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MYTHOLOGIE ET ASTRONOMIE DES INDIENS DE BIG TROUT LAKE
Emmanuel Desveaux Ecole pour les Hautes fitudes en Sciences Sociales
* A /» mrmoirc
ae Solomon Hcgg
Dans le groupe des Ojibwa du Nord, les Indiens de Big Trout Lake
forment un sous-groupe bien individualise dont Jerry McKay me mon-
tra l'etendue sur une carte en me disant "This is my Nation, the Big
Trout Lake Indian Nation."1 En effet, les gens, a travers tout cet
espace, sont tous etroitement apparentes, et parlent un sous-dialecte
de POjibwa pratiquement homogene. Mais en plus de ces criteres
d'identification endogamique et linguistique, s'il y a bien un domaine
dans lequel s'affirme leur identite, c'est bien celui des atsdkewin, du
mythe, domaine trop souvent neglige par les ethnologues. II faut leur
rendre justice pour cela, car il est souvent tres difficile d'obtenir la
narration d'un mythe. J'ai du attendre huit mois dans une petite
communaut£ proche de Big Trout Lake pour eprouver 1'emotion de
m'entendre raconter un mythe pour la premiere fois. De fait, ce n'est
pas que les d£positaires legitimes de cette tradition narrative 1'aient
deja entierement perdue, mais plutot qu'il leur manque souvent, par mi
les jeunes generations, des interlocuteurs a qui la transmettre. Par
bonheur quelques jeunes, comme par exemple Jimmy Morris qui m'a
beaucoup aide pour ce travail, sont conscients de ce que representerait
une rupture definitive de la chaine transitive qui lie une generation a
l'autre, ou plus exactement, la double chaine geneiationnelle, puisque,
en general, les recits se transmettent de grands-parents a petits-enfants.
Ainsi j'ai rassembl6 et fait traduire beaucoup de mythes. Le corpus
entier represente quelques deux cents pages dactylographies et je suis
encore tout emerveille de cette richesse. Dans ce recueil se trouvent
quelques versions diffirentes de memes mythes, ce qui permet d'utiles
comparaisons, cependant 1'ensemble couvre une grande abondance de
themes. Toutes les especes animates sont mises en scene a un moment
* D'apres Jerry McKay, la Nation indienne de Big Trout Lake comprend les com-munautes actuelles suivantes, outre, bien entendu, Big Trout Lake: Wapakeka, Kasabonika, Wunnimum Lake, Sachigo Lake, Ponask, Bearskin Lake, Kingfisher
Lake, Muskrat Dam et Long Dog Lake.
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ou a un autre, et une fois encore, est confirmee une des finalit^s de
ce type de recits, celle d'une ethologie animale systematique. Sont
evoques de la meme facon les elements naturels, les astres, les vents
et les changements de saisons, l'agencement du paysage, des animaux
mythiques et aussi, bien sur, des problemes sociologiques tels ceux poses
par la filiation et l'alliance ou le nomadisme et le cannibalisme...
Un recit de type mythique n'est pas fige. La personnalite du narra-
teur s'implique totalement dans l'acte d'enonciation. Ainsi si chaque
individu connait ou connaissait plus ou moins tous les recits en cours,
il peut vous renvoyer a d'autres personnes que lui-meme, pour vous les
raconter, sachant que celles-ci seront plus brillantes ou plus expertes
pour les raconter. Mais, au-dela de cet aspect conjoncturel, il y en
a un autre, disons pour simplifier, sacre qui transcende la narration
presente et son enonciateur. Ce dont on parle dans un mythe c'est
toute une representation du monde naturel et de l'univers sociologique.
Si les recits sont parfois faits pour amuser, ils doivent cependant tou-
jours etre pris au serieux. En effet un mythe se transmet, non pas
exactement semblable a lui-meme, mais toujours fidele a lui-meme, ou
il disparait. II ne s'abatardit pas, ou si peu. J'en veux pour preuve que
des morceaux de textes, la ou ils se doivent de l'etre, sont point pour
point semblables entre ceux ecoutes l'ete dernier a Big Trout Lake et
ceux ecrits par Schoolcraft, il y a plus d'un siecle. De plus, en deux
cents pages de textes, il n'est fait mention d'hommes blancs que deux ou
trois fois, et de facon tres accessoire, alors que les Europeens font partie
du paysage sociologique (de pres ou de loin certes) depuis trois siecles.
De meme les heros mythologiques chassent toujours a l'arc et ne se ser-
vent pas encore de fusils; ils pechent mais n'utilisent pas de filets, font
bouillir ou rotir de la viande mais n'ont jamais goute de bannock. On
pourrait donner bien d'autres exemples de cette description precise et
fidele d'un mode de vie—ou de production, si Ton prefere—aujourd'hui
disparu ou transforme. Les renseignements sont la, clairement enonces
par une parole dont la resistance est bien plus forte que celles des choses et meme des gestes.
