jevousoffrirunGlobo?répétal’hommeauxcheveuxroux.—Non,j’aidit.Et alors je l’ai plus entendu chanter. Mais j’ai pas regardé. Seulement je l’ai
entendufairepéteruneballedeGloboetdiremerde.—Fautpasdiredesgrosmots,j’aidit.C’estpasbienélevé.—Bah,fautpasmâcherdeGlobononplus,iladit.Seulementj’auraisjamaisde
cariessij’enmâchepas,hein?—Çadonnedescaries.—C’estbiencequejedis.Jem’airetourné.Ilétaitassisdansunechaisedepetitgosse.—Maisfautpasavoirdecaries,j’aidit.—Ahoui,pourquoiça?—Fautpas,c’esttout.Jem’aimisvraimentenrogneetjem’airetournéverslafenêtre.Etl’hommea
dit:—Jesais,jesais.Jem’aiassisdanslapetitechaiseorangeprèsdelafenêtre,etj’aibalancédes
sortes de coups de pied dans le tapis qui donne des fois comme des secoussesélectriques.—J’aimeavoirdescaries,aditl’hommeroux.Jeveuxdesplombagesdanstoutes
mesdentsavantqu’ilsoittroptard.Mondentisteenapluspourtrèslongtemps.Ilvapastarderàsesuicider.—Pourquoi?—Pourquoiquoi?—Pourquoiyvasesuicider?— Bah, a fait l’homme roux en faisant éclater une nouvelle bulle de
chouimegomme,pasqu’ilestdentiste.T’enferaispasautant,toi?
—Commentça?—Bah,toutlemondedétestelesdentistes,non?Mêmelesfilsdedentistes.Le
filsdecetype-làledétestemaisc’estpouruneautreraison.Tuvois,quandilétaitpetit,ledentisteadécidédefairesemblantqu’iln’étaitpasdentiste,pourquesonfilsledétestepas.Iladitàsonfilsqu’ilétaitjoueurprofessionneldebaseball.Ils’estfaitfaireunetenuedel’équipedesTigresettouslesjoursillamettaitpourpartiretpourrentrerchezlui,seulementavantderentrerils’arrêtaitpoursalirsatenue. Il faisaitécriredes fauxarticlesde journalsur lui,avecsonnom,et il lesmettaitdans lespages sportivesdes journaux.Maisquand legossea commencél’école,personneavait jamaisentenduparlerdesonpapa,alors ledentisteafaitimprimerpleinde fausses imagesdebaseballavecsaphotoet sonnompour lesfairemettredanslesGlobodanslesboutiquesautourdel’écoledesonfils.« Pour finir, il est devenu l’ami de Ozzie Virgil, qui joue troisième base dans
l’équipedesTigres,ill’invitaitàdîneraurestaurantavecsafemme,ilsoignaitlesdentsdesonfilsgratuitement.EtOzzieacceptaderentrerdanssonjeu.Etquandlegamineuthuitans,ledentistesedécidaàl’emmenervoirunmatch.Lepetitétaittout excité.Malheureusement pour eux, ils arrivèrent trop tôt aux vestiaires etOzzieVirgiln’étaitpasencorearrivé.Ilssesontdoncfaitrefouler.Enrepartant,ilstombentsurOzziequiarrivaitetquiditaussitôt:«SalutStan!Contentdetevoir,figure-toi que Joey vient de perdre un plombage, est-ce que Gladys pourrait tel’amenercetaprès-midi?»«Ilyacinqansdeça.Lefilsdudentisteluiaplusadressélaparoledepuis.Ilne
vapastarderàsetuer,c’estunequestiondejours,peut-être.J’aitraversélaSalledeJeuxjusqu’aucoffreàjouets.Yavaitunepoupéededans,
unefillequiavaitdescheveuxbrunsavecdesrubansdedanscommeJessica.Elleavaitpasd’habitsdutoutetj’aieumalauventre.Etaussij’avaispeurd’allerchezledentiste.—Yfautquej’yailleaujourd’hui,quej’aiditàl’hommeroux.Ilafaitouiaveclatête,lesyeuxfermés,commes’illesavaitdéjà.—Aufait,Gil,qu’ilm’afait,jem’appelleRudyard.Ilavaituneautrepoupéedanslecoffre,uneblondesansrubansdanslescheveux.
Jel’ailancéecontrelemuretsesbrassonttombés.J’avaistellementmalauventrequejepouvaisàpeinetenirdebout.C’étaitcommesij’avaisdelaglaceàl’intérieurdemonderrière,trèshautdansmesintérieurs.Yfallaitabsolumentquej’ailleaucabinet.Jem’aimisàavoirdeslarmesdanslesyeux.Jem’aimordulalèvre.J’airegardé
l’hommeaux cheveux roux, j’ai regardéRudyard et lui ym’a regardé comme çaavecsesyeux.Ys’estlevé,ilestvenuversmoientirantunmouchoirdesapocheetilaessuyémesyeuxtoutdoucement.—Qu’est-cequ’ilyacommepoussière,ici,qu’iladit.Çadonnedesallergies,ça
irritelesyeux.Alorsjem’aimisàpleureretilamissamainsurmatête.—Rudyard,yfautquej’ailleaucabinet,yaquelquechosequivapasdansmon
ventre.J’aipeur.J’aipeurdudentiste.Alorsilafaitcommeça,là,avecsamainderrièrematêteetsurmoncou,ym’a
unpetitpeuserrésurmatêteetym’apriscontreluietysentaitcommemonpapa.—Rudyard,yfautquej’ailleaucabinetseulementj’ysuisjamaisalléicietjesais
pasoùyenaun.—Moisi,etc’estuncabinettrèsbienenplus.Moijepleurais.—Rudyard,j’aiquelquechosequivapas.Jesuisdifférentquetouslesautres.Rudyardaunpeupressématête,ilafaitcommeçaencoreàmescheveuxetje
m’aiserrécontrelui.—Moiaussi,Gil,allons-y.Aujourd’huij’aieuunelettre.J’aicruquec’étaitJessicamaisnon.Le7décembreCherGil,Jeviensd’avoirleDrNeveleautéléphoneetilm’aditqu’ilfaudraitencoreattendreunpeuavantde
venir te voir aux Pâquerettes, alors j’ai décidé dem’asseoir pour t’écrire ce petitmot pendant que jepenseàtoi.Comment vas-tumon chéri ? Tunousmanquesbeaucoupà tonpère et àmoi (et à Jeffrey) et nous
sommestous impatientsdetevoirderetourà lamaison.Noussavonsquetoiaussi tues impatientetc’estpourcelaquejet’écriscettepetitelettre.LeDrNeveleal’aird’untypevraimentformidable.Papaetmoinousletrouvonstrèssympathique,Gil,
et nous pensons que ce serait vraiment dommage, avec tout le travail qu’il fait pour t’aider, il nedemandequ’àterendreservice,ilfautquetuenfassesautant,cen’estquejustice,tunetrouvespas?Ilsaituntasdechosessurlespetitsgarçonsetsurcequilesfaitfaireciouça,ceneseraitpasbiendeluifaireperdresontemps.C’estcequenouspensonsetnoussommespersuadésquetuserasd’accordavecnous. Nous savons tous que tu regrettes sincèrement ce que tu as fait et que tu ne demandes qu’àréparertestortsleplusvitepossibleetdoncquetuvasdéciderd’aiderleDrNeveleadécouvrircequinevapasentoipourpouvoirteguérirviteviteetterenvoyeràlamaison.Commeceseramerveilleuxmonpetitchéri,tunetrouvespas?Maissibiensûr,etjesaisquetuvas
fairetoutcequiestentonpouvoirpourqueçaarrivetrèsvite.Maistusais,fiston,tun’espasleseulàavoirbesoindel’aided’unmédecinpourdécouvrircequia
bien pu te pousser à faire cette chose terrible à Jessica. Ton père et moi nous allons aussi voir undocteur.Quelqu’unque leDrNevelenousarecommandépourquenous luidemandionss’ilpensequenousavonspeut-êtrecommisuneerreur,maljouénotrerôledeparents.Nousavonsdécouvertquepapaconnaissaitdéjàcemédecinquiestmembredesonclubetdoncnousallonstousdéjeunerensemblelasemaineprochainepourenparler.Jemeréjouisàl’avance,jesuissûrequeceseraformidable!Lamèrede Jessicaest revenuenousvoir l’autresoir.Ellevaencore trèsmal.Nous l’avons invitéeà
resterdînermaisellen’apasvoulu.Jecroisqu’elleestencoretrèsencolèredetoutcequis’estpassé.Jessicaestsortiedel’hôpitalmaintenant.Elleaparlédet’écrireunelettremaissamèreluiaditqu’ellene pouvait pas ; alors, surtout, ne sois pas déçu si tu ne reçois rien. Nous sommes sûrs que tucomprendras,tuesunjeunehommetellementintelligent.Pourtoutdire,tonpèreetmoinouspensonsmêmequecene seraitpasune trèsbonne idéeque tu la revoies.Samère l’a inscritedansuneécoleprivéepourledébutduprochaintrimestreetcelavautsansdoutemieuxainsi.Noussavonsqu’unpetitgarçonaussiintelligentquetoin’auraaucunmalàcomprendretoutça.Ah,aufait!Kennethestvenucematinetilaapportépourtoiquelquesphotosdejoueursdebaseball
qu’iltedevaita-t-ildit.Àpropos,tuasvulesTigres?NousnesavonspassivousregardezlesmatchesàlatéléauxPâquerettes,maisilscommencentvraimentleursaisontrèsfort!Lasemainedernière,papaaemmenéJeffaumatchet ilssesontamuséscommedesfous! Ilssesonttellementamusésqu’ilssesontpromisd’yretournerlasemaineprochaine,et,cettefois,onclePaulleurprêterasaloge,tuterendscompte!Dommagequetunepuissesyalleraveceux.Maiscen’estquepartieremise!Le Dr Nevele dit que ce ne serait pas une très bonne idée de t’envoyer les photos que Kenneth a
apportées, alors je te les mets de côté pour quand tu rentreras. De toutemanière tu n’aurais pu leséchanger avec personne, aux Pâquerettes. Tu les trouveras donc ici en rentrant. Et peut-être d’autrespetites choses. Tu te souviens de ce dinosaure dont tu avais envie, chezMaxwell ? Papa etmoi noussommesd’accordpourtel’offrir!Alors,situesgentiletquetudécidesd’aiderleDrNevele, luiaussit’attendraàlamaisonpourfêtertonretour!
Voilà,c’estàpeuprèstoutcequejevoiscommenouvellesàtedonner.S’ilteplaîtpensebienàaiderleDrNevelepourpouvoirvenirretrouvertoustesjouetsàlamaison.Commenousseronstousheureuxcejour-là!tuterendscompte?Baisersaffectueux
deMamanetPapa.
9.Pour la rentrée, ma nouvelle maîtresse principale c’était Mlle Iris. Elle est
gentillecommemaîtresse,elleestjeuneetelleportepleindemaquillage.Elleestblonde.Elleaduvernisàonglesetdestasdejolishabitscommeàlatélé.Elleseparfumecequiestdivin.Etpuisaussielleestsympa,monvieux,pasvacheetellegueule jamais.Une fois ellenousadit : « Je vous laisse vraimentmemanger lasoupesurlatête»,maisj’aijamaismangésurMlleIris.(L’année d’avant, j’avais Kolshar qui est vache. Une fois Andy Debbs avait ses
doigtsdanssonnezaprèslasonnerieetKolsharl’avu.Qu’est-cequ’elleluiamis!«Espècedepetitdégoûtant!Tuneterendsdoncpascomptequec’estl’habitudelaplusrépugnante?»MaisAndyarienrépondupasqu’ilesttimideetelleaencoregueulé : « Va aux lavabos et lave-toi les mains ! » Andy s’était appuyé sur sonpupitreetelleluiaditqu’il faudraitqu’il le laveaussi.«Quit’aapprisàteteniraussimal,hein?»qu’elleagueulé,etAndyDebbsilluiarépondu:«Personne,j’aiappristoutseul!»AndyDebbs, ilestdel’orphelinat.LamèreKolsharestvacheavecceuxdel’orphelinatpasqu’ysontpauvres,maismoijetrouvequec’estellelaplusrépugnantehabitude.)MaisMlleIris,elle,elleestgentilleavectoutlemonde.Seulementunefois,ilest
arrivéquelquechose.J’arriveàlamaisonetMlleIrisétaitdansnotrecuisineentraindedéjeuneravecmanman.Manmanm’adit:«Aprèslaréuniondesparentsd’élèves, j’ai invité Dolores, tu veux manger avec nous ? » J’ai couru dans machambreetj’aiclaquélaporte.J’aimepasvoirlesmaîtressesendehorsdel’école,c’estpasbien.MlleIrisétaitenpantalon.Maisletroisièmejouraprèslarentrée,MlleIrisnousaannoncéquelelendemain
yauraitsortieauzoo.Elleadistribuédespetitspapiersronéotypésàfairesignerdesparents.J’aireniflélemienpendantuneheure.Elleaditqu’onferaitunpique-niquemaisquechacundevaitapportersondéjeuner.Lelendemainjemesuisréveillétôt,toutseul.Jem’aipréparétoutseulmonpetit
déjeuner,duketchupetunebarredeMars.Shrubsestpassémeprendre,ilasonnéàlaporteetréveillétoutlemonde.Touteslesclassesdetroisièmeannéeallaientensembleauzoo.LaclassedeMlleHellman,celledeMlleCraigetlamienne.Onavaitunautocarpournous.MlleIrisacomptétoutlemondeetpuiselleestvenueprèsdemoietellem’adit:—Jepeuxm’asseoiràcôtédetoi,Gil?J’aiditnonmaisellel’afaitquandmême,alors.Etpuis,ons’estmisenroute.
Ronéotypé.R-O-N-É-O-T-Y-P-É.Ronéotypé.
Auzoo,chacundevaitavoirunp’titcopainquiétaitceluioucelleàcôtédesquelsonétaitassisdanslecar.Alorsmoic’étaitMlleIrismonp’titcopain.J’aidit:—JepeuxpasavoirShrubs?Etellearépondu:—Maisdisdonc,Gil,tuvasfinirparmevexer.Lezooc’estdesarbresetdesbarrièresetdeshaiesetdestrucsencimentqui
ont les animaux dedans et des buvettes. Y a une piste à suivre qu’est faite degrossestracesd’éléphant jaunes. J’aidemandéàMlle Irissic’étaitdesvraiesetellem’aréponduqueouibiensûr.Onlesasuivies.EllesconduisaientauTrainduZoo.J’aidit :«Est-cequeletrainestsipetitpasquel’éléphant l’aécrasé?»etMlleIrisadit:«Oh,Gil,commetuesmignon!»Etpuiselleamislacléenformed’éléphantdanslelivresonorequivousditdeschosessurlesanimauxetShrubsadit:«JevaispousserleboutonChiendeChasse»maisletrainestarrivé.IlestcommeceluiduJardind’acclimatationmaisyfaitplusvraitoutdemême.
MlleIrism’ademandésijelaprotégeraisdetouslesanimauxsauvagesetj’aiditnon.Letrainfaisaittoutletourduzoo.MlleCraignousdisaitdefairebonjourbonjour
aveclamainauxanimauxetMartyPolaskiaditqu’illeurenverraitplutôtunecartepostale.DesfoisletrainprenaituntournantetMlleIrisglissaitcontremoietjemesentaisdrôle.Elleavaitsonparfum.Etpuistoutd’uncoupMartyPolaskis’estmisàgueuler : « Y a un gorille qui me met en pièces, y a un gorille qui me met enpièces !»Tout lemondes’est retournéet il amontrédudoigtMarilynKaneencriant:«Levoilà,legorille,levoilà!»ElleétaitassiseàcôtédeJessica.Aprèsletrainonestallévoirleschimpanzés.Ymettaientledoigtdansleurnez,
commeAndyDebbs,etShrubss’estmisàchanterToutlemondesecurelenezCurelenez,curelenez,ToutlemondesesucelesdoigtsSucelesdoigts,sucelesdoigtsmaisMlleHellmanl’afaitarrêter.Elleaimepaslamusique.Onestalléauxserpentsquisortentlalangueetj’aieulestrouilles,etonestallé
auxpingouinsquisontenhabitetonestalléauxantilopes.Etpuisc’étaitl’heuredudéjeuner.J’avaisunsandwichauthonetàlasalade,quiétaitdevenuchaudettoutmoucommejelesaimeetunepommeetunebarredeTwinkie.Mamanmanavaitlaissétoutçadanslefrigopourmoi.(Lesacenpapierétaitferméparuntrombone,elledevaitêtreàcourtd’agrafes.)Ons’estremisparclassedanslazonedespique-niques. Mlle Iris avait un truc de limonade qu’elle avait faite elle-même.MlleHellmanavaituneboîtedepopcornqu’elleavaitfaitporterparleconducteurducar.J’aimemangertoutseulpourpouvoirfairesemblant.Auzooj’aifaitsemblantque
j’étaisenhautd’unarbreentraindemangermondéjeunerquej’avaistuéavecunpoignardetqu’enbasyavaitleshommesquiétaientl’ennemipasqu’ilsnesontpasdebonspetitscitoyensdelajungle.Etpuisquelquechosearrivait:undeshommesmevoyaitets’avançaitjusqu’àmonarbre.C’étaitunchasseurblanc.—Tuveuxça?qu’iladitlechasseur.IlmetendaitunebouteilledesodaorangeNesbittetjelaluiaifaittomberdela
mainetils’enestmispleinsajolierobevertepasquec’étaitJessica.Ellearegardéparterre.Lesodacoulaitdesesdoigts,elleavaitencorelebras
tendu.—Jem’étaisditquetupréféreraispeut-êtreçaàlalimonade.
Etmoij’airépondu:—Oumga-oua!AlorsMartyPolaskis’estmisàhurler:—Gilbertaunefiancée,Gilbertaunefiancée-heu!—Tuferaismieuxdetetaire,quejeluiaidit.—Essayeunpeudemefairetaire,qu’iladit.—J’auraispeurdemesalirlesmains.—Lesmains,lesmains,tuveuxdirelespattes.Alors je luienaibalancéun. Jevisaissonventremais j’ai touchésafigurepar
accidentetilesttombéparterre.Etpuisilm’adonnéuncoupdepieddanslezizietjepouvaisplustenirdebout.Touttournaitsansarrêtautourdemoi.Alorsjeluiairoulédessousetquandilétaitsurmoijeluiaibalancéencoreuncoupdepoingetils’estrelevémaisjeluiaicouruaprès,jel’airattrapéetjel’aijetéencoreparterre.Mais ilm’adonnéunautrecoupdepieddansleziziet j’aiplusvuclair.Ilétaitdenouveausurmoi.Etpuissansquejecomprennecomment,iladisparuetjem’airetrouvéallongé
dansl’herbeetMlleIrisétaitpenchéesurmoi.Jesentaissonparfum.Ellearrêtaitpasdemedemandersijemesentaisbien.Jem’airelevé.Ilfallaitquejem’appuiesurquelqu’un.Ilétaitlàoùilfallait,quandilfallait,Shrubs.Etpuisj’aivupleind’élèvesrassemblésprèsdelafontaine.IlsregardaientMarty
Polaskiquiétaitdansl’herbeavecunecoupureàlatête.Shrubsm’aditqueJessicaRentonl’avaitfrappéaveclabouteilledeNesbittquandilétaitsurmoi.J’aivuqueMlleHellmantenaitJessicatrèsserréeetl’engueulait.L’eaudelafontainecoulaitparlatêted’unlion.Ildégobillait.Je suis retourné m’asseoir à la table du pique-nique et Mlle Iris est venue
s’asseoirprèsdemoi.Elleafaitcommeça,commeunecaresseàmescheveuxetellem’adit:—Çavamonpetitchou?Jepeuxfairequelquechosepourtoi?—Ohoui,j’aidit,m’appelezpaspetitchou,d’ac?Très vite ça a été lemoment de retourner voir les animaux. Tout lemonde a
changédep’titcopain.J’aieuShrubs.Ilboitait.Jeluiaidemandé:—Pourquoituboites?Etilarépondu:—Unlionm’amangélegenou.Onadûallervoirlesoiseaux.Jelesdétestepasquec’estpasdesvraisanimaux
sauvagesetqu’ysentent.Quandonestarrivélà,Shrubsetmoionn’estpasentré,onaattendudehorsenfaisantunplanpourtendreuneembuscadeàMartyPolaskique quand il sortirait on lui jetterait ma chemise dessus et on lui casserait lagueule.EtpuisShrubsaditqu’yvoulaitpaspasqu’yvoulaitallervoirlesélans.Iladitquec’étaitpasqu’ilyenavaitunqu’ilconnaissait.YadesfoisoùShrubsestcrétin,moipersonnellementjetrouve.Unefoisjeluiai
apprislemotidiotetilestrestésursonperronetildisaitidiotàtouslesgensquipassaientdevantchezlui.Toutlemondeestsortidel’oisellerie.LapremièreàsortirétaitMlleIris.Ellea
dit:
—Aunomdu ciel,Gil, pourquoi as-tu retiré ta chemise. Tu veux attraper unebonnepneumonieenplusdetoutlereste?J’aiditoui.EtpuisJessicaestsortieetellem’avuetelleestvenueversmoietalorsj’aieu
hontepasqu’onvoyaittrèsbienlasécatricesurmonventre.—Cen’estpasgravequetuneportespastachemise,ellem’aditJessica.C’est
lesgermesetlesbactériesquidonnentdesmaladies,paslescourantsd’air.Jeteledis.—Commenttulesais,j’airépondu.—Jel’ailudansunmagazine.—Menteuse,t’estropjeune!—Maissi.Onlesreçoitaucourrier,chezmoi.Monpapaestprofesseurdelycée
etilmelaisseliretoutcequejeveux.—Mavonnavœil, j’aidit. (C’estdu javanais.Çaveutdiremonœil.Monœilça
veutdirequejelacroyaistoujourspas.)Etpuisj’aivuShrubsquidemandaitaumonsieurduzoooùétaientlesélans.Et
ensuite on est tous allé voir les porcs-épics. Ils dormaient tous dans un trou, onvoyaitpresquerien.Jem’airappeléunPopeyeoùsqu’ilétaitpiquéparunporc-épicet puis après y buvait et l’eau lui giclait de partout comme par les trous d’unepassoire – la crise ! Jessica s’est appuyée contre la chaîne des porcs-épics. Elleétaitencolère.—Tun’avaispasbesoindefairetombercettebouteille,ellem’adit.Tuauraispu
dire:«Nonmerci,jen’enaipasenvie.»Çaatachémarobe.—Jedisaisquej’étaisTarzan,quejeluiairépondu.—T’esfou,ellem’adit,etpuiselleestpartievoirleslamas.Dans lemêmemachin que les lamas y avait un gros oiseau. C’était un oiseau
d’Australie,unkoukaberra.Jessicaleregardait,alorsj’aichantéunechansonquej’avaisappriseenmusique:
KoukaberraperchéDanslevieuxcaoutchoucRoidelaRoidelaRisKoukaberraRisgrandroiChantetajoie.
Jessicam’aregardéuneminute,elleécoutaitmachanson,etpuiselleasecouélatête.—Çanecoûteriend’êtregentil,elleadit.C’estmonpapaquil’adit.—Etalors?—Etalorsquoi?—Etalors?—Etalorsquoi?Tousleslamasdormaientmaiscommeyz’étaientpasdansdestrous,onpouvait
lesvoir.— Parfois je ne lis pas les magazines, elle a dit, Jessica. Parfois je regarde
seulementlesimages.J’aimeregarderlesvêtements.Ilssonttrèsélégants.—Jeneregardejamaislesvêtements,j’aidit,moi.Jamais.—TuregardeslesvêtementsdeMlleIris.—Pasdutout.—Bien sûrque si.Elle s’assiedà côtéde toi tout le tempset tu regardes ses
vêtementsetquandelle croise les jambes tu regardes ses chaussures. Je t’ai vudanslecar.Alors on a regardé les lamas tous les deux. C’est des drôles de bêtes moi
personnellementjetrouve.—Regarde, envoilàun joli, adit Jessica. Il est toutnoir avecdes chaussettes
blanchescommemoncheval.—T’aspasdecheval.—Sij’enai.—Ahoui,oùça?—Sionteledemande…J’airegardélelama.Ilcrachaitparterre.—Tusais,Jessica,unefoisj’aieuunchevaletjeluiaiditdemarchersurlatêteà
MlleFilmeretalorslesangluiestsortiparlesyeuxetonl’aemmenéeaufouretonl’abrûléeetpendantcetemps-làmoijesuispartisurmoncheval.—J’pariequ’elledevaitsentirlamerde,elleaditJessica.Etalorsjem’aimisenrogne.—Fautpasdiremerde,jeluiaitdit,c’estdesgrosmots.MaisJessicaestpartieendisant:—Merde,merde,merde,merde…Aprèsonestallévoirlesbisons.Ydormaienttous.Pasdansdestrous.—Jedisdesgrosmotssijeveux,onvitenrépublique,Gilbert,m’aditJessica.—Jem’appellepasGilbert,j’aidit,jem’appelleGulp!(Jesaispaspourquoij’aidit
ça.)Etpuisonestalléauxalligatorsquisontmesbêtesfavoritesdepuisquej’aifailli
enavoirunàMiamienFloridequandonyétaitpasquelàylesvendentdansdesboîtesencarton.Desbébés.Auzooyz’étaientsuruneîleentouréed’unefosseetpuisyavaitunpeud’herbeetunechaîne.Pasdecage.Jelesairegardés.(J’aiunalligatorà lamaison, ils’appelleAllie. Ilestmort, je l’aieuà l’aréodrome.Ilestempaillé.)Ysouriaienttous.Alorsj’aisautépar-dessuslachaîneetj’aimarchésurl’herbepourallermepencherpardessuslafosseetj’aidit:—Salut,lesalligators!Y en avait cinq. Y dormaient tous et y en avait un qui avait la bouche grande
ouvertesansbouger.Etpuisj’aientendutouteslesclasseshurler.Jem’airetournéetj’aivuMlleIrisquicouraitdanstouslessens.EtShrubsluiadit:—Toutvabien,mademoiselle,jecroisqu’ylesconnaît.MaisMlleIriss’estmiseàgueuler:—Reviens ici tout de suite, Gilbert, tum’entends, sinon tu vas avoir affaire à
moi!—Ilnes’appellepasGilbert,ils’appelleGulp!J’aientenduquelqu’undireçadansmondosetjem’aitournédenouveau;c’était
Jessicaquiétaitprèsdemoi.—Tuferaismieuxdesortirtoutdesuite,jeluiaidit.Yvonttetuerettebouffer,
Jessica,c’estpastesamis.—Jevaismeprésenter,qu’elleadit.Le vent soulevait un tout petit peu sa robe et on voyait ses chaussettes qui
montaientauxgenoux.Etundesalligatorsafaitcommeuncoupdefouetavecsaqueue.—Jem’appelleJessicaRenton,elleluiadit.—Ycomprennentpas,j’aiditmoi.— Ça doit être des alligators espagnols. Une fois j’ai vu un dessin animé où
Popeyedonnaituncoupdepoingàunalligatoret il l’envoyaitenl’airetquandilretombaitc’étaitdessacsetdesvalises.—Etalors?—Alorsrien,elleadit.Etelles’estmiseàmarcherverslesalligators.Jel’aiattrapéeparlebras.—Viens,ons’enva.Lesélèvescriaientencoreplusfort.MlleIrissemordaitlamainetellefaisaitdes
signesàunmonsieurduzoo.—Jessica,j’aidit.—Jem’appellepasJessica.—Commenttut’appelles?—Contessa.C’estmonpapaquim’appellecommeça.Maistoitunepeuxpas.Elle s’est encore approchée des alligators et y en a un qui a commencé à se
retourner.—Buenasdias,cocodrillo,aditJessica.Etpuistoutd’uncoupquelqu’unnousaattrapés.C’étaitlemonsieurduzoo.Mais
Jessicaatirésursonbrasets’estmiseàcouriràtoutevitesseet,pendantqu’illaregardait,jem’aiéchappéaussietjem’aimisàcourir.Onaressautélachaîneetons’estenfui.Onestpasséencourantdevantlesléopards.(Unefoisj’aivuPopeyepasser un léopard au détachant.) On est passé en courant devant les ours quifaisaientlebeaucommedeschiens.Onestpasséencourantdevantlesphoques.(Yjouentàlaballeàlatéléenfaisantoumf,oumf!c’estlabarbe.)Onestpasséencourantdevant lesgirafeset onaencorecouru jusqu’auxéléphants. Jessicam’abattu.Ellecourtvachementvite,monvieux!Elleétaitmêmepasessoufflée.Etpuistoutd’uncouptouslesélèvesdetroisièmeannéesontvenusversnousen
courant,c’étaitunevraiecavalcadedebisons,etilscriaienttous.MlleIrisvenaitaussi,encourant,jen’aijamaisvuMlleIriscouriravantcettefois-làetçan’étaitpasnormalàvoir.MlleHellmanetMlleCraigvenaientaussi.Hellmanm’aattrapéparlebrasetacommencéàmesecouer.AlorsJessicas’est
retournée:—Mademoiselle, mademoiselle, vous aviez dit qu’on aurait tous une glace en
arrivantàlabuvette!C’estlà,labuvette!Onpeutavoiruneglace?Touslesélèvessesontmisàchanter«Onveutuneglace-heu,onveutuneglace-
heu ! » et à tirer sur la manche de Mlle Hellman qu’a fini par me lâcher.«D’accord»,qu’elleafait.
