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Ce supplément de douze pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux Distribué avec Les nations font du passé une interprétation parfois bien di- vergente, commente le polito- logue Fyodor Lukyanov. Selon l’expert Dmitri Trenine, la Russie a besoin de deux al- liés solides en Asie et en Euro- pe pour moderniser le pays. Ce sont deux anciens ennemis... PAGE 8 PAGE 8 L’histoire qui nous sépare Nos alliés : Japon et Allemagne Dans un entretien accordé au quotidien Izvestia, Dmitri Medvedev rejette le culte de Staline mais souligne le rôle de l’Armée Rouge. « Le peuple a gagné la guerre » Mercredi 19 mai 2010 PAGE 3 PAGES 6 Kiev se rapproche de Moscou, mais pas trop ! Gaz moins cher contre base navale russe prolongée, mais prudence de l’Ukraine sur la portée de l’accord Le constructeur français assemble des véhicules dans la région de Kalouga PSA construit à Kalouga PAGE 5 ITAR-TASS Salut les artistes ! Le grand retour de l’icône Une exposition au Palais de Tokyo, met en scène la nou- velle et provocante avant- garde russe Ces images tradtionnelles de l’orthodoxie connaissent un net regain d’intérêt P.12 P.11 GALINA MASTEROVA SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI ANNA VARENOVA SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI Le sommet Russie - Union européenne de la semaine prochaine à Rostov-sur-le-Don devrait consolider les nouvelles bases des relations qui avaient pâti des événements de Géorgie. Le sommet, placé» sous le thème d’un « partenariat de moderni- sation », signera la première vi- site de Herman Van Rompuy en Russie en qualité de président du Conseil européen, qui sera ac- compagné de José Manuel Bar- roso, président de la Commis- sion européenne, et de Catherine Ashton, haute repré- sentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères. La Russie sera représentée par son président, Dmitri Medvedev, et son ministre des Affaires étran- gères, Sergeï Lavrov. Après une rencontre à Stockholm en novembre dernier, le sommet de deux jours, qui s’ouvrira le 31 mai, ne sera que le deuxième grand rendez-vous UE-Russie depuis le refroidissement des re- lations occasionné par la guerre russo-géorgienne en août 2008. Selon Andrew Wilson, un expert en politique auprès du Conseil européen pour la politique exté- rieure basé à Londres, les pour- parlers devraient porter sur « l’in- vestissement de l’État : contrôlé par le haut à la manière soviéti- que ou du bas vers le haut, comme le souhaiterait l’Union européen- ne ; la liberté d’entreprise et la chasse à la corruption ». Un par- tenariat Union Européenne - Russie pourrait, entre autres, por- ter sur le développement des nanotechnologies au service de nouveaux produits, la coopéra- tion en matière d’assistance tech- nique dédiée au secteur indus- triel et la recherche, a indiqué pour sa part Denis Daniilidis, porte-parole de la délégation de l’Union européenne à Moscou. Mais si l’ordre du jour donne la priorité au « partenariat de mo- dernisation », trois autres grands dossiers, plus politiquement sen- sibles pour deux d’entre eux, se- ront évoqués en marge : l’adhé- sion de la Russie à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’accord gazier russo-ukrainien et les visas. Sur le premier, Moscou avait causé surprise et déception l’an dernier en liant son entrée à l’OMC à celles du Kazakhstan et de la Biélorussie. « Il semble que la Russie fasse machine ar- rière en la matière », commente Andrew Wilson ; « pour autant, ses intentions quant à l’avenir de l’union douanière ne sont tou- jours pas claires ». La décision russe, en mars der- nier, d’ouvrir un poste douanier réservé aux automobilistes à la frontière russo-finlandaise, et de maintenir les taxes sur le bois à leur modeste niveau actuel au- delà du 1er janvier 2011, peut être considérée de bon augure pour les discussions qui s’ouvri- ront à l’OMC. Diplomatie Européens et Russes cherchent à relancer leur coopération économique et politique SUITE EN PAGE 2 SUITE EN PAGE 4 « Puisses-tu vivre au temps des changements » : le Français Nicolas Megrelis semble avoir suivi en Russie ce précepte chinois, négociant avec un égal bonheur les envolées et les crises de l’économie post- soviétique. Si vous n’avez pas vécu dans la Russie du début des années 1990, vous aurez bien du mal à vous représenter cette époque. Deux putsches, une inflation ga- lopante, la destruction de l’éco- nomie planifiée, des règlements de comptes publics entre ban- dits, et les premiers pas incer- tains du capitalisme.Aujourd’hui, on les appelle les « folles années 90 ». En ce temps-là, il était aussi rapide de tout perdre que de monter une affaire en or. C’était une époque bénie pour les veinards au cœur bien ac- croché, sachant surmonter l’in- surmontable avec une persévé- rance bornée et ne craignant pas de fonder des entreprises en Russie. Nicolas Megrelis est jus- tement de cette trempe. « Vous comprenez », raconte-t-il, « tout était possible alors. Tout ! Il n’y avait aucune concurrence et le marché était énorme ». À l’origine de son histoire, un gros coup de chance : « La bou- tique Nina Ricci a été ouverte à Moscou en 1992, mais dès 1993, avec le début de la privatisa- tion, les responsables ont sim- plement abandonné le magasin, en me le laissant gratuitement ». C’est comme ça que Megrelis commença à vendre des produits de beauté dans une boutique luxueuse en plein cœur de Mos- cou sous une enseigne presti- gieuse. Il débarquait alors tout frais émoulu d’une université amé- ricaine. Il était arrivé en Russie à l’invitation de son père consul- tant, dont le carnet d’adresses et le réseau de relations cou- vraient les étrangers comme les Russes. On faisait tout sauf s’en- nuyer à Moscou. La chance et les expériences excitantes se cueillaient à tous les coins de rue. La boutique Nina Ricci devint un terrain d’entraînement pour Le parcours en beauté d’un Français en Russie Portrait Sur un marché en dents de scie, Nicolas Megrelis a créé son réseau de boutiques pour les soins du corps Megrelis vit en Russie depuis 1993 DÉBATS ET OPINIONS toutes les ficelles du métier d’im- portateur et de vendeur de cos- métiques. Il décrocha le gros lot avec la crise de 1998. « En 1998, mes affaires ne tournaient pas très bien. Je voulais distribuer aussi d’autres marques, j’étais en pourparlers avec The Body Shop, L’Occitane et d’autres, mais ils ont tous refusé. J’ai donc décidé de créer quelque chose à moi », raconte Megrelis. C’est alors que l’économie tout entière s’écroula. « Il nous man- quait des financements », se sou- vient-il. « Je venais de recevoir un crédit de 100 000 dollars de la Bank of Austria, la veille de la crise. Et là, imaginez- vous... » Avant-poste du changement Des secousses politiques agitent depuis plusieurs mois l’enclave de Kaliningrad (ex Königsberg). Des milliers de Russes participent à des meetings antigouvernementaux dans cette région singulière et isolée. Megrelis. Sans crainte des chan- gements incessants des règles du jeu dans la vie et dans les affaires, il étudia attentivement En marge de la modernisation, on évoquera aussi l’adhésion de la Russie à l’OMC, le gaz et les visas. ALEXEÏ LEVCHENKO GAZETA.RU Un samedi soir, à un carrefour du centre de Kaliningrad, la BMW X5 d’un entrepreneur local lancée à pleine vitesse a renver- sé un jeune homme sur un pas- sage protégé. Le cortège du gou- verneur régional Gueorgui Boos, qui passait par là, a stoppé net. Au grand étonnement des té- moins, la portière de la limousi- ne s’est ouverte, le gouverneur est sorti et a appelé lui-même les services d’urgence. SUITE EN PAGE 7 Moderniser ensemble ANNA ARTEMEVA RIA NOVOSTI RIA NOVOSTI PSA PEUGEOT CITROËN PHOTOXPRESS DMITRY DUHANIN_KOMMERSANT

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Dans un entretien accordé au quotidien Izvestia, Dmitri Medvedev rejette le culte de Staline mais souligne le rôle de l’Armée Rouge. « Puisses-tu vivre au temps des changements » : le Français Nicolas Megrelis semble avoir suivi en Russie ce précepte chinois, négociant avec un égal bonheur les envolées et les crises de l’économie post- soviétique. Ces images tradtionnelles de l’orthodoxie connaissent un net regain d’intérêt Distribué avec ANNA VARENOVA GALINA MASTEROVA

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Ce supplément de douze pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux

Distribué avec

Les nations font du passé une interprétation parfois bien di-vergente, commente le polito-logue Fyodor Lukyanov.

Selon l’expert Dmitri Trenine, la Russie a besoin de deux al-liés solides en Asie et en Euro-pe pour moderniser le pays. Ce sont deux anciens ennemis...

PAGE 8

PAGE 8

L’histoire qui nous sépare

Nos alliés : Japon et Allemagne

Dans un entretien accordé au quotidien Izvestia, Dmitri Medvedev rejette le culte de Staline mais souligne le rôle de l’Armée Rouge.

« Le peuple a gagné la guerre »

Mercredi 19 mai 2010

PAGE 3 PAGES 6

Kiev se rapproche de Moscou, mais pas trop ! Gaz moins cher contre base navale russe prolongée, mais prudence de l’Ukraine sur la portée de l’accord

Le constructeur français assemble des véhicules dans la région de Kalouga

PSA construit à Kalouga

PAGE 5

ITAR-TASS

Salut les artistes !

Le grand retour de l’icône

Une exposition au Palais de Tokyo, met en scène la nou-velle et provocante avant-garde russe

Ces images tradtionnelles de l’orthodoxie connaissent un net regain d’intérêt

P.12

P.11

GALINA MASTEROVASPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

ANNA VARENOVASPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le sommet Russie - Union européenne de la semaine prochaine à Rostov-sur-le-Don devrait consolider les nouvelles bases des relations qui avaient pâti des événements de Géorgie.

Le sommet, placé» sous le thème d’un « partenariat de moderni-sation », signera la première vi-site de Herman Van Rompuy en Russie en qualité de président du Conseil européen, qui sera ac-compagné de José Manuel Bar-roso, président de la Commis-s i o n e u ro p é e n n e , e t d e Catherine Ashton, haute repré-sentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères. La Russie sera représentée par son président, Dmitri Medvedev, et son ministre des Affaires étran-gères, Sergeï Lavrov. Après une rencontre à Stockholm en novembre dernier, le sommet de deux jours, qui s’ouvrira le 31 mai, ne sera que le deuxième grand rendez-vous UE-Russie depuis le refroidissement des re-lations occasionné par la guerre russo-géorgienne en août 2008.

Selon Andrew Wilson, un expert en politique auprès du Conseil européen pour la politique exté-rieure basé à Londres, les pour-parlers devraient porter sur « l’in-vestissement de l’État : contrôlé par le haut à la manière soviéti-

que ou du bas vers le haut, comme le souhaiterait l’Union européen-ne ; la liberté d’entreprise et la chasse à la corruption ». Un par-tenariat Union Européenne - Russie pourrait, entre autres, por-ter sur le développement des

nanotechnologies au service de nouveaux produits, la coopéra-tion en matière d’assistance tech-nique dédiée au secteur indus-triel et la recherche, a indiqué pour sa part Denis Daniilidis, porte-parole de la délégation de

l’Union européenne à Moscou. Mais si l’ordre du jour donne la priorité au « partenariat de mo-dernisation », trois autres grands dossiers, plus politiquement sen-sibles pour deux d’entre eux, se-ront évoqués en marge : l’adhé-sion de la Russie à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’accord gazier russo-ukrainien et les visas. Sur le premier, Moscou avait causé surprise et déception l’an dernier en liant son entrée à l’OMC à celles du Kazakhstan et de la Biélorussie. « Il semble que la Russie fasse machine ar-rière en la matière », commente Andrew Wilson ; « pour autant, ses intentions quant à l’avenir de l’union douanière ne sont tou-jours pas claires ».La décision russe, en mars der-nier, d’ouvrir un poste douanier réservé aux automobilistes à la frontière russo-� nlandaise, et de maintenir les taxes sur le bois à leur modeste niveau actuel au-delà du 1er janvier 2011, peut être considérée de bon augure pour les discussions qui s’ouvri-ront à l’OMC.

Diplomatie Européens et Russes cherchent à relancer leur coopération économique et politique

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« Puisses-tu vivre au temps des changements » : le Français Nicolas Megrelis semble avoir suivi en Russie ce précepte chinois, négociant avec un égal bonheur les envolées et les crises de l’économie post-soviétique.

Si vous n’avez pas vécu dans la Russie du début des années 1990, vous aurez bien du mal à vous représenter cette époque. Deux putsches, une in� ation ga-lopante, la destruction de l’éco-nomie plani� ée, des règlements de comptes publics entre ban-dits, et les premiers pas incer-tains du capitalisme. Aujourd’hui,

on les appelle les « folles années 90 ». En ce temps-là, il était aussi rapide de tout perdre que de monter une affaire en or. C’était une époque bénie pour les veinards au cœur bien ac-croché, sachant surmonter l’in-surmontable avec une persévé-rance bornée et ne craignant pas de fonder des entreprises en Russie. Nicolas Megrelis est jus-tement de cette trempe. « Vous comprenez », raconte-t-il, « tout était possible alors. Tout ! Il n’y avait aucune concurrence et le marché était énorme ». À l’origine de son histoire, un gros coup de chance : « La bou-tique Nina Ricci a été ouverte à Moscou en 1992, mais dès 1993, avec le début de la privatisa-tion, les responsables ont sim-

plement abandonné le magasin, en me le laissant gratuitement ». C’est comme ça que Megrelis commença à vendre des produits de beauté dans une boutique luxueuse en plein cœur de Mos-cou sous une enseigne presti-gieuse.Il débarquait alors tout frais émoulu d’une université amé-ricaine. Il était arrivé en Russie à l’invitation de son père consul-tant, dont le carnet d’adresses et le réseau de relations cou-vraient les étrangers comme les Russes. On faisait tout sauf s’en-nuyer à Moscou. La chance et les expériences excitantes se cueillaient à tous les coins de rue. La boutique Nina Ricci devint un terrain d’entraînement pour

Le parcours en beauté d’un Français en RussiePortrait Sur un marché en dents de scie, Nicolas Megrelis a créé son réseau de boutiques pour les soins du corps

Megrelis vit en Russie depuis 1993

DÉBATS ET OPINIONS

toutes les � celles du métier d’im-portateur et de vendeur de cos-métiques. Il décrocha le gros lot avec la crise de 1998. « En 1998, mes affaires ne tournaient pas très bien. Je voulais distribuer aussi d’autres marques, j’étais en pourparlers avec The Body Shop, L’Occitane et d’autres, mais ils ont tous refusé. J’ai donc décidé de créer quelque chose à moi », raconte Megrelis. C’est alors que l’économie tout entière s’écroula. « Il nous man-quait des � nancements », se sou-vient-il. « Je venais de recevoir un crédit de 100 000 dollars de la Bank of Austria, la veille de la crise. Et là, imaginez-vous... »

Avant-poste du changementDes secousses politiques agitent depuis plusieurs mois l’enclave de Kaliningrad (ex Königsberg). Des milliers de Russes participent à des meetings antigouvernementaux dans cette région singulière et isolée.

Megrelis. Sans crainte des chan-gements incessants des règles du jeu dans la vie et dans les affaires, il étudia attentivement

En marge de la modernisation, on évoquera aussi l’adhésion de la Russie à l’OMC, le gaz et les visas.

ALEXEÏ LEVCHENKOGAZETA.RU

Un samedi soir, à un carrefour du centre de Kaliningrad, la BMW X5 d’un entrepreneur local lancée à pleine vitesse a renver-sé un jeune homme sur un pas-sage protégé. Le cortège du gou-verneur régional Gueorgui Boos, qui passait par là, a stoppé net. Au grand étonnement des té-moins, la portière de la limousi-ne s’est ouverte, le gouverneur est sorti et a appelé lui-même les services d’urgence.

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Moderniser ensemble

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02 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI fr.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE fiGAro international

AnnA nEmtSoVAspécialement pour la russie d’aujourd’hui

Le gramme d’héroïne qui a failli coûter la vie à Sveta makhnenko venait des champs de pavot afghans.

