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Ce supplément de douze pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux Distribué avec Mercredi 15 septembre 2010 ITAR-TASS Snob pour snobs Kolyada ramène ses « Joconde » À la fois revue et club, Snob vise une nouvelle génération d’intellectuels russes aisés. Cet automne, le dramatur- ge novateur présente son Hamlet à Paris. P. 10 P. 11 GALINA MASTEROVA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI GALINA MASTEROVA SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI Une bonne note au nouvel examen d’entrée à l’université peut s’acheter pour près de mille euros : une tricherie que favorisent les salaires dérisoires des enseignants russes. Le personnage préféré de l’émis- sion comique populaire Nacha Racha ( Notre Russie) est une en- seignante provinciale. Snejanna Denisovna invente sans cesse de nouvelles combines pour que ses élèves lui rapportent de l’argent, au sens premier : dans l’un des derniers épisodes, elle les oblige à s’habiller en clochards pour aller mendier dans les rues. Bien qu’exagéré, ce personnage évoque une réalité indiscutable du système éducatif russe, miné par la corruption et en mal d’un « coup de balai » radical. Les incarnations bien réelles de Snejanna Denisovna sont moins drôles. La police de Morozovsk (région de Rostov) a pris en fla- grant délit une trentaine d’en- seignants qui passaient les exa- mens de fin d’études à la place de leurs élèves. Grand ménage à l’école Éducation Une série de réformes vise à lutter contre une corruption endémique SUITE EN PAGE 3 SUITE EN PAGE 4 SUITE EN PAGE 6 En août, la Russie était en flammes. En septembre, le président a suspendu un projet d’autoroute controversé, au profit de la renaissance d’une forêt. Pour l’instant... Quand on arrive à Moscou par l’aéroport Sheremetyevo, juste avant d’atterrir, on aperçoit au sud des pistes une sorte d’oasis verdoyante distincte du déla- brement urbain. Mais le massif luxuriant est percé par une en- taille, une trouée sur trois kilo- mètres. Depuis quelque mois, cet abattage est au centre d’une énorme polémique lancée par un groupe de militants originai- res de la ville de Khimki, et lar- gement relayée par la presse. Après des semaines de lutte, la déforestation pour la construc- tion d’une autoroute entre Mos- cou et Saint-Petersbourg a été subitement interrompue. L’arrêt de l’amputation de la forêt de Khimki est le résultat d’une in- teraction inédite entre le Prési- dent Medvedev, un pays en feu et une campagne écologique qui a déclenché une forte mobilisa- tion, depuis la population russe jusqu’à la scène internationale du rock par l’intermédiaire de Bono. Les travaux ont été suspendus sur ordre du président Dimitri Medvedev - un stupéfiant re- Un point pour la société civile Environnement Forêt menacée par une autoroute : feu rouge du Kremlin Le massif de Khimki a déjà été entaillé sur trois kilomètres. La refonte de l’éducation a pour but de voir les diplômes universitaires russes reconnus en Europe. TIM GOSLING SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI La canicule inhabituelle engendre des retombées économiques très négatives. Les répercussions dépassent les frontières avec une flambée du prix des céréales. Saison sèche pour l’économie Incendies Le pays évalue les dégâts sentera probablement que 60 millions de tonnes, très loin des 97 millions engrangées en 2009. Depuis que le Premier ministre Vladimir Poutine a décrété une interdiction des exportations à la mi-août, les cours mondiaux des céréales ont augmenté d’en- viron 25%. En outre, la Russie pourrait être contrainte d’impor- ter des céréales cette année - même si le ministère de l’Agri- culture rejette cette éventualité - ce qui pousserait encore da- vantage à la hausse le cours mon- dial des produits alimentaires. La Russie était en voie de deve- nir l’un des plus gros exporta- teurs mondiaux de céréales, oc- cupant déjà la troisième place mondiale en 2009. C’était sans compter avec les incendies de forêt du mois d’août, qui ont dé- vasté un quart des terres agri- coles. La récolte 2010 ne repré- Un vif débat divise le comple- xe militaro-industriel à propos de l’achat de navires « Mistral » à la France. L’opération est pourtant vitale pour moderni- ser la flotte et ranimer les chan- tiers navals russes. Une vague de réformes s’est abattue sur l’éducation supé- rieure. Le gouvernement veut favoriser l’émergence de gran- des écoles de stature interna- tionale en stimulant la concur- rence entre universités. Des universités compétitives La modernisation de l’économie est ralentie par les normes rus- ses et la paperasserie qu’elles imposent. L’adoption rapide des normes européennes permettrait de faire un bond en avant. PAGE 8 Vive les normes européennes ! La flotte attend le Mistral DÉBATS ET OPINIONS virement des autorités, après les plus importantes mani- festations enregistrées depuis des années pour défendre des arbres. Personne n’imaginait que le président russe inter- viendrait. Cette décision a fait renaître l’espoir, chez certains, de voir s’établir un dialogue constructif entre la société civile, y compris l’opposition et les écologistes, et le gou- vernement. « Il est clair que les manifestations autour de la forêt Khimki ont entraîné une telle décision », estime Mikhaïl Kreïndline, l’un des dirigeants du mouvement Greenpeace. Et maintenant ? Le nombre d’enfants des rues ne cesse d’augmenter. Le gouvernement cherche de nouvelles solutions. Améliorer le sort des orphelins PAGE 2 PAGE 9 Retour au pays pour les Russes blancs Croisière de retrouvailles douce- amères entre des émigrés aristo- crates et l’actuelle Russie : pour l’amour de la Patrie. Un entrepreneur français remet à l’heure moderne une fabrique de montres de l’ère soviétique pour y créer une marque mondiale. PAGE 7 Montres rétro-futuristes PHOTOXPRESS KIRILL LAGUTKO WWW.FAP.RU KIRILL LAGUTKO AP

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Ce supplément de douze pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux Mercredi 15 septembre 2010 Cet automne, le dramatur- ge novateur présente son Hamlet à Paris. Croisière de retrouvailles douce- amères entre des émigrés aristo- crates et l’actuelle Russie : pour l’amour de la Patrie. PAGE 8 P. 10

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Page 1: 2010_09_LF_all

Ce supplément de douze pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux

Distribué avec

Mercredi 15 septembre 2010

ITAR-TASS

Snob pour snobs

Kolyada ramène ses « Joconde »

À la fois revue et club, Snob vise une nouvelle génération d’intellectuels russes aisés.

Cet automne, le dramatur-ge novateur présente son Hamlet à Paris.

P. 10

P. 11

GALINA MASTEROVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

GALINA MASTEROVASPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Une bonne note au nouvel examen d’entrée à l’université peut s’acheter pour près de mille euros : une tricherie que favorisent les salaires dérisoires des enseignants russes.

Le personnage préféré de l’émis-sion comique populaire Nacha Racha (Notre Russie) est une en-seignante provinciale. Snejanna Denisovna invente sans cesse de nouvelles combines pour que ses élèves lui rapportent de l’argent, au sens premier : dans l’un des derniers épisodes, elle les oblige à s’habiller en clochards pour aller mendier dans les rues. Bien qu’exagéré, ce personnage évoque une réalité indiscutable du système éducatif russe, miné par la corruption et en mal d’un « coup de balai » radical. Les incarnations bien réelles de Snejanna Denisovna sont moins drôles. La police de Morozovsk (région de Rostov) a pris en � a-grant délit une trentaine d’en-seignants qui passaient les exa-mens de � n d’études à la place de leurs élèves.

Grand ménage à l’écoleÉducation Une série de réformes vise à lutter contre une corruption endémique

SUITE EN PAGE 3

SUITE EN PAGE 4 SUITE EN PAGE 6

En août, la Russie était en flammes. En septembre, le président a suspendu un projet d’autoroute controversé, au profit de la renaissance d’une forêt. Pour l’instant...

Quand on arrive à Moscou par l’aéroport Sheremetyevo, juste avant d’atterrir, on aperçoit au sud des pistes une sorte d’oasis verdoyante distincte du déla-brement urbain. Mais le massif luxuriant est percé par une en-taille, une trouée sur trois kilo-mètres. Depuis quelque mois, cet abattage est au centre d’une énorme polémique lancée par

un groupe de militants originai-res de la ville de Khimki, et lar-gement relayée par la presse.Après des semaines de lutte, la déforestation pour la construc-tion d’une autoroute entre Mos-cou et Saint-Petersbourg a été subitement interrompue. L’arrêt de l’amputation de la forêt de Khimki est le résultat d’une in-teraction inédite entre le Prési-dent Medvedev, un pays en feu et une campagne écologique qui a déclenché une forte mobilisa-tion, depuis la population russe jusqu’à la scène internationale du rock par l’intermédiaire de Bono.Les travaux ont été suspendus sur ordre du président Dimitri Medvedev - un stupé� ant re-

Un point pour la société civileEnvironnement Forêt menacée par une autoroute : feu rouge du Kremlin

Le massif de Khimki a déjà été entaillé sur trois kilomètres.

La refonte de l’éducation a pour but de voir les diplômes universitaires russes reconnus en Europe.

TIM GOSLINGSPÉCIALEMENT POURLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

La canicule inhabituelle engendre des retombées économiques très négatives. Les répercussions dépassent les frontières avec une flambée du prix des céréales.

Saison sèche pour l’économie

Incendies Le pays évalue les dégâts

sentera probablement que 60 millions de tonnes, très loin des 97 millions engrangées en 2009.Depuis que le Premier ministre Vladimir Poutine a décrété une interdiction des exportations à la mi-août, les cours mondiaux des céréales ont augmenté d’en-viron 25%. En outre, la Russie pourrait être contrainte d’impor-ter des céréales cette année - même si le ministère de l’Agri-culture rejette cette éventualité - ce qui pousserait encore da-vantage à la hausse le cours mon-dial des produits alimentaires.

La Russie était en voie de deve-nir l’un des plus gros exporta-teurs mondiaux de céréales, oc-cupant déjà la troisième place mondiale en 2009. C’était sans compter avec les incendies de forêt du mois d’août, qui ont dé-vasté un quart des terres agri-coles. La récolte 2010 ne repré-

Un vif débat divise le comple-xe militaro-industriel à propos de l’achat de navires « Mistral » à la France. L’opération est pourtant vitale pour moderni-ser la � otte et ranimer les chan-tiers navals russes.

Une vague de réformes s’est abattue sur l’éducation supé-rieure. Le gouvernement veut favoriser l’émergence de gran-des écoles de stature interna-tionale en stimulant la concur-rence entre universités.

Des universités compétitives

La modernisation de l’économie est ralentie par les normes rus-ses et la paperasserie qu’elles imposent. L’adoption rapide des normes européennes permettrait de faire un bond en avant.

PAGE 8

Vive les normes européennes !

La flotte attend le Mistral

DÉBATS ET OPINIONS

virement des autorités, après les plus importantes mani-festations enregistrées depuis des années pour défendre des arbres. Personne n’imaginait que le président russe inter-viendrait. Cette décision a fait renaître l’espoir, chez certains, de voir s’établir un dialogue constructif entre la société civile, y compris l’opposition et les écologistes, et le gou-vernement. « Il est clair que les manifestations autour de la forêt Khimki ont entraîné une telle décision », estime Mikhaïl Kreïndline, l’un des dirigeants du mouvement Greenpeace. Et maintenant ?

Le nombre d’enfants des rues ne cesse d’augmenter. Le gouvernement cherche de nouvelles solutions.

Améliorer le sort des orphelins

PAGE 2 PAGE 9

Retour au pays pour les Russes blancsCroisière de retrouvailles douce-amères entre des émigrés aristo-crates et l’actuelle Russie : pour l’amour de la Patrie.

Un entrepreneur français remet à l’heure moderne une fabrique de montres de l’ère soviétique pour y créer une marque mondiale.

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Montres rétro-futuristes

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02 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RUCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Société

DIANA MARKOSIANRIA NOVOSTI

Le nombre d’enfants des rues continue d’augmenter. Des orphelinats modèles privés ont fait leur apparition tandis que les autorités continuent de négliger les solutions de fond.

Qui s’occupe des orphelins russes ?Adoption Un nombre croissant de Russes et d’étrangers se soucient du sort tragique des enfants abandonnés ou maltraités

La communauté des enfants de Kitèje est cachée au � n fond de la province russe, loin de toute civilisation. Constitué de maisons en forme de châteaux, ce village réservé aux orphelins semble sor-tir d’un conte de fées. Ce n’est pas un orphelinat ordinaire et peu nombreux sont ceux qui ont la chance de grandir ici. Ils ont des parents bénévoles, capables de leur offrir un foyer et de les adopter. Maria Pitchouguina, âgée de 25 ans, est la directrice du centre de Kitèje à Orion, une petite localité à environ 60 kilomètres au sud de Moscou. Elle a passé une grande partie de sa vie dans cet orpheli-nat car sa propre mère a démé-nagé à Kitej il y a dix ans, avec ses deux � lles pour consacrer sa

russe aux États-Unis ont fait récemment scandale, l’attention des médias s’est focalisée sur les pièges de l’adoption internationa-le en délaissant la question de fond : pourquoi tant d’orphelins en Russie ?Selon Russian Children’s Welfare Society (RCWS), une organisation non gouvernementale basée à New York avec un bureau à Moscou, le nombre officiel d’orphelins est de quatre à cinq fois plus élevé en Russie qu’en Europe ou aux États-Unis. Environ 30% d’entre eux vi-vent dans des orphelinats. La plu-part sont des enfants abandonnés par leurs parents ou retirés de leurs familles par les autorités. En 2009, il y avait 2 176 orphelinats en Rus-sie. Ce chiffre a plus que doublé au cours de la dernière décennie, selon le RCWS, dont la mission principale est d’aider les orphe-lins russes.La bureaucratie fut un obstacle majeur pour le système d’adop-tion en Russie pendant très long-temps. Le diacre Alexandre Volk-ov a adopté un � ls il y a trois ans. La procédure administrative fut

Principaux pays d’accueil des orphelins russes

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1999 – Nogent-sur-Marne : après 10 ans de vie commune, le désir d’enfant nous pousse vers l’adop-tion. Mon épouse est slave et nous décidons d’adopter en Russie.2001 – Vladimir : l’orphelinat, des questions qui nouent les tri-pes (comment est-elle ? Va-t-elle nous accepter ? Nous aimer ?) Et puis le choc : les cœurs se ser-

rent, Svetlana, 6 ans, s’avance vers nous et se blottit dans nos bras… « Papa, Mama ». Derrière la bar-rière de la langue, nous lisons tant de choses dans son regard.Puis le déchirement : notre retour en France sans elle, en attendant la date du jugement. Elle pleure et ne mange pratiquement plus.Enfin notre retour à Vladimir, un jugement sans difficulté (c’était possible à l’époque).2010 – Nantes : une jeune fille de 16 ans marche à nos côtés : Elsa, souriante, épanouie, avec l’en-vie de réussir sa vie, des projets pleins la tête. Pour nous, le bon-heur de la voir grandir et de l’ac-compagner.Voilà notre adoption, semblable à tant d’autres, tout à la fois extra-ordinaire et ordinaire. Une histoire d’amour. Tout simplement.

L’EXPÉRIENCE DE DOLORES ET D’ALAIN GAVÉRIAUX

Le sourire sans prix d’Elsa

vie aux orphelins russes en dé-tresse. Cette communauté fut créée il y a près de 20 ans par Dmitri Morozov, qui en a fait une alter-native aux institutions de l’État. « Dans les années 1990, il y avait beaucoup d’enfants des rues, et personne ne se souciait de leur sort», raconte Morozov. « Les gens étaient trop occupés à survivre. Le gouvernement et la population y étaient totalement indiffé-rents ». Les choses n’ont guère changé de-puis. Selon un recensement mené en 2008, la Russie compte 700 000 orphelins. Le système des orphe-linats continue de fonctionner sur le modèle soviétique, qui fut créé au sortir de la guerre civile pour faire face à l’apparition d’un très grand nombre d’orphelins. Depuis, c’est l’alcoolisme qui joue le rôle de grand générateur d’enfants des rues. Plus de 80% d’enfants pla-cés dans les orphelinats aujourd’hui sont des enfants issus de familles à problème à forte consommation éthylique. Alors que plusieurs affaires de maltraitance d’enfants d’origine

CANDICE HUGHESLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

L’indifférence des pouvoirs publics et de la société envers les handicapés pourrait cesser grâce aux succès sportifs des athlètes russes aux Jeux Paralympiques de Vancouver.

