aa machine, instrument de production

4
~IĂŻ~ĂŻ ~OoE’oe~ B~~NK OF CANADA SI~GE SOCIAL, MONTRE~L~ NOVEMBRE 1951 AA MACHINE, INSTRUMENT DE PRODUCTION L ES quatre facteurs matĂ©riels les plus importants dans le bien-ĂȘtre Ă©conomique d’un pays sont l’invention, la population, lesressources natu- relles et l’organisation Ă©conomique. Cetarticle traite des machines que nous inventons pour transformer les ressources naturelles en produits utilisables et distribuer ceux-ci aux consommateurs. La population du monde s’accroĂźt si rapidement que, d*’aprĂšs lesĂ©conomistes, nosressources suffisent Ă  peine Ă  nourrir tout le monde, et la nĂ©cessitĂ© s’impose de plusen plusd’augmenter la production. Nousne pouvons y arriver que parl’emploi desmachines. Pour mieux comparerle rendementdu travail manuel et celui des machines, prenez la Grande Pyra- mide et le rĂ©servoir de Boulder Dam aux Etats-Unis. La pyramide contient 2,300,000 blocs de pierre, pesant chacun 2 tonnes et demie. Un ingĂ©nieur conseil de Milwaukee estimequ’il a fallu 30 ans Ă  100,000 hommespour la construire. Boulder Dam contient 3,500,000 yards cubesde bĂ©tonpourlesquels il a fallu 10,000,000 yards cubes de matĂ©riaux. Un cĂąble de 220 milles de long a apportĂ© l’énergie avec laquelle 5,000 hommes ont fait marcherdes machines. La pyramide a Ă©tĂ©construite en 30 anspar desesclaves qui marchaient a coups de fouet; le reservoir n’a .pris que5 ansĂ  des machines sous la direction d’ouvriers expĂ©rimentĂ©s. Qu’est-ce quia transformĂ© cette Ăšre d’esclavage en une Ă©poque dans laquelle chaque ouvrier commande Ă  un pouvoir Ă©gal Ă  celui de centaines d’hommes? C’est l’imagination: lafacultĂ© d’envisager ce qu’on peut faire avec ceci et cela; l’habiletĂ© croissante d’appliquer lesforces de sixprincipes fondamentaux desmachines: le levier, la roue, la poulie, le coin, la vis etle plan inclinĂ©. L’écope de bois est devenue d’abord la pelle pneumatique, et,finalement, l’énorme machine Ă  dents d’acier quiarrache un tombereau de terre en uneseule bouchĂ©e. La rĂ©volution industrielle La rĂ©volution industrielle, qui a simplement con- sistĂ© Ă  substituer despouvoirs naturels formidables auxfaibles forces humaines, nous a fait sortir de l’ñge primitif de la pelle, du rouet et du transport Ă  dos ,d’homme. Ellea transformĂ© notre vie Ă©conomique et sociale, et supprimĂ© le dur labeur en nousrendant maitres de nosressources. Son effet Ă©conomique a Ă©tĂ© de supprimer la petite production de famille et de concentrer l’industrie dans les usines. La prospĂ©ritĂ© rĂ©gnait dans les grands centres industriels de l’Angleterre tandis quelescuhivateurs Ă©parpillĂ©s Ă  travers le Canada se servaient encore d’instruments inventĂ©s parles Egyptiens et continu- aient Ă  charrier pĂ©niblement leur blĂ©au moulin. Opposition aux machines Les machines ont rencontrĂ© une forteopposition, maisle progrĂšs a toujours eu des ennemis. L’art de faire a~lopter des idĂ©es nouvelles estsouvent aussi dangereux qu’il est difficile. Les inventions mĂ©caniques ont eu souvent Ă  triom- LPher d’anciennes croyances et de frivoles objections. es fermiers anglais maltraitĂšrent celui quisuggĂ©rait d’employer dessemeuses pour planter le blĂ©. La police de Vienne interdit l’emploi d’unevoiture ~ moteur debenzol parce qu’elle faisait trop de bruit. Les trains, disait-on, empĂȘcheraient les vaches de paĂźtre et les poulesde pondre.Et mĂȘme aux Etats-Unis, vers 1840, on considĂ©rait la baignoire comme une innova- tion destinĂ©e Ă  corrompre la simplicitĂ© dĂ©mocratique de la RĂ©publique. MalgrĂ© tout cela et l’effet du romande Samuel ButlerdĂ©crivant une utopiedans laquelle aucune machine n’était permise, pasmĂȘmelespendules, nous sommes Ă  l’ñge des machines. Nousplantons et nous rĂ©coltons au moyende machines; nous nous sommes habituĂ©s au bruit des voitures sans chevaux, et nos rues en sont pleines; dans certains comtĂ©s de notre conti- nent, il y a aujourd’hui plus de vaches quedans toute l’Angleterre avant leschemins de fer; et lesmachines fontdes baignoires par milliers, heureusement pour la propretĂ© des gens et l’entretien de lasantĂ©. Le progrĂšs dans les usines Le systĂšme industriel donna d’abord Ă  bon droit sujet Ă  des plaintes. Lesindustries miniĂšres, mĂ©tallur- giques et textiles de l’Angleterre furent mĂ©canisĂ©es