Sveta Makhnenko se rappelle va-guement avoir repris conscience, étendue sur le sol, le nez cassé, les membres engourdis, assaillie pas une douleur intolérable ti-raillant chaque muscle de son corps décharné. Une infirmière a alors lâché : « Celle-là, elle re-joindra l’autre monde avant de-main matin ».Il y a dix ans, à l’école de Nizh-ny Novgorod où elle enseignait l’histoire, Makhnenko était connue pour sa finesse d’esprit et de goût. Mais en une décen-nie, elle s’est vue réduite à l’état d’une toxicomane totalement dé-munie : « J’ai perdu mes dents. J’ai perdu mes amis. J’ai vendu mon appartement », confie-t-el-le. Aujourd’hui âgée de 42 ans, elle a survécu grâce au traite-ment dispensé par Exit, un cen-tre de réinsertion de Nizhny No-vgorod. L’année dernière, 30 000 personnes dans toute la Russie n’ont pas eu cette chance et ont succombé à des overdoses d’hé-roïne. Les autorités russes attri-buent quelque 100 000 décès sup-plémentaires à des problèmes liés à la drogue.Il y a une vingtaine d’années, pour les Russes, l’héroïne était un fléau qui sévissait à l’Ouest. Dans des villes comme Nizhny Novgorod, c’est la consomma-tion de vodka et un alcoolisme à grande échelle qui faisaient des ravages. Ces temps-ci, aux abords de l’usine GAZ durement frap-pée par la crise économique, alors même que le quartier se vide de ses âmes, les cages d’escaliers sont jonchées de seringues. Im-possible de prendre le métro sans se voir proposer une dose d’hé-roïne pour la modique somme de 2,5 dollars. Une injection d’hé-roïne est désormais moins chère qu’une bouteille de vodka.La dose qui a failli tuer Makh-

De la bouteille à la seringueDrogue après l’alcool, les problèmes de l’afghanistan contaminent la société russe

nenko ne représentait qu’un gramme sur les 70 tonnes d’hé-roïne sortis des champs de pavot afghans et qui envahissent le ter-ritoire russe. La drogue traverse l’Asie centrale dans de petits sacs plastiques de poudre blanche, que certains contrebandiers dis-simulent à l’intérieur de jeunes oignons ou de jeunes choux, lais-sant le légume pousser tout autour jusqu’à recouvrir complè-tement l’enveloppe des sacs. D’autres « mules » placent plus simplement les sacs dans leurs vêtements et leurs bagages à main. La position de la Russie, qui af-firme qu’il faut immédiatement procéder à la destruction des champs de pavot afghans, consti-tue un point de tension avec les États-Unis, qui considèrent, pour leur part, qu’une éradication du pavot pourrait nuire à l’opéra-tion militaire en cours en Afgha-nistan. Cela provoquerait la co-lère des paysans, qui pourraient ensuite décider de soutenir les talibans. La Russie ne doit donc compter que sur elle-même pour réparer les dégâts. Or, les cures de dé-sintoxication pratiquées en Rus-sie restent très en retard sur ce qui se fait à l’Ouest. Le pays re-jette les méthodes de substitu-tion et dans certains centres, les patients sont encore enchaînés à leur lit, hurlant et laissés à leur souffrance durant les premiers jours de manque.Le centre Exit de Nizhny fait fi-gure d’exemple en Russie. Les patients y reçoivent le traitement

nécessaire dans huit unités ré-sidentielles de soins différentes en périphérie de la région de Ni-zhny Novgorod, au milieu d’un cadre idyllique : une déclinaison de la campagne russe en champs d’orge et forêts de bouleaux. Leurs pires journées de souffran-ce passées, les patients d’Exit s’entraident pour réapprendre à vivre au quotidien, selon la mé-thode dite des « Douze étapes », et à guérir de leur dépendance

psychologique. Ils fendent du bois pour se chauffer, préparent leurs propres repas et prient en-semble autour de leur prêtre. Ce dernier, lui-même ancien toxi-comane, estime que « l’héroïne est comparable à une arme chimique, capable de détruire notre société tranquillement, presque en silence ».

Les futurs marsonautes s’habituent aux scaphandres « orlan-E » dans le module qui reproduit la surface martienne.

Si les insurgés afghans bénéficient désormais, dans une certaine me-sure, de l’économie de la drogue, c’est principalement en raison de la grande pauvreté de l’Afghanis-tan et de sa population majori-tairement rurale. Le recours à la culture du pavot constitue en effet une des seules alternatives dont une grande partie de la paysanne-rie dispose pour tenter d’assurer sa sécurité alimentaire. Au grand dam de la Russie, les États-Unisont récemment renon-cé à l’éradication forcée du pa-vot, désormais jugée doublement contreproductive. Car, outre le fait que l’éradication n’est pas viable,

elle pousse les paysans afghans d’opium, privés de cette ressour-ce, dans les bras des talibans et accentue la pauvreté, qui est la cause première du recours à la production d’opium. Ce dont l’Afghanistan a désormais le plus besoin, notamment pour diminuer et enrayer sa produc-tion d’opium, c’est de paix et de développement économique. Éra-diquer, par contre, reviendrait à supprimer brutalement un tiers de l’économie d’un des pays les plus pauvres du monde s’attachant à sortir de 30 ans de guerre. Cela aggraverait l’instabilité de l’Afgha-nistan et risquerait de mener à l’augmentation de sa production d’opium.

pierre-arnaud chouvy est l’auteur de Les territoires de l’Opium

(ed. olizane)

ExpErt

l’opium : un mal nécessaire pierre-Arnaud

chouvy GéoGraphe charGé

de recherche au cnrs

En chiffres

« mars 500 », c’est peu un Big Brother scientifique avec une surveillance vidéo 24h/24

VEroniKA DormAnla russie d’aujourd’hui

romain charles va réaliser son rêve d’être astronaute. Enfin presque. Avec six autres volontaires, il vivra dans les conditions d’un vol habité vers la planète rouge.

Depuis cinq ans, l’Institut bio-médical de Moscou (IMBP) et l’Agence spatiale européenne (ESA) développent de concert le programme « Mars 500 ». Six volontaires (trois Russes, un Chinois, et deux Européens) vont être enfermés pendant 520 jours - le temps d’un aller-re-tour et d’un bref « amarsissa-ge » - dans des conditions très proches de la réalité, l’apesan-teur et les radiations cosmiques en moins. Les six hommes vi-vront dans un module compact, construit au cœur de l’IMBP, qui reproduit l’espace d’une na-vette spatiale et la surface de la planète rouge. L’objectif de l’expérience est d’étudier les ris-ques psychologiques et physio-logiques que comporte une iso-lation totale, sur une très longue durée, dans l’espace confiné d’un vaisseau spatial, où tout est strictement rationné, de l’eau au sous-vêtements. Les vo-lontaires prêteront aussi leurs corps à la science : une centai-ne d’expériences biomédicales seront menées par divers labo-ratoires. « Tout contact avec l’extérieur sera totalement coupé, plus rien ne pénétrera dans le module une fois le voyage commencé », ex-plique Romain Charles, un in-génieur français de 30 ans, en poussant une lourde porte blin-dée. L’accès au module se fait par la salle de sport. C’est ici que les volontaires passeront une grande partie de leur temps, pour se maintenir en forme, et procé-der à des expériences. Un bon-net muni d’électrodes permettra, par exemple, de mesurer l’im-pact du sport sur l’humeur.Dans le module d’habitation, les conditions sont spartiates. L’équi-pement de la cuisine est réduit au micro-onde, celui du salon à la télé. Seules des chambres exi-guës de 3 m² composent l’espa-ce vraiment personnel. « Chacun emmène son ordinateur, chargé de musique, photos et films », (se) rassure Romain Charles, qui avoue ne rien craindre dans cette aventure, à part le manque de soleil et de la famille, un peu. Le contact sera maintenu, mais strictement rationné lui aussi. Elena Feichtinger, chef du pro-jet pour l’ESA, sera le médiateur entre les captifs et le monde ex-térieur. « Ils pourront envoyer des messages succins à leurs pro-ches. On les tiendra au courant de l’actualité dans le monde, mais

Espace un programme russo-européen simule un vol vers la planète rouge

Mars comme si j’y allais

l’information sera sélectionnée par des psychologues », précise-t-elle.« Mars 500 », c’est un peu un Big Brother scientifique : la vie dans le module fera l’objet d’une sur-veillance vidéo 24h/24, par un médecin et un technicien, qui agiront en cas d’incident grave. Mais les volontaires sont entraî-nés pour parer à toutes sortes d’éventualités. « La spécificité d’un vol sur Mars c’est l’auto-nomie totale de l’équipage, aucun rapatriement précoce ne sera possible, aucune intervention ex-térieure », insiste Evgueni Demin, le directeur technique de l’IMBP. À partir d’une certaine distance, il y aura un délai al-lant jusqu’à 40 minutes dans la réception des messages, aucun travail ne pourra être accompli en communication directe avec la Terre. « Nous expérimentons des méthodes de premier secours utilisables sans formation mé-dicale », explique Julien Graf, interne à l’université de méde-cine de Mayence. « Même s’il y

aura toujours un médecin parmi les passagers, les membres de l’équipage doivent tous pouvoir se porter secours les uns aux autres ».Les cosmonautes se prêtent très consciencieusement à tous les exercices. Bien sûr, l’impression de participer à un grand jeu de rôles ne leur est pas étrangère. Mais cette conscience de « jouer » ne devrait pas, selon Romain Charles, affecter fondamentale-ment les résultats de l’expérien-ce. Un vrai voyage vers Mars comporte d’immenses dangers et d’énormes sacrifices. Mais la motivation est à la démesure du risque. La simulation suppose moins de risques et moins de mo-tivation aussi. Pour autant, son impatience de fouler le sol de Mars n’est pas simulée, elle. Lors d’une mission de 30 jours, trois des volontaires débarqueront sur la surface de la planète recréée dans l’une des unités du modu-le, vêtus de vrais scaphandres. Depuis quatre mois, les futurs marsonautes s’entraînent quo-tidiennement et apprennent à se connaître, en attendant de « dé-coller » début juin. Que ce soit pour participer aux petits pas de l’humanité ou pour éprouver leurs propres limites, c’est avec satisfaction qu’ils se sont fait les fiers cobayes d’un projet vieux comme l’astronautique.

La russie veut la destruction immédiate des champs de pavot afghans contre l’avis des américains

Le deuxième de ces trois dos-siers concerne indirectement les intérêts de l’Union européenne. Il s’agit de la proposition de fu-sion entre les deux géants ga-ziers, russe et ukrainien, Gaz-prom et Naftogaz. Officiellement, l’Union européenne considère que la question relève de la com-pétence des pays concernés. Mais elle va en étudier les consé-quences possibles pour ses consommateurs. Car plusieurs coupures d’approvisionnement en gaz de ces dernières années, causées par des conflits entre la Russie et l’Ukraine, ont beau-coup agacé les Européens. L’amélioration des relations entre Ukraine et Russie consé-

Moderniser ensemblecutive à l’élection du président prorusse Viktor Yanoukovitch, rassure déjà à Bruxelles.Sur la question des visas, l’Union européenne et la Russie décla-rent œuvrer pour la libre circu-lation des personnes, mais vingt-cinq ans après la disparition du rideau de fer, les Russes désirant se rendre en Europe continuent de se heurter au coût des visas et aux lenteurs administratives. « Pour l’opinion russe, une seule chose importe : la libre circula-tion des personnes », affirme Vyat-cheslav Nikonov, député du parti majoritaire Russie Unie. S’ajou-tent de nouvelles craintes, comme la crise grecque ne détourne l’at-tention de l’Union européenne vers des sujets plus pressants.Les observateurs critiques en-

vers la politique intérieure et étrangère russe déplorent l’effet induit des soucis liés à la dette publique étranglant plusieurs pays de la « vieille Europe », et d’une Pologne obnubilée par son récent rapprochement avec la Russie dans le sillage de l’acci-dent aérien de Smolensk : ils en concluent à l’absence de toute volonté de critiquer la Russie sur les droits de l’homme, la liberté de la presse ou encore sur la vio-lence qui continue de ravager le Nord-Caucase. « La Pologne a quelque peu bas-culé du côté du pragmatisme, ce qui donne davantage de poids au concept de partenariat de moder-nisation », résume Andrew Wil-son. Il suggère que l’Union euro-péenne envisage d’emprunter le

chemin de la moindre résistance, celui-là même que l’OTAN a pri-vilégié dans ses relations avec la Russie. La nouvelle façon de pro-céder pourrait être de moins s’ape-santir sur les sujets controversés tels que les réformes démocrati-ques et les droits de l’homme.« Il n’y a personne en Europe, y compris dans la ‘nouvelle Euro-pe’, pour se soucier de ce qui se passe en Russie », constate Lilia Chevtsova, une spécialiste du Cen-tre Carnegie de Moscou. « Tout le monde a décidé de courber l’échi-ne à chaque fois que Moscou fait pression ».Il est fort probable qu’aucun des points figurant à l’ordre du jour du sommet de la semaine pro-chaine ne débouchera sur un ac-cord engageant les participants. L’événement est considéré comme un moyen d’accélérer une dynamique de relation de tra-vail existante.

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI fr.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE fiGAro

03Société

La guerre a été gagnée par le peuple, pas par Staline

Entretien Dmitri Medvedev rejette dos à dos stalinisme et révisionnisme antisoviétique

Propos recueillis parVitaly Abramov pour Izvestia

À l’occasion du 65ème anniversaire de la victoire sur le fascisme, le président russe a accordé un long entretien au quotidien « izvestia », dont nous publions quelques extraits.

L’opinion dominante en Europe est que l’Allemagne fasciste a été vaincue par les Alliés. Le fait que berlin a été pris par l’Armée rouge et l’énormité des pertes de l’urSS dans la guerre n’y sont quasiment connus que des historiens.La vérité est que l’armée hitlé-rienne a subi presque les trois quarts de ses pertes sur le front de l’Est, dans les batailles avec l’URSS. Environ 70% de ses per-tes matérielles, en matériel mi-litaire, lui ont été infligées par nos soldats.

Staline était à la tête du pays qui a vaincu le fascisme. mais est-ce que cela donne le droit de faire un héros d’un tyran qui a commis des crimes contre son propre peuple ? hitler, lui, par exemple, a réglé le problè-me du chômage en Allemagne, il a fait construire des autoroutes. or, il n’y existe pas d’autoroutes portant le nom d’hitler. Et on ne brandit pas de banderoles à son effigie.Il y a des choses évidentes : la Deuxième Guerre mondiale a été gagnée par notre peuple et pas par Staline, ni-même les géné-raux, quelle qu’ait été l’impor-tance de leur fonction. Certes, leur rôle a été très important, mais en même temps la guerre a été gagnée par les gens, au prix d’efforts surhumains et d’un nombre de vies immense.

on ne peut pas ignorer la mémoire historique des peuples, qui varie selon les pays. que doit-on faire pour que tous soient reconnais-sants envers ceux qui ont péri dans la lutte contre le nazisme ?

Bien entendu, chaque pays a son histoire et il serait par exemple insensé de dire que les événe-ments d’après-guerre n’ont ap-porté que prospérité aux pays libérés. Nous devons compren-dre que si l’URSS et les pays de la coalition antihitlérienne ne l’avaient pas libérée, l’Europe se-rait tout autre. Elle ressemble-rait probablement à un grand camp de concentration qui tra-vaillerait pour un seul État. D’un autre côté, les événements d’après-guerre forment une tout autre période de l’histoire qui a été complètement idéologisée et il est clair que l’URSS avait en tant qu’État ses propres intérêts. Pour parler clairement, le régi-me qui s’est formé en URSS ne peut pas être qualifié autrement que de totalitaire.

Dans certains pays, des crimi-nels nazis sont actuellement hé-roïsés. C’est très triste. Personne ne dit que l’URSS d’après-guer-re était irréprochable. Mais on n’a pas le droit de traiter les vic-times de bourreaux. Ceux qui mettent sur le même plan le rôle de l’Armée rouge et celui des en-vahisseurs fascistes commettent un crime moral. En ce qui concerne l’opinion of-ficielle des autorités sur Staline, depuis la création du nouvel État russe, elle est claire : Staline a commis de nombreux crimes contre son peuple. Malgré le fait qu’il ait beaucoup travaillé et que le pays ait progressé sous sa di-rection, ce qu’il a fait à son pro-pre peuple est impardonnable.Les gens qui apprécient ou haïs-sent Staline ont le droit d’avoir

La Russie comptait 2,4 millions d’immigrés officiellement enre-gistrés en 2008, mais le chiffre réel serait probablement trois fois plus élevé, selon le rapport sur l’évolution de la situation dé-mographique en Russie établi par l’Organisation des Nations Unies. « En prenant en compte les zones d’ombre du marché du travail, les étrangers travaillant actuellement en Russie représen-teraient près de 10% de la masse salariale », indique le rapport. « Les immigrés illégaux occu-

leur point de vue. Et il n’est pas étonnant que de nombreux vé-térans appartenant à la généra-tion des vainqueurs aient une at-titude positive envers Staline. Je pense qu’ils en ont le droit. Par contre, ce genre d’attitude per-sonnelle ne doit pas influencer l’opinion officielle.

quelle trace la Deuxième Guerre mondiale a-t-elle laissée au sein de votre famille ?Mes deux grands-pères étaient combattants, ils sont tous les deux passés par les épreuves de la guerre. Enfant, j’allais chez mon grand-père Afanasy à Kras-nodar, il me parlait de la guerre. Cela m’impressionnait beaucoup. Il s’en souvenait toujours avec émotion, les larmes aux yeux. Il racontait des choses dont on ne parlait pas trop dans la presse. Il a combattu à plusieurs en-droits, il a été grièvement blessé et a reçu différentes décorations et médailles.Mon grand-père Veniamine m’a également beaucoup parlé de la guerre, de ses sentiments de l’époque. Il me confiait à quel point il était difficile de tirer sur des êtres humains, éprou-vant de commettre cet acte tout en sachant que l’on défendait son pays, ses proches contre les envahisseurs qui avaient fait ir-ruption sur notre territoire et tuaient nos compatriotes, brû-laient nos villes et nos villages. C’est quelque chose de très per-sonnel, une chose à laquelle je ne réfléchissais pas étant jeune. Mais avec l’âge on commence à comprendre ce qu’est la premiè-re ligne, le face-à-face avec l’en-nemi.