Sortir dans la rue s’apparente à une épreuve olympique

Invalidité Exclus du marché du travail et de la vie sociale, les handicapés russes s’organisent pour faire respecter leurs droits

démontré que nous pouvions contribuer à améliorer l’image de notre pays », estime Terentiev, qui a remporté sept médailles para-lympiques en 1998, 2002 et 2006, en biathlon et ski.En mal de respect, les handicapés sont aussi exclus de l’emploi. Selon le gouvernement, 40%, soit 5 mil-lions de personnes, sont aptes au travail. Mais moins d’un million sont employées, en dépit d’une loi imposant aux sociétés de plus de 100 personnes de réserver dans

leurs effectifs un quota de 5% aux handicapés. Pour Fiodorova, trouver un tra-vail a été une étape clé. Après avoir obtenu la garde de son enfant, elle a passé un an en rééducation. Puis, en 2002, elle a été engagée par une association de soutien à l’emploi des handicapés : « j’ai commencé à me sentir utile pour la société ». Elle s’est inscrite en fac de droit, première étudiante en fauteuil roulant de son université qui a ins-tallé des rampes d’accès exprès pour elle. Fiodorova compte consa-crer sa vie à la législation pour les handicapés : « il y a tellement de gens comme moi en Russie ! »

Vivre avec un handicap en Rus-sie, c’est livrer quotidiennement un combat épique. Pour quitter son appartement, Liliana Fiodo-rova doit descendre six marches étroites et raides. À reculons. En fauteuil roulant. Puis il y a le bord du trottoir pour traverser la rue, et le même de l’autre côté. Elle est tombée trois fois, se cognant si fort la tête contre le carrelage qu’elle a dû être hospitalisée. Les handicapés sont confrontés à un vaste éventail de problèmes, dans les domaines de l’emploi, du logement et des soins médicaux. Ils font face à une discrimination ouverte et à l’indifférence géné-rale. Mais l’obstacle majeur, ce sont les problèmes d’accessibilité. Le désir de la Russie de se faire accepter dans l’arène mondiale a suscité des mesures qui, en théo-

rie, apportent des solutions. Les grands centres commerciaux of-frent désormais des facilités d’ac-cès pour les handicapés. Et Inter-net leur a permis de sortir de l’isolement. Mais les progrès sont aussi lents que le trajet de Fiodorova pour sortir dans la rue, et sont souvent le fait d’une volonté personnelle exceptionnelle. « En Russie, la per-sonne handicapée est exclue de la vie, à quelques rares exceptions près », dit- elle. « Si l’État pouvait créer un ghetto et exiler tous les invalides, comme au temps de Sta-line, il le ferait. Mais comme nous voulons être considérés comme un pays civilisé, nous nous retenons ». Fiodorova avait 27 ans et une � lle de 5 ans, quand une opération bâ-clée d’un disque vertébral l’a lais-sée paralysée de toute la partie inférieure du corps. In� rmière en chirurgie, elle avait sollicité les meilleurs médecins, mais en vain. « Je suis arrivée à l’hôpital en chaussures à talons, je suis repar-tie en chaise roulante », raconte-t-elle. Et tellement désespérée qu’elle avait supplié les médecins

de lui injecter une dose mortelle. Un an plus tard, alors qu’elle était toujours clouée au lit, son mari l’a quittée en exigeant la garde de l’enfant. « Il a dit qu’une person-ne handicapée n’avait pas à éle-ver un enfant ». Le désespoir à laissé la place à la colère. « Je me suis dit : je vais vivre ! »Les handicapés en Russie sont in-visibles. Alexeï Naloguine prétend n’avoir jamais vu personne en fau-teuil roulant avant d’être lui-mê-me frappé par le destin à 14 ans. Il s’est réveillé paraplégique après une opération ayant mal tourné. Le système a classé son cas, le pari ayant été fait que la victime mour-rait jeune. « En Russie, un handi-capé est traité comme si sa vie était terminée », explique Alexeï. Les huit années suivantes, il les a passées allongé. Mais alors qu’une porte se fermait, une autre s’ouvrait : Internet. De son lit, Na-loguine conçoit des sites Web. Ins-piré par des attèles occidentales vues sur Internet, il s’est inventé une attelle intégrale qui permet d’utiliser un fauteuil roulant. Mais comme pour Fiodorova, quitter son appartement reste une cour-se d’obstacles. Fiodorova et Na-loguine font partie des 13 millions de Russes atteints de handicaps, dont beaucoup vivent cloisonnés chez eux. Les succès sportifs de l’équipe russe aux Jeux Paralym-piques de Vancouver l’hiver der-nier pourraient faire évoluer fa-vorablement la situation. « Ils ont

Cinq millions d’handicapés sont aptes au travail, mais moins d’un million sont employés

Durée de la procédure (2008)

9048Les citoyens étrangers

ont adopté :

4125

1184

405 235

230154211908

1072647

Les citoyens russesont adopté :

en moins d’un anentre 1 et 3 ansentre 3 et 7 ansplus de 7 ans

ce qu’il y a de plus difficile, selon lui. Et pour beaucoup de Russes, c’est un engagement qu’ils ne veu-lent tout simplement pas prendre. « Pendant longtemps, il était très long et complexe d’adopter un en-fant. Le système ne l’autorisait tout simplement pas », explique Volkov. Morozov constate tristement un accroissement du nombre d’en-fants abandonnés, tandis que les Russes qui désirent les adopter restent peu nombreux. Pour pal-lier en partie ce problème, l’adop-tion d’enfants russes par des res-sortissants étrangers s’est développée depuis la � n de l’URSS. Il y a eu 3 000 adoptions par des étrangers en Russie depuis 10 ans, dont 288 vers la France l’année dernière.Mais pour Morozov, l’adoption in-ternationale n’est qu’un moyen supplémentaire pour les fonction-naire d’ignorer les solutions de fond.

RIA-NOVOSTI

La plupart des 13 millions d’handicapés vivent cloîtrés chez eux.

À lire aussi et en plus surlarussiedaujourdhui.fr

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ALAIN GAVERIAUX

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RUCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

03Éducation

Grand ménage dans l’enseignement

examens, les résultats seront meilleurs ». De leur côté, les opposants au nou-vel examen estiment qu’il dégra-de la qualité de l’éducation secon-daire, car des questions d’intérêt marginal, du type « Quelle était la couleur des yeux d’Anna Ka-renine ? » n’en font qu’un test de mémoire. Le système d’examin-tion précédent était plus exigeant. D’autre part, les fraudes n’ont pas cessé. Hormis le scandale de Mo-rozovsk, le taux de réussite, très

Le prix demandé par un profes-seur pour un bon résultat à l’exa-men qu’il passe à la place de ses étudiants : mille euros. La police a interpellé et accusé un fonction-naire local de l’éducation d’avoir organisé un tel examen qui s’est révélé « bidon ». La presse rap-porte que les parents mécontents ont même demandé à l’enseignant de les rembourser. Le gouvernement cherche par tous les moyens à mettre � n à ces tri-cheries. Plusieurs réformes du sys-tème éducatif ont été mises en place ces dernières années pour lutter contre la corruption et amé-liorer l’enseignement dans les ly-cées russes. Les examens de � n d’études secondaires ont été ins-titués à l’échelle nationale l’an der-nier, et à partir de 2011, les uni-versités devront proposer des cursus de quatre ans qui rempla-ceront le programme d’enseigne-ment quinquennal actuel, moins souple et laissant moins de choix d’options aux étudiants. « On aime bien continuer à croi-re que le système éducatif russe est très bon, pour ne pas dire le meilleur du monde, tout comme son prédécesseur soviétique », se lamente Masha Lipman, une spé-cialiste du Centre Carnegie de Moscou. « La vérité, aujourd’hui, c’est qu’il a pris un sérieux retard

Des élèves scrutent avec angoisse les résultats au nouvel examen national EGE.

Objectif : l’harmonisation de l’enseignement russe avec les normes européennes

L’instauration d’un examen na-tional de � n d’études secondaires (EGE), unique et obligatoire pour l’entrée à l’université, constitue le changement le plus controversé, bien qu’il ait, selon Alexandre Adamsky, membre d’un groupe de ré� exion favorable aux réformes en cours, « permis d’éliminer la corruption ». Adamsky reconnaît l’existence de problèmes liés au lancement de l’EGE, mais se veut optimiste : « si un système de contrôle continu est ajouté à ces

Dans le Caucase, des universités islamiques contre l’extrémisme

maires islamiques, les madrasas et les universités. Nous organi-sons également des formations de consultants pour la police et le Service fédéral de sécurité pour aider à combattre l’extré-misme au Daghestan ». Mais l’institution d’un islam « of-� ciel » et la marginalisation de ceux qui ne s’y reconnaissent pas alimentent cet extrémisme au lieu de le freiner, selon les militants des droits de l’homme. « Pour réformer l’islam en Rus-sie, les autorités doivent faire un effort pour écouter tous les chefs religieux, pas seulement ceux qui sont � dèles au pouvoir », estime Tatiana Lokchina, directrice ad-jointe de Human Rights Watch pour la Russie. « C’est dans le développement des institutions civiles qui protègent les droits

d’histoire, l’islam était enseigné aux enfants dans le secret, à la maison, à l’aide de vieux livres en arabe. Au cours de la dernière décen-nie, la communauté islamique très conservatrice de Goubden a fait reconstruire la Médersa. Grâce à l’argent des � dèles, les imans ont ouvert plusieurs peti-tes entreprises, qui leur ont per-mis de maintenir les écoles in-dépendantes � nancièrement. Ils possèdent une station d’essence et ont même organisé leur pro-pre service incendie. L’année dernière, l’Université de Goubden a perdu sa licence d’État, mais Akram, le recteur de la Médersa et de l’Université de Goubden, affirme que cela n’a pas empêché ses 500 étudiants de continuer à suivre des cours. « Tout ce que nous voulons de l’État, c’est qu’il nous laisse en paix, qu’il nous laisse tranquil-les. Nous avons enseigné l’islam à nos enfants pendant des cen-taines d’années, nous avons nos vieux livres et nos alims [nos sa-vants : NDLR] pour instruire nos jeunes et pour invoquer Allah », poursuit le recteur en présen-tant aux journalistes ses élèves - des centaines d’enfants et d’étudiants dans chaque classe de la Médersa de Goubden, assis sur le plancher et se balançant de droite à gauche au rythme des phrases du Coran apprises par cœur. Ce n’est évidemment pas le genre d’enseignement dé� ni à Moscou comme « responsable » que prô-nent les fonctionnaires de l’édu-cation du Kremlin. À l’instar de Lokshina, le clerc orthodoxe Iouri Mikhaïlov fait valoir que la pratique des diffé-rentes tendances de l’islam doit être tolérée, non pas réprimée : « le Daghestan ne peut pas ré-soudre ses problèmes uniquement par des méthodes policières. De cette façon, nous ne faisons que pousser les opposants religieux à s’organiser en mouvement de guérilla », estime l’auteur pour qui « les médias libres et la so-ciété civile devraient fournir les moyens d’exprimer les émotions dans les différents camps ».

Six jeunes femmes en robe colo-rée et coiffées d’un foulard atten-dent leur car ce samedi matin sur leur campus du Centre universi-taire islamique d’éducation et de science du Caucase Nord de Makhatchkala, la capitale du Da-ghestan. Le visage concentré, elles se préparent pour leur premier zairat - une visite chez un cheikh, suivie d’un rituel sou� . « C’est le jour le plus important de ma vie », explique Renata, 18 ans, adepte du sou� sme, un courant mysti-que de l’islam. « Je vais savoir aujourd’hui si je peux devenir mourid de mon maître (son dis-ciple : NDLR). Mon cœur saura la réponse dès que je verrai le cheikh ».L’État russe soutient ouverte-ment le sou� sme, qui représente un islam modéré d’implantation traditionnelle dans le Caucase, contre les courants extrémistes qui prennent racine à une vites-se alarmante dans la région.Le Daghestan est déchiré par une guérilla marquée par des atten-tats-suicides et des assassinats. Ces actes criminels sont étroite-ment liés aux con� its ethniques, à la corruption interne, à la pau-vreté et au chômage. Pour lutter contre le prosélytisme des fonda-mentalistes islamiques, qui sont souvent � nancés de l’étranger, le gouvernement russe favorise

de l’homme que réside la seule solution ». Aisha Youssoupova a divorcé pour échapper à la pression de la po-lice sur sa famille, qu’elle décrit comme salafiste, une branche fondamentaliste de l’islam. « J’étais lasse des persécutions subies par mon mari, soupçonné d’avoir aidé les extrémistes », ra-conte cette femme de 30 ans et mère de quatre enfants. Le divorce n’a pas amélioré les choses, car Aisha reste sous une surveillance constante. « Je suis sala� ste », dit-elle, « mais je suis une musulmane pacifique, et je veux qu’ils me laissent tran-quille s’ils ne comprennent pas ma foi ». Après la chute de l’URSS, le Da-ghestan et les républiques voisi-nes du Caucase Nord ont subi l’in� uence massive d’Arabes ré-pandant un islam fondamenta-liste, dédaigneux des traditions sou� es locales. « Ils nous ont en-seigné l’arabe et livré des camions de littérature wahhabite », se la-mente Patimat Magomedova, une institutrice de 37 ans, en se ré-férant au courant fondamenta-liste importé d’Arabie saoudite. « Ils ne reconnaissent pas le cler-gé sou� ». Le financement de Moscou ne fait pas l’unanimité parmi les musulmans du Caucase. À environ 240 km au sud de Makhatchkala, dans la ville de Goubden qui a plus de 5 000 ans

Le Centre universitaire islamique d’éducation du Caucase Nord.

Pour en lire plus :larussiedaujourdhui.fr

À l’université où étudie Renata, le rectorat a un objectif clair : la diffusion d’un islam que le gou-vernement juge acceptable. Outre les études islamiques, le journa-lisme, l’économie, l’histoire de la Russie, le droit et la � nance � gu-rent également au programme des 1 500 étudiants. « En tant que réformateurs, nous créons des méthodes d’ensei-gnement uni� ées pour la for-mation des futurs enseignants de l’islam », explique Maksoud Sadikov, le recteur du Centre universitaire et président du Conseil russe de l’éducation is-lamique fondé récemment. « Nous avons besoin de former des imams pour au moins 2 500 mosquées enregistrées au Da-ghestan, et des centaines d’en-seignants pour les écoles pri-

« La seule solution est le développement d’institutions civiles qui protègent les droits de l’homme »

Selon vous, la réforme remplaçant les exa-mens d’entrée à l’uni-versité par le EGE est...

Grâce à l’introduction de l’EGE, le nombre de pots-de-vin, de passe-droits...

des normes communes pour l’en-seignement supérieur dans toute l’Europe. Une fois les réformes en place, les diplômes universitaires russes seront reconnus dans l’Union européenne. Aujourd’hui, ils ne le sont que dans les ancien-nes républiques de l’Union sovié-tique et les pays du bloc de l’Est. « Le fait que les meilleurs étu-diants partent faire leurs études à l’étranger est un signe de l’inef-ficacité du système éducatif russe », estime Masha Lipman.

CHIFFRES CLÉS

16 millions de musul-mans en Russie, soit environ 11% de la po-

pulation (estimation officielle sus-ceptible d’être dépassée).

22 millions d’euros. C’est la somme dé-pensée par le minis-

tère de l’Éducation pour l’enseigne-ment islamique dans tout le pays.

2,5 millions de mu-sulmans résident à Moscou, plus que

dans n’importe quelle autre capitale européenne, à l’exception d’Istanbul.

ANNA NEMTSOVASPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Moscou va dépenser 10 millions d’euros par an pour soutenir les universités islamiques modérées dans le Caucase et casser l’influence montante des fondamentalistes dans la région.

SUITE DE LA PAGE 1

Éducation Le Kremlin subventionne l’enseignement musulman responsable

élevé dans les républiques du sud, est très suspect. Les salaires dérisoires des ensei-gnants (200 euros mensuels en moyenne) restent un problème de fond. La réforme reliera leur ré-munération aux résultats obtenus par leurs étudiants et augmente-ra leurs revenus, estime Adamsky. Selon une étude, 36% de parents russes leur ont versé des pots-de-vin l’an dernier

l’éducation des chefs religieux et des enseignants des mouvements islamiques modérés, dans sept universités islamiques à Moscou, au Tatarstan, au Bachkortostan et dans les quatre républiques du Caucase Nord, dont le Daghes-tan. Le fonds du Kremlin pour le sou-tien à la culture islamique, la science et l’éducation consacrera environ 10 millions d’euros par an à l’enseignement musulman, à ses bourses d’études et à ses publications.

par rapport aux systèmes éduca-tifs étrangers ». La refonte de l’éducation russe a été élaborée pour correspondre aux normes � xées par les accords de Bologne, un traité qui dé� nit Voir aussi l’avis d’un expert PAGE 8

SONDAGES

SOURCE: LEVADA CENTRE

Contenu multimédia surlarussiedaujourdhui.fr

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04 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RUCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Politique

La réforme qui va « policer » la milice

ALEXANDER BRATERSKYTHE MOSCOW TIMES

Dmitri Medvedev a dévoilé fin août son projet de loi sur la réforme du ministère de l’Intérieur. Mais cette nouvelle législation apporte-t-elle de vrais changements ?

