207751371 le bas materialisme et la gnose
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l. Archontes a te de canard. - Emprein te d'intaille gnostique. l-laut. relle,
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n; ;.
Cabinet des Mdailles.
LE B S M TRI LISME ET L GNOSE
Si l on envisage un objet particulier, il est facile de distinguer la matiere de la forme
et une distinction analogue peut tre faite en ce qui concerne les tres organiques, la
forme prenant cette fois la valeur de l'unit de l'tre et de son existence individuelle.
Mais si l'on envisage 'ensemble des choses, les distinctions de cet ordre transposes
deviennent arbitraires et meme inintelligibles. Il se forme ainsi deux entits verbales,
qui s'expliquent uniquement par leur valeurconstructive dans l'ordre social, Dieu abstrait
(ou simplement ide)
et
matiere abstraite, le
g r d i e n ~ c h e f
et
les murs de
l
prison. Les
variantes de cet chafaudage mtaphysique n'ont pas plus d'intret que les diffrents
styles d'architecture.
n
s'est agit pour savoir si
l
prison procdait
du
gardien ou
le gardien de la prison : bien que cette agitation ait eu historiquement une importance
primordiale, elle risque aujourd'hui de provoquer un tonnement tardif, ne s e r i t ~ c e
qu'en raison de la disproportion entre les consquences du dbat et son insignifiance
radical e.
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Il est toutefois tres remarquable que la seule forme de matrialisme consquent
qui jusqu ici ait chapp
dans
son
dceloppement
a l abstraction systmatique, a savoir
le
matrialisme dialectic;ue, ait eu pour point de dpart, autant au moins que
le
mat
rialisme
o: ,
tole g ique, 1idalisme absolu sous sa forme hglienne. (Il n
y
aura probablement
pas a revenir sur ce procd : ncessairement le matrialisme, quelle que soit sa porte
dans l ordre positif, est avant tout la ngation obstine de l idalisme, ce qui revient
a
dire en dernier lieu de la base meme de
toute
philosophie). Or l hglianisme non moins
que de la philosophie classique a l poque d Hegel, procede,
s e m b l e ~ t - i l
de concep
tions mtaphysiqucs tr(.s anciennes, de conceptions dveloppes entre autres par les
gnostiques, a une poque ou la mtaphysique put etre associe aux plus monstrueuses
cosmogonies dualistes et par la meme trangement ab1isses
1).
J avoue n avoir a l gard des philosophies mystiques
qu un
intret sans quivoque,
analogue, pratiquement, a celui
qu un
psychiatre, nullement infatu, porterait a ses
malades : il
me parait sans porte de se
confiera
des instincts qui, sans coup frir, ont
pour but les dtournements et
les
carences les plus pitoyables. Mais il est difficile de
rester aujourd hui indiffrent aux solutions meme en partie fausses apportes au dbut
de l ere chrtienne a des problemes qui ne paraissent pas sensiblement diffrents des
notres (qui sont ceux d une socit dont les prncipes originels sont devenus, dans un
sens tres prcis,
lettre
morte d une socit qui doit se mettre en cause et se renverser
elle-meme pour retrouver des motifs de force et d agitation). C est ainsi que l adoration
d un
dieu a tete d ane (l ane tant l animalle plus hideusement comique mais du meme
coup le plus humainement viril) me parait susceptible encore aujourd hui de prendre
une valeur tres capitale
et
que la tete d ane tranche de la personnification acphale du
soleil reprsente sans doute, pour imparfaite qu elle soit, l une des plus virulentes mani
festations du matrialisme.
]e laisserai ici a Henry-Charles Puech le soin d exposer, dans de prochains articles,
le dveloppement de tels mythes, si suspects a cette poque, hideux comme des chancres
et
portant les germes
d une
subversion bizarre, mais mortelle, de l ordre et de l idal
exprims aujourd hui par les mots d antiquit classique. T outefois je ne crois pas qu
il
soit vain ni impossible de simplifier les choses a l exces, tout d abord,
et
d indiquer
le sens qu il faut bien donner aux dsordres philosophiques
et
mythologiques qui tou
chaient alors la figuration du monde. La gnose, en effet, avant comme apres la
p r d i ~
cation chrtienne,
et
d une a ~ o n presque bestiale, quels qu aient t ses dveloppements
mtaphysiques, introduisait dans l idologie grco-romaine les ferments les plus impurs,
empruntait de toute part a la tradition gyptienne, au
d u a l i ~ m : :
perse, a l htrodoxie
j ..ldoorientale, les lments les moins conformes a l ordre intel ectuel tabli ; elle y
ajoutait ses reves propres, exprimant sans gard quelques obsessions monstrueuses ;
elle ne rpugnait pas dans la pratique religieuse, aux formes les plus basses (des lors
inquitantes) de la magie et de l astrologie grecques ou chaldo-assyriennes; et en
meme temps elle utilisait, mais plus exactement peut-etre compromettait, la thologie
chrtienne naissante et la mtaphysique h ~ l l n i s t i q u e .
