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Réflexions ACCÈS AUX SOINS DE SANTÉ EN RDC Amélioration de l'accès financier aux soins de santé dans le district de Kisantu en RDC : remédier au problème de la complexité Janvier 2015 / n° 003 Points essentiels Les réformes menées dans le district de Kisantu ont abouti à une plus grande transparence dans le système des paiements, à une amélioration de la disponibilité des médicaments, à une meilleure prévisibilité des coûts pour le patient, et à une amélioration de l'accès financier aux services de santé. Les résultats indiquent par ailleurs une utilisation plus rationnelle des ressources, avec un meilleur filtrage au premier échelon des services de santé et un recours plus efficace aux services offerts par l'hôpital. Les systèmes de santé sont complexes ; ils se composent d'éléments intercon- nectés qui interagissent avec le contexte dans lequel ils évoluent. Comprendre cette interconnectivité et cette complexité constitue le cœur même d'une pensée systémique, qui appréhende le système dans sa globalité, sa valeur dépassant la somme de ses éléments distinctifs. Dans une approche systémique, agir sur l'un des éléments du système peut contribuer à rééquilibrer tout le système. Le passage d'un modèle de rémunération à l'acte à un système de paiement for- faitaire subventionné, en tant que choix politique pour les pays pauvres, engendre les conditions nécessaires à d'autres réformes du secteur Santé. Ce type de sys- tème de financement garantit aux populations pauvres un meilleur accès aux soins de santé tout en améliorant l'équité du système de financement de la santé. Quoi qu'il en soit, l'instauration de forfaits ne peut être une mesure isolée ou un but en soi. Elle doit s'inscrire dans un ensemble plus vaste d'efforts, incluant notamment une gestion rationnelle des ressources humaines (bénéficiant de salaires corrects) ainsi qu'une attitude professionnelle en matière de diagnostic et de traitement. Les agents de santé changeront d'attitude s'ils gagnent un salaire correct pour un travail de qualité. Quant à la population, elle modifiera aussi son comportement et aura recours aux services de santé publique, si ces derniers sont fonctionnels et dispensés à un coût juste, abordable et prévisible. Appui belge au secteur de la santé en RDC À travers son programme Santé en République démocratique du Congo (RDC), l'Agence belge de développe- ment (CTB) ambitionne de contribuer à la mise en œuvre du Plan national de développement sanitaire grâce à un appui tant financier que technique. Le plan est censé améliorer l'accès à des soins de santé de qualité dans certains districts sanitaires pilotes. L'approche adoptée par la CTB vise à favoriser un processus d'apprentissage systéma- tique de ces expériences pilotes, pour alimenter les politiques nationales. L'un de ces districts pilotes était Kisantu, dans la province du Bas- Congo. Le projet avait pour objectif d'appuyer l'hôpital local et d'accroître l’efficacité de son fonctionnement. Au départ, le personnel hospitalier n'était toutefois pas désireux de participer à cet exercice. Ce n'est que six mois plus tard que la raison de ce refus est apparue : cela faisait trente ans qu’il avait l'habitude de travailler en « mode de survie » dans un système de soins de santé fonctionnant selon une logique purement commerciale, l'objectif principal de l'hôpital étant de générer des revenus pour pouvoir payer les salaires. La CTB a négocié et mis en place un régime de paiement forfaitaire appli- cable à l'ensemble des services médi- caux, subventionnés pour 70 % par le projet, moyennant toutefois le respect de certaines conditions. Outre le fait d'améliorer l'accès aux soins de santé des pauvres en milieu rural, celui-ci a également permis au personnel hos- pitalier de bénéficier d'un supplément de rémunération au salaire versé par l'État grâce aux nouveaux revenus générés par l'hôpital. Et c'est précisément cette approche qui a permis de débloquer la situation. Le nouveau régime forfaitaire subventionné a amélioré l'efficacité des services de santé en rendant plus accessibles les soins de santé et en incitant à un usage plus rationnel des services de santé. Inauguration officielle du service médicotechnique de l'Hôpital général de Kisantu. Photo : © CTB

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Page 1: ACCÈS AUX SOINS DE SANTÉ EN RDC - Enabel · La RDC s'efforce de reconstruire son système de santé. En 2006, le pays a élaboré sa Stratégie de renforcement du système de santé

Réflexions

ACCÈS AUX SOINS DE SANTÉ EN RDC

Amélioration de l'accès financier aux soins de santé dans le district de Kisantu en RDC : remédier au problème de la complexité

Janvier 2015 / n° 003

Points essentiels

� Les réformes menées dans le district de Kisantu ont abouti à une plus grande transparence dans le système des paiements, à une amélioration de la disponibilité des médicaments, à une meilleure prévisibilité des coûts pour le patient, et à une amélioration de l'accès financier aux services de santé. Les résultats indiquent par ailleurs une utilisation plus rationnelle des ressources, avec un meilleur filtrage au premier échelon des services de santé et un recours plus efficace aux services offerts par l'hôpital.