Forces de l’ordre Les premiers éléments d’une nouvelle loi destinée à restaurer la confiance font l’objet d’un débat public

che aussi les autres de com-mettre ce genre d’actes. Le projet de loi sur la po-lice vise à rassembler tou-tes les fonctions et les res-ponsabilités de celle-ci au sein d’une même structure. Actuellement, l’activité des forces de l’ordre est régie par des centaines de lois et rè-glements supplémentaires, a in-diqué le ministre de l’Intérieur Rachid Nourgaliev. Ce projet sera soumis à la Douma d’État à l’automne pour entrer en vigueur le 1er janvier prochain. Lev Ponomarev, chef du mouve-ment « Pour les droits de l’hom-me », a salué cette initiative qui inclut de nombreuses idées prô-nées par les militants des droits de l’homme. Mais il a ajouté qu’il existe toujours de nombreuses possibilités de violations. Il a cité l’exemple d’un article sur le cadre juridique du travail de la police qui mentionne : « Tous les actes d’un agent de police sont légaux, sauf si les procédures judiciaires témoignent du contraire ». Le chapitre concernant l’activi-té de la police contient une for-

Renommer la « milice » « poli-ce » est le changement le plus visible de la réforme. Les bol-cheviques avaient créé « la mi-lice des travailleurs et des col-lectivités agricoles » en 1917 pour la distinguer de la police tsaris-te, ennemie des révolutionnai-res. Le changement de nom aura un coût, pour l’instant non chif-fré : il faut acheter de nouveaux uniformes, repeindre les véhicu-les et remplacer les timbres of-� ciels. Les internautes, qui ont commenté le projet de loi sur le site web du gouvernement, s’in-téressent plutôt à la façon dont la police va protéger les citoyens, et non pas au coût du change-ment de nom. Selon les autori-tés, ce projet devrait apporter des améliorations notables à la loi actuelle. Il condamne non seu-lement les policiers responsables d’actes de torture, mais empê-

Le projet de loi ne donne pas d’explication claire sur la fa-çon dont le contrôle public se-ra exercé sur la police.

Un sondage réalisé en avril constate qu’environ 70% des Russes ne font pas confiance à la police

mulation vague indiquant que les policiers seraient « beaucoup plus sévères envers les citoyens » par rapport à la loi actuelle. Cette dernière législation prévoit une dé� nition beaucoup plus claire du travail des policiers, selon Edouard Soukharev, avocat en droit civil. Le projet de loi ne donne pas non plus d’explication claire sur la façon dont le contrôle public sera exercé sur la police. Soukharev a ajouté que « de nombreux policiers ne compren-nent pas vraiment les textes lé-gislatifs actuels qui régissent leurs fonctions ». Alexei Volkov,

directeur adjoint du comité de la Douma d’État sur la sécurité publique, se plaint d’imprécisions de ce projet de loi sur la police, qui risquent de saper les efforts du Kremlin pour combattre la corruption.Une proposition plutôt radicale a été avancée par des militants des droits de l’homme, qui ont proposé d’introduire les élections des chefs des commissariats lo-caux, ce qui, selon eux, permet-trait aux policiers d’avoir un sou-tien plus important du public. À l’inverse, le projet de loi pro-pose de centraliser les forces de police en � nançant l’ensemble

de celles-ci sur le budget fédé-ral. Actuellement, la « milice » russe est divisée en « milice cri-minelle », � nancée sur le budget fédéral et « milice de sécurité ci-vile », à la charge des budgets régionaux. La nouvelle loi sur la police n’est qu’une étape intermédiaire pro-posée par Medvedev dans le cadre d’une réforme plus radi-cale de la milice russe, considé-rée comme l’institution d’État la plus corrompue par l’opinion pu-blique. Une enquête du Centre Levada menée en avril constate qu’environ 70% de Russes ne font pas con� ance à la police.

La défense d’une forêt fait reculer le Kremlin

rités, c’est que cette foule était composée de citoyens ordinai-res, et non plus seulement du noyau dur de l’opposition.Avant de chanter, Iouri Chevt-chouk a clamé que la forêt de Khimki était un symbole ; si elle était abattue, ses compatriotes ne laisseraient « rien à [leurs] petits-enfants, rien à [leurs] en-fants, rien d’autre que des arbres morts ».Trois jours plus tard, lors du pre-mier concert de U2 à Moscou, Bono invitait le chanteur à mon-ter sur scène, pour un Knockin’ on Heaven’s Door en duo. Pour le public, c’était un geste déli-béré de soutien à la cause de Khi-mki. La veille, Bono avait ren-contré Dmitri Medvedev. Vingt-quatre heures plus tard, le président arrêtait les travaux, pour engager « des discussions publiques et d’experts », souli-gnant que la question avait pris une forte résonance. Mais les spé-cialistes appellent à la pruden-ce : compte tenu des sommes in-vesties dans la construction de la route, la victoire des écologis-tes est loin d’être garantie. « Un scénario plausible serait

La route, en travaux depuis des années, était tracée au cordeau, sans détours de Moscou à Saint-Pétersbourg, sauf là où elle fait subitement un coude, après She-remetyevo, pour passer par la forêt de Khimki. Le problème, c’est que le massif sylvestre est considéré comme un élément es-sentiel de la ceinture verte de Moscou, devenu même récem-ment le poumon de l’une des vil-les les plus polluées d’Europe. La ceinture verte moscovite est majoritairement composée de pins et de sapins, mais également de chênes, chose désormais rare en Europe. Après un été incan-descent - les incendies forestiers et feux de tourbe ont dévasté le pays et la capitale a été recou-verte de smog pendant plus d’un mois - le sauvetage de la forêt de Khimki a pris pour beaucoup une dimension symbolique.En soutien, le vétéran de la scène russe du rock, Iouri Chevtchouk, a chanté le 22 août devant quel-ques milliers de manifestants réunis dans le centre de Moscou. Le plus inquiétant pour les auto-

qu’ils attendent que les manifes-tations se calment, que quelques discussions aient lieu, puis ils re-prendront les travaux d’après le plan original », craint Nikolaï Petrov, analyste politique du Centre Carnegie de Moscou. D’ailleurs, Evguenia Tchirikova, la leader du Mouvement de dé-fense, rapporte que les autorités de Khimki ont déjà forcé les ha-bitants à signer une pétition en faveur du tracé forestier.

Tchirikova, leader du Mouvement pour la défense de la forêt de Khimki.

OLGA BOLDINALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Une proposition consistant à réserver le titre de « président » au locataire du Kremlin divise les élites régionales.

Des républiques sans « président » ?

Fédéralisme Débat autour d’un titre

Tatarstan, Mintimer Chaïmev, a déclaré que les membres du par-lement ne réviseraient pas la Constitution a� n d’entériner ce changement. « Si certaines ré-publiques prennent l’initiative de changer le nom du plus haut responsable officiel sur leur ter-ritoire, c’est leur droit exclusif », a-t-il indiqué. Le Tatarstan est notoirement chatouilleux sur les questions de souveraineté et ré-siste à toutes les tentatives vi-sant à réduire son autonomie. L’actuel président tatare, Rous-tam Minnikhanov, n’acceptera de changer de titre que s’il a la garantie de conserver l’intégra-lité de ses prérogatives.Le nom de la fonction des diri-geants régionaux est à ce jour déterminé au sein même des en-tités composant la Fédération. Il est ainsi écrit dans la Constitu-tion du Tatarstan que le pouvoir dans la république est « exercé par le président, le conseil d’État, le cabinet des ministres et les tribunaux ». Le président tatare se permet de résister car il béné� cie du sou-tien des élites locales. Cependant, si cette loi fédérale est adoptée, son exécution sera obligatoire pour tous sans exception.

Toujours le premier à � atter le Kremlin, le président tchétchè-ne, Ramzan Kadyrov, a proposé que les dirigeants à la tête des républiques au sein de la Fédé-ration russe renoncent à leur titre de « président ». Selon lui, « en Russie, un seul personnage du pouvoir » y a droit. M.Kadyrov estime qu’il faut mettre � n à « la parade des présidents régio-naux » dans le pays. Dès le len-demain, les présidents des répu-bl iques du Caucase ont commencé à préparer une lettre commune à la Douma, deman-dant que soit examinée la pro-position du président tchétchè-ne au niveau fédéral. Parmi les 83 composantes de la Fédération russe se trouvent 21 républiques, chacune ayant à sa tête un président. Les autres (ré-gions, territoires et districts) sont dirigées par des « gouver-neurs ». Quelques jours après l’initiative tchétchène, l’ancien président du

d’euros. C’est l’investissement to-tal dans le projet d’autoroute payante entre Moscou et Saint-Pétersbourg. Le français Vinci est l’un des principaux investisseurs.

8 mdsCHIFFRE CLÉ

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[email protected] larussiedaujourdhui.fr/lettres

Le diaporama surlarussiedaujourdhui.fr

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RUCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

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Deux réacteurs nucléaires VVER-1000 d’une capacité totale de 2000MweLa centrale opère depuis 1974 et cou-vre environ 40% de la consommation domestique bulgare.

Énergie

IOULIA KOUDINOVASPÉCIALEMENT POURLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Sofia cherche activement des investisseurs européens pour la construction de Béléné. La réalisation du projet a été confiée à la société russe AtomStroïExport, qui a gagné l’appel d’offre en 2006.

Une centrale dans les starting-blocks

Bulgarie de fermer ses très pol-luantes stations thermiques au charbon à partir de 2012. Autre argument avancé par ASE vers les � nanciers, la rapidité du retour sur investissement qui est minimale grâce au plus faible prix de construction et d’exploi-tation du marché. Ceci à condi-tion que le chantier ne soit pas ajourné. Soit dit en passant, ASE a déjà proposé une solution de � nancement jusqu’à 80% de Bé-léné, mais l’actuel gouvernement bulgare est réticent et préfère at-tirer des investisseurs européens a� n de préserver un équilibre tant économique que politique.So� a réalise parfaitement que le pays ne peut se passer de projets énergétiques russes. Outre Bélé-né, Moscou est présent dans les projets d’oléoduc Bougas-Alexan-droupolis et de gazoduc South Stream. La réalisation de projets avec la Russie est devenue le thème de débats favori des jour-naux bulgares. « Béléné est un projet extrême-ment important pour nous » es-time le président de l’Assemblée Nationale bulgare Tsetska Tsat-cheva. Selon elle, cette seconde centrale (la 1ère étant Kozlodouï) aidera considérablement au dé-veloppement du Nord du pays. « Je suis certaine que la construc-tion de Béléné va continuer », pense Tsatcheva.Il y a déjà quatre ans, en 2006,

Délais : le facteur politique

Intérêts européens

L’alternance gouvernementale l’an dernier a eu pour conséquence que le nouveau cabinet est moins bien disposé envers Moscou que le précédent. L’absence de répon-se claire et définitive à la question « construire, ou pas ? » a entraîné le départ d’un investisseur étran-ger. Le grand producteur d’élec-tricité allemand RWE, qui avait acheté 49% du projet en 2008, a jeté l’éponge fin 2009 à cause des difficultés financières rencontrées par le projet, causées en partie

La construction de Béléné ne ré-pond pas seulement aux intérêts russes, mais représente aussi un marché pour les leaders européens du nucléaire. Les intérêts français sont concernés en premier lieu puis-que Areva est chargé par ASE de plus de 20% du travail sur la cen-trale et apparaît comme le principal sous-traitant étranger du groupe russe. Areva est chargé de four-nir les systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation clas-sés sûreté : le contrôle-commande de sûreté et le contrôle-commande opérationnel, ainsi que les systèmes électriques. AREVA fournira égale-

par la crise mondiale. Également associée au projet, la banque fran-çaise BNP-Paribas avait monté un prêt de 250 millions d’euros et menait un travail d’estimation des risques financiers. Et ce, en dé-pit du fait que 71,8% des Bulgares sont favorables à la construction de la centrale, selon un institut de sondage indépendant Sova Haris. Ce qui laisse de nouveau ASE et NEK seuls pour chercher un par-tenaire financier européen mieux accroché.

ment des équipements de sûreté comme les recombineurs d’hydro-gène. Siemens, qui est entré dans le projet en même temps que son ex-partenaire français, doit fournir des équipements essentiels qui re-présentent autour de 10% du chan-tier. ASE est en pourparlers avec d’autres entreprises majeures du secteur, comme Alstom (fourniture d’un générateur diesel), l’allemand NUKEM (transformation des dé-chets radioactifs liquides) et GNS (containers pour le transport du combustible). De leur côté, les sous-traitants bulgares se partageront entre eux 30% du travail.

Sécurité : un argument en bétonBénéficiant d’une riche expérien-ce en matière de conception, de construction et d’exploitation dans le monde entier, ASE a mis les bouchées doubles sur la sécurité. Le corpus des réacteurs est d’une solidité sans équivalent dans le monde, puisqu’il est capable de résister à la chute d’un avion long courrier. Une qualité requise dé-sormais en raison du risque d’atta-ques terroristes. En outre, le pro-jet de Béléné a reçu l’approbation l’Union européenne.Le plan de réalisation technique élaboré par ASE a reçu la certi-fication EUR le 24 avril 2007. Le document stipule que la concep-tion des réacteurs à eau légère

VVER AES92 élaborée par ASE a franchi avec succès tous les tests techniques. EUR est une organi-sation regroupant les principaux opérateurs du marché de l’électri-cité européen. Son but est d’éta-blir des critères de qualité stricts pour la construction de centrales nucléaires. Le label EUR a été dé-cerné non seulement à ASE mais aussi à ses sociétés sous-traitantes sur le projet Béléné, comme les russes Gidropress, l’Institut Kourt-chatov, RosEnergoAtom et Ato-mEnergoProekt, le responsable de la conception d’ensemble. Se-lon Sergueï Kirienko, le projet res-pecte à la lettre les exigences de l’AIEA et de l’Union européenne.

« Hormis AtomStroïExport, d’autres sociétés ont par-ticipé à l’appel d’offre bul-

gare, comme le tchèque Skoda ou l’anglo-américain Westinghouse. La victoire du projet russo-euro-péen a été obtenue à l’occasion d’une compétition ouverte aux conditions transparentes, grâce aux avantages concrets de notre proposition. À la liste des avanta-ges de ce projet, on peut ajouter un haut degré de préparation à la fabrication de la structure de la station, un point auxquels les inves-tisseurs potentiels seront particu-lièrement sensibles ».

IL L’A DIT

Dan BelenkiPRÉSIDENT DIRECTEUR GÉNÉRAL

D’ATOMSTROÏEXPORT

2x1011 MWe de capacité installée2000 MWe de défi cit d’électricité dans la région4 mld d’euros d’investissement2016 : début d’exploitation de Béléné (prévision)71,8% des Bulgares favorables au projet (sondage)20% des travaux réalisés par Areva10% des travaux réalisés par Siemens

CHIFFRES CLÉS

« Cette centrale a d’excellentes chances d’exporter de l’électricité au-delà des frontières bulgares même si l’électricité produite suffira à peine à satisfaire la demande intérieure »

La centrale sera équipée de réacteurs VVER 1000/V-466 (à eau légère) de troisième génération évolués.

rentiel sur les futurs marchés. ASE, qui a déjà préparé le ter-rain et posé les fondations, se dit en mesure de démarrer la construction immédiatement et attend avec impatience le feu vert des autorités bulgares. Sergueï Kirienko, le patron de RosAtom (corporation d’État chapeautant l’ensemble de l’in-dustrie nucléaire russe) croit fer-mement au potentiel économi-que du projet. « Cette centrale a d’excellentes chances d’expor-ter de l’électricité au-delà des frontières bulgares. En même temps, l’électricité produite à Bé-léné suffira à peine à satisfaire la demande intérieure, bien que le projet soit conçu pour avoir une dimension régionale ». Et d’ajouter que selon « toutes les prévisions, on s’oriente au mini-mum vers un dé� cit se situant entre 1 500 et 2 000 MWe dans les Balkans, et cela en tenant compte de la réalisation de Bé-

ASE multiplie les efforts pour re-lancer la construction de la cen-trale nucléaire de Béléné, dans le nord de la Bulgarie. Le change-ment de gouvernement bulgare l’année dernière et le départ de deux partenaires occidentaux (voir encadré) ont ralenti la pro-gression du projet en dépit de l’important dé� cit d’électricité dans la région des balkans. En-glué dans des difficultés budgé-taires, le gouvernement bulgare est désormais prêt à réduire à 30% voire 20% sa part dans le projet contre 51% jusqu’ici. Il est à la recherche d’un investisseur de préférence européen. La centrale nucléaire comporte deux tranches de 1 011 MWe (mé-gawatts électriques) chacune. Le raccordement au réseau était au départ du projet prévu pour 2014-2015, mais selon une sour-ce chez ASE, le retard déjà pris fait que l’exploitation ne sera possible au plus tôt qu’en 2016 en raison du manque de clarté du côté bulgare sur le montage

Deux réacteurs nucléaires VVER 1000/V-466 d'une capacité totale de 2022Mwe La centrale sera opérationnelle à partir de 2016 au plus tôt.

Centrale nucléaire de Béléné

Le Holding Electrique Bulgare EAD est la société d’État contrôlant le réseau électri-que du pays ainsi que la centrale de Kozlo-douï et d’autres actifs de production d’électricité.

Holding Électrique Bulgare EAD

d’offre destiné aux investisseurs. Ces deux processus mis bout à bout vont entraîner un délai sup-plémentaire de deux à trois ans. Du côté russe, on estime qu’il faut trouver une solution le plus ra-pidement possible. « Attendre va entraîner des coûts supplémen-taires à cause de l’inflation constante sur ce type de projet. D’autre part, la Bulgarie et le marché de l’électricité régional souffrent déjà d’un dé� cit criant d’énergie. Plus la formation d’un pool d’investisseur se fera rapi-dement, mieux s’en portera le projet », estime une source à la direction de la compagnie. La solution pour faire avancer les choses ? « Il suffit de créer dès demain une co-entreprise entre NEK, ASE et un pool d’inves-tisseurs européens », indique une source chez le groupe russe. Reste à espérer que le message sera bien reçu.

