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VLADIMIR ROUVINSKY LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI La production croissante de caviar d’esturgeon provenant de fermes piscicoles réduit le risque d’extinction. Le caviar russe s’exporte à nouveau, mais au compte-gouttes. On peut de nouveau acheter lé- galement du caviar noir dans les magasins russes. Et l’exportation vers l’Europe, interdite depuis 2002, tout comme la pêche à l’es- turgeon pour protéger l’espèce, est levée tout en restant très ré- glementée. Les particuliers n’y sont pas autorisés : « C’est de la contrebande », avertit un officier des douanes à l’aéroport mosco- vite Cheremetievo ; un délit passible de peines allant jusqu’à six ans de prison. Après la disparition de l’URSS, le commerce du ca- viar était devenu l’apanage des braconniers sur tout le pourtour de la mer Caspienne, région qui alimentait le mar- ché mondial. Conséquence directe : en 2010, la population d’esturgeons était tombée à un quart de son niveau de la fin des années 1980, selon les statisti- ques de l’organisation écologi- que World Wild Fund. Le caviar noir revient de loin Commerce La surpêche et le braconnage avaient conduit à l’interdiction des exportations vers l’Europe SUITE EN PAGE 4 Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux Distribué avec Mercredi 16 mars 2011 Découvrez les accents français de Moscou « Nouveau Drame » au théâtre La capitale russe a emprunté de grands noms à la France. Itinéraire des lieux témoins. Un nouveau courant dramati- que russe insuffle une vague de réalisme radical. P. 8 P. 7 Le Kremlin rebaptise les forces de l’ordre et pro- meut une nouvelle loi pour lutter contre la corruption qui ronge les rangs de la police. La police remplace la milice PAGE 2 PAGE 8 Pub : la déferlante La publicité est devenue à ce point envahissante à Moscou qu’elle en recouvre des faça- des historiques et fait de l’om- bre aux habitants. Le nouveau maire met le holà. Les veuves de rebelles indépendan- tistes du Caucase Nord se plaignent d’être mises au ban de la société. Leur situation empire alors que les attentats suicides se poursuivent jusque dans la capitale russe. Marquées au fer rouge PAGE 3 PHOTOXPRESS ITAR-TASS LIBRE DE DROIT RDA/VOSTOCK-PHOTO PAGE 6 PAUL DUVERNET SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI ENTRETIEN AVEC RENAULT EN PAGE 5 Pour bénéficier d’une réduction des taxes d’importation, les constructeurs étrangers devront désormais produire, en Russie même, au moins 300 000 véhi- cules par an. Le Kremlin veut les voir localiser au maximum leur production pour protéger l’emploi en Russie et favoriser le transfert de technologies vers les constructeurs domestiques. Du coup, les alliances entre constructeurs se multiplient. Volkswagen et Skoda viennent de s’allier fin février avec le constructeur russe GAZ pour lancer une grande offensive contre le leader incontesté, l’al- liance Renault-Nissan- AvtoVaz. Ce dernier, fort de ses deux par- tenaires occidentaux, a conçu un plan extrêmement ambitieux La conquête passe par les alliances Automobile Le marché russe aiguise les appétits étrangers Gorbatchev, l’éternel incompris OPINIONS L’interprète du dernier prési- dent soviétique revient sur un phénomène qui le désole mais qu’il comprend : la rancune des Russes envers l’homme qui les a libérés du joug totalitaire. selon lequel la triple alliance re- présenterait jusqu’à 47% du mar- ché russe en 2020. Un document confidentiel adres- sé au ministère du Développe- ment économique par AvtoVaz, et révélé par le quotidien Vedo- mosti, indique que l’alliance compte produire 1,88 millions de véhicules par an en 2020, dont près de la moitié sous les mar- ques Nissan et Renault. Le ja- ponais décuplerait quasiment sa production (400 000 véhicules par an contre 50 000 aujourd’hui) et la firme au losange, 445 000, soit une part de 11,2% du mar- ché russe… le double de sa part actuelle ! Aucun des trois par- tenaires n’a accepté de commen- ter ce document. La forte reprise du marché automobile russe (+30% en 2010) stimule les ambitions des constructeurs étrangers, pour lesquels Moscou place la barre d’entrée de plus en plus haut. Les Russes ont une nouvelle « reine » en la personne de la Mosco- vite Natalya Gantimurova, 19 ans, élue « Miss Russie 2011 ». L’esturgeon de la mer Caspienne et de la mer d’Azov fut à une époque récente la principale source de caviar noir sur le marché mondial. PHOTO DU MOIS Le nouveau visage de la Russie Le 12 avril 1961, Youri Gagarine, an- cien commandant de l’Armée de l’air soviétique, devenait le premier homme de l’Histoire à effectuer un vol habité dans l’espace. Nommé « premier citoyen de l’univers », le héros était un outil de propagande trop précieux pour qu’on prenne le risque de le perdre dans un ac- cident aérien. Le destin allait en décider autrement. Sous-directeur du Centre d’entraînement des cos- monautes de 1963 à 1968, Gaga- rine avait demandé et obtenu sa réintégration dans l’équipe soviéti- que d’alunissage. Le 27 mars 1968, il allait trouver la mort à bord de son avion s’écrasant au cours d’une mission d’entraînement. Gagarine 50 ans après SUR NOTRE SITE larussiedaujourdhui.fr Remercier au lieu de punir l’opposition L’éditorialiste Maxim Troudo- lioubov critique le raidissement du pouvoir qui, dans son élan modernisateur, serait mieux inspiré d’utiliser l’énergie ré- formatrice des opposants. CDR.THEATRE.RU GETTY IMAGES/FOTOBANK ALEXEY MAISHEV

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La Russie d'Aujourd'hui est une source d'informations politiques, économiques et culturelles internationalement reconnue. Elle propose une couverture médiatique réalisée sur le terrain par des journalistes possédant une connaissance en profondeur du pays, ainsi que des analystes et un vaste éventail d'opinions sur les événements actuels.

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VLADIMIR ROUVINSKYLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

La production croissante de caviar d’esturgeon provenant de fermes piscicoles réduit le risque d’extinction. Le caviar russe s’exporte à nouveau, mais au compte-gouttes.

On peut de nouveau acheter lé-galement du caviar noir dans les magasins russes. Et l’exportation vers l’Europe, interdite depuis 2002, tout comme la pêche à l’es-turgeon pour protéger l’espèce, est levée tout en restant très ré-glementée. Les particuliers n’y sont pas autorisés : « C’est de la contrebande », avertit un officier des douanes à l’aéroport mosco-vite Cheremetievo ; un délit passible de peines allant jusqu’à six ans de prison. Après la disparition de l’URSS, le commerce du ca-viar était devenu l’apanage des braconniers sur tout le pourtour de la mer Caspienne, région qui alimentait le mar-ché mondial. Conséquence directe : en 2010, la population d’esturgeons était tombée à un quart de son niveau de la � n des années 1980, selon les statisti-ques de l’organisation écologi-que World Wild Fund.

Le caviar noir revient de loin Commerce La surpêche et le braconnage avaient conduit à l’interdiction des exportations vers l’Europe

SUITE EN PAGE 4

Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux

Distribué avec

Mercredi 16 mars 2011

Découvrez les accents français de Moscou

« Nouveau Drame » au théâtre

La capitale russe a emprunté de grands noms à la France. Itinéraire des lieux témoins.

Un nouveau courant dramati-que russe insuffle une vague de réalisme radical.

P. 8

P. 7

Le Kremlin rebaptise les forces de l’ordre et pro-meut une nouvelle loi pour lutter contre la corruption qui ronge les rangs de la police.

La police remplace la milice

PAGE 2 PAGE 8

Pub : la déferlanteLa publicité est devenue à ce point envahissante à Moscou qu’elle en recouvre des faça-des historiques et fait de l’om-bre aux habitants. Le nouveau maire met le holà.

Les veuves de rebelles indépendan-tistes du Caucase Nord se plaignent d’être mises au ban de la société. Leur situation empire alors que les attentats suicides se poursuivent jusque dans la capitale russe.

Marquées au fer rouge

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LIBRE DE DROIT

RDA/VOSTOCK-PHOTO

PAGE 6

PAUL DUVERNETSPÉCIALEMENT POURLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

ENTRETIEN AVEC RENAULT EN PAGE 5

Pour béné� cier d’une réduction des taxes d’importation, les constructeurs étrangers devront désormais produire, en Russie même, au moins 300 000 véhi-cules par an. Le Kremlin veut

les voir localiser au maximum leur production pour protéger l’emploi en Russie et favoriser le transfert de technologies vers les constructeurs domestiques. Du coup, les alliances entre constructeurs se multiplient. Volkswagen et Skoda viennent de s’allier fin février avec le constructeur russe GAZ pour lancer une grande offensive contre le leader incontesté, l’al-liance Renault-Nissan- AvtoVaz. Ce dernier, fort de ses deux par-tenaires occidentaux, a conçu un plan extrêmement ambitieux

La conquête passe par les alliances

Automobile Le marché russe aiguise les appétits étrangers

Gorbatchev, l’éternel incompris

OPINIONS

L’interprète du dernier prési-dent soviétique revient sur un phénomène qui le désole mais qu’il comprend : la rancune des Russes envers l’homme qui les a libérés du joug totalitaire.

selon lequel la triple alliance re-présenterait jusqu’à 47% du mar-ché russe en 2020. Un document con� dentiel adres-sé au ministère du Développe-ment économique par AvtoVaz, et révélé par le quotidien Vedo-mosti, indique que l’alliance compte produire 1,88 millions de véhicules par an en 2020, dont près de la moitié sous les mar-ques Nissan et Renault. Le ja-ponais décuplerait quasiment sa production (400 000 véhicules par an contre 50 000 aujourd’hui) et la � rme au losange, 445 000, soit une part de 11,2% du mar-ché russe… le double de sa part actuelle ! Aucun des trois par-tenaires n’a accepté de commen-ter ce document.

La forte reprise du marché automobile russe (+30% en 2010) stimule les ambitions des constructeurs étrangers, pour lesquels Moscou place la barre d’entrée de plus en plus haut.

Les Russes ont une nouvelle « reine » en la personne de la Mosco-vite Natalya Gantimurova, 19 ans, élue « Miss Russie 2011 ».

L’esturgeon de la mer Caspienne et de la mer d’Azov fut à une époque récente la principale source de caviar noir sur le marché mondial.

PHOTO DU MOIS

Le nouveau visage de la Russie

Le 12 avril 1961, Youri Gagarine, an-cien commandant de l’Armée de l’air soviétique, devenait le premier homme de l’Histoire à effectuer un vol habité dans l’espace. Nommé « premier citoyen de l’univers », le héros était un outil de propagande trop précieux pour qu’on prenne le risque de le perdre dans un ac-cident aérien. Le destin allait en décider autrement. Sous-directeur du Centre d’entraînement des cos-monautes de 1963 à 1968, Gaga-rine avait demandé et obtenu sa réintégration dans l’équipe soviéti-que d’alunissage. Le 27 mars 1968, il allait trouver la mort à bord de son avion s’écrasant au cours d’une mission d’entraînement.

Gagarine 50 ans après

SUR NOTRE SITE larussiedaujourdhui.fr

Remercier au lieu de punir l’oppositionL’éditorialiste Maxim Troudo-lioubov critique le raidissement du pouvoir qui, dans son élan modernisateur, serait mieux inspiré d’utiliser l’énergie ré-formatrice des opposants.

