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    FACULT DE DROIT ET DES SCIENCES CONOMIQUES DE LIMOGESOBSERVATOIREDESMUTATIONSINSTITUTIONNELLESETJURIDIQUES

    Sous la direction de :

    JEAN-PIERRE MARGUNAUD

    ET

    FLORENCE BURGATJACQUES LEROY

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    FACULT DE DROIT ET DES SCIENCES CONOMIQUES DE LIMOGESOBSERVATOIREDESMUTATIONSINSTITUTIONNELLESETJURIDIQUES

    DOSSIER THMATIQUE :

    LABATTAGERITUEL

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    DIRECTEUR

    Jean-Pierre MARGUNAUD Professeur de Droit priv la Facult deDroit et des Sciences conomiques de LIMOGES

    RDACTEURS EN CHEF

    Jacques LEROYProfesseur de Droit priv lUniversit dOrlans Doyenhonoraire

    Florence BURGAT Philosophe Directeur de recherche INRA- UniversitParis I

    SECRTAIRES GNRAUX

    Olivier DUBOS Professeur de Droit public lUniversit MontesquieuBordeaux IClotilde DEFFIGIERProfesseur de Droit public lUniversit de Limoges

    COMIT SCIENTIFIQUE

    Suzanne ANTOINEDocteur en Droit Prsident de chambre honoraire de laCour dappel de Paris

    Elisabeth de FONTENAY Philosophe Matre de Confrences HonoraireGenevive GIUDICELLI-DELAGE Professeur de Droit priv lUniversit Paris I. Prsidente de lAssociation de recherches pnaleseuropennesXavier LABBEProfesseur de Droit priv lUniversit Lille 2Jean-Franois LACHAUME Professeur mrite de Droit public lUniversit de PoitiersMarie-Angle HERMITTEDirecteur de recherche au CNRSJean-Claude NOUT Professeur la Facult de Mdecine de ParisFranois PASQUALINI Professeur de Droit priv lUniversit ParisDauphineCatherine PRAUBERT Docteur en Droit, Avocat MayotteMichel PRIEUR Professeur mrite de Droit public lUniversit de

    Limoges Doyen honoraireThierry REVETProfesseur de Droit priv lUniversit Paris I

    COMIT DE RDACTION

    Florence BURGAT Philosophe Directeur de recherche INRA/UniversitParis IClotilde DEFFIGIER Professeur de Droit public lUniversit de Limoges

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    Olivier DUBOS Professeur de Droit public lUniversit MontesquieuBordeaux IVGenevive GIUDICELLI-DELAGE Professeur de Droit priv lUniversit Paris I Prsidente de lAssociation de recherches pnaleseuropennesJacques LEROY Professeur deDroit priv lUniversit dOrlans DoyenhonoraireHlne PAULIAT Professeur de Droit public Doyen Honoraire de la Facultde Droit et des Sciences conomiques de Limoges

    Damien ROETSMatre de confrences de Droit priv la Facult de Droitet des sciences conomiques de Limoges

    SECRTAIRE DE RDACTION

    Franois PLISSON Ingnieur dtudes lUniversit de Limoges

    ***

    Direction, administration :

    OMIJ / 5 Rue Flix bou - 87031 LIMOGES CEDEX 1Tl :+33 5 55 34 97 36Fax : +33 5 55 34 97 01Courriel : [email protected] Internet : http://www.unilim.fr/omij

    Mode de parution :

    2 numros par an

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    Sommaire

    DROITS TRANGERS ET COMPARAISON DES DROITS (sous la responsabilitdeMarie-Claire Ponthoreau)MARIE-CLAIRE PONTHOREAU ETANNA GAMPER............................................ 129

    CHRONIQUE LGISLATIVELUCILLEBOISSEAU-SOWINSKI................................................ ........................ 141

    BIBLIOGRAPHIE

    COMPTE-RENDU DE LIVRESMICHELLEVINET ET FLORENCEBURGAT........................................................ 149

    REVUE DES PUBLICATIONSPIERRE-JRMEDELAGE............................................................................... 153

    SOMMAIRES DE JURISPRUDENCECATHERINE PRAUBERT,LALIAANDASMAS ET CORINNEANDR...................... 159

    II. DOSSIER THMATIQUE : LABATTAGE RITUEL ................................................................. .... 167

    TRIBUNE CONTRADICTOIRE

    Rapport de lInstitut musulman de la Mosque de Paris propos du sacrificeislamique des animaux destins la consommation halal et sur les mthodesinternationales rcemment admise par les pays musulmansDALILBOUBAKEUR..................................................................... ................... 169Croire ou savoir : enjeux philosophiques et politiques de labattage rituelFLORENCEBURGAT.............................. ......................................................... 175La souffrance animale dans labattage rituel : entre science et droitPHILIPPEDEVIENNE........................................... ........................................... 189Est-il possible de diminuer la souffrance animale lors de labattage rituel ?RIVON KRYGIER................................................... .......................................... 199Les ralits de l'abattage rituel : tmoignage dune thologue depuis un halld'abattage

    AURELIA WARIN-RAMETTE............................................. ................................ 209

    POINTS DE VUE CROISS

    PHILOSOPHIEAbattage rituel et sacrificeFRANOISEARMENGAUD.................................... ........................................... 225

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    PSYCHANALYSEL'abattage rituel ou l'obsession de AbrahamGHILAINEJEANNOT-PAGS........................................................ .................... 243

    HISTOIRE DES CULTURES ET DES CIVILISATIONSLabattage en Europe, du XIXmeau XXImesicleLISABETHHARDOUIN-FUGIER...................................................................... 253

    ANTHROPOLOGIE ET HISTOIRE DU DROITLe geste, la parole et le partage - Abattage rituel et droit RomeXAVIER PERROT.............................................................. ............................... 275

    DROITS RELIGIEUXManger ou ne pas manger le cheval (sacrifi) ? Telle est la question pour lechrtien - Mode dabattage et consommation de viande chevaline dans loccidentchrtienNINONMAILLARD.................................... ...................................................... 291

    CONOMIEAbattage rituel : le religieux au dfi de lconomiqueJEAN-JACQUES GOUGUET.............................................................................. 303

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    Sommaire

    LISTE DES AUTEURS AYANT PARTICIP CE NUMRO

    Lalia ANDASMASCorinne ANDRFranoise ARMENGAUDLucille BOISSEAU-SOWINSKIDalil BOUBAKEURFlorence BURGAT

    milie CHEVALLIEROlivier CLERCClotilde DEFFIGIERPierre-Jrme DELAGEHubert DELZANGLESSonia DESMOULIN-CANSELIERPhilippe DEVIENNEOlivier DUBOSMuriel FALAISEAnna GAMPERJean-Jacques GOUGUET

    lisabeth HARDOUIN-FUGIERChristine HUGON

    Ghilaine JEANNOT-PAGSRivon KRYGIER

    Carine LAURENT-BOUTOTJacques LEROY

    Michel LEVINETNinon MAILLARD

    Jessica MAKOWIAKFabien MARCHADIER

    Jean-Pierre MARGUNAUDJean MOULY

    Sverine NADAUDHlne PAULIAT

    Xavier PERROTMarie-Claire PONTHOREAU

    Catherine PRAUBERTDamien ROETS

    Aurlia WARIN-RAMETTE

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    AVANT-PROPOS

    Associs depuis toujours la survie conomique de lHomme, devenus enquelques dcennies indispensables son quilibre affectif, placs au cur des

    crises sanitaires les plus aigues et des dfis cologiques les plus graves, lesanimaux sarrangent toujours pour renvoyer aux questions cruciales : la vie etla mort, la douleur et le bonheur, la nature et la culture, ltre et le paratre, laservitude et la libert Aussi suscitent-ils des dbats particulirement vifs et

    passionns auxquels le Droit ne reste pas indiffrent mme si le poids destraditions et le cloisonnement des catgories juridiques lempche souventdy participer efficacement. Or, il nexiste pas, il nexiste plus, en France tout

    au moins, de Revue juridique qui prendrait en compte la gravit, loriginalit,la complexit des questions animalires et qui contribuerait faire mergerou voluer les rponses qui leur conviennent.

    La Revue Semestrielle de Droit Animalier a pour ambition de combler cevide ressenti par un certain nombre de chercheurs et beaucoup dacteurs de la

    vie conomique ou associative. Elle sefforcera dy parvenir en regroupantles forces de juristes de toutes les spcialits acadmiques mais aussi de

    philosophes et de scientifiques sans le soutien desquels la rflexion juridiquesessoufflerait vite sur un pareil sujet. Cest dans le mme esprit douverture

    doubl dun esprit de tolrance quelle ne sappellera pas Revue semestriellede droit des animaux mais Revue semestrielle de droit animalier. Ainsipourront sy exprimer aussi bien des auteurs qui sont galement des militantsactifs de la cause animale que des chercheurs davantage intresss par la

    question que par la cause.

    Diffuse principalement sous forme lectronique la Revue Semestrielle deDroit Animalier se subdivise en deux parties : une partie Actualit juridiquerpondant aux structures classiques des revues juridiques et une partieDossier thmatique, permettant de mettre en exergue un sujetparticulirement sensible sur lequel se croiseraient les points de vue dejuristes et de non juristes (lexprimentation, la corrida, les animauxcompagnons de solitude, llevage en batterie).

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    I. ACTUALIT JURIDIQUE

    Sous la rdaction en chef de :

    Jacques LEROYProfesseur la Facult de Droit, dconomie et Gestion dOrlans (CRJP)

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    DOCTRINE

    ARTICLE DE FOND

    Droit animalier : Quelle place pour le bien-tre animal ?

    Muriel FALAISE

    Matre de confrences de droit priv

    Universit Jean Moulin Lyon 3

    Il semble que de tout temps lhomme ait fait moins de rflexions sur le bienque de recherches pour le mal1.

    Ce constat tabli au cours du dix-huitime sicle, aprs une tude portant surla condition animale, pointait dj le manque de considration que lhommeportait lespce animale. Si au fil des sicles la place de lanimal dans lasocit a profondment et favorablement volu, on peut sinterroger sur lerle qua jou la science juridique dans cette volution. A-t-elle t un outil

    au service dun repositionnement de lanimal ?Force est de constater que le lgislateur est intervenu ds 1850 avecladoption de la loi Grammont2dont lunique article punissait les auteurs demauvais traitements infligs en public aux animaux domestiques. Malgrcette lgislation qui lpoque aurait pu tre qualifie davant gardiste3,luvre lgislative en faveur de lanimal nest en dfinitive guresignificative. Dailleurs, malgr de nombreux plaidoyers en faveur de lacause animale, consquences des nouveaux rapports existant entre lhommeet lanimal, le lgislateur na procd qu un rajustement minime de sonstatut juridique en modifiant les articles 524 et 528 du code civil et larticle521-1 du code pnal4. Cette modification a eu pour consquence dedistinguer lanimal des corps inanims, mais elle ne la pas pour autant

    extrait de la catgorie des biens meubles et na surtout pas eu pourconsquence de lui reconnatre en droit civil la qualit dtre vivant sensible.