� Les systèmes de santé sont complexes ; ils se composent d'éléments intercon-nectés qui interagissent avec le contexte dans lequel ils évoluent. Comprendre cette interconnectivité et cette complexité constitue le cœur même d'une pensée systémique, qui appréhende le système dans sa globalité, sa valeur dépassant la somme de ses éléments distinctifs. Dans une approche systémique, agir sur l'un des éléments du système peut contribuer à rééquilibrer tout le système.

� Le passage d'un modèle de rémunération à l'acte à un système de paiement for-faitaire subventionné, en tant que choix politique pour les pays pauvres, engendre les conditions nécessaires à d'autres réformes du secteur Santé. Ce type de sys-tème de financement garantit aux populations pauvres un meilleur accès aux soins de santé tout en améliorant l'équité du système de financement de la santé. Quoi qu'il en soit, l'instauration de forfaits ne peut être une mesure isolée ou un but en soi. Elle doit s'inscrire dans un ensemble plus vaste d'efforts, incluant notamment une gestion rationnelle des ressources humaines (bénéficiant de salaires corrects) ainsi qu'une attitude professionnelle en matière de diagnostic et de traitement.

� Les agents de santé changeront d'attitude s'ils gagnent un salaire correct pour un travail de qualité. Quant à la population, elle modifiera aussi son comportement et aura recours aux services de santé publique, si ces derniers sont fonctionnels et dispensés à un coût juste, abordable et prévisible.

Appui belge au secteur de la santé en RDC

À travers son programme Santé en République démocratique du Congo (RDC), l'Agence belge de développe-ment (CTB) ambitionne de contribuer à la mise en œuvre du Plan national de développement sanitaire grâce à un appui tant financier que technique. Le plan est censé améliorer l'accès à des soins de santé de qualité dans certains districts sanitaires pilotes. L'approche adoptée par la CTB vise à favoriser un processus d'apprentissage systéma-tique de ces expériences pilotes, pour alimenter les politiques nationales.

L'un de ces districts pilotes était Kisantu, dans la province du Bas-Congo. Le projet avait pour objectif d'appuyer l'hôpital local et d'accroître l’efficacité de son fonctionnement. Au départ, le personnel hospitalier n'était toutefois pas désireux de participer à cet exercice. Ce n'est que six mois plus tard que la raison de ce refus est apparue : cela faisait trente ans qu’il avait l'habitude de travailler en « mode de survie » dans un système de soins de santé fonctionnant selon une logique purement commerciale, l'objectif principal de l'hôpital étant de générer des revenus pour pouvoir payer les salaires.

La CTB a négocié et mis en place un régime de paiement forfaitaire appli-cable à l'ensemble des services médi-caux, subventionnés pour 70 % par le projet, moyennant toutefois le respect de certaines conditions. Outre le fait d'améliorer l'accès aux soins de santé des pauvres en milieu rural, celui-ci a également permis au personnel hos-pitalier de bénéficier d'un supplément de rémunération au salaire versé par l'État grâce aux nouveaux revenus générés par l'hôpital.

Et c'est précisément cette approche qui a permis de débloquer la situation. Le nouveau régime forfaitaire subventionné a amélioré l'efficacité des services de santé en rendant plus accessibles les soins de santé et en incitant à un usage plus rationnel des services de santé.

Inauguration officielle du service médicotechnique de l'Hôpital général de Kisantu. Photo : © CTB

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Amélioration de l'accès financier aux soins de santé dans le district de Kisantu en RDC : remédier au problème de la complexité

Le système de santé en RDCLa RDC a hérité d'un système de soins de santé primaires et de référencement par district, bien organisé et fonctionnant cor-rectement. Toutefois, la situation dans le secteur Santé, à l'ins-tar de tous les autres secteurs sociaux, s'est très fortement dégradée ces vingt dernières années. Et même si le ministère de la Santé publique à Kinshasa n'a franchement pas été très efficace ces derniers temps pour inverser la vapeur, il est par-venu à clarifier l'organisation structurelle, ainsi que les fonc-tions et les normes du système de santé au niveau du district.

La RDC se divise en 11 provinces, elles-mêmes subdivisées en districts administratifs, à leur tour répartis en zones de santé. Une zone de santé correspond au concept internatio-nalement utilisé de district de santé : un réseau de centres de soins de santé primaires, chapeauté par un hôpital de district pour le traitement de toutes les affections qui dépassent les moyens et les compétences des centres de santé. Le terme « district » sera utilisé dans le présent document pour se réfé-rer à la zone de santé congolaise. Les infrastructures de santé peuvent être la propriété de l'État ou d'acteurs privés à but non lucratif. En règle générale, ces derniers ont bien souvent conclu un accord contractuel avec l'État, où sont clarifiés les droits et devoirs des deux parties, mais ils conservent une grande autonomie en termes de gestion. Depuis l'ère colo-niale, les missions religieuses ont tenu le rôle d'agences d'exécution de premier rang dans le secteur Santé. Aussi, la RDC compte actuellement un réseau indigène, à but non lu-cratif, prospère de prestataires de soins issus des commu-nautés religieuses, qui s'avèrent des partenaires vitaux dans la gestion du système de santé du district. Les Centres de santé intégrés, c.-à-d. des établissements de premier niveau à but non lucratif, étatiques et privés (religieux ou autres), re-lèvent en principe de l'autorité du Bureau central de la Zone, dirigé par le Médecin Chef de Zone. Inversement, les centres de santé non intégrés n'étant pas liés par une convention avec l'État, ils sont généralement axés sur le profit. Toujours est-il que le rôle de supervision de l'équipe de district se borne bien souvent à la simple collecte de données et à l'inventari-sation des médicaments. De plus, quand le Centre de santé intégré ou l'Hôpital général appartient à un acteur privé, cette supervision est souvent considérée comme intrusive et non nécessaire, et partant, elle fait souvent défaut.