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02 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FRCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Politique & Société

Adieu la milice, bonjour la police et vive la réforme !

Préparé parVeronika Dorman

LU DANS LA PRESSEMEDVEDEV ET POUTINE ENTRENT EN CAMPAGNE

La saison électorale a débuté en Russie : d’abord les législatives fin 2011, puis les présidentielles début 2012. Le Président Medve-dev invoque une figure tutélai-re parmi les tsars (Alexandre II) pour appuyer sa volonté de mo-dernisation tous azimuts. Le pre-mier ministre Poutine opte, lui, pour une position plus conserva-trice : mettre de l’ordre dans les rangs du parti au pouvoir.

COMME UN TSARLa rédactionVEDOMOSTI

TROIS ANS EN TANDEMDmitri KamychevVLAST

FISC ET TRANSPARENCELa rédactionMOSKOVSKI KOMSOMOLETS

La participation et le discours de Medvedev à la célébration des 150 ans de l’abolition du servage signa-lent que le président ne partage pas l’idéologie de la « modernisation conservatrice » des idéologues du parti au pouvoir. Si Medvedev par-tage réellement les principes réfor-mateurs d’Alexandre II, les grands changements sont pour bientôt. Medvedev et son entourage vont devoir lutter fermement contre la féodalité archaïque qui a ressurgi ces derniers temps : relations vassa-lisées entre fonctionnaires, pots-de-vin, népotisme. Il va lui falloir net-toyer en profondeur l’appareil d’État des bureaucrates loyaux mais inu-tiles, reçus en héritage de son pré-décesseur.

L’élection, il y a trois ans, de Dmi-tri Medvedev, a fait naître dans une partie de la société russe des es-poirs flous et incompréhensibles, du point de vue du bon sens, quant à une évolution future du cours politi-que. Trois ans plus tard, ces espoirs non réalisés ont cédé la place au sentiment encore plus confus d’avoir perdu le principal acquis des années Poutine : la stabilité. Tant parmi les simples citoyens que chez les diri-geants. Lassée de miser sur deux chevaux, l’élite est impatiente de voir le tandem décider enfin qui se-ra le chef pour les six années à ve-nir. Les citoyens ordinaires réalisent, eux, combien la stabilité est fragile au vu des révolutions qui secouent le monde arabe.

« Nous avons besoin de gens hon-nêtes et professionnels », a décla-ré Poutine en parlant des candi-dats aux législatives du parti Russie unie. Il veut les obliger à déclarer non seulement leurs revenus mais aussi leurs dépenses. Aucun dou-te que les membres de Russie unie renseigneront les citoyens sur leurs dépenses. Mais si les déclarations des revenus seront obligatoirement contrôlées, comme la loi le stipule, aucune vérification des dépenses n’est prévue par la loi. Du coup, les déclarations sur l’achat de cuvettes de WC en or massif et de baignoires en diamant ne se feront qu’en ver-tu de la bonne foi des membres du parti. La question est de savoir s’il y aura beaucoup de volontaires.

SPORTLES JEUX OLYMPIQUES DE SOTCHI ONT TROUVÉ LEURS MASCOTTES

ÉDUCATIONUNE UNIVERSITÉ RUSSE PARMI LES MEILLEURES DU MONDE

SANTÉTESTS OBLIGATOIRES POUR DÉPISTER LA DROGUE À L’ÉCOLE

Les JO d’hiver 2014 auront trois mascottes : un ours blanc, un liè-vre et un léopard. C’est la déci-sion prise fin février par le jury du scrutin organisé en direct sur la première chaîne de télévision. Plus d’un million de Russes ont voté par sms et chaque mascot-te a été soutenue par une per-sonnalité russe au cours de l’émission. Seul Ded Moroz, le Père Noël russe, s’est retiré de la compétition, préférant rester le symbole d’une tout autre fête. Les Jeux Paralympiques auront

L’Université d’État de Moscou, connue sous le nom de MGU, vient pour la première fois de faire son apparition dans le clas-sement mondial des universités dressé par l’hebdomadaire Bri-tish Weekly’s. Ce palmarès de référence des 200 premières ins-titutions de la planète, établi à partir d’un sondage réalisé auprès de 13 000 universitaires du monde entier, n’avait inclus aucun établissement supérieur russe l’an dernier. MGU se classe cette année au 33ème rang

Dès la rentrée prochaine, les ly-céens et collégiens russes seront soumis à un dépistage toxicolo-gique intégré à leur visite médi-cale annuelle. La mesure a dé-clenché une polémique qui porte notamment sur le caractère obli-gatoire ou facultatif de ces dé-pistages. Les modalités du test restent floues, mais il devrait être couplé aux analyses de sang lors de l’examen médical. Un écolier pourra toujours refuser le prélèvement sanguin mais sera

deux logos, un rayon de soleil et un flocon de neige, choisis par des champions paralympiques. Les auteurs des idées retenues ont re-çu une invitation à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques et Paralympiques. Le léopard a été proposé par un habitant de Nakhodka (extrême-orient russe), l’ours blanc par un résident de Sotchi et le lièvre par un habitant de Tchouvachie (centre). Les logos des Jeux Paralympiques ont été proposés par un Moscovite et un Pétersbourgeois.

d’une liste illustrant l’hégémonie des établissements américains, qui occupent 45 places du classe-ment, dont 7 des 10 premières. Cette domination serait due à la fuite des cerveaux vers l’Amérique depuis la Russie comme depuis l’Europe, estime Alexeï Fedorov, vice-président d’un fonds de sou-tien à la formation. Le recteur de MGU, Victor Sadovnichii, a quant à lui salué la reconnaissance que les « professionnels de la sphère aca-démique mondiale » ont accordée à son université.

alors soumis à un contrôle spécial, selon la logique qu’un refus est souvent un aveu de consomma-tion. L’objectif de la mesure est de dépister au plus tôt d’éventuelles dépendances pour mieux les trai-ter. Les autorités sanitaires comp-tent aussi sur son effet dissuasif chez les jeunes. Et l’enjeu est ca-pital : la consommation de drogue concerne 5 millions de personnes en Russie, dont une sur cinq a en-tre 11 et 24 ans, et elle cause cha-que année 100 000 décès.

EN BREF

ARTEM ZAGORODNOVLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

La nouvelle « Loi sur la police », entrée en vigueur le 1er mars, prévoit une hausse des rémunérations pour enrayer la corruption et regagner la confiance de la population.

Sécurité Une nouvelle loi (et un nouveau nom) pour lutter contre la corruption

Le policier Mikhaïl Menchenin tente de maîtriser une retraitée âgée de 86 ans qui se débat. Avec son partenaire, il a été appelé par Ludmila, une assistante sociale que la vieille dame aurait agres-sée. « Elle est devenue complè-tement dingue », s’écrie Ludmi-la entre deux sanglots. Dans le véhicule de police, une fois le calme revenu, le brigadier Men-chenin se réjouit de ce que la vieille dame n’ait pas eu de canne. « Des instruments pareils peu-vent rendre les personnes dan-gereuses », affirme-t-il. Les agents Alexander Kuzminov, 23 ans, et

Menchenin, 25 ans, patrouillent dans un quartier du sud-ouest de Moscou. Ils parlent de leur travail comme d’un sacerdoce mais, en tant que membres de la milice (nom donné à la police par les autorités soviétiques pour la distinguer de la police du Tsar), ils appartiennent à une institu-tion que tous considèrent comme profondément corrompue. « J’aime mon boulot. Je fais le bien », assure Menchenin. « C’est dur psychologiquement, mais nous sommes récompensés. Le salaire n’est peut-être pas extra-ordinaire, mais on reçoit des pri-mes. En donnant le meilleur de soi-même, on peut s’en sortir ». Menchenin gagne 25 000 rou-bles par mois, soit environ 635 euros, une somme misérable pour un homme marié et père d’un garçon de deux ans dans l’une des villes les plus chères du monde.

Les salaires médiocres et le man-que d’avantages sociaux pous-sent la plupart des policiers à ac-cepter les pots-de-vin qu’on leur propose (ou que certains deman-dent), et la corruption a sérieu-sement entaché la réputation des forces de l’ordre. Les Russes sont amers envers leur police. En cause : les extorsions dont ils sont l’objet quand ils sont contrôlés pour des infractions mineures au code de la route. « Qu’est-ce que vous attendez de nous avec les salaires qu’on gagne ? », deman-de Alexeï, lieutenant de police sur un autre territoire. « Les bons policiers n’encaissent des pots-de-vin que pour des trucs mi-neurs. Vous savez, quelques rou-bles pris à un sans-papier, c’est juste histoire de joindre les deux bouts à la � n du mois ».Des réductions de personnel et des augmentations de salaire ont été annoncées tandis que le pro-jet de « Loi sur la police » était mis en ligne sur la Toile pour être soumis à une discussion publi-que. Pour gagner la con� ance de la population, Medvedev a pro-posé et obtenu la réintégration du nom de « police ».Le texte dé� nitif de la loi reprend aussi des suggestions émises par des internautes. La compétence d’un policier sera désormais li-mitée à son périmètre d’interven-tion, les personnes appréhendées auront droit à un appel télépho-nique gratuit après leur arresta-tion et pourront garder le silen-ce pour ne pas s’incriminer. Dans le même temps, les forces de l’or-dre voient certaines de leurs pré-rogatives élargies : elles peuvent désormais accéder aux comptes des entreprises dans des affaires d’évasion � scale et pénétrer chez des particuliers sans leur accord si les circonstances, terroristes ou autres, l’exigent. Medvedev a éga-lement proposé des augmenta-tions substantielles des rémuné-rations pour lutter contre la tentation des pots-de-vin. La loi est applicable depuis le 1er mars. Certains législateurs restent sceptiques tant en ce qui concerne son efficacité face à la corruption que son effet sur le mécontentement populaire à l’égard de la police. « À la place d’une nouvelle force de police, nous aurons la même milice avec un autre nom », a déclaré à La Russie d’Aujoud’hui Guennadi Goudkov, le vice-président du Comité de Sécurité à la Douma (la Chambre basse du Parlement) et membre de Juste Russie, un parti d’opposition. Goudkov a aussi accusé le parti Russie unie, pro-kremlin, de bloquer toute tentative de mettre la police en quelque sorte « sous tutelle » : « Nous avions proposé un contrô-le public plus conséquent via des organisations de terrain. Nos pro-positions ont été rejetées ».

Kuzminov et Menchenin considèrent leur travail comme un sacerdoce : témoin leur rémunération...

EN CHIFFRES

840euros : c’est le montant du sa-laire mensuel

qu’un lieutenant de la police russe devrait percevoir une fois la réfor-me totalement mise en œuvre.

10% des citadins russes seu-lement ont

confiance en la police, selon un sondage du centre Levada.

60% des citoyens russes se dé-clarent insa-

tisfaits du travail de la police, indi-que le même sondage.

''J’approuve vivement cette loi qui répond aux normes internationales.

Je me réjouis également du fait que le gouvernement russe […] ait pris en compte l’avis de la société civile lors de son élaboration ».