Les mythes ne sont pas pour autant des manuels d'ethologie ani
male ou d'ethnographie, meme a usage interne. Nous rencontrons done
dans ces recits de constants elements qui appartiennent, selon notre
comprehension, a la categorie du "merveilleux", et qui ont pendant
Mythologie et Astronomie 205
longtemps discredits ces recits pour ceux qui y voyaient les expres
sions d'une pensee religieuse soit naive, soit aberrante, soit les deux
a la fois. Or la comparaison entre les mythes de differents groupes
permet de s'apercevoir qu'ils forment des systemes contruits selon une
logique rigoureuse. C'est la methode inventee et suivie par Levi-Strauss
a travers ses Mythologiques, et qui a fait ses preuves en esquissant
un veritable paradigme unique pour les mythes des deux Ameriques.
Cependant il n'est pas question de reprendre exactement la demarche
de cet auteur, meme avec des materiaux nouveaux. Son objectif etait de
mettre au jour l'unite profonde des mythologies du Nouveau-Monde. Le
notre serait plutot, en suivant sa methode et en utilisant ses resultats,
de prendre un corpus d'un groupe donne, ici celui des Ojibwa du Nord
de Big Trout Lake, et d'essayer de montrer sa coherence interne, c'est-
a-dire celle des differents recits du corpus entre eux, tout en ten
ant compte aussi de l'imperatif logique que representent les autres
mythologies avoisinantes. II ne s'agit done pas de reperer et de suivre
toutes les transformations d'un ou de plusieurs mythemes d'un groupe a
I'autre, mais, en s'aidant de l'accomplissement de cette premiere tache,
d'identifier tous les mythemes presents dans notre corpus, de s'assurer
de leur valeur semantique—ce qui ne saurait etre fait sans quelques re-
cours comparatistes—et, ensuite de voir comment ils s'agencent entre
eux, selon une logique aussi formelle que celles des transformations mais
aussi selon les exigences des realites locales dont ces mythemes doivent
rendre compte. Car une mythologie et ses instruments doivent rendre
compte d'un monde, que ce soit pour en definir l'essence ou pour en
souligner les contradictions.
II m'est impossible d'exposer ici les resultats d'une entreprise en
cours. Je me limiterai done a un petit probleme relatif a un non-recit,
a quelque chose qui ne fait l'objet d'aucun recit a l'heure actuelle bien
qu'il ne fasse pas de doute, pour moi, que cela soit lie avec le systeme
mythologique local. Je veux dire l'origine du nom des etoiles et des
constellations.
A m a connaissance les gens de Big Trout identifient et denomment
deux ou trois etoiles et quatre constellations, soit l'etoile polaire, l'etoile
du Berger (et probablement du soir), la Grande Ourse, Orion, les
Pleiades et la voie lactee. Notons qu'il existe deux mots pour dire 'etoile'
dans la langue parlee a Big Trout Lake: /wajakoos/ et /wanakoos/,
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deux formes diminutives. Le premier mot est, semble-t-il, plus fre-
quemment employe que le deuxieme.
L'etoile polaire: un informateur, assists d'un interprete, me dit
d'abord qu'elle s'appelait /kiiwetinakoos/ traduction litte>ale de l'ex-
pression anglaise. Je precisai alors m a question en soulignant que
l'etoile polaire est celle qui ne bouge jamais. Alors mon informateur me
dit que sa /kiiwetinakoos/ bougeait, mais que l'etoile fixe, il la connais-
sait tres bien, elle s'appelait /shitakwan/ ce que m'a et6 traduit par 'le
clou' ou 'le rivet'. Tout cela reste un peu confus mais je n'ai jamais eu
1'occasion de revenir sur ce sujet.
L'etoile du Berger, ou du matin (la planete Venus) se dit /waapana-
jak/. Speck (1935:62) reporte pour les Montagnais /wabanatcakwuc/
et ajoute que c'est la traduction exacte de l'expression anglaise. Kohl
(1860:119) donne le mot /wabanang/ pour les Ojibwa du Lac Superieur.
Ainsi en plusieurs points de l'aire algonquine le terme est tres proche et
releve du signifiant /waap-/ renvoyant lui-meme aux notions du voir,
de la blancheur, de l'Est. Si j'ai bien saisi les mots d'un informateur, on
donnerait le meme nom a l'etoile du soir et en cela les gens de Big Trout
Lake seraient arrives aux memes conclusions que nous, mais peut-etre
par d'autres voies, sur l'identite unique de l'etoile du soir et de celle du
matin.
La voie lactee est dite /awiachich mikana/, 'la voie, la piste des
animaux'. C'est en la suivant que les oiseaux migrateurs retournent
vers le Sud en automne. En effet, en septembre, a la tombee de la nuit,
la voie lactee traverse le ciel selon un axe nord-sud.