En 2008, la RDC occupait la sixième position dans la liste des États défaillants en raison de son incapacité à fournir des ser-vices publics, de l'érosion de l'autorité légitime, de la corrup-tion, de la criminalité et des déplacements involontaires de population. En 2011, le pays figurait à la dernière place du

classement selon l'Indice de développement humain, établi par le Programme des Nations Unies pour le Développement. En RDC, le désengagement de l'État de la réglementation et du financement du secteur de la santé, auquel se sont ajoutés les problèmes de bonne gouvernance, s'est soldé par un sé-rieux affaiblissement du système de santé du pays. Large-ment répandue, la rémunération à l'acte non réglementée est à la fois une cause et une conséquence du phénomène de commercialisation, qui prive graduellement les populations tant urbaines que rurales de l'accès à des soins de santé pri-maires de qualité.

Services non réglementés et imprévisiblesDans certaines régions du pays, le système de santé publique s'est pratiquement effondré et la prestation de soins de santé est en grande partie laissée à des prestataires privés infor-mels. Le budget alloué à la santé publique (3 % du budget annuel de l'État en 2008) sert principalement à financer le paiement irrégulier de salaires très bas aux agents de santé gouvernementaux. La pratique non réglementée du paiement à l'acte par les patients est largement répandue; si celle-ci offre un supplément de salaire aux agents de santé, elle rend le coût des soins de santé par contre totalement imprévisible pour le patient. Un paiement direct est réclamé pour chaque intervention, qu'il s'agisse d'un traitement, d'une injection ou d'une demande d'analyses en laboratoire. La prescription de médicaments est tout à fait irrationnelle et l'accès à des soins de qualité est déficient, tout particulièrement dans les hôpitaux de district, qui connaissent des frais plus élevés que les centres de santé. L'absence de réglementation concerne aussi les universités et les écoles qui forment le personnel de santé. Ces instituts de formation ont connu une forte expan-sion ces dix dernières années et le nombre d'infrastructures de santé ne cesse d'augmenter chaque année. Ainsi, en 2008, 470 instituts médicotechniques et instituts de forma-tion médicale étaient recensés, soit une progression de 84 % par rapport à 1998. On relevait cependant aussi quelque 108 instituts médicotechniques supérieurs ainsi que 39 facultés de médecine (soit une hausse respective de 103 et 130 %, par rapport à 1998). Rien qu'en 2009, 26.000 infirmiers envi-ron ont décroché leur diplôme, un nombre qui dépassait de loin les besoins prévus par les districts de santé. Au cours de cette même année, plus de 2.000 médecins ont obtenu leur diplôme dans les trois grandes universités de Kinshasa, Kisangani et Lubumbashi. La qualité de la formation dispen-sée par ces institutions est insuffisamment réglementée. Ainsi, en 2009, 56 % des instituts médicotechniques fonctionnaient sans décret d'agrément officiel. En raison de la fuite des cer-veaux, du vieillissement du personnel et de sa démotivation, on assiste à un manque évident de professeurs compétents, ce qui ne fait qu'accroître la pression sur la qualité de l'en-seignement. De nombreux instituts, universités et centres de formation visent à produire le plus grand nombre possible de travailleurs médicaux de sorte à générer des revenus. Cette situation engendre une pléthore de ressources humaines – de qualité douteuse – dans l'ensemble du pays, une situation encore aggravée par les conditions de retraite. En effet, vu les faibles pensions versées par l'État, le départ à la retraite

La rémunération non réglementée à l'acte est largement répandue dans les services de santé en RDC. Il s'agit là tant d'une cause que d'une conséquence de la commercialisation des soins de santé.

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signifie pour les agents de santé la fin des suppléments de salaires et des rémunérations informelles, sans lesquels ils ne peuvent survivre.

Il résulte de tout cela un accès déficient aux soins de santé et des besoins largement insatisfaits en la matière dans la majeure partie du pays. Des soins de santé décents sont pro-digués dans des « îlots » épars (c.-à-d. dans des configura-tions bénéficiant d'un appui externe de la part d'organisations gouvernementales ou non gouvernementales).

La RDC s'efforce de reconstruire son système de santé. En 2006, le pays a élaboré sa Stratégie de renforcement du système de santé (SRSS), dont l'objectif est de réorganiser le système de santé dans l'optique d'améliorer l'accès à des soins de santé de qualité. Quoi qu'il en soit, l'écart entre les politiques gouvernementales et la réalité sur le terrain demeure important.