Upload: others

Post on 02-Jan-2022

5 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: AA MACHINE, INSTRUMENT DE PRODUCTION

~Iï~ï ~OoE’oe~ B~~NK OF CANADA

SI~GE SOCIAL, MONTRE~L~ NOVEMBRE 1951

AA MACHINE, INSTRUMENT DE PRODUCTION

L ES quatre facteurs matĂ©riels les plus importantsdans le bien-ĂȘtre Ă©conomique d’un pays sontl’invention, la population, les ressources natu-

relles et l’organisation Ă©conomique. Cet article traitedes machines que nous inventons pour transformerles ressources naturelles en produits utilisables etdistribuer ceux-ci aux consommateurs.

La population du monde s’accroĂźt si rapidement que,d*’aprĂšs les Ă©conomistes, nos ressources suffisent Ă peine Ă  nourrir tout le monde, et la nĂ©cessitĂ© s’imposede plus en plus d’augmenter la production. Nous nepouvons y arriver que par l’emploi des machines.

Pour mieux comparer le rendement du travailmanuel et celui des machines, prenez la Grande Pyra-mide et le rĂ©servoir de Boulder Dam aux Etats-Unis.La pyramide contient 2,300,000 blocs de pierre, pesantchacun 2 tonnes et demie. Un ingĂ©nieur conseil deMilwaukee estime qu’il a fallu 30 ans Ă  100,000hommes pour la construire. Boulder Dam contient3,500,000 yards cubes de bĂ©ton pour lesquels il afallu 10,000,000 yards cubes de matĂ©riaux. Un cĂąblede 220 milles de long a apportĂ© l’énergie avec laquelle5,000 hommes ont fait marcher des machines. Lapyramide a Ă©tĂ© construite en 30 ans par des esclavesqui marchaient a coups de fouet; le reservoir n’a .prisque 5 ans Ă  des machines sous la direction d’ouvriersexpĂ©rimentĂ©s.

Qu’est-ce qui a transformĂ© cette Ăšre d’esclavage enune Ă©poque dans laquelle chaque ouvrier commandeĂ  un pouvoir Ă©gal Ă  celui de centaines d’hommes?C’est l’imagination: la facultĂ© d’envisager ce qu’on peutfaire avec ceci et cela; l’habiletĂ© croissante d’appliquerles forces de six principes fondamentaux des machines:le levier, la roue, la poulie, le coin, la vis et le planinclinĂ©. L’écope de bois est devenue d’abord la pellepneumatique, et, finalement, l’énorme machine Ă  dentsd’acier qui arrache un tombereau de terre en une seulebouchĂ©e.