Ilsysonttousallés.Yz’onttousmangéuneglacesaufJessicaetmoi.Elles’étaitappuyéeàunécriteaupourregarderleséléphants.L’écriteaudisait:
NEMANQUEZPASDEVENIRVOUSTENIRLESCÔTESDEVANTNOTRESPECTACLED’ÉLÉPHANTS
16Het17H30Il faisait chaud. Je regardais les éléphants, ils faisaient de la poussière en
marchant, ils étaient trois. Ils étaient tout gris, tout secs et tout craquelés. Ilsremuaientdoucement,d’avantenarrière,d’arrièreenavant,d’avantenarrière.Puisyenadeuxquisesontmisàreculeretceluidumilieuatournéencercle.Etpuis y z’ont tous avancé et ensuite y z’ont tous reculé. C’était tellement lent onauraitditqueçaduraitdessemaines.(J’allaislancerlecrietilsseseraientréveillésetilsm’auraientemportédansla
jungle,maisjel’aipasfait.)Derrièrenoustouslesélèvesdetroisièmeannéeétaiententraindebavarderen
mangeantdesglacesetensefaisantengueuler.Jessicaétaitprèsdemoi.—Regardeleséléphants,Gulp!,ellem’adit.—Jem’appellepasvraimentGulp!,j’airépondu.—Jesais,elleadit.Et on restait l’un près de l’autre. Les éléphants allaient d’avant en arrière,
d’arrièreenavant,d’avantenarrière.EtJessicaadit:—Regarde,Gil,ilsfontleurspectacled’éléphantsmêmeendormant.Ilsdorment
maisilsnepeuventpass’arrêter.Mlle Iris ne s’est pas assise à côtédemoi dans le carpour rentrer.Elle s’est
assiseàcôtédeMartyPolaski.
10.Enrentrantdel’écoleaprèslezoojemesuisbagarréavecHaroldLund.C’estun
grandaffreuxquiestcopainavecMartyPolaski.Ym’aprisparsurprise,cequiestpasunemanièrerégulièredesebattre,monvieux,ym’asautédessusetym’ajetéparterreetym’acoincéavecsesgenouxsurmesépaulesjusqu’àcequeShrubsluibalanceunepoubellesurlatêteetlàonacourutouslesdeuxjusquecheznous.Dès que je suis arrivé à la maison, ma manman m’a dit : « Pas un mot ! »
pasqu’elle a vu quemon pantalon était tout vert aux genoux d’avoir traîné dansl’herbe.(Unpantalonneuf,j’l’avaiseuàWestClothing,oùsqu’iln’yapasdeporteauxsalonsd’essayageetqu’unepetitefilleavumonslip.)—Nonmaisregarde-moiça,aditmamère.Dansquelétattues!Avecquit’es-tu
battucettefois-ci,hein?—LesJuifs,j’aidit.—Quoi?Jesuisparti.Ellem’acouruaprèsetm’aattrapéparlebras.—Dis-moilavérités’ilteplaît.Alorsjelaluiaidite.Jem’avaisfaitécraserparunevoitureconduiteparunrabin
etilenétaitsortietilavaitditquej’étaispasjuifmaisj’aiditquesiseulementyvoulaitpasmecroireetonavaitdûfaireunbrasdeferetjel’avaisbattupasqu’ilétaitfaibleetpuisunnègreétaitvenuquiavaitditquejepouvaisêtrenègresijepréféraisetj’avaisditd’acetlerabins’étaitmisenrogneetym’avaitpoussédansl’herbeetpuisj’étaisrentréàlamaison.Jesuismontédansmachambre.Mamanmanacrié:—Reviensiciimmédiatementetdis-moilavérité!Maisjel’aipasfait.Jem’aiassissurmonlitetj’aiprisquelqu’un.Câlinou-Singe,ilm’attendait.Ilm’a
ditqu’ilavaitregardéparlafenêtreetquec’étaitmoiqu’avaisbattuHaroldLund,pasShrubs. J’ai jetémonpantalondans le tobogganà linge sale,qui estdans lachambreàJeffreyderrièrelaporte.C’estunepetiteporteetpuisçaglissejusquedanslacavepourlelingesale.J’aimeraispouvoiryglisser,maisjesuistropgrand.Etmêmemon pantalon il est pas descendu. Il est resté coincé àmi-chemin, ças’entend très bien. Alors j’ai dû y jeter un livre ce qui est la méthode pourdébloquerletobogganàlingesale.JesuisallédansmontiroirprendreJ’apprendsl’orthographe : Livre I que je garde dans ma commode pour étudier pour leconcoursd’orthographe.Seulementilyétaitpas.Jel’avaisperdu.(Jesuisdésordre.Jeramassepasmes
affairesderrièremoi.Mamanmanelledittoujours:«J’enaipar-dessuslatêtedepasserramassertesaffairesderrièretoi.Undecesjoursjevaisarrêterettoutvas’entasseretquandiln’yauraplusmoyend’entrerdanstachambre,qu’est-cequetu feras, hein ? » Et moi je réponds : « J’irai en Floride. ») Mais au lieu deJ’apprendsl’orthographe:LivreI, ilyavait laPetiteGraine.Mamanmanl’avaitlaissédansmachambreaprèsnousl’avoirlu.J’airegardédedans.Yavaitbeaucoupd’images.Yavaitgrand-mèreetgrand-pèreetunpetitgarçonetunepetitefilleetdescochonsetdesbébéscochonsetdesvachesetdesbébésvaches,etdespoules
etdesœufs.Etunzizi.J’airefermélelivre,jemesentaisbizarreàl’intérieur.Jem’aiassissurmonlit.
Etpuislaportes’estouverteetunpouletestentrédansmachambre,ilavaitunecrête qui était rouge. C’était comme de la peau et ça ballottait d’un côté et del’autre.Ilagrimpésurmonlitetaessayédes’approcherdemoietmoij’essayaisdelerepousser.Etpuisilyeutunautrepouletetencoreunautre.Machambreenétait pleine et y en avait qui pondaient desœufs et celui qui était surmon lit acommencéàdonnerdescoupsdebecàmonzizialors j’aieu trèspeuret je l’aifrappéetsacrêtes’estmiseàgonfleretàdevenirgrosseetquandjel’aitouchéeavecmes doigts et il en est sorti une espèce de jus blanc surmamain. Et puisc’étaitplusunpouletouunepoule.C’étaitJessica.Elleétaitassisesurmonlitavecunemainsoussarobeetellemeregardait.—Gilbert,qu’est-cequetufabriques,acriémamanmandepuisl’escalier,çava?J’aiouvertlaporteenmefrottantlesyeux.—Tut’étaisendormi,ellem’adit.Ilestpresquel’heuredesemettreàtable.Va
vite te laver les mains et descends. Et ne réplique pas à ton père, il est d’unehumeurmassacrante.Je suis allé me laver dans la salle de bains. (J’ai utilisé une savonnette
Sweetheart,c’estcellesquejepréfère,ellesontdesdessinsgravésdessus.)QuandjesuisretournédansmachambremechangeryavaitplusnipouletniJessica.J’airemislaPetiteGrainedansmacommodeetjesuisdescendudîner.— Je croyais que tu devais réviser pour ton concours d’orthographe, m’a dit
Jeffrey.Ilétaiten trainderegarder les fillesdansunmagazine, lespublicitéspour les
sous-vêtements.—Onestenrépublique,non?—Tiens,fume,ilm’aditenfaisantungestecommeçaau-dessusdesonzizique
c’estpirequ’ungrosmot.Monpapal’atapé.Ilétaitd’unehumeurmassacrante.Pourdînermanmanavaitfaitdelapoitrine.C’étaitdélicieuxetnutritif.Saufque
Jeffreyarrêtaitpasdechahuter.Ilmedonnaitdescoupsdepiedsouslatable.Maisaprèsdînerym’aaidéàréviserpourleconcoursd’orthographe.Le concours d’orthographe a eu lieu deux semaines après le zoo. C’était
l’automne,octobre.(Jem’ensouvienspasquemonpapam’adonnésonblousondeplastiquejaune.Ilestsuper-chouettemonvieux.Lesmanchesgonflentunpeusurmoipasqu’ellessonttroplonguesmaisj’aimequeçasoyeenplastique,pasentissu.Maislafermetureàglissièreestcassée,c’estpourçaquejel’aieu.)PendantdeuxsemainesJeffreym’avaitaidéàréviser.Jem’aiservideJ’apprends
l’orthographe:LivresI,IIetIII.Jeffreyenavaitdeuxqu’ilavaitgardésd’avantetMlleIrism’avaitprêtéletroisième.Etaussijemeservaisd’undictionnaire.Jeffreymedemandaitdesmotsetmoijelesépelais.D’abord il y a le concours d’orthographe de la classe, puis celui de toutes les
classesdemêmeannée,puisceluidel’école,celuidetoutelavilleetjesaisplusquoiencoreaprès.Celuidemaclassejel’airemportéenépelantliquoreux.J’aieu
droitàunepetiteimagecollantesurmonfront.C’étaitunedinde.(MlleIrisavaitfini ses étoiles.) Ma manman m’a dit qu’elle était très fière de moi et elle m’aemmenéchezMaxwellaprèsl’écoleetellem’aditquejepouvaischoisirunjouetpastropcher.J’aidemandéZorro.C’estunmodèledéjàmonté.Ilestsuper.Yadestas de modèles et de maquettes chez Maxwell mais c’est Zorro le plus grand.Jeffreyditquec’estpasqu’ilestd’uneautremarque.Maismoi jecroisquec’estpasqu’ilestespagnol.Detoutemanièreilétaittropcher,alorsj’aieuunenouvelleboîtedesoldats.Maismanmanaditquesi jegagnais leconcoursd’orthographedestroistroisièmesréunies,jepourraisavoirZorro.Laveilleduconcours,j’étaisnerveux.J’aieumapleurodynie.Alorsj’aiemporté
J’apprendsl’orthographe:LivreIavecmoiaucabinetpourm’entraînerencore.—Gilbert,qu’est-cequetufabriqueslà-dedans?elleademandémamanman.—Rien,quej’airépondu.—C’estbizarre,j’auraisjuréquetuchantaisHeartbreakHôtel!qu’elleadit.(Et
pourtant,c’étaitexactementcommeledisque.Maisalorsexactement.)Lelendemainj’étaismêmepasnerveuxcequim’asurprismaisc’étaitcommeça.
Jem’ai levé j’aimangémonpetit déjeuner et puis Shrubs est passémeprendrecommetoujoursetpuisilestalléausalonetilachipédesbonbonsdansletrucenverre demanman comme toujours, et puis on est parti. J’y ai dit que peut-êtrej’allaisavoirleZorrodechezMaxwelletiladit:«Ehbendisdonc.»Àlaclochej’avaisdesfourmisdanslesjambes.(Pasdesvraiesfourmis.)Onavait
d’abordcoursavecAckleslaprofdesciencesnat.ElleestduSud,ellenousappelle«lesamis».Etpuisaussielleauncalepindanslequelelletecolleunzérosituteconduismal.Elleappelleça«unbongroszéro».Cematin-là,MartyPolaskialevéledoigtquandelleademandéquiavaitquelquechosed’intéressantàraconter.— Ce matin, j’étais chez moi occupé à fabriquer une petite chaise électrique
quandjemesuistranchéledoigtparaccident.Maisjel’airamasséparterreetjel’aimisdansunepetiteboîtepourpasleperdre.Etlevoilà!Ilasortiunepetiteboîteblancheetdedansyavaitducotonetsurlecotonyavait
sondoigtdisdonc!LamèreAcklesestdevenuetouteblanchecommesielleallaitdégobiller.MarilynKaneesttombéedanslespommes.EtalorsMartynousafaitvoirqu’yavaituntroudanslefonddelaboîteetqu’ilavaitpassésondoigtparletrou.(IlaeudroitàunbongroszérodanslecalepindelamèreAckles,lesamis.)Etpuisunefilleestvenuedanslaclasseetelleadit:—Est-cequelesfinalistespourleconcoursd’orthographedestroisièmesveulent
bienmesuivreensalle215?Etj’ysuisallé.Danslasalle215touslesélèvesétaientdeboutcontrelemurcommeunpeloton
d’exécution.MlleIrisetMlleKolsharétaientassisesaumilieudelasallesurleurfauteuildeprofesseur.MlleKolsharétaitdansunmauvaisjour,çasevoyaittoutdesuite. Jemesuismisdebouten faced’une fenêtreet j’ai regardédehors.C’étaitl’automne et les feuilles tombaient des arbres. Ils étaient en train de devenirchauves.Lasalle215c’est lasalledeMlle Iris.Elleavaitencored’accroché le tableau
d’affichage que j’avais fait pour la Journée Portes Ouvertes. (La Journée Portes
Ouvertesc’estquandvousvenezàl’écoleavecvosparentsetpuistoutlemondefaitlaqueuepourfaireconnaissancedesmaîtressesquipeuventleurraconterdestasdemensongessurvous.Montableaud’affichageétaitunchevalaugalopavecd’écrit«Touspremiers!».Onpeutaccrocherdesnotesetdesfeuillesdepapieraprès. C’est moi qui l’avais fait. Je suis un artiste. Je suis bon en dessin.MlleVerdon,laprofdedessin,elleditquej’aidutalent.J’aimefairedesbulletinsd’affichage.Onaledroitdeseservirdesciseauxdemaîtressequisontpointusetrisquentdevouscreverunœil.)Quand tout lemondeaété installé,Mlle Irisnousadit les règlesduconcours
d’orthographe.—Nousdemanderonsàchaqueélèveunmotàlafois.Vousavezledroitdenous
lefairerépéter.Denousdemanderdel’utiliserdansunephrase.Maisunefoisquevousavezcommencéàépelernousnepouvonsplusriendireetvousn’avezpasledroitdechangerd’avisencoursderoute.Etalorslaportes’estouverteetMlleKleganestentrée.C’estunemaîtresse.Y
avaitquelqu’unavecelle.Qu’elletiraitparlebras.C’étaitJessica.—Allez,mademoiselle,faites-moileplaisird’allerprendrevotreplaceparmivos
camarades.Etplusvitequeça.JessicaajetéàKleganunregardnoir.Elleportaitunlivre.Ilétaitrecouvertde
papiernoir,ilvenaitdelabibliothèquedel’école.—Veuillezdéposercelivre,mademoiselle,aditKolshar.Leslivressontinterdits
pendantlesconcoursd’orthographe.—Ilafalluquejelatraînejusqu’ici,aditMlleKlegan.—Pourquoi?ademandéMlleIris.Klegans’esttournéeversJessicaetellearépété:—Pourquoi?—Maiscommentvoulez-vousquejelesache,bonsang!afaitJessica.(C’était
pasunefaçondeparlerdevantdesmaîtresses.Toutlemondeaattendu.)—Jenevaiscertainementpasvousencourageràcontinuersurceton,espècede
péronnelle, taisez- vous ! aditKlegan.Et faites-moi leplaisirde rangerce livredansvotrepupitreetfinissons-en!Jessicaaattenduuneminutemaiselleaquandmêmerangélelivre.MlleKolshar
adit«Merci,Fran»,àMlleKleganquiestrepartie.Etleconcoursd’orthographeacommencé.MlleKolsharademandégaminàMikeFunt.—Vouspouvezl’utiliserdansunephrases’ilvousplaît?ademandéMike.—Oui.C’estunpetitgamin.—Gamin.G-A-M-I-N.Gamin.MlleIrisademandépromenadeàMarionParker.—Promenade.P-R-O-M-E-N-A-D-E.Promenade.MlleKolsharademandéàTommyHalseybicyclette.—Byciclette.B-Y-…Maisils’estrenducomptequ’ilsetrompaitetils’estrassisenpleurantpresque.MlleKolsharademandébicycletteàRuthArnold.—Vouspouvezl’utiliserdansunephrases’ilvousplaît?
—Oui.Jeviensàl’écoleàbicyclette.—Bicyclette.B-I-C-Y-C-L-E-T-T-E.Bicyclette.Elleaépeléensouriant.JedétesteRuthArnold.C’est toujours le chouchou pasqu’elle est tellement maligne et qu’elle joue du
violon.Unefoisjeluiaiposéunedevinette:L’aéroplanerugitetvrombitdanslesairsPeux-tum’épelerçasans«r»?Elleapaspu,RuthArnold.Alorsjeluiaidit:«Ça,Ç-A,ça;ah,ah,ah»!Pourne
rien vous cacher, je voudrais la tuer, moi, Ruth Arnold. Une fois, en instructioncivique,ellem’acaftépasquejemontraisàShrubscommentqu’onfaitpourfairecroirequ’ons’arrachelepouce.J’aidûallervoirdanslecouloirsilamèreCrowley(quinousfaitinstructioncivique)yétaitetj’aimanquéuncontrôleetellem’acolléunzéroalorsquejeparlaismêmepasd’abord.(Jefaisaisplutôtdelapantomime,commeonaapprisenclasse.)MlleIrism’ademandéautomne.J’aiépeléfacilej’aimêmepaseuàluidemander
unephrase.MaisRuthArnoldalevéledoigtetelleadit:—Mademoiselle,mademoiselle!C’estpasjuste!Yalemot«automne»surle
tableaud’affichage.Là,danslespapiers.Unpoèmed’automne.C’estGilquiafaitletableau,ilavu.—C’estpasvrai,menteuse!j’aiditmoi.—Onnevousapasdonnélesignaldeparler,aditKolshar.Mais elle a dit que Ruth Arnold avait raison et qu’il fallait que Mlle Iris me
demandeunautremot.—Attendsunpeu,Helen,aréponduMlleIris,jenetrouvepasjustequeGilbert
doiveépelerundeuxièmemot.D’ailleurs,cen’estpasluiquiaaffichécespapiers.C’estmoi.Ilaseulementfabriquéletableaud’affichage.—Bon,ehbien,c’estmoiquivaisluidemanderunmot,alors,aditMlleKolshar.—Iln’enestpasquestion,aditMlleIris.Elle devenait toute rouge et tous les élèves commençaient à ouvrir de grands
yeux.—Maisenfinregarde,tuvoisbienquec’estsurletableau,aditMlleKolshar.—Maisçanevapas,non?Ilnepeutpasvoirletableaudelàoùilest.Lesdeuxmaîtressessesontmisesvraimentencolèreetellesseregardaienten
chiensdefusil.EtpuisMlleIrisaditquesiquelqu’undevaitvraimentmedemanderunmotdeplus,ceseraitelle.Etellem’ademandéalternativement.—Vouspourriezl’utiliserdansunephrases’ilvousplaît?— Oui. La règle d’un concours d’orthographe c’est que les maîtresses posent
alternativementlesquestions.—Alternativement.A-L-T-E-R-N-A-T-I-V-E-M-E-N-T. Alternativement.AlorsMlleKolsharademandédétruireàJoanOverbecketMlleIrisademandé
négligenceàIrvingKlein.EtMlleKolsharademandéexagérationàWilliamGagequi s’est trompémaisn’apas voulu s’asseoir.MlleKolshar lui a dit de s’asseoir,maisrienà faire, il restaitàregarderpar terresansbouger.Yvoulaitpasavoir
perdu.Alorsc’estMlleIrisquiluiaparlé:—Ecoute,William,monbonhomme,cesontlesrèglesetilfautquetoutlemonde
les respecte, tu comprends, mon grand ? Tu auras de nouveau tes chances ausemestre prochain. Je parie que tes parents seront déjà très fiers de toi enapprenantquetuesalléaussiloindansleconcours.AlorsWilliams’estassisetMlleKolsharadenouveauregardéMlleIrisenchien
defusil.EtpuisçaaétéletourdeJessica.MlleIrisluiademandécommentmaisJessicaa
eul’airdenepasentendre.—Jessica.—Oui?—Comment.—Commentquoi?Toutlemondeari.Kolsharétaitfollederage.—Commentc’estvotremot,petiteécervelée.Épelez-moiçaplusvitequeça!—Ç-A.— Dites donc, Jessica, vous préféreriez peut-être renoncer à votre droit de
concourirpourvousrendredirectementaubureaudeladirectrice?aditKolshar.C’estçaquevousvoulez?Çapeuts’arrangertrèsfacilementmaiscroyez-vousquevosparentstrouverontçaamusant?Ensuite,c’estMlleIrisquiaparlé:—Jessica,oubientuépellesunmot,oubienjetecolleunzéroenorthographe
pourlesemestreentier,noussommesbiend’accord?Elle était furieuse aussi.Mais j’ai pensé quelque chose. J’ai pensé que Jessica
étaittrèsforteenclasseetqu’elleallaitgagnerleconcoursd’orthographe.Et jesuisdevenutrèsinquiet.—Comment,aditMlleKolshar.—Pourriez-vousl’utiliserdansunephrases’ilvousplaît?—Oui.Commentallez-vous?—Comment,aditJessica.M-O-X-P-L-Y-T.Comment.Personnen’ariendit,toutlemondeouvraitdegrandsyeux.Jessicarestaitdebout
sansbouger.Etpuis,très,trèsdoucement,MlleKolsharadit:—Filezaubureaudeladirectrice,mademoiselle.Jessicaareprissonlivredanslepupitreetelleaprislaporte.DaveSuttonafait:
«Po-pom,po-pom,po-pom-po-pom-po-pom…»(C’estlamusiquedelapanthèreroseàlatélé.)—Quivousadonnélesignaldeparler?ademandéKolshar.Etpuis lesmotsontcommencéàdevenirdifficiles.Lesélèves savaientpas les
épeleretilsabandonnaientleconcours.HelenTresslerestsortiesurcellophane.AudreyBurnstein aussi, celle qui porte un appareil dentaire.Et cinq élèves sonttombés suryacht, jusqu’àcequeRuthArnold l’épelle correctement.Ellen’apasmanqué non plus décorum et nausée. Moi, j’ai eu hospitalier et incriminer. Onn’étaitplusquequatreenjeu.NancyKeltonesttombéesurengraisetSidneyWeissaprèselle.MaisRuthArnoldaencoreréussi.Yrestaitplusqu’elleetmoi.MlleIrism’ademandéattraper.
—Vouspouvezl’utiliserdansunephrase,s’ilvousplaît?—Oui.Situnecourspasplusvitejevaist’attraper.—Attrapper.A-T-T-R-A-P-P-E-R.Attrapper.—RuthArnold,elleafaitMlleIris.Attraper.Et j’ai suque jem’étais trompé.Toutd’uncoup j’ai eu l’impressionque j’allais
tomber.J’avaisperduleconcoursd’orthographe.RuthArnoldadit:—Atraper.A-T-R-A-P-E-R.Atraper.Elles’étaittrompéeaussi.J’aifailliéclaterderire.MlleKolsharm’ademandéfinance.—Finance.F-I-N-A-N-C-E.Finance.Jel’aiditunpeuauhasardmaissansmetromper.EtalorsMlleIrisademandé
scèneàRuthArnold.—Sène.S-È-N-E.Sène,aditRuthArnold.Etmoijelesavais,jelesavais!Jelesavaisàcausede«lagrandescèneduII»
quej’avaischerchéeaudictionnaire!Alorsjel’aibienépelé.EtMlleKolsharm’ademandénécessaire.—Nécessaire.N-É-C-E-S-S-A-I-R-E.Nécessaire!MlleIriss’estmiseàapplaudir.Kolsharluialancéunregardmaisj’avaisgagnéle
concoursd’orthographe!Leconcoursdetoutes lestroisièmesannées!Et jemesuismisàapplaudiraussi.Jem’applaudissais.MlleKolsharafaitremarquerquecen’était pas très intéressant.Mais j’applaudissais encore et encore. J’ai applaudijusqu’àceque tous lesautres soient sortis.Mlle Irism’adonnéunbaiser sur lefrontetellem’adit:—Vadoncaubureaucherchertonprix,voilàunbillet.C’estcequej’aifait.Devant le bureau il y avait quelqu’un d’assis sur le banc où s’asseyent les
méchantset attendantde se faireengueulerpar ladirectrice.C’était Jessica. Jesuispassédevantelle,etjesuisentrédanslebureau,sansrienluidirepasqu’ellenem’avaitpasvu,elleétaitentraindeliresonlivre.J’aidemandéàlasecrétaireroussepourmonprix.Ellem’aditquec’étaitundictionnaire.Quej’aillel’attendredehors,assissur lebanc.Alors j’ysuisretourné.Jessica lisait toujours. J’aivu lelivre,c’étaitl’Etalonnoir.Laclocheasonné.Touslesélèvessontallésàleurscasiers.Ilsm’ontvuassissur
lebanc.J’aidit:—J’aipasétépuni.Jeviensdegagnerleconcoursd’orthographe.Commeçapersonnen’apenséquej’étaispuni.MaisJessica,elle,elleariendit,
ellecontinuaitdelire.Auboutd’unmoment,elleaposélelivreetellearegardédanslehall,maispersonneenparticulier.Personne.Etelleadit:—Pourlemoment,ildoitêtredansleWyoming.IlacommencédansleMontana,
avec tout le troupeau, c’est lui le chef parce qu’il est le plus grand et le plussauvage,personnenepeutlemonterquemoi.Maismaintenantilvienttoutseul.—Quiça?j’aidemandé.Elles’est tournéeetellem’aregardédroitdans la figureet j’aivusesyeux.Y
sontgéants,monvieux,vertsavecdeséclatsmarrondedans.—Blacky,ellearépondu.Moncheval.
—Ah,bon.Et puis on a plus rien dit pendant longtemps. Les élèves ont arrêté de passer
devantnous, les portesdes casiers ont cesséde claquer et tout est resté coi ettranquilledanslehalldel’école.EtpuisJessicaaditquelquechose:—Tusais,Gil, je t’ai laisségagner leconcoursd’orthographe,elleadit.Parce
quetuenavaistrèsenvie.
11.Unefoisj’avaiscinqans.J’allaissouventenvoiture.Jememettaisàcôtédepapa
sur la bosse. La bosse c’était aumilieu du siège avant, là où il n’y avait pas decouture.Çamesoulevaitcommeçajepouvaisvoir.C’étaitmaplacespécialeàmoitoutseul.Unefoisonestalléjusqu’àFrankfortdansleMichiganetj’aipassétoutlevoyagesurlabosse.Toutlevoyage.EtpuisunjourmonpapanousaemmenésJeffreyetmoidanslaboutiqueHanley-
Dawson Chevrolet pour acheter une nouvelle voiture. On y est allé dans notrevieille voiture. J’étais assis sur la bosse. Et puis on est monté dans la nouvellevoiture.Elleavaitunedrôled’odeur.Papaestmontéetiladémarré.Onestparti.J’airegardéparlavitrearrièrenotrevieillevoitureetjeluiaifaitaurevoiraveclamain.—Etnotrevieillevoiture,papa?j’aidemandé.—Quoi,cetasdeferraille?Ons’enfiche.J’airegardélesiègeavant.Yavaitpasdebosse.Monpapaaexpliqué:—C’estparcequecettepetitemerveille a lemoteurà l’arrière.Vousavezvu
toutelaplacesupplémentairequeçanousdonne?J’aiposémonmentonsurledossierdusiègearrièreetj’airegardénotrevieille
voitureparlafenêtrearrière.J’aimêmepleuré,peut-être.EtJeffreym’adit:—Qu’est-cequet’asàpleurer,bébé?Etj’aidit:—J’aipasdeplacepourm’asseoir.