Ces trois identifications astronomiques sont aisement justifiables des
traductions, aussi approximatives soient-elles, dont nous disposons a
leur propos. II nous parait done raisonnable de nous contenter de ces
traductions. Cependant il n'en est pas de meme pour les trois identifi
cations suivantes qui, d'emblee, posent beaucoup plus de problemes.
Ainsi les Pleiades se disent /makostekwaan/ ce qui signifie 'tete
d'ours'. Les Pleiades, avec Orion, sur lequel nous reviendrons, sont
une constellation universellement reconnue et identifiee en Amerique.
Contentons-nous de relever quelques exemples pris dans l'aire algo
nquine du Nord, celle qui nous preoccupe le plus. D'apres Speck
(1935:61), les Montagnais appellent les Pleiades /wutci'manac/ mais ils
en auraient deja perdu la signification au moment de son enquete parmi
eux. Kohl (1860:119) nous donne le terme /madodisson/ avec comme
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traduction 'sweating stones', soit ces pierres utilisees dans les tentes de
sudation et qui, disposees en cercle, renvoient ainsi a la forme dessinee
par la constellation. O n peut lire ensuite qu'une autre constellation est
designee par le terme /makosh-tigwan/ 'tete d'ours', bien que Kohl ait
ete incapable de la reperer. II m e parait beaucoup plus vraisemblable
qu'il s'agissait, en fait, aussi des Pleiades, designees par deux termes
paralleles ou concurrentiels a travers les regions qu'il visitait.
A Big Trout Lake, aux environs de 54° Nord, de decembre a avril, a
la tombee de la nuit, les Pleiades progressent de l'horizon est a l'horizon
ouest en passant par une position proche du zenith vers le milieu du
mois de fevrier. Steward Nanokeesic, le jeune Indien qui m'hebergeait
l'hiver dernier m e dit une fois: "Souvent m a grand-mere sort le soir voir
makostekwaan (la tete d'ours)." U n autre informateur, beaucoup plus
age, m'a precise la valeur des Pleiades en m'expliquant qu'avant (avant
d'avoir des calendriers) on observait la position de cette constellation
pour savoir si le printemps ne tarderait pas a venir. Les Pleiades avaient
done valeur effective d'indicateur temporel et plus specifiquement pen
dant la longue periode de la fin de l'hiver. En ce sens nous tenons la
une premiere voie dans la recherche du pourquoi de leur designation.
L'apogee de l'elevation celeste de la "tete d'ours," des Pleiades, precede
et annonce la fin de la periode pendant laquelle l'ours est absent car
en etat d'hivernage. Et au moment ou les Pleiades s'abiment derriere
l'horizon nocturne correspond exactement celui ou effectivement l'ours
emerge la tete de son terrier, de la terre done, et prend ainsi le relais
de la constellation qui en est la metaphore.
Est-ce-que, alors, on raconte des histoires d'ours a Big Trout Lake?
Oui, bien sur, et en particulier dans l'histoire de Jakabich, le garcon
qui a fini sur la lune a cause de son attitude irrespecteuse envers tout
le monde. Le recit parle de trois ours qui ont tue et mange les par
ents de Jakabich et que celui-ci, passant outre les recommendations a
la prudence de sa soeur, va a son tour tuer pour venger et tenter de
rendre a la vie ses parents. Mais l'element 'tete d'ours' en tant que
tel n'existe pas. Cependant nous retrouvons cet element dans plusieurs
versions du mythe de Tshakapesh, l'equivalent de Jakabich, provenant
de differents points de l'aire montagnaise. La-bas, les triades d'ours
vont toujours croissant, ours brun, ours blanc et meta-ours qui est
m e m e un monstre mythique particulier du nom de Katshitushk pour
un narrateur de Schefferville (Lefebvre 1972:23). Le heros va tuer le
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monstre et en ramene a sa soeur soit les oreilles (pour qu'elle s'en fasse
des couvertures), soit la tete entiere qu'elle doit faire cuire en prenant
bien soin de ne pas la toucher. Peut-etre plus interessant, deux ver
sions (Lefebvre 1972:67, 86-87) decrivent un jeu, du genre du football,
et dont justement une tete d'ours sert d'enjeu entre les deux equipes
adverses. Tshakapesh, en intervenant dans cette partie, en arrive a
se procurer un beau-frere en donnant pour mari a sa soeur Pun des
joueurs. Nous pouvons interpreter la tete d'ours comme un trophee
mediateur d'alliance. Par ailleurs les aventures de Jakabich a Big Trout
Lake ou de Tshakapesh chez les Montagnais appartiennent toutes au
cycle pan-americain de recits relatant Pinceste d'un frere et d'une soeur
