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23 2-tan/ t4't SUGGESTIONS PHILOLOGIQUES (LE NOM DE LIEU « FOLIE ») L'AUDITION COLORÉE Par M. HIPPOLYflYRR Archiviste du BOURGES IMPRIMERIE ET LITHOGRAPHIE HIPPOLYTE SIRE 4, rue des Armuriers, et 6 bis (cour de l'Oratoire) 1886 Document Ii Il II II Hill 111111111111111 III 0000005548217 ]

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— 23 2-tan/ t4't

SUGGESTIONS PHILOLOGIQUES

(LE NOM DE LIEU « FOLIE »)

L'AUDITION COLORÉE

Par M. HIPPOLYflYRR

Archiviste du

BOURGES

IMPRIMERIE ET LITHOGRAPHIE HIPPOLYTE SIRE

4, rue des Armuriers, et 6 bis (cour de l'Oratoire)

1886

Document

Ii Il II II Hill 111111111111111 III0000005548217 ]

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SUGGESTIONS PHILOLOGIQUES

ÉTYMOLOGIEDES

NOMS DE LIEUX FOL, FOLIE

ET LEURS ANALOGUES(')

Une des plus grandes causes d'erreur que rencontrel'étymologiste lorsqu'il étudie les nomsgéographiques dela Fiance, c'est la méconnaissance du véritable idiomeauquel appartiennent un grand nombre de ces noms. Jedis méconnaissance et non pas ignorance quand onignore et qu'on a conscience de son ignorance, l'espriten éveil cherche et peut trouver; mais quand il ne soup-çonne pas la difficulté cachée, il interprète sans hésitation,et, la plupart du temps, à faux.

Ouvrez au hasard le Dictionnaire des Postes et par-courez de l'oeil les noms qui remplissent ses colonnes.Dans un grand nombre de cas, il arrivera de deux chosesl'une: ou bien le nom ne vous représentera rien de connu,et sera un problème d'apparence obscure, offert à votresagacité de linguiste; ou bien, et c'est le cas que je vise ici,cas plus fréquent qu'on ne le croit communément il vous

(4) Ce travail est un chapitre emprunté à un livre en préparationsur les noms géographiques dans le département du Cher.

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4 SUGGESTIONS PHILOLOGIQUES

paraîtra composé d'éléments empruntés à la langue quevous parlez tous les jours, et il vous semblera des plusfaciles à interpréter. C'est k qu'est le danger, le piègepour l'étymologiste. il est rare qu'il n'y tombe pas.

Et cela fut de tout temps. Les écrivains du passê, qui nenous ont guère transmis les noms de lieux que dans destraductions 1atins, presque toujours déplorables, nouspermettent, en raison même de cette habitude et desrésultats qu'elle a produits, de constater qu'ils procédaientd'après la règle qui vient d'être indiquée, en nous livrantainsi le secret de leur ignorance naïvement prétentieuse.Rencontraient-ils, par exemple, les noins'Beaulieu, Orval,la Folie, bravement ils écrivaient Bellus fonts, Aureaval,lis et Stultitia. Et, pourtant, il n'est pas probable querien rappelle l'idée de beauté dans le premier de ces motsqui, si je ne me trompe, n'est qu'une variante, plusmoderne, de Bellay ou Bellac, si même, et plus simple-ment, iln'est une corruption de Bel-jeu (Beaujeu, BellunijugE).

Si l'or est une chimère, c'est bien certainement dansOrval, dont le second élément traduit, à mon avis, lelatin vallum, et non, comme on le croit communément,valus. Enfin, le stultitia de nos chartes, en tant quedénomination topographique, n'a jamais existé véritable-nient que dans les conceptions enfantines des scribes dutemps jadis.

C'est ce dernier nom de lieu, Folie, étudié dans sesCléments, que je choisirai pour développer par un exemplecaractéristique la thèse que j'entreprends de défendre.

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ETYMOL0GIE DES NOMS DE LIEUX « FOL, FOLIE o5

J

FOL. FIOL. - Le radical du nom Folie est FOL. Il n'estpas rare de le voir entrer sous cette forme simple dans lacomposition des noms géographiques. D'aucunes fois, il aété pris, par inadvertance, pour un adjectif français etorthographié ep conséquence. Or, autant qu'il me semble,le sens originel du mot fol est celui de pierre, qui nousamène, comme toujours, aux acceptions corrélatives domontagne, forteresse, ville.

Personne qui ne connaisse les monuments mégalithi-ques, que le peuple a baptisés du nom de Pierres folles.On sait qu'on désigne ainsi des pierres brutes ou roches,répandues au hasard sur le sol de la vieille Gaule. Cesont, le plus souvent, des blocs erratiques, apportés parles courants diluviens et consacrés plus tard par lasuperstition populaire.

Gomment expliquer ce nom étrange de pierres folles?On l'interprète généralement comme synonyme de pierrebranlante; o la pierre qui danse, la pierre qui vire;dans le latin du moyen-Age, petra quœ vert itur. Tels sont,en effet, les noms attribués souvent dans le passé auxroches de cette nature. Cette conception bizarre d'uneagitation plus ou moins frénétique, appliquée à desmasses dont l'immobilité constante ne peut être mise endoute, même par les plus ignorants, ne s'expliqueraitguère, dût-on même s'appuyer sur les exemples de quel-ques-uns de ces monolithes, qui, à la suite d'érotionsséculaires de leurs bases, ont pu arriver à l'état de pierresbranlantes; mais il faut bien se souvenir que, dans lesconceptions des esprits primitifs, la réalité ne compte pas.L'esprit humain procède inévitablement de l'absurde auraisonnable et du faux au vrai, aussi bien que du complexeau simple. Les mythologies ne chôment pas d'îles flot-tantes, de rochers agités sur leurs bases, et toujours prêts

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SUGGESTIONS PHILOLOGIQUES

à écraser le mortel impie qui oserait s'en approcher detrop près. C'est cette conception des cultes primitifs qui,appliquée à nos pierres, a suffi, semblerait-il, pour leur prê-ter ce caractère d'agitation, si peu en rapport avec la réalité.Que les pierres ne virent ni ne dansent, par le fait, celaimportait peu à la crédulité des imaginations barbares,l'hallucination propre aux ignorances primitives ne les envoyait pas moins danser et virer.

Le moyen-âge, aux appétits fébriles, ajouta à cette con-ception première ses fantaisies propres; et la pierre folledevint la porte d'un souterrain, bondé de merveilleuxtrésors, dont le charme et la parole magique pouvaientseuls procurer l'accès. A cet égard, on comprend parfai-tement le nom de pierres fades ou pierres fées, donnéaussi à ces monuments (1).

Je viens d'expliquer comment on a pu être amené àcroire, par la pente seule de la superstition, à la mobilitéde pierres, fatalement rivées au sol qui les porte, et com-ment, en se basant sur cette erreur d'opinion, on aurait pu secroire autorisé à expliquer le nom de folles, qui leur étaitappliqué, par la croyance h leurs mouvements désordonnés.Cependant j'estime que cette interprétation est erronée.Les pierres en question n'ont pas été nommées folles parcequ'elles auraient été jadis considérées comme se livrantà des excès de maniaques, et la folie n'a rien à voir danscette désignation. Je croirais plutôt que c'est le vocable

(I) J'ai présent à la pensée, en écrivant ceci, la montagne dite lePeu des Fades (la Montagne des Fées), dans la commune de Ponta-non (Creuse), que surmonte un des plus beaux groupes mégali-thiques que je connaisse. Je me demande si le Peu des Fades ne setraduit pas plûs littéralement par ta Montagne des Pierres que parta Montagne des Fées, et si ce dernier mot, au lieu d'être rapportéau fatum latin, comme le fate italien, ne désignerait pas simple-ment les esprits (les pierres. Mais l'étude de ce détail m'entraîne-rait trop loin, je le réserve. La contribution de la pierre, sous toutesles formes, dans le lexique géographique, est si énorme qu'un senarticle ne saurait en épuiset l'examen.

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ETYMOLOGIE DES NOMS DE LIEUX O FOL, FOLIE B 7fol, mal interprété, qui a donné naissance à la traditionqui les fait virer et se mouvoir.

Dans les anciens idiomes que parlaient les peuples quinous ont précédés sur le sol de France, Fol, Feul, Signi-fiait pierre, rocher. Dire la Pierre folle, c'est dire la pierre-pierre. II est arrivé là ce qui se présente pour la plupartdes noms primitifs, désignant des objets naturels: mon-tagne, rivière,, plaine, arbre. Employées d'abord commenoms communs, pour désigner un objet matériel d'obser•ration journalière, ils passèrent à l'état de noms propresquand, la langue ayant changé, on ne les comprit plussous leur vieille forme; et, comme il était nécessaire d'enindiquer la nature par une désignation prise dans lesidiomes nouveaux, les populations employèrent, dans leurlangue du moment, la désignation nécessaire, en l'accolantau vieux nom, qui ne présentait plus de signification à lapensée et restait à l'état de nom propre. Ainsi la Fol, qui,,à voulait dire une.pierre, un rocher, une mon-tagne, au sens général du mot, devint la Fol spéciale dela contrée. Et delà, Folembray (com° de Coucy-le-Château(Aisne), Folgairolles (cornu? de Saint-Jean-du-I3ruel(Aveyron), Foljutf Seine-et-Marne), Folmont (com° deBagat (Lot), etc.

Seulement, la logique voudrait qu'on écrivît Pierre-fol,comme dans le ù val de Pierre-fol » (Creuse).

Les pierres folles sont ou, du moins, ont été très nom-breuses dans le département du Cher. On n'y en connaîtplus guère aujourd'hui que dans les communes de LaChapelle-Saint-Ursin, Sain te-Thorette, Graçay, Nohant-en-Graçay, Thénioux, mais on a gardé le souvenir de cellesdes anciennes paroisses de Brécy, La Celle-Bruère, Préve-ranges, Sidiailles, etc.

Ce nom parait avoir pris parfois la forme de pierrefoltiêre oufortière. On connait du premier de ces nomsune borne séparative des anciennes paroisses d'Ids, Ineuilet Touchay; une autre de la seconde forme existe encoredans la commune de Sury-ès-Bois.

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S SUGGESTIONS pulLOroGfQiJES

Je parlais tout h l'heure de Beaulieu, j'aurais pu ajouterBeaufol. Il y a un village de ce nom dans le Cher, com-mune d'Assigny. Quand nous rencontrons un mot de cegenre, nous pouvons, il est vrai, hésiter parfois entrcfagusetpetra, comme nous le dirons plus loin, et entre puichra etl'antique Bel (Berle), désignatif d'une forteresse; maisBeau-fol (Bélfol) constitue bien pour nous un nom tautologique.

Pareilement,.le suis persuadé que le nom de Rochefolle(commune de Loches, Indre-et-Loire), qui devrait s'écrireRoche-fol, et son diminutif Roclzefollet, sont des syno-nymes de Rochefort. Le mot fol, dans ce dernier moded'emploi, aurait, comme tous les mots analogues, passé dusens primitif de montagne à celui de forteresse.