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2 Iao panmorphe. ? .- Empreinte d intaille gnostique. Hauteur relle,
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Cabinet des Mdailles.
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ll n est pas surprenant que le caractere protique
de
cette agitation ait donn lieu
a
des interprtations contradictoires. Il a mme t possible de reprsenter la gnose
comme
une
forme intellectuelle, fortement hllnise,
du
christianisme primitif, trop
populaire et peu port aux dveloppements mtaphysiques : une sorte de christianisme
suprieur labor par des philosophes rompus aux spculations hllnistiques et rejet
par les masses chrtiennes incultes (2). Ainsi les principaux protagonistes de la gnose :
Basilide, Valentin, Bardesane, Marcion, feraient figure de grands humanistes religieux
et,
du
point de vue protestant traditionnel, de grands hrtiens. Le mauvais renom,
le caractere plus ou moins suspect de leurs thories s expliqueraient du fait qu elles
ne sont connues
que
par la polmique des Peres de l Eglise, leurs ennemis violents et
leurs calomniateurs obligatoires.
Les crits des thologiens gnostiques ont t systmatiquement dtruits par les
chrtiens orthodoxes
a
peu de choses pres, il ne reste ren aujourd hui d une littrature
considrable). Seules les pierres
sur
lesquelles, ils ont grav en creux les figures
d un
Panthon provocant et particulierement immonde permettent d piloguer sur autre
chose que des diatribes : mais elles confirment prcisment la mauvaise opinion des
hrsologues. L exgese moderne la plus consistante admet d ailleurs que les formes
abstraites des entits gnostiques ont volu
a
partir de mythes grossiers, c o r r e s p o n ~
dant a la grossiereti des images figures sur les pierres (3). Elle tablit surtout, que le
n o ~ p l t o n i s m e
ou le christianisme ne doivent pas tre cherchs
a
origine de la gnose
dont le fondement mme est le dualisme zoroastrien (4). Dualisme parfois dfigur sans
doute
a
a suite des influences chrtienne ou philosophique, mais dualisme profond et,
tout
au moins dans son dveloppement spcifique, non mascul
par une
adaptation
aux ncessits sociales, comme dans le cas de la religion iranienne
a
ce sujet, il est
essentiel de faire observer que la gnose, et au mme degr le manichisme qui, en
quelque sorte, en drive, n ont jamais serv aux combinaisons sociales, n ont jamais
assum le role de religion d tat ).
Pratiquement,
il
est possible de donner comme un
leitmotiv
de la gnose la c o n c e p ~
tion de la matiere comme un prncipe ctif ayant son existence ternelle autonome, qui
est celle des tnebres (qui ne seraient pas l absence de lumiere mais les archontes o n s ~
trueux rvls par cette absence), celle
du
mal (qui ne serait pas l absence
du
bien, mais
une action cratrice). Cette conception tait parfaitement incompatible avec le prncipe
mme de 1 esprit hllnique, profondment monis te
et dont
la ten dance dominante
donnait la matiere et le mal comme des dgradations de prncipes suprieurs. Attribuer
la cration de la terre ou a lieu notre agitation rpugnante et drisoire a un prncipe
horrible e t p rf itement illgitime impliquait videmment,
du
point de vue de la c o n s t r u c ~
tion intellectuelle grecque, un pessimisme creurant, inadmissible, le contraire
exactement de
ce_qu il
tait ncessairc, a tous prix, d tablir
ct
de rendre
universellement manifeste. Peu importe en effet l existence oppose d une divinit
excellente et digne de la confiance absolue de l esprit humain si la divinit nfaste et
odieuse de ce dualisme ne lui est rductible en aucun cas, sans aucune possibilit d espoir.