    1Georges-Louis Leclerc De Buffon,Histoire naturelle des animaux, 1753.2Loi Grammont du 2 juillet 1850.3Toute mesure garde, car cette loi avait pour fondement de prserver la sensibilitdes jeunes gens.4Loi n 99-5 du 6 janvier 1999 relative la protection animale, JORF n5 du 7 janvier1999 p. 327.

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    Linsuffisance de cette mesure a aliment les critiques et le nombre de voixrclamant une modification du statut juridique de lanimal na cess decrotre. Prenant la mesure de cette attente, le Garde des Sceaux a souhaitllaboration dun rapport portant sur le rgime juridique de lanimal. Ce futchose faite en 20055. Cependant, les diffrentes solutions prconises par lesauteurs du rapport (juristes et personnalits de la cause animale) visantnotamment sortir lanimal de la catgorie des biens pour enfin tenir comptede la spcificit animale, nont t suivies daucun effet. Certains ontpourtant tent de surfer sur ce mouvement en dposant une proposition de

    loi visant intgrer au code civil le caractre sensible de lanimal

    6

    .Si le lgislateur a renonc rgler la question du statut juridique de lanimal,nombreux sont ceux qui se proccupent actuellement de la question animale,la condition animale tant devenue lune des proccupations socitales du21me sicle. Lhomme semble enfin prendre la mesure des responsabilitsque son niveau suprieur de conscience lui impose lgard des plus faibles7.Le sicle nouveau serait-il alors porteur desprances pour la cause animale ?La conscience collective nous amne effectivement nous proccuper du sortde lanimal8 mais cette nouvelle dynamique se rvle pour linstantinsuffisante. Pour mettre un terme au conservatisme juridique et sortir delimpasse, il convient daborder la question du statut juridique de lanimalsous un nouvel angle et dans un dialogue apais et fructueux. Ainsi le sort de

    lanimal peut tre apprhend travers la question de sa condition.Sinterroger sur le bien-tre animal suppose de dfinir les contours de larelation triangulaire droit animal - bien-tre. Une fois prcises la nature etla porte de cette relation, la protection du bien-tre animal pourra alors treefficacement traite.

    5Rapport sur le rgime juridique de lanimal rdig par Suzanne ANTOINE,Prsidente de chambre honoraire la Cour dappel de Paris et trsorire de la Liguefranaise des droits de lanimal, 10 mai 2005.6Proposition de loi visant intgrer au code civil le caractre sensible de lanimal,dpose le 27 septembre 2007 lAssemble Nationale.7 Je ne suis pas un cologiste qui dit quune souris a autant de responsabilit quemoi, je suis un cologiste qui dit que jai plus de conscience que la souris et que jesuis donc responsable aussi de la souris. Jean-Marie Pelt, La vie est mon Jardin, d.Albin Michel, 2000.8Comme en tmoignent diverses manifestations telles que les Rencontres animal etsocit qui se sont droules courant 2008 sous lgide du Ministre de lagricultureet de la pche et qui ont runi prs de 150 participants autour de trois thmatique : lestatut de lanimal, sa place dans la ville et dans lconomie. On peut galement citer le21me forum Le Monde - Le Mans organis par lhebdomadaire Le Monde quisest droul du 13 au 15 novembre 2009 autour de diverses thmatiques animales.

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    I La reconnaissance dun droit au bien-tre animal

    Le bien-tre est au cur de nos proccupations. Lhomme tend y accder, crer son espace personnel du bien-tre. Cette aspiration naturelle delhomme tend profiter galement aux tres vivants sensibles qui partagentsa vie.

    A Droit et bien-tre

    Pour procder une tude du bien-tre animal, il est ncessaire au pralablede circonscrire la notion mme de bien-tre, qui recouvre des acceptionsdiverses, afin de pouvoir dterminer quelle place lui attribue le droit.

    1 La notion de bien-tre

    Si on peut dsigner le bien-tre comme la sensation agrable ne de lasatisfaction de besoins physiques (1555) puis la situation matrielle quipermet de satisfaire les besoins de lexistence (1740) 9, il peut galementprendre dautres dimensions. Ainsi, ct du bien-tre physiologique etbiologique, on constate lexistence dautres catgories de bien-tre. Le bien-

    tre recherch ou atteint peut tre matriel

    10

    , affectif

    11

    , psychologique

    12

    ,social13, conomique14ou encore fiscal15. La diffrenciation rsulte en fait du

    9 Dictionnaire historique de la langue franaise, sous la direction dAlain Rey, LeRobert, 2006, p.1333.10 Isabelle Corpart, Famille recompose : les familles recomposes dcomposes,A.J. Famille 2007, p. 299 : Faute de lien de droit, le survivant est un tiers qui nepeut pas prtendre veiller aux intrts de lenfant, mme sil vient de soccuper deson ducation et dassurer son bien-tre matriel .11 Sylvie Cadolle, Arrangements et conflits autour de lentretien de lenfant enrsidence alterne, A.J. Famille 2009, p. 162 : les pres ont moins lhabitude de ladisponibilit, de lattention et de la prsence constantes qui semblent ncessairesaujourdhui () au bien-tre et la russite scolaire des enfants .12

    Florence Fresnel, Le rle de la famille dans le cadre de la nouvelle loi sur laprotection des majeurs, A.J. Famille 2009, p. 16. Pour dterminer la qualit demembre de la famille du majeur protg lauteur fait rfrence unerecommandation adopte par le comit des ministres du Conseil de lEurope en datedu 23 fvrier 1999, dont larticle 10 dispose quil conviendrait de consulter dans lamesure de ce qui est raisonnable et possible, les personnes ayant un intrt particulierau bien-tre du majeur concern, quil sagisse de son reprsentant , dun membreproche de sa famille ou dautres personnes .13 Ds 1946, lOrganisation mondiale de la sant (OMS) faisait rfrenceexplicitement au bien-tre social en reconnaissant que La sant est un tat de

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    conduit rcemment lutilisation de ce terme leur propos21. Au dpart, cetteterminologie tait limite la sphre vtrinaire puis son usage sestdvelopp progressivement pour aujourdhui stendre aux textes de diversesadministrations et organismes dont le ministre de lagriculture, la directiongnrale de lalimentation, le ministre de la recherche et de lenseignementsuprieur, la commission nationale de rflexion sur lthique enexprimentation animale ou encore, lOIE (organisation mondiale de la santanimale).

    Ltude de la condition animale impose de se rfrer au bien-tre largo sensucest--dire englobant cette double dimension.

    2 Les sources juridiques

    Cette aspiration naturelle de lhomme bnficie dune assise juridique quitrouve sa source diversement dans la lgislation, la jurisprudence et ladoctrine.

    En droit interne, diverses branches sy rfrent expressment. On note ainsique dans le cadre du droit du travail, le bien-tre du salari mais galementde sa famille est pris en compte22. Plus rcemment, le droit de

    lenvironnement est devenu promoteur dune certaine forme de bien-tre

    23

    . lchelle europenne et internationale24, le bien-tre a galement fait lobjetdune conscration. La Cour europenne des droits de lhomme retient

    21Le terme de bientraitance des animaux semble avoir t utilis partir de 2002 loccasion dun colloque organis lcole vtrinaire dAlfort portant sur Sant etbien-tre des animaux de production . Sur cette question voir Rapport surlutilisation du nologisme bientraitance propos de la protection des animaux ,Acadmie vtrinaire de France, Commission charge de la rflexion sur les relationsentre lhomme et les animaux. http:/www.academie-veterinaire-defrance.org/rapports/bientraitance.pdf.22Sur ce point, voir larrt rendu par la chambre sociale de la cour de cassation en

    date du 2 dcembre 2008 avec une rfrence lancien article R 432-2 du code detravail relatif aux activits sociales et culturelles qui ont pour objet notammentlamlioration des conditions de bien-tre des salaris, anciens salaris et de leurfamille, Bull civ n 10 dcembre 2008, n239.23Pascale Steichen, Evolution du droit la qualit de la vie, de la protection de lasant la promotion du bien-tre, revue juridique de lenvironnement 2000, n 3, p36124Convention internationale des droits de lenfant, ONU, 20 novembre 1989, article3-2 : les Etats parties sengagent assurer lenfant la protection et les soinsncessaires son bien-tre, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de

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    dailleurs depuis larrt Lopez Ostra C/Espagne du 9 dcembre 1994, quenapplication de larticle 8 de la convention les atteintes graves lenvironnement doivent tre prises en compte dans la mesure o ellespeuvent affecter le bien-tre dune personne25.

    Ainsi le bien-tre est prsent dans le droit comme dans la vie. En devenant unlment juridiquement protg, il gnre des droits au profit de lhomme.Lanimal, compte tenu de son statut juridique ncessairement distinct, ne peutprtendre bnficier dune reconnaissance similaire. Toutefois, on note une

    volution dans la prise en compte de son bien-tre.

    B Animal et bien-tre

    La question animale a depuis trs longtemps t traite par de nombreuxauteurs, dAristote Descartes, de Jeremy Bentham Charles Darwin,jusqu des penseurs contemporains (Jacques Derrida, Boris Cyrulnik,Elisabeth de Fontenay, Michel Pastoureau, etc). Si certains font tat dunenouvelle prise de conscience dans ce domaine26, ce nest pas lide qui estnouvelle mais la faon dont on la traite. La place de lanimal est devenue uneproccupation de la socit civile. La prise en compte de son bien-tredevient une question thique grandissante qui engage notre responsabilit

    collective (quant aux choix de socit) mais galement individuelle (quant nos choix de consommation).