La révolution industrielle

La rĂ©volution industrielle, qui a simplement con-sistĂ© Ă  substituer des pouvoirs naturels formidablesaux faibles forces humaines, nous a fait sortir de l’ñgeprimitif de la pelle, du rouet et du transport Ă  dos

,d’homme. Elle a transformĂ© notre vie Ă©conomique etsociale, et supprimĂ© le dur labeur en nous rendantmaitres de nos ressources.

Son effet Ă©conomique a Ă©tĂ© de supprimer la petiteproduction de famille et de concentrer l’industrie dansles usines. La prospĂ©ritĂ© rĂ©gnait dans les grands centresindustriels de l’Angleterre tandis que les cuhivateursĂ©parpillĂ©s Ă  travers le Canada se servaient encored’instruments inventĂ©s par les Egyptiens et continu-aient Ă  charrier pĂ©niblement leur blĂ© au moulin.

Opposition aux machines

Les machines ont rencontrĂ© une forte opposition,mais le progrĂšs a toujours eu des ennemis. L’art defaire a~lopter des idĂ©es nouvelles est souvent aussidangereux qu’il est difficile.

Les inventions mécaniques ont eu souvent à triom-

LPher d’anciennes croyances et de frivoles objections.es fermiers anglais maltraitĂšrent celui qui suggĂ©raitd’employer des semeuses pour planter le blĂ©. La policede Vienne interdit l’emploi d’une voiture ~ moteurde benzol parce qu’elle faisait trop de bruit. Les trains,disait-on, empĂȘcheraient les vaches de paĂźtre et lespoules de pondre. Et mĂȘme aux Etats-Unis, vers1840, on considĂ©rait la baignoire comme une innova-tion destinĂ©e Ă  corrompre la simplicitĂ© dĂ©mocratiquede la RĂ©publique.

MalgrĂ© tout cela et l’effet du roman de SamuelButler dĂ©crivant une utopie dans laquelle aucunemachine n’était permise, pas mĂȘme les pendules, noussommes Ă  l’ñge des machines. Nous plantons et nousrĂ©coltons au moyen de machines; nous nous sommeshabituĂ©s au bruit des voitures sans chevaux, et nos ruesen sont pleines; dans certains comtĂ©s de notre conti-nent, il y a aujourd’hui plus de vaches que dans toutel’Angleterre avant les chemins de fer; et les machinesfont des baignoires par milliers, heureusement pourla propretĂ© des gens et l’entretien de la santĂ©.

Le progrĂšs dans les usines

Le systĂšme industriel donna d’abord Ă  bon droitsujet Ă  des plaintes. Les industries miniĂšres, mĂ©tallur-giques et textiles de l’Angleterre furent mĂ©canisĂ©es

Page 2: AA MACHINE, INSTRUMENT DE PRODUCTION

trop soudainement. Des usines furent improvisées àla hùte, et les gens désertÚrent les campagnes pourconstruire des villes noires et mornes.

On peut dire comme excuse que personne ne savaitou ne pouvait deviner ce qui allait arriver; nous ensommes rĂ©ellement au mĂȘme point aujourd’hui dansnotre ignorance de ce qui rĂ©sultera de l’énergieatomique, des rivalitĂ©s internationales et de l’emploiauquel sont destinĂ©es toutes les inventions breietĂ©esou non par tous les pays.

L’opinion publique a fait adopter de nombreusesamĂ©liorations, telles que la loi qui dĂ©fend d’employerles enfants avant un certain Ăąge, et la rigoureuse ins-pection des usines. La direction est Ă©galement devenueplus Ă©clairĂ©e et reconnaĂźt pleinement ses responsa-bilitĂ©s envers les ouvriers.

Les machines procurent du travail

Ce que les ouvriers ont toujours le plus redoutĂ© estd’ĂȘtre laissĂ©s sans travail par l’installation d’une nou-veUe machine. En rĂ©alitĂ©, le rĂ©sultat Ă  la longue aĂ©tĂ© non pas de faire employer moins d’ouvriers, maisde diminuer les heures de travail.

