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Germivo i re 12/2020 ISSN 2411-6750

12/2020

Directeur de publication:

Paul N’GUESSAN-BÉCHIÉ Université Félix Houphouët-Boigny Abidjan-Cocody

Editeur:

Djama Ignace ALLABA

Université Alassane Ouattara - Bouaké

Comité de Rédaction:

Brahima DIABY (Université Félix Houphouët-Boigny Abidjan-Cocody)

Ahiba Alphonse BOUA (Université Félix Houphouët-Boigny Abidjan-Cocody)

Djama Ignace ALLABA (Université Alassane Ouattara – Bouaké)

www.germ-ivoire.net

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Germivo i re 12/2020

ISSN 2411-6750

Comité scientifique de Germivoire

Prof. Dr. Dr. Dr. h.c. Ernest W.B. HESS-LUETTICH Stellenbosch University Private Bag X1 Dr Gerd Ulrich BAUER Universität Bayreuth Prof. Stephan MÜHR University of Pretoria Prof. Dakha DEME Université Cheikh Anta Diop - Dakar Prof. Serge GLITHO Université de Lomé - Togo Prof. Augustin DIBI Université Félix Houphouët-Boigny (Abidjan) Prof. Aimé KOUASSI Université Félix Houphouët-Boigny (Abidjan) Prof. Paul N’GUESSAN-BECHIE Université Félix Houphouët-Boigny (Abidjan) Prof. Kasimi DJIMAN Université Félix Houphouët-Boigny (Abidjan) Prof Kra Raymond YAO Université Félix Houphouët-Boigny (Abidjan) Prof Daouda COULIBALY Université Alassane Ouattara (Bouaké)

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ISSN 2411-6750

TABLE DES MATIÈRES Editorial ……………………………………………………………………… 7 Allemand Boaméman DOUTI : Revision der europäischen Kolonialgeschichtsschreibung. Zu kulturellen Grenzgängern in Hermann Schulz´ Roman Auf dem Strom .............................. 8-21 KOUASSI Djoukouo Josiane Eunisse : La littérature comme arme du combat féminin dans les romans Die Liebhaberinnen d’Elfriede Jelinek et C’est le soleil qui m’a brûlée de Calixthe Beyala ................................................................................................................................ 22-33 TRAORE Moustapha : Deutschland und der Maghreb: Die Entwicklung einer Migrationsbeziehung mit vielfältigen Gesichtern seit den 1960er Jahren ........................ 34-53

Communication AKÉ Affoué Hélène : Communication pour un nouveau regard sur les interdits alimentaires dans le traitement des maladies chez les Baoulé ............................................................... 54-73

Napo Mouncaïla GNANE : Fondements d’une communication pour un changement de comportement face aux pratiques néfastes de veuvage chez les Konkomba au Togo ...... 74-91

François Koffi AWOUDO / Gérard Wandji AGOGNON : La revue de presse à l’épreuve des réseaux sociaux au Bénin : Diagnostic du système de production des mass médias de proximité .......................................................................................................................... 92-110

Espagnol TUO Nambélifoly : Camilo José Cela et le tremendisme: Entre paternité et Continuité ...................................................................................................................... 111-123 Karidjatou Diallo / N´dré Charles Désiré : Didáctica de poesías española e hispanoafricana en la universidad Alassane Ouattara de Costa de Marfil ............................................... 124-143 Pascal BOKA KOUASSI : Le sens et la construction des noms des personnages principaux dans La ciudad y los perros de Mario Vargas Llosa ..................................................... 144-157

Géographie Adama Cheikh DIOUF / Dramane CISSOKHO / Aïcha Idy Seydou Wally BA: L’économie de l’anacarde : aspects tarifaires et les revenus des producteurs dans les communes de Diossong et Djilor (Centre-ouest du Sénégal) ........................................ 158-167 Ibrahima SAGNON : L’aménagement touristique face au défi de l’attractivité des curiosités à l’échelle de la région de Gbêkê (côte d’ivoire) ........................................................... 168-185

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Omar DIARRA / Sidia Diaouma BADIANE : L’exploitation illégale du bois d’œuvre à Netteboulou (Sénégal). Caractéristiques et conséquences sur les ressources forestières ...................................................................................................................... 186-204

Elhadji Cheikh NDOYE : Problématique de la cogestion des pêcheries artisanales à Mbour (littoral sénégalais) ........................................................................................................ 205-221

Histoire KAMARAAdama/KONÉDrissa:L’influencedesmusulmanssurlesAbron-KoulangoduGyaman(Nord-EstdelaCôted’Ivoire)……………………………………………………….222-238

Lettres (Littérature / Stylistique) TIAHO Lamoussa : Lecture du social et du discours idéologique dans Pouvoir de plume de Fidèle Pawindbé Rouamba ............................................................................................ 239-253

KOUASSI Oswald Hermann : Langage simple et rupture poétique dans Paroles de Jacques Prévert ............................................................................................................................ 254-272 Antoine N’guessan KOUADIO : La fatalité : une caractéristique de la poésie de Pierre

Reverdy .......................................................................................................................... 273-287

Ernest AKPANGNI / Zié OUATTARA : Procédés linguistique et stylistique de l’ethos dans le discours du Président Alassane Ouattara : exemple de la fête du travail du dimanche 1er Mai 2016 ............................................................................................................................... 288-301

DIDE Kamondan Vincent : Représentation du «gla» (masque) dans le conte du décepteur : justice et abus d’autorité dans le conte wê .................................................................... 302-315 Adamou KANTAGBA / Michel SAWADOGO : Fonctions de l’apparat du magicien dans la littérature africaine ......................................................................................................... 316-328 TCHENDO Yao : Les enjeux du le dialogue interreligieux dans Ce jour-là … de Ferdinand Farara ............................................................................................................................. 329-345

Philosophie AMEWU Yawo Agbéko : La déconsolidation de l’État-nation en Afrique : Regard philosophique sur les enjeux d’un nouvel humanisme politique ...................................... 346-369

Psychologie DUGLI Koku / TCHABLE Boussanlègue / AKAKPO-NUMADO Yawo Séna : Perception de son activité et citoyenneté organisationnelle chez les enseignants des établissements publics de la région éducative Lomé- golfe au Togo ........................... 370-384

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Amaèti SIMLIWA PITALA / Kouami ADANSIKOU / Boussanlègue TCHABLE : Stress post-traumatique, conflit interne et comportement en milieu universitaire au Togo .... 385-399