ELLE L’A DIT

Navi PillayLE HAUT COMMISSAIRE DE L’ONU AUX DROITS DE L’HOMME

Le diaporama surlarussiedaujourdhui.fr/11901.html

RIA NOVOSTI

LORI/LEGION MEDIA

REUTERS/VOSTOCK-PHOTO

RU

SLAN

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SHIN

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03LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FRCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Politique & Société

Natalia GevorkyanSPÉCIALEMENT POUR

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Je ne tombe pas souvent malade, mais si cela se produit, c’est direct à l’hôpital. À Moscou, j’ap-

pelle mes amis médecins. Mais à Paris, je n’en connais pas. Et voilà que la douleur, apparue brusquement, devient insoute-nable. Je compose le numéro des urgences. - Comment ça ? Vous allez conduire vous-même jusqu’à l’hôpital ?- Exact. Je prends ma bagnole. Donnez-moi juste l’adresse.L’homme au bout du � l mar-que une pause, espérant que je changerai d’avis. Il comptait envoyer une ambulance. Mais je souffre tellement que je veux me mettre en route immédia-tement, pour ne pas avoir à at-tendre une minute de plus. - Les femmes russes sont ca-pables de beaucoup plus enco-re - je ne pouvais pas trouver plus idiot comme explication. J’y étais en dix minutes, puis j’ai attendu trois heures, puis les médecins ont trimbalé mon pauvre corps d’appareil en ap-pareil, tentant de comprendre. Ils essayaient vraiment, mais en vain. Ils m’ont donné un sé-datif et m’ont renvoyée chez moi. La douleur se calmait, je retrouvais ma bonne humeur, en attendant avec anxiété la facture. Je n’en ai pas cru mes yeux ! La somme était insigni-� ante. Médecine socialiste, a rigolé un de mes amis. Mais le pire, c’est que mes mal-heurs surviennent toujours pen-dant les vacances. Une autre fois, j’ai senti tout à coup que j’allais mourir, là, tout de suite. Mon cœur tambourinait, mes

CES SACRÉS FRANÇAIS

Tandis que j’agonise...mains tremblaient, sueurs froi-des. Rassemblant mes dernières forces, je rampe jusqu’à la porte d’entrée. Mon concierge passait justement pour me poser une question. En me voyant, il a sorti son portable pour appeler les pompiers. J’ai protesté mais il était in� exible. Les pompiers sont arrivés au bout de quelques mi-nutes. Cinq magni� ques gaillards m’ont immédiatement mise sous oxygène, pris mon pouls, allon-gée sur le canapé et commencé à me poser toutes sortes de ques-tions. J’ai fait signe vers les chai-ses et fauteuils, mais ils m’ont expliqué qu’ils ne devaient pas s’asseoir en mission. Toutes mes tentatives d’offrir un café à mes sauveteurs sont restées sans suc-cès. Quand j’ai raconté que mon père était mort d’un infarctus, ils ont cessé de ré� échir et ont appelé les urgences. Cinq belles jeunes femmes ont débarqué cinq minutes plus tard. J’ai été bran-chée à un cardiographe, en même temps on mesurait ma tension, auscultait mes poumons, tenant la main sur mon pouls… Tandis que j’agonisais, j’observais ces cinq beaux mecs et ces cinq jo-lies filles. Un vrai plaisir. Ils échangeaient aussi des regards, sans oublier leur travail. Quelle belle compagnie, si seulement mon cœur ne menaçait pas de sortir de ma poitrine. Finalement, il s’agissait juste d’une crise de panique. Ils m’ont enroulée dans un plaid, m’ont fait boire une infusion, prendre des calmants et, quand mon pouls s’est normalisé, sont par-tis, tous ensemble. En ayant eu le temps, j’espère, d’échanger leurs numéros de téléphone.

Natalia Gevorkyan est corres-pondante à Paris du journal en ligne gazeta.ru.

François PerreaultSPÉCIALEMENT POUR

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

che, un homme alité est soigné par sa femme, qui prépare des montagnes de petits sandwichs au saucisson que le grabataire avale goulûment au rythme de leur fabrication.Quelques heures passent avant la tournée du médecin. « Tout va bien », assure ce dernier, quelques jours de repos, et les points de suture seront � xés, Jean-Pierre aura son congé. Les soins sont gratuits, mais si notre ami veut une chambre indivi-duelle, on peut s’arranger, fait le toubib avec un air entendu. L’in� rmière qui prend le relais s’inquiète : « Y a-t-il des pro-ches qui pourraient vous ap-porter de la nourriture » ? À la vue de l’horrible brouet tiède à base de beurre et de gruau offert par l’établissement, Jean-Pierre comprend la teneur de l’appréhension. Heureusement, la femme du voisin l’a pris en pitié, et le nourrit à grandes doses de saucisson.Petit joueur, notre ami n’a pas tenu longtemps à ce régime. In-quiet pour la qualité des soins, il a préféré se faire transférer dans une clinique privée « in-ternationale », grâce aux bons et loyaux services de son assu-rance. Pour mille euros par nuit, il a droit à une chambre indi-viduelle jaune pipi qui sent le camphre, et au même gruau – mais plus chaud. Quant aux soins, ce sont les mêmes, assu-rés par un docteur soi-disant polyglotte qui maîtrise le russe et l’ukrainien. Décidément, Jean-Pierre aurait dû faire con� ance à la médecine russe, et aux bonnes tisanes de la gen-tille grand-mère d’à côté.

C’est arrivé sournoise-ment, par une belle journée de printemps, quand la neige com-

mence à fondre et les glaçons coulent comme la sève. Jean-Pierre se baladait en sifflo-tant, lorsqu’un bruit sourd l’a fait s’immobiliser. Quelques secondes plus tard, notre ami gisait sur le trottoir ; un pain de glace d’une bonne taille avait glissé du toit, heurtant l’animal en pleine tronche. Rassurez-vous : il ne s’agit que d’une légère commotion cé-rébrale – l’ouverture sangui-nolente de huit centimètres n’a touché que le cuir cheve-lu.Rien de grave, mais le cama-rade a été bien secoué. En rou-vrant les yeux, il aperçoit un décor blafard dans les teintes de jaune pipi, et une forte odeur de camphre titille ses narines. Quelques grogne-ments, à sa gauche, lui font péniblement tourner la tête : une dizaine de person-nes sont alitées autour de lui dans une pièce défraîchie. Jean-Pierre doit se rendre à l’évidence : il a été hospitali-sé à la clinique numéro 1038, dans un quartier excentré de la capitale.Dans la chambre, c’est un peu le souk. Tous les patients ont visiblement des visiteurs, qui semblent installés comme s’ils y campaient pour la nuit. À droite, une jeune femme ma-lade est prise en charge par sa grand-mère, laquelle fait des décoctions étranges sur un réchaud de fortune. À gau-

CES SACRÉS RUSSES

L’hôpital ou la vertu

François Perreault est expatrié à Moscou depuis quatre ans.

ANNA NEMTSOVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Associées aux « veuves noires » après les attentats suicides à Moscou l’an dernier, les musulmanes russes subissent une énorme pression sociale.

Attentats Les veuves de rebelles indépendantistes souffrent d’être stigmatisées

dans la dentelle en publiant les photos de 22 « veuves noires », réelles ou potentielles, et des in-formations personnelles les concernant, comme leur lieu de résidence. La photo de Zaira y � gurait.« C’est scandaleux de m’avoir in-cluse dans cette liste ! », s’insur-ge la jeune femme. « Si j’avais voulu commettre un attentat ter-roriste, je ne vivrais pas au su de tous dans la capitale du Daghes-tan. Je n’aurais pas envoyé mon � ls à l’école ».Durant les dix dernières années, les services de sécurité russes ont eu tendance à cataloguer comme suspects terroristes tous les mu-sulmans fondamentalistes. Pour réprimer les violentes insurrec-tions, les forces de l’ordre utili-sent parfois des tactiques bruta-les régulièrement dénoncées par les défenseurs des droits de l’homme. « Votre maison est mise à feu, et vous « disparaissez » avec votre famille », raconte Tatiana Lokchina, de l’ONG Human Ri-ghts Watch à Moscou. « Ces mé-thodes brutales et l’absence de liberté d’opinion et de liberté de culte poussent les jeunes vers la clandestinité ».Lokchina explique que lorsque la police a communiqué au jour-nal la liste des dites « veuves noi-res », personne ne s’est soucié des droits de ces femmes, ni des conséquences qu’un tel étique-tage aurait sur leur vie. Ce n’était qu’une tactique destructrice de plus dans un sale con� it. En 2010, le Daghestan avait le

Zaira a récemment accouché d’un garçon. Mais hormis ses proches, les gens ne voient en elle qu’une tueuse potentielle et non une mère. La dernière fois qu’elle est allée faire des courses, raconte-t-elle, des gens l’ont montrée du doigt en lançant : « Voici venir la martyre ». La jeune femme avoue qu’elle préfère rester chez elle, plutôt que d’affronter les regards accusa-teurs des inconnus dans cette ré-gion largement musulmane de la Russie méridionale. Le cauchemar dans lequel est plongée Zaira a commencé au printemps 2010, quand deux fem-mes, également originaires du Daghestan, se sont fait exploser dans le métro de Moscou, tuant 40 personnes et en blessant plus de 100 autres.Leur principal point commun avec Zaira ? Elles sont toutes trois des « veuves noires ». Leurs époux ont été tués en combat-tant les forces russes dans le Cau-case du Nord. Parmi les kami-kazes qui ont attaqué Moscou ces dernières années, � gurent nom-bre de ces « veuves noires », ainsi que les médias russes les ont bap-tisées. Après l’attaque du métro, le quotidien populaire Komso-molskaya Pravda n’a pas fait

triste privilège de compter le plus grand nombre de victimes d’ac-tes terroristes : 68 personnes tuées et 195 blessées dans 112 attentats, dont cinq commis par des kamikazes. L’organisation Human Rights Watch y a enre-gistré 20 enlèvements et huit as-sassinats de fondamentalistes musulmans par la police, au deuxième semestre 2010.

Guennady Goudkov, le président du Comité de la sécurité de la Douma, estime que les législa-teurs ont besoin de nouveaux pouvoirs politiques pour super-viser la lutte anti-terroriste des services de sécurité. « Nous, les députés, n’avons pas le droit d’en-quêter sur le travail du Comité, leurs méthodes sont classées ‘top secret’ », regrette-t-il.

En 2010, le Daghestan détenait le triste record des attentats terroristes : 68 personnes ont été tuées et 195 blessées dans 112 attaques.

Suffit-il de résoudre les problèmes économiques pour mettre fin au terrorisme dans le Caucase ?Personne ne peut gagner cette guerre tant qu’elle sévit au Moyen-Orient. Le terrorisme auquel nous avons affaire n’est pas un phéno-mène russe, mais une menace inter-nationale. Les terroristes caucasiens sont soutenus par les pays en guer-re du Moyen-Orient. Quelles sont vos priorités ?La lutte antiterroriste. Nous conti-nuerons à détruire les nids de la guérilla, les personnes et les organi-sations qui les financent. Notre troi-

sième but est de combattre la cor-ruption, évidemment. Enfin, c’est essentiel pour progresser, nous al-lons créer des emplois. De l’emploi dans quels secteurs ? Nous allons créer 200 000 postes dans le tourisme, la construction, l’agriculture et l’énergie. En ce mo-ment, nous élaborons des projets d’investissements agricoles impor-tants qui nous permettront d’ache-ter les produits des fermiers indé-pendants et de les raffiner. Pour soutenir le développement de nos domaines stratégiques, nous allons créer des centres logistiques, des parcs industriels. Quelle est votre date butoir ?Nous projetons de créer 400 000 emplois d’ici à 2025. Je sais que ça paraît ambitieux, mais nous som-mes déterminés à faire de notre mieux et à y parvenir. 30% des in-vestissements viendront du privé, contre 70% de l’ État.