Si d’ordinaire les courses océa-niques ont des destinations tran-satlantiques, la régate « Vendée-Saint-Pétersbourg » innove en mettant le cap au nord. C’est une première qu’offre cette course en multicoques lancée sur un par-cours atypique qui longe 14 pays, traverse un océan - l’Atlantique -, et trois mers - la Manche, la mer du Nord et la Baltique. Cette épreuve a été imaginée dès 2008 par les autorités vendéen-nes, pour être disputée tous les quatre ans, en alternance avec le Vendée Globe. « C’est une cour-se inédite et sportive qui s’avère être, pour sa première édition, l’événement sportif phare de l’année croisée France-Russie », souligne Marietta Trichet, vice-présidente de la SAEM Vendée Océans. Neuf skippers de grande renom-mée étaient au départ. Un suc-cès pour les organisateurs qui regrettent cependant qu’aucun équipage russe ne soit présent.

pent principalement des emplois mal payés que les Russes refu-sent ».Les actifs exerçant un emploi sont près de 74,5 millions, soit 52% de la population russe, selon les données de février 2010 du Service national des statistiques. Le rapport félicite les autorités pour la simplification de la pro-cédure d’enregistrement des im-migrés et l’amélioration du contrôle aux frontières, mais il précise cependant que le pays ne dispose toujours pas d’une approche systémique. « La Russie est toujours à la re-cherche d’une politique migra-toire efficace pour résoudre son problème démographique », dit le rapport. « La pénurie de main-d’œuvre et les risques posés par la migration illégale sont sous-estimés ». Une loi régissant le statut des

ALEx AniShYuKThe Moscow TiMes

Les immigrés occuperaient une part bien plus importante de la population salariée russe que ne l’indique le rapport publié le 31 mars par l’onu. moscou se penche sur sa politique migratoire.

immigration Moscou réfléchit à une nouvelle politique migratoire

10% des salariés sont des immigrés

travailleurs étrangers est entrée en vigueur en 2007. Elle exige que ceux-ci présentent leur pas-seport, leur carte de migration et s’acquittent d’une taxe pour obtenir une autre carte les auto-risant à exercer une activité pro-fessionnelle. La loi permet aux migrants d’obtenir un permis de travail et de changer d’employeur librement, alors qu’auparavant, le travailleur étranger dépendait de son premier employeur pen-dant toute la durée de son per-mis de travail. Cette mesure li-

bératoire est remise en cause : Vladimir Poutine a promis d’as-socier chaque migrant à un em-ployeur particulier pour mieux contrôler les flux de travailleurs étrangers.Les temps ont changé, expli-que Nikita Mkrtchyan, cher-cheur à l’École supérieure d’économie : si les premières étapes de la réforme ont per-mis à la Russie de tirer profit de l’immigration, la récession a forcé le gouvernement à re-penser sa stratégie.

La russie compterait environ 7 millions de travailleurs immigrés

Dmitri medvedev répondant aux questions du quotidien Izvestia

mAurEEn DEmiDoffsPéciAleMenT Pour lA russie D’AujourD’hui

Le 16 mai , neuf équipages de multicoques de la classe multi50 ont pris la mer au départ de Saint-Gilles croix-de-vie, pour la première édition de la course « Vendée-Saint-Pétersbourg ».

Sport une première franco-russe à la voile

La Vendée met le cap sur Saint-Pétersbourg

pris des auteurs est de livrer un maximum de faits autour de considérations sur le processus de « démocratisation » postsoviéti-que. Cette construction permet de développer des sujets comme la vie politique au cours des vingt dernières années, les réformes constitutionnelles et administra-tives, la guerre intérieure et ex-térieure… Les questions stratégiques, et le retour d’une volonté de puissan-ce sont traitées séparément, de même que la vie économique des années de la révolution libérale, au cours desquelles la dictature bien réelle du marché a pris la place d’une dictature bien théo-rique du prolétariat… Avec les conséquences sociales qui n’échappent pas à l’examen. L’ouvrage aborde les nouveaux modes de vie, les nouvelles cou-ches sociales, le rôle très particu-lier et fascinant de Moscou qui siphonne à elle seule les trois quarts de la richesse du pays. La vie sportive et l’environnement ne sont pas oubliés, de même que la vie culturelle. La vie théâtrale, littéraire et musicale de ces der-nières années est décrite d’une manière concise mais étonnam-ment complète. La question re-ligieuse et les identités nationa-les au sein de la Fédération sont traitées, mais cette fois sans pou-voir prétendre à l’exhaustivité. On peut regretter quelques im-passes mais il n’est sans doute pas possible de parler de tout et le livre fait déjà plus de 500 pages…

Près de 30 chercheurs français travaillant actuellement sur la Russie se sont regroupés sous la direction de Gilles Favarel-Gar-rigues et Kathy Rousselet, pour livrer leur vision de l’évolution de la vie des Russes à l’époque contemporaine. L’ouvrage im-posant a paru en avril à l’initia-tive de Sciences Po et du CERI (Centre d’études et de recher-ches internationales, unité mixte Sciences Po – CNRS). La partie chronologique va de la mort de Staline en mars 1953 à l’implosion du système sovié-tique, puis présente la Perestroï-ka et ses suites jusqu’à la pré-sidence Medvedev. Le récit événementiel se mêle à des « pa-piers d’angle », comme disent les journalistes, permettant des études thématiques inscrites dans leur contexte et placées dans une dynamique. Le parti-

notES DE LEcturE

le regard des universitaires

titrE : lA russie

conTeMPorAine

éDition : FAyArD

Préparé par Dimitri de Kochko

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« Les Russes n’ont que des mo-nocoques et ne connaissent pas le maniement des multicoques, c’est pourquoi il n’était pas en-visageable de constituer un équi-page russe. Par contre, nous al-lons accueillir des navigateurs russes à Saint-Gilles Croix-de-vie pour les former afin qu’ils participent à la prochaine édi-tion, en 2014 », explique Mariet-ta Trichet.Entre les navigations côtières, la gestion du trafic maritime, les changements de cap, les passa-ges de détroits et une météo aléa-toire, l’épreuve justifie pleine-ment son format de course en équipage de trois marins. « C’est une course tactique et technique. De ce fait, elle sort de l’ordinai-re », explique Franck-Yves Es-coffier, grand favori de cette édi-tion et leader incontesté de la classe Multi50. Et de conclure : « C’est l’équipage le plus malin qui arrivera en premier à Saint-Pétersbourg ». Les premiers bateaux sont at-tendus le 21 mai au pied de la forteresse Pierre et Paul pour une escale de dix jours, avant l’éta-pe retour du 31 mai. Les quais de la Neva accueilleront alors, pour la première fois, une cour-se de multicoques. Un spectacle inédit pour cette capitale cultu-relle.

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04 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI fr.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE fiGAro économie

Megrelis peignit lui-même les murs de la première boutique de sa future chaîne baptisée « Dlia doucha i douchy » (jeu de mots signifiant « Pour la douche et l’es-prit »), n’ayant pas de quoi payer un ouvrier. Son calcul était sim-ple. À l’époque, on ne trouvait pas en Russie de gel douche de qua-lité à des prix raisonnables. « Des gels douche coûtant entre 20 et 50 dollars, ce n’est pas normal ! », se souvient-il. Il n’a jamais douté que les Russes pensaient de même. C’est avec émotion que Megrelis évoque l’inauguration de son pre-mier magasin sur Tchistye Prou-dy, dans le centre de Moscou : « Dès le premier jour, nous avons compris que le succès serait au

rendez-vous ! » La marchandise partait vite, et la clientèle affluait. Une fois de plus, Megrelis sortait gagnant de la crise, malgré son endettement personnel et les pro-blèmes financiers du pays. Les ventes de la chaîne aug-mentaient irrésistiblement. Son expérience d’importation des cosmétiques lui fut d’une grande utilité. Les produits venaient d’Italie, d’Austra-lie, de Nouvelle-Zélande, d’Afrique du Sud entre autres. Ses fournisseurs, de petits entrepreneurs étrangers dont certains fabriquaient leurs crèmes à la maison, eurent accès à l’immense marché russe. Pendant ce temps, le pays chan-geait. C’était le début de la dé-cennie 2000, plus stable. De cé-lèbres concurrents étrangers ouvrirent des boutiques en Rus-sie, mais sans affecter les affaires du jeune homme : « Le marché est tellement vaste qu’il y a de la place pour tout le monde, je ne sens pas la concurrence ». Les bandits en vestes couleur fram-boise, omniprésents jusque-là, fi-nirent par disparaître ou se ran-ger. Aujourd’hui, les entrepreneurs n’ont plus affaire à la mafia ou aux fonctionnaires corrompus, ils doivent désormais trouver un ter-rain d’entente avec le fisc. « En France, l’inspecteur te dit combien tu dois, et tu lui réponds en combien de fois tu pourras payer. Ici, en Russie, ils exigent tout, tout de suite, et peu impor-te si, au passage, je suis contraint de licencier des gens pour trou-ver les fonds », s’indigne Megre-lis.

une fortune dans la douche

nicolas megrelisnAtionALité : français

ÂGE : 41

En ruSSiE : depuis 1993

buSinESS : L’entreprise « Dlia doucha i douchy », fondée en 1998, est composée de 225 bouti-ques et vend des produits pour le soin du corps et la thérapie aro-matique, le bain et le sauna. La chaîne possède également 11 ma-gasins « Au nom de la rose ».

état civil : épouse américaine et quatre enfants.

DoSSiEr

En brEf

Les enseignes de grande distri-bution comme Auchan peuvent se frotter les mains : les Russes remettent la main au porte-monnaie après une année 2009 particulièrement avare. Magnit, le deuxème distributeur russe, a enregistré une augmentation de 31,5% de ses ventes en mars (glissement annuel). La banque d’investissement Renaissance Capital table pour sa part sur une croissance de 14% des ven-tes sur l’année 2010. L’alimentaire n’est pas le seul segment concerné. Les ventes de voitures ont progressé de 20% en avril en glissement an-nuel.

La consommation repart très vite

Le groupe français est courtisé par des partenaires potentiels russes de premier plan. Roste-lecom (ex monopole d’État), le n°1 de la téléphonie mobile MTS, CBOSS et d’autres sont intéressés par une collabora-tion avec l’opérateur dans les pays de la CEI et l’Afrique, dixit un communiqué du ministère de l’Industrie russe. De son côté, France Telecom envisage un changement d’image complet s’appuyant sur la marque Oran-ge dans les deux à trois ans à venir. Le point clé de la straté-gie du groupe français est son orientation exclusive vers la clientèle d’entreprise. Il s’agit dans un premier temps d’élar-gir la gamme de services aux sociétés. France Telecom reste modeste dans ses objectifs et ne prétend qu’à une part rela-tivement faible du marché russe. Le groupe espère aussi prendre part au marché du passage à la télévision numérique.

france telecom dévoile sa stratégie russe

AffAirES À SuiVrE

hELiruSSiA 2010, SALon DES inDuStriES DE L'héLicoptèrEdu 20 au 22 mai 2010CroCus expo, mosCou

Conférence franco-russe sur la collaboration dans la construc-tion et l'exploitation d'hélicop-tères, avec des ateliers sur les normes d'aviation américaines et européennes, ainsi que sur les innovations. Ce salon accueillera un pavillon français.

http://www.helirussia.ru ›

pour en savoir plus, notre sitewww.fr.rbth.ru

pAuL DuVErnEtla russie d’aujourd’hui

Cette « Exposition nationale russe », parrainée par la Russie et inaugurée par le Premier mi-nistre Vladimir Poutine, retrace la longue histoire des rapports économiques et humains entre la France et la Russie. Moscou es-père profiter de l’occasion pour montrer un autre visage que celui d’une industrie soviétique déla-brée. L’entrée dans la nef du Grand Palais prendra la forme d’une installation ultramoderne évoquant l’art populaire russe. « Ce sera la représentation d’une combinaison organique des sym-boles connus de l’art appliqué russe à travers les technologies multimédia », dixit le communi-qué de presse. Attendez-vous à croiser de monumentales Matrio-chki de 6 à 13 mètres de haut. L’exposition est divisée en qua-tre parties : l’histoire des rela-tions franco-russes ; l’industrie de pointe ; la coopération indus-trielle avec la France ; enfin le potentiel des régional et touris-

Exposition l’innovation russe au-devant du grand public parisien

Fleurons industriels

tique russe. Car il s’agit bien de prouver aux acteurs économi-ques français et plus largement au grand public que la Russie possède des capacités qui vont bien au-delà de l’exportation des hydrocarbures et des métaux.En matière d’innovation, la Rus-sie va montrer ses dernières réa-lisations dans les secteurs de l’in-frastructure, des technologies de l’information, de la santé et de l’écologie. Ce dernier domaine fait l’objet d’une attention par-ticulière des industriels français, conscients de l’immense marché

ouvert par les efforts russes vi-sant à améliorer l’efficacité éner-gétique. En matière de coopération in-dustrielle, l’exposition mettra en valeur le lanceur Soyouz à Kou-rou, la présence de Total et de Gaz de France dans les projets énergétiques russes, et les avan-cées d’Alstom sur les voies fer-rées russes. L’industrie russe a malgré tout un long chemin à faire encore pour démontrer sa compétitivi-té, mais cette exposition est un pas dans la bonne direction.

Le Grand palais abritera les dernières innovations russes

SuitE DE LA PAGE 1

La dernière crise économique mondiale a touché la Russie plus tard que les autres, mais ne l’a pas contournée. « Avant la crise, nous ne faisions que croître, et maintenant, bien sûr, les ventes ont chuté, de beaucoup en jan-vier, mais depuis mars la situa-tion est stable. Nous avons dû ré-duire le personnel, de 1 000 à 800 employés », explique l’entrepre-neur avec regret. Mais il remar-que aussi que « ceux qui sont res-tés apprécient davantage la possibilité de gagner de l’argent. Avant la crise, beaucoup saisis-saient la moindre occasion pour trouver un autre emploi. Aujourd’hui, ils apprécient leur

situation ». Se refusant à des com-paraisons entre personnel russe et personnel français, Megrelis note que « partout il y a des gens qui travaillent bien et d’autres qui travaillent mal ». Ce temps des changements a été éclairé par une nouvelle idée. Avant la crise, Megrelis avait acheté deux franchises françai-ses, « Jeff de Bruges » et « Au nom de la rose ». Le chocolat s’est mal vendu, mais les fleurs ont eu du succès, même en pé-riode difficile. Le « truc », c’est que ses roses coûtent 40-70 rou-bles (1-1,8 euros), ce qui est in-croyablement peu pour Moscou. De plus, les fleurs sont toujours

fraîches et le personnel irrépro-chablement attentionné avec les clients. Megrelis possède onze magasins de fleurs à ce jour, et compte en ouvrir davantage. Il partage volontiers son expé-rience avec les autres entrepre-neurs français qui se sont lancés ou prévoient de se lancer dans les affaires en Russie. Il en parle ainsi : « Il faut absolument évi-ter de contourner la loi ici, ne ja-mais donner de pots-de-vin, sinon tu t’embourbes, et c’est terminé. Et toujours se rappeler que tu es un invité. Je dirais la même chose à n’importe quel étranger en France. Il ne faut jamais l’oublier ».

pAuL DuVErnEtspéCialement pour russie d’aujourd’hui

La construction d’une usine du géant des engrais russe met face à face des écologistes méfiants et les élus locaux, pressés de créer des emplois.