Sociologie William S. DEGBEKO / Charles L. BABADJIDE / H. Dodji AMOUZOUVI : Manifestations de la culture de l’acceptation des résultats de l’élection présidentielle de mars 2011 au Bénin ................................................................................................................ 400-415 Jean-Arsène Paumahoulou GUIRIOBE : Les manifestations et les déterminants de l’incivisme fiscal dans la commune de Bouaké ............................................................. 416-431 KACOU Fato Patrice : Fligué-tibé : une pratique de soins contre l’albinisme chez les Sénoufo-Palaka en Côte d’Ivoire ................................................................................... 432-443 WEKE Léopold Codjo / AMOUZOU Gérard Kouessi / GAGA André : Déterminants socioculturels de la scarification clanique chez les Xwela deKpomassè (Bénin) ......... 444-456 TAKPE Kouami Auguste : Dynamique socioculturelle de la chasse coutumière dans la communauté baatonou de Nikki au Bénin ………………………………………….... 457-473

Abdourahamane DICKO / DARI MOSSI Massaoudou : De la radicalisation à l’extrémisme violent au Sahel : Controverses et vérités sur l’engagement des jeunes violents à Zinder au Niger .............................................................................................................. 474-493 GANOU Souleymane : Pratiques artistiques et figurations transculturelles : le masque bobo à l’ère contemporaine ....................................................................................................... 494-510

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7

Editorial

« Et c’est reparti pour une autre moisson ! Dans le jardin ivoire, l’on ne cesse de faire germer

des céréales variées ! » C’est ainsi que l’on serait tenté de s’écrier à la vue du répertoire

impressionnant de semeurs ayant œuvré dans cet autre numéro de Germivoire, ce paysage virtuel de

production resté toujours arable nonobstant la sécheresse également digitale qu’a occasionnée le virus

à couronnes dans l’interface internationale. Il faut croire que la ferveur et la détermination, qui ont

toujours caractérisé ces producteurs diligents d’ici et d’ailleurs, l’ont emporté sur l’atrophie et la

procrastination intellectuelles que le petit virus croyait pouvoir distiller comme opium dans l’esprit des

cultivateurs avertis de l’ivoire jardin.

La scène est saisissante. C’est la saison des pluies. La période est favorable, la terre est

cultivable. Il faut bêcher pour semer afin d’assurer une récolte agréable ! Les velléitaires endurcis ont

eux-mêmes fait place aux prestataires hardis. On voit ces derniers à l’œuvre. À l’entrée du jardin, trois

ouvriers germanistes agissent avec dextérité : ils donnent respectivement des coups culturel, littéraire

et historique de bêche comme pour inaugurer la campagne de semence. Et voilà que leurs collègues

communicateurs s’invitent au travail, non sans avoir pris le soin d’en faire une magistrale diffusion.

Celle-ci aura atteint un public finalement éclectique : le jardin est aussitôt envahi par des laboureurs

hispanistes, géographes, qu’accompagne, sans complexe, un historien – on aurait dit pour servir de

témoin et de rapporteur des faits –, littéraires, linguistes et une éminente vague de céréaliers

philosophe, psychologue et sociologues. Chacun, selon sa méthode et ses outils propres de production,

façonne le matériau commun pour proposer, in fine, un produit personnalisé, spécialisé. Le jardin ne

manquera donc pas de céréales variées !

C’est dire que Germivoire, ce jardin où germe l’ivoire matière première, n’aura assurément

rien perdu de sa spécificité. Son idiosyncrasie demeure l’humanité. Sa magnanimité, qu’illustre son

ouverture au monde, lui attire chaque semestre, tel un lieu touristique, des visiteurs d’horizons

intellectuels et culturels divers. Certes, divers par la forme, mais convergents dans le fond. Ces

jardiniers-opérateurs n’ont-ils pas en commun les substrats même de l’humanité ? Ou, mieux, des

Humanités ? Que ces substrats s’appellent « langues », « lettres », « sciences humaines » ou

« sciences sociales », cela ne change rien à l’affaire ! Ils restent, par essence, un faisceau prouvant la

nature multiforme voire transdisciplinaire de Germivoire. On comprendra alors pourquoi chacune des

productions est habitée du souffle unitaire et inaltérable du couple opératoire demens-sapiens, seule

dyade apte à saisir dans sa totalité la réalité nouménale ou phénoménale par un discours à la fois

sentant et pensant, intuitif et discursif, subjectif et objectif.

Tout le mérite revient donc à ces contributeurs « humanistes » que la rédaction de Germivoire

remercie et à qui elle assure une fructueuse récolte par le biais de ses lecteurs.

Dr BOUA Alphonse

Université Félix Houphouët-Boigny, Abidjan

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DE LA RADICALISATION A L’EXTREMISME VIOLENT AU SAHEL :

CONTROVERSES ET VERITES SUR L’ENGAGEMENT DES JEUNES VIOLENTS

A ZINDER AU NIGER

Abdourahamane DICKO, Université de Zinder Niger Email : [email protected]

/ DARI MOSSI Massaoudou , doctorant université de Niamey ,

Email : [email protected]

Résumé : le développement des cultures violentes dans la ville de Zinder est favorisé par

deux situations majeures : l’effondrement systématique des valeurs lié à la solidarité

collective et l’engrenage de la pauvreté conjoncturelle et structurelle dans la ville de Zinder.

L’installation de ce climat social délétère issu des besoins non satisfaits des acteurs et des

ambitions politico-religieuses de certaines structures amplifie les sentiments de peur

collective et menace gravement la paix et la solidarité collective. L’objectif de cet article est

d’identifier les vecteurs immédiats qui favorisent le passage de la radicalisation à

l’extrémisme violent. A Zinder, l’origine et le développement de ces sous-cultures violentes

restent en partie expliqués par la faiblesse d’un cadre dynamique de participation sociale

censé assurer la mobilisation des ressources jeunes dans le système de production

économique. Les déficits constatés dans les modes de gouvernance accentuent le

développement des sentiments de victimisation chez les jeunes qui avouent être frappés par

des pratiques et politiques discriminatoires. L’hypothèse retenue dans le cadre de cette étude

rappelle que le développement des sous-cultures violentes en milieu jeunes de Zinder est

fonction de l’ancrage du processus d’exclusion des jeunes des politiques de développement

local. La variable dépendante renvoie à l’existence réelle de l’émergence de la violence

comme une sous-culture en milieu jeunes et cela justifie par le processus de précarisation des

jeunes. Ce travail de recherche évalue de manière critique le rapport entre la désintégration

sociale, l’acculturation idéologique, l’inégalité des chances et l’usage de la violence comme

moyen d’expression identitaire et de revendication sociale. En effet, la mise en relation de

deux variables à savoir l’exclusion des jeunes de la gouvernance locale et le développement

de sous cultures violentes dans le milieu jeune de Zinder explique les conditions de

l’émergence du processus d’institutionnalisation de la violence. L’exclusion des jeunes de la

gouvernance locale est un facteur qui creuse davantage l’exacerbation de la violence et

entraine une rupture générationnelle entre les décideurs politiques et les jeunes de Zinder.