dont resultera la periodicite lunaire et celle des femmes (Levi-Strauss
1968:73). Or aussi bien a Big Trout Lake que pour les Montagnais
les mythes relatifs a Jakabich (ou a Tshakapesh) portent en eux des
lecons toutes differentes que celles que Pon trouve ailleurs. Jakabich
est bien incestueux envers sa soeur mais ce caractere associe et op
pose a celui d'etre trop aventureux sert a exprimer les dangers soci-
ologiques inherents a la nature sexuelle des hommes et pas du tout a
expliquer la regulat ion des femmes (Desveaux 1983). Pour les Montag
nais, Tshakapesh possede bien une soeur, cependant il n'est meme plus
incestueux, au contraire, puisqu'il donne un mari a celle-ci et, en plus,
se trouve des femmes pour lui-meme. II nous faut pousser plus loin
la comparaison entre les mythes de Big Trout Lake et ceux des Mon
tagnais pour comprendre cette nouvelle transformation du mytheme
frere/soeur. Dans les sequences du mythe montagnais qui racontent
ces recherches, reussies, d'alliance, nous retrouvons mot pour mot de
nombreux elements d'un mythe raconte a Big Trout Lake, celui de We-
mechos et de ses demeles avec son beau-fils. Dans les deux cas, il s'agit
de deux soeurs a marier ou mariees, il est question de balancoires meur-
trieres qui, finalement, ne tuent que leur inventeur. De meme le per-
sonnage qui donne a marier ses filles est nourri d'intentions criminelles
envers son gendre et sera tue, en derniere instance, par lui. Notons, au
passage, que la ou le donneur de femme est un homme a Big Trout Lake,
cette fonction est tenue chez les Montagnais par une femme. Cela peut
se lire comme un signe de matrilinearite ou plus siirement, du moins, de
bilinearite. Quoiqu'il en soit de cette hypothese qui menterait d'etre
exploree plus a fond, retenons qu'a Big Trout Lake nous avons deux
mythes distincts, celui de Jakabich et celui de Wemechos alors que
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chez les Montagnais il n'y en a qu'un seul. Le mythe montagnais, en
regard du code temporel, revendique la signification de toutes ses vari
ations, ou presque, puisqu'il etablit Palternance des jours, la periodicite
des femmes (negativement, il est vrai: le heros tue les enfants dont sa
soeur accouche a chaque pas) de meme qu'il instaure la vie et la mort.
Au contraire Jakabich, le heros de Big Trout Lake, assume uniquement
Pinstauration des formes periodiques extremes ou radicales: la vie et
la mort. Ce n'est pas pour autant le mythe de Wemechos, consacre
aux difficultes que pose la recherche d'une alliance adequate, qui parle
des formes de periodicite moyennes, mais c'est un autre mythe qui lui
est structurellement complementaire, celui d'Ayach. Ce dernier relate
Phistoire d'un conflit entre un pere et son fils, symetrique du premier
qui raconte le conflit d'un beau-pere et de son gendre. Or, le mythe
d'Ayach etablit bien la periodicite des femmes en la reduisant, de fagon
totalement phantasmatique par rapport a la realite, a la periodicite an-
nuelle, celle du retour du printemps.
II peut sembler que, en construisant ce systeme, nous nous soyons
laisses deriver un peu loin de notre probleme initial, celui de la tete
d'ours. En fait pas du tout, car la tete d'ours occupe une place cen-
trale dans ce systeme. Sur son versant montagnais, elle symbolise un
mediateur d'alliance, mais aussi de la totalite des significations tem-
porelles dont le mythe de Tshakapesh est charge. Sur le versant Big
Trout Lake, au contraire, par son absence narrative et son confinement
metaphorique a une constellation, la tete d'ours souligne la segregation
qu'operent les mythes entre, d'une part, alliance et periodicites moyen
nes (Ayach/Wemechos) et, d'autre part, aperiodicites radicales (Jak
abich). Mais il faut aller plus loin et se rendre a Pevidence qu'en plus
d'etre la constellation qui annonce le retour du printemps, elle symbol
ise aussi la recherche d'une alliance, ne serait-ce que par metonymie,
puisque Palliance est une des consequence souhaitee de ce retour. De
meme pour les Montagnais, en plus d'etre explicitement mediateur
d'alliance, la tete d'ours signifie necessairement le retour du printemps,
seule forme de periodicite manquante a un mythe qui pretend a la sat
uration du code temporel. Et, de fait, par une sorte de chasse-croise
entre les Montagnais et Big Trout Lake, le signifiant "tete d'ours"
possede bien la meme valeur ici et la, celle d'annoncer la belle saison
et de preparer a de bons mariages. Nous pouvons done nous demander
pourquoi.