Le district de Kisantu Localisé dans la province du Bas-Congo, dans l'extrême sud-ouest de la RDC, le district de Kisantu compte 144.000 habi-tants, dont 45 % environ vivent dans la ville de Kisantu et sa périphérie (Figure 1). Il compte un Hôpital général situé en zone semi-urbaine, de même que 16 centres de santé intégrés. En 2007 a vu le jour un modeste régime local d'assurance ma-ladie (MUSAKIS - Mutuelle de Santé de Kisantu), se targuant de compter quelque 1.000 membres en 2008.

Figure 1 : Carte du district de Kisantu (zone de santé), Bas-Congo, RDC.

À l'instar de la majorité des autres districts congolais, l'Hôpi-tal général de Kisantu ne jouait pas réellement son rôle de référence, mais faisait en fait concurrence, pour attirer les patients, au premier niveau de soins de santé prodigués dans le système de santé local. Les consultations ambulatoires « de complaisance » à l'hôpital par les mieux nantis étaient fréquentes. Elles représentaient une source de revenus non négligeable pour le personnel, contrairement aux services accueillant des patients hospitalisés. En conséquence, le personnel de l'hôpital se détournait des patients hospitalisés pour privilégier les ambulatoires – qu'ils aient été référés à l'hôpital ou non – entrant de la sorte en concurrence avec les travailleurs de la santé actifs dans les centres de santé inté-grés, progressivement désertés.

En 2008, cet hôpital d'une capacité de 270 lits et comptant plus de 200 membres du personnel (52 % de personnel médi-cal, 48 % de personnel administratif ou d'entretien) n'affichait un taux d'occupation des lits que de 53,3 %. Ce pourcentage illustre la surabondance généralisée de personnel dans les infrastructures de santé congolaises. Le taux d'hospitalisa-tion de la population vivant dans le district était de l'ordre de 22°/00, tandis que le taux d'utilisation des infrastructures de premier niveau (Centres de santé intégrés et Hôpitaux géné-raux confondus) était de 0,4 nouveau cas/habitant/an. 85 % des accouchements prévus dans le district étaient effectués par du personnel qualifié dans un centre de santé intégré ou à l'Hôpital général, le taux de mortalité maternelle à l'accouche-ment s'y élevant à 192/100.000. Les patients renvoyés vers l'Hôpital général par le réseau de centres de santé intégrés ne représentaient que 7 % de l'ensemble des consultations ambulatoires à l'hôpital et 20 % seulement des patients venus en consultation étaient finalement hospitalisés. Les raisons sous-tendant ces faibles taux d'utilisation et le taux élevé de mortalité maternelle sont complexes et multiples. Le manque d'accessibilité géographique imputable à l'état des routes constitue un élément majeur du problème, tout comme le manque d'accessibilité psychologique et culturelle des ser-vices de santé locaux. Nous sommes toutefois d'avis que le principal obstacle à l'accès aux soins de santé est de nature financière.

En 2008, seuls 42,8 % de l'ensemble des patients admis à l'hôpital étaient en mesure de payer leurs factures. Cette situation avait indéniablement un impact considérable sur la faculté de l'hôpital à payer son personnel, étant donné que les suppléments constituaient 75 % de la rémunération totale du personnel. En conséquence, les agents de santé confrontés à des ressources insuffisantes cédaient de plus en plus souvent à la tentation de développer des systèmes de paiement infor-mels dans ce contexte faiblement réglementé et contrôlé. Si, dans un hôpital en concurrence avec des infrastructures de soins de premier niveau, l'on s'attend plutôt à de courts sé-jours d'hospitalisation, la durée moyenne de séjour à l'Hôpital général de Kisantu était elle relativement longue (9,4 jours), en raison probablement de la difficulté éprouvée par les patients à rassembler la somme nécessaire à chaque étape de leur passage dans l'institution.

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La santé, un business complexeLa commercialisation des soins de santé contribue à ampli-fier les inégalités entre riches et pauvres, tout particulièrement dans des contextes caractérisés par des cadres réglemen-taires de faible qualité dans le secteur Santé. Des systèmes faiblement réglementés de rémunération à l'acte engagent un cercle vicieux débouchant sur une dégradation progressive de l'accès à des soins de santé de qualité. Et même si la suppres-sion du paiement par les patients figure en tête des priorités de l'agenda international en matière de santé, les supprimer brutalement pourrait avoir un effet déstabilisant sur le système de santé et s'avérer inabordable, voire non durable dans des pays aux ressources limitées, tels que la RDC.

Entre 2008 et 2011, l'Agence belge de développement (CTB) a lancé un ensemble de réformes dans le district de Kisantu, à travers un processus de recherche-action jugé approprié pour mettre en œuvre le changement dans des systèmes ouverts complexes, tels que le système local de santé de Kisantu. L'ensemble du processus a contribué au renforcement du leadership de l'équipe de gestion du district de Kisantu. Les réformes portaient majoritairement sur la rationalisation des ressources et la réglementation du financement des services de santé. Des tarifs forfaitaires par épisode de maladie ont été mis en place en tant que solution alternative aux rémuné-rations à l'acte par les patients. Pour réduire les tarifs forfai-taires, la CTB a versé une subvention conditionnée au respect d’ une série de mesures de rationalisation des ressources.