ENTRETIEN AVEC L’ENVOYÉ DU KREMLIN

Comment sauver le Caucase ?Alexandre Khloponine, le représen-tant du gou-vernement fédéral dans le Caucase du Nord.

VERONIKA DORMANSPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le dernier président de l’URSS profite de l’attention médiatique pour envoyer des piques à ses successeurs.

Retour sous les projecteurs Anniversaire À 80 ans, Gorbatchev reste politiquement engagé

enfance et de son passé de kom-somol (jeunesse communiste). « Les droits de l’homme en Rus-sie ? Il y a des droits, mais il y a des problèmes. C’est un indica-teur de l’état de notre démocra-tie. Nous n’avons parcouru que

Mikhaïl Gorbatchev, toujours mal aimé de ses compatriotes, ne fait plus la une des journaux depuis des années, alors qu’il fut jadis l’« Homme de la décennie » et de toutes les couvertures de maga-zine du monde pour avoir fait s’enrayer la machine totalitaire soviétique. Mais voilà qu’à la veille de son 80e anniversaire, les jour-nalistes se sont souvenus de lui. Ils brûlaient de lui poser des ques-tions d’actualité, alors que l’an-cien secrétaire général avait choi-si en préambule de parler de son

Gorbatchev persiste à lancer des piques contre le pouvoir actuel.

la moitié du chemin. Nous avons tout : un parlement, des tribu-naux, un président, un premier ministre. Mais ce sont des imita-tions. Pas de travail efficace ».Abandonné sur le bord de la route dans un pays qu’il a largement

contribué à libérer, Mikhaïl Gor-batchev critique sévèrement le tandem dirigeant et son parti. « Au parlement, le parti Russie unie s’est emparé du pouvoir. Mais le monopole empêche les proces-sus démocratiques de se dévelop-per. Russie unie me rappelle une mauvaise copie du PCUS ». Quid des élections de 2012 ? « Je n’aime pas ce qu’ils font. Ce n’est pas l’affaire de Poutine, mais celle de la nation et des électeurs. Ce sont eux qui décideront. C’est manquer de modestie que de ré-pondre comme Poutine : ‘‘ Nous déciderons tout avec Dmitri Med-vedev ’’ Quelle incroyable suffi-sance ! ». Pour ce qui est de Lé-nine, dont la dépouille embaumée, exposée au Mausolée, est l’un des derniers grands symboles de l’épo-que soviétique, Gorbatchev est ca-tégorique. « Il faut l’inhumer. C’était son désir, il est temps de faire ses adieux à ce grand homme. Mais pas maintenant. Cela ne fe-rait que diviser le pays ».

Marquées au fer rouge du soupçon terroriste

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04 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FRCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Économie

Il faut sept ans pour qu’un esturgeon arrive à maturité et ponde les œufs si recherchés.

PAROLE À L’EXPERT

La solution de l’élevage

Mettre fin à la contrebande du ca-viar est très difficile car la pra-tique s’appuie sur une situation économique très problématique. Au Daghestan et en Kalmoukie (les deux principales régions tou-chées par la contrebande), le taux de chômage est très élevé et la pêche est l’une des ressources principales de la population. Les braconniers vivent chichement, mais peuvent au moins faire vi-vre leur famille et ils n’ont souvent pas d’autre choix s’ils ne veulent pas se retrouver au chômage.

Alexeï Vaïsman EXPERT

DE WWF RUSSIE

Favoriser l’élevage d’esturgeons est une solution envisageable, permettant de faire un pas vers la restauration de la population d’es-turgeons en conditions naturelles. Dans le commerce, on remplace le caviar issu du braconnage par du caviar d’élevage, et plus les ex-ploitations sont grandes, moins les prix sont élevés, rendant le bra-connage moins lucratif. Mais existe aussi le risque, en cas d’inonda-tions par exemple, que les alevins accidentellement libérés menacent les populations naturelles. Les éle-vages utilisent en effet des formes hybrides qui, si elles se mélangent aux esturgeons sauvages, peuvent détruire les génotypes des varié-tés indigènes.

tonnes de caviar noir étaient produites par an en 2007. Mais seulement 15 tonnes l’étaient de manière officielle, tout le reste étant de la contrebande.

Un milliard de dollars, c’est ce que représentaient chaque an-née les revenus illicites générés par la vente de caviar noir pro-duit en Russie.

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CHIFFRES CLÉS

Des « pépites » de caviar noir.

Le discret retour du caviar noir sur les tables

ble de la marchandise con� squée pouvait être écoulé légalement aux prix de revente au détail. Cette lacune a été refermée en 2007 : le gouvernement a ordon-né la destruction de l’intégralité du caviar con� squé aux bracon-niers. En 2009, la pêche à l’es-turgeon en mer Caspienne a été décrétée hors la loi. Résultat : la vente de caviar de contrebande a chuté. L’élevage a progressive-ment pris la relève du bracon-nage et la forte croissance de la demande a conduit à la multi-plication des fermes piscicoles. Le caviar issu du braconnage bé-né� cie d’une « protection » de la part des autorités locales, affir-me Alexeï Vaïsman de World Wide Fund Russie. Même en comptant les pots-de-vin versés aux fonctionnaires, le coût de production d’un kilo de caviar noir de la Caspienne, selon Roman Andreïev, reste en des-sous de 35 euros, alors que sur les marchés il en coûte au moins 1 100. L’expert estime que la pro-duction des fermes piscicoles russes, qui avoisinait 2,6 tonnes de caviar noir, aurait aujourd’hui triplé pour se situer entre 6 et 7 tonnes. Dorénavant, Rosrybolovstvo (l’Agence fédérale pour la pêche

En 2010, la Russie avait déjà autorisé la reprise des exporta-tions de caviar noir vers les États-Unis, avant de lever en fé-virer dernier l’interdiction qui frappait celles vers l’Europe de-puis neuf ans. Mais seule la vente du caviar provenant de fermes piscicoles, dont le nombre est en constante augmentation, est aujourd’hui légale en Russie. Ces établissements n’étant pas en mesure de répondre intégrale-ment à la demande, la différen-ce est comblée par la contreban-de d’esturgeon sauvage, même si ce dernier est de plus en plus rare dans les rayons. Il n’y a pas si longtemps, la Russie produi-sait officiellement près de 15 ton-nes de caviar noir par an, mais en réalité, elle en vendait jusqu’à 300 tonnes, a indiqué à La Rus-sie d’Aujourd’hui l’expert Roman Andreïev. Les revenus illicites de la vente de ce caviar étaient es-timés à environ 730 000 euros. En 2002, la Russie avait mis � n aux exportations de caviar noir, avant d’étendre cette interdic-tion un an plus tard à la pêche à l’esturgeon. Mais le principal débouché commercial du bra-connage restait ouvert : l’ensem-

de la Fédération de Russie) est autorisée à exporter vers l’Eu-rope 150 kilos de caviar noir par an. Un niveau dérisoire quand on sait que l’Union soviétique en fournissait jusqu’à 1 500 ton-nes aux pays européens. Moscou mise sur l’élevage d’esturgeons pour reconquérir ses positions perdues. Le prix est une arme : le caviar issu de l’aquaculture russe vaut 730 euros le kilo, en-viron un tiers de celui de la va-riété européenne. Même la Chine ne peut s’aligner.Le problème, explique le restau-rateur et traiteur Arkady No-vikov (Russia Caviar House), c’est que la Russie n’a pas encore signé le document européen réglemen-tant les produits de l’aquacul-ture : « Faute de cela, pas une seule compagnie russe ne peut fournir de caviar en Europe ». La signature et la conformité aux normes européennes seraient la suite logique à la levée de l’in-terdiction des exportations.

SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

ARTEM ZAGORODNOVLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Les Cohon père et fils ont lancé McDonald’s et Coca-Cola en Russie. Aujourd’hui, le duo monte une entreprise de spectacles à grande échelle.

Portrait L’importateur de McDonald’s en Russie se tourne vers le spectacle vivant

En 1976, George Cohon, un Amé-ricain président de McDonald’s au Canada, croise une déléga-tion soviétique lors des JO de Montréal. La rencontre inédite va avoir pour conséquence l’in-troduction des frites en URSS.

lement : « occasionnellement nous exportons des gâteaux vers l’Allemagne ». Son � ls Craig était cadre supé-rieur chez Coca-Cola lorsque la marque a pénétré les nouveaux marchés d’Europe de l’Est, dans les années 1990. Père et � ls ont récemment choisi de se tourner vers le divertissement à grande échelle. Leur dernier projet, le spectacle Zarkana du Cirque du Soleil, dont la production a coûté 41 millions d’euros, est une créa-tion des plus ambitieuses : « il

Après 14 ans de lutte pour introduire le fast-food, George Cohon avait ouvert une brèche dans le mur soviétique.

Même si Cohon n’avait pas prévu qu’il lui faudrait cajoler pendant 14 ans la sinistre bureaucratie communiste pour ouvrir son pre-mier restaurant. Lors de l’inau-guration du premier « McDo » à Moscou, sur la place Pouchki-ne en 1990, plus de 30 000 per-sonnes sont venues se jeter sur le sandwich « capitaliste ».Aujourd’hui, l’importateur gère 280 restaurants et 25 000 em-ployés dans toute la Russie. Il note fièrement que 80% de la marchandise est produite loca-

nous a fallu 14 ans pour impor-ter McDonald’s en Russie, qua-tre pour organiser la distribu-tion et la production de Coca-Cola et seulement huit mois pour lancer le Cirque du Soleil », explique George Cohon. « Je crois que c’est un bon baromètre de la facilité de faire des affaires ici ». Aujourd’hui, s’entend.Craig Cohon ajoute que la clé du succès en Russie est un tri-dent : un engagement sur le long terme pour de réels retours, l’en-tretien de relations personnelles, et une gestion locale, de proxi-mité. « C’est un marché de la poi-gnée de main », dit-il.Les Cohon affirment qu’on ne leur a jamais extorqué de pot-de-vin, pratique dont se plai-gnent les hommes d’affaires rus-ses comme étrangers. « Peut-être parce que nous n’avons pas dé-rogé à nos principes essentiels depuis le début », explique Craig. « Nous sommes ici pour le long terme, nous construisons des re-lations, nous embauchons des lo-caux, et nous aidons au déve-loppement d’autres secteurs, comme l’agriculture ». Dmitri Boutrine, qui dirige la ru-brique économique du quotidien Kommersant, con� rme : « Mc-Donald’s est une franchise qui vend un modèle � nancier et lo-gistique en Russie. Elle vend aussi une marque, installée en Russie depuis longtemps. C’est pourquoi ses responsables ne se heurtent pas à la corruption ».

INNA EROKHINA, ALEXANDRE MALAKHOVKOMMERSANT

Un accord inattendu a été signé le 3 mars par les quatre grands opérateurs de téléphonie mobile russes pour la création et l’usa-ge conjoints d’une infrastructure de quatrième génération.