12.JesuisàlaRésidenceHomed’EnfantslesPâquerettesdepuisdeuxsemaineset
demiemaintenant.TouslesjourslefacteurvientmaisjenereçoisaucunelettredeJessica.EttouslesjoursjedemandeauDrNevelesiyaunelettrepourmoietilmerépondnon.Cematinj’étaisassisdevantlatableoùnousjouonsdesfoisàdesjeuxdansmon
aile. J’étais en train de fabriquer monsieur Tête de Patate. Il était en pâte àmodeler,pasenvraiepommedeterrecommeà lamaison. J’étaisentrainde luimettreunnezquandMmeCochraneestentréeendisantqu’elleavaitunegrandenouvelle.—J’aidetrèsbonnesnouvellescematin,qu’elleaditensouriantvraimenttrès
faux-jeton. La nouvelle piscine est terminée. À partir d’aujourd’hui, tous lespensionnairesdesPâquerettespourrontyaller,quandceseraleurtour.Onafaitunemploidu tempset figurez-vousquenous sommesdans le toutpremiergroupe !Pourdelaveine,c’estdelaveine,non?Dèsquenousauronsfinilepetitdéjeuner,nousironsnager!Touslesenfantsontcrié:«Ouah,super!»Saufun.Moi.JesuisrestéàfairemonmonsieurTêtedePatate.Jeluiaimisun
autre nez, un grand comme celui du Dr Nevele, sauf qu’il avait pas de poils àl’intérieurcommelesien,cequimerendmaladetellementc’estdégoûtant,pournerienvouscacher.LepremierjouràlaRésidenceHomed’EnfantslesPâquerettes,onm’avaitparlé
decettenouvellepiscineenconstructionetdesfois,j’entendaisdesbruits,c’étaittrèsloindanslessous-sols.Avant,onmettaittouslesenfantsdansuncarpourles
emmenernageràl’YMCA[2].Jedétestel’YMCA,jevoudraispouvoirlatuer.(Unefoisl’oncledeShrubsapayél’inscriptionàl’YMCApourShrubsetmoipendantunan.C’estungoy.CommelamamandeShrubs.Jenesuisalléàl’YMCAqu’unefoisparce qu’elleme file les trouilles. Y a des croix partout et des images de Jésus-Christsurtouslesmursetj’aivudanslesdouchesquetousleshommesavaientunziziàmanchelongue.)— Bien sûr, nous devons tous nous conduire comme des anges, disait encore
MmeCochrane.Sinousvoulonsavoirledroitd’alleràlapiscine.Nousnepouvonspasenvoyer lesgarnementsà lapiscine,n’est-cepas?Ceserait injustepour lesautresenfants,ceuxquifontuneffortpoursetenirbien.J’aiajoutéencoreunnezàmonsieurTêtedePatate.Manny a dit qu’il voulait pas aller se baigner pasqu’il avait pas de maillot et
MmeCochraneaditquedescostumesdebainseraientmisànotredisposition.Çavoulaitdirequ’onnousprêteraitdesmaillots.Touslesenfantsontcrié«hourra!»saufHowiequisecuraitlenez.Jel’aivu.(J’aimebienmecurerlenezdetempsentempspasquej’aimebienlesloups.Jelesrouleetjelesjette.Àl’école,desfois,jesuisassisàcôtédeMartyPolaskietysecurelenezetymemontreetysemetàchanterQuiest-cequiapeurdugrandméchantloup?Ilestfortpourlesblagues,ilestrigolo,maisc’estungarnement.)
Touslesenfantsdenotreaileétaiententraindesauteretdedanserenchantant:«Onvaàlapisci-neuh!Onvaàlapisci-neuh!»Saufmoi.AlorsMmeCochranes’enestaperçueetelleestvenueversmoietelle
aregardémonsieurTêtedePatate.Ilavaitplusquedesnez.Quandtoutlemondeaétéhabilléonestalléaupetitdéjeuner.Yavaitdesœufs
auplataveclesjaunesquifaisaientcommedesyeux.J’étaisassisàcôtédeRobert.Ilpleuretoutletemps.Alorsjeluiaidit:—Eh!Robert!Regardeunpeuça.Ondiraitquecetœufc’esttonœil,d’ac?Il a dit d’ac et j’ai planté mon couteau dans le jaune qui a coulé sur toute
l’assiette.Et ils’estmisàpleurer.Alors je luiaidonnéuncoupdepoingdans laboucheetilaaspergéMmeCochranedecéréales.Elleenavaitpartout.Elles’estfichuevraimentenrogneetellem’aattrapélamainàtraverslatable,c’étaitunpoing. Et j’ai tiré et mon poing s’est écrasé sur mon assiette et l’a cassée enmorceaux.UnmorceauafrappélafiguredeRobertquis’estmisàhurler.Toutlemondes’estretournéversnouspourvoircequisepassait.Alorsjemesuislevésurmachaiseet j’ai commencéàmarcher sur la table,dans lesassiettesde tout lemondeetj’airenversélescarafesd’eau.J’aibalancéunboncoupdepieddansmonverredejusd’orangeetilavaldinguéàtraverstoutelasalleetilestalléfrapperRudyarddansledos.Ils’estretourné,ilm’avu,maisilariendit.MmeCochranes’estlevéeetm’aattrapéparlaceintureencriantàunemployé
de laRésidenceHomed’Enfants les Pâquerettes qui était à la table d’à côté devenirl’aider.Etlemonsieurs’estlevéetilestvenumeprendrealorsjeluiaidonnéuncoupdepieddansleventreetilm’aprislesbrasetmelesatordusetjepouvaisplus bouger et ilme serrait vraiment fort. Ilm’a emporté de la salle àmanger.MmeCochraneestvenueaussi.QuandonestarrivéaubureauduDrNeveleilyavaitdéjàquelqu’undedans,la
porte était fermée alors l’employém’a fait asseoir sur le banc etm’a tenu trèsserré.MmeCochranea frappéà laporteet elle est entréedans lebureau. J’aiessayédemordrelemonsieurmaisilatirésifortsurmesbrasquej’aicruqu’ilallaitlescasser.Jepouvaisplusbouger.EtpuisMmeCochraneestsortiedubureauet elle avait la figure rouge. Juste derrière elle venait une dame. J’ai arrêtéd’essayer demordre l’employé. J’ai regardé la dame et ellem’a regardé. Je nesavaispasquoifaire.C’étaitlamèredeJessica.Ellemeregardaitcommesielleétaitparalysée,geléesurplace,commesij’étais
unmonstre.Etpuisellearegardéailleurssansdireunseulmotetj’aivuqu’elletremblait.LeDrNeveleestsorti,ilaposélamainsursondosetellel’aregardéluietpuis
moietluiafaitouiaveclatêteetelleestpartie.J’airienfaitdutout.L’employém’alâchéetleDrNevelem’aditd’entrerdanssonbureau.Ilétaitencolère.—Bon,quesepasse-t-il,cettefois?qu’ilademandé.—Rien.Ila sortiun tasdepapiersd’un tiroirdesonbureaumais ils luiontglissédes
mainsetsonttombésparterre.—Merde,iladit.—Fautpasdiredesgrosmots,docteurNevele,j’aidit,moi.
Ilaramassélespapiersunparun,maisilyenavaitdeuxattachésensembleparuntrombonequirestaientparterresouslebureau.Luinelesvoyaitpasmaismoisi.Jelesaitouchésavecmachaussure.—Bon,iladit,quiacommencécettefois-ci.—Moi,j’aidit.—Ques’est-ilpassé?—Rien.Est-cequejepeuxallerenSalledeRepos?—Non,qu’iladit.Pasquestion.Chaquefoisquetuaslamoindrecontrariététu
filesdanscettefichueSalledeReposécriresurlemuraulieudeteconfieràmoi.Peut-êtrequesijet’empêched’allerlà-bastumeparleras.—DocteurNevele,quejeluiaidit,jamaisjevousparlerai,jamais.Et jem’ai levé et j’ai été jusqu’à sa bibliothèque et j’ai posémamain dessus
commesij’allaisencorelaficheparterre.Maisilm’arepoussésurlefauteuiletilasortilaceinture.Ill’amiseautourdemoilui-mêmecettefois,etill’aserréetrèsfort.J’aiessayédeladesserrer,ellemepinçait.—Laisse-la!qu’ilahurlé.J’aieupeur.Jel’avaisencorejamaisentenducrier.—Tuvasrestericimongarçon!Etréfléchirunpeuàtoutça.Etpuisilestsortidubureau.Etj’étaisseul.J’aipenséàunefoisoùonétaitalléàFrankfort,dansleMichigan,avecmonpapa
etmamanmanetmongrandfrèreetpuisonétaitalléauCrystalLakepournagersaufquemoi jevoulaispaspasque jesavaispasmaisonyestalléquandmême.Monpapam’avaitmisuneceinturedesauvetagequiétaitfroideettoutemouilléepasque quelqu’un s’en était servi avantmoi, c’était orange avec des boucles quim’ontpincélenombrilquandillesafermées.Jepleurais,j’arrêtaispasdepleurer.Ym’aramasséetiladit:«Çasuffitfiston,tuveuxdoncquetoutlemondesachequetunesaispasnager?»Etilm’afaithonte.Monpèrem’aemportédansl’eau.Ilm’aemportétoutauboutlàoùc’estprofond,làoùj’aipaspiedoùyadel’eauau-dessusdematête.J’aicrié:«Melâchepas,s’ilteplaît,melâchepas!»etiladit:«Jenetelâcheraipas,voyons.»«Jeveuxsortir!Jeveuxsortir!»jehurlais.«S’ilteplaît!»Maisnon,ynevoulaitpas.Ilm’emmenaitencoreplusloin.Etpuisilacommencé à me mettre dans l’eau. « Non ! » que j’ai encore hurlé mais il acommencéàmelâcher.IIadit :«Tun’aspasàt’enfaire,tuasunebouée,uneceinture de sauvetage ! » Et il m’a lâché. J’ai essayé de m’accrocher à lui, dem’agrippermaisilm’adit:«Eh,attentionavectesongles!»«Non,papa!Non!»jehurlais.«Jevaismenoyer!Jevaismenoyer!»Maisçanel’apasempêché.Ilm’alâchéetd’unseulcoupjevoyaisplusrien.C’étaitmontéau-dessusdematêteet j’avaiscommencéàcouleret il faisaitun froid terribledansmesoreilleset jevoyaisplusrienetj’entendaisplusqu’ungrosbruitcommeuntrainquipasse.J’aivoulurespirermaisilm’estentréquedel’eauetjem’aimisàétouffer.Etpuisilm’arepris.Jetoussais,jetoussais,j’arrivaispasàm’arrêterdetousser.Jel’aitapéà coups de poing en criant, criant. En criait si fort que j’entendais rien d’autre.«Toutvabien,fiston»,ilmerépétaitdansl’oreille.«Toutvabien,toutvabien.»Maisc’étaitpasvrai.Alorsilm’aramenéaubord,maisjem’aiditquelquechoseàmoi-même.Dansmatête.J’iraiplusjamaisnager,plusjamais.
LeDrNeveleestrevenu.J’avaisenlevélaceinture.Jel’avaisenlevéetoutseul.Ys’enestmêmepasaperçu.—Tusais,Gilbert,ilm’adit,onvientdeterminerlanouvellepiscine.Maissitu
continuesàtecomporteraussimaljet’interdiraiprovisoirementd’allertebaigneraveclesautres.C’estçaquetuveux?Quejet’interdiselapiscine?Alorsjesuisalléjusqu’àsonbureau,j’aipristouslespapiersqu’étaientdessuset
jelesluiaijetésàlafigureetj’aicourujusqu’àlafenêtreetj’aicasséuncarreaud’ungrandcoupdepoingetj’aihurlé:—Jeveuxrentrerchezmoi,jeveuxrentrerchezmoi,jeveuxrentrerchezmoi!LeDrNevelem’aattrapé.—Bon, c’est complet ! J’enaipar-dessus la tête.Vas-ydans ta fichueSallede
Repos!Vas-y!Maistuserasprivédepiscine,tum’entends!Toutlemondeiraàlapiscinesauftoi!Allez,disparais,sorsd’ici!J’aitendulamainpourramassersoussonbureaulespapiersquiétaienttombés.
Vitevitejelesaimisdansmapocheetj’aiétédanslaSalledeRepos.Jem’aiassisdansuncoinetj’aitaillémoncrayonavecmesdentspourécrire.Ça
m’afaitlalanguetoutenoire.J’aipenséauxaffichesoùsqu’onmetducrayonsurlesdentsdesdamespourfairecroirequ’ellesenontplus…Laportes’estouverte.C’étaitRudyard,ilm’aregardédanslecoinetilamisun
doigtcontresabouchepourfairechut!Ilestvenus’asseoirenfacedemoi,dansl’autrecoin,tournéverslemur.—LeGrandSalut!qu’ilachuchoté.Etpuisilamissamainsoussonmenton,commeça,etilagigotésesdoigtspour
fairelabarbichette.Jeleregardais.—LeGrandSalut,ilarépétédenouveau,etill’afait.Etpuisilasoupiréunpeucommeçaetilm’adit:—C’estleGrandSalut,Gil(etill’arefait),c’estjustepourquetuleconnaisses.Ils’estappuyéenarrièrecontrelemur,ilafermélesyeuxetil lesarouverts.
Par-dessusmatête,ilregardaitmonmur.—Quellejolieécriture,iladit.Etpuisleslignessonttrèsdroites,aussi.Jemesuislevéd’unbondetjemesuismisdevantlemurenhurlant:—Non!Yfautpasqueturegardes,Rudyard,c’estàmoi,c’estprivé!—Mêmeuntoutpetitpeu?—Non!Ilatournéledosaumurendisant:—D’acGil.Cochonquis’endédit.—Etn’écrisplusdessusnonplus,leDrNeveleaditqu’yavaitquemoiquipeux
écriredessus.Ils’esttournédenouveau.—Qu’est-cequec’estquecettehistoirequejen’écriveplusdessus?Jeluiaimontrél’endroitoùc’étaitpasmonécriture,oùilavaitécritIlvoulaitvoir
s’envolerlesminutes.—C’estpasmoiquiaiécritça,iladit.Ilmentaitpourtant,pasquejesavaisquec’étaitluiquil’avaitécrit,jelesavais.Et
puisj’aivuqu’ilavaitquelquechosedepassédanssaceintureetjeluiaidemandécequec’était.Ilm’aditquec’étaitdelasaucepiquantepourmettredanslabouchedesenfantsfousquimordentpourleurapprendreàneplusmordre.J’aidéjàvuçaàlaRésidenceHomed’EnfantslesPâquerettes.C’estcommesurunepetiteépongeetçabrûlelabouchedesenfantsetalorsilsnemordentplus.Ilspoussentdescris.Maisjamaisj’avaisvuRudyards’enservir.Jeluiaidemandépourquoiys’ensertpas.—J’aimepaslesplatsépicés,iladit.Etpuisilaplusrienditetmoinonplus.Onestsimplementrestésassis,comme
ça,surleplancher,sansriendire.Etpuisils’estlevépourpartir.—Oùtuvas?j’aidemandé.—Nullepart,ilarépondu.Etilatraversélevestibulepourallerdansunepiècespécialequiestlàetqu’on
appelleSalledeThérapieLudiqueoùonemmènelesenfantspourquelesdocteurslesregardentjoueravectouslestrucsquisontlàetécriventdeschosessurleurcarnet.Moij’étaisjamaisallédedans.J’aisuiviRudyard.Ilavaitlaissélaporteouvertealorsjesuisentré.Ilétaitassissurunechaiseau
milieudelapièceettoutautourdeluiilyavaitdeschosespourjouersaufqu’ellesavaientpasl’airtoutàfaitnormal.Ilyavaitunegrossemaisondepoupéeavecdesgensenboisàl’intérieur,ilyavaitunemanman,unpapaetmêmeunpetitchien.Ilyavaituneboîteavecd’autrespersonnesdeboisdedans,ilyavaitundocteuretuneinfirmière,etunpolicieretunfacteur.Rudyardétaitassis,lesmainsrepliéessurlesgenoux,ilnedisaitrien.Ilétaitseulementassissansriendire.J’aiprislepetitfacteurdeboisdanslaboîteetjel’aiassissurmesgenouxetil
m’aditqueJessicaallaittrèsbientôtm’écriredeslettresetqu’ilmelesapporteraitalorsquej’avaispasàm’enfaire.—D’ac,j’aidit,jem’enfaispas.—Moisi,aditRudyard.—Jeteparlaispasàtoi.—Tantmieux,iladit,pasquemoijeteparlaispasàtoinonplus.—Àquituparlais?—Àmoi-même,aditRudyard.Etilalevésamaindevantsesyeuxetils’estmisàgigoterlesdoigts.—Faispasça,jeluiaiditpasqueçam’énervait.Ilfaitcommeundinguedesfoisetçanemeplaîtpas.Maisys’estpasarrêté.Il
l’afaitencoreplus.J’aireposélefacteuretjesuisalléjusqu’àluietjeluiaiattrapélamainpourqu’ilarrêtedegigoterlesdoigts.—Faispasça!—Oh,ilafait,c’étaitdoncàmoiquetuparlais?Je suis allé à la maison de poupée et j’ai ramassé la manman. Et puis je l’ai
reposéeetj’airamassélepetitgarçon.C’étaitmoi.Ilallaitaucabinet.Ilavaitdelapleurodyniepasqu’ynevoulaitpasalleràlapiscine,yvoulaitpasnager.EtpuisRudyardm’adit:—Jecroisquej’aibesoinquetumerendesunservice,Gil.—Quoidonc?j’aidemandé.
Lepetitgarçondeboissortitducabinetetalladanslesalon,seulementypouvaitpasregarderlatélépasqu’ilavaitpasprissonbainavantPopeye.—Jemedemandaissituvoudraisbienm’aider.Yfautquej’aillenageraujourd’hui
maisj’aiunpeupeur,c’esttout.—T’esqu’unemauviette,jeluiaidit.—Merci,aditRudyard.T’asraison,d’ailleursj’aipeurdeplusieurschoses.La
mortetnager.C’estpourçaquejesuisici.Normalement,encemoment,jedevraisêtreentraindemouriràlapiscine.—C’estpasvrai,jeluiaidit.Ymentait,monvieux.C’estungrand,ilavaitpaspeur.Ymentait.—Si,iladit.Jeluiaijetélepetitgarçondeboisencriant:—C’estpasvrai,c’estpasvrai!T’esqu’unmenteur!Tumens,salaud!Yaque
lesmauviettesqu’ontpeurdenager,quelesmauviettes!MaisRudyardilariendit.Ys’estseulementlevépourramasserlepetitgarçon
deboissurleplancheretill’atenudanssamain.Ill’atenudanssesdeuxmains.Pour commencer on passe par le vestiaire avec des casiers métalliques. Les
casiers sont plus petits que ceux de l’écolemais ils font beaucoup plus de bruitquandonlesclaque,commedescanonsdansmatête.Touslesenfantscourentdanstous lessensencriantetensebattantetçamefait trèspeur.Ontedonneuneserviettemais elle est pas douce comme à lamaison, elleme gratte. Y faut sedéshabillerdevanttoutlemonde.Onterefileunmaillotmaisc’estpasletienetont’envoie aux douches qui sont une grande salle très chaude et pleine d’autresenfantsquetuneconnaispasetlejetd’eauestsifortqu’iltepiqueetlasallesentl’odeurdesgenstoutnus.Ensuitetudoistraverserl’entréepouralleràlapiscine.Ilfaittrèsfroidetlesol
est glissant. Je suis tombé. Tout lemonde s’estmoquédemoimaisRudyard estvenuetm’aramasséetillesaregardésetilsonttousarrêté.Etpuisilm’atenulamainetonestentrédanslapiscine.Ilm’amisuntruccommeunebouéerecouvertedetissu.Ils’enestd’abordmisà
lui,commeuneseuleétaittroppetite,ilenaattachédeuxensembleetilselesestmises.C’étaitmarrant.Sij’avaispaseutellementpeur,j’auraisri.Maisavantdem’enmettreune, ilapris laboucleet ilasoufflédessuset il l’afrottéedanssesmains.—Jedétestequandçafaitfroid,iladit.Etpuisilmel’amiseetafermélaboucle.Etc’étaitpasfroid.Yavaitpleind’autresenfantsdanslapiscine.Ilssautaientdansl’eauenfaisant
deséclaboussurespartoutetencrianttrèsfortsansarrêt.Rudyardm’aregardéetilm’atendulamain.Ilm’aprislamainetonamarchétouslesdeuxjusqu’aupetitbain.C’étaittrèsfroid.J’aifaillihurler.MaisRudyardahurléavantmoi.Ilhurlait:—C’esttropfroid!Etyvoulaitpasentrer.—Rudyard,jeluiaidit,lesautresvontpenserquet’esqu’unbébé.Etilm’aregardéetilm’aditqu’ils’enfichaitdecequelesautrespensaient.Sauf
moi.Moiçal’intéressait.Alorsjeluiaidit:—Onpourraitquandmêmeyallerlàoùonapied.Etonyestallé.Onétaitdeboutdanslepetitbain,yavaitpleind’enfantsquiéclaboussaienttout
autourdenous.Rudyard les a engueulés et y z’ont arrêtéd’éclabousser. Il a criéque l’eau lui
faisaittrèspeur.Il leuraditd’alleréclabousserailleurs,et ilssontallésdansunautreendroitdelapiscine.Ys’enfichaitmêmesilesautrespensaientqu’ilétaitunbébé.Etmoij’étaiscontentqu’illesayefaitpartir.—Qu’est-ceque t’enpenses?ym’ademandéenmontrantvers lemilieude la
piscine,tucroisqu’onessayed’yaller?J’avaispeur,seulementilavaitpeuraussi.—Jesuistroppetit,j’aidit.C’esttropprofondpourmoi.—Bon, ben, si je te prenais dansmes bras tu ne serais pas trop petit etmoi
j’auraismoinspeurpasquetuseraisavecmoi.Je l’ai regardé. Il amis trèsdoucement sesmainsautourdemoietpuis ilm’a
soulevéetilm’atenubienserré.—Serre-moifort,iladit,pourquej’ayepaspeur.Etjel’aiserrétrès,trèsfort.Etonestallédanslegrandbain.Tous les enfants criaient si fort qu’on entendait rien. Et puis d’un seul coup
Rudyards’estmisàcrieraussi.Ilcriait:—J’aipeur!J’aipeur!Maispersonnenepouvait lecomprendrequemoi,avectoutcebruit.Alors j’ai
faitquelquechose.J’aidit:—N’ayepaspeur,Rudyard.Jesuislà.Etilm’aserrécommeça,commeuncâlin.L’eaum’arrivaitauventre.— Des fois ça m’aide de crier, il a dit. Quand j’ai peur. Je m’en fiche qu’on
m’entendeoupas.Çam’aidequandj’aipeur.Etilm’aencoreserré.—Serre-moiunpeuplusfort,Gil.Çam’aideçaaussi.Etjel’aifait.L’eaum’arrivaitàlapoitrine.Quelqu’unalancéuneballeetRudyardl’areçueenpleinefigure.Ils’estmisdans
unevraierogneetahurléaugarçonquil’avaitlancéedelaprendreetdefichelecamp. Le gosse a eu très peur de Rudyard. Je l’avais jamais vu dans une tellecolère.— Jeme fiche vraiment en rogne quand j’ai peur, il a dit. C’est tout lemonde
pareil. Des fois, les gens le savent même pas. La prochaine fois que tu serasterriblement en rogne, penses-y. Peut-être que tu découvriras que tu as peur dequelquechose,tucomprends?Etalorsplusbesoindetemettreencolère.Ils’estmisàsauter.Ilsautaitenavançantetl’eaumemontaitunpeuplushautà
chaquefoismaisçaallaitpuisquejesavaisbienqu’iloseraitpasmelâcher.Etl’eaum’arrivaitaumenton.AlorsRudyardm’aserréencoreplusfort.—Eh,tumeserrestrop,j’aidit.Tumefaismal.Alorsilm’aunpeulâché.Ilcontinuaitdesautersurlefonddelapiscine.L’espèce
debouéeétaitdansl’eauetjesentaisqu’ellemeretenait.—Lâche-moiunpeuplus,j’aidit.—Tucrois?Jenesaispas,m’aditRudyard.—Maissi,çava.Lâche,j’aidit.Il se tenait encore àmesbras et àmesmains et il avait gardéunbras passé
autourdemoi.—Donnedescoupsavectespieds,ilm’adit.Jel’aifaitetjem’airapprochédelui.Puisj’aiarrêtéetj’aireculé,ilmetenaitle
bras.Alorsj’airedonnédescoupsdepiedetjesuisalléversluidenouveau.Toutseul.Rudyards’estmisàrire.—Tunages,ilm’adit.Tuveuxquej’ayel’airidiot?Maismoijedonnaisdescoupsavecmespiedsetluim’alâchéencoreunpeuplus.
Ymetenaitplusquelepoignet.—Tapeavectesmains,commeça,qu’ilm’adit,commeça!Etjel’aifaitetjem’aiapprochédeluiencoreplusvite.—Repousse-moiencore!jeluiaidemandé.Ill’afait,etj’aidonnédescoupsdepiedettapécommeçaavecmesmainsetje
suisalléjusqu’àlui,vraimentvite.Et puis un ballonm’est tombé sur la tête etma tête est allée sous l’eau et je
pouvaisplusrespirerettoutétaitdevenunoir. J’aiessayéderespireret j’aipu!PasqueRudyardtoutdesuitetoutdesuiteym’avaitcomplètementsortidel’eauetperchésursonépaule,etilmetenaitlà,toutenhaut,pourquejepuisserespirer.Ilétaithorsdelui.Ildisaitdesgrosmotsaupetitquim’avaitlancéleballon.Et
puisilm’aserrécontresapoitrineetym’adit:—Allez,onsort,maintenant.—Non,j’aidit.—Non?—J’yarrive,Rudyard.Jenageais,monvieux!Jesaisnager,tuterendscompte,
monvieux?Jesaisnager!Etalors ym’a regardédroitdans la figure,ma figureétait justeen facede la
sienne,etilm’asouricommeçaavectoutesafigure.—C’estvrai,monvieux,ilm’adit.Etilm’aremisdansl’eau.Etilamarchéàcôtédemoitoutletemps,toutlelong
de la piscine, avec une main sous moi presque à me toucher, et il a pas laissépersonnes’approcherdemoioumefairedumaloumefairepeurtoutlelongdelapiscine.J’aiagrippélerebordetjem’airetourné.Rudyardétaitloinderrièremoi.Ilm’afaitleGrandSalut.Alorsjeluiaicrié«C’estleGrandSalut!»etjel’aifaitaussi.Pasquejel’avaisbieneumonvieux.J’avaisnagétoutseul.Jesavaisnager,bonsang.Quand je suis revenu de la piscine, j’ai trouvé quelque chose dans ma poche.
C’étaitlespapiersquej’avaisramassésparterredanslebureauduDrNevele.12/17
Le patient continue de refuser toute communication et toute coopération. Je suis bien contraintd’estimerquelesinterventionsconstantesetintempestivesdeRudyardWaltonsontpourquelquechosedanslepeudeprogrèsdecetraitement.Bienqueleconseildedisciplineluiaitenjoint,cettesemaine,de«déférerauxdésirsdupsychiatreofficiellementresponsabledupatient,quelquesoitsonjugementpersonnel»,ilatrouvédebonnesraisonsdevoirlepatientplusencorequeparlepassé.Aujourd’hui,j’aireçudeluiunenotequejecroisdevoirjoindreaudossierpourinformation.DrNevele,Je vous adresse ce petit mot dans un but sincèrement « diplomatique » qui, vous avez pu le
constater,n’entrepasvraimentdans lecadredemonmodusoperandihabituel.Mais c’estuneffort,parmid’autresquevousn’avezpasétésansremarquer,quejesuisprêtàconsentirtant lasituationmetientàcœur.Voicicequej’aiàdire:Sheriff,vousvousfourrezledoigtdansl’œil.Le jeune Gilbert Rembrandt, encore que probablement coupable de quelque crime (terme que je
continueraid’utiliserparamourde lapoésie)auquelaétémêléeune jeune fille,n’estcertainementpasuncriminel.Jedemandeunautrejury.Etplusprécisément:moi-même.Cet enfant nemenace guère plus la société que la petitemarchande d’allumettes. Les psychoses
quevoussembleztrèsenclinàdénicherdanssa jeunepsychénesontriend’autresquedespoteauxindicateursquimontrenttrèsclairementunedirectionetuneseule,celled’unevilleoùvousnevousêtesapparemmentjamaisrendu:Egocité,lavilleduMoi.Gilberts’estfaitavoiretilesthorsdelui.Vousleseriezàsaplace,non?Ilnelesaitpasparl’esprit
(lesarbres luicachent la forêt)mais il lesaitdansses tripes (très littéralementparfois),etc’estenpartie parce qu’il sait qu’il s’est fait avoir qu’il s’est laissé pousser jusqu’à l’incident concernant lapetite Jessica Renton. C’est aussi pour cela qu’il pique des crises ou observe un silence qui vousdéplaîtici,oùiln’arienàfaire,illesaitfortbien.Figurez-vousquec’estunêtrehumainhabilléenenfantIlpossèdelesorganesetlessentimentsde
sonespècemaisn’enaaucundesdroits.Etiln’estpasleseul.Notrepaysbaigneencoredansl’idéemalsaine qu’on n’est pas une personne à part entière avant d’être en âge de voter et de boire del’alcool.C’estentièrementfaux.Avectout lerespectque jevousdois,docteur,vousn’yavezriencompris,etcommevousn’yavez
rien compris, vous n’êtes pas en mesure de l’aider à comprendre. Vous ne pouvez rien pour lui.Laissez-lerentrerchezlui.Iln’estpasfou,iln’estmêmepasbizarre.Nousavonstrouvél’ennemi,c’estnous.Bienàvous,
RudyardWalton.