De même, le lieu de Villefolle, près de Sens (Yonne), etles lieux dits, par diminutive, Villefollet (Indre-et-Loire,Loir-et-Cher, Deux-Sèvres, etc.), seraient les analogues deVillefort et Vïiledieu.

Badefols d'Ans et Badefols de Cadouin. sont deuxanciennes seigneuries du Périgord qui se sont écrites.Batefol (1).- Je ne doute pas ce soient les analogues deiJadefort, qui, comme nom de lieu, se trouve, notamment,dans le Puy-de-Dôme. Le Dictionnaire du vieux français,de Godefroy, en signalant dans le patois poitevin Badifoou Bat (fol, le traduit par moulin. On désignait, en basselatinité, par le mot Batifollum, un moulin à écorce, etaussi un boulevard, un bastion, suivant le rapprochementque Ducange fait de ces deux mots. Les Italiens ontconservé le mot Batifolle pour dire un rempart. - Lenouveau Ducange ajoute à cette forme Batifollum ou àcelle de Batifolla le sens de machine de guerre, analogueau bélier propre â battre les murailles. Cette explicationest précieuse en ce qu'elle nous fournit, comme synonymede mur d'enceinte, le mot follum, que le dictionnaire nereproduit qu'en composition. Follum est une variante dufullum de certains documents franco-latins dii f siècle.

(I) DE CouRbEs, Dictionnaire topographique de la )Jordogne.

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ETVMOLOGIE DES NOMS DE LIEUX « FOL, FOLIE9

Ces formes ont l'avantage de ne pas prêter à l'équivoquecomme folium (l).

Quant à Bat, que Batifolle nous offre, nous le retrouvonsdans un autre mot italien, peut-être tautologique, Batte-fredo (tour en bois, brètèche), d'où vient probablementnotre 'Beffroi (21.

Pellafol, ancien fief et cbftteau dans le Dauphiné, nousoffre en un seul mot les deux expressions synonymes pel etfol. A comparer à Penna fort (cacumen castri) (3).

D'ailleurs, fol ou fou, c'est souvent tout un, même danscc sens. Un nom bien significatif en ce genre, est le nomtautologique de C/zatcaufou, près Bellevue, commune deQueaux (Vienne). Autant écrire Chateaufort.

Deux localités du nom de Foijuif existent dans Seine-et-Marne. Ce sont encore des noms tautologiques,juif étantici identique à jugum, ou au français joie (colline). Fol-mont, dans la commune de Bagat (Lot), n'en est qu'unevariante ou une traduction.

Rappelons également que si J'Aisne possède sa communede Folembray (canton de Coucy-le-Château, arrondisse-ment de Laon), en breton, bré signifie hauteur, et que lenom est vraisemblablement plédnasmatique.

C'est ainsi que le nom de la commune de Folbec ouFoulbec, dans l'Eure (au x° siècle Folebec) (4), s'expliqueparce que bec signifie d'ancienneté rocher pointu et pro-montoire.

La Follietté, les Folliots, sont des noms du Calvados sur

(4) Littré, pour expliquer le rapport de signification du batifoleitalien avec le verbe français batifoler, fait remarquer que la jeu-nesse des villes choisissait autrefois les remparts pour y prendre sesébats.

(2) A voir si la forme Rad-fol n'est pas la vraie et si bad n'est liaspour baud (bald, fort, audacieux).

(3) Notons en passant que, par le fait de l'assimilation si fré-quente des labiales P et F, ces suffixes sont, en réalité, les ana-logues les uns des autres. Citons, en outre, Poil-fol (Nièvre) et Pied-fond (commune d'Uzay-le-Veaon, Cher), variante de Puy-fou.

(4) Da lluossEvIuj, Dictionnaire topographique de l'Eure.-

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SUGGESTIONS PHILOLOGIQUES

lesqueisje n'insiste pas. La commune de Denneville, dansla Manche, nous fournit, comme nom de lieu élevé, Ornant-Vi)le-la-Foliot. On a proposé, pour le premier de cesnoms, l'orthographe Haut-Mont (1). Je crois que l'attri-bution peut s'étendre à la dénomination toute entière.

Je rencontre des Folleviiles surtout dans le Dictionnairetopographique de l'Eure. Une fois, ce nom y est écritFoievai, d'après le cartulaire de Saint-Wandrille; or, pourmoi, en géographie, val, comme je l'ai dit, c'est valium.

Robert Wace, de son côté, a donné le nom de Folpen-dant à un escarpement dangereux.

Un philologue distinguédu Rouergue m'apprend que,dansson pays, aguifol s'emploie dans le sens de château-d'eau (2).

Enfin, il y aurait peut-être intérêt à examiner de prèsles noms de Confians et Confolens ou Confolant, portéspar diverses localités, pour vérifier si, réellement, tousreprésentent bien le Confluens latin, suivant l'étymologiegénéralement admise, ou si, au contraire, en s'en référantà l'ancienne forme Confulentum, appliquée à quelques-unsd'entre-eux, on ne serait pas autorisé à y reconnaîtrel'élément fui, fol (3).

Cet élément, nous le retrouvons dans les langues néo-celtiques, scandinaves ou germaniques:

IrL: fal,fail (enclos, défense, retranchement)

(4) LE llÉnicutn,' Etymologies familiales, pag. 72. Le mêmeauteur, à la page 66, m'apprend que les noms de lieux actuels,assez communs en Normandie, Fwnen, Pumechon, se rencontrentparfois, dans de vieux titres, sous les formes Folmeçon, Folrniehonce qui ne l'empêche pas de les dériver de (tenus et d'y voir lindica-t.ion d'anciens trous à fumier. Ne serait-il pas plus naturel d'yrechercher l'emplacement de quelques repaires des nommés Meçonou Michon? -

(21 0' 1.-l'. DUItAND (de Gros), Études de philologie et de linguis-tique aveyronnaises, pag. 10, à la note. Ne pourrait-il pas arriverlue, dans les noms de cette forme, le premier élément composantreprésentât le latin atumen, acutus, plutôt que aqua.

(3) Dans le Bessin, on connaît le lieu dit le Foland, qui se rap-proché singulièrement de ceux que nous citons ici.

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ETYMOLOGIE DES NOMS DE LIEUX « FOL, FOLIE 'liAllem.: fait (chûte, pente); .—fdllcn (tomber)AngL: feu (montagne, versant d'une côte) - ta fait

(tomber, baisser)Norv., Suéd.: fjeld (rocher, plateau);Angl.:field campus);Ail.: feld (id.);Holland.: veld (id).Suivant qu'il arrive fréquemment, aussi bien dans les

noms communs que dans les noms propres, c'est souventsous une forme affaiblie quo Fol se présente, U s'écritalors Fiol ou t9olle. Ainsi, Beulefiolle, ancien fief de laparoisse de Sain t-Georges-sur-la-Prée (Cher), est, étymo-logiquement, leméme mot que Beaufol.

Dans l'usage courant, il est parfois difficile de saisir ladifférence qui distingue Belfiol de Befflou ( Befilol). Bienque je tienne les deux noms comme essentiellement diffé-rents l'un de l'autre, on pourrait d'autant mieux les con-Condre que la marque d'affaiblissement n'apparaît pas ton-jours. Prenons, par exemple, le nom du hameau de Beffoux,commune de Miroir (Saône-et-Loire.), se rapprochera-t-ilplutôt de Befflou que de I3éfort? En somme, j'incline àrapprocher Befflou de Beffe, mais je n'oserais garantirque, sinon lui, au moins quelqu'un de ses congéères, nepût être considéré comme une corruption de Belfiol (1).

Par une amusante confusion, fiol a été pris parfois pourfluo! (filleul) et écrit en conséquence. Il nie suffira de citerle pic de Filiole, un des sommets du célèbre mont Ventoux,et la font Filiole, source qui cii sort et qui lui emprunteson nom (2).

Fillol se rencontre assez fréquemment dans toute larégion qu'arrose la Garonne. En Périgord, c'est plutôtFilolie, qui semble vouloir dire le pays du illol ou fillol.

(1) Befl'ouw s'est nommé Belfo au xiv' siècle, Bel-toi au xvi etBefol au siècle dernier (V. GUILI.BMm, Dictionnaire topographiquedo l'arrondissement de Louhans.)

(2)Pôtrarque, qui fit l'ascension du mont Ventoux, e interprétéce nom d'après le système indiqué. Il assure gravement que, si ce

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12 SUGGESTIONS PHILOLOGIQUES

II

FEL. FEU. FAL. FIL. - Il s'en faut que Fol ou 9ol seprésentent toujours sous ces deux formes; les variantesen sont nombreuses, comme nous allons avoir l'occasionde le constater. Parmi celles-ci, il convient de signalercelle de 17e1, transformée en feu, suivant la loi de notrelangue. Comme avec fol et avecfal, ainsi que nous allonsle voir, il arrive plus d'une fois que c'est sous cette appa-rence que se traduit notre mot pierre moderne. Il est; eneffet, excessivement probable que nous avons autant denoms pléonasmat,iques que nous rencontrons de fois celuide Pien-e,teu dans les Hautes-Alpes, les Alpes-Maritimes,le Var, etc. Signalons, entre autres, dans l'arrondissementde Grasse, l'ancien poste fortifié dit « Castellaras de Pier-refeu o (les Châteiers de Pierrefen).

Feu, dans ces contrées, est donc la manière de pronon-cer Fancienfoliu;n ou folunz bas-latin, que représente notre/cl. Du reste, il ne nous est petit-être pas impossible d'enoffrir l'analogue dans nos contrées, et j'avoue que je sic meconsidère pas comme engagé d'obligation à adopter, peut,notre commune de Feux, l'explication qui semblerait pou-voir résulter de la forme Focus, que lui donnent les lati-nistes dès , le xiv0 siècle. Il y a grande apparence que,partis, commefol, de l'acception montagne, feux en estarrivé à celle de castrum. Quant à la particularité du plu-riel, au cas où il y aurait h en tenir compte, elle s'expri-merait comme le pluriel de Haia, dans l'appellation desAix-d'Angillon, pu" l'existence possible de plusieurs châ-telets anciennement reliés entre eux, sans doute, pour une

sommet se nomme mons fitiorum o, c'est par antiphrase; puisqu'ilest comme le père de ceux qui l'environnent, (Cu. MABTINS, LeMont Ventoux, en Provence. - Revue des Deux-Mondes, avril 1863.1

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ETYMOLO&IE DES NOMS DE LIEUX 41 FOL, FOLIE13défense plus étendue. Tretols, commune de l'arrondisse-ment d'Epernay (Marne), s'appelait, au xir siècle, Trefex,qui fait songer à Feux (I).

Feu, sous sa forme première je!, se retrouve, semble-t-il, dans le Felet; de la Dordogne, le Félines de l'Hé-rault (au r siècle, Feilidas) et celui du Gard, que lelatin traduit de même. Sans doute, c'est lui aussi qu'onretrouve dans le mont Casterfeil, de 1'Ecosse (comté deRoxhurg), et dans le Hante!! ou Hartfeld, du comté deTweeddale.