Tous sur la même longueur d’onde

Télécoms Les rivaux s’unissent pour le 4G

vices Internet jusqu’en 2014. Skartel a été créé en 2007 et son principal actionnaire est l’entre-preneur Sergueï Adoniev, avec 74,9% du capital. Yota compte 700 000 abonnés à Moscou, Saint-Pétersbourg, Oufa, Sotchi et Krasnodar.Les opérateurs pourront utiliser l’infrastructure de Skartel, tan-dis que cette dernière investira dans la construction du réseau. La concurrence entre les opéra-teurs passe de la lutte pour la fréquence et l’infrastructure à une entente sur la politique ta-rifaire, le service et l’innovation, selon le PDG de Skartel, Denis Sverdlov. Ce dernier estime aussi que la construction d’une infras-tructure commune permettra d’améliorer le rendement des in-vestissements pour la mise en place des réseaux 4G et de ré-duire substantiellement les frais de fonctionnement. La construc-tion du réseau fédéral 4G se chif-frera autour de 1,43 milliards d’euros. Un montant compara-ble aux dépenses de MTS et de Vimpelcom pour la mise en place du réseau 3G. Megafon, en re-vanche, y avait englouti 4 mil-liards d’euros. Qui fera le plus d’économies cette fois-ci ?

MTS, Megafon, Vimpelcom et Rostelecom étaient jusqu’ici à couteaux tirés et chacun conce-vait dans son coin ses stratégies pour créer son réseau 4G. Et voilà que, sans crier gare, ils annon-cent le 3 mars, à l’issue d’une si-gnature supervisée par le pre-mier ministre Vladimir Poutine, un accord sans précédent de coo-pération ! Un opérateur unique, Skartel (marque Yota, spéciali-sée dans la fourniture d’accès In-ternet sans � l), réalisera l’infras-tructure du réseau 4G et louera ses capacités aux quatre opéra-teurs déjà cités. Ces derniers ont en outre une option pour deve-nir copropriétaires de Skartel (à hauteur de 20% chacun) d’ici à 2014. Les 20% d’actions restan-tes seront conservés par Rostekh-nologuii, la holding russe des hautes technologies (qui détient actuellement 25,1% de Skartel). Yota continuera d’offrir ses ser-

Big Mac ouvre la voie au Cirque du Soleil

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05LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FRCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Économie

EN BREF

Le Président Medvedev a dé-cidé d’asseoir 19 grands noms internationaux de la � nance sur les 27 membres du comité des conseillers chargés de faire de Moscou un Centre � nancier in-ternational. L’agence Bloom-berg rapporte que plusieurs cé-lébrités de Wall Street comme Jamie Dimon (J.P. Morgan Chase), Vikram Pandit (Citi-group) et Lloyd Blankfein (Goldman Sachs) dispenseront leurs bons conseils au président russe. Ce dernier a fait de la création du Centre � nancier in-ternational l’un de ses princi-paux objectifs. Parmi les Rus-ses désignés figure le très in� uent Alexandre Volochine, directeur du « Comité pour le développement des marchés � -nanciers », ainsi que les patrons de grands établissements rus-ses comme Sberbank, Vnech-TorgBank et Troika Dialog.

Finance : appel à 19 conseillers étrangers

AFFAIRESÀ SUIVREFORUM ENERGÉTIQUE INTERNATIONAL DE MOSCOUDU 6 AU 9 AVRIL, CEH “ MANÈGE”, MOSCOU

Ce forum réunit les principaux acteurs du secteur énergétique pour des débats portant sur des problématiques mondiales ou spécifiques à la Russie. Parmi les thèmes abordés : la moder-nisation de l’industrie gazière et pétrolière russe et la sécurité énergétique mondiale. À décou-vrir également : les nouveaux projets d’entreprises russes et internationales dans le cadre de l’exposition « Le secteur de l’énergie au XXIe siècle ».

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TOUS LES DÉTAILS SUR NOTRE SITELARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

Où en sont les projets spatiaux habités 50 ans après le vol historique de Gagarine ?

RIA NOVOSTI

[email protected] larussiedaujourdhui.fr/lettres

Le tableau de bord de la nouvelle alliance

Skolkovo alliera le confort citadin à un mode de vie écologique.

PAUL DUVERNETLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le second producteur gazier russe s’ouvre enfin à une prise de participation de 12% de la part du géant pétrolier.

Total dans le capital de NovatekInvestissements Le groupe énergétique français place ses pions en Russie

Poutine. Au terme de leur entre-vue, le groupe français a annon-cé un investissement de 2,9 mil-lions d’euros pour l’acquisition de 12% de Novatek, assorti d’une option pour monter jusqu’à 19,40% du capital d’ici à trois ans. Il précise avoir payé le prix correspondant à la valorisation du titre Novatek en bourse russe. Selon la banque d’investissement UralSib, Total aurait bene� cié

Le PDG de Total, Christophe de Margerie, s’est rendu le 2 mars à Moscou pour rencontrer le pré-sident russe Dmitri Medvedev et son premier ministre Vladimir

d’un rabais 16% par rapport au cours actuel, un prix toutefois supérieur de 20% à la valeur réelle de l’acquisition, selon l’es-timation de la banque. Quels sont les actionnaires de Novatek qui vendent leurs parts à Total ? La question reste ouver-te. Le quotidien Vedomosti su-bodore que le groupe français va prendre petit à petit la place de Gazprom, tandis que d’autres

médias annoncent que Guenna-di Timtchenko et Leonid Mikhel-son, qui détiennent à eux deux 50,7% de Novatek, vont réduire progressivement leur part. Une chose est sûre : le désir de Total d’étendre ses activités en Russie est assez fort pour sur-monter ses revers. Le groupe français avait en 2004 trouvé un accord avec les actionnaires de Novatek pour une prise de par-

ticipation. Las, le service anti- monopole avait bloqué la tran-saction. L’ironie a voulu que ce soit le monopole gazier russe Ga-zprom qui prenne la part de No-vatek que Total convoitait. Christophe de Margerie justi� e l’acquisition par les événements du Moyen-Orient qui « ont en-voyé un signal à tous les inves-tisseurs que la Russie était sûre ». Total s’engage sur un immense projet, celui de Yamal GNL lancé par Novatek pour l’exploitation de 15 millions de tonnes par an de gaz liqué� é, projet estimé à 30 milliards de dollars.

MARIA TCHOBANOVLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

La société AREP a remporté le concours ouvert pour imaginer la cité des sciences de Skolkovo, un projet cher au Kremlin.

Une technopole aux lignes françaisesSciences L’aménagement urbain de la future Silicon Valley russe sera conçu par une filiale de la SNCF

d’entente avec les français Als-tom et EADS, premiers partici-pants d’envergure et dans le même temps créateurs de la fu-ture cité des sciences russe. La technopole de Skolkovo, selon la conception qu’en propose AREP, sera composée de petits quartiers piétonniers à l’intérieur de chacun des cinq pôles-villa-ges spécialisés. Le montant du contrat conclu entre AREP et le fonds Skolk-ovo atteint près de 3 millions d’euros, qui doivent être utilisés d’ici un an. Pour AREP, laboratoire de re-cherche sur les espaces de la ville en mouvement, ce n’est pas la

« Aujourd’hui, nous plaçons notre futur entre les mains de la pensée architecturale française. Il lui incombe l’immense respon-sabilité de concevoir une ville qui aura une grande importance dans l’histoire de la Russie », a déclaré le PDG du fonds Skolk-ovo Viktor Vekselberg le 2 mars à Paris lors de la présentation du projet. Le même jour, Skol-kovo a signé un mémorandum

première expérience du genre. L’AREP procède à l’aménage-ment du territoire du centre d’in-novation de Saclay près de Paris. En Russie, cette filiale de la SNCF est présente depuis déjà trois ans. Elle avait été chargée du réaménagement de plusieurs gares moscovites.« Nous avons été séduits par l’ob-jectif � xé, explique Jean-Marie Duthilleul, le PDG d’AREP. Créer un lieu idéal, conjuguant en son sein toutes les fonctions de la ville, où simultanément des gens vivent, travaillent, font de la science, étudient et se rencon-trent. Le mot clé à nos yeux, c’est la rencontre ».

Vladimir Poutine vous a proposé de monter jusqu’à 50% du capi-tal d’AvtoVaz. Où en sont les né-gociations ? Elles se poursuivent. Il y a encore eu une séance la semaine derniè-re. Nous discutons du planning et du prix. Beaucoup de choses ne sont pas � xées sur les 25% qui nous manquent. Pour l’alliance Renault Nissan, ce qui n’est pas � xé, c’est le pourcentage qui sera acquis par Renault et celui qui reviendra à Nissan. Il est possible que la mon-tée au capital d’AvtoVaz se dérou-le en plusieurs étapes.Est-ce que vous pensez un jour passer la barre des 10% du mar-ché russe ?

Il faut être réaliste. À trois, nous avons pour objectif de faire 40% dans notre plan pour 2016. L’an dernier, nous avons fait entre 36 et 37%. Dans les 40%, Renault représentera 8% à la � n du plan. AvtoVaz doit incontestablement rester le leader de notre allian-ce sur le marché russe. Pour at-teindre cet objectif, nous devons augmenter nos capacités de pro-duction. À terme, il nous faut 1,6 million de véhicules par an pour l’alliance. Nous ne les avons pas. Nous en sommes ac-tuellement entre 1,1 et 1,3 mil-lion.Quels seront les premiers modè-les de l’alliance à sortir de l’usine d’AvtoVaz à Toliatti ?Nous allons démarrer la nouvel-le ligne de production sur la pla-teforme Logan comme prévu en février- mars 2012. Les premiers sortiront sous la marque Lada. Il s’agira d’un break et d’un dé-rivé fourgonnette de ce break. Puis il y aura une première mon-

diale : un véhicule de Nissan sur plateforme Logan. En� n, on aura des véhicules de marque Renault, mais pas avant 2013.Quelles sont les principales diffi-cultés auxquelles vous vous heur-tez avec vos partenaires russes ?Axe très important : l’améliora-tion des pièces venant des four-nisseurs. Nous avons mis en place une équipe mixte Renault/

ENTRETIEN BRUNO ANCELIN

« AvtoVaz doit rester « leader » en Russie »

EMMANUEL GRYNSZPANLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Directeur général de Renault Russie depuis octobre 2010, Bruno Ancelin nous livre sa vision de la triple alliance Renault-Nissan-AvtoVaz et affiche des ambitions réalistes.

LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DE RENAULT RUSSIE

ÉVOQUE L’AVENIR DU PARTENARIAT

AvtoVaz qui intervient chez les fournisseurs russes pour amélio-rer la qualité. C’est un effort qui est fait dans l’ensemble de l’usi-ne et pas seulement sur la nou-velle ligne et la plateforme Logan. Nous ciblons tous les fournisseurs qui interviennent chez AvtoVaz. On entend souvent les pires choses sur les fournis-seurs russes, mais je peux vous

dire que nous sommes très con� ants parce que la culture technique chez ces fournisseurs est impressionnante.Quel est le taux de localisation à présent ?Sur les Logan et Sandero, nous sommes au dessus de 53% hors mécanique. Notre objectif est l’intégration de 75% d’ici 3 à 4 ans.

La Russie a exporté pour 8,6 milliards de dollars d’arme-ments en 2010, a indiqué le mo-nopole d’État RosOboron-Export. La Chine reste le principal client de Moscou : 10% des exportations russes. La Russie bat un nouveau re-cord, dépasant de peu son chif-fre de 2009 (8,5 milliards de dol-lars). Le résultat est cependant loin de la barre des 10 milliards de dollars que RosOboron-Export voulait franchir en 2010. Au total, le carnet de comman-de du monopole d’État s’élève à 40 milliards de dollars, mais certains contrats restent en sus-pens.