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L'ours est un des seuls mammiferes a hiverner. Or, ces groupes
disperses a travers leurs immenses territoires pendant tout l'hiver at-
tendaient avec impatience Pete pour se rassembler et pouvoir ainsi re-
nouveler leurs alliances ou plus simplement revoir leurs parents dont ils
s'etaient s epares, certains pour suivre leurs allies. En plus de sa con
notation saisonniere, choisir l'ours comme symbole de Palliance c'est,
en quelque sorte, formuler un souhait d'exogamie, ou a tout le moins
preconiser une cure anti-inceste. Pourtant l'ours reste quand meme
un peu trop eloigne des humains pour pouvoir incarner un partenaire
matrimonial ideal, si anthropomorphe qu'il soit. Ainsi est-il necessaire
de diminuer la distance pour qu'il puisse representer le symbole d'une
alliance bien temperee, ni trop lointaine, ni trop proche. C'est ce qui se
passe si la pensee mythique reduit Pours a sa tete. Le signifiant "ours"
renvoie alors, tout en s'y opposant encore, a ces "tetes qui roulent,"
si abondantes dans les mythologies americaines, presentes aussi a Big
Trout Lake, et qui ont pour caracteres d'etre dangereusement proches
de leurs proches parents, justement. La "tete d'ours," tenant a la fois
de la "tete qui roule," trop contigiie, et de l'ours, trop eloigne, est bien
le compromis le plus a meme de symboliser une alliance telle qu'elle
est souhaitable. Et ce, d'autant plus lorsqu'elle, comme dans les recits
montagnais, sert de balle, objet qui roule sur lui-meme done, a une
partie de football entre deux groupes, e'est-a-dire de moyens pour ces
deux groupes d'entrer en contact tout en preservant chacun leur identity (voir Fig. 1).
Mythologie et Astronomie 211
Pour ce qui concerne la dimension rituelle de cet enseignement, rap-
pelons les tabous que doivent respecter les femmes a travers toute l'aire
algonquine vis a vis de l'ours et, plus strictement encore, vis a vis de sa
tete. Ils nous precisent que si la recherche d'une alliance interesse en
premier lieu les femmes, il n'en demeure pas moins que c'est une affaire
d'hommes dont il est preferable qu'elles soient maintenues a Pecart,
autant que faire se peut, bien sur...
Revenons a nos constellations. A Big Trout Lake, Orion se dit
/ataakwamo/, ce qui signifie 'il se tient a la poupe du canot et pa-
gaye' ou, plus simplement, 'le pagayeur arriere'. Cette interpretation
est originale par rapport aux autres sources algonquines. Chez les
Montagnais, toujours d'apres Speck (1935:61), nous trouvons le terme
/nictotcimuts/, les 'trois chefs', designation qui s'applique au baudrier
d'Orion seulement. Les Saulteux du Lac Winnipeg emploient le terme
/adadawaamuk/ pour ce meme baudrier et Hallowell (1955:221) nous
fournit la traduction suivante: 'the Three Young Men'. D'apres John
Nichols (communication personnelle), cette traduction serait incorrecte.
J. Nichols reconnait dans la forme /adadawaamuk/ celle equivalente
des Ojibwa du Minnesota /ota atawa?amook/ qu'il traduit ainsi: 'rid
ers in a boat'; cette derniere interpretation se rapprocherait done un
peu de celle des Indiens de Big Trout Lake en introduisant le theme
du bateau. Cependant ce n'est certainement pas a Hallowell que nous
pouvons imputer une traduction incorrecte, mais, plus probablement,
a une tradition qui s'etend jusque chez les Montagnais, comme nous
venons de le voir, et pour laquelle le baudrier d'Orion, compose de trois
etoiles, est associe avec trois personnages. Nous trouvons un exemple
de cette tradition a Sandy Lake situe approximativement a mi-chemin
entre les Saulteux d'Hallowell et Big Trout Lake. En effet, on y raconte
un mythe qui s'acheve par la poursuite perpetuelle de trois personnages
sous formes d'etoiles et, bien que le texte ne precise pas desquelles, il
y a tout lieu de croire qu'il s'agit aussi du baudrier d'Orion (Ray et
Stevens 1971:92). Ainsi une tradition mythique explicite pourrait avoir
recouvert une autre, d'ordre du language, plus ancienne, ou, peut-etre,
ces deux traditions se seraient-elles imbriquees Pune dans Pautre tout
en gardant chacune sa force propre. Une fois encore, nous avons la
preuve qu'il est impossible de determiner une anteriorite quelconque
de Pexercice des logiques linguistiques et mythologiques, la ou elles ne
s'accordent pas ensemble.
212 Emmanuel Desveaux
La ou ailleurs on isole, pour la nommer, une triade d'etoiles, celle
que compose le baudrier d'Orion, a Big Trout Lake, la forme reconnue
sous le terme /ataakwamo/ englobe plus d'etoiles. O n m'en a fait un
dessin qui evoque bien la silhouette d'un pagayeur assis (voir Fig. 2).
h Fig. 2—ATAAKWAMO Cependant il est evident que ce n'est pas la forme reconnue a une combinaison d'etoiles, surtout si celle-ci se fait plutot vague, qui peut justifier son nom, mais plus surement un nom qui permet de reconnaitre
une forme. Ainsi cette association d'un pagayeur arriere avec Orion me
restait mysterieuse car aucune indication ne venait, dans un premier
temps, en expliquer Porigine. Je raisonnai done avec mon informateur
en lui faisant remarquer que, s'il y avait un pagayeur arriere dans le
ciel nocturne, il devait aussi y exister un canot et, par consequence, un
autre personnage qui aurait occupe la proue du bateau. II me repondit,
sans hesitation, que, effectivement, il y avait un immense canot dans le
ciel, comparable a PArche de Noe, et dont le pagayeur anterieur n'etait
autre que notre Grande Ourse.