Les plus grands effets de la mĂ©canisation intensiveont etc ressentis dans les industries manufacturiĂšres etmĂ©caniques. Et pourtant, l’embauchage dans ces in-dustries a augmentĂ© de 414 pour cent aux Etats-Unisentre 1870 et 1930, tandis que la population ne s’estaccrue que de 218 pour cent.

Des millions d’ouvriers sont aujourd’hui employĂ©sdans des industries qui n’auraient jamais vu le joursans la science et la mĂ©canisation. Elles produisentune quantitĂ© de marchandises et de services qu’iletait impossible de s imaginer au temps des mĂ©tiersmanuels, et elles les mettent a la portĂ©e raisonnablede tous ceux qui veulent se donner la peine de travaillerpour les obtenir.

L’embauchage augmente tout le temps: l’indice desplus importantes industries au Canada est passĂ© de99.4 en 1939 Ă  183.4 en juillet 1951, par comparaisonavec le nombre de personnes au travail en 1939. CĂštteannĂ©e-ci en juin, il y avait 5,247,000 personnes avecun emploi au Canada, dont 920,000 dans des indus-tries manufacturiĂšres et mĂ©caniques.

Nouvelles industries

L’aspect le plus intĂ©ressant de l’ùre nouvelle est le~ombre de nouveaux emplois dans de nouvelles in-dustries. Quoique certaines anciennes occupationsaient disparu, ri existe aujourd’hui un plus grandnombre d’emplois offerts aux ouvriers.

Nous n’avons qu’à jeter les yeux autour de nous pourvoir l’~norme quantitĂ© d’emplois apportĂ©s par lesmachines. En 1881, il n’y avait que 1,391,000 per-sonnes qui gagnaient leur vie par le travail au Canada;au milieu de 1951, il y en avait plus de cinq millions.

Notre recensement compte beaucoup d’industriesqui n’existaient pas au dĂ©but du siĂšcle, et quelques-unesavaient le nombre suivant d’employĂ©s en juillet de

cette annĂ©e-ci: machines, appareils et accessoiresĂ©lectriques 66,714; voitures automobiles 33,020;avlat,on 19,070; soie artificielle 18,193. Nous n’avonspas de chiffres pour les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, maisdepuis 1933 la fabrication mensuelle de rĂ©frigĂ©rateursĂ©lectriques au Canada est passĂ©e de 1,260 Ă  32,948 enmai 1951, et celle des machines Ă  laver de 8,350 en1929 Ă  27,236 en mai 1951. En 1937, nous fabri-quions 24,000 radios par mois; en 1949, Ă  raisonde 66,700 par mois.

Effet social des machines

Dans son livre L’homme, cet inconnu, Alexis Carrelmet le doigt sur un point qui intrigue tous ceux quiont Ă  coeur le bien de l’humanitĂ©. "En apprenant lesecret de la constitution et des propriĂ©tĂ©s de la ma-tiĂšre," dit-il, "nous nous sommes rendus maĂźtres detout ce qui existe sur la surface de la terre, sauf nous-mĂȘmes."

A quel degrĂ© notre dĂ©sappointement causĂ© par l’in-fluence de la machine sur le bien-ĂȘtre de l’individudĂ©pend-il du fait que nous sommes plus instruits, quenos horizons sont plus larges et que la vie nous offreplus de plaisirs? L’homme partira demain Ă  la recher-che du contentement, du mĂȘme endroit oĂč il s’estarrĂȘtĂ© aujourd’hui, et le niveau d’aujourd’hui est beau-coup plus Ă©levĂ© que celui d’hier; par consĂ©quent ilespĂšre davantage.

La jeune fille d’aujourd’hui dans une grande filaturemanque probablement moins de confort que sonancĂȘtre de l’époque coloniale Ă  son rouet dans lacuisine. Elle est certainement moins bousculĂ©e, parcequ’à cette Ă©poque le grand souci Ă©tait de joindre lesdeux bouts. Mais la lecture, le cinĂ©ma et la voix insis-tante des drames de la radio conspirent Ă  la mĂ©contenterde son sort et Ă  lui faire rĂȘver d’une existence plusheureuse.