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Mots clés : violence et revendication sociale, milieu jeunes, dynamique revendicative,

controverse politique.

Abstract: the development of violent cultures in the city of Zinder is favored by two major

situations: the systematic collapse of values linked to collective solidarity and the cycle of

cyclical and structural poverty. The installation of this deleterious social climate stemming

from the unmet needs of the actors and the politico-religious ambitions of some structures

amplifies the feelings of collective fear and seriously threatens peace and collective solidarity.

The main objective of this paper is to identify the vectors that favor the transition from

radicalization to violent extremism. In Zinder, the origin and development of these violent

subcultures remains partly explained by the weakness of a dynamic framework of social

participation supposed to ensure the mobilization of young resources in the economic

production system. The deficits noted in the modes of governance accentuate the development

of feelings of victimization among young people who admit to being struck by discriminatory

practices and policies. The hypothesis adopted within the framework of this study recalls that

the development of violent subcultures in the environments of young people is a function of

the anchoring of the process of exclusion of young people from local development policies.

The dependent variable refers to the real existence of the emergence of violence as a

subculture in young people and this is justified by the process of casualization of young

people. This research work critically assesses the relationship between social disintegration,

ideological acculturation, inequality of opportunity and the use of violence as a means of

identity expression and social demand. Indeed, the linkage of two variables, namely the

exclusion of young people from local governance and the development of violent subcultures

in the youth environment of Zinder explains the conditions for the emergence of the process

of institutionalizing violence. The exclusion of young people from local governance is a

factor that further exacerbates the violence and leads to a generational split between policy

makers and young people in Zinder.

Keywords: violence and social demands, youth environment, dynamics demand, political

controversy

Introduction

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476

La violence, dans ses manifestations physiques et théoriques, a imposé à nos sociétés une

nouvelle orientation politique dont l’ultime but serait de juguler les crises liées à la religiosité,

à la radicalisation et à l’extrémisme violent. En effet, ce dernier s’est propagé en transformant

les grands espaces géographiques sahéliens en des véritable sanctuaires ou pullulent

désormais toutes les formes d’activités criminelles. Il a créé ainsi, un véritable processus de

démantèlement des institutions républicaines démocratiques débouchant inéluctablement sur

l’institutionnalisation d’une nouvelle idéologie bâtie sur le recours à la violence comme

moyen d’expression, de revendication et d’affirmation identitaire. Depuis l’avènement de ce

nouveau contexte conflictuel, les sociétés sahéliennes dans leur ensemble ont connu des

mutations profondes et ont perdu les repères socioculturels, les plus expressifs à partir

desquels sont parties leurs civilisations millénaires. La coexistence pacifique des cultures, des

valeurs et des pratiques confessionnelles, a été subitement sectionnée et remplacée par le culte

de renonciation définitive axé sur une politique de démolition totale des valeurs symboliques

issues de l’héritage vertical et horizontal de ces sociétés. Cette nouvelle orientation

idéologique devient dès lors, la matrice constructive de l’identité et du statut social des

acteurs. Ainsi, l’intolérance, le refus de la différence, la renonciation aux contraintes

républicaines sont confondues progressivement aux pratiques autorisées. De nouveaux acteurs

occupent les espaces publics en formulant intentionnellement l’intention d’imposer dans les

Etats sahéliens une nouvelle architecture géopolitique et culturelle.

Aujourd’hui, la manifestation la plus expressive de ce climat sécuritaire délétère,

renvoie indubitablement aux grandes manifestations débouchant sur l’extrémisme violent. Il

est question de s’interroger sur les aspects psychosociologiques, socio-économiques et

sociopolitiques qui font basculer certains acteurs dans l’extrémisme violent et dans l’apologie

de la violence comme moyen de lutte et de revendication. Cette approche compréhensive

appliquée à la radicalisation et à l’extrémisme violent s’avère plus que nécessaire pour une

meilleure maitrise de ces deux phénomènes. Elle fournit tous les éléments d’analyse et axes

d’intervention dans le cadre de la prospective, de la prévention et de la prise en charge des

acteurs associés à l’extrémisme violent dans toutes ses manifestations. Faudrait –il le rappeler,

ces acteurs sont généralement jeunes et sont contrôlés par des organisations défendant

essentiellement des projets politiques et idéologiques. Ces dernieres installent dans

l’imaginaire collectif des jeunes une nouvelle voie pour sortir de la misère du monde en

promettant le salut éternel marqué de sang et des scènes de violence. Les grandes réflexions

sur la radicalisation et l’extrémisme violent, ont fait naitre malheureusement des grands

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477

débats inféconds quant aux stratégies de lutte et de prévention qu’il faudrait rendre

opérationnels selon les contextes, les natures de l’extrémisme et l’identité de ses acteurs. Ces

débats, ont favorisé l’émergence des grands courants théoriques, les uns plus nuancés que les

autres et évoluant souvent dans des logiques compréhensives et explicatives très

contradictoires.

I. Cadre théorique et méthodologique

1.1. Cadre théorique

Comme cadre de référence, plusieurs théories seront privilégiées dont entre autres la

théorie du choix rationnel qui explique la rationalité de l’action individuelle et collective par

le désengagement par rapport à la normalité sociale, la recherche du plaisir et

l’épanouissement de soi. Selon les tenants de cette théorie, HARRIS et TODARO, (1970),

chaque acteur social choisit librement une attitude comportementale et doit être responsabilisé

par rapport à son acte. La violence, l’extrémisme et la radicalisation deviennent de facto des

choix libres raisonnés que les acteurs opèrent selon leurs propres intérêts. Ils transgressent les

normes parce qu’ils ont soit des intérêts à préserver,soit des états d’âmes à exprimer. Cette

théorie appuierait le test de vérification des hypothèses de travail sur lesquelles travaille cet

article. Il s’agit de trouver le lien plausible qui existe entre l’environnement social des jeunes

de Zinder et la reproduction de la violence comme une sous-culture. La seconde théorie

appelée théorie de la privation économique repose sur le fait que l’extrémisme, la violence de

manière générale soit considérée comme une réponse à l’inégalité sociale, une contre réaction

à l’injustice sociale. Cette théorie on le voit bien s’inscrit dans une approche compréhensive et

causale, permettant d’épingler les causes de la violence dans ses manifestations et son

évolution en milieu sociale.