Chez les Périgourdins, Feu apparaît affaibli en Pieu,comme Fol en Fial. Exemple le nom des Fieux, autre-fois Fiou (2).

Le scandinave actuel, comme l'anglais, nomme la rochefel oufiel, que le norrois prononçait fiafl. C'est en effet,nous l'avons vu, dans les langues germaniques ou scandi-naves que se retrouvent les analogues, non-seulement defi!, mais aussi de fiel, la forme affaiblie, qui y devientvolontiers fieid.

Sifel alterne avec fa!, rien d'étonnant à ce que fau oufaux remplace, ii l'occasion, Feu et Feux, tels Faux-en-Forêt (commune de Vittemont, Moselle.), (au x0 siècle,Faltum), et Faux-la-Montagne (Creuse). JI n'y a pas d'ap-parence que ces noms puissent se rapporter à fagus etrappeler le hêtre.

Pal se rencontre pluscommunément que Fcl. On letrouve mème employé, dans toute sa pureté, comme nomde lieu. Citons, par exemple, le domaine de Fa!, dans lacommune de Robiar (Gard).

On peut, je crois, considérer comme une des anciennesapplications de ce mot, en gaélique, le nom de la pierre-fée dite Fat et qui figure dans les traditions mytholo-

(t) Voir, dans le Cartulaire de La Charité-sur-Loire, publié parM. de Lespinasse, la bulle d'Alexandre III, du 24 mai 1178.

(2) Voir ces mots dans le Dictionnaire topographique de la Dor-dogne, par M. DE CounQUEs.

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14 SUGGESTIONS PHILOLOGIQUES

giques de l'Irlande, où cette pierre aurait été apportée parles fabuleux Tùatha de Danann, les dieux de l'intelligencedans l'Olympe primitif irlandais (t). Avec la pierre-fald'Erin, nous revenons k nos pierres-fol de la vieille Gaule.

Le mot Guer,fal a été signalé comme celtique avec lesens de rocher (Gerville). Ce serait fal précédé du préfixeintensif ver.

En France, le prototype des noms de ce genre , c'est lepoétique et tautologique mont Fa!ou. C'est vraisemblable-ment du même radical que provient Falun, mot parlequel on désigne les terrains formés de débris coquillierslaissés par les eaux de la période tertiaire, sans qu'on enconnaisse l'origine étymologique. -

Pour correspondre au nom du Falou pyrénéen, on peutciter le mont Fa!hiTe, sur le bord de la Meuse, et au som-met duquel les géographes belges placent l'Oppidum desAduatuques (2). N'est-on pas tenté d'y voir une formefrancisée du bas-allemand PfaF (château, palais) (3), quirappelle si bienlepa!atium romain, et qui doit être procheparent de cet autre mot du même idiome, Pfahi, qui veutdire pierre, comme le fa! celtique?

Dans l'allemand moderne, le rocher, l'écueil, se dit ftlset fe!sen, comme en anglais fais.

On pourrait rappeler, à ce propos, le nom des anciensFalisques, qui se retrouve dans le Falleri actuel. hueserait pas impossible que les peuples de l'Itâlie antiqueeussent reçu leur nom du lieu qu'ils occupaient, et que ce

(1) DAnilols DE JUBAINYILLE, Le Cycle mythologique irlàndais et laMythologie celtique, tom. Il, chap. vii. On peut croire que l'irlandaistait ou fat et le kymriqiie ffelaig (roi, prince, souverain), pro-viennent d'un thème (et, dont la signification serait celle de hau-teur, élévation. Cette acception, prise d'abord dans le sens pure-ment physique aurait servi à désigner la montagne, la hauteurmatérielle, avant de revêtir le sens de élévation politique.

(} Cssrr, Bali. Cati, li, 29, - V. DEsjAun,Ns, Géographie tic laGaule romaine, tom. .11, pag. 458.

(3) Cf. Phalsbourg.

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ETYMOLOGIE DES NOMS DE LIEUX e FOL, FOLIE ')15nom exprimât l'aspect montagneux de la région ou bien lafortification dont ils en auraient couronné les hauteurs.

Par ces citations, nous nous trouvons tout naturellementamenés au français falaise, qui n'a d'autre significationque celle de rocher.

Par le Fais anglais, nous remontons au radical Fald,ancien mot saxon, qui paraît avoir été l'analogue de Hala,en ce sens que, parti de l'idée d'enceinte, il a pris suc-cessivement des acceptions particulières, comme cellede bergerie. En vieux français, sous la forme faude,il u également signifié une enceinte de pieux, un parcà brebis (t).

Quant à Fais, modification probable du précédent, ilsemble avoir conservé l'idée de montagne en même tempsque celle de château. On peut en rapprocher, semble-t-il, leFalcilerias de la période mérovingienne, reproduit depuisdans le français Faussilières ou Fossilières, et dans lequelon retrouve le nom des monts Faucilles.

Il est à remarquer que tous les Falaises, Falaises ouFalouses de la France sont confinés dans la région patron-rue ou habitée jadis par les colonies scandinaves ousaxonnes, c'est-à-dire la Normandie, le Vexin, la Ton-raine, la Picardie. et la Lorraine. Le français falaise a.Pour corrélatif le wallon falidge (carrière).

Ce n'est pas que le Midi ne puisse offrir quelqueexemple de l'implantation de la même racine sous cettelatitude; ainsi le Fais des côtes de la Manche se retrouveégalement dans Je Fais agenois (canton d'Astaffort, Lot-et-Garonne). Mais, plus ordinairement, dépouillé de sa finalesibilante, il apparaît encore dans les régions montagneusesdit additionné de suffixes qui, à nos yeux, lui donnentsa véritable signification. C'est d'abord le Faijoie de laVienne, commune de Saint-Sauveur, Qui méconnaîtradans ce nom le frère de tous les Montjoie possibles et duFoijuif de Seine-et-Marne? Il a également pour analogue

(I) IJUCANC,E, V 0 Falda.

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16 STJGGE5TIONS .PH(LOLO&IQTJES

Faigarde, dans la Haute-Garonne. Or garde, c'est la montague fortifiée.

Mais n'est-ce pas aussi les Faigères, les Falguières duLot, du Gard, de l'Aveyron, etc., le Falgairac de la Haute-Garonne, le Faigeyrat de la Dordogne? Tous noms ana-logues, que les Carlovingiens écrivaient Falgariœ et Pal-

cariœ, et qui (ou je me trompe fort) devaient tous expri-nier cette même idée de défense dans la montagne. Peut-être ces divers noms ne présentent-ils que les formesadjectives de Falga, Falgous (Ariége, Haute-Galonne) (1).

Je sais bien qu'on a essayé d'assimiler les noms précitésavec celui de Farges, mais je ne saurais considérer unepareille assimilation comme admissible à aucun égard. J0

n'en dirais pas autant, il est vrai, de l'opinion qui préten-drait retrouver dans le méridional Falguière l'analogue dela septentrionale Fougère (filicaria), au N ie siècle filgeria,

mais cela sort de notre sujet (s).Nous avons rapproché du français falaise le wallon

falidge (carrière), notons encore que Falletans, nom d'unecommune du Jura, rappelle le Felletin de la Creuse, quin'est vraisemblablement qu'une variante de tous les Folie-

tières normands, proches parents eux-mêmes des Foullet

ou Fouillay du Berry; car il est évident que, dans cetteexcursion à travers le domaine de l'étymologie, nous tour-nons toujours dans le même cercle, de manière à noustrouver, à chaque instant, ramenés sur la même piste.

Le périgourdin Felét; nous remet, chez nous, en pré-sence de la sifflante dans fais, d'origine germanique ouscandinave. Feiletin de la Creuse et le Failetans du Jurasont du même ordre, malgré l'endurcissement de laconsonne finale.- Par les deux dernières citations de Falletans et Felletin,

(t) Oans la région rhénane, c'est de préférence l'articulation Falk

qui domine- Cf. Falkenstcin. On sait que stBin signifie pierre.(2) Dans le patois vosgien, les mots Faiiôres et Valures, qui sont

des noms de lieux du pays, sont expliqués comme les noms d'uneespèce de fougère.

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ETYMOLOGIE DES NOMS DE LIEUX « FOL, FOLIE17

j'établis, une fois de plus, comme n'ayant pas besoin Ùmes yeux de confirmation, ce fait élémentaire que fal ettel sont équivalents. Mais il y n, dans cet ordre d'idées,une autre assimilation qui paraîtrait peut-être moins évi-dente, quoiqu'il s'agisse ici d'un simple changement delettres choisies dans le même groupe. Il est inutile d'in-sister sur la facilité de permutation q&oflrcnt, plusencore que les lettres d'antres familles, les labiales P. B.V. F. s'échangeant naturellement entre elles à quoi ilconvient d'ajouter que, par l'intermédiaire de 1F, l'aspira-tion 1H1 les remplacevolontiers. Les Espagnols nous enoffrent un témoignage bien connu. Il suit de là que 'Bel,fol, hel ou vel se valent, aussi bien que ha!, j'ai ou val. Or,sans sortir du domaine

au nousnous sommes entrés par l'exa-

men du mot fol, c'est-à-dire de l'expression primitivedésignant la pierre, le iofter, la montagne, et l'idée corré-lative de solidité ou force, nous pouvons mettre en pré-sence, d'une part, comme expressif de « pierre o, le grec

le norrois houa, le gothique hallus; et, de l'autre,comme se rapportant à la signification de force et depuissance, les termes suivants

Ber. vala, hala (fort, puissant)Litli. vala (force)Russe vele (id.)Polon. iviel, wielo (id.)Lat. valens, validus(t).A quoi je me crois le droit d'ajouter le celtique va, que

nous ne possédons, il est vrai, qu'en composition.Je réserve pour un autre chapitre les développements sur

(1) PICTET, Les Origines indo-européennes, I, pag. 4T8. Il n'y avraisemblablement qu'une coïncidence de forme entre foftum (fort)et folium (feuille)- Toutefois, il est intéressant de noter un rapportanalogue entre fiel (fort) et la même racine exprimant cette idée defeuille dans le sanscrit bela, ou l'erse et l'irlandais bu, bile,bileog. Ce qui nous amène à nous demander s'il n'est pas tout natu-rel de passer de bel à Tel et vice-versé, par simple mutation d'ini-tiale.

2

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18 SUGGESTIONS 1'R!LOLOGÎOUES

les assimilations proposées je me contente de poser ici,comme pierre d'attente, ces propositions, que val, dansOrval, et son analogue vau, sont les équivalents de Fal,de même que Bel, qui nous apparaît le plus souvent soussa forme contemporaine Eau ou Beau, n'est autre quo level susdit, dont le sens est a fort, puissant

Je vais plus, loin pourtant, et je me demande si lavoyelle I ne participe pas au bénéfice que nous accordonsà ses soeurs A et E, et si, par exemple, fil n'est pas iden-tique à vel aussi bien qu'àpil. variante lui-même de pel(podium)?