Les résultats en termes d'amélioration de l'accès des popula-tions à des soins de santé de qualité ont été immédiats et signifi-catifs. L'expérience menée à Kisantu démontre qu'une approche systémique est vitale pour résoudre des problèmes complexes en offrant des enseignements utiles aux autres districts du pays.

Configuration de l'intervention de la CTB

Pensée systémiqueD'entrée de jeu, l'intervention de Kisantu a envisagé le sys-tème de santé comme un système complexe ouvert, composé d'éléments interconnectés qui interagissent avec le contexte dans lequel il évolue. Comprendre cette interconnectivité et cette complexité constitue le cœur même d'une pensée sys-témique, qui appréhende le système dans sa globalité, ses propriétés dépassant la somme de ses éléments distinctifs. Dans cette perspective, agir sur un élément du système risque de déstabiliser l'ensemble du système (Figure 2).

L'analyse de systèmes complexes de ce genre représente un processus dynamique et continu, dont il est impossible d'identifier et de comprendre en une fois tous les éléments constitutifs. Le processus décisionnel, la mise en œuvre de mesures et leurs conséquences parfois inattendues et non intentionnelles ont abouti à une meilleure compréhension du système, et de nouveaux éléments et dimensions ont été pro-gressivement intégrés au processus de réforme dans l'optique de préserver le système.

RessourcesCertes, la réforme de Kisantu a bénéficié de ressources, de nature financière et autre, de loin supérieures à celles habi-tuellement disponibles dans d'autres districts congolais. Cet appui a été jugé légitime en raison de la possibilité de relayer systématiquement les enseignements tirés de ce projet pilote aux niveaux provincial et national, et de partager l'expérience avec d'autres équipes-cadres de district. L'appui financier octroyé par la CTB au district de Kisantu durant les quatre années (avril 2008 à avril 2012) s'est élevé à un montant total avoisinant les 2,35 millions d'euros. La CTB a investi approxi-mativement 0,85 million d'euros dans des infrastructures et des équipements, 1,1 million d'euros dans l'octroi de sub-ventions pour les patients hospitalisés et pour la retraite du personnel, 50.000 euros dans des formations et enfin 350.000 euros à des consultances externes. Vu ses résultats encou-rageants, l'Hôpital général de Kisantu a bénéficié, en 2013, d'un autre million d'euros pour la construction et l'équipement de nouvelles unités de chirurgie et de soins intensifs, ainsi que de nouveaux services de radiologie et de laboratoire. Les pensions du personnel des Centres de santé intégrés et de l'Hôpital général, sur la base de l'âge de la personne ou du nombre d'années de service, et conformément au Code du Travail applicable en RDC, ont été actualisées chaque année par le district. Il est important de souligner que le processus de rationalisation des ressources humaines de même que la maintenance des infrastructures et des équipements exigent des investissements continus, sans lesquels la durabilité des résultats ne serait pas garantie.

Équipe-cadre santé du district L’un des premiers changements apportés à Kisantu a été la création d’une « nouvelle » équipe-cadre santé du district, constituée du personnel de l’Hôpital et des services de dis-trict. Le choix a été fait de créer une seule structure plutôt que des structures de gestion distinctes pour l’Hôpital et le district. ll a toutefois fallu un certain temps à l’équipe pour devenir totalement opérationnelle et prendre en main le sys-tème de santé local. De nombreuses discussions et réunions se sont avérées nécessaires durant les premiers mois afin que l’équipe nouvellement constituée puisse comprendre l’ana-lyse critique de la situation existante. Les premières décisions ont été prises par consensus après pratiquement une année de négociation. Parmi les causes principales de la durée très longue de ce processus figurent : la résistance au change-ment, les difficultés éprouvées par deux entités précédem-ment indépendantes à travailler ensemble et la perte, pour bon nombre de membres du personnel, de revenus et de pri-vilèges non officiels.

En avril 2009, l’équipe-cadre a pris les décisions suivantes :� Mise en place de tarifs forfaitaires à l’hôpital, ce régime

remplaçant l’ancien système des rémunérations à l’acte. Ces tarifs forfaitaires couvraient la consultation (et/ou l’hos-pitalisation), les analyses en laboratoire, les échographies et/ou les radiographies, ainsi que les médicaments néces-saires pendant l’ensemble de l’épisode de maladie. Ils ont été calculés sur la base d’audits financiers annuels, orga-

Amélioration de l'accès financier aux soins de santé dans le district de Kisantu en RDC : remédier au problème de la complexité

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Droits du personnel d’accéder directement

aux soins

Concurrence entre niveaux

Faible taux d’utilisation du premier niveau

Efficacité de l’hôpital

Surabondance de personnel

Traitement inadapté

Accès aux soins

Faible taux d’hospitalisation

Faible qualité de la formation

Surabondance ou pléthore de

personnel

Accès aux soins

Traitement inadapté

Qualité des soins

Qualité des soins

Efficacité des infrastructures de premier niveau

Rémunérations à l’acte

Second niveau (Hôpital général)

Premier niveau (Centre de santé intégré)

Figure 2 : Le district sanitaire en tant que système complexe.

nisés localement par le diocèse de Kisantu, mais aussi en se référant aux Comptes Nationaux de la Santé de la RDC.