Elles ne sont pas légion, les en-treprises russes à oser investir dans l’Hexagone. Moins nom-breuses encore sont celles prêtes à entrer dans des secteurs poli-tiquement sensibles comme l’in-dustrie chimique. Le leader russe des engrais chimi-ques Uralchem a relevé le défi en annonçant à la fin de l’année der-nière son projet de construire une usine de transformation d’engrais d’une capacité de 250 000 à 300 000 tonnes par an, dont la mise en service est prévue pour l’été 2011.Mais une polémique monte en puissance depuis avril dernier. Les « verts », par la voie puis-sante de Marie-Christine Blan-din, ont fait ressurgir le spectre de l’accident de l’usine chimi-que d’AZF à Toulouse, qui avait coûté la vie à 31 personnes en 2001. « Uralchem n’est pas sans rappeler AZF, dont les rejets toxi-ques avaient conduit à l’explo-

La chimie russe divise les Dieppois

sion de 2001 » estime l’écologis-te, tandis que son compère, le sénateur vert de Paris Jean De-sessard, estime que « laisser Ural-chem s’implanter à Dieppe, c’est ne rien avoir retenu de la leçon d’AZF ». Les engrais chimiques restent un sujet explosif...Pourtant, le groupe russe assu-rent respecter à la lettre la lé-gislation sur l’environnement et attend avec impatience le feu vert des autorités françaises après avoir gagné le soutien du maire Sébastien Jumel.Uralchem estime logique une im-plantation en France, car c’est le marché n°1 de sa production de nitrates d’ammoniaque.Le printemps s’annonce diffici-le pour le groupe russe. En plus des problèmes posés par son im-plantation à Dieppe, la conjonc-ture financière défavorable l’a contraint à renoncer au dernier moment à son introduction à la bourse de Londres. Parallèle-ment, Uralchem fait l’objet à do-micile d’assauts judiciaires de ses concurrents russes FosAgro et Silvinit. Une campagne de presse se déchaîne au plus mau-vais moment alors qu’Uralchem doit trouver d’urgence une so-lution pour refinancer sa dette d’1,4 milliards de dollars.

vous invite :

La coopération économique entre la russie et la france sera au cœur de l’exposition présentée au Grand palais du 11 au 16 juin prochain.

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI fr.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE fiGAro

05économie

Propos recueillis parVladislav Kouzmitchev

niKitA AfAnASYEVsPécialement Pour la russie d’aujourd’hui

Le marché financier russe a retrouvé tout son potentiel, estime Alexandre Scheglov, directeur général de la banque Zerich capital management.

fin avril, Peugeot, citroën et mitsubishi ont inauguré ensemble une usine à Kalouga. Les experts estiment que la demande pourrait s’avérer en dessous des attentes.

La crise est-elle passée ?D’après tous les indices objec-tifs – chiffres d’affaires, niveau des prix, etc. –, on peut dire sans crainte que le marché boursier russe est sorti de la crise. Pen-dant cinq à dix ans nous assis-terons à une progression du mar-ché, jusqu’à la prochaine crise. C’est le bon moment de faire des investissements à long terme. C’est maintenant ou jamais qu’il faut entrer en bourse pour pren-dre des positions solides.Il est évident que le marché ne va pas croître de façon homo-gène, des corrections importan-tes sont possibles. Le climat est

Les investissements cumulés dans la construction de l’usine des deux sociétés dans la région de Kalouga ont atteint 470 mil-lions d’euros. PSA Peugeot Ci-troën détient 70% de l’entrepri-se et Mitsubishi Motors 30%. L’usine a commencé à produire des automobiles Peugeot 308, qui devraient être suivies par des Ci-troën С4 et des tout-terrain Ci-troën C-Crosser, Peugeot 4007 et Mitsubishi Outlander. L’usine de-vrait atteindre sa capacité maxi-male de production en 2012. La chaîne d’assemblage devrait alors produire 85 000 voitures Peugeot et Citroën et 40 000 tout-terrains des trois marques. L’administration de la région de Kalouga affirme que le site de 145 hectares qui accueille l’usi-ne a été proposé avec les meilleu-res conditions possibles, notam-ment des abattements fiscaux prévus par la législation régio-nale. Lors de l’inauguration de l’établissement, les chefs des compagnies membres de l’allian-ce ont déclaré qu’ils comptaient continuer à investir dans le dé-veloppement ultérieur du site de Kalouga et prévoyaient d’attirer des fournisseurs dans le parc in-dustriel Rosva, où s’élève déjà l’usine automobile flambant

« C’est maintenant ou jamais ! »

Kalouga sort ses 1ères Peugeot

créé ici par les spéculateurs, il y a peu d’investisseurs à long terme, il n’y a personne pour contenir la volatilité. Des bais-ses ou des hausses de 30% sont normales sur le marché russe.

Pourquoi l’indice rtS est-il in-férieur d’un quart par rapport à son niveau d’avant-crise ?Une bulle s’était formée avant la crise. Dès 2007, certains ex-perts mettaient en garde contre une surévaluation massive. En 2008, tout le monde a compris que la situation était malsaine, mais les investisseurs avaient du mal à croire à l’effondrement du marché dans une situation de croissance continue. C’est pour-quoi la chute fut aussi brutale. Il faut se préparer à un retour aux mêmes niveaux élevés qu’avant. Cela ne se produira pas

neuve. Actuellement, six parcs industriels sont en service dans la région, et trois d’entre eux ont mis sur pied un « cluster » re-groupant des constructeurs auto-mobile et des frabricants de com-posants. PSMA Rus est le troisième grand projet automobile réalisé par une célèbre marque internationale sur le site du cluster automobi-le. Déjà présent avec son usine, l’allemand Volkswagen a devan-cé PSA de deux ans. Le volume des investissements directs dans la construction de l’usine VW a atteint 570 millions d’euros, et 774 millions d’euros au total ont été investis dans le projet. Volk-swagen Group Rus a réuni en Russie la production de ses mar-ques Skoda et Audi, ainsi que de véhicules légers et commerciaux Volkswagen. La surface totale du site appartenant à la compa-gnie atteint 209 hectares, dont 147 sont occupés par l’usine de fabrication automobile propre-ment dite, 52 accueillant un en-trepôt d’importation. Le reste du site accueillera des concession-naires ainsi qu’un hôtel. Dans la foulée de Volkswagen, des producteurs de composants tels que Magna, Gestamp Se-verstal, et Severstal-Gonvari, Lear et d’autres se sont instal-lés à Kalouga. Aujourd’hui, cette liste s’est allongée grâce à la compagnie Yapp Rus, HT&L, HP Pelzer, Scherdel, Faurecia et B ECEMA. Dmitri Abramov, directeur gé-néral de l’Agence régionale pour le développement de Kalouga, se veut confiant : « On peut avec

en une ou deux années. Ce que nous observons actuellement est déjà un très bon niveau.

quelles sont les valeurs intéressan-tes pour les investisseurs ?Celles qui sont liées à la consom-mation. Ce secteur a souffert de problèmes d’endettement, mais du point de vue du volume des ventes, le secteur est déjà sorti de la crise. Le pouvoir d’achat commence à se rétablir. De plus, la part du commerce de détail organisé n’est pas aussi élevée en Russie qu’en Europe. C’est pourquoi, même si les revenus de la population n’augmentent pas, les grandes compagnies vont progresser grâce à l’absorption de plus petits concurrents.

industrie automobile Psa et mitsubishi rejoignent le groupe des constructeurs étrangers assemblant en russie

certitude affirmer que la crise fi-nancière n’a pas mis un point final aux projets : c’est au contrai-re en son beau milieu que la com-pagnie Magna a entamé la construction d’une entreprise dans la région de Kalouga. C’est précisément en 2009 que la réa-lisation de projets de HP Pelzer, Scherdel, et Visteon a commen-cé sur des terrains en loca-tion ».Les effectifs de la nouvelle usine PSMA Rus s’élèvent pour le mo-ment à 350 salariés. Comme l’ont annoncé les investisseurs étran-gers lors de l’inauguration de l’usine, les effectifs devraient at-teindre le chiffre de 1 820 en 2011

et s’élever à 3 000 en 2012. Le personnel suit une formation dans un centre spécialement ouvert à Kalouga. Toutefois, certains experts signa-lent différents problèmes inhé-rents aux perspectives de la nou-velle usine. Le vice-directeur du département des ventes de Torg-mash Pavel Liamenkov estime qu’il serait plus profitable pour Mitsubishi de produire non pas des 4x4 Outlander, mais la ber-line Lancer, populaire en Russie. Ce véhicule était, avant la crise, un succès commercial, mais ses ventes s’étaient effondrées avec l’arrivée de la tourmente écono-mique. La production de ce mo-dèle particulier en Russie et, par conséquent, la baisse de son prix, sont susceptibles d’améliorer si-gnificativement les ventes de Mitsubishi sur le territoire russe. L’expert automobile Konstantin Prokhortsev estime quant à lui que le marché russe pourrait n’amorcer son redressement qu’en 2012. Dans ce cas, la nou-velle usine, tout comme les autres entreprises automobiles russes, ne parviendrait pas à atteindre son régime de production opti-mal dans les délais impartis.

chaîne de l’usine PSA-mitsu-bishi. Les constructeurs ta-blent sur une production an-nuelle de 125 000 véhicules.

Les 4 clusters automobiles russes

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Les autorités ont donné leur accord pour la construction du premier tronçon de l’autoroute moscou-Saint-Pétersbourg, à laquelle participe le groupe français Vinci.

Se rendre de Moscou à Saint-Pé-tersbourg par la route en moins de sept heures et sans risquer sa vie en zigzagant entre les poids lourds ne sera bientôt plus un fantasme. Les travaux vont com-mencer cette année et le premier tronçon de 43 kilomètres au dé-part du périphérique extérieur

Premier tronçon pour l’autoroute semi-publique de Moscou va relier la capitale à la route de Saint-Petersbourg, longue de 650 kilomètres. Le chantier, dont le contrat a été signé le 26 avril dernier, devrait être achevé en trois ans. Le pro-jet a été confié à la North West Concession Company, qui est en charge du reste du financement et compte sur l’aide de sa filiale mandataire, la société française Vinci, associée au groupe russe du développement de l’infras-tructure N-Trans. Le gouvernement affiche ainsi sa volonté d’adopter une straté-gie concertée pour améliorer le climat d’investissement du pays,

transports l’infrastructure autoroutière pourrait bientôt connaître une révolution avec la formule du péage

car il a négocié récemment une série de réformes pour soutenir les PPP. En même temps, ces ré-formes serviront de levier pour attirer les financements privés des infrastructures, notamment en faveur de nouvelles routes en Russie, un domaine négligé de-puis une décennie.Malgré les inquiétudes concer-nant l’impact du programme PPP sur le budget fédéral, la structure du financement témoi-gne de l’engagement des auto-rités. Il y a trois ans, l’énorme somme d’un trillion de dollars a été débloquée pour le réaména-gement des infrastructures rus-

ses - principalement dans le do-maine des transports. La crise a rapidement gelé cet effort, et les fonds de l’État ont été investis dans les aides sociales et les me-sures indispensables pour main-tenir l’économie à flot. Cependant, la question des in-frastructures demeure essentiel-le et ce n’est pas un hasard si les compagnies maritimes et les ports font l’objet d’une nouvelle vague de privatisations. Les tra-vaux de construction des routes ont commencé activement l’an-née dernière, le gouvernement ayant débloqué 42 milliards de dollars à cet effet.

L’accord prévoit que les inves-tisseurs privés prendront en charge la partie du projet pour laquelle ils possèdent déjà une expertise. Il s’agit de la recher-che des partenaires occidentaux et du financement permettant d’établir des liens avec une com-pagnie nationale qui a l’habi-tude de travailler dans les condi-tions climatiques difficiles de la Russie. Le 28 avril, deux jours après la signature du contrat de concession, un projet financier similaire de modernisation et d’exploitation de l’aéroport de Pulkovo, près de Saint-Péters-bourg a été signé pour 1,2 mil-

liards de dollars. Un autre contrat de 750 millions de dol-lars pour la construction d’une bretelle de contournement de la ville d’Odintsovo, dans la région de Moscou, sera conclu prochai-nement. Une note dissonante a quand même écorché ce concert de bonnes nouvelles. La BERD et la Banque européenne d’in-vestissement, qui avaient conseillé le gouvernement dans son programme de PPP, se sont retirées de la concession suite aux plaintes des riverains de l’autoroute, dont le tracé passe en effet par une zone forestière protégée...

En chiffrES

470millions d’euros d’investissement au total

70% des parts de l’usine revien-nent à PSA

30% des parts sont détenues par Mitsubishi

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06 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI fr.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE fiGAro économie

Propos recueillis par Victor Kuzmin

Sergeï Pridantsev, président de la société « comstar-otc », estime que les gagnants sont les opérateurs qui ont su intégrer les services mobiles et fixes.

quels changements peut-on ob-server actuellement sur le marché des télécommunications russes ?Le marché des télécommunica-tions russe est susceptible d’ap-porter pas mal de surprises dans un avenir proche. Le nombre de personnes qui ne peuvent plus imaginer leur vie sans Internet ne cesse d’augmenter. Pour l’instant, les ressources du segment haut-débit sont déjà bien développées. Regarder des programmes télévisés, des films

Intégration fixe mobiletélécommunication Le patron de Comstar joue la carte du haut-débit

d’auteur, lire des livres, trouver des statistiques ou des informa-tions, il est désormais possible de faire tout cela sur le Web.

Selon les estimations de diverses agences d’analyse, la croissance du marché des services Internet à « haut-débit » a atteint près de 30% en 2009. La clientèle de la société « Comstar » pour ce seg-ment a augmenté plus vite que le marché lui-même, soit 41% de croissance annuelle représentant 1,3 million d’abonnés.À l’heure actuelle, le principal moteur de la croissance des opé-rateurs Internet est le haut-dé-bit, tandis que les « communi-cations téléphoniques via Internet » font de plus en plus souvent partie des services com-plémentaires proposés par les opérateurs.L’événement le plus marquant de l’an passé a été le lancement

du système mobile WiMAX. Cette technologie permet de « rester en ligne » à n’importe quel point de la ville – à part quelques bâ-timents particulièrement « sourds » à travers les murs des-quels les signaux radio ne pas-sent pas.Le coût de l’abonnement dans ce cas est plus élevé que pour les postes fixes mais ce service cible les classes de revenu moyennes et supérieures. L’utilisateur doit être en possession d’un ordina-teur portable muni d’un modem ou d’un « netbook » pour pou-voir avoir accès à ces services. Comstar par exemple a mis cette technologie du « netbook » au point sous la marque Colibri-Comstar.

Est-ce que le propriétaire d’un net-book de ce type peut accéder à l’in-ternet lorsqu’il se trouve a l’étran-ger ?Bien sûr. Le Netbook est équipé de toutes les techniques de connexion mobile actuelle – 3G, WiMAX, Wi-Fi, EDGE. Et donc le client « reste en ligne » quel que soit le pays où il se trouve.En outre, Comstar élabore acti-vement le projet FON – qui fait partie du système Wi-Fi inter-national FON et compte plus de 1,5 million de « points chauds » dans le monde. Ce réseau peut être utilisé tant par les Russes à l’étranger que par les étrangers séjournant en Russie s’ils font partie d’un réseau. Donc, en voyage d’affaires ou touristique, vous pouvez rester en ligne de façon permanente.

quelles sont les perspectives de développement des communica-tions mobiles et postes fixes sur le marché internet russe ?

À mon avis, il n’y a pas de com-pétition entre les marches de l’In-ternet mobile ou à ligne fixe. Là où l’Internet mobile gagne en confort d’utilisation, il perd en vi-tesse de transfert d’information et de bande de transmission par rapport aux connections fixes à cause des limites posées par le par-tage des voies en fréquence, ce qui se répercute de manière négative sur les coûts du service. Les technologies à partir de li-gnes fixes ont également leurs limites : l’abonné est lié à un point fixe. Par contre, la vitesse de transmission des informations est pratiquement illimitée, ce qui est particulièrement important pour délivrer des fichiers de type lourd. Par exemple, il n’est pas possible de se passer de câble optique dans le cas de transmis-sion de conférence vidéo en for-mat 3D.

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L’élection du pro-russe Viktor ianoukovitch a fait sauter le verrou entre les deux pays. moscou se dépêche de transformer l’essai en multipliant les accords avec son ancien vassal ukrainien.