1.2. Cadre méthodologique

1.2.1. Situation Géographique de Zinder

Distante de 950 km de Niamey, la capitale du Niger, la ville de Zinder a une superficie de

559,66 km², elle possède cinq (5) arrondissements communaux et est limitée au sud par le

canton de Dogo, au nord par le canton de Dakoussa, à l’ouest par le canton de Tirmini et à

l’est par le canton de Gafati. Les premières enquêtes démographiques réalisées en 1956 et

1964 estimaient la population de la ville respectivement à 14 295 et 22 900 habitants. Au

premier recensement de la population de 1977, la population était de 53 714 habitants,

cependant, à cette période, la ville de Zinder se limitait aux seuls quartiers du noyau urbain.

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478

Au 2ème RGP de 1988, avec le rattachement de 28 villages périphériques à la ville de Zinder,

la population passe à 122 100 habitants. Le 3ème recensement général de la population de

2001 estime la population à 206 260 habitants, avec une croissance de population de 8 % par

an. 65% de cette même population à moins de 25 ans en tenant compte de la décentralisation

qui rattache à la ville de Zinder une partie du canton de Baban Tapki, soit 37 villages ainsi

que 15 autres villages provenant de différents cantons. Au vu de ces données, les périodes

1954-1962,1962-1977, 1977-1988 connaissent une croissance démographique relativement

importante (de 5 et 8%).

1.2.2. Support et technique de traitement et d’analyse des données

Dans le cadre de cet article l’on précise que les données brutes ont d’abord été présentées et

codifiées et cela a permis d’ordonner ces données de manière à ce qu’elles soient décrites et

analysées succinctement. Le logiciel SPSS (Package for Social Science) a été retenu dans le

cadre du traitement et de l’analyse de ces données. Généralement l’utilisation de cet outil

réduit les difficultés de réassemblage et de traitement nuancé des données. La démarche

quantitative débouche constamment sur une abondance d’informations et cela exige une

approche méthodologique solide. L’analyse des données qualitatives est basée sur une

interprétation, une confrontation des réponses fournies par les enquêtés et les différentes

personnes ressources retenues pour le besoin de la recherche. Outre ces réponses, la qualité

renvoie aussi aux informations documentées fournies par des études précédentes et des

approches théoriques, modèles et paradigmes qui expliquent le phénomène de la violence.

1.2.3. Échantillonnage

La population mère concernée par cette étude est constituée de 2990 jeunes évoluant dans des

organisations appelées fadas ou palais et repartis dans les huit quartiers de la commune

urbaine de Zinder. Ces quartiers sont Haro Banda, Tilacoco, Franco, Dan Yaro Sultan,

Djaguindi, Kara-kara, Garin Malam et Dispensaire. Le choix de ces organisations se justifie

par le fait que celles-ci sont associées à toutes les manifestations violentes qui secouent la

ville de Zinder. L’opération d’échantillonnage est basée sur l’échantillonnage systématique.

La taille de cet échantillon est arrêtée à 10 % de l’effectif global. Ainsi, 299 jeunes sur 2990

sont choisis de manière aléatoire et sont concernés directement par les enquêtes réalisées. La

méthode part d’abord de l’établissement de la liste exhaustive de ces jeunes acteurs en tenant

compte de lieu de résidence. La représentation de cette population concernée par l’étude a

particulièrement pris en compte deux variables essentielles dans ses démarches explicatives

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de la violence en milieu jeune de Zinder. Ces variables sont l’âge et le niveau d’instruction.

Le graphique ci-dessous rend compte de la répartition détaillée des enquêtés par sexe. Nous

aurons : N comme l’effectif global de la liste des enquêtés, n la taille de l’échantillon et r la

raison de sondage. N = 2990, n =2990 % 10100 = 299, r =2990299 = 10

II. Résultats et Discussions

2.1. Résultats de l’étude

2.1.1. Analyse des facteurs de risque

Cette étude révèle un certain nombre de particularités liées à la composition et à la

structuration des différents groupes violents. L’on constate que l’âge, le sexe et le niveau

d’instruction modèlent les attitudes comportementales collectives et déterminent aussi les

capacités d’intégration et d’adhésion aux formations violentes chez les jeunes. Ces variables

sont ainsi présentées comme des facteurs de risque.

2.1.2. Le sexe et l’âge comme facteurs de risque

Les organisations des jeunes reparties dans les huit quartiers de Zinder sont animées en

majorité par des garçons. Ceux-ci représentent 98,7 % de l’effectif contre 1,3 % des filles.

Cette faible présence des filles s’explique par le fait que l’intégration dans ces organisations

exige de la part des acteurs, une quête permanente d’un leadership fondé sur l’usage de la

force physique et un réel investissement dans le gangstérisme ou le hooliganisme. Le genre

est perçu comme un facteur de risque essentiel à partir duquel l’on peut analyser les

processus de formations et des organisations violentes en milieu urbain. Cependant, les 1,3

% des filles recensées représentent un indicateur plausible sur les aptitudes des filles à

rejoindre ces organisations. Cette présence peu remarquée des filles au sein des organisations

violentes établit un lien fonctionnel entre le sexe contre facteur de risque, structuration et

manifestation de la violence.

S’agissant de l’âge des enquêtés, l’on constate la présence dominante des jeunes âgés de 20-

24. Ils constituent 47,5% contre 34,1 % âgés de 15-19, 12,7 % âgés de 25-29, 3,7 % âgés de

30-34, 1.3% âgés de 10-14 et enfin contre 0,7 % âgés de 35-39. Il y a dans cette répartition

remarquée des mineurs, des adolescents et des adultes. La formation des gangs obéit

généralement à une logique pyramidale. Au sommet de cette pyramide sont placés les adultes

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qui organisent les acteurs adolescents. Ces derniers à leur tour influencent les acteurs mineurs

qui rejoignent le groupe. Le graphique ci-dessous dresse la répartition des enquêtés par âge.

Graphique 1: Répartition selon les groupes d’âge

Source : Enquête de terrain, août 2019.

2.1.3. Les prédispositions à la violence liées au niveau d’instruction

La délinquance de manière générale est liée au faible niveau d’instruction des acteurs. Les

discours officiels attribuent la cause essentielle de la montée de la violence au décrochage

scolaire et le faible taux de couverture en éducation. Cet état de fait même s’il est insuffisant

en termes de rationalité méthodologique, justifie toute la mobilisation des pouvoirs publics et

les partenaires au développement autour de l’éducation. La présente étude confirme la

nécessité d’explorer d’autres motivations qui poussent les jeunes à rejoindre les organisations

violentes, de proposer d’autres champs de lecture du phénomène de violence en milieu jeunes.