Conditions d’existence

Les inventions et les produits des machines sontdevenus partie intĂ©grante de notre vie. Sans les machi-nes, nous n’aurions pas cette abondance de produitsdont dĂ©pend l’aisance dans laquelle nous vivons.MĂȘme si tout le monde peinait dur, nous aurionschacun tout juste de quoi vivre sans les machines.C’est le temps Ă©conomisĂ© par les machines qui rendpossible les extras, les nouvelles nĂ©cessitĂ©s de la vie,qui rendent celle-ci plus facile.

W. F. Ogburn a Ă©crit un livre intitulĂ© You andMachines dans lequel il montre ainsi les avantages desmachines: "Beaucoup d’ouvriers vivent de nos joursdans des maisons chauffĂ©es Ă  la vapeur et avec sallede bain, eau chaude et eau froide, et cabinet de toilette.Beaucoup ont une automobile. Dans les appartementsde Marie-Antoinette Ă  Versailles, le poĂȘle qui chauffaitles grandes salles Ă©tait loin de valoir nos fournaisesmodernes... Sa cuvette et sa cruche n’étaient pas aussicommodes que le lavabo moderne avec son tuyaud’écoulement et l’eau courante. Il est trĂšs probablequ’une commise de Woolworth a plus de bas de soieque cette reine. Elle n’avait ni radio ni tĂ©lĂ©phone. Elle

Page 3: AA MACHINE, INSTRUMENT DE PRODUCTION

n’allait jamais au cinĂ©ma. On faisait cuire ses repassur des charbons dans le sous-sol du palais au lieud’un fourneau Ă©lectrique ou Ă  gaz."

Ce n’est pas seulement sous le rapport du bien-ĂȘtrephysique que les ouvriers modernes sont mieuxpartagĂ©s que les rois et les reines d’il n’y a pas si long-temps, mais aussi sous celui de la culture. Les livreset les magazines Ă©largissent leurs horizons, et leschefs-d’oeuvre de l’art sont exposĂ©s Ă  la vue du publicau lieu d’ĂȘtre renfermĂ©s dans des chĂąteaux. Nousvivons plus longtemps. Nous avons plus de loisirs,quoique nous n’ayons pas encore appris Ă  en userprofitablement.

Nous avons au Canada de grandes facilitĂ©s d’éduca-tion, des universitĂ©s, des Ă©coles, des bibliothĂšques, desĂ©coles du soir, des cours commerciaux, des groupesd’étude et des forums agricoles. Il n’y a rĂ©ellementaucune excuse de s’ennuyer. La sociĂ©tĂ© a besoin de gensinstruits dĂ©sireux de contribuer au progrĂšs intellectuelde la communautĂ©, et dans ce genre d’enterprisechacun peut trouver autant de satisfaction qu’unhomme d’Etat en trouve au service de son pays.

Chances de progrĂšs

Maintenant que le travailleur manuel de l’ancientemps ne travaille plus pour ainsi dire de ses mains,comment peut-il ĂȘtre heureux Ă  sa tĂąche? L’énergiephysique qu’il contribuait Ă  son ouvrage est fourniepar l’énergie mĂ©canique; son habiletĂ© professionnellea Ă©tĂ© supplantĂ©e par la prĂ©cision du mĂ©canisme; et saconnaissance du mĂ©tier a fait place Ă  la technique desrĂ©actions entre les facteurs avec lesquels il travaille.

Nous voyons des ouvriers qui sont visiblement fiersd’ĂȘtre seuls en charge d’une puissante machine. Cen’est pas lĂ  une tĂąche dĂ©primante et monotone, maisune au contraire qui donne de l’assurance.