� Subventionnement des tarifs forfaitaires facturés par l’hôpi-tal aux patients vivant dans les limites du district et référés vers l’Hôpital général par un centre de santé intégré (40 à 75 % des tarifs forfaitaires payés par des fonds de la CTB, avec une subvention maximum pour les soins de santé maternelle et infantile).

� Retraite subventionnée (par des fonds de la CTB) pour envi-ron 25 membres du personnel hospitalier fin 2009.

� Affiliation à l’assurance santé MUSAKIS pour l’ensemble du personnel hospitalier, les primes d’adhésion étant payées par des fonds de la CTB pour la première année.

Des réunions régulières de l’équipe-cadre ont été planifiées. Peu à peu, les premiers résultats de ces réformes (positifs ou négatifs, escomptés ou non) sont apparus et ont été discu-tés lors de ces réunions. La plupart des discussions étaient consacrées à la nécessité d'assurer le suivi des réformes enta-mées et de rectifier le cap, si nécessaire. Au départ, l'équipe-cadre n'a pas insisté sur la nécessité de rationaliser l'attitude diagnostique et thérapeutique en raison de la résistance anti-cipée des médecins en milieu hospitalier. Par ailleurs, l'équipe était pleinement consciente du fait que la structure de tarifica-tion forfaitaire avait été définie de façon approximative, sans disposer des informations financières détaillées requises, rai-son pour laquelle une étude des coûts a été planifiée en 2010.

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Processus de mise en œuvre et résultats

Effets immédiatsEn mars 2009, des actions d'information et de sensibilisation à propos de la réforme ont été menées à la télévision, la radio, au moyen de messages publicitaires, à travers des discussions avec des auditeurs et lors de réunions avec les agents de san-té. En avril 2009, la nouvelle structure de tarification forfaitaire a été appliquée au niveau de l'hôpital. Celle-ci a eu des effets immédiats sur l'utilisation des services de santé : le nombre de consultations curatives dans les centres de santé ainsi que celui de patients hospitalisés (référés) ont augmenté, tandis que le nombre de patients ambulatoires à l'hôpital a diminué.

Comportement en matière de prescriptionsLa mise en place d'arbres décisionnels dans les centres de santé a permis de rationaliser les prescriptions. En 2010, des médicaments essentiels ont ainsi été prescrits à plus de 90 % des patients des centres de santé, alors que ce pourcentage n'atteignait pas les 50 % en 2008. Par contre, en 2009, aucun changement de comportement en matière de prescriptions n'a été relevé au niveau de l'hôpital. Nonobstant l'améliora-tion progressive des finances de l'hôpital et les subventions octroyées, quelque 10 % des patients n'étaient toujours pas en mesure de payer leurs factures médicales.

OmbudsmanDes cas de fraude (dans le chef, par exemple, du person-nel de certains centres de santé qui vendait des avis de référencement à des patients) ont été relevés dans certains centres de santé, tout particulièrement ceux à proximité de l'hôpital de district. Afin de s'attaquer à cette problématique, l'équipe-cadre a décidé de renforcer la surveillance. En sep-tembre 2009, un ombudsman a été nommé à l'hôpital dans l'optique de recueillir les plaintes des patients. Plusieurs mois se sont écoulés avant que les victimes de fraude n'osent por-ter plainte. L'équipe-cadre a pris ces plaintes très au sérieux, a mené plusieurs enquêtes et pris des mesures discipli-naires, lorsque cela s'avérait nécessaire. Début 2010, quatre membres du personnel ont été congédiés pour des cas de fraude et six autres ont spontanément remis leur démission.

En dépit du paiement régulier des salaires du personnel et des campagnes d'information répétées, il est rapidement devenu clair que les revenus informels (et illicites) précédemment tou-chés étaient plus élevés que les nouveaux salaires payés au personnel selon les règles d'une structure salariale transparente. Cette perte de revenus constituait une source de mécontente-ment au sein du personnel soignant de l'hôpital, tout particu-lièrement parmi les infirmiers. En septembre 2009, le personnel hospitalier a débrayé pour réclamer une rémunération mensuelle supérieure. En 2010, les salaires ont été augmentés dans le droit fil des recommandations (théoriques) formulées par le gouver-nement, qui ont rarement été appliquées ailleurs. La CTB a aidé l'hôpital à payer son personnel et a couvert le déficit imputable aux patients insolvables. Cette hausse de dépenses attribuable aux salaires du personnel devait, en fin de compte, être intégrée à une révision de la tarification forfaitaire.