Est-ce la fin de l’interminable guerre du gaz entre la Russie et l’Ukraine ? Le président ukrai-nien Viktor Yanoukovitch a ap-prouvé l’accord d’entente à la fin du mois d’avril pour maintenir la Flotte de la mer Noire en Cri-mée pour 25 ans en échange d’un i n c r o y a b l e r a b a i s d e la dette de 40 milliards de dol-lars sur le gaz russe destiné à l’Ukraine. N’allons pas trop vite. Le prési-dent ukrainien a presque immé-diatement douché l’enthousias-me du Premier ministre russe Vladimir Poutine, qui voulait aller plus loin avec la proposi-tion de fusion du monopoliste russe Gazprom et de la plus grande compagnie gazière ukrai-nienne, Naftogaz. Le nouvel élu a tenu à renforcer sa position pro-européenne en politique étrangère en affirmant que toute fusion se fera uniquement après des discussions concertées avec l’Union européenne. « Si nous décidons d’entamer des pourparlers [à propos de la fusion] nous devrions à un cer-tain stade y faire participer l’UE, car elle est le principal consom-mateur du gaz et notre parte-naire principal », a déclaré Ia-noukovitch. Or c’est exactement ce que veut éviter Moscou, qui tient à tout prix à écarter Bruxel-les des infrastructures gazières ukrainiennes.Reste qu’un progrès aussi rapi-de dans les relations russo-ukrai-

niennes était inespéré. Yanouko-vitch est encore en rodage pour trouver un nouvel équilibre entre Moscou et Bruxelles. Le Premier ministre ukrainien Mykola Azarov a reconnu la nou-velle situation dans les relations entre les deux pays lors d’une réunion du cabinet ukrainien le 5 mai dernier, après que l’accord

Kiev se rapproche de moscou, mais pas trop !

énergie L’ukraine cherche un nouvel équilibre entre la russie et l’union européenne

militaro-gazier a été signé. Il a précisé : « Désormais, nous ne doutons pas que l’Ukraine va re-nouveler rapidement son poten-tiel économique ». L’accord sur le gaz va transfor-mer les finances publiques du pays et ouvrir la voie à la repri-se des discussions sur le prêt du Fonds monétaire international, qui est resté en suspens. Cette mesure permettra au gouverne-ment ukrainien, en manque de fonds, de bénéficier de quelque 12 milliards de dollars pour l’aider à redresser l’économie du pays qui s’est retrouvée dans une situation chaotique au cours de la récente crise. Si la fusion entre Gazprom et Naftogaz Ukrainy allait de l’avant - ce qui apparaît désor-mais plus qu’improbable -, elle mettrait un terme à la querelle qui revient régulièrement sur la facture du gaz entre l’Ukraine et la Russie. Cette solution per-mettrait également d’assurer l’approvisionnement en gaz des

pays de l’Europe occidentale sans interruption. Le mécanisme fonc-tionnera même si la Russie ré-duit l’approvisionnement pour l’Ukraine, comme cela s’est pro-duit à plusieurs reprises au cours des dernières années. Le principal changement appor-té par le nouvel accord consiste

dans l’énorme rabais accordé à Naftogaz. Moscou accepte de baisser la facture de de 337 dol-lars actuellement à 250-260 dol-lars pour mille m3 de gaz. Cette réduction permettra au gouver-nement ukrainien de réduire son déficit de 12% du PIB à la fin de 2009 jusqu’à l’objectif de cette année de 5-6%.

Le contrat comporte une singu-larité : l’Agence nucléaire d’État russe Rosatom sera le proprié-taire et l’opérateur d’une cen-trale sur un sol étranger. L’ac-cord, conclu après un appel d’offre, a été signé par le direc-teur général de Rosatom Seguei Kirienko, qui faisait partie de la délégation du président russe Medvedev, en visite officielle à Ankara le 12 mai. Le ministre turc de l’Énergie, Taner Yildiz, a indiqué après la signature, que le contrat sera soumis au Parle-ment turc pour la ratification au cours des dix prochains jours. Le premier appel d’offre pour l’une des quatre centrales nu-cléaires a été lancé en septem-bre 2008. La première centrale, d’une puissance de 1,2 GW, sera construite à Mersin sur la côte méditerranéenne par un consor-tium entre la compagnie d’ex-portation détenant le monopole des équipements et des services nucléaires, Atomstroyexport, et la compagnie turque Park Tek-nik. Le terrain pour la construction sera octroyé gratuitement par le gouvernement, selon The Mos-cow Times. En contrepartie, la centrale vendra la moitié de sa production énergétique à la com-pagnie publique Tetas pour un prix fixe, le reste étant destiné à être commercialisé selon les

L’entente sur le gaz est liée à la demande de la Russie concer-nant le renouvellement du bail de sa flotte dans le port de Sé-bastopol en Crimée, la princi-pale base de la flotte russe dans la mer Noire. Cette question était l’une des principales pommes de discorde entre les deux pays. Yanoukovitch a décidé de pro-longer ce bail de 25 ans en échan-ge de 40 milliards de dollars. Cet accord a été approuvé lors d’une séance très agitée du Parlement ukrainien fin avril, qui s’est ter-minée par des jets d’œufs sur le président de l’assemblée, forcé de se retrancher derrière... un para-pluie !Par ailleurs, toute une série d’ac-cords parallèles a été signée. Il s’agit notamment de l’ouverture du marché russe à l’exportation des tuyaux ukrainiens, et l’ouver-ture du marché ukrainien aux produits chimiques russes. Timothy Ash, analyste de la Royal Bank of Scotland, estime que « suite à l’annonce de l’en-tente militaro-gazière, les poli-tiques pro-occidentaux ukrai-niens vont sans doute exprimer leur colère, car selon eux cet ac-cord n’est qu’une illustration du parti pris pro-russe du nouveau gouvernement, témoignant de l’érosion de la souveraineté de l’Ukraine ».

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La russie a signé un accord de 20 milliards de dollars pour construire la première centrale nucléaire turque. Le nucléaire devient l’un des principaux produits d’exportation russes.

énergie À Ankara, Moscou joue la carte de l’exportation à forte valeur ajoutée

La première centrale nucléaire de Turquie sera russe

Viktor ianoukovitch (ici aux côté de Vladimir Poutine) a clairement indiqué qu’il excluait une fusion ou un échange d’actifs gazier avec les russes sans la participation de l’union européenne.

L’accord gazier avec Moscou va considérablement soulager les finances publiques ukrainiennes

Le Kremlin espère avec cet accord écarter bruxelles des infrastructures gazières ukrainiennes

Le succès du nucléaire concrétise la volonté gouvernementale de diversifier l’économie russe

lois du marché. Par ailleurs, 20% de bénéfices iront au gouverne-ment turc.La Russie caresse de grandes am-bitions en vendant son savoir-faire nucléaire à l’étranger. À la tête de RosAtom depuis quelques années, Kirienko peut se targuer d’un nombre impressionnant de succès commerciaux. Derrière les ressources naturel-les, le nucléaire est devenu le plus important secteur d’exportation pour la Russie. Et ce qui est pri-mordial, c’est que la technologie et les services nucléaires repré-sentent l’un des rares secteurs d’exportation russes à forte va-

leur ajoutée. Le succès du nu-cléaire apparaît désormais comme la première réalisation concrète du plan gouvernemen-tal de diversification de l’écono-mie russe. Cependant, le contrat turc n’est pas vraiment un accord d’expor-tation de la technologie nucléai-re, mais plutôt un important in-vestissement de Rosatom en dehors de la Russie. L’agence russe va dans un premier temps céder entièrement le site à une filiale, mais pourrait au final ven-dre 49% à des investisseurs pri-vés. Selon Kirienko : « les inves-tisseurs turcs sont très intéressés. Nous sommes également en pourparlers avec des investis-seurs européens ».

La première centrale nucléaire russe aura une puissance de 1,2 GW

Sergueï Pridantsev

30%de rabais sur le gaz re-çu par l’ukraine

$ 40mldde manque à gagner pour la russie

25 anssupplementaires pour la base navale russe

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI fr.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE fiGAro

07régions

Comme cela arrive malheureu-sement souvent, le gouverneur a dû longuement patienter et parler à plusieurs opérateurs différents. Il a alors décidé d’ap-peler directement le ministre de la Santé régional, Elena Kliouïkova, qui ne répondit pas. L’ambulance n’arriva qu’au bout d’une demi-heure. Pendant tout ce temps-là, la vic-time s’était vidée de son sang dans l’hiver glacial. La minis-tre de la santé fut limogée à la suite de l’accident.« Il y a encore deux mois, c’eût été inimaginable. Le pouvoir a changé de comportement après les manifestations », dit Andrei, un habitant de Kaliningrad. Les opposants au gouverneur l’ont immédiatement accusé d’avoir voulu se mettre en avant alors que son apparition sur le lieu de l’accident était purement due au hasard. Or, c’est un fait avéré que les cortèges de hauts fonc-tionnaires ne s’arrêtent pas dans ce genre de situations.

Dures années 90En 2005, quand le Kremlin a décidé de confier la gou-vernance de la région de Kaliningrad à un jeune et ambitieux homme d’affaires proche du maire de Moscou Youri Loujkov, cette singuliè-re région souffrait d’une gestion exécrable. Kali-ningrad était un lieu de scandales permanent, liés à la corruption, auxquels s’ajou-taient les problèmes consécu-tifs à l’entrée des pays limitro-phes dans l’espace Schengen. « Avant 2004, nous voyagions librement en Pologne et dans les pays Baltes, on n’avait aucun problème pour obtenir un visa. Puis tout a changé », se sou-vient Vladimir, fonctionnaire du gouvernement régional. Le ter-ritoire risquait d’être complè-tement coupé de la Russie. Malgré les multiples exonéra-tions fiscales et un statut éco-nomique particulier, la région souffre d’un vrai sous-dévelop-pement dû en partie au fait que

dans le passé, les autorités so-viétiques l’ont laissée à l’aban-don, convaincues qu’elles se-raient en fin de compte obligées de la rendre à l’Allemagne, son ancienne propriétaire. Dans les années 1990, on y en-tendit des voix séparatistes pro-posant de la rattacher à l’Alle-magne et de rendre à Kaliningrad son nom d’origine, Königsberg. Bien que ces propositions n’aient jamais été sérieusement envisa-gées, les rêves d’une vie euro-péenne heureuse et aisée n’en ont pas moins toujours été présents dans les discussions des habi-tants, témoins directs du niveau de vie nettement supérieur des pays limitrophes.Pour y répondre, le gouverneur Boos a lancé son plan d’action en faisant construire une auto-route.

Les nouveaux secteursQuand on arrive à Kaliningrad, la première chose qui saute aux yeux est l’autoroute à quatre voies, parfaitement plane, sé-curisée et éclairée, entre l’aéro-

port et le cen-tre-ville.

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exemple quasi unique en Rus-sie, pays connu pour la qualité très médiocre de ses routes. Il s’agit d’un tronçon d’un grand anneau qui reliera Kaliningrad aux stations balnéaires de l’ouest et du nord de la région, pour un budget de près de 300 millions de dollars. « Les Kaliningradois croient qu’on ferait mieux de décon-gestionner les rues de la ville en aménageant les croise-ments », dit Solomon Ginsbourg, député de l’opposition à la Douma régionale. « Voulez-vous dire que person-ne ne va jamais à l’aéroport ? », objecte un autre représentant de l’opposition politique, le dé-puté Vitautas Lopata.

L’opposition se réveilleLa route est, pour le moment, la réalisation la plus visible du gou-verneur. Ses projets ambitieux de construction d’une marina de luxe au bord de la Baltique ou d’aménagement d’une piste de Formule 1 sont restés dans les tiroirs. Les autres initiatives ont été anéanties par la crise.Ce sont bien les conséquences de la crise et les décisions pri-ses par les autorités, en janvier dernier, qui ont fait sortir de

leur maison des milliers de Kaliningradois pour re-

vendiquer la démission de Boos et de Vladi-mir Poutine. La haus-se des tarifs des ser-

vices municipaux et l’augmentation des taxes

sur les véhicules furent la goutte qui fit déborder le vase. « Autrefois, je ne m’intéressais pas à la politique », explique Constantin Dorochok, l’un des initiateurs du meeting. « Au mi-lieu des années 90, j’avais mon affaire. Il s’agissait de revendre en Russie des voitures européen-nes d’occasion ». Il y a quatre ans, Dorochok a reçu – comme bien d’autres pe-tits patrons locaux – un avis d’imposition de 750 000 euros. Une taxe introduite par Mos-cou pour mettre fin à l’impor-tation de voitures étrangères d’occasion a tué son business. D’où sa colère.

Le patron de bar Vitautas Lo-pata, un autre fameux opposant kaliningradois, est lui réputé pour être parfaitement honnê-te et en règle avec le fisc. « Si j’ai adhéré à l’opposition, c’est parce qu’on m’a harcelé avec des contrôles. L’ancien maire Savenko n’autorisait pas la création de nouveaux cafés », se lamente Lopata, qui s’est fait élire député. « Alors j’ai décidé de me consacrer à la politique pour défendre les droits des en-trepreneurs ». À la question de savoir com-ment il arrive à payer les im-pôts tout en conservant son af-faire, i l répond qu’i l ne s’agrandit pas, qu’il ne part presque jamais en vacances et qu’il se passe d’acheter une nou-velle voiture. Lopata et les autres représen-tants de l’opposition reconnais-sent que le gouverneur a chan-gé depuis les manifestations. « Si, autrefois, le gouverneur ne pensait qu’à des projets de gran-de envergure et n’écoutait per-sonne, aujourd’hui, il rencontre régulièrement l’opposition, il prête l’oreille à des problèmes plus banals et réagit à nos idées », admet Ginsbourg. Une des questions les plus épi-neuses consiste aujourd’hui à identifier les futures sources de croissance les plus pertinentes pour la région. Le tourisme vert semble offrir de belles perspec-tives.À quarante kilomètres au nord de la ville se trouve le parc na-tional Kourchskaïa Kossa (clas-sé au patrimoine de l’UNESCO) avec ses grandes dunes de sable improbables sous ces latitudes et ses étranges arbres sinueux aux allures d’objets d’art contemporains, connus sous le nom de « forêt dansante ». Dans les années 90, cet espace s’est développé de façon assez chaotique en raison de l’absence d’infrastructures touristiques. Au milieu des cafés jalonnant la route, seule est ouverte une pe-tite échoppe où l’on vend des chips périmées et des brochettes à la fraîcheur douteuse. « Il y a ici de grandes possibi-lités pour le tourisme », croit

Alexandre Blinov, maire de l’ag-glomération Yantarnoïé, qui a dû mettre sur pied son projet touristique à partir de zéro. Il y a encore cinq ans, l’endroit était surtout connu pour sa car-rière d’ambre, qui a de tous temps attiré les voleurs. On y voit désormais un peu partout des panneaux invitant les tou-ristes à visiter les curiosités lo-cales, et les quartiers allemands sont en restauration. Le maire a trouvé en Allema-gne le fils d’un ancien habitant de la ville, qui a investi ici dans la construction d’un hôtel.

« Nous avons misé sur le tou-risme événementiel en organi-sant toutes sortes de festivals et de compétitions sportives, ce qui nous assure un flux conti-nu de touristes. Les investis-seurs bénéficient chez nous de conditions particulièrement fa-vorables », estime Blinov. La route de la plage passe tou-jours par les vieux garages, mais le chantier du futur centre tou-ristique ne s’arrête jamais, même pendant la saison morte. Reste à espérer que les touristes se-ront sensibles au charme discret de Kaliningrad.

Avant-poste du changement

Secteurs clefs de l’économie :

Construction mécanique, industrie automobile (usine AVTOTOR), pê-che, construction navale, agroali-mentaire, transformation du bois.

km2

15 000habitants,dont 82% de russes

937 000

des réserves mondiales d’ambre

90%

Plusieurs manifestations rassemblant jusqu’à 10 000 personnes - un chiffre énorme pour l’opposition russe - ont pris de court les autorités de Kaliningrad.

SuitE DE LA PAGE 1

rédigé avec le concours de Gazeta.ru.

fondé en 1999, Gazeta.ru (www.gazeta.ru) est le plus populaire et le plus influent des portails internet d’information russes. Son audience at-teint 6,5 millions de personnes par mois.

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des impôts et des taxes locales. Je ne vois rien de grave dans les manifesta-tions. mais si l’on veut vivre mieux, il faut travailler. Un meeting ne génère ni plus-value, ni marchandises.