Le cultivateur, ainsi que l’ouvrier des usines, doit ensavoir beaucoup plus que ses ancĂȘtres. Son travail avecles tracteurs, les moissonneuses, les trayeuses et lesautres machines qui facilitent les tĂąches de la fermemoderne, n’est ni assommant ni abrutissant. Il luiouvre de nouveaux horizons et, loin de faire de lui unautomate, en fait un roi. Quelques ouvriers, naturelle-ment, ne sortent jamais de l’orniĂšre. Comme disentles psychologues, ils se "fixent" Ă  un certain niveau.Ils s’habituent Ă  pousser un bouton, serrer une vis,ou tourner une manette. Ils survivent dans l’ñge desmachines avec beaucoup moins de connaissancestechniques qu’un sauvage dans sa jungle.

Ce sont des automates, parce qu’ils sont satisfaits deleur sort. On ne trouve pas parmi eux des GeorgeStephensons qui, de simples mineurs deviennent desinventeurs; ni des Issac Newtons, fabricants de lunettes,qui forgent une nouvelle thĂ©orie de l’univers; ni desGeorge Westinghouses qui, malgrĂ© tous les obstacles,donnent au monde le frein Ă  air comprimĂ©. Mais leurmanque d’initiative n’est pas la faute des machines.Il y a toujours eu des gens comme cela.

Le rĂŽle des capitaux

A la longue, notre prospérité nationale dépendra dumontant de capitaux dont nous disposerons pour

crĂ©er les machines capables de fabriquer des produitsnouveaux et diffĂ©rents en quantitĂ©s croissantes. Lemaintien et le progrĂšs du bien-ĂȘtre matĂ©riel exige quel’épargne fournisse des fonds pour financer les re-cherches, perfectionner les inventions et appliquer lesprocĂ©dĂ©s qui transforment les nouvelles idĂ©es enemploi pratique.

Le seul moyen de faire marcher l’industrie est demettre Ă  sa disposition le fruit de nos Ă©pargnes pouracheter l’outillage dont les ouvriers se serviront pourproduire les marchand[ses dont la vente continueraĂ  payer leur salaire. "MĂȘme l’humble travail de creuserla terre," dit Voorhees dans The Uncommon Ma»,"exige que le patron dĂ©pense de l’argent pour acheterune pelle. Dans la fabrication de l’acier--de la mineau consommateur--il faut aujourd’hui au moins$20,000 pour crĂ©er un seul nouvel emploi."

Les capitaux sont un ingrĂ©dient essentiel de la pro-duction. Si nous voulons exprimer la valeur globaled’une machine, il faut calculer combien il faudrait, autaux courant d’intĂ©rĂȘt, pour produire un revenu ~gaiĂ  la valeur du produit de la machine.

Cela nous fait penser que si la machine ne rend pastout ce qu’on attend d’elle, celui qui l’a achetee perd del’argent. C’est le risque qu’on court eu faisant desplacements de capitaux.

Les gens s’imaginent souvent que les capitauxinvestis durent Ă©ternellement. Bien loin de lĂ , carl’outillage dans lequel les capitaux sont placĂ©s, com-mence Ă  se dĂ©prĂ©cier le moment qu’il est fabriquĂ©.

Une enquĂȘte sur la dĂ©suĂ©tude de l’outillage pour letravail des mĂ©taux a rĂ©vĂ©lĂ© qu’il est en gĂ©nĂ©ral horsd’usage s’il remonte Ă  plus de 10 ans. Cela fait res-sortir l’urgent besoin de nouveaux capitaux. La nĂ©-gligence a un effet secondaire, mais trĂšs important;quand l’usine est en mauvais Ă©tat et exige de grossesrĂ©parations, cela tend a irriter les ouvriers, et Ă  rĂ©duireleur rendement, mĂȘme Ă  un plus grand point que lemauvais fonctionnement des machines.