    Pour dterminer en quoi consiste le bien-tre animal, il convient de dfinir lescontours de lespce animale. En dautres termes, quelles sont les espces oules catgories danimaux pour lesquels le bien-tre doit tre assur ?Actuellement, la notion mme de bien-tre diffre selon la catgorie danimalconcerne et elle est largement dpendante de la relation de proximit avec

    ses tuteurs ou des autres personnes lgalement responsables de lui, et ils prennent cette fin toutes les mesures lgislatives et administratives appropries .Dclaration universelle des droits de lhomme 1948, article 25 : toute personne adroit un niveau de vie suffisant pour assurer sa sant, son bien-tre et ceux de safamille, notamment pour lalimentation, lhabillement 25CEDH 9 dcembre 1994, Lopez Ostra c/ Espagne, srie A n303-C, JCP 1995, G,1, 3823, chron. F. Sudre.De mme, larticle 24 de la charte des droits fondamentaux de lUnion europennedispose que les enfants ont droit la protection et aux soins ncessaires leur bien-tre . Charte n2000/C 634/01 du 18 dcembre 2000, JOCE 364, p.1.26 Florence Burgat et Robert Dantzer, Une nouvelle proccupation : le bien-treanimal, in Le mangeur et lanimal. Mutations de llevage et de la consommation.Autrement, Coll. Mutations/Mangeurs, N172, Paris, 1997.

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    lhomme. Selon les situations, la relation est de nature diffrente selon quilsagit dune proximit affective (animaux domestiques), dune proximitconomique (animaux de production) ou dune proximit environnementale(animaux sauvages).

    1 Lanimal domestique

    En France, depuis une loi de 1976, lanimal domestique est un tre sensible,

    qui doit tre plac par son propritaire dans des conditions compatibles avecles impratifs biologiques de son espce 27. Jurisprudence et lgislateur sonttour tour intervenus pour dfinir cette catgorie danimaux28. Ainsi, toutanimal sur lequel lhomme exerce un pouvoir appartient la catgorie delanimal domestique.A contrario, sont considres comme espces animalesnon domestiques, celles qui nont subi aucunes modifications par slection dela part de lhomme29. On assimile donc lanimal sauvage apprivois oudtenu en captivit lanimal domestique. Mais afin de tenir compte du lienaffectif que peut nouer lhomme avec lanimal qui partage son quotidien, desdispositions spcifiques aux animaux de compagnie sont insres dans lecode rural30. Celui-ci est dailleurs dfini par larticle L 214-6 comme toutanimal dtenu ou destin tre dtenu par lhomme pour son agrment .

    Sur le plan pnal, lanimal domestique ou assimil bnficie dune protectionvisant le protger contre diverses atteintes (actes de cruauts et mauvaistraitement). Le code pnal, dans son article 521-1, protge lanimal dans sanature dtre sensible, en condamnant lourdement les svices graves ou denature sexuelle et les actes de cruauts commis envers les animaux placssous responsabilit humaine (30 000 damende et 2 ansdemprisonnement).

    27Article 9 de la loi du 10 juillet 1976, intgr larticle L 214-1 du code rural.28 Dans un arrt du 14 mars 1861, la Cour de Cassation a dfini les animauxdomestiques comme tant les tres anims qui vivent, slvent, sont nourris, sereproduisent sous le toit de lhomme et par ses soins . Cette dfinition tant toutefoistrop troite pour englober lensemble des animaux qui avaient effectivement un lien

    avec lhomme, la Cour de Cassation dans un arrt du 16 fvrier 1895 a requalifilanimal domestique comme tant celui qui vit sous la surveillance de lhomme etnon plus seulement sous son toit , S. 1895, I, p.269.Quant la loi du 19 dcembre 1963 incriminant les actes de cruaut commis sur lesanimaux domestiques, elle a tendu la rpression aux agissements commis envers lesanimaux apprivoiss ou tenus en captivit, extension confirme par la loi du 10 juillet1976.29Article R 411-5 du code de lenvironnement.30 Dcret n 2008-871 du 28 aot 2008 relatif la protection des animaux decompagnie et modifiant le Code rural, JORF n 202 du 30 aot 2008, page 13678.

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    Lanimal est galement protg contre les mauvais traitements (articles R653-1 R 655-1 du code pnal) qui peuvent prendre la forme dactes demaltraitance ou datteintes lintgrit physique ou la vie de lanimal (lespeines encourues sont alors des peines damendes pour des contraventions de3me, 4me ou 5me classe). Si lhomme na pas lobligation de bien traiterlanimal, il a linterdiction de le maltraiter. Il sagit l de la reconnaissancedun droit au bien-tre stricto sensuque lon peut qualifier de droit primaire.Paralllement cette protection une nouvelle tendance merge visant prendre en compte des donnes autres que purement vitales telles que

    lespace, la scurit, le stress, langoisse, le groupe, etc Ce droit, alorsqualifi de secondaire englobe lensemble des mesures visant amliorer lacondition animale, lui assurer une qualit de vie. En pratique, la frontireentre ces deux catgories est parfois minime. Ainsi, une juridiction dappel a-t-elle sanctionn sur le fondement des mauvais traitements les actes demaltraitance dun matre ayant laiss son chien nuit et jour sur un balconexige sans pouvoir se mettre labri des intempries, dans ses excrments et mme le bton (condamnation pour mauvais traitements avec placement duchien auprs de la SPA)31. Toutefois soyons raliste, compte tenu des peinesencourues et surtout prononces32, cette protection semble peu efficace.

    Si lappartenance la catgorie des animaux domestiques est clairementdfinie sur le plan pnal et rural avec pour consquence la reconnaissance du

    caractre sensible de ces tres vivants, le droit civil maintient sa positionarchaque. Pourtant, comme certains lont dj propos33, il conviendraitdajuster le code civil la ralit, les animaux tant des tres vivants dots desensibilit. Ils doivent donc tre placs dans des conditions conformes auximpratifs biologiques de leur espce et au respect de leur bien-tre.Toutefois, pour pallier cette rigidit, la jurisprudence a pris rapidement encompte le lien daffection. Donc, si lanimal continue appartenir en droitcivil la catgorie des biens meubles les juges nhsitent pas qualifierlexistence dune relation affective entre lhomme et lanimal domestique.Ainsi le prjudice matriel rsultant de la perte du bien animal est indemnis,

    31Cour dappel Montpellier, chambre correctionnelle 3, 3 juin 2009 (n JurisData :2009-006788)32Cour dappel de Versailles, 7mechambre, 5 novembre 2007. En lespce, la courdappel a condamn pour acte de cruaut le propritaire dun animal un moisdemprisonnement avec sursis, 1 000 damende et linterdiction de dtenir unanimal pendant cinq ans alors que les actes reprochs taient les suivants : lepropritaire tait parti en week-end en laissant son chien sur un balcon, expos lachaleur et sans abri lui laissant de la nourriture et de leau mais en layant muselpour viter les aboiements.33Suzanne Antoine,Le projet de rforme du droit des biens - Vers un nouveau rgimejuridique de lanimal ?Revue Semestrielle de Droit Animalier RSDA 1/2009, p. 11.

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    mais galement le prjudice moral subi par le propritaire lorsquil existe unlien daffection entre lanimal et le matre34. Cette double dimension nest paslimite aux seuls animaux de compagnie. Elle profite galement aux animauxde production.

    2 Lanimal de production

    Lanimal dlevage ou de rente bnficie galement dune prise en compte de

    son bien-tre mais avec une modulation selon les stades du processus deproduction. Ainsi diffrentes mesures permettent dassurer son bien-tre tantau cours de sa vie quau moment de labattage.

    Llevage des poules en est un exemple caractristique. Dans cette filire deproduction, il existe plusieurs types dlevages :

    - intensif : les animaux sont confins dans des espaces rduits o il leur estimpossible de voler ou ne serait-ce que dtendre leurs ailes ;- standard : les poules sont plusieurs (4 5) dans une cage avec un clairageartificiel intensif ;- levage plein air : les animaux disposent dun espace plus consquent (9 12 poules par m2) et un perchoir de 15cm par poule ;

    - biologique : les poules ne sont plus que 6 par m2 et bnficient dunperchoir de 15cm.

    34Cass civ 1re , 16 janvier 1962 : Mais attendu quindpendamment du prjudicematriel quelle entrane, la mort dun animal peut tre pour son propritaire la causedun prjudice dordre subjectif et affectif susceptible de donner lieu rparation .En lespce, il sagissait dun cheval de course qui avait t mis la disposition dunentraneur. Suite son lectrocution, le juge avait retenu le prjudice matriel maislindemnisation ne consistait pas uniquement en une somme dargent permettant deracheter un animal prsentant les mmes qualits, il sagissait galement de prendreen compte le prjudice affectif rsultant de la perte dun animal auquel le propritairet attach. Bull civ 1962, n 33 ; Dalloz 1962.199 note R. Rodire ; RTDCiv1962.136 obs. A. Tunc ; JCP 1962.11.12557 note P. Esmein.

    Pour une dcision dans le mme sens, mais o lanimal en cause tait un chien, voirTGI Caen 30 octobre 1962, D.1963.92 ; RTDCiv 1963.93 obs. A Tunc. Voirgalement Civ 1re, 27 janvier 1982, JCP 1983.II.19923, note Chabas ; Rouen, 16 sept1992, D. 1993.353, note Margunaud.Sur ce point voir, V. Margunaud et alii, La protection juridique du lien daffectationenvers un animal, D. 2004. Chron. p. 3009 ; voir galement Fabien Marchadier,Latteinte aux sentiments daffection envers lanimal(TI Poissy, 21 juillet 2009, Fayec/ SARL Fidex, indit ; Paris, 23 janvier 2009,JurisData 2009-37-4911,RSDA 2009-1 p. 156), RSDA 2/2009, p.19.

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    Ces donnes relatives lhabitat des poules ont une incidence directe sur lebien-tre puisque celui-ci est conditionn par lespace dont chacune vapouvoir disposer et par le respect du rythme diurne et nocturne.

    Progressivement la qualit dtre vivant dot de sensibilit prend donc toutesa dimension pour aboutir une reconnaissance du bien-tre. La volont deprserver lanimal sexprime notamment loccasion des expositions etdivers rassemblements au cours desquels des vtrinaires sont mandats parla direction des services vtrinaires pour veiller au bien-tre des animaux.

    Lanimal de rente a profit dune double influence : celle de la socit civiledans la mesure o les choix des consommateurs ont un rel impact sur lemonde de llevage35, et celle des leveurs car malgr le processusdindustrialisation qua connu llevage de nombreux leveurs travaillentavec les animaux et non contre eux, nouant des liens affectifs avec leursbtes36. La dernire pierre apporte ldifice du bien-tre de lanimal deproduction a t pose par le Conseil de lUE avec ladoption en 2009 dunrglement destin supprimer la souffrance animale lors de ltape finale dela chane dlevage37. Ainsi labattage devra se faire dans des conditions denature assurer le bien-tre de lanimal, si tant est que limminence de lamort puisse tre adoucie par des mthodes plus appropries.