Pensez-vous avoir réussi à apaiser la vague de manifestations ?L’une des principales leçons est que nous avons besoin d’une nouvel-le forme de dialogue entre le pou-voir et la société. des possibilités de discussion constructive existent. Ce processus est déjà en cours. Je pense au conseil consultatif qui ras-semble les représentants de tous les partis, de la Chambre, de l’opinion publique ainsi que les représentants des médias. L’émission en duplex ré-cemment organisée par la télévision régionale constitue une autre forme de communication avec la popula-tion. au cours de cette émission té-lévisée en direct, j’ai reçu plus de 1 500 messages en provenance des diverses localités. J’ai passé quatre heures à répondre à certains d’en-tre eux, les autres ont été classés et recevront obligatoirement une ré-ponse.

quelle est la raison des conflits sociaux dans la région de Kali-ningrad ?C’est un phénomène normal dans toute société démocratique. Ce-la témoigne du très haut niveau de conscience civique des habitants de l’enclave russe. Les récents mouve-ments de protestation tiennent en outre aux effets de la crise : la baisse du niveau de vie sur fond de hausse

EntrEtiEn AVEc LE GouVErnEur GEorGui booS

Les manifestations de l’opposition ? « rien de grave »

En fonction : dePUis 2005

ÂGE : 47 ans

PArti : rUssie

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08 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE FiGAro Débats et opinions

Japon et allemagne : les alliés naturels de notre modernisation

Les pays jugés les plus attractifs sont : les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et le Canada. La Russie se classe seule-ment à la 32ème place, avec 7% des intentions. Finlandais, Lituaniens et Ukrainiens sont les plus nombreux à venir travailler en Russie tandis que 10% des Français souhaitent s’y ex-patrier. Les spécialistes informaticiens représentent un quart des candidats à l’expatriation vers la Russie.

Les salaires russes attirent les expatsFin 2009 - Début 2010, The NeTwork, réSEAu intErnAtionAL réuniSSAnt LES LEADErS DES SitES DE rEcrutEmEnt, A réALiSé unE étuDE DE GrAnDE EnVErGurE Sur LES préFérEncES DES poStuLAntS DAnS 35 pAYS DiFFérEntS, Sur LA bASE DE 66 000 cV trAitéS.

SonDAGE

Cette Histoire Qui Continue de nous diViser

Fyodor Lukyanov

the moscow times

Dmitri trenine

VeDomosti

La disparition tragique du président polonais Lech Kaczynski le 10 avril der-nier et les circonstances

entourant le 70ème anniversaire du massacre de milliers d’offi-ciers polonais à Katyn, nous conduisent à nous pencher une nouvelle fois sur le rôle que tient l’histoire dans les relations di-plomatiques.La réaction de la Russie à l’acci-dent de l’avion présidentiel po-lonais prouve que de bons rap-ports humains sont en mesure d’apaiser les points de tensions historiques les plus épineux. Il va sans dire que cela ne saurait se faire sans une volonté politique conjointe. Le meilleur exemple est celui du climat chaleureux qui s’est établi dans les relations entre la Russie et la Pologne. Ce pro-cessus ne date pas d’hier : il re-monte à l’accession de Donald Tusk au poste de Premier minis-tre polonais, en 2007.D’une manière générale, la po-litique étrangère russe est réac-tive, c’est-à-dire qu’elle répond à des stimuli, qu’ils soient po-sitifs ou négatifs. La volonté de M.Tusk de faire preuve de flexi-bilité à l’égard de la Russie – à l’inverse de son prédécesseur, Jaroslaw Kaczynski qui ne dé-ployait aucun effort particulier pour établir un dialogue – a suscité une volonté analogue de la part du Kremlin. Une conséquence concrète fut le rè-glement du problème de l’em-bargo russe sur la viande polo-naise en 2008. Les deux pays ont pu ainsi engager un dialo-gue constructif portant sur di-

L’objectif principal de la politique extérieure de la Russie consiste aujourd’hui à attirer des ressources ex-

térieures afin de moderniser le pays. L’Union européenne est le principal partenaire dans la cause de la modernisation. Parmi tous les pays de l’UE, c’est avec l’Allemagne que la Russie pos-sède les relations bilatérales les plus intenses. Aussi surprenant que cela puisse paraître, le pays qui a déchaîné la pire guerre dans l’histoire de la Russie, il y a 70 ans, en est aujourd’hui le meilleur ami occidental.La situation est différente en Orient. Le plus grand pays voi-sin de la Russie est la Chine. L’économie chinoise connaît un grand essor ces quatre dernières années. La Chine a mieux sup-porté la crise économique inter-nationale que d’autres grands pays et a détrôné l’Allemagne comme exportateur numéro un dans le monde. Elle devrait éga-lement remplacer bientôt le Japon comme deuxième écono-mie mondiale, en termes de pa-rité de pouvoir d’achat. Le vo-lume du commerce russo-chinois représentait 56 milliards de dol-lars en 2008, ce qui est inférieur aux chiffres d’affaires du com-merce avec l’Allemagne (67 mil-liards de dollars).

Néanmoins, le niveau technolo-gique actuel de l’économie chinoise n’étant pas suffisam-ment développé, ce pays ne peut pas jouer un rôle majeur dans la modernisation de la Russie. Les relations avec la Chine sont incontestablement cruciales pour la Russie, mais pour d’autres rai-sons. En effet, les terres orienta-les russes, longeant la frontière chinoise sur plusieurs milliers de kilomètres, sont à la fois riches en ressources naturelles et qua-siment inexploitées par rapport aux autres territoires chinois contigus.Sans une profonde intégration dans l’espace économique, rou-tier et humanitaire national des régions situées sur la côte paci-fique de la Russie, l’intégralité du pays restera virtuelle. Sans intégration de la Russie tout en-tière, de Vladivostok à Saint-Pé-tersbourg, dans l’espace écono-mique Asie-Pacifique, le pays continuera de rester en périphé-rie des économies du monde les plus dynamiques.Pour cela, la Russie a besoin d’avoir un partenaire fiable, tant à l’Est qu’à l’Ouest. Ayant une économie très développée et les technologies les plus modernes, le Japon présente la principale candidature pour ce partenariat. Ce pays ne crée pas de danger militaire pour la Russie, il est géographiquement proche et sa diplomatie est relativement pré-visible. Les relations économiques rus-

C’est en coopérant avec ses anciens ennemis que la Russie remportera la plus grande victoire de ce début de siècle

Toute discussion sur le prix de la victoire de 1945 ou sur les motivations annexes du Kremlin est jugée blasphématoire

les DébaTs eT OpiniOns ne ReflèTenT pas néCessaiRemenT la pOsiTiOn De la RéDaCTiOn De ROssiysKaya GazeTa eT De la Russie D’aujOuRD’hui. Ce supplemenT, DisTRibué aveC le

fiGaRO, esT éDiTé eT publié paR ROssiysKaya GazeTa (Russie).meRCi D’envOyeR vOs COmmenTaiRes paR COuRRiel : [email protected].

so-japonaises se développent avec succès, malgré 65 ans de li-tige territorial concernant les Kouriles du sud. Le volume du commerce entre la Russie et le Japon représentait 29 milliards de dollars en 2008. Les Japonais achètent le gaz de Sakhaline et produisent leurs voitures près de Saint-Pétersbourg. Comme tou-jours en pareilles circonstances, les questions d’investissements

étrangers dépendent essentiel-lement du climat d’investisse-ment dans le pays qui les ac-cueille.Pourtant, le problème territorial en suspens réduit considérable-ment les perspectives de colla-boration. Les relations avec l’Al-lemagne n’auraient jamais été si chaleureuses aujourd’hui, si le statut de Kaliningrad n’avait pas été défini. D’ailleurs, cela concer-ne également les rapports avec la Chine. Ce n’est pas par hasard que Poutine a affirmé qu’il consi-dérait le règlement du problème territorial avec la République po-pulaire de Chine comme la plus grande réussite de sa politique

extérieure. À l’époque, le Kremlin a bien réalisé que la Russie n’avait pas intérêt à reporter le règlement de cette question.Dans les relations avec le Japon, une autre logique a prévalu. Comme le consensus n’est tou-jours pas atteint, ce problème in-sulaire devra être transmis aux futures générations. Au bout du compte, l’expansionnisme nip-pon est moins redouté que l’ex-pansionnisme chinois.Cette logique empêchera de sai-sir les chances qui se présentent. Et même si la Russie peut vivre sans régulariser ses frontières avec le Japon, la situation en Asie du Nord-Ouest continue de changer au détriment de la Rus-sie. Entre-temps, la comparai-son du niveau de développement des villes frontalières russes avec la situation des voisins japonais, sud-coréens et même chinois de-vient de plus en plus incongrue. Le bilan d’une telle évolution peut s’avérer dommageable.La Russie a besoin d’une « Allemagne de l’Ouest ». Le Japon peut et doit jouer ce rôle. Éluder cette question territoria-le est peu perspicace, renvoyer la balle aux futures générations est irresponsable. Et même s’il s’avère difficile de trouver un compromis acceptable pour les deux pays, qui pourrait satisfai-re tout le monde, il est grand temps d’agir.

verses questions, dont Katyn.Bien sûr, des facteurs internes, au sein de la Russie, ont égale-ment joué un rôle. L’époque où les autorités russes pouvaient se servir du passé soviétique comme d’un outil politique touche à sa fin. Certains membres de l’élite dirigeante, comme le maire de Moscou Iouri Loujkov, continuent à faire usage du thème staliniste afin de servir leurs propres inté-rêts. Toutefois, rares sont les po-liticiens recourant à la « carte Staline », dont le potentiel est non seulement épuisé, mais s’avère

aussi politiquement risqué.Exemple type de ce différend aussi exagéré qu’absurde : les objections soulevées par les grou-pes nationalistes de gauche face à la décision du Kremlin d’invi-ter les représentants des pays al-liés au défilé du 9 mai pour cé-lébrer la journée de la Victoire. La résistance hystérique au pro-jet de donner une signification internationale à cette célébra-tion démontre qu’il y a plus à perdre qu’à gagner en instrumen-talisant la Seconde Guerre mondiale.

Dmitri Trenine est directeur du Carnegie Center à Moscou.

Fyodor Lukyanov, rédacteur en chef de Russia in Global Affairs

Adopter une approche pragma-tique peut diminuer l’intensité des désaccords intérieurs et in-ternationaux, mais cela ne les fera pas disparaître. La raison en est que la Russie a une per-ception de la Seconde Guerre mondiale tout à fait différente de celle du reste de l’Europe.La Russie se concentre sur la guerre elle-même ainsi que sur sa victoire sur l’ennemi fasciste qui menaçait l’existence même du pays. Toute discussion por-tant sur le prix qu’il a fallu payer pour cette victoire ou sur les mo-tivations annexes que les auto-rités russes auraient pu avoir est jugée blasphématoire. Qui plus est, la victoire remportée sur Adolf Hitler constitue manifes-tement la source principale de la fierté patriotique dans l’his-toire de la Russie du XXème siè-cle. Ceci explique la réaction épi-dermique russe aux tentatives de réécrire le rôle de l’Union so-viétique dans la Seconde Guer-re mondiale. Toute entreprise susceptible de dénigrer le rôle qu’a joué la Russie dans la vic-toire est perçue comme une in-tention d’ébranler les fonde-ments mêmes de l’État.Pour l’Europe d’aujourd’hui, la guerre en elle-même revêt moins d’importance que ce qui allait suivre. Pendant la période d’après-guerre, l’Europe est fi-nalement parvenue à se libérer des politiques désastreuses qui avaient précipité sa chute dans la première moitié du XXème siècle. Deux événements de la plus haute importance se sont alors produits. Le programme d’intégration européenne, com-mencé dans les années 1950, a marqué la fin des affrontements franco-allemands, ceux-là mêmes qui avaient donné nais-sance aux deux guerres mon-diales. D’autre part, la chute du Rideau de fer et l’effondrement de l’empire communiste ont per-mis à l’Ouest d’être lavé du « péché » d’avoir rompu les ac-cords de Yalta et de Potsdam avec Staline.En d’autres termes, alors que la Russie s’enorgueillit d’avoir

repoussé une menace existen-tielle et perçoit cette réussite comme un moment de triom-phe géopolitique, l’Europe est en proie à la honte d’avoir dé-clenché une guerre si mons-trueuse et d’avoir, par la suite, accepté des compromis peu ho-norables au demeurant. Ce sont là deux points de vue tout à fait divergents d’un même fait historique. Or, l’histoire est im-portante pour chaque nation : c’est une source d’inspiration politique.Parce que la Russie et le reste de l’Europe n’ont pas encore une idée bien établie de la place qui sera la leur au XXIème siècle, la tentation est forte de se rac-crocher désespérément au passé. En un sens, la position de la Rus-sie est on ne peut plus claire : le pays a souffert d’un grave trau-matisme en 1991 au moment de l’effondrement de l’Union sovié-tique, et cherche aujourd’hui en-core à définir son identité géo-politique. L’Europe, dont les progrès réa-lisés dans la seconde moitié du XXème siècle continuent de dé-finir son caractère politique, souf-fre de sa perte d’influence mon-diale et de se voir reléguée à un rôle de second plan. Ses problè-mes internes ne doivent cependant pas faire oublier les réussites de l’Union, qui a su pla-cer l’intérêt économique commun au-dessus des ambitions natio-nales, même si ces succès ont été obtenus dans des conditions singulières : menace commune, parrainage américain et homo-généité relative des États mem-bres. Reste que l’architecture mondiale a radicalement chan-gé, jetant un doute sur la capacité de reproduire les suc-cès passés. À cet égard, la Russie et l’Europe sont dans la même situation qui consiste à regarder en arrière. Mais l’inter-prétation bien différente qu’el-les font du passé risque de les séparer plus que les rappro-cher.

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI ENTEND oFFRIR DES INFoRMATIoNS NEUTRES ET FIABLES PoUR UNE MEILLEURE CoNNAISSANCE DE LA RUSSIE.

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI fr.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE fiGAro

09Perspectives

Préparé parVeronika Dorman

Lu DAnS LA PrESSEGrèce : risque d'effet domino ?

La crise qui secoue l’ue peut faire penser à celle qui a mis l’écono-mie russe à plat en 1998, mais la presse n’estime pas le pays parti-culièrement menacé. elle observe les désordres en Grèce, dans les-quels elle perçoit un anticapita-lisme primaire, l’échec d’un idéal de civilisation dont la Grèce est le berceau, ou encore un épisode de plus dans le feuilleton « Bruxelles, ton univers impitoyable...»

LES LimitES DE L’AnticAPitALiSmEMaxime ArtemievVedomosti

LA chutE DE LA GrècESemen NovoproudskyGazeta.ru

VirEr LA GrècE Et AccEPtEr L’EStoniE?Anna KaledinaKomsomoLsKaia PraVda

Peut-on accepter le slogan « Mort aux banquiers », qui fut agité par les manifestants contre le sauve-tage du capitalisme au détriment du peuple laborieux ? Est-il plus acceptable que « Mort aux tsiga-nes »? Un politologue américain m’a répondu sans hésiter qu’on choisit une profession mais pas une nationalité ou une race. Le tsigane n’y est pour rien, contrai-rement au banquier qui doit as-sumer son choix professionnel. L’autodafé de trois employés de banque, dont une femme encein-te, à Athènes, montre les limites d’une telle dialectique.

Ce qui arrive à la Grèce en ce mo-ment présente un intérêt tout par-ticulier pour la Russie. Les deux pays sont unis par le même senti-ment de perte d’une grandeur pas-sée. Sauf que nous avons perdu notre empire hier à peine, et avons l’habitude de peser dans l’arêne internationale, contrairement à la Grèce. Mais aucune réalisation his-torique passée d’un pays n’empê-chera un krach politique ou éco-nomique. Nous écrivons l’histoire aujourd’hui et maintenant, en cher-chant appui sur le passé mais en trouvant aussi de nouvelles solu-tions à des problèmes inédits.

qu’est-ce qui a changé dans les re-lations franco-russes ces derniè-res années ?Il y a, des deux côtés, une volon-té d’aboutir à des résultats. Une nouvelle maturité qui fait qu’on ne prétend pas que tout est par-fait, qu’on ne prétend pas faire des miracles et qu’on a l’intelli-gence de ne pas sous-estimer un certain nombre de difficultés. La relation politique et la relation économique sont liées. Mais ce n’est pas parce qu’on a de bon-nes relations politiques que les difficultés économiques s’apla-niront spontanément. Ce rêve qui a longtemps accaparé la diplo-matie française me paraît aujourd’hui surmonté. Tant mieux ! On est sorti des simplifications naïves pour entrer dans une ap-proche plus mature des rela-tions.

comment l’Assemblée nationa-le peut-elle contribuer à ces rela-tions ? À l’Assemblée, on a souvent évo-qué la question des visas par exemple. En règle générale, dans le cadre des contacts réguliers avec la Douma, nous nous inté-ressons à la situation des entre-prises françaises en Russie. L’an-née croisée ou la préparation de Sotchi 2014 sont de ce point de vue des cadres opportuns de consultations. Il y aura une réu-nion de la Grande Commission parlementaire le 7 juin à Paris, avec trois sujets à l’ordre du jour : notre relation économique dans le contexte actuel de crise, l’Arc-tique et l’enseignement du fran-çais en Russie et du russe en France.