Plusieurs tentatives ont été entreprises dans l'optique de bénéficier d'un appui à l'échelon provincial et central et d'in-tégrer les enseignements tirés des réformes aux politiques nationales de la santé. Elles ont cependant suscité peu de réactions. Et même si certains éléments de l'expérience de Kisantu, tels que la mise en place de tarifs forfaitaires et d'arbres décisionnels, ont été intégrés à la nouvelle mouture de la Stratégie nationale de santé, les premières visites sur le terrain du ministère de la Santé à Kinshasa n'ont eu lieu qu'en 2011, et ce, malgré les invitations répétées. Il convient cepen-dant de relever un aspect positif : plusieurs équipes-cadres de districts voisins ou d'autres projets santé de la CTB ont visité Kisantu pour apprendre de cette expérience.

En 2010 et 2011, l'équipe-cadre a organisé une nouvelle série de mise à la retraite d'agents de santé, financée par le projet. Le personnel a été redéployé entre les centres de santé et l'hôpital, et de nouveaux agents ont été recrutés là où cela était nécessaire. Un peu partout dans le district de Kisantu, les ressources humaines ont été réduites pour passer de 200 membres du personnel en 2008 à 140 en 2011, la proportion de personnel paramédical et médical ayant elle progressé de 52 % en 2008 à 60 % en 2011.

En 2010, en dépit des nombreuses réunions tenues avec les médecins résidents, leurs prescriptions de médicaments et d'analyses en laboratoire demeuraient particulièrement pro-blématiques. Quelque 30 % des médicaments prescrits étaient des médicaments spécialisés, la plupart d'entre eux devant être achetés en dehors de l'hôpital, et il y avait suffisamment de preuves d'ordonnances portant sur quatre, voire cinq anti-biotiques, qui ne reposaient sur aucun protocole empirique. Afin de gérer cette problématique de façon non menaçante, un consultant externe a été chargé de discuter des raisons qui sous-tendent l’actuel comportement en matière de prescrip-tions et de rédiger, conjointement avec le personnel médical de l'hôpital, un ensemble de directives reposant sur des don-nées probantes et adaptées au contexte local, en ce compris des protocoles nationaux existants (restreints). Ce processus, qui a pris environ six mois, a suscité un grand intérêt et une forte participation des médecins de l'hôpital. Les nouvelles directives mises en place ont eu un impact impressionnant : en 2011, les médecins résidents ont prescrit des médicaments

Maternité de l'Hôpital général Saint Luc de Kisantu.Photo : © CTB

Amélioration de l'accès financier aux soins de santé dans le district de Kisantu en RDC : remédier au problème de la complexité

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essentiels dans 90 % des cas et l'ensemble de l'antibiothéra-pie était conforme aux directives édictées. Ces dernières ont par ailleurs été partagées avec les autorités sanitaires provin-ciales et centrales, afin d'être aussi utilisées dans d'autres dis-tricts et provinces. Une démarche dont le personnel de l'hôpi-tal de Kisantu a tiré une grande fierté.

Indicateurs inattendus et invisiblesEn 2011, plusieurs centres de santé privés à but lucratif ont dû mettre la clé sous le paillasson par manque de patients. Cela aurait été impensable en 2008, une époque à laquelle le secteur privé à but lucratif semblait immuable. Il s'agit là d'un indicateur de la meilleure accessibilité et acceptabilité du système de santé public et privé à but non lucratif. Au cours de cette même année, plusieurs plus petits postes de santé ayant une charge limitée en termes de soins de santé curatifs ont été fermés, faute d'avoir respecté les lignes directrices de la réforme. Cette dernière décision constituait un indicateur du pouvoir de décision accru de l'équipe-cadre de district.

Le taux d'occupation des lits à l'Hôpital général est passé de 52 % en 2008 à plus de 85 % en 2011 ; quant au pourcentage de patients hospitalisés référés, il est passé de 6,1 % en 2008 à 93,9 % en 2011. Afin de s'assurer que ces changements ont effectivement trait à des patients du district de Kisantu et qu'ils ne sont pas imputables à une hausse du nombre de patients issus de villes comme Kinshasa ou Matadi (où les soins de santé coûtent beaucoup plus cher et dominés par une logique commerciale), le taux d'hospitalisation basé sur l'origine des patients (patients hospitalisés vivant dans le dis-trict de Kisantu/population du district de Kisantu x 1.000) a également été surveillé. Les données relevées témoignent d'une augmentation de 54 % entre 2008 et 2011. Une ten-dance confirmée par la hausse du pourcentage de patients du district hospitalisés, qui est passée de 74 % en 2008 à 86,8 % en 2011. Le taux d'utilisation des soins curatifs de premier niveau en termes de nouveaux cas par habitant par an a de même augmenté, tandis que le nombre total de nouveaux cas dans le service ambulatoire de l'hôpital s'est lui réduit.