J’estime quant à moi que M. Walton souffre malheureusement du même genre de trouble de lapersonnalitéqueGilbertRembrandtàcettedifférenceprèsqueleplusâgédesdeuxdisposedulangageet de sa maîtrise comme moyen de défense. Et d’ailleurs, il n’est pas jusqu’à ses méthodesthérapeutiques qui ne relèvent plus de l’astuce que d’une connaissance réelle (ce me semble). Sesimitations remarquables de ses patients autistiques, qui sont censées lui permettre d’établir desrelationsempathiquesavec lespatients,mesemblenten réalitéplusvaudevillesqueset théâtralesquevraiment thérapeutiques. Et je demeure convaincu que les succès qu’il obtient en apparence avec lespatientsdupavillonSud-Ouestserévélerontéminemmentprovisoires.N’en déplaise à M. Walton, le cas de Gilbert Rembrandt sera traité par moi et par moi seul.
J’examinerai seul saconduiteetdéterminerai seul lesmesuresàprendrepour luttercontredesécartsqu’il n’est pas question un instant de tolérer. J’ai cette fois-ci décidé de porter officiellement plaintecontre Walton auprès des autorités administratives compétentes de notre établissement. Walton seraentendu la semaineprochaineparnotreconseild’administration.Enbonne justice, jepensequ’il seraécartéunefoispourtoutesdupersonneldelaRésidenceHomed’EnfantslesPâquerettes.Depuisunesemaine,deslettresdelafilletteenquestion,JessicaRenton,sontarrivéesàlaRésidence
pour le petit Gilbert. J’ai appelé samère au téléphone et verrai bientôt cette dame pour examiner laquestion avec elle. Je lui ai déjà dit par téléphone que j’estimais cet enfant (Gilbert) sérieusementperturbéetque,dansl’attentedesrésultatsd’examenspurementmédicauxdestinésàdéterminers’ilestneuro-pathologiquementsusceptibledequelque traitementchimique, j’estimaisque lacorrespondancenedevaitpasêtreremiseaujeuneGilberttantquejenelejugeraispascapabledebénéficierdecegenrede stimulation. J’estime même qu’il ne faut pas l’informer de l’existence de ces lettres. J’ai jugéparticulièrement intéressant ce qu’écrit la petite à propos des cauchemars que lui aurait donnésl’incident vécu avec le patient. Il n’est pas possible, vu son état actuel, d’exposer ce dernier à desrévélationsaussipéniblespoursasensibilité.
J’airecopiétoutçasurlemur.Oh,pourcopier,jesaiscopier,monvieux.Maisj’y
comprendsrien.C’estdestropgrandsmots.
13.Aprèsleconcoursd’orthographeils’estmisàfairefroidetj’aiétéétonné.Jesuis
toujoursétonnépar lessaisons.C’estparceque jesuisunenfantetquetoutmeparaîtplus long,àmoi. Jepensequecesera toujours l’été.Maiscen’est jamaiscommeça.(OnaeulessaisonsensciencesnataveclamèreAckles,ellenousaditquelesoleiltapesurlaterredetraversouquelquechosecommeça,seulementj’aimalcomprisetquandonaeuuncontrôleellem’amisunXsurmacopieenfacedelaréponseàcettequestion-là.UnXçaveutdirequ’onafaux.UnB,çaveutdirequ’on a bon. La mère Ackles utilise un crayon de correction pour corriger noscopies. Les crayons de correction, c’est ce que je préfère comme fourniturescolaireavec lesétiquettesgomméesautocollantes renforcées, ils sontbleud’uncôté et rouge de l’autre. Comme les blousons réversibles. Et sans fermeture àglissière.)Bientôtletempsestdevenuglacial,dehors,ettouteslesfeuillessonttombéeset
j’aidûlesratisser,cequejedétestepournerienvouscacher.C’estcommepelleteravecunepellequi seraitpleinede trous.Heureusementpourmoinousavonsunarbre qui n’est qu’un bébé alors nous n’avons pas beaucoup de feuilles. (Notrevieux,onl’acoupé.Ilétaitmort.)Une semaine à peu près après le concours d’orthographe,Mlle Iris nous a dit
qu’on allait faire une petite fête costumée pourHalloween. Seuls les enfants del’orphelinat pourraient venir sans costume, pasqu’y z’étaient pauvres. SeulementMartyPolaskiaditquiz’avaientqu’àvenirhabillésenpauvresetMlleIrisarietadit quelque chose que j’ai pas bien compris sur un gamin gavé de brioche, ougavroche,jesaisplusbien.Toutlemondedevaitaussiapporterquelquechosepourlebuffet.Moij’aiditque
j’apporterais des petits sablés pasque ma manman les faits et qu’y sont trèsépatants.Descostumes,moi, j’arrêtepasd’enporter,passeulementpourHalloween. Ils
sont parfaitementmerveilleux comme vêtements,moi personnellement je trouve.Mamanmanlesfaitpourmoi.(Sauflecostumed’astronautequivientd’unmagasin,ellel’avaitachetépourJeffreyyadeuxansetpuisilmel’adonnépasquel’annéedernièrequ’est-cequ’ilagrandi,houla!)Maismonplusbeaucostumec’estSuperman.Y a longtemps j’avais demandé pour un costume de Supermanmaismon papa
avaitditnonquej’avaisassezdecostumescommeça.Etpuisunjourilétaitarrivéàlamaisonavecuneboîted’unmagasinetilavaitditquec’étaitunesurprisepourson fiston numéro 2 (ça c’estmoi). J’ai ouvert la boîte et c’était un costume deSuperman seulement quand je l’ai mis il me pendait de partout et puis il étaitbrillant,pascommeunvrai.Alorsjel’aipasaimépasquelevraiestserréserréetonvoitsesmuscles.(Ymetlesmainssurleshanchesetlesballesluirebondissentdessus.)Maismonpapaaditquej’avaisqu’àleporterentoutcasmaintenantqu’ill’avait acheté, alors j’ai fait la grande scène du II et j’ai jeté des livres dansl’escalier et j’ai étépuni et envoyédansma chambre.Plus tardmamanmanestvenueetelleaditqu’elledonneraitlecostumedeSupermanàdesenfantspauvres
etqu’ellem’enferaitunvraipourlafêtedeHalloween.J’aidit:—Tuleferasbienserré,hein?Lemêmesoir,Jeffreym’afaituncadeau,c’étaitsagourmettepasqu’ilenavaiteu
uneneuvepoursonanniversaire.Elleestchouette,monvieux.Le lendemainmatin, Shrubs est venume chercher pour aller à l’école, comme
touslesmatins.Pendantquejemangemonpetitdéjeuner,ilseglissedanslesalonetilvoledesbonbonsdansletrucenverredemamanman.(Onenadetouteslessortes.Yenamêmequ’éclatentquandonlessucequejelesappelledesgrenades.)Enallantàl’écolecematin-là,j’aiditàShrubspourlecostumedeSupermanety
m’adit:«Super,vieux.»Etpuisj’yaifaitvoirlagourmetteetiladit:«Super,vieux.»Iladitqu’ilallaitfairesoncostumedeHalloweenaveclesboîtesencartondumagasindemeublesquiestenfacedanslarue.Jeluiaidemandéenquoituvastedéguiseretym’aréponduenboîteencarton.—Faut pasmanger des bonbons avant l’école, j’y ai dit. (Il enmangeait.)Ma
manmanelleditqueçadonnedesvers.—C’estpasvrai!qu’iladitShrubs.J’aijamaisarrêtéd’enboufferdesbonbecset
j’aijamaiseudevers.Lesversybectentdelaterrepasdesbonbons.À l’école tout le monde parlait du costume qu’il allait porter pour Halloween.
Marilyn Kane a dit qu’elle viendrait en petite souris des dents (celle qui passeramasser lesdentsde laitqu’onaperdues,sous l’oreiller).Elle ressembleàunedent,moi personnellement je trouve. Plus tard, commemétier, elle devrait fairecarie,MarilynKane.Pendant toute la récré j’ai pas arrêté de dessiner des Supermen. Je dessine
toujoursleschosesquejeveux.Jelesdessinesansarrêtjusqu’àcequejelesaye.L’annéedernièrej’aidessinéBengali.C’estuntigre.Jel’avaisvuàlatélé.Ondiraitunvrai.Ilrugit.Jel’aidemandépourHanoukahmaismonpapaaditqu’ilcoûtaittropcheretquedetoutefaçon j’enauraisassezauboutdedeux jours. J’aidit :«Mêmesijeledemandetrès,trèsgentiment,s’ilteplaîtmonpetitpapa?»etiladit:«Onverra.»Cequiveutdirenon.Alorsjem’aimisàdessinerBengali.Jeledessinaistout letemps.Je ledessinaiset je leredessinais. Je ledessinaissur lesjournauxetdanslesmargesdemesillustrés.Etpuisjel’aieu,lepremiersoirdeHanoukah.C’étaitBengali,monvieux.IIétaitgros.Maisilavaitdesfilsélectriquesquiluisortaient.Etdeuxboutons,unpouravanceretl’autrepourrugir.Seulementlerugissementonauraitditqu’yrotait,pasdutoutunvrairugissementcommeàlatélé,etaussij’avaispasvulesfilsàlatélé,etaussisatêteétaitdifférentedureste,elleétaitcommeduplastiquealorsqueleresteétaitenfourrure.J’enaieuassezauboutdedeuxjours.JedessinaisdesSupermen.Enfindescostumes,paslatête,maisjemettaisquand
mêmedesmuscles.J’endessinaisdanslasalledeMlleIrisoùmaplaceestprèsdelafenêtreetquejeregardedehorsetjefaissemblantqueTarzanestdansl’arbrequejevoisetquejelerejoinsetqu’onsebalanceetpuisqu’onjettelecrietqu’onsauvel’écolequandelleestattaquéepardesnègresdecouleurenjuped’herbes.Jeregardaispaslafenêtrequandj’aientenduMlleIrisgueuler.Elleétaitentrain
d’engueulerPatFoderquibavardaitavecFrancineRenaldoqu’estassisederrièreelleenclasse.PatFoderadanslesquatreansdeplusquetoutlemondepasqu’elle
arrête pas de redoubler. C’est une affreuse. Elle a des cheveux on dirait uneexplosion seulement elle portedes jupes courtes avecdesbas et çame fait unesensation bizarre dans le bas du ventre. Elle bavarde toujours avec FrancineRenaldoquin’aredoubléquedeuxfoismaisqu’estmoche.Elleaungrosnezetdesmoustaches. (Mais une fois je suis allé au bureau porter unmot à la secrétaireroussedelapartdeMlleVerdonetFrancineétaitsurlebancdespunisetellem’aparléetelleétaitgentille.)MlleIrisaappelémonnom.—Gil, fais-moi leplaisirdeprendre toutes tesaffairesetde changerdeplace
avec Mlle Renaldo. Peut-être qu’avec toi entre elles deux ces demoisellespapoterontunpeumoinsetn’empêcherontpaslesautresdetravailler.MartyPolaskiadit:—Yenaquitravaillentici?EtMlleIrisl’aregardéenchiendefusil.J’aichangédeplace.Pat Foder elle semet du parfum. Je l’ai senti quand jem’ai assis et elle s’est
retournéeetellem’aregardéetellem’afaitunclind’œil.Jem’aisentitoutdrôle.Etpuisyaeulecture.C’étaitunehistoirequis’appelaitleChienrouge.C’esttout
à fait intéressant comme histoire moi personnellement je trouve. Ça racontel’histoired’unchienrouge,quoi.FrancineRenaldom’atouchél’épaule.—Faispasser,d’ac?ellem’adit.C’étaitunmotpourPatFoder.Jel’aifaitpasser.Normalementonapasledroitmaisjevoulaispasavoird’ennui
encommençantàbavarder.Etpuisc’estPatFoderquim’adit:—Faispasser.Maisj’aiditnon.Alorsjemesuisfaitengueulerpourbavarder.Etpuisplustard
ellemel’adenouveaufaitpasseretellem’aappelé«monmignon»,etellem’adenouveaufaitunclind’œil.Toutelajournéej’aipassédesmotsentrePatFoderetFrancineRenaldo.Yenavaitunquidisait:
JetrouvequeBillBastaliniestjentil.Alors j’ai corrigé l’orthographeavecmoncrayonà correction.AlorsPatFoder
s’estmiseàmedemandercomments’écrivaientdestrucsetdenouveaujem’aifaitengueulerpasquejebavardais.Etpuisyaeulaclochedudéjeuner.Lesélèvesontcommencéàsemettreenrang.PatFoders’estretournéeetelle
m’ademandédeluimontrermagourmette.J’aiditnon.—S’ilteplaît,monmignon?elleadit.—Non,j’aidit.Etarrêtedemefaireavoirdesennuis.—Jetelarendstoutdesuite.—Non.Alorselles’estmiseàbavarderetellem’aditqu’elles’arrêteraitpasavantqueje
laluifassevoir.Alorsjelaluiaifaitvoir.Ellel’amiseàsonpoignet.
—Pourquoiqu’yaJeffreyd’écritdessus?elleademandé.—Rends-la-moi.Etpuisç’aétéletourdenotrerangéedesemettreenrang.Elles’estlevéeet
elle est allée à laporte. J’ai essayéde reprendremagourmettemais elle a tirédessusetellel’agardée.Danslesrangsellel’afaitvoiràtoutlemondeetelleaditqu’onétaitensembleetqueBillBastalinilesavaitpasencoremaisquequandillesauraitymecauseraitdupays.Jeme suis fichu en rogne pour de vrai et je l’ai attrapée par le bras. Et puis
MlleIrisnousavus.—Qu’est-cequisepasselà-bas?—Rien.—Si,ym’adonnésagourmettepourqu’onsemetteensemble,mademoiselle,a
ditPatFoder.—Menteuse!j’aicrié.—Tiens,jecroyaisquet’étaisavecJessicaRenton,aditMartyPolaski.J’t’aivu
l’embrasserauzoo.AlorsévidemmentjeluiaidonnéuncoupdepoingetMlleIrisacrié«çasuffit!»
etj’aiétégênéetpuistoutlemondeestallédéjeunersaufnous,onadûattendreetMlleIrism’aenvoyéaubureaudeladirectrice.J’ai été puni. J’ai dû rester après l’école sur le banc des punis. Shrubs y était
aussi.Ildoittoujoursresteraprèsl’écolepasqu’ils’arrangetoujourspouravoirdesennuis. (Une fois il a même eu des ennuis pour avoir écrit lui-même son motd’excusepouruneabsence: ilavaitécritqu’ilavait lecancerdupoumon.)Cettefoisc’étaitpouravoirmangédesbonbonspendantlecoursdeMlleCrowley.Elleluiavaitditquec’étaitmalélevédemangersionn’enavaitpasassezpourenoffriràtoutlemonde.AlorsShrubsavaitouvertsonpupitreetilavaitjetétrentebonbonsenl’airenhurlant:«Bonneannéetoutlemonde!»—Tusorspourlanuitdudiable,cesoir?ilm’ademandé.(La nuit du diable c’est la veille de Halloween quand on sort pour passer les
fenêtreausavonettirer lessonnettes.Onestcenséêtrecommedesespècesdepetitslutins.C’estdesdélinquantsjuvéniles.)—Jesaispas,j’aidit.Shrubsadit:—Tamatouseadonnéàlamienneunbouquinqu’elledoitmelire.Ças’appellela
PetiteGraine.—C’estsurcommentnaissentlesbébés,jeluiaidit.Shrubsm’aditqu’ilsavaitdéjà.Iladit:—D’abordlepapavaaucentrecommercialetpuisilachèteunballon.Unpetit
ballonblanc. Il l’apporte à lamaison et il l’enveloppedansune feuille depapierd’argent pour pouvoir lemettre dans le congélateur. Pour plus tard. Un jour lamamansemetenpyjamaetellesecouche.Alorsavantdesecoucherlepapavachercherleballonauréfrigérateuretilleluimontreetlamamanestsicontentequ’elleaunbébé.Après l’école on a décidé de ratisser les feuilles. On serait une compagnie, la
compagnie Shru-Gil, ratissage de feuilles. Et aussi on fabrique des choses. On
construitdesmaisonsquisontdescartonsdanslesquelsondécoupedesportes,etunefoisaussi,onenafaituneenboisavecdessacsenplastiquepourfaireletoit.Onamangédedans,despommesdeterrechips.Etaussionpublieunjournal, leShru-Gil Soir. Je l’écris moi-même avec du papier carbone. J’en fais cinqexemplaires.MmeMoss,quihabiteàdeuxmaisonsdechezShrubs,nouslesachètetouslescinqEtpuisunjourJeffreys’enestmêlé.Iladécidéqu’ilseraitledirecteuretmoilereporteretilm’aenvoyéchercherdesnouvelles.AlorsjesuisallédanslarueLauderet j’ai ramassé lesNouvelles devant toutes lesportes.Vingt-six y enavait.Mamanmanadûtouslesrapporter.Elleétaitfurax.Shrubsaunbonrâteau.Ilestenbois,pascommelenôtrequiestenmétalvertet
faitbong!Onad’abordratisséchezShrubs,etonafaitdestaspourymettrelefeu,etpuisonaratisséchezmoi.Mamanmannousapayévingt-cinqcentsetonestalléacheterdesMalabarschezNick.(Seulementcen’estplusNick,ilestmort.C’estSteve,maintenant.Ilestméchant.IlapasvouluqueShrubsetmoionmangenostartinesdebeurredecacahuètesdanssaboutiqueladernièrefoisqu’onétaitenfuitedecheznous.)Aprèsavoirratissé,jesuisrentréchezmoipourledîner.Mamanmanm’aditde
pasfairedestracesdepiedpartoutdanslasalledeséjour.Puiselleaditquec’étaitvraimentbienratisséetquej’étaisungrandgarçonetpuisellem’aditquepourmerécompenserd’avoirétéaussigentilmonpapam’emmèneraitfaireunfeudejoieaprèsdîneretqu’onyferaitrôtirdesmâchemœlleuxdeguimauve.—Oh,non,manman,quej’aidit,cesoirc’estlanuitdudiable,pourtouslespetits
lutins!Elleadit:—Oh,monDieu,maisc’estvrai,j’avaisoublié!Maiselleavaitl’airdejouerlacomédie.AlorsaprèsledînerShrubsestpassémeprendreetonestsorti.Yfaisaitnoir.
Leslumièresdelarueétaientallumées.(Jelesaijamaisvuess’allumer.D’unseulcoup,ellessontalluméesetc’esttout.)Onatirédessonnettes.T’arrivesdoucementdoucementdevantuneporteettu
sonnes et tu t’en vas à toute vitesse et quand la personne dans lamaison vientouvrirlaporte,yapersonne.Haha.J’aisonnéàuneportependantqueShrubsregardait.Ons’estenfuitouslesdeux.
Puisonasonnéàuneautretouslesdeuxensemble.Etpuisj’aiditàShrubsd’enfaireunetoutseul.Iladitnon,maisjel’aiobligé.Ill’afait.Ilestalléjusqu’àuneporte.Ilasonné.Maisils’estpasenfui.Ilestrestédevantlaporte.Jeluiaiditdecourir,maisilestrestélàlesmainsdanslespoches,figésurplace.Laportes’estouverteetunmonsieurestsorti.Ilavaitunecravate.Iladit:—Oui?Qu’est-cequec’est?Shrubsdisaitrien.Yrestaitlà.—Qu’est-cequejepeuxfairepourtoi?aditlemonsieur.Mais Shrubs le regardait sans rien dire. Le monsieur est resté une minute à
regarderShrubs.—Quies-tu?illuiademandé.Shrubsafaitcommeçaavecsesépaules.
—Tueslepetitlivreurdejournaux?Shrubsadit:—Chaipas.Lemonsieurestrentré.Ilarefermélaporte.Shrubsrestaitlà.Alorslemonsieur
arouvertlaporteetilaregardéShrubs.Puisilarefermélaporte.EtpuisShrubsestparti.J’aidemandéàShrubspourquoiilétaitpaspartiencourant.Ilm’aditqu’ilsavait
pas…ManmanafaitdessabléspourlafêtedeHalloweenetlesamisdansuneboîteà
chaussuresattachéeavecuneficelleetellealaisséletoutsurlecomptoirjaune,danslacuisine,pourquejel’yprenneenpartantpourl’école.Cesoir-là,quandjemesuiscouché,lecostumedeSupermanétaitsurl’autrelit:dansmachambre.MamanmanavaitteintuncaleçonlongetyavaitunecapeetleSettoutcequifaut.OnauraitvraimentditSuperman.J’aieudumalàm’endormir.Le lendemain matin je m’ai réveillé tout seul, ma manman est pas venue me
réveiller. Je m’ai levé, lavé, et j’ai mis mon costume de Superman. Je m’ai misdevant le miroir les mains sur les hanches et j’ai fait comme si les ballesrebondissaient.Jem’aipréparéunpetitdéjeuner,jusd’orangeetpain.J’aiprislaboîteàchaussuresavec les sablés. Je suisparti. J’aimêmepasmisdemanteau,j’étaiscommeSuperman.Quandjesuisarrivéàl’écoleyavaitencorepersonne.Alorsj’aiattendulacloche
en tenant ma boîte de sablés bien serrée pour pas la perdre. J’attendais,j’attendais. Y venait personne. J’attendais. Y faisait froid. Je tenais mes sablés.Toujourspersonne,jesavaisplusquoifaire.Etpuislaportedel’écoles’estouverteetunmonsieurestsorti.Ym’aregardé
mais j’aivudanssondosqu’yavaitdesenfantsdans lacourde l’écoleet jesuisentré.Je suis allé dans la salle deMlle Iris mais c’était que des enfants que j’avais
jamaisvus,pasdemaclasse.Ilsmeregardaient.MlleIrisétaitpaslà.JesuisrestéprèsdesonbureauavecmoncostumedeSupermanettoutlemonderiaitenmeregardant.EtpuisMlleIrisestentrée.Elleadit:—MaisGil,qu’est-cequetufabriquesici?LafêtedeHalloweenc’étaitcematin.
Taclasseestàlabibliothèqueàcetteheure-ci.Jesuisalléà labibliothèqueet tout lemondemeregardaitpasque j’avaismon
costumedeSuperman.J’avaisrienapportéd’autrepourmechanger.Quandjesuisrentrécheznous,aprèsl’école,mamanmanm’adit:— Désolée mon chéri, excuse-moi. J’avais rendez-vous très tôt chez
l’esthéticiennecematin.J’avaismisunpetitmotàJeffreypourqu’ilteréveilleenpartant mais j’ai oublié de lui laisser. Je l’ai trouvé dans mon sac, au salon debeauté.
14.Je suis à la Résidence Home d’Enfants les Pâquerettes depuis trois semaines
maintenant.Jen’aipasreçulavisitedemamanmanetdemonpapapasqu’ilsn’enontpasencoreledroit.C’estlerèglementici.LeDrNeveleditquejenesuispasencoreadapté.Jen’arrivepasàmemaîtriser.Jefaisdegrossescolères.Ilditqueje suis un bon petit garçon qui fait malheureusement des choses méchantes detempsentemps.Commecequej’aifaitàJessica.Je suis ici tout seul. Je n’ai pas d’amis. Je connais pratiquement personne sauf
RudyardetMmeCochrane.Pasunseulenfant.Uneseulefoisdéjàj’aiétéloindecheznous(jecomptepaslesfoisoùjesuisallédormirchezShrubs).Quandj’avaiscinqans,jesuisalléencolo.Lacoloniedevacancess’appelait lePetitCampArinakapour lespetits.C’était
loin,loindecheznous,onyestalléenvoiture,çaaprisuneheure.Pendanttoutlecheminmamanmanavaitpasarrêtédemedirecommeceseraitamusant,commedansSpirietMartyduClubMickeyMouse.Ilsontdeschapeauxdecow-boyetilsfontducheval. (J’adoreSpinetMarty,monvieux,ysontchouettes, seulement jedétesteMickeypasqu’ilparlecommeunefille.)LePetitCampAtinakaaduréunesemaine.Yavaitdescabanes.Lanôtrec’était
lacabanenuméroun.OnmangeaitdanslePavillonduCarquoisquiétaitcommeunréfectoired’écolesaufqu’onsemettaitpasenrang.Ettouslesjours,audéjeuner,onchantaitunechanson:
C’estnouslanuméroun,Numéroun,numéroun,C’estnouslanuméroun,C’estnouslesmeilleursdulot.
Saufquec’étaitvraimentpasvrai.Onétaitminablesentout.Touslesmatins,yen
avaitqu’avaientfaitpipiaulit.Saufmoi.Jefaisaisjamaisaulit.Lacabanenumérounavaitdeuxmonitrices.LaurieetSherry.Ellesavaient les
cheveux très courtsmais c’était des filles. Elles dormaient dans la cabane avecnousetellesnousvoyaientquandons’habillaitetquandonsemettaitenpyjama.Moijem’habillaistoujourssouslescouverturespasquej’étaisgêné.Unjourc’étaitlaRuéeversl’Or,unejournéespécialeàlacolo.Toutelajournée
toutlemondefaisaitsemblantdechercherdel’orquiétaitdescaillouxpeintsenjaune.Undesmoniteurss’étaitdéguiséenPeteleSerpentetilsecachaitdanslesbuissonsetnous tiraitdessusavecunrevolverà farine.S’ilvous touchait, fallaitfairesemblantd’êtremort.J’avaislafroussedelui,malgréquejesavaisquec’étaitpaspourdevrai.Ilmefaisaitpeur.Etcettenuit-làjem’airéveillédansmonlit.Ilfaisaittrèsfroidetj’avaisvraimentenvied’alleraucabinet.Maisj’avaistroppeur.J’avais peur que Pete le Serpent soye dehors et y avait pas de cabinet dans lacabanenuméroun.Fallaitsortiretdescendrelacolline.Alorsjem’étaisretenu.Jem’étaisretenuetretenuetpuisj’avaispluspumereteniretj’avaisfaitdansmonlit.J’avaisrecouvertaveclesdrapsetlacouverture,seulementc’étaittoutfroidettouttrempéetçaavaittraversé.J’avaisdûpasserlanuitlà-dessus.Etlelendemain
matin,quandtoutlemondes’étaitréveillé,j’étaisleseulàavoirfaitdansmonlit.Laurie avait dit que la couverture était fichue et qu’elle devait la jeter. J’auraisvouluêtremort.Maintenant je suis à la Résidence Home d’Enfants les Pâquerettes et je suis
encoretoutseul.Jen’aipasd’ami.SiseulementShrubspouvaitêtreici,oumêmeMarty Polaski. Des fois je reçois des lettres de mon papa et de ma manman.Aujourd’huij’enaimêmereçuunedeJeffrey.CherGil,Salutpetitetête.Commentvas-tu?Moijevaistrèsbien.Mamanm’aditqu’ilfallaitquejet’écriveune
lettrealorsjelefais.(Maisj’enaipasenvie.)(Jeplaisante,haha.)Hieràl’école,onaeudroitautestIowa.Çaapristoutelajournée.Tudoispasencoresavoirceque
c’estpuisquet’esqu’unbébé.C’estdestestspourdéterminertacapacitépourlesétudesuniversitaires.C’est pas des questions avec des réponses normales, il faut cocher des cases au crayon à mine deplomb.A,B,C,ouDenfacedelameilleureréponse.LepèreLloydnousaexpliquécommenttricher.T’asqu’àremplirtouteslescasespasquec’estcorrigéparunemachine.Seulementilaajoutéqu’onseferaitprendre. C’est vraiment un enfoiré. Toute façon j’ai pas besoin de tricher parceque je suis un élèveexceptionnellementdoué,figure-toi.Mamanm’aditquejenedoisdireàpersonneoùtues.Toutlemondemeledemandesansarrêt.Elle
m’aditdedirequetuesenvisitechezdesparents.BruceBinderdisaitquetuétaisentaule.Maintenantilvapenserquenousavonsdesparentsenprison!Etd’ailleursoùes-tuaufait?Lejouroùmamanetpapat’ontemmené,lamèredeJessicaRentona
appeléiciunebonnecentainedefois.Maisjesavaispasquoidire.J’aiditquetuétaisenvisitechezdesparents.En tout cas, depuis que t’es parti, j’ai pas mis une seule fois les pieds dans ta chambre, alors
t’inquiètepas.Sophieditquetul’aslaisséeenbordeld’ailleurs,maisjel’aivuehieràlacave,elletenaitlaguitareaveclaquelletufaisaistesimitationsd’Elvisetellepleurait.Detempsentempsmamanmedemandesij’ailamoindreidéedesraisonspourlesquellest’asfaitça
à JessicaRenton.Elledevient toute triste et je saisplusquoi lui dire.Elledit : «C’est ton frère, tu leconnais.»Etmoijeluidis:«Maisc’esttonfils,paslemien.»Etaussijemerappellequequandonétaitpetit,tumebattaistouslesjoursmalgréquej’étaisl’aîné.Pourquoifaisais-tuça?Hiersoir,papam’adonnéunebaffeenpleinepoireàtable,parcequej’avaisditquelescôtesdeveau
avaientgoûtdevomi.Mamanaditqu’ilétaitd’unehumeurmassacrante.Ilaquittélatableetilestpasrevenuavant la findudîner.Tutesouviens, l’hiverdernier,quand ilavaitpasvoulumangeravecnouspendanttouteunesemaineetquepersonneajamaisréussiàsavoirpourquoi?Malgréquejepeuvepast’encaisserj’aimeraisquetutedépêchesderentreràlamaison,pourm’aider
àsortirlapoubelleetaussiparcequejen’aipersonneavecquichahuterledimanchematinquandtoutlemondedort.Tonfrère.