Mais si d'un cote cette reponse eclaircit le mystere de ce canot celeste,
de Pautre elle l'obscurcit encore plus car a Big Trout la Grande Ourse
s'appelle /ojiikanak/, mot compose de /ojiik/ 'le pecan', et de /anak/
signifiant 'etoile'. Et, a priori, on ne voit pas tres bien le rapport entre le
pecan et ce canot. Quoi qu'il en soit, Passociation entre la Grande Ourse
et le pecan fait Punanimite de toutes nos sources algonquines. Chez
les Saulteux elle s'appelle /k'tciotciganang/, 'etoile du grand pecan'
(Hallowell 1955:221). Nous trouvons une expression tres proche chez
les Montagnais: /wgtce.' atak/, 'etoile du pecan' (Speck 1935:62) et
pareillement, d'apres Schoolcraft, chez les Chippewa /ojeek annung/,
avec la meme traduction (Williams 1956:27). Ces deux dernieres sources
sont particulierement interessantes car elles offrent des recits expli-
quant Porigine de la constellation et de sa designation. Cette histoire
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de pecan est aussi connue par oui'-dire a Big Trout Lake, mais elle
n'est, deliberement, pas racontee. Nous allons nous attarder sur la ver
sion Chippewa de Schoolcraft, car elle contient les elements qui nous
meneront a la solution de notre probleme de pagayeur avant et de pa
gayeur arriere.
C o m m e pour les Montagnais, il s'agit dans cette histoire de la con-
quete de Pete sur le peuple celeste par le peuple terrestre. Pour ce
faire, Pecan demande a plusieur animaux de percer le ciel. Personne
n'y parvient, sauf Carcajou. Alors Pecan le suit et ils decouvrent en
semble la-haut le paradis qu'est Pete permanent. Pecan ouvre les cages
qui enferment les oiseaux et ceux-ci, en s'envolant, apportent un peu
d'ete sur terre. Mais les habitants et maitres du ciel (peut-etre sont-
ils, en fait, les oiseaux-tonnerres) apercoivent Pecan et se mettent a le
poursuivre. Pendant ce temps, Carcajou s'eclipse discretement et re-
descend a terre. Pecan, lui, court en direction du Nord pour echapper
a ses poursuivants qui, cependant, parviennent a le blesser d'une fleche
a la queue. De cette blessure il finira par succomber en s'ecroulant sur
le sol du ciel dans la position ou on peut le voir aujourd'hui dans la
forme de la Grande Ourse. La ligne brisee qui prolonge la constellation
represente la queue de Pecan cassee en son milieu par le trait meurtrier
(Williams 1956:27-30).
Ce recit, dont Porigine Chippewa demeure assez imprecise, relate
une expedition au ciel de deux animaux et, en tant que tel, renvoie aux
tres nombreuses histoires de deux indiennes mariees a des corps celestes,
etoiles a travers l'aire algonquine du Nord, dioscures pour la diffusion a
travers les Plaines de ces histoires. Ce paradigme mythique a ete large-
ment commente par Levi-Strauss dans son livre L'origine des manieres
de table (1968). Or, si nous suivons a contre-courant le parcours de
ce livre, nous voyons comment son auteur a demontre que ces histoires
d'epouses des astres entretenaient un rapport transformationnel avec le
mytheme du voyage en pirogue. La forme intermediate de cette trans
formation du mytheme du voyage en pirogue a celui des epouses des
astres est celui d'une pirogue celeste sur laquelle sont embarques Soleil
et Lune et qui, dans PAmerique equatoriale ou cette forme trouve son
origine, signifie une mediation reussie entre la duree du jour et celle
de la nuit. En effet, la-bas, on vit sous le regime d'un equinoxe per
manent. La condition de cette mediation reussie sur le plan temporel
est Pintroduction du phantasme spatial d'un fleuve a double sens qui
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donne aux voyages vers Pamont ou vers Paval meme valeur et, ce, bien
sur, a Pencontre de la realite empirique (Levi-Strauss 1968:199).
Par ailleurs, le mytheme du voyage en pirogue a une diffusion extre-
mement large a travers toute PAmerique. Nous ne devons pas, par
consequent, etre surpris de le trouver a Big Trout Lake integre aux
aventures de Grebe. Cependant, au contraire d'autres versions Ojibwa
(Jones 1919:151-167) tres semblables, le passage en canot de Grebe
devant deux jeunes filles est un element isole—on ne dit rien sur la
provenance de ces filles—alors que dans ces autres versions le passage
en canot fait toujours suite a la redescente des filles du ciel apres 1
eur sejour la-haut au titre de femmes d'etoiles. Par contre un autre
mythe de Big Trout Lake raconte ce sejour celeste et ce qui s'en suit.