    3 Lanimal sauvage

    Pour lanimal sauvage, cest paradoxalement la condition de captif qui luisera la plus favorable. En effet, il bnficie alors dune protection similaire celle accorde aux animaux de compagnie et dlevage. On oppose en droitcivil franais les res propria constitues par les animaux domestiques ouassimils (animaux sauvages apprivoiss ou tenus en captivit) et les resnullius qui correspondent aux animaux sauvages stricto sensu. Pour cettecatgorie, le statut dtre sensible nest pas reconnu. Si le lgislateur franaisa opt pour lintgration dans la catgorie des res propria de lanimalsauvage captif ou apprivois, dautres Etats sont largement engags dans laprotection du bien-tre de lanimal sauvage. Le lgislateur Suisse a ainsiadopt des dispositions spcifiques pour les animaux sauvages dans

    35 Ce constat rsulte notamment de divers sondages effectus auprs desconsommateurs europens.36 Jocelyne Porcher, Les leveurs et leurs animaux, Journes dtudes Le sens delanimal / pourquoi lanimal du 2 au 4 fvrier 2010, Espace Pierre Mends France,Poitiers.37Rglement (CE) n 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protectiondes animaux au moment de leur mise mort (texte prsentant de lintrt pour lEEE),JO L301/1 du 18 novembre 2009.

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    lordonnance relative la protection animale, entre en vigueur au 1erseptembre 200838. Dautres pays ont galement lgifr dans ce sensnotamment la Bolivie, o lutilisation des animaux sauvages ou domestiquesdans les cirques vient rcemment dtre interdite39.

    La protection de lanimal sauvage rsulte donc pour lessentiel desdispositions relatives la prservation des espces. Il profite galement desdispositions applicables en matire datteintes lenvironnement enbnficiant dune protection ds lors quil subit des nuisances conscutives

    des atteintes lenvironnement

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    . Celle-ci est assure au titre du dommagepar ricochet.

    Cette dichotomie a t retenue par deux ordonnances de 200041intgrant dansle code rural lensemble des dispositions relatives lanimal domestique etdans le code de lenvironnement celles relatives lanimal sauvage, ce quifacilite lapprhension du statut de chacun.

    La relation de proximit que lanimal noue avec lhomme se rvleessentielle pour son bien-tre. Dailleurs, qui ne smeut pas davantagedevant le sort des chats dpecs pour lutilisation de leur fourrure que devantles dgts causs par le retardateur de flamme chrom chez lespadon ? Celien affectif nest pas le seul facteur qui profite lanimal. En effet, lhomme

    a besoin dans sa grande mansutude de ne pas porter la culpabilit de lamaltraitance ou mme une moindre chelle du mal tre de lanimal. Ainsilanimal sacrifi sur lautel de la recherche ne profitera pas toujours de lamme compassion humaine, selon la finalit de la recherche. A cet gard, lestests sur animaux destins laborer des cosmtiques42 ne bnficient plusdaucune lgitimit, linverse des exprimentations vise thrapeutiquetelles que les recherches en matires de xnogreffe. Toutefois, dans le cadrede ces dernires, les animaux de laboratoires ont galement vu leurs

    38Ordonnance suisse du conseil fdral sur la protection des animaux (OPAn), du 23avril 2008, Recueil systmatique du droit fdral (RS) 455.1.39

    Loi adopte le 13 mai 2009.40Ainsi selon larticle L. 110-1 du Code de lenvironnement les espces animales font partie du patrimoine commun de la nation. Leur protection est dintrtgnral Voir aussi dans ce sens, Mathilde Boutonnet, Une reconnaissance du prjudiceenvironnemental pour une rparation symbolique, http://www.lexisnexis.com.41 Ordonnance n 2000-550, 15 juin 2000, JORF du 22/06/2000 ; ordonnance. n2000-914, 18 septembre 2000, JORF du 21/09/2000.42Sur ce thme, voir Jean-Pierre Margunaud,Le droit communautaire et les produitscosmtiques expriments sur les animaux, D. 2006, Chr. P. 1774.

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    conditions de vie voluer grce une rglementation contraignante tendant leur assurer une certaine forme de bien-tre.

    Si lon saccorde sur la reconnaissance dun bien-tre animal, constitu parun droit primaire et un droit secondaire, permettant de prendre en compte saqualit dtre vivant dot de sensibilit, dautres questions se profilent alors :par quels moyens assurer sa mise en uvre ? quelle porte le lgislateur est-ilprt lui confrer ? En dautres termes, comment assurer la protection de cebien-tre animal ?

    II La mise en uvre du droit au bien-tre animal

    En matire de protection animale, le droit oscille entre raison et passion. Poursoutenir une dmarche protectrice, il est ncessaire demporter ladhsion etla participation de divers acteurs. Cest une condition sine qua non pourmettre en place les moyens permettant dassurer le bien-tre animal.

    A Les acteurs

    Pour valuer la porte du droit au bien-tre animal, il convient de se tourner

    vers les instances communautaires qui sont des acteurs majeurs dans cedomaine. Elles ont su user de divers outils (actes obligatoires ; actesatypiques ; pratiques institutionnelles informelles) pour faire voluerpositivement le bien-tre animal.

    lchelle nationale, diverses structures uvrent galement dans ce sens.

    1 Au niveau europen

    En 1997, ladoption dun protocole additionnel au trait dAmsterdam relatif la protection et au bien-tre des animaux a confr au bien-tre animal unevaleur communautaire en lintgrant dans un texte de porte gnrale. Cette

    reconnaissance officielle de la qualit dtre sensible des animaux a eu pourconsquence dimposer aux institutions europennes de tenir compte du bien-tre animal dans la formulation et la mise en uvre des politiques communes.

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    cette approche globale sest ajoute une approche sectorielle concernanttrois domaines : llevage, le transport et labattage. Les deux premiers43ontdj fait lobjet de nombreuses dispositions et sont parvenus asseoir uneprotection efficiente et efficace. En matire dabattage, de nombreusesatteintes la rglementation en vigueur44 ont t rvles, sur fond descandale45. Si les entreprises prives sont sur la sellette, lOffice Alimentaireet Vtrinaire de la Commission europenne relve galement desdfaillances rcurrentes de certains services vtrinaires nationaux. Cest lecas notamment de la France et de la Grce. En 2000, un rapport de l'Office

    alimentaire et vtrinaire de la Commission europenne

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    faisait dj tat desrieux problmes en matire de bien-tre des animaux dans les abattoirsgrecs. Puis en 2007, la Commission europenne sest vue dans lobligation deformer un recours contre la Grce devant la Cour europenne de justice pourinfraction la lgislation relative au bien-tre des animaux47qui a donn lieu une condamnation pour violation des rgles en matire de transport etdabattage des animaux48. Les plus hautes instances europennes ont ainsipris la mesure du travail accomplir pour assurer efficacement la protectiondu bien-tre animal. Cela doit ncessairement passer par un renforcement dela rglementation.

    Cest dans ce contexte que la Commission a propos en 2008 un projet derglementation de labattage. Le Conseil de lUnion europenne par un

    rglement du 24 septembre 2009 fixe de nouvelles normes pour le traitementdes animaux au moment de leur mise mort. Cette nouvelle rglementationsimposait compte-tenu du nombre danimaux mis mort chaque anne dans

    43Ainsi le rglement (CE) n 1/2005 du Conseil, du 22 dcembre 2004, relatif laprotection des animaux pendant le transport et les oprations annexes, rglemente letransport des animaux vertbrs vivants lintrieur de lUnion europenne. Sontconcerns tous les transports effectus dans le cadre dune activit conomique. Lesdiffrentes mesures doivent permettre dviter toute blessure ou toute souffranceinutile lanimal et lui garantir des conditions appropries pour satisfaire sesbesoins. Par ce rglement, lensemble des rgles en matire de bien-tre des animauxau cours du transport sont runies au sein dun texte unique, JO L 3 du 05.01.2005.44 Directive 93/119/CE du Conseil du 22 dcembre 1993 sur la protection des

    animaux au moment de leur abattage, JO L 340 du 31.12.1993, p21.45Lassociation de dfense animale L 214 a dpos une plainte suite un tournageeffectu en camra cache au sein des tablissements Charral, au cours duquel onconstatait que les bovins ntaient pas tourdis avant leur mort comme lexigent lesdispositions communautaires, mais taient suspendus par une patte arrire, sedmenant et souffrant.46DG(SANCO)/1060/2000.47IP/07/379, Recours form le 21 mars 2007.48 CJCE, 10 septembre 2009, Commission des Communauts europennes c/Rpublique hellnique (Aff. C-416/07).

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    pas en considration le bien-tre des animaux ne sera plus autorise, saufdans des cas exceptionnels (tels que la protection de la sant humaine ou unepandmie lchelle animale). Souhaitons que ces exceptions nouvrent pasla brche de nombreuses distorsions.

    Enfin, cette nouvelle rglementation ne savre pas totalement satisfaisantedans la mesure o la Commission europenne, consciente de la mauvaiseapplication de la lgislation actuelle par plusieurs Etats membres, a prvu unecertaine souplesse afin de tenir compte de limpact socio-conomique dune

    telle rforme pour ce secteur. Elle souhaite ainsi que mmes les Etats les plusrticents sengagent dans un processus du respect du bien-tre de lanimallors de labattage.

    Au-del du domaine spcifique de labattage, la question du bien-tre animalest devenue une question dintrt communautaire. Au dbut de lanne2006, la Commission a adopt un plan daction de cinq ans49 afin derenforcer les normes existantes, dvelopper la recherche, mettre en place desmesures dvaluation et de participation ainsi que de promouvoir le bien-treanimal sur le plan international.

    2 Au niveau national

    La protection dont bnficient les animaux notamment au niveau europen,demeure parcellaire lchelle nationale dans la mesure o en droit franaisson statut juridique produit deux sries de consquences ngatives.

    En premier lieu, en droit civil le maintien de lanimal dans la catgorie desbiens lui fait perdre le bnfice de toute protection ds lors que la dimensionpatrimoniale soppose la dimension animale. Le bien est suprieur au bien-tre. En effet, la valeur marchande dun animal prime sur sa condition dtrevivant. La presse rgionale relate rgulirement des faits divers qui mettenten lumire cette incohrence juridique faisant de lanimal un tre vulnrablemais qualifi juridiquement de bien50. Ainsi en 2007, suite la procdure de

    49 Programme europen 2006-2010 Bien-tre animal , Communication de laCommission au Parlement europen et au Conseil du 23 janvier 2006, COM (2006)13, JO C 49 du 28 fvrier 2006.50Voir dans ce sens larticle publi le 25 aot 2009 dans les colonnes du journal deSane-et-Loire. Dans cette affaire, des chevaux maltraits (dfaut de soins et denourriture ayant entrans la mort de certains) depuis plusieurs annes ne peuvent tresauv malgr lacharnement dun habitant de la commune, faute de pouvoir se intenterune action contre le propritaire des chevaux dans la mesure o le dossier a tconfie un huissier qui est charg de lexplusion du propritaire.