MonsieurJeffreyRembrandt.Maisjen’aitoujourspasreçudelettredeJessica.Touslesjoursjedemandeau
DrNevelesiellessontarrivéesetilnerépondrien.Hier, le DrNevelem’a dit qu’il voulait que je voye des autres docteurs de la
RésidenceHomed’EnfantslesPâquerettesetquepeut-êtrequesij’allaisaveclesautresenfantsjemeferaisdespetitsamis.—Nousavonsdestasdesallesspéciales,ici,qu’iladit.Dessallesoùonapprend
àparlercorrectement,dessallesoùl’onpeutexprimersessentimentsàl’aidedejouetsetde jeux,etdessallespourchanter,dessallespour jouer lacomédieoumêmepourfairedelagymnastiqueoudelalutte.Jeluiaiditquejevoulaisfairedelaluttepasquejepourraisfairesemblantd’être
DickleCogneur.Ilestmauvais,monvieux,maisquellebanane!Etalorsj’ysuisallé.
D’abord on a pris le petit déjeuner. C’était desœufsmais y avait comme desmorceauxdemachindedans.C’étaituneomelette.Jedétesteça.Etpuisyavaitdujusdetomatequejecroistoujoursquec’estdusangquandjelebois.Maisj’aipaseudetranse.J’aipasfaitdescène.J’aimangéetbubiensagement.Etpuisonyestallé.D’abord en salle demusique. Tout lemonde s’assied par terre et on semet à
chanterElledescenddelamontagneàcheval.Etpuisilstefontfairecommecietcommeçaavectesmainsetcrier«Youkaïdi,Youkaïda!»aprèsavoirchanté.Jemesentaiscomplètementidiot.EnsuiteonestallédanslaSalledeThérapieLudique,oùjesuisdéjàalléunefois
avecRudyard.Cettefois j’ai jouédanslacuisinepourjouerquiest là.Elleadesréfrigérateurs en bois et un réchaud pour faire semblant. J’ai fait un bœufStroganoff.Mamanmanenavaitfaitunefois.J’avaiseuhorreurdeça.EnsuiteonestalléenSalled’Orthophonie.C’estpourlesenfantsquiparlentpas
bien.CommeMannyquipeutpasdire«L».Maispendanttoutletempsqu’onaétéen orthophonie, quelqu’un dans le fond de la salle n’a pas arrêté de parler sansqu’ilsarriventàtrouverquic’était.C’étaitmoi.Jeparlaisenfaisantleventriloque,commej’aiapprisdansunlivredelabibliothèquedemonécole.Danslelivrej’avaisaussiapprisàmefaireunepoupéeavecunsimplesacenpapier.C’étaitchouette.Etpuisj’avaiseumonpantin,onmel’avaitoffertpourHanoukah.Jel’avaisbaptiséBixby,cequiétaitidiotpasquec’estunnomqu’unventriloquepeutpasprononcer.Alorsjel’avaistué.Jel’avaisopérédansleventrepasqu’ilsavaitdelapleurodynieettoutsonrembourrageétaitsortietmamanmanl’avaitdonnéauxpauvres.Onestsortid’Orthophonie.Etpuisj’aivuquelqu’undanslevestibuleetc’étaitle
facteur,ilportaitunsacetapportaitdeslettresaubureau.J’aicourujusqu’àluietjeluiaidemandés’ilyavaitdeslettresdeJessicapourmoi.Ilsavaitpasdequoijevoulaisparler.—JessicaRenton,j’aidit,elleaditqu’elleallaitm’écrire.Maisilm’aseulementregardéendisant:—Ecoute,monbonhomme,moijem’enficheunpeudequiécritàqui.Jefaismon
boulotalorsfiche-moilapaix.Etalorsj’aipluspumereteniretj’aihurlé:—Donnez-moideslettres,donnez-moideslettres!Etjeluiaidonnédescoupsdepieddanslesjambesetj’aiessayédeletaper.J’ai
attrapésonsacet je le luiaiarrachéetys’estrépandupartoutparterreet j’aisautésurleslettresetj’aicommencéàlesjeteraufuretàmesureenencherchantunedeJessica.Etpuisilaessayédem’attraperetjel’aimordu.ToutlemondeestsortidubureauetleDrNevelem’aattrapéetm’atordulesbrasdansledosetm’aentraînéverslaSalledeRepospendantquejecontinuaisàcrierqu’onmedonnemeslettres,meslettres,meslettres.Ilm’atraînédanslaSalledeRepos,ilyatiréunechaiseduvestibule,ym’amis
surlachaise,ilaenlevésaceintureill’apasséeautourdemoi,ill’aserréeserréeetilafermélaboucle.Ilamêmepasditquelquechose,rien.Jesuisrestéassistoutseul.J’aipasenlevélaceinture.Jesavaisquej’étaispas
capabledememaîtriser,macrise.Jesuisrestéassislongtemps,longtemps.Etpuis
j’ai enlevé la ceinture et je suis revenu vraiment comme un bon petit citoyenjusqu’aubureauduDrNevele.—Pardon,jeluiaidit.Et j’yairendusaceinture.Ym’aregardéd’unairdrôle,commes’ilétaitgêné
pourquelquechose,etpuisilaprissaceintureetym’aditd’accordqueçaallait.Jeluiaidit:—C’estseulementquejevoulaismeslettres,ellem’avaitditqu’ellem’écrirait.LeDrNeveleestdevenutoutrougequandj’aiditça.Jesaispaspourquoi.Maisil
aseulementfaitouidelatêteetjesuisparti.Jesuisretournédansmonaile.Jem’aiallongésurmonlit.J’ysuisrestéjusqu’àce
quifassenoir.Jeregardaisleplafondquiestpleindepetitstrous,commeceluidel’école.J’aisautéledîner.Etpuisj’aifaituntruc.J’aiétéjusqu’àlafenêtre,j’aimismesmainsl’unecontrel’autreenregardantdehorsetj’aidit:
PetiteétoileaufirmamentPremièreétoiledusoirPetiteétoileaucielbrillantExauceunvœupourmoicesoir.
Etalorsj’aisouhaitéqueJessicam’écrive,ohs’ilteplaît,pourquejesachesielleallaitbienetsiellesesouvenaitdemoi.Etjesuisretournéàmonlitetjem’aiallongé.J’aimismatêtedansl’oreiller.Y
avaitpasd’étoilesdehors,yavaitdesnuages.Et il faisaitnoirdansmonaile.Etj’étaistoutseul.J’aientenduletonnerre,ilacommencéàpleuvoir.Quandj’aiouvertmesyeuxyavaitquelqu’und’assisprèsdemoientraindefumer
unecigarette.J’aivuleboutdefeudanslenoir.J’avaispeur.—Yaquelqu’un?j’aidemandé.—Pardon,jet’airéveillé?C’étaitRudyard,ilasoufflédelafumée.—Non,j’aidit.—Oùesttoutlemonde?—AuxActivitésSpéciales,j’aidit,yaunfilm.—Ah,ouais…Rudyardétaitassissurlelitàcôtédumien.Mesyeuxsesonthabituésaunoiret
j’aipulevoir.Ilétaitpenchécommes’ilétaittristeouquelquechosecommeça.Jel’aibienregardé.Ilnedisaitrien.Ils’estlevéetilafaitletourdelapièce.Il
regardaitleschosesdanslenoir.Etpuisilestalléàlafenêtreregarderdehors,etlalumièreduparcàvoituresluivenaitdederrièreetjel’aivutoutnoir.Commeundessindécoupédansdupapiernoir.— Tu pourrais faire un vœu sur une étoile, Rudyard, je lui ai dit. Tu peux
commanderdestrucs.—Yapaslamoindreétoile.Ilpleuvait.—Jesais.Maisilestrestéàregarderquandmême.Etpuisils’estmisàparler.Ilparlait
toutseul,ilseparlaitàlui-même.
— Il y a seize ans, je rentrais chez moi, depuis la petite épicerie de la rue,derrièremamaison.J’avais l’habituded’allerà l’épicerierienquepourregarder.J’avaisseulement,jesaispas,quinzecents,peut-être,maisjefaisaismescoursestoutelajournée,jecherchaisàmedéciderpourcequ’onpeutvraimentacheterdemieuxpourquinzecents.Quandjefinissaisparmedécideretparl’acheter,j’étaisvraimentcontent,aprèstoutlemalquejem’étaisdonné.«Ce jour-là j’ai remarquéà l’épicerieunnouveauprésentoirpublicitaire,pour
desbiscuits,c’était.Ceuxquisontauchocolatd’uncôtéetausablédel’autre.Jeles détestais, à vrai dire,mais ils étaient bien pour tremper. Y se ramollissaientjustecomme il faut sans tomberenmillemorceaux.Leprésentoiravait laphotod’unpetitgarçonquisautait.Sasilhouetteétaitdécoupéedansducarton.«Cejour-làj’aidécidéd’acheterunblocdesavondeMarseillequimedurerait
pluslongtempsquedesbonbons.Jecomptaislesculpteraucouteauenarrivantàlamaison.Maissurlecheminduretour,latempêteacommencé,unventterribleetuneforteaverse.J’aieubeaucourir,l’oragem’arejoint.J’avaisrudementpeur.Jemesuisréfugiésousunarbre,aumilieudesbuissons,derrièrel’épicerie,pourmeprotéger de l’averse. Et puis j’ai remarqué que quelqu’un avait jeté un de cesprésentoirs, l’avait jetédans la rue.Lepetitgarçondecartons’étaitdétachédureste. Et le vent l’avait emporté contre les buissons. Ses bras et ses jambes setordaientets’agitaientfrénétiquement,commes’ilavaitunecrisedenerfs.«J’aifiniparrentreràlamaison.J’aicouruenfermantlesyeux.Enchemin,j’ai
laissétomberlesavon.Maisaujourd’huiencore,quandjemepromèneparfois,etque je regarde derrièremoi, j’ai l’impression de voir encore ce petit garçon decartonpiquer sa crise de nerfs dans les buissons.C’est à ça que la nuitme faitpenser…Ils’estrassissurlelitprèsdumien.Jeregardaisleboutdesacigarette.Iln’a
rienditpendantlongtemps.Etpuis:—Jecroisqu’onvameflanquerà laporte,Gil.Leconseild’administrationm’a
demandédem’enaller.
15.Après l’exercice d’alerte aérienne, il ne restait plus qu’une semaine avant les
vacances de Thanksgiving. J’étais impatient. J’adore Thanksgiving. C’est desvacances mais y a pas de prière et on peut manger comme un fou. Je mangebeaucoup pour mon âge. Je mange, je mange sans arrêt. Je mange plus quen’importe qui sauf Shrubs. Mon papa dit : « Il faut savoir s’arrêter, Gil. Lesmeilleureschosesontunefin.»Lelendemaindel’exerciced’alerteaérienneonaeulesélectionspourlechefdu
distributeurd’eaufraîche.BoddyCohen,quejeconnaistoutjuste,m’aproposéetj’aiétéétonné.Onbaisselatêteetilfautvoteràmainlevéesansregarderpourpasêtreinfluencé.Fautpastricher.J’aivotépourRuthArnoldpasquec’estégoïstedevoterpoursoi-mêmemaisMlleIrisaditqu’ondevrait,quec’estunepreuvedeconfianceensoi,maisjetrouvequec’estmalélevé.J’aiétéélu.J’étaislechefdudistributeurd’eaufraîchedenotreclasse.Àchaque
récré,c’estmoiquidevaismemettredevantledistributeurd’eaufraîcheettenirlapoignéebaisséeencomptantjusqu’àtrentepourchaqueélève,avantdeluitapersur l’épaule pour qu’y laisse la place au suivant. (Je triche un peu pour Shrubs,quandmême.EtMartyPolaskiaditquesi Jessicaseraitdansnotreclasse je luilaisseraisboiretoutelaflotteettoutlemondemourraitdesoif.Alorsjeluiaidonnéuncoupdepoing,évidemment.)LesvacancesdeThanksgivingsontenfinarrivées.Cejour-là,aprèsl’école,j’aivu
JessicasortirparlaportedelarueMarlowemaisellenem’ariendit,alorsjeluiairienditnonplus.Jel’airegardéedescendrelarueMarlowe.Etpuistoutd’uncoupelles’estretournéeetellem’afaitunsigne.Alorsjeluiaifaitunsigneaussi.Ons’estfaitdessignes.J’aisouri.Etelleestvenueversmoi.Etjefaisaisdessignes,etje souriais, et puis je refaisais des signes et je ressouriais, mais elle c’était àMarilynKanequiétaitderrièremoiqu’ellefaisaitdessignesetqu’ellesouriait.Jemesuisretrouvéidiotetgêné.J’aifaitcommeçacommepourpartirmaisalorsellem’adit:—Fautsurtoutpastecroireobligédediresalutnirien,Gil!Jem’airetournéetj’aidit:—D’accord,jedisrien.Etjesuisparti.Cettenuit-là, j’ai fabriquéunpantin. Je l’ai faitavecdesmorceauxdeboisque
monpapaavaitdanslacave.Sesbrasc’étaitdespetitsmorceauxetlerestedesmorceauxplusgros. Ilavaitdesbobinespourcoudes,ellestournaient,etsatêteétait une boule en plastique pour fabriquer des décors d’arbre de Noël. C’estShrubsquime l’avaitdonnée l’annéedernière. Je l’aipeintcouleurdepeauavecdesrondsrougespourlesjoues.J’aiprisdufoinpoursescheveuxetjeluiaicousuunpetitcostumeavecuneculotterougeetunechemiseblanche fabriquéesavecdeschiffons.Jeluiaipeintdeschaussuresauxpieds.Çam’apristoutelanuitpresque.Mon
papaestredescenduvoirmaisym’alaissépasquelelendemainj’avaispasécole.Jel’aiappeléJerrylePantin.Quandilaétésec,jel’aiemmenéavecmoiàl’étage
au-dessus,danslacuisine.Ilfaisaitnoir,mamanmanetmonpapaétaientcouchés.J’aipliéuntorchonetl’aiposésurlecomptoirjaunepourluifaireunlitetpuisj’aipliéune lavettepour faireunoreillerà Jerry lePantin.Etpuis jesuismontémecouchermaisj’aipenséàuntrucetjesuisredescendu.J’aiprisunautretorchonetjeluiaifaitunpougnougnoupourqu’ilayepasfroid.Etpuisjel’aiembrassé.—Bonnenuit,JerrylePantin,j’aidit.Jesuisheureuxdet’avoirfabriqué.Maislelendemainmatinjem’airéveillétrèstrèstôtpasquec’étaitThanksgiving
et que je voulais regarder le défilé à la télé. Je suis descendu et j’ai mis OralRoberts.(J’aimebienleregarder,ilgueule.)J’avaismespantouflesàtêtedechien.Jeffreyestdescendu. Je luiaidemandés’ilvoulait jouerauxtroisStoogesavec
moi.J’yjouesouventavecShrubs.Luic’estCurly.Moic’estMoe.Jeluiflanquedesvolées.Curly(lefrisé)c’estmonpréféré,ilestchauve.Yfaitcommeçaavecsesdoigts,jesaislefaire.Desfoisilestabsentetalorsc’estShempquileremplace.Shemp ressemble àMoemais il est encore plusmoche. Parfois je suis lui.MaispersonnefaitjamaisLarry.Larry,yajamaispersonnequiveutlefaire.Jeffreyvoulaitpasjouer.Etpuisyaeuledéfiléàlatélé.C’étaitsuper.Yavaitdes
charsdécorés.Celuiquej’aipréféréc’étaitceluioùyavaitBullwinklel’Elan.C’estunélan,unhérosdedessinanimé.Quandjel’aivu,j’aifait:«Salut,Bullwinkle!»Etym’afaitunsigne.Etpuismanmanetpapa se sont levés, ils étaient en robede chambreet ona
mangélepetitdéjeunerausalonpourpouvoirregarderledéfilé.Onamangédescrêpesetbuducafédepetitgarçon,quiestducaféavecsurtoutdulaitetdusucrepourlesenfants.(J’aidonnédescrêpesàJerrylePantinmaisilavaitpasfaim.)EtpuismanmanacommencéàfairelacuisinepourlerepasdeThanksgiving.OnadesinvitéspourThanksgiving,c’estdesoncles,destantesetdescousinsdu
côtédemamanman.Monpapaauncôtéaussi,maisc’estpaspourThanksgiving,c’estpourPâques.OnvachezBubbie.C’estmagrand-mère.Elles’appelleBubbie.Elleesttrèsvieilleetparlejuif,alorsjecomprendspas,saufquedesfoiselleparleanglais et je comprends pas non plus. Elle devrait avoir des sous-titres, moipersonnellement je trouve.Ellem’appelleBébéCockerpasqu’un jour je suisalléchez elle avecmon costumedeDavyCrockett. J’ai pasdePépédu côtédemonpapa.Ilestdécédéqueje l’aimêmejamaisvusaufenphoto.Yressembleàmonpapaseulementmarronàcausedelaphoto.Ducôtédemamanman,j’aiungrand-père.Onl’appelleGrand-Papa.C’estGrand-PapaducôtédemamanmanetPépéducôtédemonpapa,saufqueGrand-Papaestpasmort.Seulementj’aipasdeBubbieducôtédemamanman.Elleestmorte.Elle s’appelaitBonne-Maman.C’est trèscompliqué,jem’yperds.JetrouvequeGrand-PapadevraitsemarieravecBubbie.Ilspourraientalleraurestaurant,ilsseparleraientjuiftouslesdeux.PourThanksgivingmamanmanavaitfaitdeladinde.Elleaaussifaitdelafarce
quejel’aiaidéeàfaire,j’aiémiettédupaingrillé.Etelleaaussifaitdesgâteauxdepatate douce, qui sont des patates douces seulement engâteau, avecune cerisedessusque je n’aimepas alors je les donneà Jeffreyqui les donneàCleonotrechiennequilesmangeetquivomit.C’estcommeçaquenousfêtonsThanksgiving.Aprèslepetitdéjeuner,monpapailadit:—Ditesdonclesgars,çavousdiraitd’allervoirlePèreNoëlaujourd’hui?
J’aidit:—Non,merci.—Pourquoi?afaitmonpapa.—Pasqu’onestjuif,j’aidit.C’estpasbien.—Allez,habille-toiGil,iladitmonpapa,t’enfaispaspourça.Maisj’aicroisélesbrasetj’aiboudé,jevoulaispas.Alorspapaestvenuetym’a
dit:—Gil, lePèreNoëlestdetoutes lesreligions, ilestpourtout lemonde.Allez,
dépêche-toi,onseraenretard.J’aidit:—Alorsilestjuif?—Ouais,iladitpapa,ilestjuif,çava?Alorsenroute!Etonyestallé.LePèreNoëlétaitàlaRotondeFord.C’estungrandbâtimentquiesttoutrond.
Et très loin.Yadesvoituresdedans. J’aidemandéàmonpapacomment lePèreNoëlfaisaitpours’yretrouversivitealorsquejevenaisdelevoiràlatélé,dansledéfilé,àl’autreboutdelaville.Etym’aditqu’ilprenaitunhélicoptère.ÀlaRotondeFordyavaitlaForêtMagiqueduPèreNoël.C’étaitdeslumièreset
desarbresavecpleindecouleurs,onsepromèneentrelesarbresetyadeselfesqui sont des statues qui bougent comme de vrais elfes. Et puis aussi y avait unendroitoùonpouvaitvoirlesrennesetmêmelescaresser.J’aipasréussiàvoirlapartiequ’yz’ontpourvoler.Jepensequeçadoitleurrentrerplusoumoins.Yenavaitunjeluiaidonnéunecacahuète.Ilétaitmarron.Et puis on est allé voir lePèreNoël. Il était tout aubout. Y avait unegrande
queue.Ellefaisaitdestoursetdestours,onpouvaitmêmepasl’apercevoir,lePèreNoël.On a attendu, attendu, attendu. Et puis on est arrivé. Jeffrey y est allé lepremieretluiadit:—Jevoudraisquetum’achètesunmodèleréduitdeThunderbirdcommeyena
chezMaxwell,d’ac?EtlePèreNoëlafait:—Hoho.(LePèreNoëlilestfaux-jeton,moipersonnellementjetrouve,pasqu’ilarrêtepas
desemarreralorsquejevoispascequ’ilyadesidrôlepournerienvouscacher.)EtpuisJeffreyadit:—Jevoudraisaussiunpantalonetunechemisedecow-boyavecdesbottesetdes
vraiséperons.EtlePèreNoëlafait«Hoho»,etJeffreyestredescendu.J’aivoulum’enaller,maispapam’atiréparlamainetm’afaitrevenir.J’aidit:—Non,j’aiquelquechoseàfaire.Maisiladitd’yaller.Alorsjem’aiassissurlePèreNoël.Ilétaitchaud.—TuconnaisKipour?jeluiaidemandé.—Quiça?—Kipour,YomKipour.Ilaencorefait«Ho,ho!»—T’esjuif?jeluiaidemandé?
LePèreNoëlariendit.—Ehben,alors?J’aiinsisté.Etalorsiladit:—Bah,heu,jenesaispas,oui,j’imagine.LePèreNoëlc’esttouteslesreligions.
Oui,probablement,jesuisjuif.Tous les parents se sontmis à reprendre leurs enfants qui attendaient dans la
queue.Ilsavaienttousentendu.LePèreNoëladit:«Maisnon,c’estpascequejevoulaisdire.»Maisbientôtilestplusrestépersonne.Monpapam’aattrapéparlebrasetonestparti.YfaisaitchaudpourThanksgiving,yneigeaitmêmepas,etquandonestarrivéà
lamaison il pleuvait.Mamanman était encore en train de préparer le dîner, çasentaitunarômeetmonpapaalulejournaletJeffreyaregardéunmagazine.J’aidit:—Manman,commentçasefaitqu’yapasJessicadansl’annuaire?—Quiça,monchéri?—Jessica,unecopine.—Iln’yaquelenomdespapasàl’annuaire,monchéri,lenomdefamille.Alorsj’aicherchéRenton,c’étaitcommeundictionnaire,jesavaism’enservirety
avaitqu’unseulRentondanslarueMarlowe.J’ailafroussedestéléphonespasqu’unjourl’opératrices’étaitbranchéetoutd’un
coupetm’avaitengueulépasquejemettaistroplongtempsàcomposerunnuméro,maislàj’aifaitquandmêmelenuméro.PasquejevoulaisdireàJessicaquelePèreNoëlétaitjuif.Çaasonné.Etpuisças’estarrêté.Etpuisçaasonnéetças’estarrêté.Unefillearépondu,elleadit:—Allô?—Allô,Jessica?j’aidit.J’étaisrudementnerveux,monvieux.—C’estGil,del’école.Mais sa voix avait quelque chose, elle était pas normale, on n’aurait pas dit
Jessica,etj’aidéduitqu’ellepleurait.—Oh,Gil,qu’ellem’adit.Monpapaestmort.
16.La pluie dit commeun bruit : chchhh. On peut l’entendre quand elle descend.
C’estDieuquinousditdepasfairedebruit.Après-midideThanksgivingjem’aiagenouillésurlecanapédelasalledeséjour
denotremaisonetj’airegardéparlafenêtrelesGoldbergdelamaisond’enfacequi sortaient de chez eux avec des journaux sur la tête et montaient dans leurvoiture.Ilsétaienttousenhabitdudimanche.Ilsriaient.Mais lemoteurde leurvoiture pleurait, lui, et il en est sorti de la fumée, et j’ai pensé : ils vont à desfunérailles,quisontunefêtemaissanscadeaux.Depuis la salle de séjour je pouvais sentir l’odeur de la cuisine où manman
préparaitledîner.Latabledelasalleàmangeravaitlabellenappeetlesbellesassiettesdubuffetàvaissellequej’aipasledroitdetoucher.Yavaitaussilesbeauxverresetl’argenterieavecdesfleursauboutdumancheetdesserviettesentissupasenpapier,quiavaientl’airdepetitsbébésnappes.Je regardais par la fenêtre dans la rue. La pluie tombait comme des petites
torpilles sur les voitures et faisait des éclaboussures comme un brouillard toutautourdescarrosseries.Elletraçaitdeslignessurlescarreauxcommeunpeintreàlapeinturetransparente.Duboutdudoigtj’aisuivideuxgouttesquidégoulinaientàtoutevitesse.J’aiposémonnezcontrelavitreetj’aifaitdeslunettesdevapeurenrespirant.Etpuisj’aifaitdesempreintesdeMartiens.C’estavecledoigt,onfaitcomme si plein de petits pieds de Martiens avaient laissé des traces sur lescarreaux,enessayantdesortir.Jesuisallédansleplacarddel’entrée.J’aiprismonciréetmesbottesdepluieet
jelesaienfilés.Monciréestjaune,ilestcommeenpeaudebananeàl’extérieur.Iladutissuà
l’intérieuravecdesvoiliersdessus.Ilyaunchapeauaussi,avecjusteuntroupourmafigure.Lesmanchesdemoncirésonttroplongues.Maismamanmanditquejegrandiraidedans.Ellesmependentau-dessusdesmains.Mesbottessontencaoutchoucavecdesdessinscommedespneusdessouspour
quejetombepas.Ellesontunefermetureàboucleàressortquifaitbeaucoupdebruitetquejesaispasbienfermerpasquejesuispetit.Àl’intérieurdemonciréj’avaisquelqu’unavecmoi,ilavaituneculotterougeet
dufoinàlaplacedescheveux.JerrylePantin.Jel’avaisavecmoi.Àl’intérieurduplacarddel’entréeyavaitaussileblousonàmonpapa.Jel’avais
mispourallervoirlepèreNoëletyavaitaussiquelqu’undedans.Dansunepoche.C’étaitCâlinotleSingequej’avaisemmenévoirlePèreNoël.Ilm’aditqueJessicaétaittrèstristemaisqu’ypouvaitpasyallerpasqu’ilétaitdanslapocheàmonpapaentraindepréparerledîner.J’aiouvertlaported’entréeetjesuisparti.La pluie donnait des coups sur mon chapeau de pluie qu’on aurait dit des
tamboursmaismamanmanelleditquelapluiec’estdesféesquidansentsurletoit,etdesfoisjefaisuntrucquandpersonnemeregarde,j’ouvrelafenêtreetjeposeuneserviettesurlereborddelafenêtreetjedis:«Vouspouvezvenir,lesfées,jevaiséteindrelalumière,commeçapersonnevousverra.»
Le trottoir de la rue Lauder est fait de carrés de ciment avec comme duremplissageentre.Letrottoirfaittoutelaruecommeçaetpuisiltourneàgauche.Jel’aisuivi.J’allaisquelquepart.J’aitournédanslarueClaritaetj’airegardélesmaisons.Àl’intérieurjevoyaisdesgensquiregardaientlatélévisionetyenavaitquiavaientmisdesdécorationsà leur fenêtreavecdesguirlandesdemétal toutautouretpuisyavaitunefenêtred’unemaisonoùsqu’ilyavaitunescèneconstruitedansuneboîteàchaussures,commej’enfabriqueàl’écoledesfois.Celle-làavaitdu foin et des chameaux et des moutons et un bébé dedans avec une espèced’éventailenorautourdelatête.(Unefoisj’avaisfaitunescènecommeçadansuneboîte à chaussurespourgagnerdespoints enhistoire. Je voulais avoir8 ou9/10pourquemamanmanellesoyepasdéçue.C’étaitBenjaminFranklin.Jel’avaisdécoupédansuneEncyclopédiehebdomadaireetj’avaisrepliésespiedspourqu’ytiennedebout. J’avaisappelé lascène:«BenjaminFranklinse lève.»J’aiquandmêmeeu5/10seulement.)J’aitournédanslarueMarlowe.Lesarbresyfontd’habitudecommeuntunnel,
ilssetouchentpresque,maislàilsétaientchauves.Onauraitditqu’ilsseserraientlamainpar-dessuslaruemaisqu’yz’arrivaientpasàs’atteindrepasquelepèredeJessicaétaitmort.EtpuisjesuisarrivéàlamaisondeJessica,avecsesvoletsbleus.Jem’aiarrêté
devant.Jesuisrestéàregarder.Laported’entréeétaitouverte.Yavaitunealléequiyconduisait,commecellequenousavonscheznous,etyavaitunRau-dessusdelaportecommeceluiquenousavons.Exactementpareil.Jesuisrestédevantlamaison,surletrottoir,dansmonciré,etj’aiobservé.L’alléeétaitpleinedevoituresquiavaientdesplaquesd’immatriculationoùsqu’y
avaitd’écrit«Michigan,MerveilledesEaux.»Lamaisonde Jessicaavait un lampadaire sur lapelouse, onaurait dit unpetit
réverbère.Onlesvoitjamaiss’allumerlesréverbères.Àunmomentysontallumésetc’esttout.LepetitréverbèredelapelousedelamaisondeJessicaétaitallumé.Jesuisrestéàleregarder.Unchienestvenuprèsdemoi. Ilétaitmouillé. Ilétaitbeige. Ilétait sortides
buissonsdelamaisond’àcôtéetilétaitallésurlapelousedeJessicareniflersesbuissonsetpuisentrerdedanset fairesacrotte.Etpuis ilétaitvenumevoir.Ys’estassisjusteàcôtédemoietilaregardélamaisondeJessica.Onl’aregardéeensemble.Etpuisilestparti.La maison de Jessica a des stores, on aurait dit des paupières et la pluie
dégoulinait dessus et j’ai pensé : sa maison pleure aussi. Mais je suis resté oùj’étais,sansbouger,desfoisqu’elleauraiteubesoindemoi.Laported’entrées’estouverte.Unmonsieuretunedamesontsortis.Ilsavaient
un gros parapluie. Ils avaient des chapeaux. Ils avaient des habits noirs pasquec’était des funérailles. Jeffrey m’a dit qu’on s’habille en noir pour que ce soyesombreetquelapersonnemorteseréveillepas.Lemonsieuretladameontprisl’alléecentrale. Ilsm’ontpresquebousculé. Ils sontmontésdans ladernièredesvoituresgaréesdansl’alléeetilsontdémarré.Etpuisilsontbaissélafenêtreetilsontdit:—Tuasbesoindequelquechose,petit?Onpeutt’aider?