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3 Oieu acphale sur
mont de deux tetes d ani
maux
Empreinte
in-
taille gnostique. Hauteur
relle,
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des
Mdailles
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est vrai
qu a
l intrieur meme de la gnose, les choses n taient pas toujours aussi
tranches. La doctrine assez rpandue de
l manation,
d apres laquelle l ignoble dieu
crateur, le dieu m udit (parfois identifi avec le Jovah biblique) manerait du dieu
supreme, rpondait au besoin
d un palliatif. Mais a s en tenir a la signification s p c i ~
fique de la gnose, donne A la fois par les controverses des l:rsologues et par
les
figurations des pierres, l obsession despotique
et
bestiale des forces mauvaises
et
hors
la loi apparait irrcusable, aussi bien dans la spculation mtaphysique que dans le
cauchemar mythologique.
est difficile de croire
qu a
tout prendre
la
gnose ne tmoigne pas avant tout
d un sinistre amour des tnebres, d un gout monstrueux pour les archontes obscenes et
hors la loi, pour la tete d ane solaire (dont le braiement comique
et
dsespr serait le
signal
d une
rvolte honte contre l idalisme au pouvoir). L existence
d une
secte de
gnostiques
licencieux
et
de certains rites sexuels rpond de cet obscur parti pris pour
une bassesse qui ne serait pas rductible, a laquelle seraient dus les gards les plus
impudiques: la magie noire a continu cette tradition jusqu a nos jours.
est vrai que l objet supreme de l activit spirituelle des manichens comme des
gnostiques tait constamment le bien et la perfection : e est par la que leurs
c o n c e p ~
tions ont en soi leur signification pessimiste. Mais
ii
est a peu pres inutile de tenir
compte de ces apparences
et
seule la concession trouble au mal peut en fin de compte
dterminer le sens de ces aspirations. Si nous abandonnons aujourd hui ouvertement le
point de vue idaliste, comme les gnostiques
et
les manichens l avaient abandonn
irnplicitement, l attitude de ceux qui voyaient dans leur propre vie un effet de I action
cratrice
du
mal, apparait meme radicalement optirniste. Il est possible d etre en toute
libert un jouet
du
mal si le mal l u i ~ m e m e n a pasa rpondre devant Dieu. Pour avoir eu
recours a des archontes, il n apparait pas qu on ait profondment voulu la soumission
des choses qui sont a une autorit suprieure, a une autorit que les arcl.ontes confondent
par une ternelle bestialit.
C est ainsi qu il apara1t- a la fin
du compte-
que la gnose, dans son processus
psychologique, n est pas si diffrente du rnatrialisme actuel,
j
entends d un m t r i ~
lisrne n impliquant pas d ontologie, n impliquant pas que la matiere est la chose en soi.
Car il s agit avant tout de ne pas se soumettre,
et
avec soi sa raison, a quoi que ce soit
de plus lev, a quoi que ce soit qui puisse donner a l etre que je suis, a la raison qui
arme cet etre, une autorit d emprunt. Cet etre
et
sa raison ne peuvent se soumettre
en effet
qu a
ce qui est plus
has,
a ce qui ne peut servir en aucun
casa
singer une autorit
qucL onc;ue. Aussi, a ce qu il faut bien appeler la matiere, puisque
cela
existe en dehors
de rr oi
et
de I ide, je me soumets entierement et, dans ce sens, je n admets pas que
ma raison devienne la limite de ce que j ai dis, car si je procdais ainsi, la matiere limite
par rna raison prendrait aussitt la valeur d un prncipe suprieur {que cette raison
servile scrait charme d tablir u ~ d e s s u s d elle, afin de parler en fonctionnaire autoris).
l rr:atiere l:asse est extrieure
et
trangere aux aspirations idales humaines
et
refuse
de se laisser rduire aux grandes machines ontologiques rsultant de ces atpirations.
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4.
Dieu
a
ambes d homme,
a corps
de se:pent
et a
ete de
coq.
Empreinte d intaille gnostique. Hauteur relle, 14
:;
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Or, le processus psychologique dont releve la gnose avait la mSme porte :
il
s;agissait
dja de confondre 'esprit humain et l'idalisme devant quelque chose de bas, dans
la mesure ou l'on reconnaissait que les prncipes suprieurs
n'y
pouvaient ren.