Dans la commune de Corseul se voient les ruines d'uneforteresse que l'on estime avoir été construite sur uncastrum antique, et qui porte le nom, pour moi taulolo-gique, de Montafilant. La Filolie, aujourd'hui simplehameau, était au moyen-âge un repaire noble, pourvud'une haute justice (1). Il y a, d'ailleurs, une douzaine aumoins de Filolies dans la Dordogne. C'est vraisemblable-ment le même nom qui se retrouve dans ce départementsous la forme Filie (2).

On peut y rattacher tous les Filioulas, Filoine et Filloldu même pays. Il m'aura suffi de poser la question, enl'appuyant de ces exemples, sans m'y appesantir davan-tage.

III

FEUIL. - Une autre forme qui u peut-être obtenu plusde faveur que les précédentes est celle de feuil, qui, d'ha-bitude, s'écrit abusivement feuille, d'autant plus facile-ment qu'en latin le nom est /oliwn.

Quelle est la légitimité de ce latin? La réponse est diffi-cile. On peut croire volontiers à une invention, sans

(1) DE COURGUES, Dictionnaire topographique de la Dordogne.(2) Ibid.

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ETYMOLOGIE DES NOMS DE LIEUX « FOL, FOLIE19

crainte de faire trop grand tort à la réputation de ceux quil'ont employé, vu la fréquence de l'habitude. Il y auraitpeut-être cependant quelque argument à faire valoir en safaveur. Ainsi, tandis que la bonne latinité n'usait guèrede folium que dans le sens de feuille végétale, le latinpopulaire ou de décadence désignait ainsi un tonneau dela capacité d'un demi-muid. Ce folium a produit le dimi-nutiffoiietta; italien, foglietta; en français, feuillette, et,dans certaines provinces, fillette. Or, ne pourrait-on pas,sans trop de témérité, renouveler ici le rapprochementque nous avons cru pouvoir faire ailleurs entre dolium,tonneau, récipient de liquide, et le 'Dolium qui a pro-duit le nom de lieu 'Dol, et qui nous pat-ait offrir le sensde fossé, retranchement? De cette facon, folium auraitun titre suffisant à représenter l'idée de fortification.

Mais, d'autre part, il semblerait que, à l'origine, la véri-table forme aurait étéfullum ( folluin), qu'on voit parfoisemployé dans les plus anciens textes, et qui donne natu-rellement foui, fol. C'est ainsi qu'on voit nommer leschâteaux de Roquefeuil, dans la commune de Brissac(Hérault) et le canton de Belcaire (Aude). Le Dictionnairetopographique de l'Hérault, par M. E. Thomas, prouveque pour lire ce nom dans le latin Rocajohum, il fautdescendre jusqu'au xiii' siècle. Au x°, on lit encore Rocha-fuliu'n. Dans les contrées isolées, où les vieilles formes sesont le mieux conservées, celle de fui a persévéré. On peutcomparer à cet égard la montagne de Fully-, dans lesAlpes du Valais.

11 ne faudrait pas cependant se méprendre sur ma véri-table pensée. Je ne prétends pas dire que ce fo1iun aitattendu le xiii' siècle pour apparaître au jour. C'eût étémiracle que les étymologistes antérieurs, rencontrantsur leur route touil, ou quelque chose d'analogue, aientlaissé échàpper l'occasion d'en faire folium à tout hasard.Le rapprochement a dù, au contraire, leur paraître toutnaturel. Ce qui est certain, c'est que, dès le !X C siècle (cequi n'a rien d'extraordinaire), agrifolium nous apparaît

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20 SUGGESTIONS PHILOLOGIQUES

déjà comme nom géographique (t). Mais ce que je n:1lésitepas à déclarer, c'est que, dès lors, ce, folium pourrait bienêtre de contrebande.-

On connait, dans la Charente, comme proche parent duméridional Roquefeuil, lecarnp antique d'Orfeuil, près deRanville. Pour moi, c'est une simple variante d'Orval (2).D'autres Orfeuil sont dans l'Ardèche, les Ardennes, lesDeux-Sèvres, etc , et, vraisemblablement, représententpartout d'anciens lieux fortifiés.

En Maine-et-Loire, c'est Glanfeuil (Glannafoliunz), dansla composition duquel il semble qu'on puisse retrouverl'islandais glenna, l'irlandais glean, le gallois glyn, l'an-glais glen, tous significatifs de vallée.

Les Verfeil ou Verfeuil du Gard, de la Haute-Garonne,du Tarn-et-Garonne ne me paraissent être que notrefeuil, précédé do l'intensif ver.

Feuillancourt (commune de St-Germain-en-Laye) s'estappelé d'abord Filiocurtis, nom décomposé par les scribesplus récents eu T/illiolis cortis, ce qui est aussi baroqueque prétentieux (3).

Feuil a dû vraisemblablement affecter, à nue certaineépoque, la forme foi!, féminisé parfois en foille; et nousverrons plus loin qu'il l'a gardée dans certains dialectesceltiques mais il faut bien avouer que, grâce k une erreurd'interprétation, c'est le plus ordinairement SOUS son vête-ment féminin feuille qu'il nous a été conservé, et cela mômedans les régions qui ont le mieux retenu le souvenir de lalatinité. Le Limousin, par exemple, nous offre Saint-Su!-pice-les-Feuilles, arrondissement de Bellac (Haute-Vienne),et St-Priest-la-Feuille, arrondissement de Guéret (Creuse).Il est vrai que, dans le premier des deux cas, on peutinvoquer la synonymie de lieu feuillé mais il n'en sera

(1) QUICHÉRAT, La formation tranaise des noms de lieux, pag. 12.(2) B. LEDAIN, De l'origine et destination des camps romains dits

clutteliers, pag. 505.(3) LUCHAIRE, Etudes sur les actes de Louis VII.

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ETYMOLOGIE DES NOMS DE LIEUX « FOL, FOLIE21pas de même du Col-de-la-Feuille, nom dune montagnede la commune de Saint-Pont (Hérault).

II arriverait même souvent que l'application du sens defeuillage ne serait pas sans créer quelque embarras. II existedans le sud-ouest du département du Cher, un ruisseaunommé le Portefeuille, affluent de l'Arnon. Voilà un nomqui, envérité, neparait pas dire grand chose: Car d'admettreque cela signifie que ce ruisseau roule beaucoup de feuillesdans son cours ou porte beaucoup d'arbres sur ses bords,c'est, semble-t-il, se contenter à bon marché. Je ne connaispas le nom de ce cours d'eai.i antérieurement au xvi 0 siècle,OÙ , déjà, il se présente tel. N'est-il pas supposable quela vraie forme serait quelque chose comme le Port-de-Feuille (portus foliO, c'est-à-dire la rivière dit

? Port, ici, serait l'analogue du mot gué pris fré-quemment dans le sens de ruisseau, même sur les cariescadastrales.

Un des composés de ce mot les plus connus est Haute-feuille, l'analogue évidemment de Haute-l'ère, dont 'auraioccasion de reparler ailleurs. Le premier élément du nom,Alt, qui se retrouve dans un grand nombre de langueseuropéennes avec le sens de l'élévation, s'applique très-bien, soit à la montagne, soit à la fortification, qui laprotège en la dominant, et feuille complète l'idée en s'ap-pliquant de préférence à la fortification elle-même.

J'ai cette bonne fortune de rencontrer ici pour garantde l'opinion que je défends une illustration que la scienceregrette, Jules Quicherat. Dans une de ces études commeil savait les faire, où tant de choses sont condensées en peude pages, il aexaminé l'origine du rieur ilautefeuille ci.comme d'habitude, il l'a fait en maître (1). S'appuyant surles Chansons de Geste, où le traître Ganelon est dit châte-lain d'un 1-lautefeuille plus ou moins authentique, il enconclut que, dans l'esprit des Français du xiii 0 siècle, ce

(I) J. QuldilitoAT, La nie et le château de llautcfeutle, dans lesMémoires de la Société des Antiquaires de Paris, tom. XLII.

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22 SUGGESTIONS PHILOLOGIQUES

mot était significatif de forteresse. Cherchant alors dansles anciens idiomes, assimilables au nôtre, la trace de cenom, il rencontre le gafflique, autrement dit l'irlandaisfoi!, qu'Owen traduit par repaire, autrement dit cbteau (i).

Le fait du Hautefeuille de Paris témoigne, ainsi quele montre Quicherat, que ce mot feuille et, sans douteaussi, sa traduction latine folium étaient, au xiii' siècle,encore parfaitement compris des Parisiens, et pourtantd'autres témoignages démontrent que, au xxr siècle, on s'yméprenait très-bien.

Il y a k ce sujet, dans un chroniqueur Languedocien dusiècle suivant, une anecdote sur saint Bernard qui vautd'être rappelée. C'était lors du voyage quil entrepritdans le Languedoc, vers 1147, avec le légat Albéric etl'évêque de Chartres Geoffroy, k l'effet de convertir leshérétiques. L'entreprise était rude et Bernard n'en recueillitpas grande gloire. Son éloquence subit surtout un échecà Verfeil (Haute-Garonne), arrondissement de Toulouse,que les documents du temps et le chroniqueur lui-mêmenomment viride foliutn, en le dépeignant comme une placeforte d'une certaine importance. L'historien de la guerredes Albigeois, racontant la déconvenue du célèbre abbédans ses tentatives de conversion sur les habitants deVes-feil, mentionne qu'il en éprouva un tel dépit que,secouant sur cette Sodome la poussière de ses sandales,il s'écria, croyant faire un jeu de mots « Viride Folium,dessiccet te Deus !(2) mot qui prouve manifestement que

(1) D'après Zeuss (Gramm. ceit., pag. ), foil serait l'an-cienne forme de fui!, qu'il traduit par damas, et qu'il rapproche del'adjectif folaeh (couvert). N'y aurait-il pas là un souvenir intempes-tif de folium mal interprété? Je rappellerai, à cette occasion, qu'enIrlande, dans le district de Doon, existent trois groupes de dolmensportant les noms de Foily-Cicary et Foil-Mahon-More. Poil et Foilysemblent ici signifier quelque chose comme tumulus, colline oupierre.

(2)V. Chronictz Guilleimi de Podio-Laurcntii, ap. D. Bououwr, XX,pag. 764. Cette chronique s été traduite dans la collection Guizot.

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ETYMOLOGIE DES NOMS DE LIEUX « FOL, FOLIE23

saint Bernard traduisait Verfeil par verte feuille ouvert feuillage.

Je crois devoir insister sur ce' fait significatif. Dès texii 0 siècle, saint Bernard ne comprend plus ce que signifieVerfeuil, tandis que, au xiii siècle, le peuple comprendencore ce que veut dire ilautefeuille, dont la significationest à peu près la môme. Cela tient à ce que le religieuxest un lettré, qui pense en latin d'école ou d'église, et quele peuple pense en français, qui n'est souvent que du latinpopulaire.

Quant à nous, nous retrouvons dans Verfeuil deux motsgaulois ver, préfixe intensif, qu'on peut assimiler aulatin fortis; et foliuni, l'analogue de castrurn.