—Non,jenefaisqueregarderunpeu,j’aidit.Jelesairegardéss’éloignerendirectiondeSevenMileRoadoùyavaitbeaucoup
decirculation,onvoyait lavapeurqueprojetaient lesvoituresdans lapluieet lebruit. Je n’ai pas la permission de traverser SevenMile tout seul. Y a trop decirculation.Elleades lignesdepeintesdessusetpasdemaisonsmaisseulementdesmagasins.J’attendaisdevantlamaisondeJessica.Jeregardaisparletroudemonchapeau
depluie.Laported’entréedelamaisond’àcôtés’estouverteetdeuxenfantsensontsortis.C’étaitRogeretJoeyLester, jelesconnaissaisdel’école,cesontdesjumeauxquiseressemblentpas.Ym’ontregardémaisilssavaientpasquec’étaitmoiàcauseduchapeaudepluie.J’airiendit.IlsontdescendularueMarlowe.Jesavaispasqu’ilshabitaient là,maisdes foisShrubs jouaitaveceux. Ildisaitqu’ysontpauvres.Yz’ontpasdejouetsalorsyjouentavecleurschaussettes.LamaisondeJessicaelleaunarbredevant.Unsingeenasautéetilaatterrisur
monépauleetym’aditensingequ’ilyavaitdesindigènesdansSevenMileRoadqui allaient venir tuer Jessica, alors j’ai mis ma main comme ça autour de maboucheetj’ailancélecriettousleséléphantssontvenusetleurontfaitpeuretilssontpartis.Lesingem’aditmercietpuiss’enestallé.Manmanditqu’ypleutquandleBonDieuarrangesonrobinet.Elleditqu’yvoit
toutalorsquej’aiintérêtàêtresage.JeluiaidemandésiDieusaitcommentMilkyleClownfaitsestoursdemagiedanssonémissionàlatélé.(Desfoisjeluifaisunsigne, à Dieu. Ilme voit. C’estmon copain pasqu’une fois j’ai prié pour que lesTigresgagnentunmatchetyz’ontgagné.)J’étaisdevantchezJessica.J’aireniflémonciré,ilsentaituneodeurcommeune
tentequand il pleut. (Je suis allé dansune tenteune fois, àNorthland, auVieuxCampeur, y en avait d’exposées et je suis entré. C’était comme si j’avais dormidehors.Çasentaituneodeur.)Etpuisunecamionnettes’estarrêtéedevantchezJessica.Elleétaitbleue.Elle
disait«Paul—Traiteur»surlecôté,onluiavaitpeintça.Unmonsieurenestsortiil a fait le tour et il a ouvertuneporteà l’arrièreet il ena sorti un trèsgrandplateauavecdeschosesàmangerdessus.Ilamontélesmarchesduperronetilestentré chez Jessica. Je regardais la camionnette. Je pensais : Je peux voler lacamionnette et arracher Jessica aux griffes de ses ennemis et la conduire enFloride,maislemonsieurestrevenu.Ym’avu.—Disdonc,petit,tut’esperdu?Jeluiaipasditderéponse.—Oùesttamanman?Yfautpasrestersouslaflottecommeça.Tuvasattraper
lacrève,petit.—Fautpasdirelacrève,jeluiaidit.Maisym’apasentendu,ilétaitdéjàreparti.J’airegardétouteslesfenêtresdelamaisondeJessica.Jem’aiditquepeut-être
ellemevoyait,peut-êtreelleétaitentraindemeregarder,maisjelavoyaispas,maiselleyétaitpeut-êtrequandmêmepasqu’ellesétaienttoutespleinesdebuée.Etpuisdetoutemanièrejesuisresté.Rogeret JoeyLester sont revenus, ilsportaientunsac, jedéduisqu’ilsétaient
allés fairedescourses. Ilsm’ontdenouveauregardéet je leurai faitcommeçaavec lamain seulement ym’ontpas répondu.Y sont rentrés chez euxet y z’ontrefermélaporte.Leventfaisaitfairecommedescerclesàlapluiedanslarue,surlachaussée,etil
soufflaitdansmonchapeaupendantquejeregardaisparletrou.Unebrancheesttombéed’unarbrederrièremoi.Unécureuilacourudansunarbre.Unevoitureestpassée.Uneporteaclaquéquelquepart,plus loin.Leventa faitpasserunefeuilledejournalprèsdemoi.Unevoixacriéquelquechose.Unavionatraverséleciel.DansSevenMileRoadyabienfailliyavoirunaccident.Ysemettaitàfairenoir.Presquelanuit.JerestaisdevantlamaisondeJessica.Jerestaisàobserver.Unmonsieurestentréchezelleavecdesfleurs.Unevieilledameenestsortie
avec du plastique sur sa tête pour garder ses cheveux secs. Une autre dame aouvertlaported’entréeetm’aregardémaiselleaseulementsecouélatêtecommeçaetelleestrentrée.Etpuisilafaitnoir.J’aivuquelesréverbèresétaientallumésmaisjelesavais
pasvuss’allumer.J’aiprisJerrylePantinet j’aimarchésurlapelousedeJessicajusqu’aupetitréverbèredansl’herbe.Jel’aiposéaupiedduréverbère,etpuisj’aienlevémonchapeaudepluieetjel’aimisau-dessusdeluicommeunepetitetentepourJerrylePantin.J’airegardéencoreunefoissamaisonetpuis jesuispartichezmoi, ilpleuvait
encoreetj’avaisplusmonchapeaudepluiemaisjem’enfichais.Jepensaisàautrechosepeut-êtrebien.J’avaismonciré.Lesmanchesmependaientsurlesmains.Quandjesuisarrivécheznous,mamanmanétaittrèsencolère.—Qui t’apermisdesortird’ici,hein?Tuparssansdemander lapermissionà
personne,maintenant!Tunousafaitfaireunsangd’encre.Etledînerestfroid,ont’aattendu,tuasvul’heure?Etd’ailleursoùétais-tu?J’aienlevémonciréetjel’aipendubienproprementdansleplacarddel’entrée.
J’aienlevémesbottesdepluie.(Meschaussuressontrestéescoincéesàl’intérieurcommetoujoursetj’aidûlesenretirerséparément.)J’airangémesbottes.Yavaitpleindemondedansmamaison.Yavaitdubruitetdelafuméedecigare
demesoncles.J’ai monté l’escalier pour aller dans ma chambre. J’ai fermé la porte. Je m’ai
allongésurmonlit.J’airegardéparlafenêtre.Jem’ailevé.Jem’aiassissurl’autrelit.Jem’aiencorelevé.J’aiétém’asseoirà
monbureau.Jem’aiencorelevé.J’aiétéjusqu’àmonplacard.J’aiouvertlaporte.Jesuisentrédansmonplacardetj’airefermélaporte.
17.LelundimatinaprèslesvacancesdeThanksgiving, jem’airéveilléettoutétait
différent. Dehors il pleuvait des cornes, j’ai regardé l’averse et j’ai pensé :Maintenant plus rien n’est pareil. J’ai regardéma lampe avec des cow-boys surl’abat-jour.Undescow-boysjouaitdel’harmonica.Mamanmanestvenuedansmachambrependantquejemettaismonpantalonet
elleavumonzizietj’aihurlé.Elleadit:—MonDieu,jesuistamère,toutdemême!Etj’aiditnon(pasquejecroisquejesuisadopté).Maiselleafaitlepetitdéjeunercommetoujoursetelleafaitbeaucoupdebruit
enavalantcommetoujoursetpuisShrubsestpassémeprendreetpendantquejemettaismonmanteauilestalléausalonet ilavolédesbonbonsdans letrucenverre.C’étaitcommesij’étaispasalléàl’écoledepuistrèslongtemps.Enroutejem’ai
dit que Jessica ne serait pas là mais que je serais dans sa classe pasqu’ellecommenceavecMlleIrisetqueMlleIrism’avaitjustementdemandédeluifaireunnouveau tableau d’affichage de Noël. Mais Jessica serait absente pasqu’on a ledroit quand quelqu’unmeurt. (Une fois j’ai été absent. La sœur de Sophie étaitmorteet jesuisalléàl’enterrement,c’étaitunepetiteégliseàl’autreboutdelavilleavecrienquedesnègresdecouleurdedanssaufnous.ManmanadûcourirdevantpourprendreSophiedanssesbras,tellementellepleurait.)—T’enveuxàl’orangeouauraisin?ademandéShrubs.Ym’amontrédesbonbonsmaisilarrivaitpasàretirerlepapieràcausedeses
gantsdehockey.Illesportetoujours.C’estdesgéants.Ilsontdesplaquesduhautjusqu’enbaset lesdoigtssontvraimentgros, tupeuxenmettredeuxdansunetfairecommesit’avaisperduundoigt.J’enaiprisunauraisin,c’étaitunegrenade.(Moimesgantsjelesaiperdus.Jelesperdstoujours.Jesaispasoùilspassent.
Manmandit:«Ilsnes’envonttoutdemêmepastoutseuls»,etmoijedis:«Si,ilsprennent la voiture et ils partent enFloridepasser l’hiver commeOncleLess etTataFran.»Ellerépond:«Arrêtedediren’importequoi.»Ellem’amêmeachetédestrucsquisepincentsurtavestepourqu’onperdepassesgants.J’aiperdumaveste.Mamanmanditquejeperdraismatêtesielleétaitpasbienattachéeàmesépaulesmais je dis que je la retrouverais facilement pasque je la connais bien.Remarque,danslesglacesonsevoitàl’envers,enfinlagaucheàdroiteetladroiteàgauche.)Je suis allé tout droit dans la salle de Mlle Iris pour lui faire son tableau
d’affichage.Jem’aiassisdanslefond.Jedevaismêmepasécouter.J’avaisundesnouveauxpupitres,yz’ontduplastiquedurdessuscommeunecuisine. J’aime lesnouveauxpupitres, ils sont bien lisses et on a pas besoin de sous-main pour pasfairedemarquesursonpapier.Pourletableaud’affichagej’avaisledroitdemeservirdevraiecolleliquide,pas
decolleblanche,etdeciseauxpointusquipourraientcreverunœil.J’aicommencéparlabarbe.Jelafaisaisavecducotondel’infirmerie.Maisj’aifaitcoulerdelacolle partout sur le pupitre et surmoi et le coton a collé partout. Jem’aimis à
éternuerettoutlemondem’aregardé.Ladeuxièmeclocheàsonné,celledesretardataires.Etalorsilestarrivéquelque
chose.Jessicaestentrée.Elleétaithabilléeendimancheavecunerobe,desbasdelainequimontaientau
genouetdeschaussuresbrillantesavecdes fenêtres sur ledessus.Elleétait enretardmaisMlleIrisafaitcommeçad’allers’asseoiravecsatêteetçaveutdirequec’estpardonné.Enallants’asseoir, Jessicam’aregardé. J’avaisducotonsurmoipartout.—Mes enfants, aujourd’hui nous allons faire un exercice de narration un peu
spécial,aditMlleIris.OnvaraconteràtourderôlelesvacancesdeThanksgiving.Çavaêtrefabuleux!(Jem’aisentidrôlepasquej’étaispasdansmaclasseetpasqueJessicaétaitlàet
pasquej’étaiscouvertdecotonetpasqueMlleIrisavaitditfabuleuxquejel’avaisjamaisentendudireavant.)—AndyDebbs,tuveuxbiencommencer?(J’aiattaquélenez.Jevoulaisqu’ilsoyetoutrondcommeuneboule.J’aifaitun
cerclemaisilétaitpasrond,alorsjel’aicorrigémaisill’étaittoujourspas,alorsjel’ai de nouveau corrigé et il est devenu si petit que je l’ai jeté, c’est dur dedécouper.J’aiessayéd’entracerunautresurdupapierd’emballage,maisilétaitpasrond.Etpuisj’arrivaispasàenfaireuneboule.Jel’aichiffonné.Etj’aicassémon crayon d’un coup de karaté. Andy Debbs était en train de parler de sonThanksgiving.)— D’abord on est allé à la chapelle pour dire nos prières avec les sœurs et
remercierleBonDieudenousavoirfaitvivreenbonnesantéd’unThanksgivingàl’autre.Mais PeterWoods a pas voulu venir pasqu’y s’était cassé la patte deuxsemainesavantsurunebalançoireetqu’ilavaitpasenviederemercier.«Ilpleuvait,alorsaprèslesprièresonestallédanslagrandesalleoùyavaitdes
arbresdeNoëlqu’ondevaitdécorer.Seulementlesgrandsdevaientsurveillerlespetitsetc’étaitpastrèsdrôlepasqu’yz’enontprofitépourfairequ’ànousembêter.Deuxmagasinsnousavaientdonnéunarbrecetteannée.LaquincaillerieBrickmanetlegarageTorch.Ons’estservidesmêmesdécorationsquel’anderniermaisyenavait de cassées. Les sœurs nous ontmême aidés. Le pèreBirney lui-même estdescendu,c’étaitunhonneur.«EtpuisonaeuledînerdeThanksgiving.C’étaitunefêtepasqu’yz’avaientmis
desnappessur les tablesduréfectoire.Onaeude ladindeetde la farceetdudessert.Onpouvaitseresservirenplus.«Etpuisonestretournédanslagrandesalleetonajouéàdesjeux.Etpuisona
ditquelquesprièresetlepèreBirneynousaparlédelachancequ’onavaitd’avoirla grâce de Dieu sur nous qui nous donnait des sœurs aussimerveilleuses pours’occuperdenousetaussiqu’ilavaittellementpleuréd’avoirpasdesoulierstantqu’ilavaitpasrencontrécepetitgarçonquin’avaitpasdepiedsetpuisonestalléau lit et j’ai réussi à pasme brosser les dents pasque c’estmoi qu’ai rangé lesjouets.(J’avais enfin réussi. J’avais tracé trois petits cercles sur du carton avec des
piècesdemonnaieetpuisjelesavaiscollésl’unsurl’autreçaavaitl’aird’unnez.
Alorsjel’avaiscolléenplace.Ilavaitglissémaisj’avaisdécidédelelaisserquandmême.)MlleIrisaappeléRuthArnold.Ellesouriaitcontentcontentcommeune idiote.
Elle s’estmise àparlermaispersonne l’entendait.C’est la plusmochepersonned’Amérique,jetejure.Quandelleestnée,sesparentsontdit«queltrésor!»etalorsilsl’ontenterrée.Elleesttellementmochequ’ellefaittomberlesfeuillesdesarbresetquandelleestdefaceelleal’airdedos(toutçac’estdesblaguespourdirequ’elleestmoche).EugèneLarsonacrié:«Eh,fautmonterleson,leboutondedroite!»EtMlleIrisaditàRuthd’attendrequelaclassesoitcalmée.—PourlesvacancesdeThanksgiving,aditRuthArnold,onestalléàPhiladelphie,
enPennsylvanie,chezmatanteGreta.ÀPhiladelphieontrouveplusd’unmonumentetplusd’unsitehistoriques.Elleamislamaindanssapocheetelleaprisunmorceaudepapieretelles’est
miseàlire.—IlyalemajestueuxIndependenceHalloùnosaïeuxontsignélaDéclaration
d’Indépendanceen1776.EugèneLarsons’estmisàtousser.Ilesttombédesonpupitreets’estmisàse
rouler par terre comme s’il allait mourir, et tout le monde s’est mis à rire etMlleIrisestvenuel’attraperaucolbacketellel’aflanquéàlaporte.RuthArnoldavaitmêmepasarrêtédeparler.Detoutemanièreonl’entendaitpas.Jessicas’estretournéeetm’aregardé.Jel’aivue.J’aibaissélesyeuxetj’aifait
semblantdefairelenez.Mlle Iris est revenue et elle a claqué la porte et dit de croiser les bras et de
baisserlatêtejusqu’àcequ’onsoyetouscalmés.RuthArnoldlisaittoujourssursonmorceaudepapier.—ÇasuffitRuth,assieds-toi,qu’elleaditMlleIris.Allez!Lesbrascroiséstoutle
monde,ettoutdesuite!Moijesavaispasquoifaire.Jesavaispassijedevaisaussi.J’ailevélamainpour
demandermaislamaîtressem’apasvu.Alorsjem’ailevépouralleràsonbureaumaisjem’aiarrêtéàmi-cheminetretournéetj’aivuqueJessicameregardaitavecdesgrandsyeuxetjesuisrestélà.—Gil,qu’est-cequetufabriques?Peux-tujetepriemedirecequetupeuxbien
fabriquer?aditMlleIris.J’aiétéjusqu’àsonbureau.—Est-cequejedoiscroiserlesbrasmoiaussi,mademoiselle?—Non,pastoi.J’airetournéàmonpupitreetjem’aiattaquéàlabouche.—Trèsbien,aditMlleIris.Sivousvoussentezcapablesdevoustenirtranquilles
etdevoustaire,nousallonspouvoirrecommencer.Sinonceseratoutel’heurelesbrascroisésensilence.C’estcompris?Toi,Ruth,assieds-toi,tuasassezparlé.Alors Jessicaa levé lamain.Mlle Iris l’a vuemais elle a riendit. Jessica s’est
quandmême levée et elle est allée semettre à côté du bureau de lamaîtressedevantlaclasse.Elle souriait. J’ai cru qu’elle allait se mettre à chanter. Elle a lissé sa robe,
arrangé ses cheveux en arrière et elle s’est tenuebiendroite.Et puis elle s’est
miseàparlernitropfortnitropdoucement.Justecommeilfallait.—LematindeThanksgiving,jemesuisréveilléetrèstôtetj’aieuunesurpriseen
regardantparlafenêtre.J’aidécouvertquejevoyaisjusqu’auMontana.Etj’aivumonchevalBlacky,quicourait,lacrinièreauventavecdelapoussièreautourdesessabots.Ilcouraitversmoi.« Jeme suishabilléeet je suis sortie.Personnen’était encore levéet le soleil
brillaitcommeenété.Jen’avaispasbesoindemecouvrir.Jesuissortiesurnotreperron,oùnousavonsdesfleursmêmeenhiveretyavaitungarçonsurletrottoirenciré.J’aidit:«Pourquoituastonciré,petit?Ilnepleutpas.»Etilm’adonnéunpantin.Etalorsonestallésepromener.«Onestalléjusqu’àuntrèsgrandtrottoiretonaglissésuruntobogganjusqu’à
unendroitoùyavaitbeaucoupdejouets.Ilyavaitdespoupées,desmaquettesetaussidespantinsdechiffon.Puisonestallédansunendroitoùyavaitdesmanègesetonafaitdestours.Onétaitlesseuls.Puisonestalléenbateau.«Onatrouvéunevoiture,ilyavaitlesclésdessusetonestpartipourlaFloride
pendant trois heures.Quand on est revenudeFloride, on amonté unepièce dethéâtresurlespoliciers.Etpuisonaététrèsfatiguéalorsonestrentréchezmoidansmamaisonet làona faitdes toursdemagie jusqu’àcequ’ons’endormeetquandons’estréveillé,onétaitdesgrands.Personnedisaitrien.Jelaregardaisavecmesyeux.Detousmesyeuxjelaregardais.Jepouvaispas
pasregarder.Ellefixaitlefonddelaclasseoùyavaituntableaud’affichageavecdesdindesdessusque j’avais fait.Etsousmonventre j’aisentiquelqu’unquimetordaitcommeunavionavecunmoteuràélastique,deplusenplusserré.Serré.Personneamêmebougé.MlleIrisbougeaitpas.Maismoitoutseuljem’ailevéet
jesuisalléprèsdubureaudevantlaclasse.J’airegardéJessica.Ellem’aregardéetelles’esttournéeverslaporte.Ellel’aouverte.Elleestsortieetjel’aisuivie.
18.Jessicaest sortiepar laportede la rueMarlowe, sous lenezdes surveillants.
J’avais du mal à la suivre. Elle a traversé Curtis en courant et a commencé àdescendrelarueMarlowe,marchanttrèsviteverssamaison.Ilfaisaittrèsfroiddehorsmaisj’aimislongtempsàm’apercevoirqu’onn’étaitpascouvertdutout.Ilpleuvaittoujourstrèsfort.Devantmoi,jel’aivusurlatêtedeJessicaoùlesgouttesexplosaientetfaisaientcommedesdiamants.La rue était vide. Y n’y avait pas de patrouilleurs de sûreté pasqu’ils étaient
encoretousàl’école.(Quandilsenlèventleursceinturescroiséesilsredeviennentdes vrais enfantsd’un seul coup.Une fois j’ai rencontré l’affreuxpatrouilleurducarrefourLauder-North-landavecsamèreetellel’engueulaitpasqu’ilmettait lesdoigtsdanssonnez.C’étaitcommesiçaavaitmêmepasétélui.)JessicaatournéaucoindelarueMargarita.Tiens,elleallaitdoncpaschezelle,
finalement.Jel’aidéduit.—Ondevrait retourner, j’aicriédanssondos.Onn’estpascouvertetc’est la
saisondelagrippealorsonferaitmieux…Maiselleacontinuédemarcherdeplusenplusvite,deplusenplusvite,comme
sielleétaitpresséed’arriverquelquepart.Jesavaispasoù.Puisj’aipenséquelquechose. Qu’elle essayait de s’éloigner de moi, pasqu’elle m’avait jamais demandéd’alleravecelle.Alorsjem’aiarrêtésurletrottoiretj’aimismesbrasautourdemoipasqu’yfaisaittellementfroidetjel’aivuedevenirdeplusenpluspetitedanslarue.Maiselles’estarrêtée.Elles’estretournéeetelleacrié:—Viensvite!Ongèle!J’ai couru.Mais j’ai trébuché et jem’ai égratigné lementon et c’était vexant,
j’avaishontepasqu’ellem’avaitvu.—Ilnousfautdesmanteaux,elleadit.—Tul’asdit,j’aidit.Etpuis je l’aivu.L’officierderépressiondel’écolebuissonnière.Ils’appuyaità
uneauto, lechapeaurabattusur lesyeux,occupéàécriresuruncalepin,àcentmètresdechezmoi.C’étaitlenomdetouslesenfantsquisèchentl’école.Etyavaitlenôtre.Ilnousattendaitprèsdechezmoipournousattraper.J’aiprislebrasdeJessica.—C’estlarépressiondel’écolebuissonnière,Jessica.Yvanousattraperetnous
envoyerenmaisondecorrection.Qu’est-cequ’onvafaire?Jessical’aregardé.—Gil,ilrelèvelescompteursd’eau.—Oh.Onestrepartiversmamaison.ElCommandanteétaitvenuàl’écoleetilavaitficeléMlleMessengellerdansle
bureau jusqu’à ce qu’elle lui dise où on rangeait l’argent de la cantine. Et puisj’étais arrivé dans le bureau pasque j’avais fait la grande scène du II pendantl’instructionciviqueetjel’avaisvuetjeluiavaisfiléunboncoupdepoingmaislesautres soldats qu’étaient avec Commandante m’avaient capturé mais je m’étais
échappéenfaisantleventriloqueetj’avaistuéElCommandanteavecmonépéeetalors on m’avait mis à la porte pour mauvaise conduite, indigne d’un bon petitcitoyen.Jessicam’aidait.Voilà ce que j’allais dire à ma mère quand elle me demanderait ce que je
fabriquaisàlamaison.—Nedisrienàmamère,j’aiditàJessica.Elleestsourdealorsellet’entendpas.
Yfautluiparlerparsignes.Maisyavaitpersonneàlamaison.J’aidûmelaisserglisserdanslacaveparle
tobogganàcharbonetrevenirouvrirlaporte.Jelefaissouvent.Ilfauts’aplatir.Jesuisfortpourm’aplatir.Unjourmonpapaym’ademandépourquoijemeglissaispasdansuneenveloppeetquejem’envoyaispasenAlaska.Maisj’aiditquej’avaispasassezdetimbres(c’étaitvrai).J’ai traversé la cuisine et je suis allédans l’entréedederrière et j’ai ouvert à
Jessica.Elletremblait.Elledisaitrien,deboutaumilieudel’entréedederrière,etelle tremblait des pieds à la tête. Alors tout d’un coup je m’ai dit qu’elle allaitmourir et j’ai couru dans ma chambre chercher Pougnougnou. Je l’ai mis surJessica,ilétaittoutcontent.Alors jesuisalléauplacardde l’entréededevant.Toutrestait trèscoidans la
maison,onentendaitlapenduletiquerdanslasalledeséjouretjem’aimisàavoirunpeupeurpasquej’auraispasdûêtrelààcemoment-là.J’aiouvertleplacarddel’entréeet j’aipris leblousonquem’avaitdonnémonpapa, celuique j’avaismispouralleràlaRotondeFord,etj’aivuqu’unepocheétaitgonflée.C’étaitCâlinotleSinge quimangeait son déjeuner. J’ai aussi pris lemanteau àmamanman, celuiqu’ellemetpourfairesescommissions.Jelesaiemportésdansl’entréedederrièreet j’aimis lemanteau demamanman sur Jessica par-dessus Pougnougnou et leblouson à mon papa sur moi. Les manches me pendaient par-dessus les mains.CâlinotleSingechantait.Vite Jessica a arrêté de trembler. Elle tenait Pougnougnou sous lemanteau. Il
aimaitça.Je lui ai dit qu’il fallait qu’on s’en aille sinon on n’allait pas tarder à avoir des
ennuisquandmamanmanrentrerait.Onestparti.Ons’estmisenrouteversSevenMileRoad,dansladirectionopposéeàl’école.