Les deux filles, coincees au sommet de Parbre sur lequel elles ont at-
terri, apercoivent Pecan et lui demandent de les aider a redescendre
a terre contre la promesse de se marier avec lui. Pecan refuse en dis-
ant que son frere qui arrive derriere lui acceptera ce marche. Tous les
animaux defilent ainsi au pied de Parbre en declarant la meme chose.
Finalement, c'est Carcajou, le dernier et qui est decrit comme un etre
a Pallure repoussante, qui acceptera la proposition des deux femmes.
Elles respecteront tres mal leur promesse de mariage a son egard. Une
autre version de ce meme mythe est beaucoup plus allusive et, surtout,
originale. Les visiteuses du ciel se debrouillent tres bien pour regag-
ner le sol au moyen d'un arbre qui fonctionne comme un veritable
ascenseur entre le ciel et la terre. Ensuite le recit enchaine sur une
curieuse sequence. Carcajou, qui se promenait par la le lendemain, est
emmene contre son gre par cet arbre un peu particulier au ciel; il y
demeure trois jours a errer et, enfin, est autorise a redescendre.
Malgre ce long detour nous avons rassemble maintenant tous les
elements pour comprendre de quoi parlent les gens de Big Trout Lake
en designant Orion /ataakwamo/ 'le pagayeur arriere', et la Grande
Ourse /ojiikanak/, 'etoile du Pecan', bien qu'elle soit le pagayeur avant
de la meme embarcation. La visite au ciel de Carcajou et de Pecan a la
conquete de Pete inverse systematiquement le recit dans lequel Carca
jou aide les visiteurs celestes a accomplir leur retour, tel qu'il est narre
a Big Trout Lake. Et la consequence de ce dernier recit sera bien a
connotation hivernale, opposee a la signification explicite du premier,
comme nous allons le voir. Dans le premier cas il s'agit de monter
au ciel et a Pecan est devolue le tache la plus importante, bien qu'il
Mythologie et Astronomie 215
ne parvienne en haut qu'apres Carcajou. Dans le deuxieme cas bien
que ce soit Pecan le premier a defiler devant les deux filles, il est aussi
le premier a se defiler pour les faire redescendre et c'est Carcajou, le
dernier a arriver, qui assume la fonction primodiale de les ramener a
terre. L'etrange conclusion par un petit sejour inopine de Carcajou
au ciel de Pautre version provenant de Big Trout Lake est la solution
de transition entre ces deux recits symetriques: ne reste en scene que
Carcajou qui, comme dans le premier recit monte effectivement au ciel,
mais dont Paction, au contraire, y est nulle. II pourrait aussi exister un
corollaire symetrique a cette transition en prenant comme referent neu
tralise de la dyade pecan/carcajou, non plus le carcajou mais le pecan.
Dans cette hypothese, Pecan ne devrait pas monter au ciel, comme
dans le deuxieme recit, et son action devrait etre nulle, au contraire du
premier. II est evident que ce recit n'a pas lieu d'exister vraiment car,
pour le coup, on se demande bien ce qu'il pourrait raconter.2
Ainsi nous avons bien etabli une dyade pecan/carcajou qui se revele
sur fond du paradigme constant de la pirogue celeste, que ce soit par
metonymie ou par une serie de transformations qui tend a se boucler
sur elle-meme. De plus, pour les gens de Big Trout Lake, la pirogue,
ou plutot le canot celeste, existe bel et bien. Dans cette incarnation
septentrionale, ce n'est plus le soleil et la lune qui en sont les voyageurs,
mais le pecan, installe a la proue et reconnaissable dans notre Grande
Ourse, et /ataakwamo/, c'est-a-dire Orion, le pagayeur arriere qui n'est
pcrsonne d'autre que le carcajou. La realite empirique de ce canot est
dans Pobservation du ciel nocturne pendant les longues nuits d'hiver,
seule periode de Pannee ou Paxe Grande-Ourse/Orion soit visible. Cette
resurgence du theme de la pirogue, sous forme de constellations en
lieu de dioscures, tourne sur elle-meme et realise ainsi le phantasme
spatial d'un fleuve a double sens enonce par les Indiens equatoriaux.