En effet, cette étude ne confirme pas totalement la justification de la violence par le niveau

d’instruction des jeunes. Parmi les jeunes enquêtés l’on a recensé 43,1% qui ont le niveau

secondaire, 31,8% ont le niveau primaire, 3% ont le niveau supérieur et 16,4% ont reçu une

instruction coranique. A travers cette répartition, il est donné de constater que parmi ces

acteurs violents 43,1% ont un niveau secondaire. Cette composition explique tout simplement

que nos systèmes éducatifs doivent corriger leur défaillance et renforcer leur capacité à agir

sur les attitudes comportementales des jeunes en les orientant vers une appropriation

progressive des valeurs de paix , de la solidarité collective et du vivre ensemble. Les 16,4%

1.3

34.1

47.5

12.7

3.7 0.7

0

5

10

15

20

25

30

35

40

45

50

[10-14 ans] [15-19 ans] [20-24 ans] [25-29 ans] [30-34 ans] [35-39 ans]

Page 15: 30- Article 30- Socio

481

représentant les acteurs ayant reçu une éducation coranique constituent aussi une alerte, une

indication forte sur l’urgence pour le pourvoir public de réorganiser ces écoles coraniques.

Cela ne saurait être possible que seulement si l’Etat arriverait à contrôler et réglementer les

ouvertures anarchiques de ces écoles tout en procédant à une évaluation constates de leurs

programmes d’enseignement. Ci-dessus, la répartition des enquêtés par niveau d’instruction.

Graphique 2 : Répartition par niveau d'instruction

Source : Enquête de terrain, août 2019

2.1.4. De l’usage de la violence comme forme de revendication et moyen d’expression des

jeunes

La collecte des données a été effectuée à l’aide deux outils à savoir le questionnaire et le

guide d’entretien a fourni des éléments d’appréciation et d’analyse autour de l’hypothèse de

travail retenue à cet effet. Il s’agit d’établir le lien fonctionnel qui existe entre le

développement de sous-cultures violentes en milieu jeune de Zinder et le processus

d’exclusion des jeunes des politiques de développement local. Ce processus d’évaluation

repose sur les opportunités et l’accessibilité de l’emploi par les jeunes de la ville de Zinder et

leur niveau de participation à la vie collective. La variable exclusion des jeunes déterminerait

les prédispositions de ces jeunes à intégrer les organisations violentes appelées Palais. Les

données recueillies nous permettront de quantifier le niveau de risque et la nature

d’accompagnement demandé par les jeunes. En effet, ce travail de recherche a porté sur 299

acteurs évoluant dans des organisations exposées à l’instrumentalisation et de basculement

systématique dans la violence. Il y a 15,75% de ces 299 enquêtés qui lient leur appartenance

Aucun; 1.0

Primaire; 31.8

Secondaire; 43.1

Supérieur; 3.0

Coranique; 16.4 Autre; 4.0 ND; 0.7

Page 16: 30- Article 30- Socio

482

aux organisations violentes pour des motifs liés à la pauvreté. 33,07% estiment que le

chômage les amène à intégrer toute forme d’organisation qu’elle soit violente ou pacifique ;

7,87% trouvent un cadre favorable à la consommation de la drogue. 1,57% expliquent leur

appartenance à ces organisation par le manque des structures d’apprentissage de métier ;

2,36% affirment être marginalisés par la société et 6,30% estiment que ces organisation leur

rappellent l’expérience connue dans les autres pays et 33,07% donnent une lecture liée à

l’histoire, a géographie et à la politique. Il y a lieu de rappeler ici que la marginalisation, la

pauvreté et le chômage constituent des facteurs favorables à l’éclosion d’un comportement

violent et traduisent le besoin d’aider ces acteurs à intégrer le système de production et

d’intégration sociale.

Dans la partie cadre théorique de référence citée ci-haut, nous avons abordé entre autre, le

courant théorique appelé la théorie de la privation économique qui justifierait les

comportements individuel et collectif par la capacité d’un individu ou d’un groupe à asseoir

les bases véritables d’une satisfaction immédiates de ses besoins. Au regard de cette

description, l’on retiendra que l’expression de besoins par ces jeunes, la situation

socioprofessionnelles de ceux-ci et les possibilités d’insertion limitées aggraveraient

inexorablement le niveau de précarisation et de désorientation sociale tel annoncé par la

théorie dite de la privatisation économique. Cette théorie évoque substantiellement trois

dimensions de la reconstruction sociale. Le premier aspect de cette théorie stipule que le

capitalisme encourage la violence des pauvres par le fait qu’il accélère et légitime la misère et

l’inégalité sociale. Il justifie la domination économique et légitime les formes de domination

et d’exploitation des pauvres par les classes aisées. En deuxième lieu, cette théorie explique

que la perte de l’estime de soi débouche sur une dégradation de la personnalité, une perte

progressive de l’espoir et une orientation vers la criminalité comme voie de revendication ou

de remise en cause de l’ordre social. Enfin, la théorie et la privatisation économique rapporte

que l’implication dans des activités illicites permet l’accès facile aux ressources et renforce le

sentiment d’estime de soi, de compétences sociales et de l’héroïsme.

le processus d’exclusion des jeunes explique à bien d’égard le niveau d’implication de ceux-ci

dans les organisations reconnues comme violente. L’on peut procéder succinctement à un

croisement des variables pour expliquer le seuil de motivation de ces jeunes à fédérer leur

action autour d’un idéal politique dominé par l’expression expressive de la violence. La

marginalisation, la pauvreté, le chômage, la drogue, le manque de formation des jeunes

amènent ces jeunes à évoluer dans un univers social dominé par des obstacles majeurs

Page 17: 30- Article 30- Socio

483

rédhibitoire à une véritable éclosion des valeurs de la paix sociale, du civisme et de

l’intégration. Le tableau ci-dessous présente la violence dans sa typologie à Zinder et les

fonctions sociopolitiques qu’elle assure.

Graphique 3 : Causes de la formation des organisations violentes à Zinder

Source : Enquête de terrain, août 2019

L’usage de la violence comme annoncé ci-haut présente des caractéristiques formelles et une

architecture basée sur les causes et l’impact qu’elle assure sur la vie de ces jeunes. L’on

constate que 30,5% de ces jeunes estiment n’est pas être écouté et font recours à la violence

pour fustiger l’exclusion dont ils sont victimes ; 0,8% pensent que la violence est un moyen

d’expression et de lutte contre la domination ; la drogue à 19,1% est présentée comme la

cause qui explique le niveau d’implication de ses jeunes dans les organisations violente

appelées Palais. 7,6% s’approprient la violence comme étant un élément culturel qui permet à

un jeune d’affirmer son identité et sa posture d’homme courageux nouvellement acquise.