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    liquidation judiciaire de la socit des Calches du Chteau de Versailles, laquestion du sort dune dizaine de chevaux sest pose. Faisant partie delactif de la socit, ils devaient tre vendus aux enchres. Les dirigeants dela socit s'inquitant du devenir des chevaux prennent contact avec uneassociation de protection animale, laquelle propose alors le rachat desanimaux. Quelques mois plus tard, le mandataire judiciaire informelassociation qu'il vient de recevoir une offre de reprise de l'ensemble de lasocit y compris les chevaux. Seule, une jument souffrant de fourbure serafinalement cde par le repreneur pour une modique somme51.

    En second lieu, lexception culturelle retenue par le code pnal prend le passur le bien-tre animal. Ainsi, les pratiques traditionnelles (corrida52, combatsde coqs, noyade de chiens) constituent des exceptions linterdiction desmauvais traitements. Cest sur ce fondement de la tradition ancestrale, que lacour dappel de Papeete a, dans un arrt du 19 fvrier 199853, cartlapplication de larticle 521-1 du code pnal au fait de noyer des chiens pourles sacrifier en vue de leur consommation.

    Toutefois, le lgislateur franais suivra peut-tre la mouvance actuelletendant exclure la tradition comme fondement aux atteintes animales54.Cest dailleurs dans cette perspective quune proposition de loi avait tdpose en 2007, visant interdire tous les svices graves envers les animaux

    domestiques ou apprivoiss, ou tenus en captivit, susceptibles dtre exercslorsquune tradition locale ininterrompue peut tre invoque55.

    De toute vidence, quelle que soit ltendue de la protection du bien-treanimal, celle-ci ne pourra tre ralise sans la participation vidente de tousles acteurs. Un des moyens de responsabiliser les hommes consiste lesassocier pleinement dans cette prise de conscience. Le lgislateur a dailleurspartiellement pris en compte cette donne en dveloppant laxe formation desdtenteurs de certaines catgories de chiens dans la loi du 20 juin 200856. Il

    51www.fondationbrigittebardot.fr/52Sur ce point, voir le dossier thmatique La corrida , RSDA 2/2009, pp. 117 et s.53CA Papeete, 19 fvr. 1998, JCP G 1999, I, 151, obs. M. Vron.54Ainsi lAllemagne, la Belgique et le Royaume-Uni ont aboli la chasse courre. Orpour ce dernier, il sagissait dune vritable institution !55Proposition de loi n 228 enregistre la Prsidence de lAssemble nationale le 25septembre 2007.56 LOI n 2008-582 du 20 juin 2008 renforant les mesures de prvention et deprotection des personnes contre les chiens dangereux, JORF n 0144 du 21 juin 2008.Les propritaires de chien qualifi de dangereux cest--dire appartenant la catgorie1 ou 2 des chiens doivent justifier dun permis de dtention. Sur ce point, cfle dcret

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    sagit dun premier pas vers une lgislation plus gnraliste linstar de cellequi existe chez nos voisins suisses, o lobligation de formation ne vise passeulement les propritaires de chiens mais est tendue au dtenteur de porcs,chevaux, moutons, poules pondeuses, poulettes et poulets de chair57.

    Du ct des professionnels, signalons le rle qui incombe lensemble desrfrents bien-tre en matire de transport animalier. Lensemble desintervenants58doit recevoir une formation, en particulier les chauffeurs et lesaccompagnateurs qui doivent tre titulaires dun certificat daptitude

    professionnelle venant notamment sanctionner une formation complteconcernant le bien-tre animal. Plus largement, des comptences en matirede bien-tre animale sont requises dans le cadre de nouveaux diplmesvenant sanctionner des formations en lien direct avec lanimal59.

    Quant aux vtrinaires, ils sont en prise directe avec la condition animale et illeur appartient de mettre tout en uvre pour initier dune part une prise deconscience et dautre part un comportement responsable. Ainsi, voit-onapparatre dans les salles dattente des cliniques vtrinaires des chartescontenant des dispositions relatives au bien-tre animal.

    Si elles ont le mrite dexister, ces diffrentes dispositions savrentinsuffisantes, dans la mesure o il est matriellement trs difficile de

    sassurer que tous les animaux vivent dans des conditions respectueuses deleur bien-tre. Afin de contourner cette difficult, il convient dexplorerdautres voies. La protection de la condition animale peut rsulter en grandepartie des actions intentes par les associations. Mais disposent-elles dundroit dagir en la matire, condition indispensable la recevabilit de leuraction ? On constate un nouveau courant jurisprudentiel largement favorableaux actions en justice des associations. Ainsi, plusieurs arrts rcents de la

    n 2009-1768 du 30 dcembre 2009 relatif au permis de dtention de chien mentionnau I de l'article L. 211-14 du code rural et la protection des animaux de compagnie.57 Cette obligation existe ds lors que le propritaire possde plusieurs animaux delespce. Leur nombre a t fix respectivement 3, 5, 10, 150, 200 ou 500. Article31 de lordonnance sur la protection des animaux (OPAn) du 23 avril 2008.58

    Sont concerns, les transporteurs, les organisateurs de transport et les conducteurs,ainsi que les dtenteurs danimaux transports (cette dernire catgorie vise tousceux qui ont un lien troit avec ces animaux, savoir les personnels des centres deregroupements, des marchs et des abattoirs, ainsi que les leveurs).59Arrt du 17 juillet 2009 portant cration et fixant les modalits de dlivrance dubrevet dtudes professionnelles agricoles spcialit travaux en exploitationsdlevage , JORF n 205 du 5 septembre 2009, page 14732 ; arrt du 17 juillet 2009portant cration et fixant les modalits de dlivrance du brevet dtudesprofessionnelles agricoles spcialit travaux en levage canin et flin , JORF n205 du 5 septembre 2009, page14733.

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    1 Les moyens techniques

    Il sagit dtablir diffrents indicateurs permettant de cerner au mieux leslments constitutifs du bien-tre animal, de le standardiser.Dans cette optique, on peut se rfrer aux prconisations tablies par le FarmAnimal Welfare Council, organisation non gouvernementale cre en 1967 etbase au Royaume-Uni, qui a tabli que le bien-tre dun animal sera assurds lors que plusieurs conditions sont runies :

    - absence de faim, de soif et de malnutrition : accs libre de leau frache et une nourriture adapte en quantit suffisante ;- maintien du confort de lanimal : accs libre un environnement appropriincluant au minimum un abri et une aire de couchage ;- absence de douleur physique, de maladie ou de blessures : prvention outraitement vtrinaire suivant un diagnostic rapide ;- expression des comportements normaux de lespce : espace suffisant etpossibilit de contact et dinteraction avec dautres membres de son espce ;- absence de peur ou danxit : traitement et conditions de vie ninduisantpas de dtresse psychologique.

    lchelle europenne, la Commission a cofinanc un programme derecherche destin laborer une mthode standard pour lvaluation du bien-

    tre des animaux dans les filires alimentaires. Le Welfare Quality

    64

    a eupour objectifs de concilier les attentes socitales et les besoins des marchs,de dvelopper des systmes fiables dapprciation du bien-tre des animauxen ferme et dinformation sur les produits, et de mettre au point des solutionspermettant de rsoudre des problmes spcifiques de bien-tre. Ceprogramme a rassembl pendant 5 ans (2005-2009) quarante-quatre institutsou universits, issus de 17 pays (13 pays europens et 4 pays dAmriqueLatine). Les chercheurs participant ce programme ont dvelopp des outilspratiques dvaluation pour sept espces animales65. Pour chaque espce, 30 50 mesures sur animaux ont t identifies pour mesurer le bien-treconformment aux douze critres de bien-tre diffrents tablis pourllevage et labattage lesquels correspondent aux prconisations du WelfareCouncil. Pour que le bien-tre de lanimal soit tabli, les critres suivants

    doivent tre runis :

    1. Les animaux ne doivent pas souffrir de faim prolonge ;2. Les animaux ne doivent pas souffrir de soif prolonge ;3. Les animaux doivent bnficier dune aire de couchage confortable ;

    64http://www.welfarequality.net/everyone65Il sagit des espces suivantes : vaches laitires, bovins viande, veaux de boucherie,truies, porcs charcutiers, poules pondeuses et poulets de chair.

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    4. Les animaux doivent bnficier dun confort thermique ;5. Les animaux doivent disposer de suffisamment despace pour pouvoir sedplacer librement ;6. Les animaux doivent tre exempts de blessures physiques ;7. Les animaux doivent tre exempts de maladies ;8. Les animaux ne doivent pas souffrir de douleurs provoques par des soins,des manipulations, un abattage ou des procdures chirurgicales inappropris ;9. Les animaux doivent avoir la possibilit dexprimer un comportementsocial normal et non nuisible ;

    10. Les animaux doivent avoir la possibilit dexprimer les autrescomportements normaux propres leur espce ;11. Les animaux doivent tre manipuls avec prcaution en toute situation ;12. Les motions ngatives telles la peur, la dtresse, la frustration oulapathie doivent tre vites et les motions positives, telles la scurit ou lasatisfaction, doivent tre favorises.

    Le bien-tre dun animal rsulte donc de la combinaison de facteurs dordrephysiologique (satisfaction des besoins vitaux : eau, nourriture),environnemental (habitat), sanitaire (soins, absence de mauvais traitements),sociale66 et psychologique (prvention de toute forme de dtressepsychologique). Ces indicateurs doivent ainsi permettent didentifier toutesituation altrant le bien-tre dun animal. Mais pour quils aient une porte

    effective, ils ne doivent pas permettre de dfinir le bien-tre de manirengative en le dfinissant comme labsence de mal-tre. Cela suppose doncune approche thologique qui doit faire apparatre diffrentes composantesdu bien-tre animal. Celle-ci peut toutefois se rvler difficile pour certainesespces danimaux, dont la capacit exprimer tant des motions quun tatpsychologique est limite.

    Dans le cadre du plan communautaire daction pour le bien-tre des animauxcouvrant la priode 2006-2010, plusieurs objectifs ont t dfinis par laCommission dont la promotion des normes de bien-tre animal auprs desorganisations internationales (OIE, Conseil de lEurope, OMC) etllaboration dindicateurs standardiss en matire de bien-tre animal.Plusieurs catgories de mesures viennent soutenir ce plan daction.