Ventes d’armes : nouveau recordPARTS DE MARCHÉ DES MARQUES DE

L’ALLIANCE EN 2011

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06 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.frcommuniqué de rossiYsKaYa GaZeTadisTribué aVec le fiGaro opinions

LE RÉGIME DEVRAIT DIRE MERCI À SES OPPOSANTS

maximTrudoliubov

Vedomosti

Ces derniers temps, les di-rigeants chinois sont pas-sés en mode de gestion de crise : renforcement de

la censure sur Internet, intercep-tion des informations provenant du monde arabe, retrait de la vidéo de Hu Jintao chantant la chanson traditionnelle chinoise « Le jasmin », et vagues d’arres-tations préventives, dont celles de quelques blogueurs chinois po-pulaires. Le roi Abdallah d’Ara-bie saoudite, depuis plusieurs mois en convalescence à l’étran-ger, a regagné son royaume et an-noncé 36 milliards d’aides socia-les pour apaiser les tensions. Le peuple devrait bénéficier de plus de prestations sociales, d’une aug-mentation des allocations chô-mage, ainsi que de subventions à l’éducation et au logement.En Russie, évoquant les révoltes dans le monde arabe, le Prési-dent Dmitri Medvedev a décla-ré qu’ « on nous avait déjà concocté un tel scénario », et que « désormais, plus que jamais, ils essaieront de le mettre en œuvre ». Qui sont « ils » ? Qu’avaient-ils préparé et que vont-ils de nouveau essayer ?La peur est mauvaise conseillè-re. Qu’il s’agisse de la Chine, de l’Arabie saoudite ou de la Rus-sie, les forces au pouvoir n’ont aucune raison apparente de s’in-quiéter. « Il est frappant de voir que le gouvernement chinois, si riche et autoritaire, et qui connaît un succès économique fulgurant, s’abandonne si facilement à la peur », écrit Fei-Ling Wang, pro-fesseur en affaires internationa-les au Georgia Institute of Tech-nology (USA). Un tel comportement peut pa-raître suspect : les dirigeants en savent-ils plus que nous ? La si-tuation est-elle pire qu’il ne sem-ble ? Les politiques traitent les révolutions de manière hystéri-que. C’est le principe du « tout ou rien », c’est « eux ou nous ». Pourtant, il serait bien plus pro-ductif de se pencher sur les ac-tions à engager pour changer la donne. Ainsi, on verrait qu’il n’est nul besoin d’une nouvelle répar-tition des rôles et des pouvoirs, mais en revanche d’institutions et de valeurs nouvelles.

conduit à de profonds change-ments et à la création d’un nou-veau pays. Un processus loin de ce que nous avons vécu en 1917, ou de ce que connaît l’ Égypte en ce moment. L’interdiction du jasmin en Chine et la dispersion des manifestants en Russie sont une mauvaise ré-ponse politique qui tend à radi-caliser l’opposition. Il faut pro-mouvoir les réseaux sociaux, autoriser le jasmin et le porter à la boutonnière. Il faut permet-tre à l’opposition de se dévelop-per, afin qu’elle devienne une force capable d’œuver pour l’ave-nir de son pays. Dmitri Medve-dev et Vladimir Poutine devraient considérer leurs opposants avec gratitude et espoir. Les manifes-tants devraient avoir accès à tous les grands lieux de rassemble-ment, car ils incarnent l’aspira-tion à un avenir meilleur, à une révolution par la négociation, sans mauvaise surprise.

Contrairement à la Chine et à l’Arabie saoudite, l’époque sovié-tique en Russie a représenté une expérience unique en son genre, accompagnée d’une modernisa-tion partielle, notamment du monde agricole. Nous sommes devenus une société urbanisée, avec un secteur industriel fort, une éducation et des valeurs ca-ractéristiques des pays dévelop-pés. Mais la modernisation était délibérément partielle. Restent les objectifs clés non réalisés : la construction d’un État moderne, l’allégement de la bureaucratie, le passage d’une « gouvernance par la loi » à la prééminence du droit, l’établissement d’une vé-ritable représentativité. Autant

de tâches faisant appel à la créa-tivité et dont l’exécution repose sur des hommes politiques irré-prochables pouvant se prévaloir d’expériences positives, notam-ment à l’étranger. Il faut du sang neuf pour renouveler cette ins-titution archaïque qui a pour rai-son d’être le bien de ses fonc-tionnaires et que l’on appelle « État ».La société russe est prête à se battre pour les valeurs nouvel-les qu’elle revendique. Mais il est tout à fait réaliste de penser que cette lutte se fera en douceur. D’ailleurs, les révolutions les plus réussies de l’histoire mondiale sont les « révolutions par la né-gociation », comme la restaura-tion de Meiji au Japon, les ac-cords passés entre les travailleurs et les syndicats en Suède, la tran-sition démocratique espagnole, la chute de l’apartheid en Afri-que du Sud. Révolutions de par leurs conséquences, ces muta-tions sont le fruit de négocia-tions, non d’une explosion vio-lente. Chacune a progressivement

Maxim Trudoliubov est édito-rialiste de « Vedomosti ».

Les révolutions les plus réussies de l’histoire mondiale sont les « révolutions par la négociation »

GORbATChEV, L’INCOMPRIS

Pavel PalajchenkospéCiaLement pour

La russie d’aujourd’hui

leonidradzikhovski

rossiyskaya Gazeta

Le monde entier apprécie Gorbatchev mais en Rus-sie, l’homme de la peres-troïka reste profondément

sous-estimé. Loin d’en vouloir aux gens, l’intéressé explique qu’on peut les comprendre : la transition vers la démocratie s’est avérée une épreuve pénible pour des millions de citoyens russes. Le dernier secrétaire général de l’URSS ne nie pas non plus sa part de responsabilité. Quand il est arrivé au pouvoir, tout le monde voulait des chan-gements, sans réellement savoir de quelle sorte. Les Russes espé-raient un « tsar bienveillant ». Toute action énergique du nou-veau dirigeant, quelle qu’elle fût, était perçue comme un début de transformation. On ne peut pas dire que Gorbat-chev n’ait pas eu le choix. À l’époque, au Parti, l’idéologie en vogue consistait en un alliage de nationalisme russe et de géopo-litique impérialiste. Le choix lo-gique aurait été un durcissement conduisant à un régime « à la Ceausescu ». Mais Gorbatchev, avec l’accord d’un politburo conservateur, a fait un choix aux antipodes. Il voulait que la pe-restroïka, introduite par le haut, éveille un soutien à la base, non pas sous la forme d’une accep-tation passive mais par suite d’une émancipation de l’esprit d’initiative de millions de ci-toyens. Au début, il a cherché à réaliser ce projet dans le cadre du système existant, mais rapi-dement, il a opté pour la démo-cratie. Cette idée aussi, il est par-venu à la faire accepter par le politburo, qui avait déjà un peu évolué sans être toutefois prêt aux changements radicaux qu’impliquait une telle réforme. Personne d’ailleurs n’y était prêt. En obtenant de plus en plus de liberté, les citoyens continuaient à compter non sur eux-mêmes mais sur un miracle et un diri-geant énergique. C’est ce qui ex-plique la popularité de Boris Elt-sine. Profitant de la zizanie provoquée par les réformes, les dirigeants des républiques ont signé en hâte la dissolution de l’Union Soviétique alors qu’aucu-ne des républiques n’avait eu le temps de former des institutions démocratiques, une société civi-

le ou une économie de marché. Vingt ans plus tard, la désagré-gation de l’URSS n’a pas accé-léré mais freiné le développement de ces institutions. Pour les ex-républiques satellites de Moscou, l’effondrement soviétique a été remplacé par un réveil national. Rien de tel en Russie, où la chute de l’URSS est ressentie comme une défaite. Le coupable est tout désigné : Gorbatchev. Dans le même temps, les gens jouissent aujourd’hui des droits et libertés obtenus pen-dant la perestroïka. Les libertés d’entreprendre et de quitter le territoire, de culte, de parole et de rassemblement sont perçues comme allant de soi. On peut s’indigner, comme l’a fait Solje-nitsyne, de ce que « tout a été détruit par la glasnost de Gor-batchev ». Soljenitsyne n’est pas le seul à ignorer la contradiction entre les exigences immédiates du début des années 1990 et les reproches

qui se sont abattus sur Gorbat-chev après qu’il a quitté le pou-voir. Et ce départ qui a épargné au pays des bouleversements tra-giques est sous-estimé par le peu-ple et par l’élite, pour qui les grandes figures sont Ivan le Ter-rible, Pierre le Grand et Staline ; non Alexandre II, qui a libéré les serfs. Il ne convient pas d’accu-ser le peuple. L’histoire nous a faits tels que nous sommes. La mentalité et les particularités na-tionales ne changent pas du jour au lendemain. Il faut en être conscient. Le décalage entre l’ap-préciation de Gorbatchev en Russie et en Occident est un pro-blème, indéniablement. Ce n’est pas un problème Gorbatchev, mais un problème russe. Un rap-prochement des points de vue avec le reste du monde serait un grand pas vers l’intégration de la Russie dans la communauté mondiale. La Russie a besoin d’une nouvelle étape sur la route de la vraie démocratie.

Pavel Palajchenko est l’inter-prète personnel de Gorbatchev.

pour le peuple, les grandes figures sont ivan le terrible, pierre le Grand et staline, non alexandre ii

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PLACE Aux bOuRGEOIStion de culpabilité aux « natio-nalités suspectes », c’est à dire aux ressortissants du Caucase. C’est également vrai. On abou-tit ainsi à « l’égalité nationale » dans la pratique, par le biais de deux inégalités, celle des popu-lations « privilégiées » et celle des populations « collectivement coupables » qui, d’ailleurs, sont souvent une même nation ! Au final, les Russes, les Caucasiens et les autres ethnies se sentent (à juste titre) tous offensés, et la hargne commune se déverse sur la police puis, par conséquent, sur eux-mêmes. Cependant, en évitant de chercher à exacerber une hystérie à deux sous, on peut dire que les citoyens de Russie sont des gens « normaux » que la question nationale n’a nulle-ment obsédés. Rares sont ceux qui, à part les militants du droit national, prétendent que « l’iné-galité nationale » empoisonne leur existence. Il y a d’autres iné-galités bien plus criantes dans la vie de tous les jours.