L’exclusion suppose une mise à l’écart d’une partie de la population du système de

production économique et de reproduction sociale. De cette situation d’exclusion nait un

clivage criarde qui encourage l’exacerbation du conflit telle développé par l’approche dite

l’approche transformation des conflits.

marginalisation 2.36% pauvreté

15.75%

chomage 33.07%

drogue 7.87%

manque de formation des

jeunes 1.57%

exode 6.30%

autres 33.07%

CAUSES DE LA FORMATION DES ORGANISATIONS VIOLENTES: FADAS ET PALAIS DANS LES QUARTIERS DE ZINDER

Page 18: 30- Article 30- Socio

484

Graphique 4 : le fondement des manifestations violentes menés par les jeunes de fadas et

palais.

Source : Enquête de terrain, août 2019

2.1.5. Les pratiques d’exclusion des jeunes et la mal gouvernance comme vecteur

incitant à la violence en milieu jeune

Cette exclusion dont on évoque ici renvoie aussi à ce qu’il est convenu d’appeler la

gouvernance local qui suppose une réelle implication des acteurs dans la conception et la

réalisation des projets sociaux ou de tout programme du développement. L’enquête menée

révèle l’importance de problématiser cette question que nous jugeons importante. L’exclusion

sociale a été présentée dans la partie précédente comme la source qui alimente la violence

dont les acteurs jettent la responsabilité au système de gouvernance qu’ils jugent

discriminatoire. Ces jeunes acteurs manifeste un intérêt particulier à leur réelle dans la

conception des projets qui les concernent et à une valorisation de leur compétence. En effet,

80% de ces jeunes estiment être mis à l’écart, ignorés et systématiquement exclus de toutes

les formes de gouvernance locale c’est-à-dire les associations, les organisations de

développement, les organes de la décentralisation, les structures régionales et le plan du

développement. Le tableau ci-dessous présente le niveau d’implication de ces jeunes dans la

gouvernance locale.

Graphique 5 : du niveau d’implication des jeunes dans la gouvernance locale

0.0

10.0

20.0

30.0

40.0

ils ne sont pas

écoutés

culturel pour se faire

écouter

mode drogue autres

Séries1 30.5 7.6 0.8 3.1 19.1 38.9

30.5

7.6

0.8 3.1

19.1

38.9

Page 19: 30- Article 30- Socio

485

Source : Enquête de terrain, août 2019

Ces jeunes dénoncent la mauvaise gouvernance couronnée par un niveau assez élevé de

pratiques reposant sur le favoritisme et le trafic d’influence. Ainsi, 87,2% de ces jeunes ne

croient pas à la sincérité des responsables en charges des structures de la gouvernance locales.

Ils estiment être marginalisés dans les prises de décisions les concernées. Le tableau ci -

dessous présente le niveau de favoritisme des élus locaux selon les jeunes.

L’enquête révèle que ces jeunes acteurs sont souvent séduits par les discours religieux et

pensent même que la religion est une solution aux problèmes de leur société. Ils estiment que

la régulation sociale basée sur la justice et l’équité ne peut se réaliser que dans le respect des

lois prévues par l’islam. Le message de justice, de retour aux valeurs religieuses prôné par les

prêcheurs souvent extrémistes offre une autre lecture de la société en promettant l’accès au

salut éternel et le désengagement définitif aux valeurs modernes. Le risque demeure grand

dans la mesure où, l’étape première de l’endoctrinement des jeunes par les organisations

extrémistes passe d’abord par cette étapes qui consisterai à créer une rupture définitive entre

l’état et la société.

Ce processus repose sur une appropriation systématique des prêches violents et une sympathie

grandissante en vers les organisations extrémistes. Il a été donné de constater une partie

importante des jeunes qui s’intéressent aux prêches et activités de boko haram à travers un

partage massif des messages et documents. En effet, 42,9% de ces jeunes sont séduits par le

discours de boko haram à travers lequel il découvre la sincérité et un contre discours présenté

OUI 20%

NON 80%

NIVEAU D'IMPLICATION DES JEUNES DANS LA GOUVERNANCE LOCALE

Page 20: 30- Article 30- Socio

486

comme une alternative à l’injustice sociale imposée par l’Etat. Seulement 9,8% de ces jeunes

trouvent le discours de cette organisation violent. C’est une alerte qu’il faudrait prendre avec

beaucoup de responsabilité car, ces jeunes qui développent une sympathie avérée pour cette

organisation violente sont susceptibles de l’intégrer. Afin d’évaluer ce risque d’enroulement

ces jeunes acteurs ont été soumis à une question essentielle relative à un choix d’action et de

positionnement entre la violence et le respect de l’ordre social. Ainsi, 45,2% de ces jeunes se

disent prêts à regagner tout groupe extrémiste qui milite pour l’instauration d’un islam radical.

Le graphique ci-dessous présente le choix de ces jeunes relativement à la question citée ci-

haut.

Graphique 6: le niveau de risque de basculement dans l’extrémisme violent chez les acteurs

Source : Enquête de terrain, août 2019

Cette situation marque l’avènement d’une situation conflictuelle entre l’Etat et ces jeunes

acteurs. La reconnaissance de l’Etat par la société confère à celui-ci la légitimité d’action et

d’intervention censée réguler les relations sociales. La légitimation de l’Etat en général dans

la société est tributaire du rôle que celui doit jouer par ces acteurs est présenté dans la

satisfaction des besoins et la protection sociale qu’il est censé assuré. L’enquête menée fait

découvrir une perte de confiance marquée par l’incapacité de l’Etat à prendre en charge les

besoins et les inquiétudes exprimées par ces acteurs. il faudrait rappeler que 39,7% de ces

jeunes estiment que l’Etat n’envisage pas les actions efficaces à même de résoudre de manière

significative le problème auquel ils font face quotidiennement. 42,1% conçoivent l’Etat

comme étant un organe répressif défavorable à leur émancipation politique et économique.

Ci-dessous le tableau et l’histogramme présentent les deux appréciations des actions de l’Etat

par les enquêtés.