La principale sauvegarde, et meilleure assurancede succĂšs et de progrĂšs, consiste /t rĂ©investir les re-venus dans les affaires, comme le font gĂ©nĂ©ralementles industries canadiennes. En conservant une partiedu revenu net pour les besoins futurs, toutes les grossesentreprises ont consolidĂ© leur situation financiĂšre.C’est une des meilleures habitudes du systĂšme cana-dien, car on assure ainsi l’avenir de l’entreprise, et onobtient en mĂȘme temps des fonds pour l’expansion etl’imprĂ©vu.

La Jabrication des machines

Quand on a les capitaux, reste Ă  se procurer lesmachines.

Les publications du Bureau de la Statistique duDominion indiquent l’intĂ©ressant progrĂšs de l’in-dustrie mĂ©canique au Canada. Les chiffres se bornentaux opĂ©rations des firmes engagĂ©es principalementdans la fabrication de machines pour l’industrie, lemĂ©nage, le bureau et le commerce, non compris lesinstruments agricoles et les machines Ă©lectriques.

Page 4: AA MACHINE, INSTRUMENT DE PRODUCTION

Entre 1925 et 1949, le nombre d’usines a augmentĂ©de 151 Ă  366, le nombre d’employĂ©s de 8,313 Ă 30,070, et les salaires de $10,750,000 Ă  74 millions,tandis que la valeur brute des p.roduits passait de$30,500 Ă  241 millions. En outre, 11 y avait 546 ateliersde construction mĂ©cani~lue en 1949, avec 6,027 ou-vriers, recevant $12,840,000 de salaires et dont le tra-vail avait une valeur brute de 28 millions de dollars.

Pouvoir

Si bonne que soit une machine, elle ne vaut rientoute seule. Elle a besoin de pouvoir pour la fairemarcher. Le triomphe de la rĂ©volution industrielle aĂ©tĂ© de substituer d’autres pouvoirs que TĂ©nergiephysique de l’homme comme source de production.

L’homme d’aujourd’hui possĂšde la mĂȘme constitu-tion biologique que les anciens. Nous avons peu deforce physique. On a calculĂ© que nous ne pouvons pastrĂšs longtemps exercer un effort plus grand qu undixiĂšme de cheval-vapeur. C est dire que si nous necomptions que sur cela, nous produirions trĂšs peuet trĂšs lentement.

Pour accroĂźtre la production et soulager nosĂ©paules, nous avons trouvĂ© le moyen d’employer l’eauet le vent pour faire tourner les roues de nos moulins,et nous ne nous en sommes pas arrĂȘtĂ©s lĂ . GrĂące Ă l’ingĂ©niositĂ© d’un grand nombre d’inventeurs, nousavons aujourd’hui cinq sortes de moteurs qui fournis-sent 95 pour cent de toute l’énergie dont nous dis-posons: le moteur/t mouvement alternatif, la turbine Ă vapeur, la turbine hydraulique, le moteur Ă  essence etle moteur Diesel.

Le principal de ces moteurs est celui actionnĂ© parl’electricite engendrĂ©e par la force hydraulique. LapremiĂšre usine hydro-Ă©lectrique au Canada a Ă©tĂ©mstallĂ©e vers 1880. Le rendement des usines hydro-Ă©lectriques du Canada est aujourd’hui de 12 millionset demi de chevaux-vapeur. Si nous admettons qu’uncheval-vapeur fasse le travail de dix hommes, celanous donne l’équivalent de l’énergie de plus de125,000,000 d’ouvriers, et pourtant toute la main-d’oeuvre du Canada n’en compte que 5,200,000.

Production

Le Canada s’est engagĂ© Ă  amĂ©liorer continuellementles conditions d’existence de tous ses habatants, commeil l’a fait jusqu’ici. Nous avons entrepris un programmede services sociaux, dont quelques-uns si coĂ»teuxqu’il faudra accroitre notre revenu national. Nousavons besoin de plus de marchandises et de servicespour une population dont les salaires ont augmentĂ©de plus de 289 pour cent depuis l’avant-guerre. Nousavons de plus des obligations sous forme de travauxde dĂ©fense et de contributions au rĂ©tablissementmondial.