    66Cet aspect relationnel a notamment t pris en compte dans lordonnance suisse duConseil fdral sur la protection des animaux du 23 avril 2008, puisquil estdsormais interdit pour tous citoyens suisses de laisser vivre seul les reprsentants decertaines espces animales (article 13). Sont notamment concerns, les perruches, leshamsters, ou dautres beaucoup moins courant dans les contres suisses, tels que leslamas, les alpagas ou les yacks.

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    En premier lieu, on note la mise en place de mesures contraignantes. Ainsi,en matire agricole, il existe une conditionnalit de certains financementsdans le cadre de la PAC67concernant notamment les aides linstallation68.Ainsi le dispositif franais des aides linstallation impose aux jeunesagriculteurs des obligations en contrepartie des aides alloues69. Parmi cesobligations, il leur incombe de mettre leurs installations en conformit avecles rgles sanitaires dans les trois ans suivant linstallation. Or ce sont cesnormes qui prennent en compte la fois lhygine et le bien-tre desanimaux. Au titre des mesures contraignantes, signalons galement les

    dispositions communautaires tendant certaines interdictions. Ainsi, compter de 2012, les poules ne pourront plus tre tenues dans les batteries deponte classiques70. Cela ne signifie cependant pas que toutes les poulespourront dornavant pondre dans la prairie. Les cages dites enrichies (cest dire un peu plus grandes avec juchoir, nid et espace libre/poulailler) et lessystmes alternatifs (qui varient dcuries et systmes de volire jusqu labasse-cour totalement libre) existent. Si de plus en plus denseignes de lagrande distribution mettent fin la vente dufs de poules en batteries etpassent aux oeufs provenant de systmes alternatifs, les ufs utiliss dans desproduits comme la ptisserie et autres prparations, proviennent frquemmentde poules en batteries.

    En second lieu, la cration dun label europen visant promouvoir les

    produits dtenus dans le respect dexigences plus strictes en matire de bien-

    67 Rglement (CE) no 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 concernant lesoutien au dveloppement rural par le Fonds europen agricole pour le dveloppementrural (Feader), JO L 277 du 21/10/2005.68 Les aides soumises la conditionnalit couvrent plus gnralement les aides dupremier pilier, les aides la restructuration et la reconversion des vignobles versesen 2008 et certaines aides de dveloppement rural (indemnits compensatoires dehandicaps naturels (ICHN), mesures agroenvironnementales (MAE) pour lesengagements souscrits partir de 2007, aide au boisement des terres agricoles,

    paiements sylvo-environnementaux).69 Pour une tude globale, voir Luc Bodiguel, Les aides linstallation enagriculture aprs la rforme (2008-2009), http://www.lexisnexis.com.70La directive 1999/74/CE tablissant les normes minimales relatives la protectiondes poules pondeuses prvoit l'interdiction dans l'Union de l'levage des poulespondeuses en cages conventionnelles (dites non amnages) compter du1er janvier 2012. Directive 1999/74/CE du Conseil, du 19 juillet 1999, tablissant lesnormes minimales relatives la protection des poules pondeuses, JO L203 du03.08.1999, modifi par le rglement (CE) n 806/2003 du Conseil du 14 avril 2003JO L 122 du 16.05.2003.

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    tre animal constitue une voie possible71. Ces indicateurs prsentent unerelle efficacit dans la mesure o le consommateur est devenu un acteursensible la qualit des produits quil consomme. La production de viandeest notamment un secteur qui bnfice de cet intrt du public quant auxpratiques utilises avant larrive des produits sur les tals. Ces labelsalimentaires garantissant le bien-tre animal permettraient de faire reculerllevage en batterie mais aussi daffirmer une spcificit europenne enmatire dlevage qui serait de nature protger les leveurs de laconcurrence de pays tiers.

    2 Les moyens pdagogiques

    Lducation au respect de lanimal est une proccupation que lon retrouve lchelle mondiale et qui ne se limite pas aux pays industrialiss. Elle passepar une sensibilisation du consommateur au sort de lanimal. Pour cela,divers outils pdagogiques peuvent tre utiliss avec toutefois uneprdominance pour ceux destins aux enfants, cible privilgie en matireducative. Ainsi, les programmes scolaires dAfrique du Sud, du Kenya, duCosta Rica, du Prou et du Chili abordent le thme de la condition animale.Quant la Commission europenne, elle a opt pour une approche ludique enproposant, Farmland, jeu interactif et informatif destin aux 9-12 ans qui a

    pour finalit dattirer lattention de ces futurs consommateurs sur le respectde lanimal dlevage. Dans ce jeu, le bien-tre animal passe par lapplicationde 5 rgles fondamentales :

    - tre labri de la faim, de la soif et de la malnutrition ;- tre labri de linconfort ;- tre labri de la douleur, de blessures et de la maladie ;- tre libre dexprimer un comportement normal ;- tre labri de la peur et de la souffrance.

    On retrouve ici lapplication des diffrents indicateurs retenus par le WelfaireCouncil et par les chercheurs du programme europen Welfare Quality.

    La commission europenne dans sa dmarche pdagogique a galementsouhait dvelopper lintention des enseignants une bote outils en ligneafin de permettre une meilleure approche et comprhension de la question dubien-tre animal.

    71Certains labels existent dj mais ils ne se limitent pas aux produits alimentaires(par exemple, il existe deux labels pour les produits comestiques qui sont dveloppssant tests sur les animaux : l leaping bunny et rabbit with the protectinghand).

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    Les nouvelles proccupations et les avances en matire de bien-tre animalimposent inexorablement au lgislateur franais dassumer sesresponsabilits en traduisant sur le plan lgislatif lvolution de la socit. Ilne pourra faire lconomie dune telle rforme.

    En effet, la question du bien-tre animal peut tre efficacement traite endehors dun changement de son statut juridique, mais intellectuellement onfrle lirrationnel puisque maintenir lanimal dans la catgorie des biens et luireconnatre paralllement un droit au bien-tre, ncessite alors dadmettre

    quun bien puisse ressentir quelque chose.Il est urgent de mettre un terme cette hypocrisie en attribuant enfin lanimal la place quil qui lui revient dans notre systme juridique, entrelhumain et la chose.

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    de lAssemble Nationale et la prsidence du Snat au nom d lOfficeparlementaire dvaluation des choix scientifiques et technologiques que laperspective de rvision de la directive avait alert1. Il a surtout pouss leParlement europen et le Conseil faire de la directive du 22 septembre 2010un texte de compromis. Dans ces conditions, la nouvelle directive a taccueillie par les hues, les objurgations voire les imprcations de la plupartdes associations de dfense des animaux qui nont pas trouv de mots assezdurs pour clamer leur dception et dcrire leur frustration aprs lenterrementde lespoir que la proposition du 5 novembre 2008 avait fait natre. Il ne

    saurait tre question ici de livrer un commentaire dtaill article par article dutexte de la nouvelle directive qui permettrait de montrer, chemin faisant, quel point les critiques des dfenseurs des animaux sont justifies parce quelarticle 82 loigne la perspective dune abolition gnralise desexpriences sur les primates non humains ; parce que larticle 4 1 ne prescritlutilisation de mthodes alternatives que dans toute la mesure dupossible ; parce que lanesthsie gnrale ou locale est envisage parlarticle 14 sauf si cela nest pas appropri ou bien encore parce que leschiens et les chats pourront, plus srement que par le pass, tre soumis desexpriences en tant quanimaux despces domestiques errants ou devenussauvages au sens de larticle 111 et des drogations admises par son 2. Il ya en effet un travail plus urgent accomplir. Il sagit de faire comprendrelimportance de la date du 10 novembre 2012 qui est celle laquelle les

    Etats membres de lUnion auront d adopter et publier les dispositionslgislatives, rglementaires et administratives ncessaires pour se conformer la directive2et daider faire prendre conscience des enjeux de la bataillede la transposition. A cette fin, il parat essentiel de faire remarquer que laviolence des ractions de la plupart des associations de dfense des animauxcontre la nouvelle directive est de nature leur masquer quelle a mis enmarche une vritable rvolution dont lignorance pourrait les conduire perdre la bataille de la transposition sans mme combattre. Au-del desdispositions techniques noncs par 66 articles rpartis en 6 chapitresconsacrs successivement aux dispositions gnrales , aux dispositionsrelatives lutilisation de certains animaux dans des procdures, aux procdures elles-mmes, lagrment, aux dispositions prises pourviter le double emploi et approches alternatives et aux dispositions

    finales , la directive du 22 septembre 2010 parat en effet annoncer laprogrammation de labolition de lexprimentation animale en Europe (I) etmarquer le triomphe du Droit, qui est laffaire de tous, sur lEthique, ravale

    1 Rapport Lejeune et Touraine N2145 Assemble nationale et N155 Snatspcialement pages 9 et 10.2Article 61 de la directive du 22 septembre 2010.

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    au rang de simple rgle de bonne conduite professionnelle, qui est lapanagedes proslytes de lexprimentation animale (II).

    I- La programmation de labolition europenne de lexprimentationanimale

    Le changement, peu remarqu, dintitul de la nouvelle directive est, en lui-mme tout un programme. Celle du 24 novembre 1986 tait dnomme,

    comme, on sen souvient peut-tre, directive concernant le rapprochementdes dispositions lgislatives, rglementaires et administratives des Etatsmembres relatives la protection animaux utiliss des fins exprimentalesou dautres fins scientifiques . Son objectif prioritaire clairement prcispar son article 1ertait donc dviter que la disparit des rgles nationales neporte atteinte ltablissement et au fonctionnement du march communnotamment par des distorsions de concurrence ou des entraves aux changes.Lintitul de la directive du 22 septembre 2010 est plus sombrement et plusdirectement : directive relative la protection des animaux utiliss desfins scientifiques . Lobjectif de rapprochement des rgles nationales en vuede garantir le bon fonctionnement du march devenu intrieur na certes pasdisparu puisquil est rappel ds le 1 des motifs de la directive, mais il a teffac de lintitul gnral de manire mieux mettre en vidence

    limportance dsormais acquise par la protection des animaux dont tmoignedailleurs dautres signes clatants.