Aigrefeuille, en latin Agrifolium, est le même queHautefeuille dans un autre dialecte. Ce nom n'est d'ail-leurs pas moins fréquent dans nos départements que soncorrélatif Aigrement. Le préfixe, qui se lit dans les deux,ne doit pas être confondu avec l'aigue Caqua), qui se ren-contre dans maints autres noms de lieux, comme, parexemple, Aigues-Mortes; soit que, dans le cas qui nousoccupe, le R doive être considéré comme purement adven-tice, ce qui donnerait pour ferme régulière aigue feuille,figue représentant l'&x grec et l'acutus latin, soit qu'ondoive tenir sa présence pour légitime, auquel cas nousserions en présence d'un analogue de l'dkpâç grec, de l'arxet de l'arca latin, de l'arg ou arc celtique, qui en sent lesmétathèses, et dans lesquels l'idée serait toujours celled'un sommet extrême (t).

Le nom daigréfeuille se retrouve dans certains lieux-dits du Cher, qu'on sait avoir été jadis làtis dans lacommune de Villaben, il se lit écrit, sur les titres duxvi 0 siècle, l'Aigrctolle ou les Fellins. Ce dernier mot peutêtre un nom de famille, de même qu'il pourrait être unedégénérescence de folle et telle.

(I) Ajoutez aux noms précités grec xŒIv% (aiguille); &kwv(lance), latin acer $igu, aigre), irlandais aicher (tranchant), etc.

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24 SUGGESTIONS PHILOLOGIQUES

M. Quicherat cite, à la page 13 du travail précité, unlieudit Cherche-Feuille dans la commune de Vitry (Seine).Je ne connais pas ce lieu, mais j'ai assez la pratique desnoms géographiques et de la variabilité de leurs formesanciennes, pour avancer, sans crainte de beaucoup metromper, que celui-ci doit être la corruption dur' primitifArcefeuille (arcifol). Ce qui m'étonne, c'est que la trans-formation n'ait pas été poussée plus loin, et que, l'assimi-lation aidant, on ne soit pas arrivé à Cerfeuil.

Cependant, on s'exposerait il des erreursd'interprétation, si l'on ne tenait pas compte ici, commeen maint, autre cas, de similitudes de formes, qui, tout enfaisant partie de la même famille linguistique, servent àdénommer des objets parfois fort différents. Ainsi, en facede l'acrifoliutn latin et de l'aigrefeuille français, qui, tousles deux, désigneront la forteresse, il Y a aussi un autreacrifolium, d'où proviennent l'italien aiIoglio et le pro-vençal agriol, pour désigner le houx.

Dans ce dernier genre de mot le folium latin est l'ana-logue de la feuille botanique française, mais, aussi bienque dans l'agrifolium-forteresse, acri veut dire pointe.Dans le houx, il s'agit d'une pointe épineuse, dans l'autre,de la pointe d'un rocher ou du sommet d'une tour.

Remarquons, à ce propos, que, parfois, l'agrifol-houxest devenu, par aphérèse, Gritol. De même, ce nom d'ai-grefeuit s'est aussi, parfois, transformé par une semblableopération on Gra/euille, ainsi qu'il est arrivé dans laCorrèze, où il est assimilé k l'agri/olia du x°' siècle 4l).

C'est sans doute à la même origine qu'on doit le Greffeilde l'Aude et les Greffeuille et Greffulhe du Gard. Donc, ilest juste de reconnaître que, plus d'une fois, le doute estpermis sur l'origine et la signification des noms de cedernier genre, et qu'en lisant, par exemple, celui desAgrafeils, domaine de la commune 4e Saint-Amand-de-

(1) DELOCUE, Etudes sur. les divisions territoriales du Limousin,pag. 358.

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ETYMOLOGIE DES NOMS DE LIEUX O FOL, FOLIE »25

Belvez (Dordogne), on est en droit d'hésiter entre l'accep-tion de forteresse et celle de bois de houx.

Enfin, une contraction qui s'explique, a métamorphoséarc/euille ou acrefeuilile en ar/'euille, arpheuille, le Grosde I'Ar/cuit (Dordogne, commune deMontasie-Montastruc),n'étant que lA grafeil du même département.

Le nom d'arfeuiile abonde sans qu'il soit besoin presquede sortir du Berry. Le Cher a sa commune d'Arpheuilledans le canton de Charonton, l'Allier dans l'arrondissementde Montluçon, et l'indre dans le canton de Châtillon-sur-Indre. D'autre part, Arfeuilles est également un nom quidésigne aussi bieu un bourg du Forez qu'un bourg du Berry-l3ow'bonnais. LArfeuilles forésien, si je suis bien renseigné,occupe un point d'un cirque formé par de hautes couinés.Ce fut certainement, à l'origine, une hauteur fortifiée.Dans ce nom aussi bien que dans Aigrefeuille, on prendsurie fait la synonymie de l'arx ou de l'arca latin avecnotre fol, sans doute gaulois.

Ce qu'il convient de constater, on tout cas, c'est que, s'ily a des ai-feuille ou arpheuille (l'orthographe importe peu),dans un grand nombre de départements, je n'en connaispas, toutefois, au-delà de la Loire.

Iv

FATE. FAIL. - Comme nous venons de l'exprimer, nousn'avons pas prétendu que quelques-unes des formes quiprécèdent, celle de feuille notamment, ne puissent prêter audoute, quant à leur signification, et, partant, à l'originequ'il convient de leur assigner. Il eu est ainsi, notamment,de fou, fouit, foui, etc., et surtout de faille.

11 est vrai que, pour ce dernier nom, c'est moins l'ortho-graphe faille, variante probablement mal orthographiée defat, qui se rencontre que celle de Faye, considérée avec

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26 SUGGESTIONS PHILOLOGIQUES

toute raison comme dérivée de fagus (hêtre). Les nom-breux La Faye qui existent en France signaient sans con-teste, l'existence, à une époque quelconque, de hêtraiesdans les localités qu'ils désignent. A cet égard nul douten'est permis. C'est pourquoi, en pariant de Hautefeuille, jenie suis abstenu de mentionner, à titre de comparaison,Haute laie, tandis que je citais Haute fère.

On sait que fagus est devenu, en langue romane, faya,et, en vieux français, fau ou fou. Quant à laye, qu'il ne fautpas confondre avec les Deffet ou Defay, variantes probablesde Deffens, il n, par dérivation, donné lieu à maintsethniques. La Dordogne, h elle seule, m'offre les suivants:Fajolie et Fa voile, Faj ot et Fayot, Fajotte et Fayotte; etles mêmes noms se répètent à profusion, ainsi que leursanalogues, dans la plupart de nos départements, surtoutparmi ceux qui sont situés au midi de la Loire.

Il semble qu'on doive relier sans hésitation au mômeradical, tous les Fages et les F'agets ou Fayets, aussi bienque les Fageolles, qui abondent dans l'Auvergne et danstoute la région montagneuse du sud-ouest de la Fiance.Mais n'y a-t-il pas d'exceptions? Prenons, entre autres,pour exemple, le nom du village de Clair Fage, dans laCorrèze, en latin Clara faga, dès le x° siècle au moins (1).Devons-nous traduire ici clarus par brillant ou célèbre, etfaga par hêtre? Qu'est-ce qu'un hêtre brillant ou célèbre?J'avoue que cela me parait parfaitement ridicule, et,comme j'ai, d'autre part, quelque raison d'estimer queciarus est un synonyme d'alp ou de mous, je préfère tra-duire Clair-fage par clarum folium et en faire un synonymede Clermont, lequel, pour moi, est un nom tautologique.

Voilà, pris sur le fait, un exemple saillant de l'incertitudequ'offre si fréquemment l'interprétation des noms géogra-phiques, grâce à leurs formes spécieuses. En revanche,plus d'une fois, fol semblera étre la traduction de fagus,

(1) DELeCHE, Etudes sur les divisions territoriales du Limousin,pag. 359.

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-ETYMOL0GXE DES NOMS DE LIEUX FOL, FOLIE "27

et la simple variante du fait angevin, mais alors il faudraitl'écrire faut. Aillefol (alias Gérosdot), localité du cantonde Piney, dans l'arrondissement de Troyes, et l'analoguede aiguefol ou aigrefol, est nommé aquilefagus dans lePouillé de Troyes de 1407, n°56, fo, 124-25 (1). Le lieu deFaux-Fresnay (Marne, arrondissement d'Epernay), y esttraduit par Fagi, tandis que des chartes du XII6 sièclel'écrivent Folli, n° 56, f" 80-81, et n°390(2). Je ne parlemême pas de Tréfols, écrit au xir siècle Ires fagi, maisaussi, il est vrai, Trefolum (3).

Avec la forme fail, il semble qu'il y ait moins d'incerti-tude, bien que, plus d'une fois, elle se confonde avec tell etteuille Mais, si une partie, la plus grande peut-être de cesnoms, offre des dérivés de fagus, il s'en faut qu'il en soitainsi do tous. Prenons, par exemple, le nom de Failloue(commune deFrièrcs, Aisne), qui n'adopte cette forme qu'auxiv' siècle, et qui, jusque là, s'écrit Folloel ou Foilloel (4).

Il y faut joindre le nom assez commun de Failly, qui estsouvent le même que Fay. Failly, dans la commune deVigy (Moselle), s'écrivait, il est vrai, aux' siècle, Fadilica;mais l'ancienne forêt de Far, dans la Mayenne icommunede Montaudin), a été dite au xii 0 siècle « foresta Failli n,puis le mot est devenu Fail, et, finalement Fay. Le Gard ason hameau de FaIly, dans la commune de Cannes. Enfin,le bois de Failly de la commune de Corbeny (Aisne),s'est également appelé Fay.

M. Port signale (5) un lieu dit de Moine-et-Loire, dé-nommé, au xvi O siècle, le fief Sauvin. Antérieurement,c'était Fueil-Sauvain, et, dans le latin descommencemontsdu xn' siècle, Failum et Failliacum. Va-t-on prendresérieusement ces mots comme des équivalents de fagus, et

(4) D'ARBOIs DE JUBAINVILLE, Pouitlé du diocése de Troyes.(2) Ibidem.3) Ibidem -

(4) A. MArrON, Dictionnaire topographique de l'Aisne.(S) Dictionnaire historique, géographique et biographique de

Maine-el-Loire, II, pag. 148.

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28 SUGGESTIONS PHILOLOGIQUES

ne voit-on pas là déjà le fait de la latinisation hasardéed'un fol ou fal quelconque?

Plus rapprochés de Faye, les Côtes-du-Nord nous offrentla Faille, et le Cher, la Fouaille (au xni° siècle, la Malle),qui n'en est qu'une variante. Ce dernier nous ramène à F0-hum et à Feuille, et nous arrivons ainsi à des jionis commelaFeuillée,Feuillouse et, peut-être même Feularde, dont ilsemble que l'origine se trouve moins dans fagus que dansfohium, expressif de végétation. De bonne heure, en effet,folium, par une métonymie hardie u été pris pour sylva.J.4e Glossaire carloxingien de Cassel offre, en regard l'unde l'autre et comme deux synonymes, les mots silvarias etfolliu.