ASE avait remporté l’appel d’of-fre pour la construction de Bé-léné et signé dans la foulée un accord avec le NEK (groupe pu-blic d’électricité bulgare) a� n de remplir la première étape du pro-jet. Après le départ de l’investis-seur stratégique RWE et a� n de revigorer le projet, le nouveau gouvernement bulgare a lancé cette année un appel d’offre pour trouver un nouveau consultant � nancier sur le projet dans l’op-tique d’organiser un nouvel appel

léné. Sans la centrale, le dé� cit grossira encore de 2 000 MWe ». La centrale sera idéalement ex-posée à la croissance des écono-mies balkaniques, et pour long-temps puisque les réacteurs ont une durée de vie de 60 ans. La forte croissance de la demande pour l’électricité s’est traduite cet été par deux grosses coupures d’électricité causée par la sur-charge du réseau. Un problème qui va s’accentuer alors que l’Union européenne impose à la

Nucléaire Moscou attend avec impatience que Sofia finalise le montage financier pour lancer la construction de Béléné

Réseau électrique des Balkans

La Bulgarie est traditionnellement un pays exporta-teur d’électricité dans la région des Balkans, grâce à ses nombreuses centrales thermiques. La situation géographique de la centrale nucléaire de Kozlodouï et de la future centrale de Béléné (dans le nord-ouest du pays, juste à la frontière de la Roumanie) prédispose ces capacités à l’exportation d’électricité.

Potentiel régional

� nancier du projet. Le russe ASE, qui s’est spécialisé dans la construction et la commerciali-sation de centrales nucléaires dans le monde entier, estime le coût de la centrale à 4 milliards d’euros, plus une clause d’enchè-re indexée sur l’in� ation, comme stipulé dans le contrat. La centrale sera équipée de réac-teurs VVER 1000/V-466 (à eau lé-gère). Ce sont des réacteurs de 3ème génération évolués sans équivalent à ce jour dans le monde, hormis les réacteurs de la centrale de Flamanville, qui ne sont pas encore en exploita-tion. Le projet Béléné a d’ores et déjà reçu la certi� cation de l’EUR, une organisation regroupant les principaux opérateurs du mar-ché de l’électricité européen. Cette validation par les pairs corres-pond à une marque de con� ance envers l’industrie nucléaire russe et lui donne un avantage concur-

Centrale nucléaire de Kozlodouï

Centralenucléaire

Principales lignes de haute tension

400 KW

220 KW

110 KW

Centraleélectrothermique

Centralehydraulique

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MST

RO

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ATOMSTROIEXPORT

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06 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RUCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Économie

RENCONTRES RUSSIE 2010COLLOQUE SÉNAT-UBIFRANCE21 ET 22 OCTOBRE,SÉNAT, PARIS

Elvira Nabiullina, la ministre rus-se de l’Économie et Anne-Marie Idrac, secrétaire d’ État au Com-merce extérieur français, partici-peront à ce rendez-vous annuel des entreprises françaises acti-ves sur le marché russe.

www.ubifrance.fr ›

FORUM D’INVESTISSEMENT KOUBAN 2010 DU 16 AU 19 SEPTEMBRE,SOTCHI

Il s’agit, avec celui de Saint-Pé-tersbourg, de l’un des deux plus importants forums d’investisse-ments en Russie. Vladimir Pou-tine préside l’événement, qui of-fre l’occasion aux participants de côtoyer les plus hautes auto-rités russes et un vaste panel d’entreprises locales.

www.forumkuban.com ›

TOUS LES DÉTAILS SURLARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

EN BREF

Les Chemins de fer russes (RJD) remettent sur les rails la ligne mythique des aristocrates. À partir du 23 septembre, un train circulera à un rythme hebdo-madaire entre Moscou et Nice pour 50 heures de trajet. Un peu préoccupé par la durée, RJD promet de la ramener dans le futur à un jour et demi. « Notre train roule à une moyen-ne de 75km/h entre Nice et Moscou. Ce n’est pas mauvais, mais nous avons un matériel capable de rouler à 200km/h », admet Mikhaïl Akoulov, vice-président de RJD. Le train comprend 12 wagons, dont 2 wagons restaurant. L’iti-néraire traverse le Belarus, la Pologne, la Tchéquie, l’Autriche et l’Italie avant d’atteindre Nice.

Deux tankers ont inauguré en cette � n d’été les premières li-vraisons commerciales par la voie arctique. Le gazier russe Novatek et le norvégien Nor-dic Barents ont traversé les eaux glaciales avec succès. Le réchauffement climatique et le pullulement de pirates dans l’océan Indien poussent les so-ciétés de fret à envisager l’ex-ploitation commerciale de la route arctique, qui longe la côte nord de la Sibérie.

La plus grosse banque russe, Sberbank, a pris l’initiative � n août de révéler publiquement le nom de ses employés licen-ciés pour pratiques malhonnê-tes. C’est une première dans la lutte que livrent les autorités russes à la corruption. La liste comprend 426 noms d’indivi-dus que Sberbank « ne veut plus voir travailler dans le système bancaire ». Cette initiative ne fait pas l’unanimité. VTB24, une autre banque d’État, estime que « tout le monde doit avoir droit à une seconde chance ».

Moscou-Nice en train, comme avant 1917 !

La voie maritime arctique est ouverte

Les banquiers véreux cloués au pilori

Saison sèche pour l’économie

que près de 3,23 milliards d’euros de crédits agricoles – soit 15% du total des crédits du secteur bancaire – nécessitent une res-tructuration. Les banques publi-ques Sberbank et Rosselkhos-bank sont les plus exposées à ce problème. L’État a déjà pro-mis de débloquer 267 millions d’euros pour subventionner les taux d’intérêt des agriculteurs en 2010 et 2011. Les producteurs de l’agroalimen-taire et les détaillants sont coin-cés entre le marteau et l’enclu-me. Ils subissent la hausse des prix des fournisseurs, quand dans le même temps, le gouvernement,

En outre, les incendies ont re-tardé les semis des cultures d’hi-ver, qui permettent d’obtenir une récolte une fois et demie plus im-portante que la récolte d’été. C’est pourquoi la production de-vrait continuer à diminuer, et on parle déjà d’une possibilité de répétition du choc des prix ali-mentaires, qui a touché les mar-chés mondiaux en été 2008. Il est vrai qu’on n’en est encore qu’au stade des estimations de l’impact de la sécheresse. Les chiffres exacts ne seront connus qu’à la � n de l’année. Les choses sont plus claires sur le front des incendies. Le gou-vernement a promis d’utiliser des fonds publics pour reconstruire les maisons et les infrastructu-res détruites par les feux de forêt. Le total des réparations et des indemnisations est estimé à 305 millions d’euros, a annoncé le ministre des Situations d’urgen-ce Sergueï Choïgou. Certains analystes avancent pour leur part des chiffres d’une tout autre échelle. Selon des estima-tions, la vague de chaleur aurait provoqué une baisse du PIB (pro-duit intérieur brut) de 0,5% à 1%, soit des pertes allant jusqu’à 11,7 milliards d’euros. En effet, les entreprises réduisent les heu-res de travail et gèlent les plans d’investissement à cause de la canicule. Le ministère de l’Éco-nomie a revu à la baisse sa pré-vision de croissance, de 4,7% en début d’été à 4%.Les agriculteurs encaissent da-vantage que les autres. À peine remis de la crise économique, ils se retrouvent désormais suren-dettés à cause de récoltes insuf-� santes. Les analystes estiment

qui tente désespérément de maî-triser l’inflation, les menace d’amendes en cas de hausses de prix « injusti� ées ». Résultat, les con� its commerciaux se multi-plient. Plusieurs usines à pain ont déjà été condamnées pour abus sur les prix, tandis qu’une querelle sur les prix a éclaté entre la chaîne des supermarchés Sed-moï Kontinent et le producteur de lait Wimm-Bill-Dann. Les compagnies de transport rus-ses vont également ressentir les retombées de la chaleur estivale si les exportations de céréales cessent. Avec l’arrêt des expor-tations pour cette année, le vo-lume total du blé exporté (prin-cipalement vers les pays du Moyen-Orient) ne dépassera pas 4,5 millions de tonnes en 2010, comparé à 21,5 millions de ton-nes l’an dernier. En juillet, la production indus-trielle était en hausse annuelle de 5,9%, avec un investissement � xe de 0,8%. Mais les deux in-dicateurs ont baissé de 10% par rapport à juin. Olga Sterina, de la banque russe d’investissement Uralsib, s’inquiète du fait que « les investissements ont dimi-nué de plus que prévu et les don-nées du mois d’août risquent d’être encore plus négatives ». Alors que les analystes espèrent que le choc économique sera tem-poraire, on craint que les prix des denrées alimentaires n’ali-mentent l’in� ation et détruisent les chances d’une croissance sou-tenue en Russie. Le bon côté de la crise mondiale pour la Russie fut la � n d’une bataille de deux décennies contre l’in� ation (voir encadré). Mais à peine la fumée des feux était elle dispersée que les vieux démons de l’économie russe ont ressurgi...

Selon les premières estimations, la vague de chaleur aurait provoqué une baisse du PIB de 0,5% à 1%.

Le spectre de l’infl ation réapparaîtLa hausse rapide des prix des denrées alimentaires a fait chan-ger les pronostics concernant l’in-flation. Désormais, certains ajou-tent 3% aux prévisions officielles maximales de 7% pour l’année 2010. Fin août, le ministère de l’Économie a revu à la hausse ses prévisions – qui étaient les plus basses depuis plus d’une décen-nie. Il est déjà certain que la pro-gression de 8,8% observée en 2009 sera dépassée. Le retour de

l’inflation porte un nouveau coup à l’économie, surtout que les taux d’intérêt sont devenus supérieurs à la montée des prix. Ce symp-tôme du retour à une économie « saine » est une première depuis la fin de l’URSS. Si les taux restent réels, cela permettra à la Banque centrale d’avoir les mécanismes nécessaires pour contrôler l’éco-nomie. Malheureusement, cette éventualité risque de filer rapide-ment entre les doigts du Kremlin.

ARTYOM AMELIN, TIM GOSLINGSPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Lukoil a démarré en avril l’exploitation de son premier gisement pétrolier et gazier en mer Caspienne.

Extension du domaine de forage

Énergie Premier groupe pétrolier russe privé, Lukoil se tourne vers l’offshore

Toutefois, pour l’instant, le seul à être exploité pleinement est le modeste gisement Iouri Kort-chaguine. On estime que le gi-sement pétrolier Filanovsky sera mis en service en 2014. Cependant, à la lumière de la récente catastrophe dans le golfe du Mexique, les forages en mer sont non seulement de-venus un dé� technique et � -nancier, mais ils posent de sé-rieux problèmes de sécurité à des entreprises russes inexpé-rimentées. Alekperov a sa réponse : « Lukoil va ouvrir le premier centre de formation spécialisé pour plateformes offshore. Cette formation insistera beaucoup sur la sécurité ».

Le géant pétrolier est à la fête : il vient d’obtenir du Kremlin les allégements � scaux qu’il récla-mait depuis longtemps a� n de se lancer dans le développement de cinq champs pétroliers dans les eaux russes. Écarté des gisements de Sibérie orientale, Lukoil doit impérativement élargir sa zone de production pétrolière en mer. La mer Caspienne est une réser-ve énergétique vitale pour les pays asiatiques. La Russie est en concurrence avec l’Azerbaïdjan et le Turkménistan pour les contrats d’approvisionnement de ces pays. L’extraction en mer Caspienne est également une priorité pour le gouvernement russe, alors que les espoirs de développement d’un grand gisement pétrolier en Si-bérie orientale s’amenuisent. Au 1er juillet dernier, les abattements � scaux ont été supprimés pour

tissement pour enrayer la baisse de la production, qui a diminué d’environ 1% par rapport à la même période de l’année précé-dente. En exprimant leur « préoccupa-tion que la société soit incapa-ble d’inverser la tendance au dé-clin », les analystes d’Alfa Bank considèrent que « l’exploitation à pleine capacité en Caspienne peut résoudre ce problème ». Alexandre Burgansky, de la ban-que d’investissement Renaissan-ce Capital, souligne que les gi-sements de la mer Caspienne sont pour Lukoil « la seule zone de croissance importante en Rus-sie, représentant 13% de la pro-duction totale du pétrole brut russe d’ici 2015 ».

SUITE DE LA PAGE 1

les gisements d’hydrocar-bures sibériens. Le patron de la � rme, Va-guit Alekperov, a indiqué à La Russie d’Aujourd’hui que le champ pétrolifère Filanovsky était le plus grand gisement découvert en Russie au cours du dernier quart de siècle, avec près de 4,5 milliards de tonnes d’hydrocar-bures sous les fonds marins.« C’est autant que les réserves pé-trolières de l’Azerbaïdjan, et le double des réserves du Turkmé-nistan », assure M. Alekperov. Et

de préciser que l’exploitation de ces réserves nécessitera des inves-tissements colossaux. Lukoil va dépenser 8,6 milliards d’euros pour construire vingt-huit plateformes de forage et plus de 1 000 km d’oléoducs au cours des dix prochaines années. La � rme compte sur cet inves-

AFFAIRESÀ SUIVRE

Filanovsky est le plus grand gisement découvert en Russie au cours du dernier quart de siècle

www.larussiedaujourdhui.fr/expert

LES EXPATS ONT LA VIE BELLE EN RUSSIE, MAIS LES

PLACES SONT CHÈRES

LEGION MEDIA

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE FiGAro

07économie

PAuL DuVErnEtLa Russie d’aujouRd’hui

Depuis deux ans à la tête de l’usine de Petrodvorets – raketa, le Français Jacques von Polier, 35 ans, ambitionne de constituer la première marque russe reconnue mondialement.

qui sont vos clients aujourd’hui ?Presque la totalité de notre pro-duction est destinée aujourd’hui à satisfaire les commandes d’État. C’est grâce à elles que l’usine a continué à fonctionner depuis 20 ans. Ce sont des commandes de l’armée, du FSB, du ministère des Situations d’urgences, etc. Cette clientèle nous donne une bonne image, mais ne nous permet pas de réaliser des bénéfices. Nous voulons désormais inverser la ten-dance et séduire le grand public.

investir dans une marque de mon-tres russe paraît très risqué…Il y a 15 ans, les Russes étaient anti-patriotes. Ils ne voulaient que des produits importés. Les choses ont changé. Il existe une volonté de consommer russe et nous ca-pitalisons là-dessus. Nous voulons

les grandes marques suis-ses. Nous visons la gamme moyenne.

on a vu Poutine et le Pa-triarche Kirill arborer des

montres suisses très oné-reuses. Les verra-t-on un

jour avec une raketa au poi-gnet ?

Pour beaucoup de Russes, Raketa a été la première montre qu’ils ont portée. Je ne serais pas surpris

d’apprendre que ç’ait été le cas pour Poutine, d’autant qu’il est ori-ginaire de Saint-Pétersbourg, où la marque était particulièrement populaire. C’est vrai qu’après le scandale des montres suisses, cer-tains auront envie d’en arborer de plus modestes et patriotiques.

Allez- vous d’abord lancer la mar-que en russie ?Non, nous allons démarrer simul-tanément à l’international. Nous allons lancer notre nouvelle col-lection en novembre, et je prépa-re actuellement toute une série de manifestations pour faire connaî-tre la marque. Nous sommes d’ores et déjà en négociations avec Har-rod’s à Londres, une adresse sur les Champs-Elysées, des boutiques prestigieuses de Moscou et le lea-der russe de la vente par corres-pondance. Natalia Vodianova nous a promis son concours pour le style de la ligne féminine des Raketa, afin de mettre un peu d’eau dans notre vin militaire…

Pourquoi se lancer dans une telle aventure ?Je viens de la finance, mais au fond, je suis un créatif. Ce pro-jet me permet d’exprimer cette créativité, puisque je suis à la fois le Président du Conseil d’ad-ministration et Directeur créa-tif de Raketa. La banque était une erreur de parcours qui m’a servi à amasser un certain capi-tal et m’aide aujourd’hui beau-coup pour trouver des investis-seurs.

quels sont les atouts de la marque raketa ?Raketa est aujourd’hui la seule marque russe à fabriquer des montres de A à Z. Rien à voir avec les marques qui se contentent de poser leur boîtier sur des pièces sous-traitées ailleurs. Notre usine de Saint-Pétersbourg fabrique les 250 pièces nécessaires. Il n’y a que 4 ou 5 marques suisses qui font la même chose.

faire émerger la première marque grand public russe. Il existe ailleurs des Coca-Cola, Luis Vuitton, Gucci, etc. Chaque pays a ses grandes marques, sauf la Russie.