Quelle est donc l’identité nationa-le de la « nouvelle Russie » ?La question, finalement, consiste à savoir ce que l’État peut et doit fournir aux Russes. Nombreux sont ceux qui rêvent de privilèges pour les Russes ethniques par rapport aux « non-Russes », ci-toyens de la Fédération de seconde zone. Il en résulte que la « nation russe » se forge dans la guerre avec les autres ethnies. Et les membres de ces dernières se définissent donc comme « non-Russes » ou « anti-Russes ». Cercle vicieux garanti. Quel que soit le côté qui a « tiré le premier », personne ne pourra met-tre fin à l’engrenage. C’est le meilleur moyen d’arriver à l’autodestruction de l’ethnie russe.Le multiculturalisme est la seule voie possible. Que peut alors faire l’État pour former une nation russe bourgeoise ? Quelle idée unifica-trice proposer ? La Russie doit de-venir un pays aisé, non pas pour assouvir ses fantasmes de grande puissance, mais pour le confort et la sécurité de tous ses citoyens. L’ État n’a pas affaire à des ethnies, mais à des individus. Si l’on met en pratique une telle politique, elle soudera la société, Russes et autres ethnies inclus, au sein d’une na-tion bourgeoise unie.

vivent en moyenne entre 10 et 15 ans de moins qu’en Europe et le taux de meurtres y est plusieurs fois supérieur aux statistiques européennes. Le niveau général de violence, de vulgarité et d’in-tolérance est très élevé. C’est sim-ple : les gens semblent passer leur temps à se taper dessus. Que peut et doit faire l’État à cet égard ? Respecter ses obligations premiè-res : arrêter et coffrer les auteurs de délits, en dehors de toute consi-dération d’appartenance natio-nale ou ethnique. Pourtant, « la loi est sacrée, mais ses exécutants sont des vauriens ». La politique d’État est dénuée de la moindre trace de xénopho-bie. En revanche, la pratique éta-tico-policière en est imprégnée, dans deux sens différents. On re-proche à la police d’être « ache-tée » par les Caucasiens. D’un autre côté, les Caucasiens eux-mêmes, et à plus forte raison les défenseurs des droits de l’hom-me, accusent cette même police de souvent appliquer la présomp-

il n’existe en Russie aucune dis-crimination d’État envers quel-que nation que ce soit. Ces 20 dernières années, c’est-à-dire

depuis sa naissance, l’État actuel peut avoir péché dans certains do-maines, mais il a été exemplaire sur la question nationale. L’État ne verse pas d’huile sur le brasier des conflits ethniques, mais il tente de les éteindre par la propagan-de. Bien qu’en Russie l’État soit primordial et l’individu secondai-re, cette politique qui se veut ra-tionnelle n’est pas parvenue à soi-gner la société de ses maux ethniques. La xénophobie se ma-nifeste tous les jours dans les ré-gions dites « russes » envers les Caucasiens et les ressortissants d’Asie centrale. Et dans les répu-bliques, envers les Russes. La Russie, c’est une âme géné-reuse dans un pays mal dégrossi. Ses habitants, les hommes en tête,

interdiction du jasmin en chine et dispersion des opposants en russie : la mauvaise réponse politique.

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07LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.frcommuniqué de rossiYsKaYa GaZeTadisTribué aVec le fiGaro culture

À l’affichefesTiVal russe du ToursKY 2011Du 15 mars au 3 avrilthéâtre toursky, marseille

Comme chaque année, le Tours-ky offre aux russophiles un pro-gramme haut en couleur per-mettant de découvrir le meilleur de la création russe. Cinéma, théâtre et concerts sont au me-nu.

www.toursky.org ›

ValerY GerGieV joue mahlerDu 26 au 28 marssalle pleyel, paris

Valery Gergiev revient sur la scène parisienne avec trois concerts consacrés à son inté-grale des symphonies de Gus-tav Mahler. Il dirigera le London Symphony Orchestra.www.sallepleyel.fr

opéra : aKhmaToVaDu 28 mars au 13 avrilopera bastille, paris

L’opéra en trois actes Akhmato-va, du jeune compositeur fran-çais Bruno Mantovani, dépeint la vie de la poétesse russe épo-nyme. Il retrace l’une de ses pé-

tous les Détails sur notre sitelarussiedaujourdhui.fr

Le Livre des brèves amours éternelles s’inscrit dans la droi-te ligne des précédents ouvra-ges d’Andréï Makine, La Femme qui attendait, La Vie d’un homme inconnu, L’amour hu-main où, déjà, l’auteur écrivait : « Il n’y a que l’amour pour sau-ver l’humain ». Makine persis-te et signe avec huit récits, sou-venirs de moments de la vie du narrateur, de l’enfance à l’âge mûr. Moments fugaces et pour-tant essentiels. Transporté par la fulgurante évidence de la force de l’amour, celui qui les vit est posé au cœur du monde dans sa plénitude d’humain, au-delà des enjeux misérables que lui proposent les sociétés, totalitaires ou libérales, au-de-là de l’espace, du temps, de la mort, de la laideur du monde. Instantanés emblématiques de moments de vie qui mettent en scène des destins sculptés dans la masse d’une société cruelle. Estropiés de la vie, femmes in-consolables, amants séparés par le tourbillon de l’Histoire ou Don Quichotte exsangue, tel Dmitri Ress que l’on retrouve dans les premiers et derniers récits et qui s’épuise dans un combat inégal contre une so-ciété qu’il divise en trois caté-gories : « Les conciliants, les ricaneurs, les révoltés ». Mais il y a aussi ceux qui, sans pour autant hurler avec les loups, ne les combattent pas, car la haine est absente de leur cœur, « ceux qui ont la sagesse de s’arrêter dans une ruelle et de regarder la neige tomber, de voir une lampe qui s’est allu-mée dans une fenêtre, de humer la senteur du bois qui brûle ».Makine évoque bien sûr la Rus-sie soviétique, l’avenir radieux dont rêve l’enfant, et qui ne viendra pas, la désillusion de l’adolescent, les vies meurtries, ceux qui combattent « la ser-vilité avec laquelle tout homme en tout temps renie l’intelligen-ce pour rejoindre le troupeau ». On se situe dans l’universel, et c’est l’homme qui importe. « Dans ce duel avec l’Histoire, il ne peut pas y avoir de vain-queur », toutes les sociétés fa-briquent des créatures serviles, mais chaque homme, dès lors qu’il abandonne la quête d’un bonheur d’animal bien nourri, est « capable de quitter la mar-che grégaire du défilé, ses vo-ciférations exaltées, ses emblè-mes écrasants, ses mensonges » et d’accéder au bonheur, dans le partage d’un moment hum-ble et essentiel.

chronique liTTéraire

Quitter les défilés grégaires

christine mestre

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« c’est un processus vivant et largement incompris »est-ce que vous vous sentez ap-partenir au « nouveau drame » ?Je suis entrée il n’y a pas si long­temps dans le mouvement. Tout a démarré lorsque j’ai tourné dans le film de Boris Khlebnikov Nage libre [tourné en 2005], dont le scénario a été écrit par le Alexan­dre Rodionov [qui fait partie du Nouveau Drame, NDLR]. J’y ai trouvé de nouvelles relations, des gens extrêmement talentueux. Je suis très sensible à ce qui se pas­se dans le mouvement. En tant qu’actrice, c’est un travail passion­nant.est-il plus intéressant et sti-mulant de jouer une pièce du

« nouveau drame » que de jouer dans un grand théâtre mosco-vite ?Pour moi, le plus important, ce n’est pas la scène, c’est le texte. J’ai une faim dévorante pour les rôles intéressants et complexes. Malheureusement, ils sont rares.quels sont vos dramaturges fa-voris dans le mouvement du « nouveau drame » ?Mes auteurs favoris sont Kourotch­kine, Ougarov, Dournenkov, Gre­mina, Rodionov, Bondarenko. Quel­que chose de profond jaillit d’eux. J’apprécie avant tout les pièces où l’auteur ne donne pas dans la su­renchère en matière de linge sale…

aGaThe amZallaGspécialement pour la russie D’aujourD’hui

après le bolchoï de moscou, le bal-let Théâtre de saint-pétersbourg et le ballet national de novossi-birsk, le ballet du Kremlin et le moscou city ballet font « des poin-tes » à paris et en province.

La danse russe sur toutes les scènes de France

spectacles le moscou city ballet en apothéose

Considérant la danse comme une des grandes richesses du patri-moine artistique russe, Victor Smirnov-Golovanov et sa femme Ludmila Nerubashenko se sont lancés dans l’aventure avec un

Le Ballet du Kremlin se produi-ra à la fin du mois sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées avant de passer le relais au Mos-cow City Ballet dans la capitale, point d’orgue à une tournée dans la France entière. Compagnie pri-vée fondée en 1988 par le cho-régraphe russe Viktor Smirnov-Golovanov, le Moscow City Ballet comprend 40 artistes for-més dans la tradition classique la plus pure et diplômés des meilleures écoles de danse rus-ses. Familière des scènes inter-nationales, la troupe est parti-culièrement appréciée en Angleterre où elle a assuré plus de 800 spectacles avec le Natio-nal Ballet Orchestra.

double objectif : élargir la por-tée du ballet en sensibilisant les jeunes générations au répertoire classique, mais aussi revisiter les grandes œuvres en les dotant d’une chorégraphie et d’une pré-sentation originales. C’est ainsi que parallèlement à ses propres compositions, Victor Smirnov-Golovanov crée, à partir de bal-lets célèbres, des spectacles d’un genre tout à fait nouveau, alliant une force émotionnelle et une di-mension artistique peu commu-nes. Au terme de deux mois de tournée, le Moscou City Ballet enflammera donc la scène du Ca-sino de Paris avec à son program-me les meilleurs moments de quatre ballets mythiques : Le Lac des cygnes, Casse-noisette, Don Quichotte et La Belle au Bois Dormant. Quatre chefs-d’œuvre réunis au sein d’une même pro-duction… Et une première à ne pas rater !31 mars-3 avril, Ballet du Kremlin au Théâtre des Champs-Élysées ; 11 et 12 avril, Moscou City Ballet au Casino de Paris.

emmanuel GrYnsZpanla russie D’aujourD’hui

une lame de fond baptisée « le nouveau drame » a pris position dans plusieurs salles moscovites. combien de temps les directeurs de grands théâtres vont-ils l’ignorer ?

les planches brûlent sous la glace conservatrice

Théâtre un nouveau courant dramatique russe insuffle une vague de réalisme radical

un acteur et metteur en scène phare du mouvement. « Les théâ-tres étouffent sous les textes an-ciens mais ils nous claquent la porte au nez », s’insurge celui qui a monté Jizn oudalas et Khlam (Bric-à-brac), deux spec-tacles acclamés. « Contempo-rain » est un mot qui revient

Vous pensiez peut-être que la na-tion qui a enfanté Tchekhov, Gogol, Griboïedov et Ostrovski s’était endormie sur ses lauriers. Qu’on pouvait résumer le théâ-tre russe actuel à des relectures « avant-gardistes » de textes clas-siques par des metteurs en scè-nes acclamés comme Dodine ou Fomenko. Que nenni. Il y a bien eu un trou au début des années 90, mais une flopée de jeunes dra-maturges armés d’une langue acérée et épris de réalisme so-cial a brisé la glace. Chaque soir, une trentaine de mordus descendent dans la mi-nuscule cave du Teatr.doc, un lieu désormais culte à Moscou, pour voir les principales créations du mouvement. Depuis Dostoïevs-ki, on sait que dans le sous-sol russe naissent des idées capa-bles d’ébranler le monde. Dans cette cave de Teatr.doc, on se sent un peu comploteur, on attend une explosion. Et la chimie fonction-ne, malgré le dénuement du lieu. Le décor est souvent réduit au strict minimum, comme dans Jizn oudalas (la vie m’a souri), où le public est assis en face de quatre rangées de chaises entre lesquelles les quatre acteurs se meuvent et s’engagent dans des rapports affectifs d’une expres-sivité peu commune. La langue est crue, les émotions sont à vif, le drame se noue au bout d’à peine quelques minutes et atteint une intensité féroce jusqu’à la dernière seconde. Ici s’illustre un principe du mouvement : peu de moyens, efficacité maximum.Chaque première de Teatr.doc déclenche des secousses telluri-ques qui zèbrent peu à peu le stuc vieillissant des théâtres. « Le théâtre doit être contempo-rain », tempête Marat Gatsalov,

comme un leitmotiv chez les dra-maturges. Une demi-heure après la création de sa pièce Senti-ments mêlés le 5 mars dernier, la dramaturge ukrainienne Na-talia Vorojbit nous donnait sa dé-finition du Nouveau Drame : « Ce sont des gens qui écrivent sur le monde contemporain avec un re-

alexandra rebenok et daniil Vorobiev dans « la vie m’a souri », sur un texte de pavel priajko.

Le Lac des cygnes.