L'incertitude, pourtant, ne reste pas moins grande quantà l'origine et lev.rai sens du mot., attendu la facilité de per-mutation entre les noms établis sur le radical feuil et ceuxqui proviennent de foil ou fouil. Fagus, d'ailleurs, ne s'estpas contenté de produire chez nous for, t'ait et fou, aussibien que fouteau et fouineau; le Berry, notamment, en atiré foyard (4), mot qui semble n'être autre que notrefoillat ou forcît, additionné de l'Rredondant. Le foillat estl'expression par laquelle nos campagnards désignent lafeuille du hêtre, qui se cueille pour alirnentr les bestiauxdurant l'hiver (2). Foyat ou foUlai veut donc dire feuillagedu hêtre, du fou, du fouteau, tandis que foyard ou foulard,,parfois dégénéré eu feuillard, désigne plutôt une planta-tion de la même essence.

Foillard se retrouve dans le nom du château de Follard,

(t) LArDEnT, Vocabulaire du Centre de la Franco.(2) Cet emploi explique la grande propagation de cette essence,

au moyen-âge, dans des campagnes, d'où il a disparu depuis; àmesure que l'élève du mouton se répandit, le hêtre se propagea lelong des champs. Il en fut ainsi jusqu'à l'introduction, dans l'agri-culture française, des fourrages artificiels. Le foillat devint alorspresque inutile, et, comme, d'autre part, le hêtre, par ses racinestraçantes, nuisait aux céréales voisines, à mesure que celles-ci semultiplièrent par les défrichements, les hêtres reculèrent et ten-dirent à disparaître.

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30 SUGGESTIONS PHILOLOGIQUES

"J

FOLIE. - Ce nom nous apparaît comme la forme mo-dernisée d'un plus ancien feuillie. Il existe dans la coni-

mune de Montay (Nord) un lieudit le Cent de la Feuillie,dans la dénomination duquel les éLymOlOgiStes locauxcroient retrouver s le sentier conduisant au bocage, à lafeuillée (t) ». On peut se demander si l'interprétation est

bien sûre.Il y avait également jadis un fief-bailliage, célèbre dans

le Cambrésis et dit le fief de la Feuillie. C'était un en-

semble de maisons, situées dans Cambray même, et quirelevait de l'archevêché. Le centre de ce fief était dans•l'hôtel du bailliage, d'où, vraisemblablement, il tirait son

nom (?).Enfin, rappelons-nous la Haute-Feuille de Paris, (lui

ressemble singulièrement h une haute feuilhie. Or, Folie

est la forme moderne de l'ancien Feuillie. Sans doute, dansnotre vieille langue feuillie, orthographié foillie, voulait

dire feuillageCovertes ierent (furent) de genestes,De foiliies et de ramiaus (3).

Mais, ce qu'il y a de remarquable c'est que généralement

(4) L'abbé B0NIFACE, L'tudes sur la signification des noms topo-graphiques de l'arrondissement de Cambrai, pag. 80. Sent en vieuxfiançais, comme sente en berrichon, signifie sentier.

(2) BRUYELLE, Dictionnaire topographique de l'arrondissement deCambrai. Voir, pour les détails sur cc fief et sa juridiction, le Réper-toire de .Jurisprudence de MERLIN, art. Fcuillie le citerai toutefois,pour l'apparence de similitude, le fief de l'Hôtel Sacques-Coeur, aBourges dit anciennement Hôtel de La Chaussée, du surnom féodalde son premier propriétaire. Y aurait-il quelque chose d'analoguedans l'Hôtel de La Feuillie, de Cambrai

(3) Chron. de Benoit, y . I 1,â50-51

j

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ETYMOLOGIE DE

S NOMS DE LIEUX a FOL, FOLIE29près d'Avignon, et j'avoue mon embarras à choisir entreses deux origines. Je n'éprouve pas le même douté en facedu Fol-Essart du Jura, synonyme apparemment de ladéfriche du fol, aussi bien que devant le Fol-Goet armo-ricain (canton de Lesueven, Finistêre), qui se traduiraen français par le bois du Fol.

Est-il déraisonnable d'en rapprocher les Foin, Follet ouFoulay, prononcés plus tard Fouillay ou Fouilly, et dontle département du Cher offre plus d'un spécimen, aussibien que l'Indre, l'Indre-et-Loire, le Maineet_Loire, lesDeux-Sèvres, etc.?. C'est ce nom qui se retrouve dansl'ancienne villa Folliacus, du voisinage d'Amiens, auXun siècle (')•

En siixvant cet ordre d'idées, nous rencontrons, dans laMayenne, la commune de Saint.Gerrnain_1e4'oz4illoux,

- dont les titres, du vus 0 siècle, ont constaté l'existence sousle simple nom de Fol. Fouillou et Feuilloux se rencontrentdans la Nièvre, et, dans la Dordogne encore, le bois deFouilloux, qui, dans le patois du pays, se dit Foliadas,comme Fouillouse et la Feuillade, traduits par Foihosa etFoilosa (2).

Quant au château de la Feuillée, dans la commune de laBigottière (Mayenne), il s'écrivait anciennement Fouillée,tout comme feuille se disait foil et feuillu, foillis. (Cf. lemoderne fouillis.)

Nous arrivons ainsi à établir qu'il est souvent fortdifficile de déclarer si, dans les mots du genre de ceux dontnous traitons ici, il faut reconnaître des dérivés de fagusou de foliunl, et, dans ce dernier cas, si foliuzu aura servià désigner un bois, une montagne ou un château.

(I) D. Bouqur, Epist. Aleœand. III, XV, pag. 920. .Rolet ou Poulet,devenus finalement Poufl/ay, sont évidemment des diminutifs de 1W.Le Midi e mieux retenu la Ternie primitive. Cf. le hameau de Mont-folet, dans la commune de Cars (Gironde).

(2) DE GOURGUES, Dictionnaire topographique de la Dordogne.

1

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ETYMOLOCrE DES NOMS DE LIEUX « FOL, FOLIE "33

'Dictionnaire archéologique de la Gaule semble acquiescerk cette opinion dans les citations qu'il fait d'après desarchéologues de la province. Nous ne savons si le nomgéographique Folie a pu quelquefois présenter cette Signi-fication, mais nous pensons que, dans la plupart des casou elle paraît avoir été adoptée, elle est abusive.

Il n'y a donc pas lieu de s'étonner en voyant ceux denos étymologistes qui se sont le plus occupés de ces ques-tions n'éprouver aucun scrupule, tant la chose leur semblenaturelle, k confondre l'ethnique Folie avec le nom com-mun homophone. Ainsi M. Le Elerieher, qui n'a pas re-connu la véritable signification du mot, u dit à ce sujeto On joue sur le mot Folie (Foliata) en désignant sous leterme de Haute-Folie une, habitation mal placée ou tropdispendieuse (1). » Les deux explications ne valent pasmieux l'une que l'autre. En réalité, nulle épithète ne pou-vait mieux convenir au nom Folie, pris dans son vraisens, que celle qui impliquait l'idée d'élévation, de hau-teur. -

Donc, que Folie soit issu de folium aussi bien queFeuille, il n'y a que ceux qui traduisent ce nom en latinpar stultitia qui puissent en douter. J. Quicherat, 11)1,n'hésitait pas tt assimiler Haute-Folie à 1-laute-Feuille (2).Nous ferons comme lui.

VI

FITTE. - Je croirais être resté incomplet si je ne ter-minais cette étude par quelques considérations sommairessur une famille de mots dans lesquels je ne puis voir quedes proches parents de ceux que je viens d'examiner. Ils'agit des noms de lieux, si répandus, de Pierre-Fiche,Pierre-F itte et Pierre-Fritte, qui semblent offrir la triple

(1)Etymologies familiales, pag. 142.(2)Op cit., pag. 12,

3

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34 SUGGESTIONS PHILOLOGIQUES

variante d'un même nom. Ces trois formes paraissentrépondre à autant de significations différentes et à autantdo formes latines correspondantes.

Petraficta serait, semble-t-il, la pierre façonnée, tra-vaillée;

Petra fixa, la pierre implantée dans le sol par la mainde l'homme (ou des dieûx?);

Petra fricta, la pierre frottée, par allusion sans douteà la superstition consistant à oindre les pierres folles.

Mais constatons d'abord que le premier de ces noms selit déjà sur les monuments de la numismatique mérovin-gienne. Or, fictus est employé par Lucrèce et parVairon dans le sens defixus et répond ainsi au françaisfiché, ce qui autorise à établir la synonymie entre pierre-fitte et pierreflc/ze. Ce serait donc peut-être une illusiondo voir dans Petraficta le participe de fingere, avec lesens de taillé (en idole) ou sculpté, d'autant que les monu-ments connus sous ce nom et ses variantes sont toujoursdes pierres brutes.

On sait combien les noms, dans la composition des-quels entre le mot fitte, sont nombreux dans la régionmontagneuse du sud - ouest de la France, dans leTarn, la Gironde, la Garonne, les Pyrénées, où se ren-contrent les Lafitte, Lafiteau, Lafitol, etc., analogues denos Pierrefite du Nord. Mais ce qu'il convient de remar-quer, c'est que Fitte s'y orthographie fréquemment enHit te.

Bitte est, en effet, la forme ibérique de Fille, et voilàpourquoi, chez nous, il ne se rencontre guère que dansles départements voisins de l'Espagne. Ce sont de simplesvariantes dialectales. La vérité sur la véritable significationde ces mots a été constatée inconsciemment par un écrivainqui fournit de bonnes indications sur les noms de lieuxde nos pays, sans savoir toujours apprécier l'importancede ses constatations involontaires. Je parle de M. Pfeifi'er.C'est lui qui, à la page 159-60 de sa Légende territo-riale, fait observer que, dans les Pyrénées, Fitte ou Bitte

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ETYMOLOGIE DES NOMS DE LIEUX r FOL, FOLIE »35désignent des roches ou pics « dont la forme droiteet élancée rappelle celle des longues pierres dressées parl'homme u.

Latine, Lafiteau, Lafitot, Fites, Fitou, et autres dumême genre. sont des noms de lieux fréquents entre lesPyrénées et la Garonne. Il en est de même de Lahite,Lahitau, Lahitot et Lalzitou (1).

Ce fait que le nom n'apparaît guère dans les régions duCentre et du Nord qu'accompagné du mot pierre, qui f enest la traduction, et que ce n'est qu'au voisinage desPyrénées qu'il subsiste sans accompagnement, me porte àcroire qu'il pourrait être d'origine ibérienne et (lue, aprèsavoir étendu son domaine sur presque toute la Gaule, ilse serait replié sur sdn lieu de naissance, ne se soute-nant ailleurs que grâce à l'appui que lui offrait la tauto-logie. Il rentrerait ainsi dans la classe de ces vocables surlesquels paraîlt pouvoir se baser l'opinion que les Ibères(peut-être les Ligures) ont précédé les Gaulois sur le soldevenu depuis le nôtre.

Pierrefitte, ou, comme le dit le Languedocien, Peyre,fi-cado, se retrouve dans Roquefixade, variante de notreRochefeuille, et qui est le nom d'un château de l'Ariège.Ce nom se prononce dans le patois du pays Roca,flssada,qu'on traduit par roche pleine de fissures. Mais n'est-cepas un contre-sens?