Les russes sont-ils des grands consommateurs de montres ? quelle clientèle visez-vous ?La montre est devenue inutile aujourd’hui avec tous les appa-reils électroniques qui nous en-tourent. Mais il reste une vraie de-mande en Russie parce que la montre indique un statut social, et les Russes aiment qu’il soit vi-sible. La montre est un accessoire de mode très prisé, c’est pour les hommes le dernier objet de gran-de valeur qui reste sur votre corps quand la voiture est restée sur le parking. Mais il faut être réaliste, Raketa ne peut pas rivaliser avec

Le comte Jacques von Polier pose avec au bras des modèles de la collection raketa, qui seront commercialisés à partir de novembre.

chiFFrES -cLéS

Employés : 80chiffre d’affaires 2009 : 500 000 euroschiffre d’affaires 2010 (prévision) : 2 000 000 eurosnombre de montres fabriquées en 2009 : 12 50015 modèles commercialisés à partir de novembre 2010Fourchette de prix : de 200 à 600 euros

il y a 15 ans, les Russes étaient anti-patriotes. ils ne voulaient que des produits importés. Les choses ont changé

un Français met une marque russe à l’heure mondiale

PAuL DuVErnEtLa Russie d’aujouRd’hui

La société russe Yota a bâti en à peine un an l’un des plus vastes réseaux au monde d’internet sans fil 4G. Entretien avec son directeur général Denis Sverdlov, 32 ans.

Yota bondit d’une technologie à l’autre

internet Le haut-débit sans fil est déjà une réalité dans 5 villes

Vous venez d’équiper la ville de Kazan en technologie LtE. qu’est-ce qui a motivé votre passage du standard wimax au LtE ?Nous n’abandonnons pas le WiMax. Dans les villes déjà équi-pées en WiMax, nous gardons ce standard. Nous allons encore en installer 1000 stations base WiMax cette année. Par contre, toutes les futures villes seront équipées en LTE. Nous sommes satisfaits de WiMax, mais ce stan-dard ne fonctionne pas bien sur les téléphones mobiles. Les fa-bricants de téléphones portables (Samsung, Apple, Nokia) ne veu-lent pas du standard WiMax. Le passage au LTE est un choix de l’industrie, ce n’est pas le nôtre.

Vous avez étendu votre réseau à une vitesse record…Oui, nous n’avons qu’une seule année d’existence, mais notre

réseau s’étend déjà à 5 villes russes, avec 1 000 stations-ba-ses rien qu’à Moscou. Aucun opérateur 4G n’a bâti aussi ra-pidement que nous son ré-seau.

Vous vous lancez sur des marchés a priori peu attractifs comme le Pérou, le nicaragua et le béla-rus…La densité de population est cru-ciale pour nous. Or, 50 millions de personnes sont concentrées

en Amérique centrale. Même dans les pays pauvres, il y a un bon pourcentage de la popula-tion - 10, 15 ou 20% - qui peut s’offrir l’internet sans fil. Les gou-vernements de ces pays sont pressés d’attirer les investisse-ments étrangers et savent que les télécommunications sont un sec-teur clé pour leur développement. Comme ils n’ont pas d’argent pour développer les infrastruc-tures classiques, ils sont intéres-sés par les dernières technolo-

gies sans fil. C’est pourquoi nous recevons un soutien colossal dans ces pays-là.

qui sont vos actionnaires et d’où viennent les fonds qui vous ont permis de croître aussi rapide-ment ?Le fonds de placement Telconet, contrôlé par l’homme d’affaires russe Serguei Adoniev, détient 74,9%. « Technologies russes » en possède 25,1%. Au départ, et assez typiquement pour ce genre de projet basé sur les nouvelles technologies, ce sont nos propres actionnaires qui ont apporté le financement parce qu’ils y croyaient. Dès que nous avons vu en octobre 2009 les ventes dé-passer les dépenses et, parallè-lement, notre renommée devenir importante, nous avons reçu des propositions de grandes banques, y compris des françaises et des britanniques.

quelle est la structure de votre dette ? Vos bénéfices sont-ils suf-fisants à ce stade pour rembour-ser en temps et en heure ?Notre société est déjà rentable à l’heure actuelle. Nous sommes dès à présent capables de rem-bourser sans problème une dette importante simplement à partir de nos bénéfices. Nous avons une dette de 200 millions de dollars envers nos actionnaires, plus 100 millions de dollars envers les banques, soit un total de 300 mil-lions de dollars. Nous prévoyons des revenus de 300 millions de dollars en 2010, et grâce à cette somme nous serons en mesure d’éponger nos dettes.

« La densité de population est cruciale pour nous ».

tim GoSLinGBusiNess NeW euRoPe

une nouvelle ressource naturelle russe émerge rapidement après le pétrole et le gaz. Le marché des engrais va connaître des bouleversements, et pas seulement en russie.

Des engrais consolidés pour mieux conquérir

chimie Fusion entre silvinit et uralkali

le secteur des engrais. Durant la dernière semaine d’août, le grou-pe anglo-australien BHP Billin-ton a lancé une OPA hostile de 39 milliards de dollars sur PotashCorp.Les effets de la consolidation du secteur et de la hausse des prix agricoles se font déjà sentir sur le marché des engrais, après l’augmentation par Uralkali de son cours au comptant d’envi-ron 10% au 1er septembre. Une offre similaire avait été contre-carrée en février par une réac-tion agressive et une indiscipli-ne des actionnaires de Silvinit. Kerimov cherchera probable-ment à étendre son groupe à la Biélorussie, qui détient les troi-sièmes réserves mondiales de po-tasse. Début août, le premier vi-ce-premier ministre biélorusse Vladimir Sematchko a reconnu que Kerimov allait probablement tenter une offensive sur Belarus-Kali. Ce dernier aurait déjà pro-posé 7,5 milliards de dollars pour 51% du groupe. Kerimov trou-vera toutefois sur son chemin des rivaux chinois et indiens prêts à se battre pour Belaruskali.

En août, l’oligarque et député Souleiman Kerimov a pris une participation dans les deux plus grandes mines de potasse rus-ses, Uralkali et Silvinit, qui lui en garantit le contrôle. La po-tasse est le composant majori-taire des engrais. La Russie abrite les secondes réserves mon-diales de ce minéral naturel, et la co-entreprise deviendra le se-cond producteur mondial de potasse après le canadien PotashCorp. Kerimov agit avec la bénédiction du Kremlin, tou-jours ravi de voir l’émergence de « champions nationaux » russes capables de rivaliser avec les plus grandes multinationales de cha-que secteur. Les prix en forte hausse des cé-réales ont aiguillonné la fréné-sie de fusions-acquisitions dans

Entreprises derrière leurs façades soviétiques décaties se cachent parfois des fabriques au riche potentiel commercial

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08 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE FiGAro Débats et opinions

universités : pour une vraie compétition

mistral gagnant sur tous les fronts

passons aux normes européennes

igorFedioukine

spécialement pourla russie d’aujourd’hui

rouslanPoukhov

spécialement pour la russie d’aujourd’hui

Vladislav inozemtsev

Vedomosti

la vague des réformes s’est violemment abattue sur les universités. Certaines de celles-ci sont destinées

à devenir des institutions pha-res, d’autres deviendront des facs techniques. Le gouvernement russe veut des grandes écoles renommées mon-dialement. Mais d’abord, il doit introduire le concept de diffé-renciation dans l’enseignement supérieur, et stipuler que toutes les universités ne sont pas de qualité égale. Or, en Russie, comme dans d’autres pays d’Eu-rope, la tradition égalitariste reste profondément enracinée. Le ministre de l’Éducation et de la Science, Andreï Foursenko, en a choqué plus d’un en déclarant qu’il fallait reconnaître qu’il y avait une première division dans les universités comme dans les clubs de foot. Suivant l’exemple de la Chine et de l’Allemagne, le gouverne-ment russe met en œuvre un pro-gramme ambitieux d’améliora-tion et de modernisation d’une poignée d’universités triées sur le volet. Deux douzaines de vain-queurs reçoivent déjà des fonds supplémentaires et le droit de créer leurs propres cursus. En retour, ces institutions phares sont censées parfaire leur gou-vernance, attirer les jeunes doc-torants, recycler leur corps en-seignant et, en fin de compte, produire une recherche de meilleure qualité, afin d’acqué-rir une visibilité mondiale. Cette réforme est urgente. C’est le manque de compétition entre universités qui a sapé l’enseigne-ment supérieur des années post-soviétiques. Pour commencer, il y a peu de mobilité académique. Les universités locales jouissent toujours de marchés captifs. La population estudiantine a été multipliée par deux. Cette crois-sance découle du fait que nom-bre d’étudiants financent leur entrée à la fac aux dépens d’étu-diants boursiers plus méritants. Beaucoup, en outre, optent pour des études supérieures afin d’échapper au service militaire.

l’épopée de l’achat des na-vires militaires français « Mistral » par la Russie semble toucher à sa fin. Le

ministère russe de la Défense a lancé un appel d’offres pour l’ac-quisition de navires de cette clas-se, dont les résultats devraient être connus à la fin de l’année. La communauté des experts est unanime : malgré la participa-tion formelle de candidats espa-gnol, hollandais et sud-coréen au projet, le très grand favori reste le Mistral. Si le nom du vainqueur du concours crée le consensus, l’ac-quisition d’un tel navire a susci-té un débat très acerbe à Moscou. Les opposants à l’acquisition es-timent que la flotte russe n’a pas besoin de bâtiments de projec-tion et de commandement. Du

pendant qu’on débat sur la modernisation, l’économie russe évolue graduelle-ment. Non pas grâce aux

programmes gouvernementaux, mais malgré eux. Ces dernières années, PSA Peugeot-Citroën, Mitsubishi et Volkswagen ont im-planté en Russie des usines d’as-semblage, Siemens a ouvert une usine de transformateurs et des investisseurs occidentaux ont créé de nombreuses entreprises agroa-limentaires. Les entreprises russes dévelop-pent également leur activité. L’usi-ne métallurgique de Magnito-gorsk, par exemple, a installé une nouvelle ligne de traitement de tôle. Les investissements augmen-tent dans le raffinage du pétro-lier et chimique. Tous ces projets se sont faits sans aucune aide de l’État. Malgré les déclarations tapageuses sur l’en-gagement du gouvernement, de sérieux doutes existent quant à l’intention réelle des autorités de moderniser le pays.Les entreprises en construction ou en phase de modernisation n’utilisent pas de matériel russe. L’équipement métallurgique a plus de chances de venir de la firme allemande SMS Siemag ; la compagnie finlandaise Kone-cranes fournit l’équipement de le-vage ; les fours à briques sont faits par Burton en Allemagne ou Ce-ratec en France ; les fraiseuses viennent de Krupp et les impri-mantes de Heidelberg. Tout est importé car l’industrie russe ne produit pas de biens d’équipe-ment. La plus grosse difficulté réside dans l’obligation de certifier l’équipement et de l’adapter au normes techniques russes. Dans la plupart des cas, l’étude officiel-le de la documentation d’un pro-jet prend des mois et dévore l’éner-gie des investisseurs. Il faut également traduire un grand nom-bre de documents, travailler avec des fournisseurs pour changer des mécanismes et assemblages spé-cifiques, afin d’obtenir la certifi-cation russe. Même durant la pé-riode difficile de 2008-2009, la Russie a importé des équipements industriels pour une valeur de 159,9 milliards de dollars. Avec 52,2% du total des importations, c’est la principale catégorie de biens importés.Dans ces biens importés, 62,2%, soit 99,4 milliards de dollars, vien-

Vingt-deux des vingt-quatre rec-teurs sondés ont fait leurs études dans l’université qu’ils dirigent aujourd’hui... Dès lors, certains projets paraissent irréalistes, comme celui qui consisterait à rat-traper le niveau de Stanford (Ca-lifornie) en quinze ans. Néanmoins, le paysage de l’en-seignement supérieur russe va changer dans un futur proche. Des universités vont se réformer et rejoindre la table des grandes écoles internationales, où la Rus-sie n’est à ce jour représentée que par deux institutions. D’autres seront reléguées au rang d’éta-blissements technique. Mais sur-tout, il faut espérer que les fu-turs bacheliers russes pourront faire plus facilement la distinc-tion entre les diplômes qui mé-ritent investissement en argent et en temps, et... les autres.

De leur côté, les universités ac-ceptent autant de candidats que possible pour récolter davanta-ge de subventions, le tout au dé-pend de la qualité. Au début des années 2000, nombre de facs étaient devenues des usines à di-plômes avec pour conséquence une dévaluation extrême de leur valeur. Cette situation va changer. La compétition sera introduite par le marché lui-même, tandis que l’enseignement supérieur russe entre dans une période de va-ches maigres. En raison du dé-clin démographique, le nombre de candidats potentiels d’ici trois ans sera divisé par deux. Ce qui forcera enfin les établissements à rivaliser pour attirer les étu-diants et améliorer la qualité de leurs programmes. La mise en place d’un examen d’État uni-que (équivalent du bac) va aussi stimuler la concurrence en faci-litant l’évaluation comparative du niveau des étudiants.

Enfin, les labels tels que « recher-che fédérale » et « nationale » fourniront un repère de qualité, forçant les autres universités à se mettre au niveau ou risquer de perdre leurs meilleurs élé-ments. Le principe est désormais de concourir pour des finance-ments supplémentaires au lieu de recevoir des sommes déter-minées par la taille du cheptel. Les universités seront notées en fonctions de critères internatio-naux, un anathème pour la com-munauté universitaire russe ha-bituée à se réfugier derrière le « modèle unique d’éducation na-tionale » pour écarter toute com-paraison avec les universités étrangères. Naturellement, le défi est immen-se. À commencer par le fait que peu de professeurs russes savent personnellement ce qu’est une uni-versité de niveau mondial. Un son-dage des recteurs révèle qu’un seul d’entre eux posséde une expérien-ce dans une université étrangère.

moins pas pour le moment. Après vingt années de vieillissement et de dégradation du matériel, la flotte a davantage besoin de na-vires de type corvette ou frégate et de bâtiments chasseurs de mines, et non de moyens de pro-jection des forces. C’est la capa-cité de la marine russe à exploi-ter correctement des technologies étrangères qui suscite tout par-ticulièrement le scepticisme des experts. Et les anti-Mistral de citer l’exemple des destroyers de classe Sovremenny. Ces bâtiments puissants et modernes ont plom-bé la flotte en raison du manque de moyens pour les exploiter cor-rectement, et de la mauvaise for-mation des équipages. Enfin, on avance également que si la flotte veut s’équiper de ces navires, elle peut les concevoir elle-même et construire des navires russes.Justifiant leur intérêt pour le Mis-tral, les militaires avancent qu’ils n’ont pas seulement besoin d’un navire amphibie, mais d’une unité

nent de l’Union européenne. En-viron 17% viennent de Chine. Au total, 45% sont produits par des sociétés européennes ayant des entreprises en Chine et 35% de ces biens sont fabriqués par des firmes chinoises qui exportent en Europe. Donc, plus de 75% de l’équipement industriel russe est de facto conforme aux normes de l’Union européenne. La question qui crève les yeux, c’est donc : pourquoi ces biens doivent-ils sau-ter sans fin d’un bureau à l’autre, un processus de plus en plus dif-ficile et onéreux, pour obtenir la certification et l’agrément rus-ses ? La solution pourrait être aussi simple qu’efficace : supprimer les exigences fort lourdes imposées aux biens fabriqués dans l’UE pour obtenir certificats et auto-risations en Russie ou conformé-ment aux normes de l’UE et pour les travaux de construction réa-lisés par des entreprises basées en Europe.

Cette décision permettrait de ré-duire drastiquement les coûts hors fabrication que rencontrent les entreprises qui optent pour la mo-dernisation. La Russie devrait commencer par lever les barriè-res à l’importation de biens étran-gers de haute qualité et glisser graduellement vers une plus gran-de harmonisation des normes et plus de coopération avec le monde des affaires européen. Moscou éli-minerait par la même occasion les obstacles à la modernisation créés au nom de « l’ordre » et la « sécurité », des obstacles qui ne servent qu’à gonfler une bureau-cratie grossissante et à garnir les poches d’officiels corrompus.

multifonctionnelle qui associe les fonctions de transport de guerre, d’hôpital mobile, de caserne flot-tante et de point de contrôle des forces hybrides de la flotte. Contrairement à une idée reçue selon laquelle le Mistral serait principalement affecté à la mer Noire, c’est avant tout en Extrê-me-Orient que la marine natio-nale russe a besoin de tels navi-res, là où les infrastructures militaires sont particulièrement délabrées. Selon toute vraisem-blance, au minimum deux des quatre navires de projection et de commandement devraient re-joindre la flotte du Pacifique. Les deux autres devraient être basés dans le Nord, voire à Kalinin-grad. Les achats de frégates et de cor-vettes, qui font vraiment défaut à la flotte russe, n’empêchent pas - au contraire - l’acquisition de navires de projection et de com-mandement. Pour assurer la pro-tection des Mistral, le ministère

de la Défense sera contraint de construire des destroyers. Ces na-vires seront très probablement des frégates de classe Talwar, six de ces bâtiments ayant déjà été commandés par la Russie à la ma-rine nationale indienne. La construction d’hélicoptères em-barqués a bondi, avec 70 à 100 commandes d’appareils. Dernier argument : le recours à un constructeur étranger est dé-terminé par le fait qu’on y construit plus vite et moins cher que sur les chantiers russes. Cela ne signifie pas que les chantiers navals russes ne recevront rien. Au contraire, la commande sti-pule que les chantiers russes doi-vent construire jusqu’à 30% des blocs dès la première série de na-vires, 60% pour la seconde, tan-dis que la construction des troi-sième et quatrième séries devrait être entièrement localisée en Rus-sie. En outre, cette coopération forte entre les chantiers russes et étrangers ne peut que servir l’in-dustrie nationale, qui a pris un gros retard tant sur les techno-logies que sur les processus com-merciaux.

les entreprises qui se montent ou se modernisent n’utilisent pas de matériel russe

le système de certification russe sert surtout à garnir les poches d’officiels corrompus

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suppLément représentent divers points de vue et ne refLètent pas nécessairement La position de La rédaction de La russie d’aujourd’hui ou de rossiyskaya Gazeta. merci d’envoyer vos

commentaires par courrieL : LAruSSiEDAujourDhui.Fr

Igor Fedioukine est directeur des études politiques à la Nouvelle école d’économie..