Les relations économiques se sont sensiblement améliorées. il reste que les PmE des deux pays conti-nuent de se heurter à des difficul-tés. comment améliorer les cho-ses ? Nous constatons le succès de nombreux projets. En même temps il faut reconnaître que la situation de l’état de droit en Russie n’est toujours pas parfai-te pour le climat des affaires. Je regrette que l’entrée de la Rus-sie dans l’Organisation mondia-

La crise européenne commence à ressembler fâcheusement à un feuilleton sentimental bien par-ti pour tenir en haleine le mon-de entier pour tout l’année, voire plus. Les derniers communiqués venant de la zone euro font l’effet d’une pomme importée hors sai-son : brillante, appétissante mais désagréable au goût. L’acceptation de l’Estonie dans la zone euro en pleine crise relève d’un esprit de vitrine, d’une vo-lonté de faire croire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais c’est tout sauf une démonstration de force.

natalia GevorkyansPéciaLement Pour

La russie d’aujourd’hui

françois PerreaultsPéciaLement

Pour La russie d’aujourd’hui

Tout dépend de la manière dont tu te sens. C’est paradoxal, mais certains de mes amis moscovites, de dix ans mes aînés et connus pour ne sortir qu’avec des filles de moins de vingt-cinq ans, commencent à me faire la cour en arrivant à Paris, alors que je n’entre abso-lument pas dans leur catégorie d’âge. Ils appellent ça : « Paris te va si bien ». Tu parles. Ce qui me va bien, comme à toute femme, c’est d’être femme, de me refléter dans les yeux d’hommes prêts à m’accepter comme je suis, comme aurait écrit Bridget Jones dans son journal. Un jour, au début de mon séjour en France, je m’étais enfuie en Ca-margue pour m’isoler, nager, me reposer. Sur la plage, un homme me dit : « Une femme en France n’est jamais seule ». C’était une exagération. Il y a plein de fem-mes seules ici, beaucoup se sen-tent privées d’attention et d’amour. Mais à 40, à 50 ans, et même au-delà, elles continuent à se sentir femmes, si j’en juge par les Fran-çaises que je connais. Elles ne de-viennent pas des grand-mères, même quand elles le sont deux fois. Ici, les femmes n’ont pas un certain âge, dans le sens mosco-vite du terme, c’est-à-dire littéral. J’ai l’impression que je m’habille différemment quand je viens à Moscou, avec plus de prestance, en adéquation avec mon âge, que j’ai vite fait d’oublier en France. Dîner ou ne pas dîner avec un inconnu beaucoup plus jeune que moi… Je doute qu’un tel dilem-me soit possible à Moscou. Ja-mais une question aussi amu-sante ne se poserait. Alors qu’à Paris, il suffit d’enfiler un jean et un pull, et s’en aller dîner avec le jeune inconnu. Enfin ce n’est pas sûr que j’y aille. Mais je pour-rais. À l’aise.

Après les emplettes, c’est le dé-part ! La route sera plus courte que prévu. Après avoir quitté Mos-cou, Dima indique le chemin : pre-mière à droite. À cent mètres des limites de la ville, quelques bico-ques fatiguées, dont l’une s’avère être la datcha familiale. Masquant sa déception, Jean-Pierre s’appro-prie son nouvel environnement. Main droite, un vague étang ; au fond à gauche, la grande tour d’Ostankino, l’antenne géante de Moscou. Un bourdonnement sourd le fait sursauter : c’est l’Air-bus qui s’apprête à atterrir non loin de là.Dima et les autres, eux, n’ont pas chômé. Bières en main, ils s’atta-quent aux chachliks, qui en pré-parant le feu, qui en marinant gé-néreusement la bidoche dans une mayonnaise rendue douteuse par le cagnard. Sans doute en raison de son russe défaillant, Jean-Pier-re n’a pas très bien saisi la farou-che chamaillerie entre Sacha et Dima – chose certaine, il s’agis-sait de savoir ce qui, de la bière ou la vodka, alimentait davanta-ge le feu de bois.La suite est plus floue. Il y a d’abord eu l’apéro, puis le repas de viande grasse, avalée avec force lampées de vodka. Pour tout dire, il ne se souvient que très vague-ment du retour, sinon qu’il n’était plus au volant. Le coup de soleil magistral qu’il arbore sur les épaules lui confirme pourtant qu’il n’a pas rêvé. Rien de tel qu’un grand bol d’air pur dans la verte nature pour bien entamer l’été.

mais regardez comme il fait beau ! Levez donc le nez de votre ordinateur.

Je lève le nez et regarde le jeune homme qui vient de m’interrompre dans mon tra-vail. C’est vrai qu’il fait beau. La Place des Vosges est enva-hie : Parisiens et touristes ont pris d’assaut les pelouses et se prélassent dans les rayons chaud d’un soleil enfin prin-tanier. Tant mieux ! Mais ce n’est pas une raison pour m’empêcher de travailler. Je m’efforce de prendre un air de circonstance, et me replonge dans mon écran. Je sors une cigarette. Le gars me tend son briquet. - On dîne ensemble ce soir ?J’ai vingt ans de plus que lui, je n’en doute pas une seconde. Lui non plus d’ailleurs. Je re-mets mes lunettes et, avec toute la sévérité maternelle dont je suis incapable, je déclare : - J’ai un fils de votre âge.- Il a bien de la chance, le bon-homme. Alors, ce dîner ? Neuf heures, ça vous irait ?Le soir, je raconte en rigolant l’histoire de l’impertinent à une copine. Réponse : « Mais qu’est ce que tu fais encore ici, tu vas être en retard pour ton dîner ! » Je n’attendais pas d’autre réac-tion de sa part. Paris a prolongé ma jeunesse, qui, comme je l’ai compris ici, n’a rien à voir avec l’âge. C’est absurde d’essayer d’expliquer à un vendeur que bien sûr qu’elle est jolie cette minijupe, et c’est vrai qu’elle me va bien, mais ce n’est vraiment plus de mon âge… l’âge n’est pas un argument acceptable. Tant qu’il y a des jambes, la minijupe est de mise. Tant qu’il y a de l’éclat dans tes yeux, tu es une femme.

enfin, l’été ! Après avoir survécu à son premier hiver moscovite, Jean-Pierre n’y croyait plus.

Récemment introduit auprès de sa belle-famille russe, notre ami a reçu une proposition charmante : profiter des pre-miers beaux jours pour ouvrir la datcha qui hibernait.Quelle merveilleuse occasion de découvrir l’arrière-pays ! Les fo-rêts immenses, les lacs argen-tés... L’affaire est réglée : same-di, Jean-Pierre viendra chercher le beau-frère Dima et ses potes, direction la Nature.La veille, Jean-Pierre prépare son véhicule : pneus, niveau d’huile, il ne s’agit pas de tom-ber en panne au milieu de nulle part. Après avoir bouclé un sac avec son nécessaire à trekking – bottes de marche, imper, cou-teau, boussole –, il se couche de bonne heure ; la route sera lon-gue, il faudra conduire long-temps.À vrai dire, Jean-Pierre n’avait pas tout compris. Le lendemain, les compères font d’abord un arrêt dans un hypermarché. Dima fait l’achat d’une cinquan-taine de bières, quelques bou-teilles de vodka, trois bons kilos de viande, quinze oignons et un énorme pot de mayonnaise. Sans doute en raison de son russe dé-faillant, Jean-Pierre n’a pas bien saisi la violente altercation entre Dima et Sacha – chose certaine, il s’agissait de marinade.

cES SAcréS frAnçAiS

cES SAcréS ruSSES

Paris vous fait femme !

été = mayonnaise + vodka

Propos recueillis par Dimitri de Kochko

Pour hervé mariton, député et président du groupe d’amitié parlementaire france-russie, les deux pays sont parvenus au stade de la « maturité » même si des questions demeurent en suspens.

Des relations « amicales et sans complaisance »

Entretien Le rapprochement avec moscou opéré par l’elysée porte ses premiers fruits

le du commerce (OMC) ait dis-paru de l’ordre du jour immédiat. Cela n’empêche pas les entre-prises de faire des affaires. Mais la Russie, c’est un marché qui n’est pas simple pour les PME. L’exemple de ce que fait Peugeot avec Mitsubishi est intéressant. Le climat de Kalouga a été plus propice que d’autres. Les contex-tes régionaux sont importants. Il y a d’autres endroits où cela a parfois été plus compliqué, plus laborieux.

il y a parfois des différences pour d’autres raisons : regardez Auchan et carrefour, deux exemples, l’un d’une réussite, l’autre d’un échec.Je m’intéresse aux transports et je suis le dossier de l’autoroute entre Moscou et Saint-Péters-bourg. L’enthousiasme de Vinci sur l’affaire est parfois tempéré par nos amis russes qui m’aler-tent sur le fait que les codes fo-restier, foncier ou rural russes ne sont peut-être pas tout à fait au point pour permettre à Vinci de réaliser l’opération dans les dé-lais espérés … C’est la vie. Le monde est compliqué. Il n’em-

pêche que si l’état de droit était mieux établi, ça serait tout de même plus heureux. J’aimerais que la Russie entre dans l’OMC et que cela reste un objectif exi-geant mais utile. Personne n’a de leçons à donner à la Russie. Pour autant, il n’est pas interdit de poser des ques-tions et de mettre le niveau assez haut car justement, notre rela-tion amicale avec la Russie le justifie.

L’union européenne éprouve quel-que difficulté à adopter une atti-tude commune dans ses relations avec la russie. comment jugez-vous son évolution ? L’anti-russisme des pays de l’Eu-rope de l’Est est heureusement en train de s’affaiblir. La Russie a fait intelligemment évoluer les relations avec ces pays-là. L’exemple de la reconnaissance des événements de Katyn est em-blématique. Je salue à ce propos la présence du président Med-vedev aux obsèques du président polonais. Ensuite, on butte sur des aspects tactiques, ce qui est fréquent avec

les Russes, dans un certain nom-bre d’enjeux, dont le domaine énergétique. Les Russes considè-rent qu’il est préférable d’avoir des relations bilatérales et non russo-européennes. C’est à nous, Européens, de considérer que nous devons avoir une relation bilatérale mais aussi une relation Union européenne-Russie. Le dossier OMC, actuellement mis entre parenthèses, est typique-ment un dossier européen. On voit dans ce cas que nos amis russes pratiquent un peu le « diviser pour mieux régner ». C’est clas-sique et légitime de leur part. C’est plutôt à nous de mieux articuler nos positions pour défendre les enjeux européens, plutôt que de se laisser diviser par nos amis rus-ses.

L’Europe et la russie ont-elles in-térêt à adopter une position com-mune face à d’autres puissances, comme la chine par exemple ?La question qu’il faut évoquer d’une manière amicale et fran-che est celle des relations avec la Chine. Est-ce que les Russes mesurent l’importance de la dy-namique démographique, écono-mique, stratégique chinoise ? Nous la mesurons dans l’Union européenne. Il ne s’agit pas de faire une « alliance » russo-euro-péenne contre la Chine. Je ne suis pas du tout dans cette vision là. En même temps, il y des sujets comme les routes économiques ferroviaires des exportations chinoises vers l’Europe occiden-tale par la Russie ou le Kazakhs-tan. Et il y a d’autres dimensions. Il faut en parler d’une manière russo-européenne. Il faut mettre du grain à moudre dans la rela-tion entre la Russie et l’UE. Il me semble que d’autres parte-naires de la planète pourraient y être associés. La Russie n’est pas dans l’UE et n’a pas vocation à y entrer. Mais la Russie est évidemment en Eu-rope et nous devons l’assumer comme telle. Cet ancrage, d’un point de vue culturel, intellec-tuel, scientifique, civilisationnel, est très important. Quand on connaît la Russie, c’est une évi-dence. Mais ça l’est davantage pour les Russes que pour nous. Nous avons parfois une vision bien trop desséchée de l’Europe. Il faut que nous redécouvrions l’évidence de « l’Européanité » de la Russie.

« Personne n’a de leçons à donner à la russie, mais il n’est pas in-terdit de poser des questions car notre relation amicale le justifie »

Natalia Gevorkian, correspon-dante à Paris du journal Kom-mersant.

François Perreault est expatrié à Moscou depuis quatre ans.

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10 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI fr.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE fiGAro culture

mikhail chvydkoïspécialement

pour la russie d’aujourd’hui

le 150e anniversaire d’An-ton Tchékhov que nous fêtons cette année a eu un impact sur le nom-

bre de mises en scène de ses pièces sur toutes les planches du monde, et a relancé le débat sur l’héritage littéraire de l’écri-vain. Chaque pièce de théâtre est la somme du texte original et de ses interprétations, accumu-lées pendant des années. Dans le cas de Shakespeare ou de Corneille, on compte en siècles. Pour Tchékhov, il s’agit d’un peu plus de cent ans. Quand un metteur en scène contem-porain s’attelle à L’oncle Vania, La Mouette, Les trois sœurs ou La cerisaie, il doit oublier comment ces pièces ont été montées par Konstantin Sta-nislavski ou Vladimir Nemiro-vitch-Dantchenko au Théâtre d’Art de Moscou (MKhAT), ou Giorgio Strehler au Piccolo Teatro di Milano, ou encore Peter Brook dans son labora-toire parisien. Tchékhov ne voulait surtout pas que son œuvre devienne « la très vénérable armoire », dont parle Gaïev dans La cerisaie, mais il ne cachait pas non plus que ses pièces contiennent de nombreux mystères. Stanisla-vski et les acteurs du MKhAT n’en ont percé qu’une partie (on le sait, Tchékhov se plaignait que Stanislavski ne percevait pas le comique dans sa drama-turgie).Tchékhov n’est pas seulement le dramaturge russe le plus cé-lèbre au monde. Il est aussi, avec Shakespeare et Molière, la personnification même du théâtre. Un art grossier et saint à la fois. Il est devenu une sorte d’icône du théâtre du XXe siè-cle, par laquelle jurent les dra-maturges et les metteurs en scène de tous bords. Aucune étude un tant soit peu sérieuse sur Beckett, Ionesco, Pinter ou Albee ne peut se passer de la déduction que c’est bien l’œu-vre de Tchékhov qui fut, à sa façon, à l’origine du théâtre de l’absurde. Il va de soi que les metteurs en scène contemporains qui s’attaquent aux pièces de Tchékhov, surtout en Russie, subissent la puissante influen-ce de la tradition du MKhAT, où le réalisme (voire le natu-ralisme) psychologique est lié à l’esthétique du sentiment et de l’humeur, voisine de l’im-pressionnisme. Le « vrai » Tchékhov en Rus-sie, c’est toujours le texte plus

biLLEt DE L’Amitié

tchékhov, ce véritable précurseur de l’absurde

Saturé de symbolisme pesant, Soleil trompeur 2 : l’exode res-suscite les personnages - un com-mandant de l’Armée rouge, un officier du NKVD, et la femme qu’ils aimaient tous les deux – censés être tous morts à la fin du premier film, à l’apogée de la terreur stalinienne. Les critiques russes ont vilipendé l’épopée à 43 millions d’euros, en la quali-fiant de voyage sentimental dé-plorable et raté. Mais Nikita Mikhalkov, le tsar du cinéma russe, fait fi de la critique. Son film fait partie de la sélection 2010 du Festival de Cannes, où la première partie avait rempor-té le Grand Prix du jury en 1994.Mikhalkov, personnage très controversé, est un pan de l’in-dustrie cinématographique à lui tout seul. Si sa créativité connaît des hauts et des bas, ses affaires fleurissent. Plus largement, c’est le cinéma russe qui traverse une véritable renaissance. Ces dix dernières années lui ont rendu sa renommée, et son succès auprès de l’audience domestique, même si le cinéma russe n’a pas échappé aux effets de la crise.« Certains objectifs des cinq der-nières années n’ont pas été at-teints », explique Stephen Nor-ris, un historien de l’université de Miami et auteur d’un livre à paraître sur le cinéma russe. « Mais en même temps, les gran-des avancées depuis 2000 ont tenu ». Exemple : les milliers de salles de cinéma qui ont ouvert dans les nouveaux centres com-merciaux des villes de Russie, et ce n’est pas fini. Depuis peu, les réalisateurs so-viétiques et le cinéma d’art et d’essai font un retour discret mais prometteur. Des films tels que l’envoûtant Retour d’Andreï Zviaguintsev (2003), ou l’hila-rant Accordeur de Kira Moura-tova (2004), témoignent des re-trouvailles du cinéma russe avec l’avant-garde soviétique. Parmi les réalisations qui ont eu le plus de succès ces derniers temps, beaucoup étaient ouver-tement nostalgiques, ont noté les critiques, mais cette tendance s’épuise. « On observe un rejet net de l’utilisation du cinéma pour débattre de l’identité na-tionale », commente Norris. Plus intéressante : la réaffirma-tion des valeurs de l’avant-garde soviétique chez les réalisateurs, dont les meilleurs endossent vo-lontiers les principes moins po-pulistes mais plus esthétiques des grands maîtres russes, de Eisens-tein à Tarkovski. Ironie du sort, c’est la chute de

norA fitZGErALD Et PEtEr VAn DYKspécialement pour la russie d’aujourd’hui

Présent à cannes avec la suite de « Soleil trompeur » (descendue en flammes par la critique russe), nikita mikhalkov a de la concurrence.