Au rapprochement que je viens de faire entre Roche-feuille et Rochefixade, je comparerai celui de Pella fol(commune de l'Isère, arrondissement de Grenoble) avecPetiefigue (commune du Gers, arrondissement de Lombez),ce qui permettrait peut-être d'arriver â une explicationdes noms de Figeac, Figères, Figuies, etc.

J'ai, en effet, eu l'occasion de dire déjà, que pet n'était

(1) Pour la tendance, parmi les idiomes voisins des Pyrénées,'àchanger le F latin en H., voir Djrz,Grammafre des Langues romanes,I, pag. 262. Cette répugnance a été jadis plus générale. Exemple(orïs, hors.

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36 SUGGESTIONS PHILOLOGIQUES

qG'une forme variée de puy (montagne). Pelfol, Pelfiguene sont donc, en somme, que Rochefeuille.

Fiche et Figue ne sont pas les seules modificationsqu'on puisse citer de Fille. Le nom de pierre-fiché, sifréquent dans les pays montagneux de l'Auvergne, duLimousin, du Périgord et du Gévaudan, pour désignerdes rochers, y est encore transformé en Pierrefique et enpierre fixe.

Il parait qu'en Bretagne le mot fichade s'emploie pourdésigner une pierre, peut-étre une pierre-fiche (1). Que cenom soit d'importation ou d'origine armoricaine, il n'en estpas moins remarquable de le voir pris absolument commesynonyme de pierre, ainsi que l'est le mot bitte ou fitte àla frontière espagnole.

Reste la dernière forme Fritte (2), qu'on peut considérercomme flue dénaturé par le rhotacisme, offrant un exemplede plus de cette tendance invétérée chez nos nationaux àintercaler partout le R parasite; tendance si ancienne queRoget de Belloguet a cru pouvoir la constater déjà chez lesGaulois.

Ce mot ainsi ramené à se confondre avec fitte, disparaîtle système d'après lequel le sens de pierre frottée, de pierreointe serait la conséquente de l'habitude, restée longtempsparmi les populations des campagnes, de frotter d'huile lespierres réputées saintes, suivant un rite que nous savonsremonter très-haut dans les cultes de l'ancien monde. Ilest douteux, d'ailleurs, que le latin petra fricta soit bienancien. Il dérive probablement plutôt de pierre fritte,qu'il n'y a donné lieu. Loin d'y reconnaître une simplecorruption, nos vieux étymologistes auront cru faire

(4) E. PIEIFFER, Petit Glossaire, appendice.(2) Un ancien village de ce nom existait autrefois dans le départe-

tent du Cher, paroisse d'Augy-sur-l'Aubois. Des lieuxdits pareilss'y retrouvent dans les communes d'Ailouis et d'Osmoy. Un ancienétang y portait ce nom près de Saint-Georges-de-Poisieux, ainsiqu'un autre lieudit près de La Cellette.

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ETYMOLOGIE DES NOMS DE LIEUX « FOL, POLIE o37

preuve d'observation érudite en latinisant fritte enfricta (I).

Plus avisés furent ceux qui créèrent fixa et fiche; l'ap-parence était tellement en leur faveur que la chose semblatoute naturelle. C'est pourtant de toutes les formes la plusrarement employée.

Je m'arrête ici, satisfait d'avoir appelé l'attention sur unproblème de philologie, d'autaflt plus intéressant qu'il aété plus souvent méconnu.

(1) Tenons compte pourtant de ce fait que je rencontre, dans laparoisse d'Allouis et dans un titre de 1610, un champ appelé lal'erre-frotte. Mais rien ne nous assure que nous ayons affaire iciau même mot.

—e

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NOTESUR

L'AUDITION COLORÉELUE

dans la séance de la Société historique du 2 avril 1886.

e

L'attention de la science a été appelée, dans ces der-nières années, sur un curieux phénomène d'ordre psycho-physiologique je veux parler de la propriété que pos-sèdent certaines personnes, dont je fais partie, de voir leslettres et les chiffres en couleur. L'examen d'un fait de ccgenre n'est pas k dédaigner, car, bien étudié, peut-êtrepermettrait-il de dérober quelques-unes de ces lois quirégissent le monde organique, et dont la découverte estparfois la source de véritables progrès. C'est donc undevoir, pour ceux qui jouissent de la faculté en question,d'apporter, dans la mesure de leurs forces, leur contribu-tion de renseignements, en s'étudiant eux-mêmes à cepoint de vue. Aussi, Messieurs, ai-je cru devoir vous com-muniquer les quelques réflexions que ce sujet m'a inspi-rées, d'après l'observation restreinte que j'en ai faite surmoi-même. C'est cette note que je vous demande la per-mission de vous lire.

C'est sous le nom de audition colorée qu'on est convenude désigner le phénomène en question en partant de ceprincipe, qui paraît vrai, que c'est moins l'aspect de lalettre que son nom qui donne lieu à l'idée de coloration,M. de Hochas, qui s'est chargé de vulgariser ce fait dansle journal la Nature, comprend la faculté de voir la lettreou le chiffre colorés dans la propriété générale « de per-

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cevoir certaines sensations colorées quand l'oreille estfrappée par Certains 50fl5 » ( I).

.T'ai eu, pour mon compte, la conscience de ce fait detrès-bonne heure, et il avait éveillé IflOfi attention à l'âgeoù l'esprit commence à s'ouvrir et à penser; mais ne ren-contrant autour de moi personne qui partageât cette pro-priété et qui pût m'aider à l'étudier, je négligeai de l'ap-profondir. Je le regrette, car il en est sans doute résultéque, comme pour toute faculté non exercée, non-seulementcelle-ci ne s'est pas développée, mais s'est peut-être plutôtaffaiblie. Ainsi, il me semble que cette vision colorée était,dans ma jeunesse, plus nette ou du moins plus vive qu'au-jourd'hui, car la coloration actuelle de la lettre ne meparaît plus, pour ainsi dire, qu'un pâle reflet et comme unsouvenir de ce qu'elle fut jadis.

Je regrette d'autant plus d'avoir négligé en son tempsl'étude de cette faculté que, alors que j'étais plus rappro-ché de l'époque de son éclosion, j'eusse pu, en concentrantma pensée sur cet objet, essayer de rsoudre quelquesquestions que je ne puis guère, maintenant, songer h incposer. Au nombre de ces questions se place tout d'abordcelle de l'origine; ainsi, est-cc bien l'audition, n'est-ce pasl'aspect qui, en réalité, éveille en cette circonstancele sen-timent de la coloration ? C'est ce que je ne saurais plus re-connaître d'une manière certaine, à supposer quej'aiejamaispu réellementm'en rendrecompte. Toutefois, je serais portéh croire, avec ceux de nos savants que ce sujet a préoccu-pés, que c'est plutôt l'oreille qui est ici l'organe principalmis enjeu dans l'impression reçue; ce qui me porte à lepenser, c'est que c'est moins en lisant la lettre écrite queme vint l'idée de sa couleur, qu'en y songeant h part moiou en l'entendant nommer : d'où j'induis que, vraiscrn-

(I) La Nature, publiée sous la direction de Id. Cation Tissandier,V, semestre 1885, pag. 306. - L'article qui s'ouvre par ces lignesa été complété par deux autres du même auteur: l'un à la page 406et suivantes, l'autre à la page 274 du ' semestre, même année.

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blablement, avant que je susse lire, la vue des lettresn'éveillait pas chez moi l'idée de coloration. En somme, cesciait le son ou son souvenir qui, dans ce cas, appelleraitl'impression chromatique, et la faculté en question seraitcomplémentaire de cette antre faculté inverse signalée parMai Muller dans sa Science du Langage, et qui consiste-rait, chez l'homme, à transformer la couleur en son, cequi a permis à l'éminent, philologue d'expliquer l'originede la parole.

Je ne suis donc pas pour m'élever contre cette conccp-Lion, qui me paraît aussi juste que profonde; je demandepourtant à faire une réserve. Notre souvenir ne peut sereporter assez fidèlement aux temps pour ainsi dire em-bryonnaires où nous ne savions pas encore lire pour qu'ilnous soit permis de nous rappeler ce que nous éprouvionsalors. Nous avons appris à connaître la lettre en la voyant,et l'articulation qui la fixe dans notre mémoire se confonddans nos impressions avec le sentiment de sa forme. Or,qui m'autorise à décider que, si le son de la lettre, quemon éducation m'a appris à connaître, me donne la con-ception dune couleur, la forme même de cette lettre n'a pasaussi sa part dans cette conception? Il semble même, aupremier abord, que l'impression de l'image s'allie naturel-lement, dans un rapport plus harmonique, avec le senti-ment de la coloration. Peut-être, après tout, n'est-ce là queIo résultat de l'éducation artistique de notre esprit. De là,semble-t-il, cette conséquence, qu'il se pourrait que, sansparler de son, et malgré Muller, ce serait peut-être autantla forme que la couleur qui aurait provoqué l'éclosion de laprimitive parole. Cela soit dit, d'ailleurs, en passant.

Un fait important à noter, en ce qui me concerne, est!celui-ci La propriété que je possède d'apercevoir la lettrecolorée n'appartient qu'aux alphabets que l'éducation m'arendus familiers; je n'en jouis qu'avec les alphabets grecet latin, qui, seuls, dès l'enfance, ont servi à mes lectures.Mis en présence d'un alphabet hébreu ou sanscrit, que jene sais pas lire, et dont les formes, par conséquent, ne se

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voyons, mon enfant et moi. J'occupe la colonne de gauchej , noir foncé. 1, incertain.2, rouge cerise.2, rose.3, vert clair. 3, bleu.4, bleuâtre, 4, vert.5, vert foncé, 5, rouge.6, jaune orangé.6, bleu gris.7, gris ardoisé. 7, incertain.S, bleu gris. 8, jaune.9, jaune clair. 9, incertain.O, blanc pur. O, noir.

Il n'est peut-être pas indifférent de noter que la valeurde la coloration ne change pas quand les voyelles sontgroupées en diphtongues, leur valeur individuelle en cccas est la même que quand elles se présentent isolées oudans le corps d'un mot. Chaque caractère ayant sa cou-leur propre la conserve intégralement, tout au plus seproduira-t-il au milieu de la diphtongue un phénomèneanalogue à celui qui s'observe dans les couleurs de l'arc-en-ciel, où le rapprochement de deux rayons différentsforme un rayon de couleur intermédiaire et compositeou complémentaire. Ainsi la diphtongue AU (rouge et gris)etla diphtongue 01 (blanc et noir) présenteront ces couleursbien franches, surtout aux extrémités.