Daria Ekamasova est une jeune actrice formée à la prestigieu-se école du GITIS (diplômée en 2007). Elle partage sa carrière en-tre le cinéma (9 films) et les plan-ches du Teatr.doc et du Centre des Dramaturges et Régisseurs.

gard et une langue contempo-rains. Nous n’avons pas peur d’être provocateurs. Notre écri-ture doit être émotionnelle ».Chose extraordinaire pour un mouvement aussi engagé, les ac-teurs s’abstiennent de toute em-phase. Le reproche qu’on entend souvent au sujet du jeu des ac-

teurs russes est leur inclination à surjouer. Rien de tel ici. Jus-tesse est le maître mot. Aucune trace de cette redondance qui ir-ritait tant Roland Barthes dans le théâtre bourgeois.Ne cherchez pas de politique dans les textes. En dépit du noyau contestataire de ce mou-vement, leurs auteurs refusent la confrontation ouverte avec l’ordre établi. « La politique ne m’intéresse pas, je suis une femme » : Natalia Vorojbit botte en touche. Puis, après une pause, elle admet pensivement : « C’est vrai que ce qui se trame en po-litique est inacceptable. Quelque part je ressens une honte à ne pas écrire sur ce sujet ». Et de conclure : « Au fond, sans que nous en ayons vraiment discuté entre nous, je pense que nous considérons le sujet comme trop malpropre pour être évoqué ». Un comble, alors que le Nouveau Drame prend à bras-le-corps des sujets tabous comme la drogue, la prostitution, l’homosexuali-té.Malgré des thèmes périlleux, le mouvement a trouvé un public fidèle. Et la reconnaissance n’est peut-être pas loin. L’hiver qui vient de s’écouler a vu le Nou-veau Drame redoubler d’activi-té en montant des spectacles au rythme effarant d’une à deux créations par semaine en dépit de l’absence totale de soutiens financiers. De toute évidence, le virus du Nouveau Drame est vi-rulent. On ignore simplement la durée de la période d’incubation avant l’épidémie.

riode les plus sombres, lorsqu’elle était aux prises avec la guerre, la pression du totalitarisme et l’em-prisonnement de son fils. Le livret de l’opéra a été écrit par Christo-phe Ghristi. Les rôles principaux d’Anna Akhmatova et de son fils Lev Goumilev sont tenus respecti-vement par la mezzo Janina Bae-chle et le ténor Atilla Kiss-B, ac-compagnés par l’orchestre et le chœur de l’Opéra de Paris.

www.operadeparis.fr ›

exposiTion « Youri GaGarine, une réVoluTion»Du 5 avril au 28 août palais De la Découverte, paris

À l’occasion des 50 ans du pre-mier vol spatial habité de Youri Gagarine, l’agence d’information RIA Novosti organise une exposi-tion détaillant en images les éta-pes de l’aventure. Trente-trois photographies, infographies et vi-déos d’archive peu connues re-viennent sur la préparation du vol, la vie du cosmonaute après la mission mais aussi les grandes da-tes de la conquête spatiale.

www.universcience.fr ›

TiTre : LE LivRE DEs BRèvEs

AMOuRs éTERNELLEs

édiTions : sEuiL

cela se remarque tout de suite. il me semble parfois que les auteurs font la course à qui dira le plus de grossièretés, de propos ordu­riers, etc. il s’est formé une bran­che dans le Nouveau Drame qui va dans cette direction, et elle me déplaît. quelle est votre définition du « nouveau drame » ?C’est un mouvement entièrement neuf qui ne possède pas pour l’ins­tant de cadre très défini. La seule délimitation claire, c’est qu’il n’y a pas un kopek dans ce mouvement. Pour le reste, c’est un processus vivant, libre, largement incompris et non défriché.

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08 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FRCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

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Ils ont laissé leur marque dans la pierrePromenade Itinéraire des lieux de mémoire français à Moscou : suivez le guide !

VERONIKA DORMANSPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

L’amitié franco-russe est inscrite dans la toponymie et la géographie de Moscou, de la place Romain-Rolland à l’église Saint-Louis des Français, en passant par les boulevards.

En Russie, les « expats » fran-çais n’ont pas attendu le phéno-mène de la mondialisation pour manifester leur présence. En par-ticulier dans la capitale russe. Depuis le XVIIIe siècle, une im-portante communauté française vit et travaille à Moscou, en lais-sant sa marque sur la ville et sa culture, en partageant avec les Moscovites ses traditions culi-naires et littéraires, et en lais-sant aux rues les noms de ses grands hommes. Du quartier du Pont des Maré-chaux, investi jadis par les mar-chands, libraires et perruquiers venus de France, et dont seul le � er souvenir demeure aujourd’hui, au monument de l’art construc-tiviste laissé par l’architecte Le Corbusier, Moscou se prête vo-lontiers à une « balade françai-se ». Suivez notre itinéraire en huit étapes.

GALINA MASTEROVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Les enseignes publicitaires recouvrent des immeubles entiers de la capitale, nuisant non seulement à son apparence mais également à la qualité de vie de ses habitants.

À gauche après l’Oréal, puis suivez BMWCadre de vie Quand la pub fait écran aux façades et de l’ombre aux Moscovites

De l’intérieur du restaurant TGI Fridays, sur la place Pouchkine, on a l’impression que c’est le soir, alors qu’il est midi. Il y a beau-coup de fenêtres, mais quelque chose empêche la lumière de pé-nétrer. La façade de cet immeu-

ble constructiviste du début du XXe est dissimulée sous une pu-blicité vantant une station de ski. De l’autre côté de la rue, les deux faces d’un autre immeuble sont recouvertes d’une affiche géante pour Chanel. Des lettres en tube néon monumentales coiffent les plus hauts édi� ces de la place. Il y a 20 ans, les enseignes sur un immeuble exhortaient les Sovié-tiques à travailler plus. Aujourd’hui, Moscou a embrassé la réclame ca-pitaliste avec un tel enthousiasme que les publicitaires eux-mêmes jugent que la ville a sombré en

d’un immeuble conditionne l’ins-tallation d’une enseigne sur la fa-çade. Et la recette de la location de l’emplacement doit être affec-tée à l’entretien du bâtiment. « Si c’est fait correctement, tout le monde y gagne. Mais ce n’est pas le cas en ce moment », dit Andreï Beryozkine, le directeur de Es-par-Analitik, qui analyse le phé-nomène publicitaire urbain. Quand les résidents d’un immeu-ble luxueux de la rue Koutouzo-vsky se sont retrouvés avec des fenêtres bloquées par une publi-cité pour la voiture In� niti de 100 mètres sur 22, ils n’ont obtenu aucune compensation. « Nos ap-partements sont dans la pénom-bre pendant la journée et baignés de lumière néon la nuit », ont-ils écrit dans une lettre ouverte au Président Dmitri Medvedev. Ils y expliquaient aussi que les publi-citaires étaient censés verser au titre de la location un million de dollars par an, dont ils ne voyaient pas la couleur. « Les entreprises comptent sur le fait que les rési-dents ignorent leurs droits », dit Beryozkine. « Je voudrais juste pouvoir voir la ville dans laquel-le je vis », écrit la journaliste Al-bina Kholina, en notant que l’on remarque les changements que subit la capitale quand un Mos-covite donne des indications d’iti-néraire : « Tournez à gauche après L’Oréal, puis suivez BMW, là vous verrez Samsung, et après Pepsi, prenez à droite, vers l’immeuble Sony ».Des pans d’immeubles entiers sont recouverts de publicités.

33 publicitésillégales ont été reti-rées par les autorités moscovites en janvier dernier.

1 er supportpublicitaire, les ensei-gnes extérieures sup-plantent les autres modes de publicité.

20 pour centdes publicités présen-tes à Moscou doivent disparaître d’ici au dé-but 2013.

EN CHIFFRES

plein chaos visuel. La municipa-lité qui a pris le relais de Iouri Loujkov, l’ancien maire que l’on croyait indéboulonnable, a décidé de réduire le volume de publicité extérieure de 20% d’ici à 2013, et les autorités veulent totalement débarrasser le centre historique de toute annonce commerciale. « La priorité doit être réservée aux bâtiments historiques et non à la pub, surtout dans le centre aux si belles perspectives », explique Konstantin Mikhailov, un militant de l’organisation non gouverne-mentale de préservation architec-turale Archnadzor. « La publicité a conquis la civili-sation », raille Albina Kholina dans la dernière édition d’un jour-nal littéraire russe. Elle compare les bandeaux publicitaires qui barrent les rues de Moscou à « des culottes qui sèchent sur un balcon ». Le gros problème, c’est que la plupart des publicités sont illégales. En janvier, la ville a re-tiré 33 enseignes « pirates », sans qu’interviennent des sanctions systématiques, ce qui a éveillé des soupçons de corruption au sein de la mairie. Maxime Tkatchev, le directeur de News Outdoor, l’un des grands ac-teurs du marché, considère que « la ville n’est pas intéressée par la transparence et l’ordre » dans le domaine de la publicité de rue. Le fonctionnaire jusqu’ici chargé du secteur a été accusé de corrup-tion. En principe, l’accord d’au moins les deux tiers des habitants

4 Le Pont des MaréchauxDès le XVIIIe siècle, une commu-nauté française fleurit à Moscou (précepteurs, médecins, mar-chands, cuisiniers), et se concen-tre peu à peu dans le quartier commerçant du Pont des Maré-chaux (Kouznetski Most).

3 Le Café PouchkineC’est là que Gilbert Bécaud , dans sa célèbre chanson, imaginait boire des chocolats avec son guide Nathalie. Et c’est justement un autre guide, Andreï Dellos qui, après avoir expliqué des milliers de fois aux touristes qu’il s’agis-sait d’une légende, décida d’en faire une réalité en ouvrant un vaste restaurant haut de gamme. Lequel sert effectivement le meilleur chocolat de la capitale.

2 Tverskoï bulvarLe centre historique de Moscou est ceint par ce que l’on appelle « l’anneau des boulevards », des avenues boisées. Le premier, Tverskoï, a été tracé par un architecte français, à la place de l’ancienne muraille.

1 Les parfums Nouvelle ÉtoileEn 1884, Henri Brocard arrive de France pour se lancer dans la parfumerie de luxe mais aussi les produits de beauté bon marché. Il sera le fournisseur de la tsarine Alexandra. Son usine sera rebap-tisée « Novaïa Zoria » (Nouvelle Étoile) par les bolcheviques.

8 Place Charles de GaulleElle a été baptisée ainsi en 1990. En 2005, pour le 60e anniversaire de la Victoire des Alliés, la place fut dotée d’une statue monumentale du général de Gaulle. La place est enveloppée par les murs de l’hôtel Cosmos, conçu par des architectes français.

7 Cimetière VedenskyIl abrite un grand carré français où reposent des pilotes de l’escadron Normandie-Niemen (1942). Non loin de là, un mo-nument commémore les héros de la Grande Armée, morts en 1812.

6 TsentrosoyouzDans les années 1930, l’archi-tecte Le Corbusier réalise son unique projet moscovite, le bâ-timent constructiviste du Bu-reau central des coopératives de l’URSS (Tsentrosoyouz), qui abrite aujourd’hui l’agence fédérale des statistiques.

5 Saint-Louis des FrançaisLa première église française est consacrée en 1791. L’édi-fice actuel date en réalité du début des années 1830. C’est l’un des seuls lieux de culte qui n’a jamais cessé de fonc-tionner pendant la période soviétique.

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