Tout cela exige une production beaucoup plus con-sidĂ©rable qu’en 1939.

L’histoire et les Ă©tudes Ă©conomiques montrent

~u’une grande production est le meilleur moyen’amĂ©liorer les conditions d’existence. Quand la

production est faible, les marchandises deviennent deplus en plus rares, coûtent de plus en plus cher et

sont Ă  la portĂ©e de moins en moins de gens. Nousavons la Lampe d’Aladin, mais c’est Ă  nous de la frotterde toutes nos forces.

Fixons-nous pour but de faire rendre Ă  chaquemachine tout le travail possible.

Plus nous Ă©tudions les dessous de la situation mon-diale, plus nous nous rendons compte qu’il fautproduire davantage pour Ă©tablir un degrĂ© raisonnablede stabilitĂ© Ă©conomique, au Canada comme Ă  l’étranger.

Les machines nous permettent, si nous en tirons lemaximum, de nous procurer la mĂȘme quantitĂ© de pro-duits avec la moitiĂ© du travail, ou double la quantitĂ©pour le mĂȘme travail. Nous ne pouvons pas vivreaussi bien si nous passons les mĂȘmes heures par jouraux machines et si nous produisons seulement lamoitiĂ© de ce que nous pourrions faire.

L’homme a cessĂ© d’ĂȘtre une bĂȘte de somme. Ce sontmaintenant les machines ou l’énergie Ă©lectrique quifont le gros travail. Mais l’homme demeure le seulagent du rendement, car c’est lui qui fait couler l’éner-gie et marcher la machine.

Le bon rendement dĂ©pend des ouvriers, de la direc-tion et des machines. C’est Ă  la direction qu’il appar-tient d’augmenter le rendement des machines grĂąceaux recherches et Ă  l’adoption de nouveaux procĂ©dĂ©stechniques. La fonction des ouvriers est de faire rendrele maximum aux machines. Cela ne veut pas dire de setuer Ă  la tĂąche ou de presser le pas outre mesure, maisde faire consciencieusement le travail pour lequel onest payĂ©.

Toute notre Ă©conomie s’en portera mieux.

L’avenir

Nos universitĂ©s et nos Ă©coles ont toutes des pro-fesseurs d’histoire, mais aucune ne possĂšde une chairepour l’étude de l’avenir. Il serait bon, remarque W. F.Ogburn, dans son livre Les Machines et le monde dedemain, d’avoir des penseurs qui consacreraient toutleur temps Ă  Ă©tudier la marche des Ă©vĂ©nements. Ils ne

"se laisseraient pas bercer par de fausses perspectiveset trop d’optimisme. Dans leur vue d’ensemble, ilsapercevraient l’imminence de nombreux changements,mais sans remarquer aucune innovatio n susceptible desoulager l’homme de son obligation de faire un bontravail, ou d’excuser le dĂ©faut de produire moins qu’iln’est raisonnablement capable.

S’il est difficile de prĂ©parer l’accĂšs Ă  un brillantavenir, ce n’est pas par manque de ressources naturelles,d’esprit d’invention, d’habiletĂ©, et le reste. Nous avonstout cela Ă  portĂ©e de la main. Ce qui nous manque, c’estle moyen d’en effectuer la rĂ©union et la cohĂ©sion.

Quand les auteurs dramatiques de l’ancienne GrĂšcene savaient plus comment se tirer d’une situationdifficile, ils faisaient descendre sur la scĂšne, au moyend’une machine, un acteur en costume d’un dieu, quitrouvait facilement une solution Ă  sa maniĂšre. Nous nepouvons plus, de nos jours, compter sur un "Deus exmachina" pour nous tirer de nos pĂ©trins. Il vaut mieuxnous en remettre Ă  notre bon sens et nous efforcersincĂšrement de ne pas Ă©prouver le besoin de son aide.

IMPRIMÉ AU CANADApar la Banque Royale du Canada