45.2

52.5

2.0 0.3

Oui Non Peut être ND

Page 21: 30- Article 30- Socio

487

Graphique 7 : les perceptions des acteurs sur l’Etat et ses démembrements

Source : Enquête de terrain, août 2019

L’évaluation des actions menées par l’Etat en faveur de ces groupes de jeunes révèle des

insuffisances majeures qui limiteraient les impacts de celles-ci sur les politiques de résilience

des communautés. A l’échelle régionale, l’on ne peut pas nier toutes les actions menées par

l’Etat pour ramener la paix au sein des communautés et orienter les jeunes vers une meilleure

capitalisation de leur compétence. La bonne gouvernance des structures chargées de conduire

efficacement les actions en faveurs de ces groupes des jeunes peinent à les fédérer autour d’un

idéal communautaire basé sur la tolérance et la participation constructive. Il y a deux variables

essentielles qui limiteraient l’efficacité des actions menées par l’Etat en faveur de ces jeunes.

2.2. Discussions

Il existe aujourdhui une pluralité des conceptions theoriques produites sur la radicalisation et

l’extrémisme violent. Plusieurs parmi celles-ci peinent à identifier la barrière semantique qui

separent les deux notions pourtant bien distinctes. La radicalisation est confondue avec

légèreté au terrorisme, à l’extrémisme violent, au fondamentalisme religieux et aux

surenchères politiques. Le repérage de la radicalisation s’est inspiré en réalité de quatre

variables, qui ne sont pas forcément modératrices des attitudes mentales et comportementales

des acteurs en proie à la radicalisation et à l’extrémisme violent. Ces variables sont utilisées

par les analystes et les pouvoirs publics pour déterminer et catégoriser les tendances et

42.1

36.8

21.1

Organe répressif Sécurité/Protection Indifférent/Rien

Page 22: 30- Article 30- Socio

488

prédispositions à l’extrémisme violent et à la radicalisation. Ainsi, l’activisme religieux,

l’appartenance à des organisations sans intérêt communautaire, le rejet de l’État et la

formalisation des activités criminelles sont associés à des comportements qui débouchent sur

l’extrémisme violent. Dans cette perspective, l’on retiendrait que la religion et l’effritement

des valeurs morales, sociales et familiales sont mis en jeux dans l’explication du phénomène.

Cependant, on relèverait dans cette démarche deux interrogations majeures dont les réponses

prouveraient un traitement partiel du phénomène. Tout d’abord, comment l’Islam peut

formater les consciences des fidèles en les utilisant comme des illusionnistes, cavaliers de

l’apocalypse et ensuite comment embrasser la mort tout en réclamant une vie meilleure pour

soi et pour ses siens. En effet, toutes les grandes religions du monde ont des parcours

historiques faits des conquêtes et de l’usage de la violence dans leurs politiques

expansionniste. La violence est perçue alors comme un élément substantiel de leur héritage

vertical.

Continuer à renvoyer toutes les formes de radicalisations aux religions et particulièrement à

l’Islam est une interprétation subjective de la dynamique historique des religions. Au Niger,

La prise en charge des jeunes radicalisés ou disons de leur dé-radicalisation, montre à bien

d’égards que ces acteurs n’ont d’ailleurs aucune référence théologique. En effet, le projet

idéologique défendu par la secte boko haram par exemple évolue dans une contradiction

progressive avec la dimension théologique de l’Islam. Leur projet politico-religieux cache en

réalité un mouvement qui prône une relecture négative de l’histoire ; une histoire

dominée par le triomphe de la rationalité socio-économique et le libéralisme politico-

culturel. L’Islam est utilisé alors comme une matrice fédératrice des consciences autour des

projets qu’il a lui-même déclassés historiquement. Le caractère rigide des textes religieux et

surtout islamiques fait que leur connaissance approximative place les acteurs extrémistes dans

une vision atemporelle de la dynamique civilisationnelle. L’Islam s’impose non pas comme

une conviction confessionnelle mais comme une alternative d’expression politique. Il offre

des justifications et moyens de lutte contre les inégalités sociales et tous les traitements

discriminatoires. Cette nouvelle voie tracée à l’Islam, a trouvé malheureusement un

environnement mondial défavorable à l’éclosion des valeurs de justice sociale et d’égalité. En

effet, les grands débats publics dominés par les organisations de défense de droit de l’homme

et les intellectuels ne produisent pas assez des contre-discours contre le racisme, l’exclusion

sociale et les traitements discriminatoires envers les minorités ethniques, religieuses ou

culturelles. Ce déficit en termes de politique sociale et de communication entre les acteurs a

Page 23: 30- Article 30- Socio

489

accéléré l’émergence dans le monde en général et au sahel en particulier, des pratiques

religieuses, idéologiques et politiques fantasmées soutenant le suicide, le meurtre et la

destruction.

Les discours produits dans ce sens rejettent en bloc toutes les formes de frustration, de

paupérisation, de violation des droits humains et de relégation sociale des peuples en raison de

leur appartenance religieuse, raciale, ethnique, identitaire, politique ou géographique. L’usage

de la violence religieuse pour défendre un tel projet politique présente un double impact. Il

décrédibilise non seulement les revendications formulées par ces acteurs et entretient ensuite

dans les esprits la confusion entre l’Islam, l’extrémisme violent et le terrorisme. Dans le sahel,

pour des raisons que cet article se propose d’analyser, plusieurs organisations encouragent et

organisent des mouvements insurrectionnels violents contre les Etats et leurs populations.

Cette forte offre de révolte sociale a réussi malheureusement à piéger une bonne partie de la

jeunesse déjà tenaillée par la pauvreté, l’analphabétisme et l’inculture politique. Les rangs de

ces organisations du crime organisé s’élargissent progressivement dans les Etats sahéliens et

posent de nouveaux défis sécuritaires. La lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent

dans ces Etats, peine aujourd’hui à tracer une carte politique efficace et à trouver un axe

d’intervention adapté aux défis réellement identifiables dans leurs univers socio-politique. Il

existe bel et bien des facteurs locaux et influences internationales qui confirment le

développement de la demande et de l’offre croissante de la révolte sociale et politique dans le

monde. La complexité de cette situation a été profondément aggravée par la montée des

extrêmes droites en Europe et la décadence croissante des référents identitaires dans le

monde. C’est cette même situation qui explique l’émergence dans les univers sociaux des

sentiments de frustration et de révolte contre la discrimination, l’exclusion, la relégation

raciale, sociale et religieuse. Il s’agit en termes clair d’une confrontation entre la violence

politique conduite par les idéologies phobiques de certains mouvements extrémistes et les

nouveaux contre discours accès sur une nouvelle redéfinition des relations et des rapports

internationaux fondée sur l’usage de la violence physique comme un moyen d’expression

politique.