Sous la direction du pecan (Grande-Ourse), dont les gens se servaient
pour mesurer Involution de la duree nocturne a defaut de montres,
et la conduite d'un pagayeur arriere dont Pidentite ne nous est plus
mysterieuse, Parche3 du ciel mene la longue traversee de la nuit vers
II est interessant de noter a ce propos que dans le corpus de mythes dont nous
disposons, il n'est plus jamais fait mention du pecan. 3 Lorsque notre informateur parlait, ou comparait le canot celeste avec l'Arche
de Noe, il n'etalait pas sa culture biblique sans a propos. Car que ce soit quand Pecan demande a Carcajou d'ouvrier le ciel ou quand Pecan est le premier a defiler
216 Emmanuel Desveaux
le jour, et par accumulation de nuits, de l'hiver vers Pete. En tant
que telle, Pessence de sa metaphore est partout la meme, alternance
du jour et de la nuit, meme si, dans la version sud-ame>icaine, cette
alternance est signe de parfait equilibre, alors qu'ici, c'est au prix d'un
double desequilibre temporel qu'elle se realise. En effet, la nuit est plus
longue que le jour pendant l'hiver, de meme que ce dernier est plus
durable que Pete.
Si les demonstrations que nous venons de faire, aussi bien a propos
de Pleiades que de Paxe Grande-Ourse/Orion, possedent un tant soit
peu de verite, nous pouvons nous demander pourquoi, a Big Trout
Lake, il n'y a pas de recits mythiques qui explicitent Porigine de ces
constellations par des formules logiques proches des notres, ou d'autres;
les ressources de la logique combinatoire sont de toutes facpns infinies.
La premiere hypothese est que ces recits se seraient perdus tres
vite car les gens, a partir du moment ou ils auraient us6 de notre
calendrier, n'auraient plus eu besoin de se referer aux etoiles pour
mesurer Pecoulement du temps. Cette explication est possible, cepen-
dant j'inclinerais plus volontiers vers une explication moins conjonc-
turelle.
II est indubitable que l'hiver, et plus specialement, sa derniere partie,
de fevrier au debut d'avril, est une periode tres dure pendant laquelle les
reserves eventuelles de Pautomne etaient depuis longtemps epuisees et,
done, oil les ressources alimentaires devenaient rares, mis a part celles
provenant de la chasse a Pelan. Mais cette chasse etait rendue haute-
ment aleatoire par, d'une part le comportement de ce gibier et d'autre
part, la reprise, courante a cette epoque de Pannee, d'abondantes chutes
de neige. C'etait une periode d'insecurite tres grande auquelle s'ajoute
le poids psychologique d'un deja long isolement en cellules sociales
tres restreintes. Ainsi le printemps etait-il attendu avec impatience
pour Pabondance, relative, et la facilite d'acces aux ressources qu'il ap-
porterait, mais aussi pour la reprise des long voyages en canots et la
reunion des petites unites sociales hivernales en groupes plus larges a
laquelle ces voyages sont destines. Or, d'une annee sur Pautre le print
emps ne revient pas toujours exactement a la meme date de meme que
ses signes avant-coureurs naturels, aussi bien meteorologiques que bi-
devant les deux jeunes filles, entre lui et Carcajou son toujours compris d'autres
animaux ou meme tous les animaux. Ces animaux sont done bien aussi passagers
de l'embarcation dont ils occupent l'esnace intermediar* rntri. P£i-*r, »« '"'-Tcajou.
Mythologie et Astronomie 217
ologiques. Ainsi c'est avec excitation que Pon guette ces signes et avec
anxiete que Pon ressent leur retard. Par contre, les etoiles, elles, sont
toujours fideles aux rendez-vous. Elles n'abandonnent pas les humains,
elles leur garantissent par leur position que tot ou tard le printemps
viendra. Et peut-etre est-ce par une sorte de tabou comme il en ex-
iste dans certaines tribus ou il est possible de nommer les etoiles mais
pas de les pointer, qu'ici on peut les nommer pareillement mais surtout
pas devoiler leurs origines, de peur qu'elles aussi, fachees, ne revien-
nent pas la, dans le ciel, ou elles sont si cherement attendues. Et
tout Pagencement interne de la mythologie me parait construit selon ce
principe, lui qui, a propos des Pleiades, d'Orion et de la Grande Ourse,
semble a la fois sous-entendre et eviter le sujet deliberement.
REMERCIEMENTS
Je tiens a remercier les gouvernements frangais et quebecois et la Fondation
Fyssen pour avoir finance mes sejours a Big Trout Lake et dans les communautes
avoisinantes. Mais ceux a qui je dois le plus, et done, a qui je reserve la plus grande part de ma gratitude, ce sont les gens de Big Trout Lake et de ces autres
communautes. Ils ont accepte de me recevoir parmi eux pendant dix-huit mois, de me faire partager pleinement leur existence et de me raconter leurs mythes et
beaucoup d'autres choses. Je pense en particulier a Solomon Begg, qui le premier m'a parle d'un canot deploye a travers le ciel nocturne et hivernal. Je remercie
aussi Dominique Pellequer pour avoir realise la figure No.l de ce present article.
REFERENCES
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cycle. Paris, Ecole pour les Hautes Etudes en Sciences Sociales.
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Lefebvre, Madeleine. 1072 Tshakapesh: Recits Montagnais-Naskapi. Quebec: Ministere des Affaires
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218 Emmanuel Desveaux
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