(Jepensaisquejeretourneraisjamaisàl’école.J’avaisraison.)OnestpassédevantlemaisondeShrubs,aucoin,prèsdulave-voitures.Yavait
pas de voiture dedans, pasque c’était un temps peu clément, mais y avait deuxmonsieursdecouleurdevant,assissurunbanc,àmangerdeschips.Ilsavaientdestabliersnoirsencaoutchouc.Undesdeuxjel’avaisdéjàvu,ilesttoujourslà,ilal’airméchantpasquesonnezdescendunpeucommeça,maisunefoisShrubsm’aditqu’ilétaitenfermédehorsdechezluiilétaitalléaulave-voituresetlemonsieurl’avaitlaisséattendreàl’intérieuretluiavaitdonnédespommesdeterrechipsetluiavaitmêmepasdemandédel’aideràlaverlesvoitures.OnatournéparlàdansSevenMile.Àgauche.Parlàc’estàgauche,paricic’est
àdroite,parlàc’estenhaut,paricic’estenbas.Situteperds,tudoisdemanderàunagentdepoliceetsitunepeuxpastebrosserlesdentsaprèschaquerepas,tu
peux au moins te rincer soigneusement la bouche. Je suis une mine derenseignements.C’estmonpapaquiledit.Desfoisyditaussiquejesuismonsieur-je-sais-tout.EtpuisonestarrivéchezMaxwell.ChezMaxwell,yadeuxdamesquitravaillent
là.Uneestpetiteetjeuneetbruneetgentilleaveclesenfants.L’autreestvieille,ellealescheveuxgrisetelleesttrèsméchanteetJeffreyl’appellelavieilletaupe.Elleamêmeseslunettesauboutd’unechaîneautourducoupourqu’ellespuissentpass’enaller.ElleétaitseulechezMaxwellcejour-là.ChezMaxwellçasentunarômecommeleschaussuresneuves.C’estlesjouets(y
z’onttousdeschaussuresneuves).Jessicaestalléeaurayonpoupéespasquec’estune fille et moi au rayon cow-boys. Ils sont sur une étagère, tout seuls, tousensemble, très haut pour que les enfants puissent pas les toucher… Ils sont encouleur, tous. Y en a que j’ai, même Zorro, mais je les regarde quand mêmetoujourschezMaxwellpasqu’yz’ontdesrevolversetdeschapeauxquis’enlèventetquej’aiperduceuxdesmiens.Y en avait un nouveau sur l’étagère, je l’ai reconnu tout de suite, Hopalong
Cassidy.Jenel’aimepaspasqu’ilesttropvieuxpourêtrecow-boy,ilalescheveuxblancs commeGrand-Papa. Je trouve qu’il devrait prendre sa retraite à BormanHall,oùvitGrand-Papa.C’estcommeuneespèced’hôpitaloùonresteenattendantdemourirmaistoutestkascher.Maisj’aimebienlecostumedeHopalongCassidy,il est noir avec comme des clous dedans. Jeffrey a eu une bicyclette HopalongCassidypoursonanniversaire.Elleétaitnoireaveccommedesclousdedans.Lavieilletaupes’estamenéedoucementdoucementderrièremoietelleadit:—Jepeuxfairequelquechosepourtoimonpetit?J’aifaitunbonddemillemètres.Etpuisj’aidit:—Jecherchedesjouetspourmesenfants.J’aideuxfils,GiletDonDiego.Cesont
de merveilleux petits garçons. Si vous saviez ! Ils ont gagné le concoursd’orthographe.La vieille taupeportait lemêmeparfumqueMmeMarston, lamaîtressede la
maternellequ’onpouvaitrenifleràunkilomètre,çasentcommeunetarte.Je suis allé jusqu’au rayon baseball. «Mmm, jolis gants », j’ai dit. Et puis un
monsieurestentréchezMaxwelletlavieilletaupeestalléeletrouver.C’étaitlefonctionnairedelarépressiondel’écolebuissonnièreetj’aiplongésous
leprésentoirdesbattes.—Vousallezdevoirfaireletour,ilnefautpasmesalirleplancher,lafemmede
ménagevientdecirer,disaitlavieilletaupeaufonctionnairedelarépression.Ilestressortipar laportededevantpourrevenirpar-derrière. Ilapportait les
cagesdanslesquellesilallaitnouscapturer.J’aisaisiunebatte.Lavieilletaupeestrevenueaurayonbaseball.Ellemecherchaitmaisjen’yétais
plus. J’étais derrière le comptoir desmaquettes de balsa. J’étais assis par terreavecmabatte. Jenepouvaispas les laissernousprendre. Jenepouvaispas leslaisserprendreJessica.J’aisentilavieilletaupe.J’aiserrémabatte.Elleestvenuetoutprèsdemoiet
elles’estarrêtée.Toutrestaitcoi.
Alorsj’aibondisurmespiedsencriant:—C’estunpiège,c’estunpiège!Etjefaisaistournoyerlabatteau-dessusdematête.—Vousnousaurezpasvivants,j’aiencorehurlé.Lefonctionnairedelarépressionestentréparlaportedederrièreetjemesuis
précipitécontreluienvociférant«You,you,you!»etjesuissortiencourantparlaporte de derrière. Je l’avais dépassé sansm’arrêter. Jeme suis retrouvé sur letrottoirderrièrechezMaxwell,jesautaissurplaceenagitantmabatte.Etpuislefonctionnairedelarépressiondel’écolebuissonnièreaposéquelques
boîtesdanslemagasin,ilestremontédanssacamionnetteetilestparti.J’ai arrêté de sauter d’un air féroce. J’étais tout seul sur le trottoir et il était
parti.Jesuisrentrédanslemagasin.—Celle-ciesttroplégère,j’aidit.Jevaisenchoisiruneautre.Je suis allé au rayon des animaux empaillés. Jessica regardait toujours les
poupées. Chez Maxwell, y z’ont beaucoup d’animaux empaillés qui servent demodèlepourenchoisirun.Moij’avaisungrandpanda,c’étaitmonpréféréaprèsCâlinot leSinge,mais il s’estnoyéquandnotrecaveaété inondée.MonpréféréchezMaxwell, c’est le kangourou, pasqu’il a unpetit dans sapoche, qui peut ensortir et qu’on a les deux pour le prix d’un. Ils avaient aussi unmorse avec sesdents.— Jepenseque je vais peut-être acheterunde ces kangourous-là, j’ai dit à la
vieille taupe, mais je veux continuer à regarder parce qu’entre nous c’est unscandale,non?Ellem’asuivipasàpasàtraverstoutMaxwell.Lesmanchesdublousondemon
papaarrêtaientpasd’accrocherdestrucsdanslesrayonsetdelesrenverser.— Jeune homme, a fini par dire la vieille taupe, à moins que vous n’ayez de
l’argent pour acheter quelque chose, je vais être obligée de vous demander desortir.C’estinterditauxenfantsnonaccompagnés,ici.Maisj’étaisaccompagnépuisqueJessicaétaitlà.Jem’aimisencolèrecontrela
vieilletaupe,et j’allaispresquecrieretpleurerquandJessicas’estmiseàparlerdepuislerayondespoupées.—Mais cen’estpas la vraieBécassine, ça !Lavraiea les yeuxenboutonde
bottine, pas en matière plastique ! Vous n’auriez pas une vraie Bécassine,madame?—Jeregrette,mademoiselle,c’estunevraieBécassine,aditlavieilletaupe.Et
maintenantvotrepetitfrèreetvous,ilfautquevouspartiez.—Non,jesuisdésolée,aditJessica.Cen’estpaslavraie.Lavraie,c’estmoiqui
l’avais,etelleestmorte.Elleestmorteenmêmetempsquemonpapa,àl’hôpital,laveilledeThanksgiving.Pendantuneminute,lavieilletaupen’aplussuquoifaire,elleregardaitJessica
avecdegrandsyeuxentripotantses lunettes.Etpuiselleadit :«Aurevoir lesenfants»,etellenousaprischacunparunemainetellenousatirésverslaporte.Jessicas’estdégagée.—Voussavez,madame,ilsetrouvequ’aujourd’hui,dansnotrereligion,c’estun
jour de fête etmon frère etmoi nous étions venus ici pour acheter des jouets,
commeonlefaitlejourdecettefête.Ilestplussaintdedonnerquederecevoir,voussavez.Etmaintenant,nousnesommespasenmesuredenousacquitterparcequevousnevoulezpasquenous restions ici. Jepensequec’estbien tristepourvous,madame.Bientriste.Adieu,madame.EtelleestsortiedechezMaxwelltouteseule,latêtehaute.—Vousferiezbiendeprier,j’aiditavantdesuivreJessica.Ona remontéSevenMileensembleet Jessican’aplus riendit.Maiselleétait
fortepourlesfarces,çasevoyait.— Les rues ont des couleurs différentes, Jessica, j’ai dit. SevenMile Road est
noire avec des raies blanches, la rue Lauder est grise et la rueMarlowe a despavés.Jetrouveçatrèsintéressant.Etpuisj’aivuunmonsieurquimarchaitdevantnousdansSevenMileRoad.Plusil
s’éloignait, plus il avait l’air de rapetisser.Ona appris ça en sciencesnat.C’estpasquelaterreestronde.Jel’aiditàJessica.—Oui,elleadit.Maissic’étaitpasvrai?Ceseraitcommepourlessirènesde
l’alerteaériennedesamedi.Uneépreuve.Peut-êtrequecemonsieurestvraimententraindedevenirpluspetit.(Parfoisjefaisunrêvelanuit.Jerêvequejemarcheavecdesgrandespersonnes
dansune rueoù jenesuisencore jamaisalléavant.Toutd’uncoup, lesgrandespersonnessemettentàallerplusvite.J’aidumalàmarcheraussivitepasquejesuispetitmaislesgrandsvontdeplusenplusvite.Jenecourspaspasqueçamegênerait de courir quand tous les autresmarchent.Mais alors ils s’éloignent demoi,deplusenplus,deviennentdeplusenpluspetitsetjeresteenarrière.Jecrie:«Attendez-moi!»Maisym’attendentpas.Ilsdeviennentdeplusenpluspetits,deplusenpluspetits,etpuisilsdisparaissent.Etjeresteseul.)Juste à ce moment-là, Jessica s’est mise à courir mais elle a trébuché sur le
rebord du trottoir et elle est tombée sur la chaussée. Je m’ai mis vraiment encolèrepasqu’ilfautjamaiscourirpourtraverserlarue.C’estpasçalesrèglesdesécurité.Jel’aiattrapéeparlebras,jel’aiemmenéejusqu’autrottoird’enfaceetje l’ai secouée. Des fois ma manman dit qu’elle se met en colère après moipasqu’ellem’aimeetjel’avaisjamaiscomprisavant.—Yfautrespecterlesrèglesdesécurité,Jessica,jeluiaidit,commenousaditle
brigadierWilliamsàl’assembléegénérale.(Lesrèglesdesécuritéçameconnaît.Rougepourstop.Vertpourallez-y.Orange
pourattention.Etjaune?Jenesaispas.)Jessica amis un doigt dans sa bouche et un pied sur l’autre commeune toute
petite fille.Ellem’aregardéavecsesyeuxquisontdesgéants.Ellesebalançaitd’avantenarrièreetelle faisaitbougerses lèvrescommeça,ensemble.Ellemefixait.—Tuveuxmaphoto?j’aidit.Ellem’atirélalangueetseslèvressontdevenuesbrillantes.—Siyauncoupdeventturesterascommeçatoutetavie!j’aidit.Elleafaitunegrimace.Elleavaitl’airqu’elleallaitsemettreàpleurer.Etpuis
elle a retiré son doigt de sa bouche, elle a tendu la main vers moi et elle m’atouché.
—Chat!ah,ah,jet’aieu,qu’elleacriéetelleestpartieencourant.Jel’airattrapéeetjel’aisecouéeunboncoup.—Temoquepasdemoi,Jessica,j’aidit.J’aihorreurdeça.Alors elle a remis son doigt dans sa bouche et elle a eu l’air qu’elle allait se
mettreàpleurer.Jepouvaispasdiresiellejouaitlacomédieoupas.AvecJessica,jepouvaispasdire.Jelaregardaissimplement,commeça,sanssavoir,dansSevenMileRoad,aveclesvoituresquipassaientettoutlebruitdelacirculationautourdenous.J’aientenduunautrebruitquivenaitdansmondos.Jem’airetournéetj’aivuun
petit garçon sur son vélo, il avait mis des cartes dans les rayons et ça faisaitbeaucoupdebruit.Yconduisaitimprudemment,monvieux.Ilallaitsivitequ’ilestdescendudutrottoirsurlachausséeetafaillisefairerenverserpardesvoituresavantderemontersurletrottoir.Ilavaitdessandalesrouges.Ilestpassédevantnous et je l’ai regardé s’éloigner, avec ses sandales rouges qui tournaient, quitournaientautourdupédalier.LoindansSevenMile,ilacabrésonvélosurlarouearrière,faitunquartdetouràgauche,etpuisiladisparu.Jessicaetmoionaétéjusqu’augrandcarrefouroùGreenfieldRoadcroiseSeven
Mile,c’étaitvraimenttrèsbruyantetyavaitdestasdevoituresquiallaienttrèsvite.—Ontraverse,aditJessica.Ellesouriait,maintenant.J’airépondu:—Non. On a pas le droit sans une grande personne.Mamanmanm’a dit de
jamaistraverserSevenMileRoadsinonjemeferaiécraser.—Onn’aqu’àtraverserquandmême,aditJessica.Elleacommencéàtraverser.Lesvoituresarrivaient,jeluiaicouruaprèsetje
l’aitiréeenarrièredenouveausurletrottoir.Jetremblais.Jel’ailâchéeetj’aimisles mains dans mes poches. Elle m’a simplement regardé. Et puis elle s’estéloignée.—Jessica!j’aidit.Mais elle s’éloignait, alors jem’ai dit, elle s’en va, elle est fâchée contremoi
pasquej’aipastraverséSevenMileRoadetquejesuisundégonflé.Alors j’ai fait quelque chose. Je suis descendu du trottoir et je m’ai mis à
traverser.Lesvoituresontécraséleursfreinsetquelqu’unaouvertsavitrepourm’engueuler mais j’ai continué d’avancer, et puis j’ai fermé les yeux tellementj’avaispeurmaisj’aicontinuédetraverserjusqu’àcequejesoyedel’autrecôtédeSevenMile Road. Seulement quand j’ai regardé, Jessica ne s’en étaitmême pasaperçue.Elleparlaitavecunmonsieurdevantlecoiffeur.Etpuiselleluiadonnélamainet il l’a fait traverserSevenMileRoadetpuis lui ilest retournéde l’autrecôté.Jessicaestvenueprèsdemoi.—Ynefautpastraversertoutseul,Gil,ellem’adit.J’aieutrèspeurpourtoi.Moijesuisparti.Jepleuraispresqueetpuisellem’acouruaprèsmaisjem’aipas
retournépasquejepleuraispresque.—Pardon,Gil,ellem’adit.Jefaisaispasçapourtefairetraverser.J’aipasparlépendantquelquesminutesetpuisjeluiaiditd’accord,queçaallait
etonacontinuéàsepromenerdansSevenMileRoadmais je la regardaiset je
savaispascequ’ellevoulaitquandelledisaitleschoses.OnestarrivéauPaysdesPetits.C’estunendroitprèsdumagasinoùonvenddes
culottesdedame(onlesmontreenvitrineetçamefaithonte),unendroitoùyadesmanègesetdesattractions.Maisc’étaitfermépourl’hiver.Seulementyavaitun monsieur qu’était en train de défaire des fils électriques. Il démontait lesmanèges. Il était sale, avec une chemise à carreaux et une barbe de pas s’êtrerasé.Jessica s’est arrêtée et s’est appuyée à la clôture du Pays des Petits pour
regardercequefaisaitlemonsieur.Ilnousavus.Ilacommencéàmarcherversnousetmoijem’aimisàcourirmais
Jessicaestrestéeappuyéecontrelaclôture.—Ehbenlesmômes,vousdevriezpasêtreàl’école?aditlemonsieur.J’aivuqu’ilavaitdunoirsoussesongles.—C’estdesvacancesspéciales,elleaditJessica.Pournous.Rienquepourdeux
élèves.Nousdeux.Lemonsieurasouri.—Ahoui,iladit.C’estdesvacancesquejeconnaisbien,ça,jem’ensuispayépas
mal,moi,decesvacancesspéciales.Jessica luiasouriaussimaismoi jevoulaism’enaller, ilnefautpasparleraux
inconnus.—Ça vous dirait les gamins un petit tour de bateau, avant que je démonte la
rivièreenchantée,hein?—Non,j’aidit.—Oui,aditJessica.J’aifaitnonaveclatêtemaiselleaposésamainsurmoietellem’aregardé.J’ai
dit:—Jessica,c’estpasbien.LePaysdesPetitsestfermé.Maiselleasouri,ellem’atirécommeça,etonyestallé.Lemonsieurdéfaisaitd’autresfilsélectriques.Ym’aprisdanssesbrasetym’a
déposédansunbateau,puisilasoulevéJessicaetill’amisedansunautrebateau.—Ouais,profitez-en,demain,yauraplusrien.FinilePaysdesPetits.N-Inic’est
fini.PlusdePaysdesPetitspourvousdeux,àpartirdedemain.—Plusjamais?elleademandéJessica.Lemonsieuraseulementsouri.Ilatiréunbâtonetlesbateauxontcommencéà
tourner.Nousons’estassisetonatournéaveclesbateaux.Jefaisaissemblantquej’étaisdansunvrai.Onpouvaitlaissertraînersamaindansl’eau,entournant,etçafaisait des vagues. C’était très froid. J’ai aussi fait sonner la sonnette de monbateauetj’aibougélevolant.Etpuisilestarrivéquelquechose.Jem’airetournépourvoirJessicadanssonbateaumaiselleyétaitpas, ilétait
vide.Alorsjem’aitournédel’autrecôtéetjel’aivue.Elleétaitdeboutdansl’eau,aumilieu des bateaux. L’eau lui montait aux cuisses, elle avait un doigt dans laboucheetellepleurait.Jem’aimis debout dansmon bateau et je l’ai attrapée par le bras et elle est
montéedansmonbateau.Elleétait toutemouillée.Elleavait terriblement froid.Ellepleurait.Elles’estassiseprèsdemoi.Jevoyaispaslemonsieur.Onn’arrêtait
pasdetourner,detourner.Lemonsieurestenfinrevenu,seulementilétaitdevenuplutôtméchant.Ilnousa
sortisdubateauetpuisilnousapoussésdehors.—C’estfinipourvouslePaysdesPetits,ilarrêtaitpasderépéter,c’estfinipour
vouslePaysdesPetits…Çamefaisaitpeur.JessicatremblaitdenouveauetonaremontéSevenMileRoad.Ilpleuvaitencore
un peu et il y avait du vent. Je savais qu’il fallait que je sauve Jessica. Et puisjustementj’aivuquelquechose.C’étaitHanley-DawsonChevrolet,c’estunmagasindevoituresdeSevenMileRoadtoutprèsduPaysdesPetits.C’estuntrèsgrandsalonavecdesvitrinesoùonmontrelesvoituresàvendre.Etsurunevitrineyavaitungrandécriteau:VENEZ FAIRE CONNAISSANCE AVEC LES MODÈLES DE NOTRE NOUVELLE GAMME - CAFÉ ET
BEIGNETSGRACIEUSEMENTOFFERTSPARHANLEY-DAWSON!
J’ai pris Jessica par la manche et je l’ai tirée à l’intérieur de Hanley-DawsonChevrolet.Ilfaisaitchaudlà-dedans,ilyavaituncanapépours’asseoiretJessicas’estassise
dessus. Ilétaitvert.Etpuis jesuisalléà lapetite tableoùyavait lecaféet lesbeignets.Yavaitdesgrandespersonnestoutautour.J’aidûfairelaqueue.Hanley-Dawson Chevrolet c’est des bureaux avec des monsieurs en costume et destéléphonesetunedameavecdesécouteursquibranchaitetdébranchaitdes filsquandlestéléphonessonnaient.J’aifaitlaqueuebiencommeilfautetquandmontour est arrivé j’ai fait un cafédepetit garçonpour Jessica et j’ai eudroit à unregarddechiendefusilpouravoirfinilelait.Jeluiaiportéunbeignetaussi,c’étaitdes beignets nature, sans confiture ni sucre glace. Je lui ai montré à tremper,commemonpapam’aappris.Moi je trempedes sandwichesà la saladede thondansmonlaitchocolaté,c’estdélicieuxetnutritif.—MortyNemsickappelleçaunsofa,moimesparentsdisentuncanapé.Ettoi
Jessica?Jeluiparlais.C’étaitdelaconversationpourqu’ellearrêtedetrembler.Maiselle
a rien dit. Elle a porté le café à sa bouchemais elle s’est mise à le renverserpartout pasqu’elle tremblait tellement. Alors je le lui ai pris et je le lui ai tenupendantqu’ellebuvait.Undesmonsieursencostumeestvenunousvoir.—Vousêtesavecvosparentsvousdeux?ilnousademandé.—Ouimonsieur,j’aidit.Ilaregardénosmanteaux.—Onlesgardepournosparents,j’aiexpliqué,ilssontailleurs.Il est reparti et je l’ai regardé rejoindre un autremonsieur en costume et se
retournerversnousetnousmontrerdudoigt.(Ilnefautpasmontrerdudoigt,c’estmalélevé.)Alorsjem’ailevé.Devantnousyavaitunevoiturerouge.Yavaitunedameetunmonsieurquilaregardaient,ilsétaienttrèsbienhabillés,ilsétaientplusjeunesquemesparents,ladameavaitdesbottesàtalonshautsetdumaquillage.Alorsjesuisallémemettrejustederrièreeux.
—Jelestrouvefantastiques,moi,cesgarnitures,disaitladame.—Ellessontenoption,disaitlemonsieur.—Fabuleux,j’aidit,moi.Ym’ontregardétouslesdeux,alorsjeleuraifaitunpetitsignedelamain.Ilsont
regardémonblousondemonpapa.—Jegrandiraidedans,j’aiexpliqué,c’esttrèsraisonnablepourl’hiver.Lemonsieurencostumemeregardaitavecl’autremonsieur.Alorsjeleuraifait
unpetit signe à eux aussi. Lemonsieur et la dameont fait le tour de la voiturerougeetjelesaisuivisenfaisantouidelatêtechaquefoisqu’ilsdisaientquelquechose.Maisensuitej’airegardéJessicaetj’aivuqu’elletremblaitencoreplus.Alorsje
suisretournélatrouver.J’avaisuneidée.—Viens,jeluiaidit.Et je l’ai fait lever. Je l’ai emmenée jusqu’à une grosse voiture noire qu’ils
exposaientlà.Laportièreétaitouverte.C’étaittoutnoiràl’intérieur.Yavaitdesgrossièges.Yavaitdesfenêtres.Etilfaisaitchaud.Onestentré.Onafermélesportières.Jem’aimisducôtéduconducteur,commelepapa,etJessicas’estassiseàcôtédemoi.ElleaenlevéseschaussuresetmisPougnougnousursesjambesetelles’estviteréchauffée,jelevoyaisbien.Jeregardaisparlafenêtre.J’aifaitquelquechosequejefaissouventenvoiture.
J’airegardéparlafenêtreetpuisj’airepéréunpetitgraindepoussièresurlavitre,alorsj’aiferméunœiletpuisj’aifaitmonteretdescendrematêteetlegraindepoussières’estmisàsauterpar-dessuslesarbres.—Bon,allezlesenfants,sortezdelà.Cen’estpasunjouet!C’était lemonsieur en costume. Il était devant la portière.On a verrouillé les
portières.Lemonsieurencostumeestalléchercherl’autremonsieurencostumequiétait
plusvieux.—Çasuffit,lesenfants,iladit.Dehors.Dehorstoutdesuite.Jel’aiignoré.Jeluiaifaitlecoupdumépris.Iladonnédescoupsdepoingcontre
lafenêtreetpuisilaregardél’autremonsieurencostumeetiladit:—Bonfaites-les-moisortirdelà,vousm’entendez?Et il est parti. L’autremonsieur est resté, il nous regardait en faisant les gros
yeux.Jessica a mis sa figure contre Pougnougnou et lui a fait un câlin. Ses genoux
montaientetdescendaient,montaientetdescendaient,ilsétaientrecouvertsparlehautroulédeseschaussettesmontantesquiétaientdevenuescommetouteslisseset clairesd’êtremouillées. J’ai tendu lamain. Je les ai presque touchéesetpuisnon.J’aiposélamainsurlabanquettefinalement.Bientôt tous les gens qu’y avait àHanley-DawsonChevrolet se sont retrouvés
autour de la voiture à nous regarder Jessica et moi. Je leur faisais des signes.C’étaitcommesionavaitétédansundéfilé.SeulementJessicanelesregardaitpas.Ellegardaitlesyeuxbaissésetnedisaitrien,commeça.Lemonsieurencostumeestalléchercherladameaveclesécouteurs.—Vousavezdesenfants,illuiadit,voussaurezpeut-êtreleurparler.
Ladameafaitungrandsourireennousregardantetelleadit:— Eh bien, les petits, vous ne croyez pas qu’il est l’heure de rentrer ? Vos
mamansetvospapasdoiventsefairedusouci.Maismoij’étaistropoccupéparlaconduite.J’étaisenroutepourMiami.Jessicaavaitdesrubansdanslescheveuxassortisàsarobe.Seulementilsétaient
touttrempésàcausedelapluie,dehors,etilspendaientdetravers.J’aiétépourentoucherunetpuisnon.Undesmonsieursencostumes’estmisàrireetunautreluiadit:—C’estça,vas-y,encourage-les!Etpuislevieuxestrevenu.Ilhurlait.—MaisoùestpasséelaclefdecettebonDieudebagnole!Personnenesaitplus
oùpassentleschosesici!Troismonsieursencostumesontpartischercherlaclef.Moi je continuais de conduire vers la Floride et Jessica avait baissé la tête et
fermélesyeux.Quandelles’étaitpenchéeenavantPougnougnouavaitglissédesesjambes.J’aitendulamainpourleramasseretmamainacognéquelquechose.Àcôtéduvolant.Çafaisaitding-dong.J’airegardé.C’étaitlesclefsdelavoiture.Alorsj’aifaituntruc.Jesavaispascommentmaisjel’aifait.J’aibientendumes
jambesetj’aiposélepiedsurlalonguepédaleetjel’aienfoncéeetpuisj’aitournélaclef. Ilestsortide la fumée, j’aisursauté,ça faisaitdubruit.Tous lesgenssesontécartésàtoutevitessedelavoitureetleplusvieuxdesmonsieursencostumeestvenuencourantdonnerdesgrandscoupsdepoingdanslesfenêtresencriant:—Jevaisappelerlesflics,moi,salesgosses!Etpuisjen’aiplusrienfaitparcequejenesavaispascequiallaitarriver.Mais
quelquechoseestarrivé.Jessicas’estmiseàparler.—Bécassineestpasmorte,Gil.Jel’aituéeàl’hôpital.Jesuisalléevoirmonpapa.
Onl’avaitemportédansuneambulance.J’étaisavecmatante,ellem’afaitentrerdanslachambre.Mamamanétaitlà,prèsdelui,ilétaitsousuntrucenplastique,unetente,etilavaitpleindetubespartout.Maissesyeuxétaientouverts.Jemesuisapprochéedelui.«Papa,c’estmoi,c’estContessa»,jeluiaidit.Maisilariendit.«C’estmoi,Contessa»,j’aidit.Ilmeregardaitdroitdanslesyeuxmaisilnedisaitrien.Ilfaisaitexactementcommes’ilmeconnaissaitpas.J’aidit:«C’estmoi,papa,c’estmoi»,maisilaregardédel’autrecôtéetj’aipenséquec’étaitàcausedu plastique, pasque ça l’empêchait de voir, alors j’ai tendu la main pour le luiarracher,maismamanm’aprislamainetjel’airepoussée.J’étaisfurieusecontremonpapa;ilnevoulaitmêmepasmeparler,jemesuismiseàcrier.Jeluiaicriéqu’ilétaitméchantdemêmepasvouloirmeparler.Matantem’atiréeenarrièreetm’afaitsortirdelachambre.Ellem’afaitasseoirdanslecouloir,surdeschaisesenplastiquequiétaientdures.J’avaisBécassineavecmoi.«Etpuismamamanestsortiedelachambreetellepleurait.Elleaditàmatante
quetoutétaitfinietqu’ellemeramèneàlamaison.Maisj’aihurléquejevoulaisvoirpapa.Matantemetenaitvraimenttrèsfort.Ellem’apaslaisséeyaller.Elledisaitqu’ilyavaitdeschosesquelesenfantsnecomprennentpas.«Alorsj’aidécidéquejen’allaisplusêtreuneenfant.J’aiprisBécassineetjel’ai
tuéedanslacorbeilleàpapiersprèsdesascenseurs.
EtJessicas’estmiseàpleurer.Ellepleuraitdanscettevoiture,ellepleurait,ellepleuraittoutepenchéeenavantetjesavaispasquoifaire.Alorsj’aitendulesbras,commefaitmonpapaquandj’aidescauchemars,etjelesaimissurJessica.Jelesaimisautourd’elleetJessicas’estappuyéecontremoi,contreledevantdemoi.Jel’aitenuecontremoncœurdanslavoiture.Serrée,bienserréecontremoncœurdanslavoiture,pendantquedesgrandespersonnescognaientcontrelesfenêtrestoutautourdenous.
19.L’agentdepoliceavaitunrevolvermaisynousapastués.Ilétaitgentil,comme
agent de police et il aimait les enfants, mais il a dit que c’était dangereux deconduireà l’intérieurd’unmagasin. Ila téléphonéà lamèrede Jessicamaisellen’étaitpaschezelleetpuisilaappeléchezmoimaisilaeuJeffreyquiaditquecen’étaitpaslebonnuméro.Alorsl’agentdepolicenousaditqu’onpouvaityalleràconditiondepromettrederentrertoutdroitcheznous,etquandonestparti j’aientenduleplusvieuxdesmonsieursencostumedire:«Comment,c’esttout?Vousleslaissezfilercommeça?»etl’agentdepoliceadit:«Ondiraitquevousn’avezjamaiseuleurâge.»Le ciel était complet, c’est-à-dire qu’il était tout barbouillé et qu’il pleuvait.