Vladislav Inozemtsev est profes-seur d’économie et directeur du Centre pour les études post-in-dustrielles à Moscou. Il dirige la revue Svobodnaïa Mysl.

Rouslan Poukhov est directeur du Centre d’Analyse Stratégique et Technologique.

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RUCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

09Perspectives

Préparé parVeronika Dorman

LU DANS LA PRESSE« TOUCHE PAS À MA FORÊT » : DE L’ÉCOLOGIE À L’IDÉOLOGIE

Le combat pour sauver la fo-rêt de Khimki, menacée par la construction d’une autoroute, s’est transformé en bras de fer entre le pouvoir et l’opposition, soutenue par des centaines de gens ordinaires et chantée par la star du rock Youri Chevtchouk. Les travaux sont suspendus, mais l’incertitude règne sur le tracé final de l’autoroute.

L’ÉTAT Y TROUVERA SON COMPTE QUOI QU’IL ADVIENNEGAZETA.RU

BALIVERNES POUR UNE FORÊTMOSKOVSKY KOMSOMOLETS

LE ROCK N’EST PLUS CONTESTATAIRENEZAVISIMAYA GAZETA

En vertu des lois non écrites d’un État-corporation, le gouvernement ne peut pas annuler la construc-tion : ce serait priver ses « amis » de prime et se laisser tenir en bri-de par l’opinion. Quelle que soit l’issue de l’histoire, il est clair que le pouvoir retournera la situation en sa faveur. Accepter la posi-tion des défenseurs de la forêt est dangereux, ce serait créer un pré-cédent menant à d’autres protes-tations. En revanche, désormais le pouvoir pourra faire traîner l’af-faire en longueur, en attendant de trouver des compensations pour ses partenaires commerciaux.

Les défenseurs de la forêt n’ac-ceptent que l’alternative du tun-nel, malgré les risques écologi-ques. L’explication est simple : à la tête des défenseurs, Tchiriko-va n’est pas qu’une politicienne, mais aussi une femme d’affaires. Elle est actionnaire de deux socié-tés de construction de tunnels. La forêt n’est pas défendue par les vrais écologistes, ni par les habi-tants de Khimki. Il s’avère que les activistes de la défense ne rési-dent pas, pour la plupart, à Khi-mki, mais à Moscou, où ils préfè-rent manifester, d’ailleurs. La forêt n’est qu’un prétexte.

Les actions de l’opposition, sous le slogan douteux de « Nous vi-vons tous dans la forêt de Khi-mki », n’ont attiré l’attention que grâce à la participation de Chevt-chouk. Mais le musicien a fait un mauvais calcul de marketing. La politique à la place de la musi-que, ça effraye. L’ère du rock’n’roll engagé est révolue. Et le concert gratuit de Chevtchouk place Pou-chkine en est un exemple criant : les centaines de participants sont un succès pour l’opposition, mais, il faut l’admettre, un fiasco pour une star du rock qui remplissait il y a peu des stades entiers.

Natalia GevorkyanSPÉCIALEMENT POUR

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

engin l’avait entraîné dans une chute, juste sous mes roues. Dieu merci, le motard s’en est sorti sans une égratignure, mais il a essuyé la colère des automobilistes té-moins de l’accident. Jamais on ne m’avait défendue avec autant d’ar-deur ! Une anecdote révélatrice de la tension qui règne entre qua-tre et deux roues.À Moscou, il s’agit surtout d’être attentif aux chauffards qui reçoi-vent leur permis dans une pochet-te-surprise, et qui se pavanent dans des voitures de marque sans sa-voir conduire du tout. À Paris en revanche, le danger vient plutôt des personnes âgées qui condui-sent comme si elles étaient seules sur la route.En Russie, il est désormais inter-dit de boire au volant. Pas une goutte. Mais même sans cela, les Russes se comportent en voiture comme s’ils avaient bu un litre de vodka.Le parking, à Moscou, c’est où tu veux, quand tu veux, et c’est le plus souvent gratuit. À Moscou, si vous êtes sur la voie la plus à gauche et que vous devez tourner à droite à la prochaine, vous ris-quez l’accrochage. À Paris, on as-siste à un comportement placide des automobilistes. On freine, par-fois on klaxonne, et le plus sou-vent, on laisse passer. Une chose unit les deux villes : la peur du gendarme. La différence, c’est qu’à Moscou le problème se règle souvent sur place, en liqui-de et cela revient moins cher. À Paris, c’est plus long, plus coû-teux, et pour les pots-de-vin, tin-tin ! Pourtant, à la vue d’un poli-cier russe, étrangement, je me � ge, mon pouls bat plus vite. En Fran-ce, aucune accélération cardiaque, même lorsque je suis en faute. Un Moscovite peut prendre l’habitu-de de conduire à Paris. Pour un parisien, l’expérience moscovite est formellement déconseillée !

Que t’arrive-t-il ? Tu conduis comme une folle ! On a tout notre temps !

Mon amie parisienne me regar-de avec inquiétude.Dans ma tête, j’étais encore à Moscou. Pas eu le temps de m’ac-climater. D’habitude, cela prend une semaine. Le temps de me détendre, d’évacuer le stress, de transformer une conduite mos-covite trop nerveuse en une maî-trise du volant légère, aérienne. Paris en voiture, c’est aussi ne pas dépasser les 30-50 km/h, parce qu’il n’est généralement pas possible de rouler plus vite, et surtout, parce que c’est sévère-ment puni. Là-bas, je suis toujours pressée, je change de � le en permanen-ce, je démarre au quart de tour lorsque le feu passe au vert, faute de quoi, je suis sûre de subir un lynchage sonore. De ma condui-te dans ces deux villes, un seul comportement commun : je m’arrête pour laisser passer les piétons. Un geste pas souvent approuvé par les conducteurs moscovites.À Paris, je suis la patience in-carnée en voiture. À chaque coin de rue, un camion peut s’arrêter pour décharger des tableaux dans une galerie d’art. Au moins 10 minutes d’attente. À Moscou, c’eût été l’hystérie collective. En tous cas, impossible de se fau� -ler entre les rues étroites de la capitale, à moins d’être en deux roues.Ah, les motards (et les cyclistes) ! À Moscou, ils sont encore rares. La seule fois où j’ai vu un auto-mobiliste parisien perdre son sang froid, c’était justement à cause d’un motard. À un tour-nant sur le quai de la rive gau-che, un motard avait déboulé, me coupant la route. Prenant le virage à trop grande vitesse, son

CES SACRÉS FRANÇAIS

Pas si fous du volant

Natalia Gevorkyan est corres-pondante à Paris du journal en ligne gazeta.ru.

François PerreaultSPÉCIALEMENT POUR

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

pour les droits de l’homme.17h54 : La manifestation va com-mencer ! En� n, pour la petite tren-taine de ce qui semble être des manifestants, et dont la moyenne d’âge frise les 75 ans bien tassés. Jean-Pierre se glisse timidement parmi eux, en se frayant un che-min entre les dizaines de journa-listes étrangers qui assistent à l’étonnant spectacle.17h59 : c’est de plus en plus in-compréhensible. Les policiers hur-lent dans leurs haut-parleurs et demandent d’évacuer la place. Les vingt manifestants (dix ont été arrêtés) sortent des affichettes, Jean-Pierre fait de même. Les 500 policiers sont étonnamment ner-veux et regardent d’un œil torve les vieillards qui scandent des ap-pels à la démocratie.18h04 : la manifestation est ter-minée. Les caméramen étrangers rangent leur matériel, les passants circulent à nouveau sur la place, regardant avec indifférence le petit cirque qui s’estompe sous leurs yeux.21h12 : Jean-Pierre sort en� n du commissariat. L’exercice démo-cratique était intéressant, les ma-nifestations russes sont décidé-ment étranges, mais c’est toujours agréable de pouvoir comparer deux cultures, c’est tout l’intérêt de l’expatriation, nom de nom ! Ne reste plus qu’à trouver une es-calope bien froide pour mettre sur son œil gauche, qui est vachement gon� é. Et espérer que la côté fêlée, qui rend la respiration difficile, va mieux se porter demain.

Jean-Pierre l’avait lu au dé-tour d’une ballade sur In-ternet : une manifestation aura lieu dans quelques

jours pour dénoncer l’arbitraire du régime politique russe. Ju-geant le Premier ministre Vla-dimir Poutine peu amène, et se remémorant avec nostalgie ses années de cégétisme, Jean-Pier-re décide d’apporter sa pierre à l’édi� ce.La veille au soir, notre ami concocte une affiche gentillette (« vive la démocratie » - ce n’est pas très � n, mais l’intention y est) et consulte sa carte : ren-dez-vous est donné Place Trioumfalnaïa. Jean-Pierre se demande quel est le triangle Ré-pu-Bastille-Nation, version mos-covite. Peut-être descendront-ils jusqu’à la Place Rouge par l’avenue Tverskaïa ?On ne la fait pas à Jean-Pierre, habitué des manifs parisiennes : il faut arriver à l’avance, pour ne pas être noyé par la foule. À 17 heures, une heure avant l’heu-re, le voici sur la place. Premiè-re surprise : il y a bien 80 cars de CRS, mais pas un seul ma-nifestant en vue. Mieux vaut at-tendre les camarades avant de déployer l’affiche.17h45 : toujours pas de mani-festants sur place, c’est de plus en plus bizarre. Douze policiers remontent néanmoins d’un passage souterrain, pour em-barquer violemment dans un panier à salade deux militants

CES SACRÉS RUSSES

Notre camarade expat

François Perreault est expatrié à Moscou depuis quatre ans.

Retour dans une patrie méconnaissable

Dans la brume bleutée du petit matin, un paquebot de croisière de sept ponts glisse dans la rade de Sébastopol. Quelques passa-gers somnolents se tiennent côte à côte sur l’un des ponts, savou-rant la beauté paisible du port de la mer Noire. Une dame en châle � n et son compagnon coif-fé d’un canotier � xent le quai, après un long voyage. Quatre-vingt dix ans après leur exode, les émigrés russes, nobles et aris-tocrates, rentraient en� n au pays. Les Troubetskoï, Souvorov, Kou-touzov, Chakhovskoï, Golovine et autres familles de Russes blancs ont pris le chemin inver-se de l’exil de leurs parents et grands-parents. Ils sont partis de Venise vers la Tunisie, la Grèce et la Turquie, jusqu’au point de départ de leurs aînés, le quai Grafski de Sébastopol. Ils se sont arrêtés dans des lieux mémora-bles, anciens camps de réfugiés et cimetières, pour prier avec plus de 200 hommes politiques, entrepreneurs et historiens rus-ses, pour la mémoire des Gar-des blancs - ou Armée blanche, comme ils préfèrent dire - mas-sacrés lors de la Guerre civile. « Je n’avais qu’un an, quand mes parents ont fui de Sébastopol. Toute ma vie, j’ai attendu le jour où je reverrai le quai Grafski », soupire le plus âgé des passa-gers, le nonagénaire Rostislav Don. Le 14 novembre 1920, le géné-ral Piotr Wrangel, dernier com-mandant en chef de l’armée russe, est venu inspecter 125 pa-quebots chargés des familles de ses officiers, qui attendaient de fuir la Russie. Les navires mi-litaires britanniques, français et russes utilisés pour l’évacuation n’offraient guère de cabines confortables. Pour survivre, les 150 000 réfugiés, dont 6 000 of-ficiers et soldats grièvement blessés, durent occuper chaque centimètre carré dans les cales et sur les ponts. Le lendemain, le général Wrangel partit pour la Turquie à la tête de ce qu’il restait de son armée jadis glo-rieuse. Juste à temps : les Rou-ges s’emparaient de Sébastopol le jour suivant. Toujours imprévisible, l’Histoi-re a fait volte-face de nouveau.

litaires russes, nostalgiques de la dévotion manifestée par leurs arrières-grands-pères au Tsar et à la Patrie. « Nos visions historiques sont différentes : nous considérons que la Révolution d’octobre est le plus grand crime contre le peuple russe, mais son guide est encore au Mausolée sur la Place rouge », dit la princesse Tama-ra Choukhovskoï, avec émotion. Avant de partir en voyage, Ta-mara Choukhovskoï, écrivain, a lu dans les carnets de son grand-père l’histoire de sa fuite de Sébastopol ; la violence dont ils ont tous été témoins ; les en-fants qui mouraient d’affreuses épidémies sur l’île de Lemnos ; le courage et le dévouement des officiers blancs sur le chemin de l’exode de l’élite russe. Au cours du voyage, autour des nombreuses tables rondes et pendant les pauses cigarette sur le pont, les activistes moscovi-tes du « Monde russe » (ou Russ-kiy Mir, un mouvement soutenu par le Kremlin) ont fait de leur mieux pour tenter d’expliquer à leurs invités que tous les Rus-ses n’ont pas la même compré-hension de l’histoire soviétique ; que certains participants de la croisière avaient aussi perdu leurs proches dans les purges staliniennes des années 1930. Résidant aujourd’hui à Paris,

Marina Chidlovskaïa trouve in-téressante l’idée de faire rentrer les émigrés au pays : leurs en-fants, sinon eux-mêmes, pour-raient être l’espoir de la récon-ciliation et de la réintégration dont rêve le Monde russe. Son � ls Dimitri est l’un des rares des-cendants blancs venus travailler à Moscou cette année. Un autre

prince, Vladimir Troubetskoï, va commencer en septembre ses études à l’Institut des relations internationales de Moscou. Son père, le chef de la communauté des Gardes blancs à Paris, le prince Alexandre Troubetskoï, a expliqué qu’à l’instar de son père à lui, il a essayé de trans-mettre à ses � ls une dévotion profonde pour la Russie et la culture russe. « Nos quatrième et cinquième générations se sen-tent attirées par Moscou et rê-vent de rentrer », dit Troubets-koï. « Nous pourrions aider la Russie à s’attaquer au problè-me majeur de la faiblesse de la société civile. C’est le rôle dans lequel nous nous voyons ».

Émigration Retrouvailles douce-amères entre les émigrés aristocrates et l’actuelle Russie

ANNA NEMTSOVASPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

90 ans après la fuite tragique, 67 familles de Russes blancs reviennent sur le territoire à l’occasion d’une croisière organisée par le Kremlin et destinée à renouer les liens.

Lors de l’évacuation de Sébastopol le 14 novembre 1920 devant l’arrivée des troupes bolcheviques, 150 000 réfugiés, dont 6 000 blessés graves, se sont entassés sur une poignée de navires.