Changement de comportementLes constats précités démontrent que les patients, qui avaient pour habitude de s'adresser aux services de l'Hôpital général, ont immédiatement changé de comportement. Ils se sont ren-dus, en premier lieu, dans un Centre de santé intégré, où cer-tains d'entre eux ont pu bénéficier d'un traitement sans devoir être référés vers l'hôpital. Le pourcentage de patients ambula-toires référés et finalement admis à l'hôpital constituait un bon indicateur de contrôle de la pertinence du renvoi des Centres de santé intégrés vers l'Hôpital général. Ledit pourcentage est passé de 21,7 % en 2008 à 53,3 % en 2011. Ce résultat s'ex-plique par le fait que les réformes ont contribué à accroître la transparence du système de paiement, à améliorer la disponi-bilité des médicaments ainsi que la prévisibilité des coûts pour le patient, tout en permettant un meilleur accès financier aux services de santé au niveau de l'hôpital grâce à un subvention-nement conditionnel. À titre illustratif, en 2011, plus de 87 % de l'ensemble des factures des patients ont été encaissés, alors que le pourcentage n'était que de 42 % en 2008. Les résultats indiquent par ailleurs une utilisation plus rationnelle des res-sources, avec un meilleur contrôle au premier échelon et un recours plus efficace aux services offerts par l'hôpital.

Les subventions accordées à l'hôpital sur la base de certains critères de référence ont incité les patients à consulter au pré-alable les établissements de soins primaires. Cela a engendré une utilisation accrue de ces établissements ainsi que des sup-pléments de rémunération conséquents à ce niveau également.

Les incitants versés au personnel, qui représentent un supplé-ment par rapport aux salaires officiels (ces derniers s'élevant approximativement à 20 USD par mois pour un infirmier), com-prennent les recettes après déduction de toutes les dépenses nécessaires (p. ex., médicaments pour la pharmacie, entre-tien). Pour tous les Centres de santé intégrés confondus, ces incitants sont passés de 86.601 USD en 2008 à 127.843 USD en 2011, soit une hausse moyenne de 47,6 % du supplément salarial. Et même si une partie de cette augmentation officielle – qui remplace les anciens revenus non officiels – est très difficile

Figure 3 : Évolution des taux de recouvrement des factures d'hôpital à l'Hôpital général de Kisantu.

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SourcesArticle original : Improving financial access to health care in the Kisantu district in the Democratic Republic of Congo: acting upon complexity

Glob Health Action 2015, 8: 25480 – http://dx.doi.org/10.3402/gha.v8.25480

Auteurs : Stéphanie Stasse1, Dany Vita2, Jacques Kimfuta3, Valèria Campos da Silveira4, Paul Bossyns5 et Bart Criel4

1 | Agence belge de développement, Kisantu, RDC ; 2 | Hôpital de Kisantu, Kisantu, RDC ; 3 | Équipe provinciale de santé du Bas-Congo, Matadi, RDC ;4 | Institut de Médecine Tropicale, Anvers, Belgique ;5 | Agence belge de développement, Bruxelles, Belgique.

La CTB, l'Agence belge de développement, apporte son appui et son expertise à des programmes de développement pour le compte de l'État belge ou d'autres donneurs d’ordre.

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Édité pour la CTB par Guido Couck

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à mesurer, la plupart des infirmiers des Centres de santé in-tégrés admettent que leurs revenus totaux se sont en effet accrus. La plus forte hausse a été relevée au Centre de santé intégré le plus proche de l'hôpital.

ConclusionL'expérience démontre qu'il est possible d'améliorer la régle-mentation du district en matière de santé en liant l'appui finan-cier à une utilisation plus rationnelle des ressources dispo-nibles. Elle atteste par ailleurs que la population a recours aux services de santé publics s'ils sont fonctionnels et dispensés à un coût juste, abordable et prévisible.

Sortir les services de santé d'une logique purement com-merciale est une condition préalable à la réussite de toute réforme et de tout effort de rationalisation. Un tarif forfaitaire subventionné dissuadera les agents de santé de prescrire un trop grand nombre de médicaments et d'actes médicaux. Ce phénomène fait par ailleurs son entrée dans les politiques de réforme mises en œuvre en Europe. Les mécanismes alter-natifs de paiement des honoraires suscitent effectivement un changement dans les approches adoptées par les agents de santé.

Il convient par ailleurs de mentionner que l'attitude des agents de santé n'a pas toujours évolué de façon rationnelle. Le comportement des médecins en matière de prescriptions de médicaments n'a changé qu'avec l'apparition de directives et normes cliniques y afférentes. Cela démontre que d'autres facteurs, tels que les compétences et la rupture de la routine, jouent eux aussi un rôle en la matière. En conséquence, il est important de se rendre compte que c'est l'ensemble du sys-tème qui doit être géré et que les tarifs forfaitaires ne consti-tuent pas un remède miracle pour la réforme, et ce, même s'ils représentent l'une des premières mesures stratégiques à prendre pour briser la logique commerciale du système.

L'expérience menée à Kisantu démontre qu'il est possible de passer de rémunérations à l'acte au paiement de tarifs forfai-taires en tant que choix politique dans les pays confrontés à des problèmes financiers similaires dans leurs tentatives d'accroître l'équité de leur système de financement. Agir sur l'un des élé-ments du système peut, pour autant qu'on recoure à une pen-sée systémique, contribuer à un rééquilibrage du système dans son ensemble. L'instauration de forfaits ne peut être une mesure isolée ou un but en soi, mais doit faire partie intégrante d'un éventail d'activités visant à rationaliser les ressources humaines et à faire évoluer l'attitude diagnostique et thérapeutique.