(Quand je rentre tout barbouillé et mouillé pasque je m’ai battu, manman dittoujours«c’estcomplet».)Lesruesétaientluisantesdepluieetonvoyaitfumersonhaleine.Onestrentré.Je suivais Jessica pour pouvoir la regarder. On est passé devant Maxwell sur
l’autretrottoir.Lagrossependuledelabanquedisait4heures.Onneparlaitplus.OnaétécoipendanttoutlecheminjusquechezJessica.Dans
l’alléedesamaison,yavaitdeuxvoitures,unbreaketunepetiteauto. Jesavaisquelapetiteétaitcelledesonpère.Jessicaaouvertlapetiteporte,surlecôtédelamaisonetelleestentréemaismoijenevoulaispas.J’aiattendudehorsqu’ellemedised’entrer.Puisjesuisentréquandellemel’adit.Toutesleslumièresétaientéteintes,iln’yavaitpersonneàlamaison,pasmême
debêtes.Jessicaaenlevélemanteaudemamanmanmaisj’aigardélemien.Ilyavait quelqu’un dans la poche, Câlinot le Singe, il dormait. Jessica a traversé levestibulepourallerdanslasalledeséjour.Ellenedisaitrien.Elles’estassisesurle sofa de côté et elle a posé ses pieds dessus, laissant des marques sombresd’humidité.(Maisonnedoitpasmettresespiedssurlesmeubles,çalesficheenl’airditmamanmanetaprèsyfaut lesdonnerauxpauvres.Unefoismongrand-pèreavendutoutesleschaisesdelamaisonsansledireàpersonne.Unmonsieurest venu et il était en train de les charger dans un camion quand manman estarrivée.Elle l’aengueulé.Elledisait :«Maisvoussavezbienquec’estunvieuxmonsieur,àplusdequatre-vingtsans,vouscroyezqu’ilconnaîtencorelavaleurdumobilier?»)Deboutdanslevestibule,jeregardaisJessica.Dansuncoindelasalledeséjour,
il y avait unegrandehorloge. LaCapitaineKangourou en a unequi danse,maiscelledeJessicanedansaitpas.Ellen’avaitmêmepasdefaçade.Rienqu’untrucdanslebasquiallaitetvenait,allaitetvenait.Près du sofa y avait une table pleine de napperons et de bibelots. Jessica
regardaitparlafenêtrequiétaitdanssondosetsautaitd’unpiedsurl’autre.Dehorslaluneétaitsortie.Enmusiqueonavaitapprisunechanson:
AuclairdelaluneMonamiPierrotPrête-moitaplumePourécrireunmot
MachandelleestmorteJen’aiplusdefeuOuvre-moitaportePourl’amourdeDieu.AuclairdelaluneOnn’yvoitqu’unpeuOncherchalaplumeOncherchadufeuEncherchantdelasorteJenesaisc’qu’ontrouvaMaisjesaisquelaporteSureuxseferma.
—Est-ce que tu la vois, toi la tête dumonsieur qui vit dans la lune ? que j’ai
demandé.Lesnuagespassaientsurlaluneetilslafaisaientapparaîtreetdisparaître.Une
fois que j’étais sur notre perron en train de regarder la lune,mamanman étaitvenueetelleavaitessayédemefairevoirlafiguredumonsieurquivitdanslalune.Maisj’aipaspulevoir.J’aijamaispulevoir.Jessicanedisaitrien.Jem’aiassissurlesofa.Dehorslapluies’estarrêtée.Au
bordducielc’était rouge.Dans lamaisontoutétaitmarron.Enhiver il faitnoirtrèstôtetl’onretardelespendules.Lecielc’estoùDieuhabite,jeluiaiadressémesprièresàcetteadresse.Dansleciel.J’aipriépourquelepèredeJessicasoitpasmortmaisDieum’apasécouté.Quandj’étaispetit,jecroyaisquelanuitc’étaitquandlesnuagescachaientleciel.—T’asmouillélesofa,j’aiditàJessica.Ellem’aregardéetelleadit:—Quandmonpapaestmort,mamanarecouvertdedrapstouslessiègespour
quelesgensrenversentriendessus.Ellelesadécouvertshierseulement.Elleaditquec’étaitlemomentd’arrêterd’êtretristemaiselleapleurétoutelanuit.Jessicaaregardélàoùelleavaitmouilléetelleadit:—Elleauraitmieuxfaitdelaisserledrap.J’ai regardépar la fenêtre, j’ai posémonnez contre la vitre et j’ai soufflédes
lunettes.J’aidit:—T’asvu,Jessica,deslunettes.Maiselle regardaitautrechose,prèsde l’escalier,penduà la rampe,unsacà
main.Del’autrecôtédelarue,unelumières’estallumée.Ilfaisaitdeplusenplusnoir
dehors. J’ai cherché la lune mais elle avait disparu. Un chien est passé sur letrottoir, un monsieur le promenait. Un avion est passé là-haut, le bruit étaitderrièrelui.Quelquepartdanslesmaisons,plusloindanslarue,quelqu’unacrié«Fautquejedéplacelavoiture!»etJessicas’estlevéepourallerdansl’entréeetellearegardélesacendisant:—C’estlesacdemamère.Etpuisellearegardéverslehautdel’escalier.Etpuiselles’estmiseàmonter
l’escalier.Jesuisrestéassissurlesofa.Ilyavaitunebougiesurlenapperonsurlatable
maiselleétaitéteinte,pasallumée.Leréfrigérateurbourdonnaitdanslacuisine.
L’horlogeasonnécinqfois.Etdehorslecielestdevenubleusombresansétoiles.J’aicroisélesmainssurmesgenouxetj’aiattendu,assisbiendroit,commeilfaut,maisJessicanerevenaitpas.Jem’ailevé.Jesuisallédansl’entrée.ÇasentaitcommeJessica.J’airegardéle
sacàmain.J’aiécouté.Yavaitpasdebruit.J’aiposélepiedsurlapremièremarche.Yavait
untapisdessus.Jem’airetrouvédansl’escalier.J’aicommencéàmonterlesmarches.Quandj’aiétéenhaut,j’airegardédetous
lescôtés.Jevoyaisàpeine.J’aiattenduquemesyeuxs’habituent.Yavaitunesallede bains. À côté y avait une chambre à coucher avec un grand lit pour deuxpersonnes. À côté y avait un placard. Je l’ai ouvert, y avait des draps et desserviettes.Alorsj’airegardéversleboutducouloir.J’aivuqu’ilyavaituneautrechambre,laporteétaitouverteetJessicaétaitdedans,assisedecôtésursonlit,entrainderegarderparlafenêtre,lespiedspendantauborddulit.J’aiétéjusqu’auseuildesachambreetjem’aiarrêté.Ellem’avaitpasentendu.
Jesuisrestéàlaregardersansriendire.Safigureétaitéclairéeparunelampeàl’extérieur et ses yeux avaient des diamants dedans. J’attendais, j’attendais sansbouger,etalorselles’estmiseàchanterunepetitechanson:
KoukaberraperchéDanslevieuxcaoutchoucRoidelabrousseRoidelabrousseRisKoukaberraRisgrandroiChantetajoie.
Moij’écoutais.Jeregardaisseslèvress’ouvriretsefermers’ouvriretsefermer.
Elleétaitappuyéecontretroiscoussins.Unrose,unàcarreauxetunblanccommeunoreiller.Sespiedssebalançaientauborddulit.Jeregardais.Dansuncoindelachambreyavaitunchevaldeboisquiétaitunechaise,enfait.
À sonplafondpendaitune lampeavecdesclownssur l’abat-jouret, accrochéaumurau-dessusdesonlit,yavaitJerrylePantin.Jessica a repoussé ses chaussures et elles sont tombées par terre. Elle avait
toujourssesbasdelaineroulésauxgenoux,toutlissesettoutdoux.Etpuiselleaditquelquechose.—PeterPanestunefille.Elleregardaitencoreparlafenêtre.—On l’a fait ressembler à un garçonmais c’est une fille, on lui a simplement
coupélescheveuxtrèscourtetonluiafaitporterunsoutien-gorgetrèsserré.(J’avaisvuçaaussi,àlatélévision,etçam’avaitdonnéenviedevoleralorsj’avais
demandé à mon papa de téléphoner à la chaîne pour demander comment ilsfaisaient,maisJeffreym’aditqu’ilavaitfaitsemblant,qu’yavaitpersonneauboutdufiletquemonpapam’avaitmenti.)—Jesuispasassezgrandepourporterunsoutien-gorge,aditJessica,maisj’en
aiun,mamamanmel’adonné,pourplustard.Elleestalléedanssonpacardpour leprendre.Elleme l’amontré,çam’a fait
drôle.C’étaitpasbien.Normalementjedoispaslesregarder.Maisalorsj’aifaituntruc.Jel’aiprisetjemel’aimis,seulementdansledos.—Regarde,Jessica,j’aidit,jesuisunchameau.Jem’attendais pas à son rire. Elle a ri comme je l’avais jamais entendue rire
avant.C’étaitcommesiellechantait.Jem’aimislesoutien-gorgesurlatêteetjem’aimisàsauterdanstouslessensetelleaencorerietjel’aimissurmafigureetelleesttombéesursonlittellementqu’elleriait.—Toc,toc!j’aidit.(C’étaituneblague.)—Quiestlà?—Bouhou!—Bouhouqui?—Oh,yapasdequoipleurer,jeluiaidit.Jessicam’aregardé.—Maisjenepleurepas.—Non,tuvois.Yapasdequoipleurer.—Jepleurepas,Gil(elleavaitarrêtéderire).—Non,pasquec’estuneblague.—Quoidonc?Elle s’est remise à regarder par la fenêtre pasqu’elle avait pas compris ma
blague.—Jessica,c’estuneblague,j’aidit.Maisellevoulaitplusseretourner.J’airegardésondos,ilfaisaitdespetitssauts,
ellepleurait.—Jessica.J’aisimplementditsonnommaiselleaposésatêtesurlelitetsesépaulesont
commencéàmonteretàdescendre,monteretdescendre.Jesavaispasquoifairealorsjem’aiapprochédulit.J’ai essayéde luimontrerun tourdemagie, ondirait qu’on enlève sonpropre
pouce,maisellevoulaitpasregarder.—Onpourraitjoueràfairesemblant,Jessica.Quelquechose.Pourquetusoyes
pastriste.—Non, elle a dit. C’est des trucs pour les petits. Je veux plus être petite. Je
détesteça.Elles’estmiseàfrappersonlitenrépétant:—Jedétesteça,jedétesteça!Etellefrappaitsonlit,etellecriaitdeplusenplusfortetyavaitquelquechose
commeunebêtedanssavoix,ellefaisaitdubruitcommeunanimal.—Jeveuxplusêtrepetite,j’enaiassez,assez,assez!Etpuiselleacachésatêtedanssonbrasetelleapleuré,pleuré,pleuré,appuyée
sursonlit.Jesavaispasquoifaire.J’étaislààlaregarderetj’étaisencolère.Pasquejesuis
petitmoiaussi.Etpasquej’enavaisassezetjedétestaisçamoiaussi.Mamanmanm’avaitditqu’unjourquandjeseraisgrandj’aimeraisquelqu’unet
ça voudrait dire que j’essayerais d’empêcher tout lemonde de lui faire dumal.J’avaiscruquec’étaitShrubs.Maisnon.C’étaitJessica.
Jem’aiassissurlelitprèsd’elleetj’aiposémamainsursescheveuxsurundesrubans,etj’aitirésurleboutd’unrubanquis’estdéfaitetpuisquiesttombésurlelit.Etpuis l’autre. Je l’ai tenudansmamain.Etpuis je l’aiposécontrema jouepasqu’ilétaitdouceur.CommeJessica.Quandellealevélesyeuxpourmeregarder,elleavaitlescheveuxdanslafigure.
Je lesairepoussésavecmamainet ilsétaienthumideseuxaussi,maispasde lapluiedudehors,delarmes.J’aicueilliunelarmeauboutdemondoigtetjel’aimisedansmesyeux.J’aimismesbrasautourdeJessicacommefaitmonpapaquandjepleureetj’ai
faitcommeça,commeilfait,unesortedecaresse,derrièresatête.Ellearoulésurle côté et s’est appuyée contre moi. C’était chaud. J’ai enlevé mon blouson etquelqu’un est tombé sur le lit. Câlinot le Singe. Je l’ai posé sur le rebord de lafenêtre,tournéversl’extérieur,pourqu’ilmontelagardesurJessicaRentonetsurmoi.Etpuisjel’airegardéequipleuraitetj’aiditquelquechosetrès,trèsdoucement:—Jelaisseraipersonnetefairedumal.Personne.Etjevaisfaireensortequ’on
soyentplusdespetits.Alorsellea levé la têtepourmeregarderavecsesyeuxquisontgéants,verts
avec des petitsmorceauxmarron dedans et elle est retombée surmoi, surmonventreavecsatête,et je l’aitiréebienserréecontremoietçafaisaitchaudsurmoi.Dehorsj’aivuqu’ilcommençaitàneigeretCâlinotleSingeregardaitçaetleventmais nous on avait bien chaud à l’intérieur. Et tout d’un coup il est arrivéquelquechose.J’aivulesréverbèress’allumer.Ilssesontallumésetontrépandusurnousleurlumière.Jessicaaposésafigurecontremonventreetelleadit:—Tuesmonami.Etilyavaitdesdiamantsdanssesyeux.J’ai posémonmenton sur ses cheveux et elle a levé la tête et posé sa figure
contrelamienne,c’étaitdouxcommePougnougnou,etelleaposésabouchesurmafigure,elleatirésurmachemise.Ellearoulésurelle-mêmeetsarobeestpasséepar-dessussesbrasquiétaientautourdemoietelles’estlaisséeallersurlelitetellem’atirésurelleetj’aisentisesmainsdansmespoches.Ellespoussaientsurmesjambes,surmoi.J’aisentil’avionetsonélastiquequ’onremontait,deplusenplusserré,deplusenplusserrésousmonventre. Jessicatenaitmonderrièreetelle le faisaitmonter et descendre,monter et descendreDevant elle, là où je lasentais,elleavaitcommeunpetitderrièrequiétaitdouxcommeunbaiser.Ettoutd’un coup j’ai entendu un bruit, qui venait de très loin, et se rapprochait de lamaisondeJessica.Çacourait lelongdeSevenMileRoad.Dessabots.Unchevalquigalopaitmontéparpersonne.Blacky.Lebruitdevenaitdeplusenplusfort.Ilpassaitdevanttouslesmagasins.Etpuisj’aientenduencoreautrechose,unvéloavecdescartesdanslesrayons,àcôtédeBlacky,montéparpersonneluinonplus,quivenaitmechercher,sonbruitdeplusenplus fort,deplusenplus.Sousmonnombrill’élastiquedel’avionétaitdeplusenplusserré,deplusenplusserréetjetenaisJessicaetsesjambesétaientautourdemoietj’aidit:—N’ayepluspeur.Etelleadit:
—J’aipluspeurmaintenant.Plusdutout,plusdutout.Dutout.Dutout.LebruitdevenaitplusfortetBlackyetlevéloserapprochaientetjesavaisqu’ils
allaient arriver. L’élastique était de plus en plus serré, aussi, et je pensais quej’allaismourir.J’étaispresquemort.Etpuisj’aivolé.Jem’aienvoléau-dessusdelamaison,etde larueetdeMaxwell,au-dessusde larueLauderetde l’école,au-dessus de tout, pour rejoindre Jessica. J’ai vu que j’y étais presque. J’y étaispresque.Etpuisj’yétais.Quelqu’unhurlait:—Oh,monDieu,ohmonDieu!Leslumièressesontallumées.Ellem’atirédulitetellem’alancécontrelemur
etlesangestsortidemafigure.J’aiglisséparterre.Toutcequej’aivuc’étaitsonsacetelleaagrippéJessicaetj’aihurlé:—Ne la touchezpas, ne la touchezpas !Et je l’ai battue,marteléeavecmes
poingsmaisellem’aencorejetéparterreetjepouvaispasmerelever.
20.—Tonnumérodetéléphone!gueulaitlamèredeJessica.Jepensaisquejepouvaispasbouger,mafigureavaitdusangdessus.J’avaisenvie
dedégobiller.—C’estquoitonnumérodetéléphone?Tunecomprendspasl’anglais!(Elleme
serraitlebras.)Jeteparle!J’aifermélesyeuxetjem’aiévanoui.Jessicaétaitàgenouxsurson lit, la figuredans lescoussins.Ellepleurait,elle
pleurait.Ellearrêtaitpasdepleureretquandsamèreallaitpourlatoucherellelalaissaitpasfaire.—Commentest-cepossible,unechosepareille?disaitsamère.Maisquelsorte
d’animaldégoûtantes-tu,hein?Ilfautt’enfermer,temettrehorsd’étatdenuire.Maiscommentpeuventbienêtretesparentspouravoirélevéunmonstrepareil!Mais jevaism’occuperde toi !Attendsunpeu !Tune ferasplus teshorreursàpersonne,àpersonne!Niàmapetitefilleadoréeniàpersonne!Tum’entends!Tum’entends?Ellemetiraitenarrièreparlescheveuxpourmefairereleverlatête.—Tum’entends,hein,petitsaligaud!Jerevenaisàmoi.J’aiouvertlesyeux.—Sivouslatouchez,j’aimurmuré,jevoustuerai.Jesaispascommentelleaeulenuméromaiselleaappelémesparents.Elleadit
quej’avaisditquej’allaislatuer.Mamanman est venue et m’a mis dans la voiture. J’ai essayé de rester avec
Jessica,jem’aiaccrochéaulit,j’aipiquéunecrise,maisjepouvaispastenir.Quandonestarrivéà lamaison, il yavaitunagentdepoliceetmonpapa. J’aiparléàpersonne.Mamèrem’amis unmédicament sur la figure. Elle pleurait, jem’ensouviens.Jemesouviensqu’ilsm’ontmisaulitetquelemédecinestvenumedonnerdes
médicaments pour me faire dormir. J’arrivais pas à me lever. Je me souvienspresqueplus,mais jemesouviensdutéléphone, ilsonnait, ilsonnait, iln’arrêtaitpasdesonnercommedesclochesetj’entendaisquec’étaitlamèredeJessica.Lelendemainmonpèreetmamèrem’ontmisdanslavoitureetm’ontamenéici,
àlaRésidenceHomed’EnfantslesPâquerettes.Etilsm’ontlaissé.C’estlamèredeJessicaquilesafaitfaireça,jelesaientendusdirequ’elleavaitdequoiporterdesaccusationsprécises,maisaussiqu’eux-mêmespensaientquecelavalaitmieux.Jelesaientendus.Etmaintenantçafaitdeuxmoisquejesuisici.Hanoukahestpasséedepuistrois
semaines.J’aieudeshabitsdansuneboîtedemonpapaetdemamanman,laboîteétait entourée de ficelle. J’ai pris la ficelle et je l’ai nouée autour d’une demeschaussettesetjel’aiaccrochéeàmonmurcommeunpantin.Jen’écrisplus ici trèssouvent,maintenant,pasqueleDrNeveleyditquec’est
mieuxdeluiparlerpendantlesséances.JeneviensmêmeplustrèssouventdanslaSalledeRepos.J’enaiplusbesoin,jesaismemaîtriser.Rudyard a quitté la Résidence Home d’Enfants les Pâquerettes, mais il est
revenu.Seulementjelevoispas,ilnevientpasdansmonaileouenSalledeJeux,ilestàl’étage.Jepenseàluiquandjevaisnager.Jesaisfairelanageduchien.Jevais l’apprendre à Câlinot le Singe quand je rentrerai chez nous. Il aime nagerseulementjelereverraijamais.IlétaitchezJessica.Jepensequesamèrel’atué.J’aivuRudyard.C’étaità l’étage.MmeCochranem’avaitemmenépourvoirun
autremédecin quimemontrait des photos etme demandait le nom des choses.C’étaituntest.Quandjesuissorti,Rudyardétaitdanslehallavecunenfant.Illetenaitdanssesbras,l’enfantfaisaitdesgrimaces.Ilm’aregardé.Jel’airegardé.Ons’estregardélongtemps.Etpuisiladit:—J’aiquelquechosepourtoi.Iladéposé lepetitpar terreet il s’est redressé. Ilm’aencore regardéet ila
plongésamaindanssapochearrière.—Çafaitunesemainequejemetrimballeavecça,jenesaismêmepaspourquoi.
DisauDrNevelequetul’astrouvéequelquepart.J’ai regardé, c’était une enveloppe.Quand j’ai de nouveau regardéRudyard, il
pleurait.Ilpleuraitpourmoi.Alorsj’aifaitquelquechose.J’aicollémamainsousmonmenton,commeça,etj’airemuélesdoigtspourluifaireleGrandSalut.Lepetits’estenfuilelongducorridoretRudyardluiacouruderrière.Auboutdu
corridor,ilestdevenudeplusenpluspetit.J’aiouvertl’enveloppe.Etpuisjel’airefermée.J’avaislesmainsquitremblaient.Pasquej’avaispeur.Cettenuitlàj’aipaspudormir.Allongédansmonlit,dansmonaile,jeregardais
leplafond.Ilyavaitunefenêtrededans.Unelucarnequeleslumièresducouloirs’yvoyaient.Alorsj’aientendulesconciergespartirpourchezeux.Ilsdisaientqu’ilsallaient
segeler lescouilles.Quandilsontétépartis,yavaitpluspersonne.Ilétait tard.Toutétaitcoi.ManniesuçaitsonpouceetHowierespiraitfortdanslelitprèsdumien. Etmoi je regardais la lucarne du plafond. Je la regardais, je la regardaisencore,jelaregardaistoujours.Jesuissortidemonlit.Sousmonoreiller,j’aiprislalettre,lalettredeJessica.Je
suisalléàlaporte.J’airegardédehors.Personne.Jesuisparti.Jelongeaislemur.Yavaitquelqu’undessus:monombre.Nousrasionslemur,moietmoi.J’allaisquelquepartavecmoi-même.J’aipasséuneporteoùqu’yavaitd’écritescalier.C’étaitunescalier.J’aimontéet
encoremonté.Mespieds faisaientdeséchosmais jem’aipasarrêté.Etpuis j’aipasséencoreuneporteetj’aitournéparici.Jesuisallétoutauboutducouloiretpuis j’ai encore tourné par ici. J’ai passé des portes en verre et j’étais dans unnouveauhall.Ilyavaituneinfirmièrederrièreunbureau.Ellelisaitunlivre.Ellem’apasvu.Alorsj’aipasséencoreuneporte.Àl’intérieurdelasalleyavaitunerangéedelits.Jesuisalléjusqu’audernierlitdelarangée.Cari était attaché, ils lui mettaient des courroies comme des ceintures. Il n’a
mêmepasessayédebougeruntoutpetitpeumaisilm’avaitvuavecsesyeux.Ilsétaientouverts. Iln’arrivaitpasàdormir luinonplus.Yavaitunechaiseplianteprèsdelafenêtre.Jel’aipriseetjel’aiouverteetjem’aiassisàcôtédulitdeCari.
Ilmesouriait.J’avaispaspeur.—C’estmoi,jeluiaidit.DelaSalledeJeux,tutesouviens?Jet’aipoussé.Carin’ariendit.Sesyeuxontunpeutournéunefois,maisilmeregardait.— Je comprends pas grand-chose, je lui ai dit au sujet de Rudyard et du
DrNevele. Rudyardm’amontré comment nager et c’étaitmon ami,mais ilm’amentipourlemur,àproposdelirecequej’écrissurmonmur.Carisouriait.Jevoyaissonventreetsapoitrinesesouleveretredescendre.Du
bruitvenaitdesautreslits.Onauraitditdesbruitdechiots.C’étaitdesenfants.—EtleDrNevele.Ilnecomprendpaslesenfantsetiladitquejen’avaispasde
lettres.Illesvolaitetenplusilmentait.C’estpasbien.Cariacessédebouger.—Etmaintenantyapluspersonne.Jevoudraisêtrechezmoi.Jevoudraisn’être
nullepart.Je suis resté assis avec Cari le reste de la nuit. J’étais près de lui et il me
regardait,ensouriant,etjerestais.C’étaittrèscalmedanslasalle,trèsdoux,sansbruit,commesitoutlemondes’étaitenvolépourleparadis.Quand le matin est venu, je suis parti. J’ai retraversé le hall. Des infirmières
arrivaient,accrochaientleurmanteauaprèsl’avoirenlevé.JesuisalléàlaSalledeRepos.J’aiouvertlaporteetj’aiallumélalumièremaisyavaitquelqu’unlà,blottisurleplanchercontrelemur.Elles’estréveilléequandjesuisrentréetelles’estassiseetm’aregardéense
frottantlesyeuxetelleavaitl’aird’unpetitbébé,presque.Elleamisseslunettespourvoirquic’étaitetc’étaitmoi.—MadameCochrane.Elleavaitdes tasdemarquesetdepetitesridesd’avoirdormisur leplancher.
Elleétaitcommeétourdie.Elleaôtéseslunettespoursemasserlesyeux.Elleavouluselevermaiselleapaspu.Elleétaittropvieille.Jel’airegardée,elleétaitcommeunpetitenfant.Jesavaisqu’elleétaitvenuelàpourm’attendreparcequejen’étaispasdansmonlitetqu’ellem’avaitcherchépartout.Jel’observais.Ellenedisaitpasunmot.Elleétaitassisesansriendire,surlesol,devantlemursurlequelelleavaitécritIlvoulaitvoirs’envolerlesminutes.Jesavaisquec’étaitelle.J’avais très sommeil. J’ai éteint la lumière dans la Salle de Repos et je m’ai
allongé par terre près d’elle et elle a gardé son bras surmoi. Elle l’a gardé làpendantquejedormais.
21.CherGulp!Jenesaispassijepourrait’écrireencoreavantuncertaintempsparcequemamèrem’emmènedans
uneécoleprivéedemain.C’est loin,enOhio.Elleditqu’ilyadestasd’enfantssympathiques là-basetquej’oublierai.Lemédecinde l’hôpital lui a conseillé dem’y envoyer. Il dit que cequi s’est passéme tourmentera
encore longtempsetpeut-êtreque j’auraidemauvaisrêves. Iladonnéàmamèredespilulespourmefairedormir.Lesoiroù je suis rentréede l’hôpitalellem’amiseau litdans sachambreetm’adonnémapilule.
Maisjel’aicachéedansmaboucheetdèsqu’elleestrepartiejel’aicrachée.Etquandelleaétépartiepourdebon, jemesuis levéeet je suisalléedansmaproprechambre. Jemesuiscouchéemais jenepouvaispasdormir.J’avaispeur.Etj’aientenduunbruit.Çam’aeffrayéeetj’aiallumélalampe.Alorsiladisparu.Maisquandj’aiéteintlalumière,ilestrevenu.J’avaistrèspeur.J’aivraimentécouté,écouté,l’oreilletendue.Ilfaisaitnoir,yavaitseulementuntoutpetitpeudelumièrequifiltraitdepuislarue.Etj’aivuCâlinot
leSingeassissurlereborddelafenêtreetregardantdehorscommetul’avaismis.Lebruitc’étaitlui.Ilchantait.
KoukaberraperchéDanslevieuxcaoutchoucRoidelabrousseRoidelabrousseRiskoukaberraRisgrandroiChantetajoie.
Jel’aiécoutéchantersansarrêt.Ilchantait,ilchantait,ilchantait.C’étaitdoux.Etquandjemesuis
endormie,j’airêvéd’arc-en-ciel.Jessica.
ChèreJessica,Unefois,j’avaiscinqans.C’étaitl’été.J’étaisrestédebouttardpasqu’ilyavaitpasécolelelendemain.
Etj’aifaitunmauvaisrêve.Jem’ai réveillé. Il faisait toutnoirdansmachambre. Il y avaituneombre sur leplacard.Tout était
silencieux.Jenemesentaispasbien.Jetranspirais.C’étaitfroidsurmoi.Jem’aiassisdansmonlitetj’aiattendu.Puisjesuissortidulit.J’aitenduledoigtdansladirectiondelaporteetj’ysuisallé.Jesuisallédans l’entrée en pyjama. Je suis resté dans le hall devant la petite veilleuse qui est au-dessus de lachambredemesparents. J’écoutais.Mais jen’entendaisrien.À l’intérieurde leurchambrec’était toutnoir.J’étaislà,enpyjama.J’airegardédanslachambredemesparentsmaisilfaisaittoutnoir.J’aiécouté
etjen’aipasentenduunseulbruit.Alorsj’aiditquelquechose,très,trèsdoucement,dansl’entrée:Iln’yapersonne,là-dedans?
Gulp.
4ecouvertureUn roman d’amour. Raconté par un garçon de huit ans, qui dérange et
bouleverse…Gil, victime de la bêtise des adultes qui transforment ses rêves ensymptômescliniques,etsonamourenattentat.Àcausedecequ’ilafaitàJessica,ilseretrouveàlaRésidenceHomed’Enfants«lesPâquerettes».Unehistoireàrireetàpleurer,dansunelanguemerveilleusementpréservée.HowardButen, l’auteur,abandonnasesétudesà l’UniversitéduMichiganpour
devenir… clown ! Il parcourt les États-Unis en tant que mime, chanteur,ventriloque,clownmusical,ets’occupeenmêmetempsd’enfantsautistiquespourlesquelsilainventéuneméthodethérapeutiqueoriginale.TextefrançaisdeJean-PierreCarasso.
[1]Desécoliersde12à15ansquisurveillentlasortiedesécolesdanslesbanlieuesaméricainespourfairetraverserlesgosses
(N.d.T.).[2]Associationchrétiennedejeunesgens(N.d.T.).
top related