    Voici le premier. Pour lgitimer lexprimentation animale, il fautncessairement admettre que les exigences de la protection de la santhumaine, la sauvegarde de lenvironnement et la protection de la santdautres animaux valent bien le sacrifice de la vie des animaux de laboratoireaprs leur avoir infligs des souffrances plus ou moins intenses ncessaires la dcouverte de nouvelles vrits scientifiques salvatrices. Il faut croire quecertains scientifiques ont du mal se faire cette ide si lon en juge par lesefforts quils dploient pour faire accroire, travers le concept denociception, que les animaux ne souffrent pas vraiment. Les rdacteurs de ladirective, tout au contraire, ont rsolument pris en compte les nouvelles

    connaissances scientifiques concernant la capacit des animaux prouveret exprimer de la douleur, de la souffrance, de langoisse et un dommagedurable 3. Cette approche a conduit une extension remarquable du champdapplication de la directive. Cest ainsi que, aux termes de son article 3, ellesapplique aux formes ftales de mammifres partir du dernier tiers deleur dveloppement normal ainsi quaux invertbrs que sont les

    36 des motifs de la directive.

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    cphalopodes vivants qui navaient pas eu droit de cit dans la directive de1986 parce que lon ne pensait pas quils puissent souffrir. La directive de2010 est donc marque par la volont daccorder sa protection toute formede vie animale susceptible dtre affecte par la souffrance et la douleur.Cette prise en considration de tout animal vivant qui souffre pourrait tre unprlude labolition de toute exprience scientifique faisant souffrir unanimal

    Or, de ce point de vue cardinal, cest peut-tre au 10 de ses motifs que se

    trouve lapport essentiel de la directive. Aprs y avoir concd que, sil estsouhaitable de remplacer lutilisation danimaux vivants dans les procdurespar dautres mthodes, il demeure ncessaire de les y soumettre pour protgerla sant humaine et animale ainsi que lenvironnement, il affirme, en effet,que : Cependant,la prsente directive reprsente une tape importante versla ralisationde lobjectif final que constitue le remplacement total desprocdures appliques desanimaux vivants des fins scientifiques etducatives ds que ce sera possible sur le plan scientifique 4. Cetteaffirmation remarquable pourrait tre mise en relation avec une autreinnovation qui distingue radicalement la nouvelle directive de lancienne.Alors que celle de 1986 se contentait de faire du bien-tre de lhomme et delanimal lune des fins en vue desquelles des expriences pouvaient trepratiques sur des animaux 5, celle de 2010 affirme rsolument, au 2 de ses

    motifs, que Le bien-tre animal est une valeur de lUnion qui estconsacre larticle 13 du trait sur le fonctionnement de lUnioneuropenne 6. Le bien-tre animal, en tant que valeur de lUnion europennesert donc justifier non plus lexprimentation sur dautres animaux mais laprotection des animaux soumis aux expriences. Comme il est infiniment peuprobable que des expriences invasives contribuent au bien-tre des animauxqui y sont soumis, cette proclamation tend aussi vers labrogation europennede lexprimentation animale. Un rendez-vous est dailleurs dores et djfix ceux qui voudraient faire proclamer labolition europenne delexprimentation animale : le 10 novembre 2017 date laquelle laCommission aura d rexaminer la prsente directive en tenant compte desprogrs dans la mise au point de mthodes alternatives nimpliquant paslutilisation danimaux, notamment de primates non humains7. La feuille de

    route des protecteurs des animaux est donc limpide : sils savent se souvenirque le bien-tre animal est une valeur de lUnion et que lobjectif final est leremplacement total des procdures appliqus aux animaux, ils doivent tre en

    4Cest nous qui avons soulign.5Article 3 b de la directive de 1986.6Nous avons aussi soulign.7Article 58 de la directive du 22 septembre 2010.

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    mesure dobtenir au moins en 2017 labolition des expriences sur les grandssinges qui ont fait querelle. Quant aux autres animaux, il nest pas illusoire deconsidrer que, moyen terme, ils pourront bnficier de la ralisation delobjectif final qui pourrait tre atteint par la fixation dune date au-del delaquelle seraient interdites toute exprimentation sur des animaux vivants ettoute mise sur le march de produits mis au point grce des expriencespratiques sur des animaux. A cet gard, le prcdent du Rglement (CE)n1223 /2009 du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmtiques estparticulirement encourageant puisque, compter du 11 juillet 2013, il

    interdit, sauf circonstances exceptionnelles apprcies par la Commission, laralisation dans lUnion europenne dexprimentations animales portant surdes produits cosmtiques ainsi que la mise sur le march de produitscosmtiques dont la formulation finale a fait lobjet dune exprimentationanimale au moyen dune mthode autre quune mthode alternative. Lesassociations de dfense des animaux doivent donc prendre conscience de ceque labolition europenne de lexprimentation animale est djprogramme avec une date dores et dj fixe pour tenter de lobtenir.Cependant, elle ninterviendra pas sans de vigoureux efforts pour promouvoirles mthodes alternatives et tablir que leurs rsultats ont fait disparatre lancessit de soumettre les animaux des expriences. Limportance de labataille livrer dans les 6 prochaines annes ne doit pas dissimuler la gravitde celles qui, dans les 18 prochains mois devra tre mene pour que les effets

    du second aspect rvolutionnaire de la directive du 22 septembre 2010 nesoient pas touffs.

    II- Le triomphe du Droit sur lthique

    Sil est un point novateur apport par la directive de 2010 que mme ses plusimpitoyables dtracteurs ne contestent pas, cest bien le remplacement dusystme de notification pralable lautorit des expriences qui seronteffectues et des donnes relatives aux personnes qui les effectueront, institupar larticle 12 de la directive de 1986, par un rgime dautorisation pralabledes projets subordonne une valuation favorable par lautorit comptentequimpose dsormais larticle 36 du texte dont les effets se produiront le 1 er

    janvier 2013. Sans doute loffensive mene par les scientifiques contre laproposition de directive du 5 novembre 2008 leur a-t-elle permis dobtenir lamise en place, par larticle 42 du texte devenu officiel, dune procdureadministrative simplifie pour les projets concernant des procdures de classe sans ranimation , lgre ou modre nutilisant pas des primatesnon humains. Sans doute aussi larticle 64 dispense-t-il dautorisation lesprojets approuvs avant le 1erjanvier 2013 et dont la dure ne stend pas au-del du 1er janvier 2018. Il nen reste pas moins que le principe de la

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    substitution, fortement limitatrice de la libert des exprimentateurs, dunrgime dautorisation au rgime de simple dclaration est dcide et que lecalendrier de sa mise en uvre progressive est fix. Il y a mme urgence rpondre la question cruciale de savoir qui seront les autorits comptentespour procder aux valuations des projets et pour dlivrer lautorisation deles raliser puisque la date limite prvue pour la transposition est le 10novembre 2012. Cest leur dtermination qui devrait logiquement sceller letriomphe du Droit sur lthique, qui est la seconde rvolution enclenche parla directive du 22 septembre 2010.

    Le systme de dclaration pralable organis par la directive de 1986 avait eule grand mrite douvrir le monde de lexprimentation animale desconsidrations thiques et de faire rflchir srieusement lesexprimentateurs sur la prise en compte de la clbre rgle de bonne conduiteprofessionnelle dites des 3 R Rduire, Raffiner, Remplacer, dgage en 1959par Russel et Burch. Dans le n1 de la RSDA8, le Professeur EtienneVERGS et Mme Graldine VIAL avaient parfaitement reflt laprdominance de lthique quavait entrane, en France, la transposition decette directive, en crivant que : la mise en uvre technique des principes quianiment le droit franais de lexprimentation animale ne repose pas sur unexamen au cas par cas des protocoles mais sur un systme de certification deslieux dexprimentations et des chercheurs. Cest ainsi lexprimentateur

    dadopter une dmarche humaniste vis--vis des animaux. Pour laider, lacommunaut scientifique a organis une rgulation thique des actesdexprimentation . Lorganisation de cette rgulation sest traduite par laprolifration de comits dthique, la cration par le dcret n20056-264 du22 mars 2005 dun Comit national de rflexion thique surlexprimentation animale qui a adopt en novembre 2007 une importanteCharte nationale portant sur lthique de la protection animaleinstitutionnalisant les comits dthique. Il convient de saluer le rle que cescomits dthique et la plupart de leurs membres ont jou pour lamliorationdu sort tragique des animaux de laboratoire. Il faut nanmoins constater que,soigneusement confondue avec les rgles de bonne conduite professionnelle,lthique des comits laisse aux exprimentateurs la libert dadopter unedmarche humaniste vis--vis des animaux et de peser de tout le poids de

    leur influence pour tre assurs quils pourront continuer dcider entre euxde questions qui pourtant ne les concernent plus exclusivement. Malgr lesinconvnients pour lapprofondissement de la protection des animaux soumis des expriences scientifiques que son hgmonie peut reprsenter, lEthique

    8 RSDA 2009/1. 185 La rgulation des recherches prcliniques : une analysehumaniste de la protection des animaux dexprimentation par le droit et parlthique par Graldine VIAL et Etienne VERGS

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    avait littralement envahi la proposition de directive de novembre de 2008. Ily avait de lthique partout : lvaluation des projets tait thique, lesexamens taient thiques, les comits et les structures taient dthique. Or,pour des raisons qui ne peuvent gure tenir qu une volont plus ou moinsconsciente de donner au Droit, contraignant pour les exprimentateurs, laplace qui lui revient pour assurer les grandes mutations, lEthique apratiquement disparu du texte de la directive devenu dfinitif. En effet, il neprvoit plus des structures permanentes dexamen thique, mais desstructures charges du bien-tre des animaux ; il ne demande plus la cration

    de comits nationaux du bien tre animal et dthique mais celle de comitsnationaux pour la protection des animaux utiliss des fins scientifiques.Surtout lvaluation des projets dont dpendra leur autorisation ne sera plusune valuation thique. Aux termes de larticle 38, intitul valuation desprojets sans la moindre rfrence lthique, elle comportera en particulierune apprciation de la conformit du projet avec les exigences deremplacement, de rduction et de raffinement9. En prescrivant unevrification de la conformit du projet ses exigences, la directive du 22septembre 2010 ne pouvait sans doute pas dire de manire beaucoup plusclatante que la rgle des 3 R, prototype de la rgle dthique professionnelletait devenue une rgle juridique partir de laquelle tout le processusdautorisation de raliser des expriences devra bientt sarticuler. Il reste savoir si les autorits comptentes pour valuer les projets et les autoriser

    pourront tre les comits dthique dont la directive de 1986 a provoqulmergence. La rponse est dautant plus srement ngative que larticle 59de la directive qui leur est rserv prvoit expressment que les Etatsmembres de lUnion europenne ne pourront dsigner comme autoritscomptentes des organismes autres que les pouvoirs publics que si cesorganismes ne connaissent aucun conflit dintrts en ce qui concernelaccomplissement des tches spcifiques prvues par la directive. Cest direque les exprimentateurs ne pourront plus tre juges et parties comme lespritmme de la rgulation thique leur permet de ltre au sein des comitsdthique. Pourtant, certains ont dj d commencer convaincre lespouvoirs publics qui devront transposer la directive avant le 10 novembre2012 que les comits dthique sont tout indiqus pour tre dsigns commeautorits comptentes pour prendre les nouvelles dcisions juridiques,

    intressant lensemble de la socit, prvues par la directive du 22 septembre2010. Cest probablement ce qui adviendra si les associations de protectiondes animaux continuent ne voir dans la nouvelle directive que ce qui lesscandalise et ne font pas entendre leur voix pour que les autoritscomptentes en matire dvaluation et dautorisation des projets soient desautorits indpendantes et impartiales.