C’est le gouvernement rouge de Moscou qui avait ordonné l’ex-pulsion des Blancs hors de Cri-mée en 1920 ; cette année, ses successeurs, les chefs actuels du Kremlin, ont organisé et � nan-cé le retour des descendants des Blancs. Mais la tâche de « construire des ponts » s’est avérée la plus difficile pour les

enfants de l’ancienne et de la nouvelle Russie. Les contradic-tions sont apparues avant même le début du voyage, quand les Moscovites ont proposé de nom-mer le programme Deux des-tins pour un seul peuple. Les émigrés aristocrates ont protes-té : « Nous n’allons pas nous ré-concilier avec les rejetons de Lé-nine ! ». L’événement a dû être baptisé « Voyage en mer ». À bord, le courant ne passe pas bien. Les nobles invités parlent français pendant les repas. Les chansons rock des années 1990, bien aimées par leurs hôtes, ne disent rien aux jeunes princes et comtes nés en France. Eux entonnent de vieux chants mi-

Le Kremlin bolchévique a expulsé les Blancs ; le Kremlin actuel organise et finance le retour de leurs descendants

« Nous pourrions aider la Russie renforcer sa société civile. C’est le rôle dans lequel nous nous voyons »

Le diaporama surlarussiedaujourdhui.fr

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE FiGAro

10 culture

À L’AFFichE DE L’AnnéE croiSéE 2010

21èmE FEStiVAL intErnAtionAL DE GéoGrAphiE pAYS inVité : LA ruSSiE 7-10 OctObre, Saint-Dié-DeS-VoSgeS

Le festival sera consacré à l’étude de la forêt, cet « or vert des hommes » : gestion, protec-tion et exploitation durable. Au programme : un Salon de la Géomatique, des expositions scientifiques, des Salons du livre et de la Gastronomie, des remi-ses du prix et des évocations de géographes connus.

www.saint-die.eu ›

Au SErVicE DES tSArS : LA GArDE impériALE ruSSE, DE piErrE LE GrAnD À LA réVoLution D’octobrE 9 OctObre 2010- 23 janvier 2011, MuSée De l’arMée – Hôtel DeS inValiDeS, 129 rue De grenelle, PariS

Le musée de l’Armée et l’Ermitage de Saint-Pétersbourg s’associent pour cette exposi-tion consacrée à l’histoire de la Garde impériale russe. 150 ob-jets exceptionnels : des peintu-res, des uniformes, des armes et des objets d’arts. Les pièces du musée des Cosaques de Cour-bevoie évoquent les armées de la Garde après 1917 et l’exil de grandes familles russes à Paris.

www.invalides.org ›

touS leS DétailS Sur notre Sitewww.larussiedaujourdhui.frVEroniKA DormAn

SPécialeMent Pourla ruSSie D’aujourD’Hui

tel un XXI et son blog, mais version glamour intello chic, le site snob.ru et sa revue Snob voudraient rassembler et façonner les nouveaux russes du XXième siècle.

revue de bonne compagnietendances une presse « haut-de-gamme » émerge avec pour cœur de cible les intellectuels aisés

rons que les gens saisissent aussi l’ironie : le snob est fier de ses ac-complissements et méprise ceux qui n’y sont pas parvenus, tout en ayant conscience que sa condes-cendance est un peu ridicule ».« Snob » apparaît surtout comme une tentative de combler un vide dans la sphère sociale et média-tique russe : créer un espace de débat de haut niveau sur les dif-férents aspects de la vie, l’art, la culture, un peu de science, de la

Dans le paysage médiatique russe, « Snob » est un ovni. Ce projet onéreux, au nom si connoté, cible un auditoire aux contours incer-tains. Pour son rédacteur en chef, Vladimir Yakovlev, ce sont les « global Russians » ; ou les « Rus-ses qui se perçoivent comme des citoyens du monde », explique Macha Gessen, rédactrice en chef adjointe ; soit « une communau-té de professionnels accomplis qui vivent partout dans le monde, mais qui pensent en russe, unis par des intérêts communs, une ouverture aux idées nouvelles et le désir d’en débattre », clame le site. Ce sont surtout des gens qui sont prêts à payer 12 euros pour un numéro et 330 euros par an pour être invités aux événements exclusifs du club. Par sélection naturelle, ce snob-là a des ambi-tions intellectuelles et les moyens financiers de les assouvir. Les concepteurs du projet assu-ment cette méthode de tri, arguant qu’il faut être prêt à débourser pour un produit de qualité. Le jeu en vaut la chandelle, puis-que, selon eux, lire Snob rend in-telligent ! Macha Gessen est ca-tégorique : « Nous parlons au lecteur comme s’il était plus culti-vé qu’il ne l’est en réalité. C’est le seul moyen de relever le niveau ». C’est-à-dire que le lecteur de Snob doit faire preuve de snobisme, pour son propre bien. « Certes, le titre n’est pas très heureux », se défend Gessen, « mais nous espé-

politique, ce « babillage cultivé » qui est le propre, en Occident, des classes éduquées urbaines et so-phistiquées. « En Russie, nous n’avons pas cette culture, nous manquons même de vocabulai-re », explique Gessen qui a long-temps vécu aux États-Unis. Le projet multimédia « Snob », lancé en 2008, a été conçu comme un produit à multiples facettes et résolument moderne. Pour épi-centre, un site internet, www.snob.ru. C’est une plateforme d’infor-mation et de débat structurée comme un blog tentaculaire animé par des « modérateurs », qui rem-placent les rédacteurs, désuets, et suivi par des « participants », au lieu de lecteurs passifs. Puis il y a la revue Snob, qui a des airs de

beau livre : plus de 200 pages au style léché, des signatures pres-tigieuses, agrémentées de pubs élégantes. Enfin, un réseau social, un club sélect et fermé : soirées privées, avant-premières et « snob-talks » (conférences de célébrités) réservées aux membres. Snob sera aussi bientôt un lieu dans un quartier branché de Moscou. Si la revue n’est pas considérée comme l’essentiel du projet, elle en cristallise la substance. Sur un papier luxueux, des plumes aigui-sées publient des articles-essais de haute voltige sur des thèmes qui inquiètent (« En quoi Hitler est-il pire que Staline ? », « La mé-moire est-elle éternelle ? »), des interviews exclusives de person-nalités étrangères (John Malko-

vitch, Frédéric Mittérand) ; les écrivains en vogue - Andreï Gue-lassimov ou Zakhar Prilepine - composent des nouvelles inédi-tes ; des chroniqueurs donnent des nouvelles de Paris, New York ou Londres. Chaque mois, quatre nouvelles personnalités, « repré-sentants les plus brillants de notre auditoire cible », invitées à adhé-rer au club (l’ancien président de l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev ou le réalisateur Pavel Lounguine), se prêtent à une séance photo et à un questionnaire. Sans équiva-lent dans la presse française, Snob lorgne vers un Vanity Fair qui aurait rencontré le New Yorker. Aucune position idéologique af-fichée, mais la sensibilité démo-crate libérale de Snob se démar-que notablement de celle des principaux médias russes. Le site et la revue se caractérisent pour l’instant par une grande liberté de ton, ne s’aventurant pas pour autant sur des terrains trop glis-sants. On n’y lira pas d’analyse sur les fondements du pouvoir poutinien ni d’enquête sur les ori-gines des fortunes des oligarques (le projet est financé par le mil-liardaire Mikhaïl Prokhorov). Snob n’en est pas moins très pré-sent sur les manifestations de l’op-position, couvertes en temps réel. Le numéro d’avril 2010 rendait hommage à la grande dame de la dissidence russe, Lioudmila Alekseeva, tandis que le mouve-ment des « seaux bleus », qui dé-nonce les privilèges des hauts-fonctionnaires, a pris de l’ampleur en partie grâce à l’activisme de la rédaction. Gessen glisse : « Nous n’irons pas organiser une mani-festation, mais nous n’excluons pas le fait qu’à l’issue d’un débat qui se tiendra sur notre site, une action civile puisse se mettre en place ».

Le financier Alexeï Karakhan, l’actrice Alissa Khazanova et le businessman David baumann se retrou-vent au cours d’une soirée privée réservée aux membres de « Snob ».

« notre produit, c’est moins l’article, que la discussion qu’il va engendrer. l’étalon du succès, c’est le débat »

Âme et poésie slaves en peinture

Exposition Des chefs-d’œuvres de la galerie tretiakov présentés à Paris

C’est dans la puissance du ro-mantisme qu’un art russe propre-ment national a vu le jour. On le découvre au Musée de la Vie romantique de Paris, qui ac-cueille à partir du 28 septembre quatre vingts toiles prêtées par la galerie Tretiakov de Moscou, l’un des plus importants musées d’art du monde. Le musée parisien donne à dé-couvrir l’existence russe aux temps du romantisme, précieu-se dans les intérieurs des mai-sons nobles, sauvage sur les che-vaux de combats cosaques. Loudmila Markina, directrice du département des Peintures des XVIIIème et XIXème siècles de la Galerie Tretiakov, explique le caractère particulier de ces œu-vres : « Au lendemain de l’as-sassinat de l’empereur Paul Ier en Russie, le jeune tsar Alexan-dre laissait espérer de grandes réformes. La foi dans un monar-que juste fit naître chez les Rus-ses un sentiment de fierté et d’allégresse. Le terme de “ro-mantisme”, apparu dans la pres-se russe des années 1810, était étroitement associé au concept de “patriotisme” ».Après des années marquées par

l’attirance de Pierre le Grand pour l’Occident, le début du XI-Xème siècle annonce le désir russe de se donner les outils ar-tistiques d’une identité nationa-le. Voyageant à travers l’Europe, les artistes de l’Empire peignent

ses paysages à leur manière, avec une grande force émotionnelle, comme l’explique le critique d’art Emmanuel Ducamp : « Peut-être est-ce là, l’apport profondément original des artistes russes au paysage esthétique européen de

la première moitié du XIXème siècle. Ils exaltent en particulier la nature humaine, sa vérité et son authenticité avec une inten-sité toute slave ; ils affirment leur révérence à une nature qui les nourrit spirituellement ».Parmi les portraits de Karl Brioullov et les paysages de Maxime Vorobiev, l’exposition présente, entre autres œuvres, La traversée du Dniepr par Nikolaï Gogol, tableau d’Anton Ivanov peint en 1845. La forêt sur les rives du Dniepr est immense, le soleil disparaît derrière les confins du monde. La flamme tranquil-le qui anime la discussion des trois personnages sur la barque,

en chemise russe et chapeau occidental, est perceptible. Leur reflet est comme l’âme inquiète de leurs paroles. Nikolaï Gogol n’a sans doute jamais effectué cette prome-nade, et le peintre Ivanov, né serf et fils et de serf, connais-sait mieux la Volga, pour y avoir navigué, que le Dniepr. Mais cela n’a pas d’importan-ce. Son tableau allie les sor-tilèges du romantisme aux rè-gles du classicisme, que les romantiques russes se devai-ent d’apporter à un art nais-sant pour la première fois hors du giron de la Cour et de l’Église.La période romantique est aussi l’heure d’une proximité franco-russe particulière.

Alexandre Pouchkine, qui puisait sans complexe dans son propre folklore national - quand tant de ses compatriotes le déni-graient - possédait également une maîtrise éblouissante de la langue française. Son portrait, gravé par Nikolaï Outkine, est la représentation la plus célèbre du prince de la littérature russe.

pAuL DuVErnEtla ruSSie D’aujourD’Hui

« Art moskva », la foire d’art contemporain de moscou, ouvre ses portes le 22 septembre. pendant cinq jours, les galeries du monde entier chassent artistes et collectionneurs.

Collectionneursdu présent

contemporain rendez-vous de galéristes

genre à Moscou, attirait parfois des galeries aux choix esthéti-ques discutables. « Art Moskva a souffert de la commercialisa-tion de l’art », estime Ekaterina Iragui. Il faut toutefois rendre à César ce qui lui appartient. C’est par Art Moskva que tout a commen-cé. Avant d’exploser brutalement sous l’afflux de pétrodollars il y a cinq ans, la scène de l’art contemporain russe était animée par un petit cercle de galéristes passionnés (Guelman, Regina, Aïdan) qui formaient le noyau dur de cette foire. Depuis 14 ans, c’est le rendez-vous des profes-sionnels de l’art des 20ème et 21ème siècles et du grand pu-blic. Des créateurs de toutes ten-dances s’y côtoient alors que l’évolution artistique a occasion-né des schismes esthétiques et la formation de clans.

La scène française sera repré-sentée par Iragui, qui a ouvert deux galeries, l’une à Paris et l’autre à Moscou. Ekaterina Ira-gui montrera (entre autres) aux visiteurs de la foire l’œuvre de la sculptrice française Nadine Blandiche. La galériste se réjouit que, pour cette édition, les orga-nisateurs aient fait appel à une directrice artistique [Christina Steinbrecher] « qui mettra un peu d’ordre, parce qu’on a vu un peu tout et n’importe quoi ces dernières années ». Il est exact que l’événement, unique en son

Sergueï tchilikov : « Avant la pluie ».

mAchA FoGELla ruSSie D’aujourD’Hui

L’art russe au temps de Gogol et pouchkine se révèle plus passionné que jamais dans le cadre d’une expositon au musée de la Vie romantique à paris.

La galerie d’État Tretiakov à Moscou a été fondée en 1856 par Pavel Tretiakov, indus-triel et grand amateur d’art. Le musée possède l’une des plus importantes collections au monde : plus de 130 000 œuvres d’artistes russes.

La traversée du Dniepr par nikolaï Gogol, (ivanov, 1845).

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11Culture

Lorsqu’il écrit La Sonate à Kreutzer, Tolstoï est en pleine crise spirituelle. Tourmenté par les remords d’une jeunesse de débauche, il se tourne vers une foi avide d’absolu et, assimi-lant la femme à la tentation et au vice, le mariage à la « pros-titution légalisée », dresse dans son ouvrage un réquisitoire cruel qui prône l’abstinence et interdit la procréation (le cou-ple a eu treize enfants !). So-phie est blessée, humiliée. Pire, elle comprend qu’elle est dé� -nitivement écartée de tout com-pagnonnage sur la voie spiri-tuelle de son époux. Deux ans plus tard, elle achève À qui la faute ?, sous-titré « réponse à Léon Tolstoï ».Sophie Tolstoï expose sa ver-sion de la genèse d’un malheur familial qui repose sur un ma-lentendu : elle rêve « d’un amour reposant sur un idéal commun, une affinité particu-lière », lui de la « commodité d’une épouse jeune, belle et bien portante »... Elle se donne corps et âme, il se détourne, sitôt ses � ns atteintes. Elle est belle, intègre, dévouée, exigean-te. Il sera donc suspicieux et jaloux. Elle est engluée dans le matériel, gère le domaine, copie et corrige les manuscrits de son époux, porte et élève les en-fants, les veille lorsqu’ils sont malades ; lui, dévoré par sa quête spirituelle, est indifférent devant l’enfant malade et ne montre que dégoût devant le nouveau-né. À qui la faute ? Sous entendu, « à lui ! » ... Vibrant contrepoint au réquisitoire implacable de Tolstoï, À qui la faute ? est l’ex-posé des aspirations d’une femme blessée. Une femme in-telligente, talentueuse, qui revendique un autre statut que celui d’objet de désir ou d’intendante et le droit d’aspi-rer elle aussi à l’élévation spi-rituelle. À qui la faute ? ne verra le jour en russe qu’en 1994. Ultime sa-cri� ce, Sophie avait accepté de ne pas le publier à la demande des proches. Cette année qui est celle du centième anniver-saire de la mort de son illustre époux, l’édition française, par une étrange ironie, propulse Sophie sur le devant de la scène. La parution de À qui la faute ? simultanément chez Albin Michel et aux éditions des Syrtes propose une autre lecture de La Sonate à Kreut-zer. La publication de Ma vie, l’imposante et passionnante autobiographie de Sophie, est, elle, prévue le 7 octobre.

CHRONIQUE LITTÉRAIRE

Droit de réponse à un génie

ÉDITIONS DES SYRTESTRADUIT PAR CHRISTINE ZEYTOUNIAN - BELOÜS

Christine Mestre

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VERONIKA DORMANSPÉCIALEMENT POURLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Pendant deux jours, la Bibliothèque nationale de Moscou s’est transformée en Tour de Babel, accueillant le 1er congrès international de traducteurs du ou vers le russe.

Traducteurs de tous les pays, unissez-vous !

Littérature Déjouer les pièges linguistiques

chkine que les plus grands tra-ducteurs de la littérature russe et mondiale ont dé� lé pendant deux jours pour répondre à des questions aussi éternelles qu’ur-gentes : peut-on et doit-on tout traduire en littérature ? Y a-t-il de la poésie intraduisible ? Com-ment prendre acte de l’évolu-tion d’une langue en échappant aux anachronismes ? Comment traduire des termes dont le concept n’existe pas dans

« Les traducteurs sont les che-vaux de poste de l’instruction ». C’est sous cette citation de Pou-

" Une réunion de cent cin-quante personnes venues de vingt-cinq pays différents

prouve bien que la littérature est traduisible. Même si nous vivons dans un village global, que la com-munication est instantanée, nos traducteurs sont ravis à l’idée de pouvoir se retrouver tous dans la même pièce ».

LE BON MOT DE...

DARIA KÉZINASPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le dramaturge et metteur en scène Nikolaï Kolyada parle du théâtre en Russie et de son spectacle qui sera présenté au Festival d’automne de Paris, du 7 au 16 octobre prochains.

Nikolaï Kolyada ramène ses « Joconde » à Paris

Théâtre Cet automne, le dramaturge novateur présente son Hamlet

Comment avez-vous commencé à travailler en France ?Il y a quelques années, un cri-tique français bien connu, Jean-Pierre Thibaudat, est venu à Ekaterinbourg découvrir de « nouveaux talents ». Il a visité

Pourtant, vous vous êtes bien adap-té à ce système, à en juger aux salles remplies...Les producteurs français nous ont avoué qu’ils ne s’attendaient pas à un tel succès � nancier. Ils se pré-paraient psychologiquement à une perte totale. Mais tout a été dif-férent pour deux raisons.Premièrement, en France, à la dif-férence de la Russie, la critique théâtrale a énormément de pres-tige. Le goût d’un critique du Monde, tout le monde lui fait con� ance. C’est en tout cas l’im-pression que j’ai. Si un critique de ce journal écrit que tel spec-tacle est nul, il argumente son point de vue et décortique la mise en scène dans le moindre détail... Donc, Le Monde a publié une cri-tique très positive sous le titre Un théâtre sauvage venu de Sibérie (alors que nous ne venons pas du tout de Sibérie, mais de l’Oural). Les spectateurs ont fait con� an-ce au journal et sont venus au spectacle ! Deuxièmement, et c’est le plus important : la place prépondéran-te dans nos spectacles qu’occupe l’acteur. Le spectateur européen, d’après ce qu’il me semble, est fa-tigué par la machinerie et les excès de nouveautés techniques sur scène. Or, le plus important sur scène, ce sont les émotions, les lar-mes, le rire, les tourments et les passions. Je pense que c’est ce que les Français ont aimé dans nos spectacles.C’est tout particulièrement le cas dans Hamlet, où l’on met sur scène une cinquantaine de portraits en négatif de la Joconde, une sorte de symbole national pour les Français, comme Lénine ou la Place Rouge pour nous. Au Lou-vre, ce chef-d’œuvre se trouve der-rière une vitre blindée, on ne peut l’admirer qu’à distance. Dans la pièce Hamlet, les barbares dan-sent au son de l’accordéon d’une manière si violente que les murs de leur fragile palais en tremblent, ils crachent à la face de la Jocon-de, lui crèvent les yeux, lui cou-sent le sourire de � ls rouges... Le public français y a vu un sens par-ticulier.

le Kolyada-Théâtre en compa-gnie de six directeurs de théâ-tres français. Ils ont particuliè-rement apprécié Le Roi Lear, Hamlet et Revizor. Ils ont en-suite invité ma troupe au festi-val international du théâtre Pas-sages 09 à Nancy. Après cet événement, ils nous ont propo-sé de jouer dans leurs théâtres respectifs.