En réalité la démarche descriptive proposée dans ce travail de recherche vise non pas

à décrire les deux notions en question, mais à améliorer la compréhension des facteurs dont

elles sont issues. Elle n’offre pas non plus un panel de théories mais des moyens de lutte

pratiques et un dispositif de prévention adaptés aux types de menaces. Ainsi, faudrait-il noter

que la radicalisation tient à un dispositif fonctionnel pyramidal qui prépare les acteurs qui

Page 24: 30- Article 30- Socio

490

l’animent, à l’extrémisme violent. Cette pyramide qu’il convient d’appeler désormais la

Logique Fonctionnelle de l’Extrémisme Violent (LFEV) est constituée de trois pôles

d’influences comportementales qui façonnent la personnalité des acteurs. Cette pyramide est

ainsi constituée du pôle Motivationnel, du pôle idéologique et du pôle Réseaux Sociaux. Le

pôle motivationnel renvoie à la conquête d’une gloire en prenant tous les risques possibles.

C’est une sorte d’attitude héroïque qui conduit un acteur à défier une décision politique, à

combattre une injustice sociale ou à organiser et diriger un mouvement insurrectionnel contre

le pouvoir public. L’acteur fédère les consciences individuelles autour d’un idéal commun en

créant des initiatives susceptibles de changer un ordre jugé illégal.

Le deuxième pôle c’est à dire l’idéologie, fait référence à tous les processus

d’intériorisation des valeurs et connaissances guidant les attitudes et visions d’un ou d’une

communauté. L’idéologie contribue à cet effet au renforcement du lien et de la dynamique

sociale. Elle se réfère toujours à une histoire d’idées conduites par des grands maitres à

penser. Le sentiment de s’approprier des pensées et des ambitions de ces maitres à penser

fournit tous les éléments d’appréciation sur le rang, le degré d’engagement et de motivation

des acteurs. Les marxistes prônent avec éclat la grandeur d’esprit de Marx, les nazis celle de

Hitler et les communistes celle de Staline. Ces grandes idéologies ont marqué profondément

l’histoire des sociétés et constituent aujourd’hui des avenants historiques à partir desquels se

créent de nouvelles dynamiques sociopolitiques. Lorsqu’elle s’impose par la violence

physique ou théorique, l’idéologie est source de conflit et vecteur de l’extrémisme violent.

Cependant, elle devient une matrice constructive favorable à la réintégration sociale

lorsqu’elle prône la non-violence. Les groupes qui véhiculent les idéologies violentes

légitiment l’usage de la violence et trouvent en elle un moyen efficace pour convaincre et

soumettre la société à leur volonté.

Enfin, les réseaux sociaux jouent un rôle prépondérant dans la montée et l’enlisement de la

radicalisation. En effet , ils se présentent comme un cadre le mieux approprié pour échanger ,

informer et convaincre les personnes avec lesquelles on rentre en contact. Par ailleurs ils sont

aussi considérés comme un support de propagande des idéologies et un moyen pour

embrigader le plus souvent une jeunesse en mal de repère identitaire. Le plus souvent les

ténors de ces idéologies violentes passent par des difficultés liées à des conjonctures

économiques ou politiques pour se présenter comme une victime d’un système ou d’une

politique. En jouant sur cette posture de victimisation, ils créent le sentiment de compassion

ou d’éveil de conscience sur une situation sociale vécue collectivement. Le recrutement des

Page 25: 30- Article 30- Socio

491

adhérents sont souvent lancés sur internet via Facebook, Whatsapp, Twitter, Messenger ou

Yutube.

Figure 1 : Représentation de la Logique Fonctionnelle de l’Extrémisme violent (LFEV)

Source : Enquête de terrain, août 201

Conclusion

Le système de reproduction des inégalités sociales est présenté comme un facteur rédhibitoire

à une intégration sociale effective des acteurs. Nos sociétés modernes sont devenues de facto

productrices des dynamiques favorables à l’éclosion de la violence comme forme

d’expression militante et de revendication des jeunes. Au Niger, la question de la prise en

charge des problèmes que vivent les jeunes en milieu urbain continue à dominer l’actualité

nationale en raison de l’ampleur de la paupérisation de ces jeunes. Le danger reste grand et

les risques d’une désintégration sociale demeurent constants du fait de la floraison et de

l’éclosion des valeurs extrémistes prônant l’usage de la violence comme moyen d’affirmation

identitaire et de rejet systématique des valeurs républicaines considérées par les jeunes

comme des véritables sources d’aliénation culturelle et économique.

le pôle motivationnel

le pôle ideologique

le pôle réseaux sociaux

Page 26: 30- Article 30- Socio

492

Au Niger, Zinder est considéré comme la ville où l’affirmation de ce sentiment de

renonciation à l’Etat et d’une relative poussée identitaire est le plus ressenti. Cela est la

résultante de la conflictualité structurelle animée par des acteurs, de groupes aux intérêts

divergents. Un répertoire nuancé laisse lire l’existence d’un militantisme politique, d’un

populisme et d’une affirmation des précarités vécues. L’Etat considère les problèmes de ces

jeunes irréalistes, ignorent les demandes et occultent les sources véritables de ce malaise né de

l’exclusion et de la paupérisation d’une jeunesse de plus en plus exigeante. Ce même

répertoire permet de s’apercevoir du niveau de la pauvreté extrême de ces jeunes et de la

justesse de leurs demandes formulées.

En effet, la mise en relation de deux variables à savoir l’exclusion des jeunes de la

gouvernance locale et le développement de sous cultures violentes dans le milieu jeune de

Zinder explique les conditions de l’émergence et du processus d’institutionnalisation de la

violence. L’exclusion des jeunes de la gouvernance locale est un facteur qui creuse davantage

l’exacerbation de la violence et entraine une rupture générationnelle entre les décideurs

politiques et les jeunes de Zinder. Il a été remarqué que 80% de ces derniers justifient leur

appartenance aux organisations violentes par le fait qu’ils soient excluent de la gouvernance

locale. Par gouvernance locale il faut entendre un cadre de concertation qui permet aux

acteurs de participer à l’identification des problèmes sociaux, à la conception et à la

réalisation des programmes de développement.

La violence est utilisée par ces jeunes comme une voie de recours leur permettant de

s’attaquer à l’Etat et à la société de manière générale. Les actes de violence les plus fréquents

touchent les édifices publics et les institutions de l’Etat (74,6%). L’ampleur de cette violence

des jeunes justifie la nécessité d’explorer toutes les dimensions de la précarité que vivent ces

acteurs. Ces derniers expriment une colère viscérale contre la marginalisation (2,36%), la

pauvreté (15,75%), le chômage (33,07%), etc.

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