L'intret de ce rapprochement est augment
du
fait, que les ractions spcifiques
de la gnose aboutissaient a la figuration de formes en contradiction radicale avec l a c a ~
dmisme antique : a la figuration de formes dans lesquelles il est possible de voir l'image
de cette matiere basse, qui seule, par son incongruit et par un manque d'gard
bouleversant, permet a l'intelligence d'chapper a la contrainte de l'idalisme. Or,
aujourd'hui, dans
le
meme sens, les figurations plastiques sont l'expression d'un
matrialisme intransigeant, d'un recours a tout ce qui compromet les pouvoirs tablis
en matiere de forme, ridiculisant les entits traditionnelles, rivalisant naivement
avec des pouvantails frappant de stupeur. Ce qui n'est pas moins important que
l'interprtation analytique gnrale, en ce sens que seules les formes spcifiques et
significatives au meme degr que le langage, peuvent donner une expression concrete,
immdiatement sensible, des dveloppements psychologiques dtermins par l'analyse.
Georges BATAILLE.
NOTES.- (1)
Comme la doctrine hglienne est avant tout un extraordimire et tres parfait systeme de rduction,
il est vident que c'est seulement 'tat r. duit et mascul qu'on retrouve les lments bas qui sont essentiels dans la gnose.
Toutefois, chez Hegel, le role de ces lments dans la pense reste un role de destruction, alors meme que la
destruction est donne cornme ncessaire
a
la constitution de la pense. C'est pourquoi lorsqu'on substitua
a
l'idalisme hglien le matrialisme dialectique (par un renversement complet des valeurs, en donnant
a la
matiere le
rle qu'avait la pense) la matiere n'tait pas une abstraction mais une source de contradiction; d'antre part, il n'tait
plus question du caractere providentiel de la contradiction, qui devenait simplement une des proprits du dveloppe
ment des faits matriels.
(2)
Cette interprtation a t dveloppe en F rance par Eugene de Faye
(cf.
Introduction
'tude
du
gnoslicismc,
Paris 1903, in-8, extrait de Revue
de
l hstore
des
religions, T. XLV et XLVI
l Gnosliques l gnosticisme. Etude cri-
tique
des
documents du gnosticisme chrtien au Ile et 111 siecle, Paris 1913, in-8" dans Bihliotheque de l'Ecole
rl s
Hautes
tudes,
Sciences
religieuses,
27 vol.).
(3) Wilhelm Bousset, Hauptynobleme
der
Gnosis, Gottingen, 1907, in-8.
(4) ld., chapitre III,
Der
Dualismus
der Gnosis.
EXPLICATION DES
FIGURES.-
Les pierres publies dans cet article sont connues sous le nom traditionnel
de pierres gnostiques, ou pierres basilidiennes ou Abraxas: leur identification et leur nomenclature ont pour origine
ce
nom
d'Abraxas quise retrouve dans les lgendes et dans la mythologie du philosophe gnostique Basilide. est ncessaire cepen
dant d'indiquer que 'ensemble des pierres que des caracteres communs permet de grouper sous le nom de gnostiques ne
procede pas forcment de sectes gnostiques. Leur origine pourrait etre galement trouve dans les pratiques de la magie
grecque ou gyptienne. La plupart d'entre elles sont gnostiques sans qu'on puisse touiours prciser pour chacune d'elles.
Elles prsentent en tous ces cas les pires difficults d'interprtation en raison du syncrtisme des figurations divines, d'une
part, de l'inintelligibilit frquente des lgendes, d'autre part.
La date est impossible a prciser, mais la plupart d'entre elles appartiennent au me et au IV siecles. L'origine
est gnralement orientale. L'Egypte en particulier semble avo:r t un centre de fabrication important. Des divinits
gyptiennes ou
de3
fi-ure3
de style gyptisant
se
trouvent frquemment sur ces pierres. Ainsi
le
dieu acphale et
Anubis reprsents dans la figure 3.
(1) Archontes ete de canard. Cabinet des mdailles, 2180
B. Calcdoine.-
Cette pierre porte au revers I'incription
ABAATANMBA (variante de I'expression connue abracadabra).
(2) Iao panmorphe
(?).
Cabinet des mdailles, gathe. Cette figuration compose
d'un
groupe fantastique d'animaux
entour des sept planl:tes reprsente vraisemblablement le premier des sept archontes plantaires lao, le dieu maudit, identifi
gnralement avec le dieu de la Genese.
(3) Dieu acphale surmont de deux ttes d'animaux. Cabinet des mdailles, 2170. Lapis-lazuli. - Au pied du dieu,
dans un cercle form par un serpent se mordant la queue, Anubis, une femme et un chi en; au-dessous, une momie.
Le dieu acphale peut etre identifi avec le dieu gyptien Bes.
(4) Dieu a iambes d'hommes, a corps de serpent et a tete de coq. Cabinet des mdailles, M 8003. Jaspe rouge.
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