Je sais que parmi les personnes qui partagent cettepropriété de l'audition colorée, il y en a qui peuvent voirun groupe de lettres, un mot tout entier d'une seule cou-leur dominante et produite, soit par la fusion des couleurscomposantes qui forment le mot, soit par la prédominanced'une tonique qui éteint les autres. Chez moi il n'en estpas ainsi, chaque lettre conserve sa valeur propre de colo-ration, seulement quand elles sont groupées en mots, Javoyelle seule apparaît pourvue d'une couleur, devantlaquelle la consonne s'efface à peu près. Si, par exemple,je veux exprimer par les couleurs qu'il me suggère ce motCOLORATION, j'aurai dans l'esprit le sentiment d'une succes-sion de couleurs distribuées comme il suit blanc, blanc,

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rouge, noir, blanc, qui expriment l'aspect des cinq voyellescomposant le mot; dans ce cas pourtant l'N final, qui faitpartie des quelques consonnes qui portent avec elles unecoloration presque aussi certaine que celle des voyelles,quoique plus sourde, ne s'effacera pas devant la blancheurde l'O qui le précède, et la syllabe ON s'offrira sous l'as-pect d'un blanc accompagné d'un reflet vert sombre.

Il y a donc, à ce point de vue, à établir une distinctionbien tranchée entre les voyelles et les consonnes; tandisque les premières présentent une couleur franche et biennette, les autres, en grande partie, sont de nuances par-fois indécises et d'un ton ordinairement grisâtre, qui peutapporter même, dans certains cas, un peu d'incertitudesur la nuance t préciser. Ce que je définis d'un mot, endisant que la consonne m'apparaît grise. Peut-être serait-il plus juste de dire que la plupart des consonnes n'affec-tent pas réellement de couleur, la teinte d'un blanc gri-sâtre qu'il semble qu'on puisse leur attribuer appartenantprobablement à la présence de l'L, qui entre dans leurnom et qui est blant.

Aussi il importera fort, pour la précision de la couleurévoquée, que la consonne soit nommée d'après l'ancienneméthode de lecture, plutôt que d'après la nouvelle, quifait presque toujours suivre d'un E l'articulation monosyl-labique servant à la désigner. Avec le dernier mode toutel'attention porte sur cette voyelle finale, dont la couleurblanche devient ainsi celle de la consonne même, tandisqu'il en peut être autrement avec l'antre mode de pronon-ciation. Choisissons l'N, par exemple. Prononcée suivantl'ancienne manière, cette lettre paraîtra d'un léger vertolive; prononçons-là ne, elle sera blanche, comme il vientd'être dit, à moins que la pensée ne se figure séparémentles deux lettres qui constituent ce nom.

Ce qu'il ne faut pas omettre de noter, et ce que j'ap-prends, autant par ce que je puis constater autour de moique par les communications de M. de Rochas à la Nature,c'est que les mômes lettres n'apparaissent pas à tous les

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yeux revêtus des mêmes couleurs. Telle personne verranoir l'A qui m'apparaît rouge, et l'un de mes enfants voitnoir 1 ,0 qui est POUF moi le type du blanc pur. C'est, àmon sens, un témoignage saisissant en faveur de la sub-jectivité des couleurs. La coloration des choses sciait unsimple phénomène de notre pensée, une des manièresdont notre esprit apprécierait les objets. A vrai dire, lesphysiciens s'en doutaient bien un peu. Ainsi s'explique-rait l'infirmité des daltonistes pour lesquels certaines cou-leurs n'existent pas, et qui, s'ils se mêlent de coloriage,ne peuvent produire que d'affreux barbouillages. Ainsi sejustifierait encore l'opinion émise par un savant étrangercontemporain sur la différence d'appréciation des couleurs,qui paraît avoir existé chez les hommes du monde antiquecomparés aux modernes, et qui existe encore probable-ment chez les sauvages, comparés aux civilisés.

Il y aurait à examiner maintenant si cette prédisposi-tion à la combinaison, toute rellexe, de la couleur, du sonet, peut-être, de la forme, s'entraînant forcément les unesles autres, ne serait pas le propre d'esprits à tendancesplus spécialement coloristes, c'est-à-dire artistiques. Ilfaudrait s'assurer s'il n'existerait pas chez les personnesdouées de la faculté de l'audition colorée une plus grandeimpressionnabilité, une plus vive sympathiepour la créationde l'art, en ce qui concerne les formes et les couleurs. Unbeau contour sculptural, un tableau d'un riche coloris, etmême une mélodie de maître ont peut-être un mode ana-logue d'action sur les centres de la sensation. J'avoue queje me sens instinctivement porté à assimiler, par exemple,les sentiments qu'éveillent la vue, l'audition et môme letoucher, en les rapprochant des impressions, à certainpoint de vue analogue, qu'éveillent, de leur côté, les sensdu goût et de l'odorat; aussi j'adopte volontiers le sentimentde ceux de mes collègues qui, après avoir entendu ma com-munication, ont émis cette opinion que les phénomènes dugenre de l'audition colorée pourraient tenir, eu grandepartie, au rapprochement dans l'encéphale des centres

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nerveux qui président aux sensations de la vue et de l'ouïe.Si je voulais, sans quitter le domaine de l'alphabet,

examiner de plus près, ou à côté, les analogies des sens enles étendant à l'expression morale, quels rapports ne pour-rais-je pas signaler! J'arriverais de la sorte, par une penteinsensible et par une complexité de conceptions, à passerd'un ordre d'idées à un autre, différent du premier, bienqu'il s'y rattache par un fil. En même temps que l'articu-lation de la lettre a provoqué dans mon esprit le sentimentde la couleur, il -v a fait naître, s'il s'agit de consonnessurtout, d'autres impressions qui ne sont plus seulementd'ordre physique. L'action, avec ses agitations et son tu-multe, se trouvera représentée plus spécialement par lesliquides et les sifflantes. La sonorité de la cloche qu'onfrappe, le bruit d'une eau qui flue et s'écoule appartien-dront à IL, qui traduira également la mollesse féminine.LR strident exprimera le grincement agaçant de la limesur le métal, le grondement du feu dans la forge, l'éclatd'un verre qui se brise, le roulement de la roue sur le sol,mais aussi le ronronnement du chat qui dort paresseuse-znenL Comme expression de caractère, il rendra surtoutl'âpreté et la rudesse, sans empêcher le rire sonore. L'Ssera à la fois sifflante et caressante. Les labiales B et Pexprimeront l'obstacle, pour ainsi dire inconscient, ce qui,au moral, entraînera l'idée de quelque chose de balourd,de pataud, tandis que les dentales D T s'emploieront pourexprimer la résistance obstinée, ce qui, aitcomme au moral, s'offrira dur et têtu.

Et, dans le même genre, le C sera cassant,; l'F, fin etfugace l'M, mou IN, obstiné, négatif. Mais qui ne voitque nous avons fait invasion dans le domaine de l'onoma-topée et que nous sortons de notre sujet?

J'y reviendrai pour ajouter une autre considération auxprécédentes Bien que dans la vision colorée de la lettre etdu chiffre il y ait un fait certainement instinctif, il ne (au-draitpascroire pourtant que le travail de l'esprit n'y joue pasun grand rôle. Que le phénomène soit d'ordre naturel,

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L'AUDITION cotonÉr 47

cela est incontestable, mais dans quelle mesure l'éducationn'entre-t-elle pas en jeu pour le provoquer? C'est ce qu'ilserait curieux de savoir. La vision colorée ayant son siègemoins dans l'oeil que dans le cerveau, on peut se demanderce qu'il y a peut-être d'acquis en ce sens, par suite desétudes auxquelles l'esprit aura été soumis.

Il serait intéressant, en un mot, de savoir si un illettréjouit de cette faculté au point de pouvoir s'en rendre compte.J'avoue que j'en doute fort, à moins, peut-être, d'uneorganisation exceptionnelle.

Pour appuyer cette dernière considération d'un exemple,puisé dans les faits mêmes de mon observation propre,n'est-il pas remarquable que la sensation des couleurs pro-voguée par les chiffres ne soit nullement en rapport avecles noms par lesquels on les désigne? Ces noms écritssont vus par moi tout autrement que le signe qu'ilsexpriment. Le chiffre t est noir, absolument comme 11, lemot un est gris accompagné de vert sombre, couleursadéquates aux deux lettres par lesquelles il s'écrit. Ici ilfaut admettre, comme pour les similaires O, voyelle, etzéro, que l'identité de la forme a entraîné l'identité de lacoloration; à bien plus forte raison pour ce qui est duchiffre 3, qui est vert, et du 4, qui est bleu. Dans cesdeux derniers chiffres, aussi bien d'ailleurs que dans lesautres, il n'y a aucun rapport entre la coloration provoquéepar les lettres de leurs noms et celle que provoque leurimage. L'origine de cette coloration résiderait donc, nondans leur nom, niais dans leur forme, dont l'appréciationest une conséquence absolue de l'éducation.

Ce qui me reste à dire fournira, au besoin, la preuve dece que j'avance.

Je n'ai pas jusqu'ici parlé de la faculté de Voir la musiquecolorée, parce que cette propriété ne m'a pas été accordée,mais un autre de mes enfants la possède. Désireux desavoir dans quelle mesure l'hérédité avait jdué son rôle ici,j'interroge mon fils, qui me répond: « Je n'ai pas la facultéde voir les lettres colorées, il en est autrement pour la

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musique, non pas que les notes m'apparaissent en couleur,mais la musique elle-même me semble teintée différemmentsuivant qu'elle appartient à différents compositeurs, sur-tout quand je l'exécute moi-même sur mou violon, soitseul, soit dans une musique d'ensemble. Ainsi, la musiquede Verdi me paraît rouge-feu ; celle de Wagner, jaune-brun, celle dAuber, verte, et celle d'Adam, bleue. Lamusique de Lecoq est toute blanche et nc me fait guèreéprouver de sensation de coloration. En dehors de ceuxque je viens de nommer, les autres compositeurs ne incproduisent pas d'impression colorée, pas même Offenbach,dont la musique me plaît particulièrement. o

En somme, si je crois pouvoir hasarder une conclusionen présence des faits que je viens d'exposer, je dirai que, àmon sens, il n'y a dans ces divers phénomènes, quel'exercice d'une même faculté s'attachant ici de préférencek un objet spécial. Le fait de la musique colorée n'est pasdifférent en soi de celui de la lettre en couleur, mais ilplaide plus fortement on faveur de l'opinion qui considèrela coloration comme une production, je dirais presquecomme une variante du son.

J'insisterai enfin sur cet autre détail, dont je parlaistout à l'heure, que l'éducation me semble être pour beau-coup dans la manifestation des faits de cet ordre, lesexemples pris autour de moi ne sont-ils pas frappants? Jelègue à deux de mes enfants, par avancement d'hoirie, mafaculté coloriste. Chez moi, cette faculté ne s'est pas déve-loppée dans le sens de la musique, malgré mon goût trèsvif pour cet art, peut-être par suite de l'insuffisance demon éducation musicale, presque nulle; aucontraire, pourcelui de mes enfants, qui, de bonne heure, en a fait uneétude préférée, c'est la note seule qui se colore, tandis quechez lautre, qui a porté plutôt ses préférences vers les artsplastiques, c'est, comme chez moi, la lettre et le chiffre, jedirais presque le dessin qui s'illumine par la colorationdans l'intimité de la pensée. -

t. ornE— Q!?. o,ugaza.

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