Les théâtres russes qui ne sont pas financés par l’État ont du mal à sur-vivre en province. Pour financer votre festival, vous avez hypothé-qué votre propre appartement.

Croyez-vous qu’en France, le tra-vail aurait été plus facile ?L’organisation du théâtre en France diffère radicalement. En France, il n’existe pas de trou-pes permanentes sauf, peut-être, celle de la Comédie fran-çaise. Voilà pourquoi les artistes cherchent eux-mêmes des pro-jets théâtraux et passent les castings. En Russie, tout est absolument à l’inverse. Chez nous, dans cha-que ville ou presque, il existe au minimum un théâtre, et même le plus souvent plusieurs, qui ont des troupes permanen-

d’autres langues ? Comment enseigner l’art subtil de la tra-duction?Heureux de se retrouver tous en-semble pour parler du plus dif-� cile et du plus beau des mé-tiers, les traducteurs ont partagé avec humour et tendres-se leurs aventures linguistiques. Dawei Tian, qui a traduit Les âmes mortes de Gogol et L’Ar-chipel du Goulag de Soljenit-syne en chinois, recommande de chercher les solutions aux pro-blèmes aporétiques dans la vie et non dans les dictionnaires. Son collègue Mitsuyoshi Numa-no confirme, en avouant qu’il s’est cassé la tête pendant vingt ans pour traduire en japonais « Douchetchka », de la pièce épo-nyme de Tchékhov, et qui signi-� e en russe « la petite chérie, la douce, la mignonne ». Mais il ne trouvait aucun équivalent dans la langue japonaise jusqu’à ce que le jargon des adolescentes

Ekaterina Genieva

DIRECTRICE DE LA BIBLIOTHÈQUE DE

LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE

En cette « Année croisée », le ca-lendrier musical de la rentrée pa-risienne réserve une large place aux œuvres et compositeurs rus-ses : retour sur le mariage de deux traditions créatrices.

Une symphonie d’influences croiséesMusique Compositeurs français et russes s’écoutent et s’inspirent mutuellement depuis plus de deux siècles

ve sa propre voix. Glinka, pre-mier compositeur russe à se ren-dre en Occident, présente en 1845 à Paris son opéra Une vie pour le tzar où, bien que � dèle aux for-mes classiques de la musique oc-cidentale, il puise aux sources po-pulaires du monde slave.Sa rencontre avec Berlioz allait déboucher sur une multiplica-tion des échanges entre les deux pays. C’est à Paris que Saint-Saëns découvre Anton Rubins-tein, qu’Alexandre Siloti lance les « Premières russes » qui ins-

Entre la France et la Russie, la musique a souvent joué un rôle de catalyse. Témoin la place pri-vilégiée des compositeurs fran-çais (Boeldieu et Liszt notam-ment) à la � n du XVIIIème siècle à Saint-Pétersbourg. Au début du XIXème, la musique russe trou-

des années 2000 lui fournisse une solution satisfaisante. À l’issue du congrès, tous les participants ont adopté une ré-solution proposant la création d’un Institut de la traduction, au service des traducteurs de la

littérature étrangère en Russie et de la littérature russe vers les autres langues, en collaboration avec toutes les parties intéres-sées : auteurs, traducteurs, édi-teurs, instituions publiques et fondations privées. C’est un pro-jet qui tient à cœur à Ekateri-na Genieva, la directrice de la Bibliothèque de littérature étrangère qui organise le congrès. « Parmi les spécialis-tes du russe de par le monde, certains ne sont jamais venus en Russie. Cet Institut serait leur asile ici », commente-t-elle. So-phie Benech, qui traduit l’une des grandes dames de la litté-rature russe contemporaine, Loudmila Oulitskaïa (également présente, venue à la rencontre de ses nombreux interprètes), se réjouit : « C’est ce qui nous manque, à nous les traducteurs du russe : une résidence. Nous avons besoin de dialoguer pour avancer ».

« Le plus important sur scène, ce sont les émotions, les larmes, le rire... »

LES GRANDES ÉTAPES1982 - écrit sa première pièce, « Une maison en centre-ville ».

1994 - organise le festi-val du théâtre « Kolyada Plays », à Ekaterinbourg, avec la participation de 18 théâtres russes et étrangers.

2001 - fonde son propre théâtre, le Théâtre Ko-lyada.

tes d’au moins une cinquantai-ne de personnes. Mes collègues français pensent que ce systè-me conservateur est hallucinant et trop lourd. J’ai l’impression que presque tous les théâtres français ne sont que des salles où des met-teurs en scène différents mon-trent un certain nombre de spectacles et repartent ensuite. J’ai entendu dire que ces théâ-tres ont du mal à remplir leurs salles et ne donnent que cinq ou six spectacles par mois. Je ne juge pas ce système, il est tout simplement différent.

À l’affiche Du 12 octobre au 23 janvier, Cité de la Musique : expo-sition « Symphonies d’octobre, musique et pouvoir en Russie soviétique, 1917-1953 ».

Le 14 octobre au Théâtre du Châtelet : « Un rêve rus-se », œuvres de Tchaïkovski et Rachmaninov.

Les 22, 23 et 24 octobre au Théâtre des Champs-Ély-sées : cycle Rachmaninov.À lire intégralement sur

larussiedaujourdhui.fr

pireront les Fauré, Dukas, Ravel et autres Debussy, que Diaghi-lev commande à Stravinsky l’Oiseau de feu pour les Ballets russes et bien d’autres. L’in� uen-ce croisée des deux cultures ré-volutionnera l’expression artis-tique du XXème siècle. Une très riche histoire contée dans tous ses détails par Agathe Amzallag sur notre site Internet.

Le diaporama surlarussiedaujourdhui.fr

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12 CultureRECETTE

Petit pain porte-bonheur

Jamais un ingrédient plus ver-satile et plus délicieux que le gingembre n’a encore échoué sur ma planche à découper. J’aime tout ce qui contient du gingembre : le ginger ale (soda aromatisé), la soupe de carottes et gingembre, les nouilles asia-tiques épicées au gingembre et à l’ail. Et bien sûr, les priani-ki : ces figurines en pain d’épi-ces russes, synonymes de virées hors de Moscou, dans des vil-les plus petites et plus calmes, ceintes de murailles médiévales et coiffées de bulbes dorés qui surplombant le paysage urbain. Durant les années maigres du début de la perestroïka, il m’était impossible de mettre la main sur du gingembre frais. J’ai même poussé un petit cri triomphal en 1999 en tombant sur un nœud de racines de gin-gembre, à la mine mauvaise et asséchée, bâillonné avec un film alimentaire dans une bar-quette en plastique. Je voyais bien qu’il désirait ardemment être délivré et râpé, pour libé-rer enfin son odeur acidulée de propreté épicée et, ajouté à du poulet, des lentilles ou des nouilles, les faire chanter !Le gingembre était réputé, dans les temps anciens, pour ses ver-tus médicinales et culinaires. Il fut introduit en Europe au XIIe siècle par les Croisés rentrant d’Orient. À cause de l’absence de routes commerciales fiables entre l’Occident et l’Orient, le gingembre était un produit de

luxe et seules les communautés monastiques aisées ou les grandes maisons nobles pouvaient se per-mettre d’en utiliser quotidienne-ment. Le gingembre était allié au miel, le principal agent sucrant de l’époque, pour fabriquer des gâ-teaux épais et de texture souple, souvent en forme de petits per-sonnages et décoré en sucre gla-ce pour dessiner les attributs des saints ou des héros, pour les fêtes. Aux propriétés curatives et pro-tectrices du gingembre, les Euro-péens ajoutèrent bientôt cel-le d’un porte-bonheur puissant contre les mauvais esprits. D’où les contes de fées : Hansel et Gre-tel mangent la maison en pain d’épices de la sorcière, et leurs homologues russes, dans un conte similaire, se munissent de gâteaux pour aller affronter leur méchante grand-mère, Baba Iaga. Les prianiki russes sont encore fabriqués dans les centres tradi-tionnels, à Viazma, Arkhangelsk et surtout Toula. Chaque ville a sa propre recette secrète, une for-me et un style décoratif particu-liers pour ces gâteaux parfumés et souples qui se marient si bien avec une tasse de thé russe par un froid après-midi d’automne. Et on ne sait jamais quel mauvais esprit peut fureter dans le coin !Les prianiki traditionnels sont fa-briqués avec des moules et des tampons spéciaux, mais leur ab-sence ne doit pas vous arrêter : des emporte-pièces à gâteaux fe-ront parfaitement l’affaire, de mê-me qu’un verre renversé.

Ingrédients :3 tasses de farine • 1 c. à café de levure chimique • 1 c. à café de gingembre séché • ½ c. à café de cannelle moulue • ½ c. à café de cardamone moulue • ½ c. à ca-fé de noix de muscade moulue • 1 grosse pincée de sel • 2 gros œufs • 1 racine de gingembre frais finement râpée • 1 tasse de sucre semoule • 1 tasse de miel • 1 ½ d’extrait de vanille½ tasse de sucre glace • 2 c. à soupe de jus de citron • 3 c. à soupe de zeste de citron

Préparation :Mélangez farine, levure, gingem-bre, cannelle, cardamone, noix de muscade et sel.Battez les œufs et le sucre dans un grand saladier à l’aide d’un bat-teur électrique, à grande vitesse, jusqu’à l’obtention d’une masse épaisse et pâle. Réchauffez doucement le miel et le gingembre frais au bain-marie.Incorporez le miel et la vanille à la mixture d’œufs, puis les ingré-

dients secs, pour obtenir un pâte épaisse. Couvrez de plastique et ré-frigérez une heure.Préparez le glaçage : mélangez le su-cre glace, le jus et le zeste de citron jusqu’à l’obtention d’une masse ho-mogène. Laissez de coté.Préchauffez votre four à 190°. Placez la grille à mi-hauteur. Beurrez ou hui-lez deux plaques à pâtisserie.Étalez la pâte, 1 cm d’épaisseur, sur une surface saupoudrée de farine.Découpez des gâteaux de 5 cm de diamètre environ.Placez les gâteaux sur les plaques à 5 cm d’intervalle. Laissez cuire pen-dant 9 minutes ; intervertissez les plaques et laissez cuire encore 9 mi-nutes (18 minutes au total, ou jusqu’à ce que les gâteaux soient dorés).Laissez-le refroidir deux minutes hors du four puis transférez-les sur une grille de refroidissement pour 20 mi-nutes au moins. Enduisez les gâteaux de glaçage.

Jennifer Eremeeva SPÉCIALEMENT POUR

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

FEDOR KLIMKINLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

La photographe Lioudmila Zintchenko capture l’atmosphère contrastée des capitales russe et française avec une technique inédite.

Mystérieux retour vers la chambre obscure

Photographie Lever de rideau sur l’exposition « Moscou-Paris : l’œil qui rapproche »

mettant en parallèle les plus beaux lieux des capitales russe et française. Ces images ont été obtenues à l’aide de la caméra obscure, ancêtre de l’appareil photo, qui dispose d’un petit trou à la place de l’objectif. Sur le support, les couleurs ont quel-que chose de pâle et étouffé, avec un léger effet de brume floue. Elles exhalent une dimension mystérieuse et métaphysique,

ries à Paris et Lobnoïe Mesto à Moscou, ou encore le Musée d’Or-say et la Place Rouge ».Tout le super� u, l’instantané, tout ce qui se meut rapidement, s’éva-pore en un seul temps de pose long, sur un vieil appareil photo en bois. Des paysages urbains, se cristallise alors l’essentiel. En fait, l’artiste ne peut ni prévoir, ni contrôler le résultat de ses tra-vaux. Le bon cadre est recherché de façon intuitive, en choisissant avec soin le juste équilibre entre ombre et lumière.L’exposition se déroule du 13 au 23 septembre, au Centre de Rus-sie pour la science et la culture à Paris, et est présentée en coo-pération avec le supplément La Russie d’Aujourd’hui.

Le Jardin des Tuileries à Paris et Lobnoïe Mesto à Moscou, tous deux captés par le « trou » d’une caméra obscure.

MARIA TCHOBANOVLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Les « Saisons russes » ont ouvert leurs portes début septembre à Paris. Cette fois, il ne s’agit pas de ballets, mais de l’art d’accommoder des ingrédients alléchants.

Délices de l’ancien et du moderne

Gastronomie Le très novateur Anatoly Komm réédite les classiques russes

de produits du terroir est une « arme stratégique » qui permet-tra, à terme, de renforcer la pré-sence de la Russie dans le monde. « L’évolution de la haute cuisine russe dépendra de notre capa-cité à faire renaître la produc-tion agricole artisanale de notre pays », affirme Komm. En attendant, les Saisons de la Gastronomie russe ont fait leur entrée dans les cuisines françai-ses. Elles ont su dévoiler au pu-blic le potentiel gastronomique de la Russie. « La Semaine de la haute cuisi-ne russe a été conçue comme une plateforme pour faire découvrir des chefs cuisiniers de Russie ab-solument méconnus en Occident. Nous voulions montrer que l’art culinaire se développe en Rus-sie de façon tout aussi dynami-que que dans les domaines de l’économie ou de la culture », a précisé Natalia Marzoeva, Di-rectrice du projet.En novembre, ce sera au tour de Lyon de goûter aux délices des spécialités russes revisitées. En retour, le talentueux Christopher Hache, chef du Crillon, fera une tournée à Moscou en octobre, dans le cadre du Festival gastro-

Durant la Semaine de la Gas-tronomie russe, le chef cuisinier Anatoly Komm a fait la démons-tration de sa virtuosité au res-taurant « Les Ambassadeurs », à l’hôtel de Crillon. Pionnier de la cuisine molécu-laire en Russie, Komm est répu-té pour ses choix contrastés as-sociant invention et tradition. Il explique que « les produis ali-mentaires constituent mon outil de travail, comme les couleurs pour un peintre, les notes pour un compositeur. C’est à travers les ingrédients que je fais passer ma philosophie et que je parta-ge ma vision du monde. La haute gastronomie ne répond pas à un besoin animal vital, elle affecte l’esprit, le cœur et l’âme ».Pour confectionner ses plats, ce chef fait venir des produits de-puis les quatre coins de la Rus-sie. Pour lui, l’art culinaire à base

nomique de Moscou. Très atten-du en Russie, le jeune chef fran-çais reconnaît ne s’être jamais rendu dans ce pays et ignorer tout de sa cuisine : « je suis sûr que je trouverai de nouveaux élé-ments de création, et ce sera un plaisir d’apprendre de mes col-lègues russes. Je sais que les Rus-ses apprécient beaucoup l’origi-nalité et l’extravagance en cui-sine, ils aiment les assemblages complexes avec des ingrédients variés. Je pense que c’est juste-ment ce qui explique le succès de Komm », explique-t-il. En 2011, les Saisons de la Gas-tronomie russe comptent deve-nir accessibles à tous en s’affi-chant au menu des brasseries et bistrots franciliens, pour s’éten-

dre par la suite aux autres ré-gions de France,.Pour la plupart des Français, la cuisine russe est souvent asso-ciée au borchtch, aux pirojki, ou à de grands classiques comme les blinis, le caviar et la vodka. Rares sont les restaurants rus-ses offrant à leurs visiteurs une cuisine authentique révélant les saveurs des plats traditionnels. En Russie, la restauration de luxe est un des premiers secteurs à avoir explosé avec l’avènement de l’économie de marché. Depuis, elle continue d’attirer des inves-tissements. Une tendance nou-velle se dessine, privilégiant les produits régionaux et qui mar-que le renouveau de l’art culi-naire en Russie.

Anatoly Komm (à g.) et Chrisopher Hache en cuisine au Crillon.

Autres recettes surlarussiedaujourdhui.fr

tout en re� étant � dèlement l’at-mosphère claire et paisible des deux métropoles. « Il ne s’agit pas d’une compa-raison directe entre les deux ca-pitales. C’est mon regard qui capte soudain une ambiance réunissant des paysages à première vue in-compatibles », explique Lioud-mila. « Dans un couple émotion-nel inattendu peuvent se réunir, par exemple, le Jardin des Tuile-

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