    9Cest nous qui soulignons

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    Lobjectif de ce texte est de les sortir de leur aveuglement pour que, sil enest encore temps, la bataille de la transposition de la directive du 22septembre 2010 ait vritablement lieu et quelle se droule armes gales.

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    CHRONIQUES DE JURISPRUDENCE

    DROIT CIVIL DES PERSONNES ET DE LA FAMILLE

    Fabien MARCHADIER

    Professeur

    Universit de PoitiersOMIJ

    Lanimal de compagnie, lanimal vritablement aim par le droit1(Montpellier, 5 octobre 2010, n 09/05938 ; Rennes, 4 novembre 2010,

    n 09/04872, Danard c/ Guiriec ; Orlans, 29 novembre 2010,n 09/02405, Danebe c/ SARL Morelia et Mahat Mata)

    Le rapprochement des trois arrts considrs confirme la particulirebienveillance dont fait lobjet lanimal de compagnie. La jurisprudenceprolonge et consolide le mouvement de faveur qui apparat dj dans la loi.Au sein du Code rural et de la pche maritime, les dispositions protectrices de

    lanimal distinguent explicitement lanimal de compagnie des autresanimaux. De plus en plus, lanimal de compagnie intgre la langue techniquedu droit pour dsigner une catgorie juridique laquelle est attach un rgimejuridique spcifique. Sa mise en uvre tend extraire lanimal qui en relvedu monde des biens meubles corporels dans lequel le Code civil sembledevoir lenfermer inexorablement2. L o le Code civil ne distingue pas, il yaurait donc lieu de distinguer. Ainsi, contrairement aux animaux delaboratoire exposs des dommages durables, des douleurs, des souffrancesou de langoisse3 pour le bien tre de lhomme, aux animaux de rente

    1En rfrence lintitul de ltude classique de F. Ringel et E. Putman, Lanimalaim par le droit ,RRJ1995-1.452

    Art. 528 : Sont meubles par leur nature les animaux et les corps qui peuvent setransporter d'un lieu un autre, soit qu'ils se meuvent par eux-mmes, soit qu'ils nepuissent changer de place que par l'effet d'une force trangre.3 Sort funeste qui ne doit pas cependant dcourager les efforts en vue dassurer unminimum de protection ; voy., en ce sens, la convention europenne sur la protectiondes animaux vertbrs utiliss des fins exprimentales ou dautres finsscientifiques du 18 mars 1986, le rglement (CE) n 1223/2009 du 30 novembre 2009relatif aux produits cosmtiques (spc. art. 18) ou encore la directive 2010/63/UE duParlement et du Conseil du 22 septembre 2010 relative la protection des animauxutiliss des fins scientifiques.

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    Chroniques de jurisprudence

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    destins procurer un profit rgulier leur propritaire ou aux taureaux desarnes vous procurer un plaisir malsain quelques ardents dfenseurs destraditions locales ininterrompues, les animaux de compagnie dveloppentavec lhomme des relations singulires. Lide nest pas rvolutionnaire etsexprime dj dans la convention europenne pour la protection des animauxde compagnie du 13 novembre 1987. Reprenant la dialectique du gnral etdu particulier, le troisime alina de son prambule rappelle dabord que lhomme a une obligation morale de respecter toutes les craturesvivantes pour souligner ensuite quil convient de garder lesprit les liens

    particuliers existant entre lhomme et les animaux de compagnie. Cestencore cette mme ide qui gouverne ladoption du rglement n 1523/2007du 11 dcembre 2007 interdisant la mise sur le march, limportation dans laCommunaut ou lexportation depuis cette dernire de fourrure de chat et dechien et de produits en contenant. Linterdiction concerne les chiens et leschats parce quils sont expressment qualifis danimaux de compagnie4.

    Larrt rendu par la cour dappel dOrlans contribue rvler les raisonsdune telle mansutude envers cette catgorie danimaux. Saisie, notamment,dune demande en rparation du prjudice moral forme par les propritairesdun chat Main Coon qui dveloppa une grave affection caractrehrditaire, la cour affirme que lanimal de compagnie prsente certainesqualits intrinsques. Lui seul semble capable de manifester son affection

    et apte susciter lattachement de son matre . Entre eux, se nouent desliens daffection5.

    Cest alors quapparat tout lintrt de reconnatre lanimal de compagnieune telle nature et une telle inclination aux sentiments. Elle permet dapporterune rponse, dont la pertinence pourra toujours tre discute, la questionclassique de la rparation du prjudice moral conscutif aux souffrances delanimal ou son dcs.

    Admettre que la souffrance de lanimal est lorigine dun prjudicerparable pour ltre humain souligne la spcificit de lanimal. Si, pour cefaire, il nest pas ncessaire de lui reconnatre la qualit de sujet de droit 6,cest cependant signifier quil nest plus une chose ordinaire. Ce qui vaut

    pour lanimal ne saurait tre tendu par analogie lensemble des choses.Dans le premier cas, le prjudice est, pour reprendre la formule utilise dans

    4Cons. 15Comp. Rouen, 16 septembre 1992,Dalloz1993.393 note J.-P. Margunaud : le chien est dot d'une forme d'intelligence et surtout de sensibilit, et il est connu commetant un animal avec lequel des liens troits d'affectivit peuvent se nouer.6Rouen, 16 septembre 1992,Dalloz1993.393 note J.-P. Margunaud

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    classique selon laquelle le chien nest pas un sujet de droit, les magistrats luiattribuent des qualits dintelligence et de sensibilit de sorte quil estpossible de nouer des liens troits daffectivit. Pour autant, ils nendduisent aucune consquence concrte. Certes, les propritaires obtiendrontrparation de leur prjudice moral, mais aprs avoir satisfait certainesexigences probatoires. Pour conclure lexistence incontestable dunprjudice daffection la suite du dcs de lanimal, la cour ne manque pasde relever que les propritaires justifiaient lui tre particulirement attachs14.En dautres termes, les liens daffection ne sont pas inhrents aux relations

    entre lhomme et le chien, ils doivent toujours tre dmontrs positivementpar le demandeur en rparation.

    Laffirmation mrite prsent dtre relativise la faveur de lareconnaissance des qualits intrinsques de lanimal de compagnie. Larrtrendu par la cour dappel de Montpellier est cet gard rvlateur. Enlespce, un chien de race bull terrier avait attaqu un Yorkshire et sapropritaire alors quils taient en promenade. Au traumatisme subi par lapropritaire sajoutait le dcs du Yorkshire en raison de la gravit desmorsures qui lui avaient t infliges. Pour les magistrats montpellirains,faire droit la demande de rparation du prjudice moral relve delvidence. De leur point de vue, la perte dun animal de compagnie gnreun droit rparation. La formule tablit un rapport de cause consquence

    entre les caractristiques de lanimal et le droit rparation. Parce quil sagitdun animal de compagnie, le droit rparation nat automatiquement. Si lasouffrance de lanimal de compagnie gnre un droit rparation, cest doncquil existe ncessairement des liens daffection rciproques entre lui et sonpropritaire ou, selon un glissement smantique oprant une rupture plusfranche encore avec le droit des biens, son matre15. Ces liens sont prsums,ils drivent ncessairement de la qualit danimal de compagnie. Se confirmeainsi une tendance jurisprudentielle qui apparaissait dj dans un arrt rendupar la cour dappel de Bordeaux le 24 juin 200816 lorsque celle-ci affirmeque, dans la mesure o le dommage a consist en la perte dun chienauquel il nest pas contest que M. et Mme D. fussent trs attachs (cnqs), et

    14Ce dont attestent, en lespce, les soins que les propritaires ont prodigu lanimaltant avant quaprs laccident et les efforts dploys durant cinq semaines pour lesauver.15Certes, dans le langage courant, le matre dsigne le possesseur, le propritaire dequelque chose. De ce point de vue, le matre et le propritaire dcrivent une mmesituation, une mme ralit. Symboliquement, nanmoins, leffacement duvocabulaire emprunt au droit des biens introduit une nuance qui recueille la faveur decertains auteurs (voy., par exemple, G. Loiseau, Pour un droit des choses , Dalloz2006.3015).16Bordeaux, 24 juin 2008, n 05/05688

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    lanimal17. En outre, elle rpond lide de limitation du prjudicedaffection indemnisable, plus aisment retenu pour les animaux decompagnie que pour les autres. Cependant, la distinction ne devrait pasentraner de conclusions dfinitives sur la ralit du prjudice daffection ; ilserait maladroit de retenir des consquences radicales de lappartenance oude lexclusion de lanimal de la catgorie animal de compagnie. Les liensdaffection sont certes probables envers lanimal de compagnie, mais ils nesont pas systmatiques. Inversement, sil est peu vraisemblable quun fortsentiment unisse le propritaire un animal qui ne vit pas constamment

    auprs de lui, nest-il pas imaginable que naisse et se dveloppe un profondattachement ? Cest alors que la qualification de lanimal revt un enjeuprobatoire pour lindemnisation du prjudice moral. La souffrance delanimal de compagnie fait natre une prsomption simple de prjudicedaffection quil incombera au civilement responsable de renverser. Danstous les autres cas, le propritaire devra tablir, par tous moyens, la ralit dusentiment daffection, soit la certitude du prjudice18. Les exigencesprobatoires sont plus rigoureuses, sans tre toutefois insurmontables. Au grde quelques espces particulires, il est possible de constater que cette preuvenest pas diabolique tant le chagrin et le trouble quest susceptible dentranerla disparition de lanimal ador peuvent tre intenses19.

    Lappartenance la catgorie danimal de compagnie emporte dautres

    consquences en matire de rparation du prjudice. Celle-ci nest passeulement facilite du point de vue probatoire. Elle relve galement demodalits dvaluation particulires. Ainsi, par larrt prcit du 24 juin

    17 moins que la distinction ne nuise son intrt ; ainsi, le risque de confusion entreles espces fait obstacle la fixation de priodes de chas