cinéma les studios profitent du retour du public pour produire des films différents

La nouvelle vogue du cinéma d’auteur

Le distributeur le plus célèbre reste Rising Star Media, dirigé par l’américain Paul Heth qui, en ouvrant le cinéma Kodak au centre de Moscou en 1996, inau-gurait la première salle de stan-ding européen en Russie. Aujourd’hui, l’entreprise est par-tenaire avec Ikea Mega, et gère des salles dans les grands cen-tres commerciaux du géant sué-dois. La construction de nouvelles salles, plus vastes et plus mo-dernes, ainsi que l’introduction de la 3D, ont revigoré l’indus-trie cinématographique en Rus-sie, tout en faisant la part belle aux productions hollywoodien-nes. En témoigne le triomphe d’Avatar de James Cameron, qui a ébranlé tous les records au box-office en rapportant 16 millions d’euros le week-end de sa sortie, et plus de 78 millions d’euros au total, et les non moins fulgurants succès d’Ali-ce au pays des merveilles, puis de Dragon et du Choc des Ti-tans. Selon Neva Film, il y a désormais 2 100 salles moder-nes en Russie, la moitié dans des multiplexes avec cinq

écrans ou plus, et presque 400 avec la 3D. Pour Charlotte Jones, critique de cinéma à Screen Digest, la Rus-sie fait partie des cinq pays euro-péens les mieux équipés en 3D, et accroît ses profits en augmen-tant le prix des places. L’année a été bonne pour les pro-ducteurs russes. Et depuis 2002, les plus importants studios re-çoivent un soutien financier de l’État. Par conséquent, les pro-ducteurs investissent avec confiance dans des films à gros budget, tandis que les studios in-ternationaux commencent à s’in-téresser au marché russe.Le mauvais accueil de Soleil trompeur 2 incitera certainement les réalisateurs russes à repen-ser la formule du film patrioti-que, même si Mikhalkov a déjà tourné le troisième volet de son épopée dont la sortie est prévue en 2011. Mais une nouvelle ère se profile à l’horizon. Norris es-père que les dizaines de réalisa-teurs avant-gardistes dont dis-pose désormais la Russie attireront les gros budgets. Alors le résultat pourrait être gagnant, en attendant Cannes 2011.

Andreï Zviaguintsev a reçu le Lion d’or à la mostra de Venise en 1993 pour son film « Le retour »

l’interprétation de Stanislavski et de Nemirovitch-Dantchenko, dont Les trois sœurs montées en 1940 furent une sorte d’adieu à la Russie prérévolutionnaire, et au Théâtre d’Art, tel qu’il avait été conçu par les pères fonda-teurs. Et toute expérimentation, même la plus audacieuse, sur la scène russe, prend en compte cet héritage important du passé, même s’il s’agit de s’en affran-chir. En ce sens, les interprètes étran-gers, y compris les français, sont beaucoup plus libres. Mais il est important de noter que même dans les versions des metteurs en scènes du Cartel dans les an-

nées 1920-30, et dans des inter-prétations plus tardives, le théâ-tre de Tchékhov était aussi perçu à travers l’expérience du théâtre d’art de Paris, je veux dire la mise en scène d’André Antoine. Le festival Tchékhov de 2010 a montré que la nouvelle mise en scène, tout en respectant ses pré-curseurs, recherche dans les tex-tes de Tchékhov des réponses aux questions du XXIème siècle. Il suffit de regarder le spectacle bouleversant et plein de bravou-

re du Théâtre-laboratoire de Dmitri Krymov, Tararaboum-bia !, créé comme une divagation libre sur le thème des nouvelles et des pièces de Tchékhov, ou bien L’Oncle Vania puissant et expres-sionniste de Rimas Touminas au Théâtre Vakhtangov, pour com-prendre à quel point l’œuvre du dramaturge est entrée librement et harmonieusement dans notre siècle, qui nous pose de nouvel-les énigmes existentielles. Comme toujours, élevées et inchangées à la fois.

Mikhail Chvydkoï est Comis-saire du Comité d’organisation pour la Russie de l’Année France- Russie et ancien minis-tre de la culture.

cADEAux DES tSArSdu 28 mai au 3 octobre, musée national de la marine, paris

La « Diplomatie navale » se dé-voile à travers les cadeaux des tsars à « la Royale » entre 1891 et 1914. Il s’agit d’objets réalisés par des orfèvres célèbres tels que Carl Fabergé, Pavel Ovtchinnikov et les frères Gratchev, et de bien d’autres pièces précieuses offertes dans le contexte maritime de la fameuse alliance franco-russe.

www.musee-marine.fr ›

ruSSiE étErnELLE, tréSorS DE LA DAnSE ruSSE27 et 30 mai à 20hpalais des sports, paris

Le Théâtre National de Danse « Gjel » de Moscou présente des chorégraphies inspirées, une fois n’est pas coutume, du fabuleux héritage de l’artisanat russe tout autant que des merveilleux contes et légendes de la vieille Russie. Fondé en 1998, le ballet est choré-graphié par Vladimir Zakharov.

www.russie-eternelle.com ›

concErt ruSSE DE L’orchEStrE PhiLArmo- niquE DE rADio frAncE 21 et 29 mai à 20h00salle pleyel, paris

Programme entièrement russe avec des œuvres d’Anatili Liadov, la 2ème Symphonie de Rimski-Kor-sakov, le 3ème Concerto pour piano de Prokofiev et Francesca da Rimini de Tchaïkovski. Sous la direction de Leonard Slatkin, avec la participa-tion du pianiste Denis Matsouïev.

www.sallepleyel.fr ›

À L’AffichE DE L’AnnéE croiSéE 2010

tous les détails sur notre sitefr.rbth.ru

les réalisateurs soviétiques et le cinéma d’art et d’essai font un retour discret mais prometteur

tchEKhoV À PAriS Et À moScou

du 21 mai au 21 juin , théâtre de l’atalante, 10, place charles dullin

Spectacles créés d’après des nouvelles d’Anton Tchekhov : Ma Vie, Le Pari, La Maison à mezzanine, Le Moine noir, Vladimir le Grand et Vladimir le petit, Le Récit d’un inconnu… Mises en scène du collectif Spectacle.Laboratoire, sous la direc-tion artistique d’Anatoli Vassiliev.

www.theatre-latalante.com/ ›

29 mai – 30 juillet 2010, divers théâtres

Pièces d’Anton Tchékhov et pas seulement. Présence de troupes russes et étrangères (France, Espagne, Allemagne, Canada, Suis-se, Suède, Biélorussie, Arménie, Japon et Taiwan).Du 5 au 7 juillet, le spectacle Création sera présenté au Théâtre Atelier Piotr Fomenko à Moscou, sur une musique d’Alain Mahé et une chorégraphie de Josef Nadj, coproduit par le Théâtre de la Ville-Paris.

www.chekhovfest.ru/ ›

SoiréES tchEKhoV À PAriS

ixèmE fEStiVAL tchéKhoV À moScou

tchékhov ne voulait surtout pas que son oeuvre devienne « la très vénérable armoire » dont parle Gaïev

les interprètes étrangers de tchékhov sont beaucoup plus libres que les russes de s’affranchir de l’héritage du passé

l’URSS qui a quasiment para-lysé la production cinématogra-phique, avec seulement 13 films sortis en 1997 et 4 millions d’euros au box-office, selon le magazine Kinobusiness. Mais dès la décennie suivante, le nombre de films produits en Russie a augmenté chaque année. En 2004, Night Watch a rappor-té plus de 12,5 millions d’euros, et a été suivi par une brochette de gros succès, tels que La 9e compagnie (un film d’action sur des soldats en Afghanistan pen-dant l’invasion soviétique), Le Gambit turc (un film d’action historique narrant la guerre rus-so-turque de 1877 en Bulgarie)

en 2005, et Day Watch l’année d’après, qui a rapporté 25 mil-lions d’euros. Les revenus ont chuté brutalem-ment en 2009, des dizaines de projets furent abandonnés, mais l’économie russe s’est remise sur pied plus vite que prévu, et les spectateurs ont réinvesti les sal-les obscures dont le nombre aug-mente tous les jours. Sur un mar-ché très fragmenté, Karo Film est en tête avec seulement 6% des parts. Le réseau possède 120 salles à travers tout le pays, dont la moitié dans des multiplexes, le reste en salles soviétiques ré-novées.

retour sur une perle révolutionnaire Les amateurs parisiens de raretés cinématographiques sont conviés à une projection exceptionnelle de Miss Mend (1926) de Fedor Otsep et Boris Barnet. Les aventures ro-cambolesques de l’intrépide dac-tylo Miss Mend contiennent toute la créativité et la fougue avant-

gardistes des années 20 soviéti-ques. Ce feuilleton muet en 3 épi-sodes (quatre heures au total) sera mis en musique par le quin-tette improvisation de Aidje Tafial.Cinéma Le Balzac, le 3 juin, de 19h30 à... tard dans la nuit.Détails sur cinemabalzac.com

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI fr.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE fiGAro

11culture

nikolaï Dolgopolov

spécialement pour la russie d’aujourd’hui

président de l’Académie Goncourt et lui même académicien, sacré clas-sique de son vivant (il

est mort en 1996), Hervé Bazin avait accepté de me rencontrer immédiatement, en s’excusant de préférer son petit village de Normandie à l’agitation de la capitale. Une ancienne demeu-re un peu décrépie, où un vieux jardinier guilleret nettoie une petite piscine pour enfants, un tuyau d’arrosage à la main. - Pardon, c’est ici que vit l’écri-vain Bazin ?- Vous parlez de celui qui passe son temps à décerner le Gon-court ?- Oui.- C’est moi-même.Et il me tendit la main avec un sourire qui semblait s’excuser de ne pas s’être rendu d’em-blée reconnaissable au visi-teur. À côté de lui, dans un panier posé sur l’herbe verte, un bébé couinait doucement. Dès lors, j’ai cessé d’avoir des comple-xes par rapport à ma paterni-té tardive, alors qu’Hervé Bazin, devenait mon écrivain préféré au monde. Une petite-fille est née le même jour que son fils Nicolas, et Bazin m’avoua fiè-rement qu’il donnait la vie de-puis un demi-siècle : « C’est comme créer un chef d’œuvre littéraire. En laissant derrière vous une trace, vous prouvez votre droit à l’existence. Com-ment peut-on vaincre la mort autrement ? Il ne faut jamais mourir pour toujours ».Il était simple dans le contact. C’est ce qui le rendait si atti-rant. Le Matrimoine a été plus lu en Russie que dans sa Fran-ce natale. Les mauvaises lan-gues françaises prétendaient que son amour de la Russie re-posait sur des tirages par mil-lions de ses romans. Mais ces envieux ignorent que l’URSS méprisait les droits d’auteur. Bazin aimait les Russes, les idéalisait un peu trop. C’était l’amour de celui qui ne connais-sait de la Russie que sa litté-rature. Sa foi en nous, en la perestroïka et Gorbatchev, semblait celle d’un génie aveu-gle. Je lui ai demandé s’il n’avait pas des origines rus-ses. Il y avait bien eu des Rus-ses dans son entourage d’en-fance, outre Tolstoï, Tchekhov et Tourgueniev. Et du côté de sa mère, à la sixième généra-tion. Mais il ne savait pas qui, lui dont les archives étaient pourtant rangées si soigneu-sement, à la grande joie des spécialistes. Dans une lettre, il m’écrivit un jour : « L’année 1989 s’annon-ce bien. Les dangers, les conflits reculent un peu partout. Une avancée a été faite sur les voies du désarmement et du respect des droits de l’Homme ».Bazin m’invitait aux remises du Goncourt. Ce n’était alors plus un jardinier mais le maî-tre du bal en smoking. L’une des dernières lettres que je reçus de lui commençait ainsi : « J’écris en ce moment la suite du Matrimoine qui eut en URSS autant de lecteurs qu’en France ».

SouVEnirS, SouVEnirS...

Bazin et son amour aveugle

propos recueillis parYouri Kovalenko

pour le quotidien izvestia

Pourquoi certains auteurs clas-siques russes n’aimaient-ils pas les français ? Je pense au « misé-rable français » [Pouchkine, ndltr] et au « francillon de bordeaux » [Griboïedov, ndltr]…Les Russes trouvaient que les Français étaient trop dans la re-présentation. Dans l’hypertro-phie de la forme au détriment du contenu. Souvenez-vous de l’étonnement de Fonvizine quand il remarqua que les aris-tocrates français portaient des manchettes en dentelle, des plas-trons en soie sur leur chemise en toile grossière. « On ne la voit pas sous le pourpoint », lui avait-on expliqué.

cela veut-il dire que les russes sont plus sincères ?Cette fameuse sincérité peut aussi friser le manque de tact, la grossièreté, le désir de s’im-miscer dans l’âme d’autrui. Nous, les Russes, nous prenons toujours une pose de Dieu om-niscient par rapport à nos pro-ches, nous jugeons, nous don-nons des leçons. Un jour, à Saint-Pétersbourg, j’ai vu un groupe d’hommes et de femmes bien arrosés. Une de ces per-sonnes a rendu une sentence très caractéristique : « Mais tu n’es rien devant moi ». Elle par-lait à un petit homme assis par terre. L’homme ne peut être « rien ». Même le plus déchu est « quelque chose ». Même écra-sé, c’est un destin. Même défi-guré, c’est une personnalité.

Les auteurs français contempo-rains sont tout sauf des rebelles.Et pas seulement les français. Le monde a besoin d’une révo-lution spirituelle. Une révolu-tion sans destruction de chai-

ses, de palais et de l’héritage de la nation. Il faut bien compren-dre que le compte à rebours avant toute une série d’apoca-lypses – écologique, démogra-phique, nucléaire – est déjà bien lancé. Et que l’humanité, dans son hypostase de destruction in-dustrielle actuelle, n’est tout simplement pas viable. Quant aux Français, puisque nous en parlons, ils devraient commen-cer par endiguer l’épidémie du politiquement correct. La gran-de qualité de cette nation est son cartésianisme aiguisé, son

esprit analytique. Il serait re-grettable que cette puissance in-tellectuelle se dissolve dans le moût de petites idées mièvres et châtrées.

Le modèle social français est-il aussi mal en point qu’on le dit ?Ses qualités sont devenues aujourd’hui des défauts. L’in-dispensable aide sociale aux fai-bles et aux malades encourage le parasitisme. Les bénéficiai-res de dizaines de types d’allo-cations ont désappris à tra-vailler. Deux classes infiniment éloignées l’une de l’autre se sont formées : les flibustiers-finan-ciers et l’immense masse d’une lumpen-population, qui englou-tit toujours plus une classe moyenne appauvrie. La situa-tion est explosive, comme l’a prouvé la crise.

Jean-marie Le clézio a reçu le nobel de littérature 2008. À quel écrivain russe décerneriez-vous ce prix ?À Dovlatov. Je le place au-des-sus de Tchékhov, bien que ce genre de comparaison soit dé-pourvu de sens. Mais il faudrait lui donner le prix à titre pos-thume, ce qui ne se pratique pas me semble-t-il.

Vous voyagez beaucoup en france. que pense-t-on des rus-ses ? quelle image en est don-née ?C’est difficile de trouver dans la presse française ne serait-ce que quelques mots gentils sur la Russie, sans parler d’un ar-ticle entier. Mais c’est de notre faute. Nous n’avons pas réussi à créer une image positive du pays. Les Américains ne lésinent pas sur les moyens pour fabri-quer leur image. Alors qu’en Russie, entre le glauque litté-raire et cinématographique et la clownerie d’estrade, il n’y a que de l’officieux assommant. Et ce n’est pas comme si les oc-casions de créer une figure hé-roïque avaient manqué. Prenez Stirlitz [super-espion soviétique en mission à Berlin, ndlr]. Par rapport à lui, James Bond est un sadique arriéré et un vulgai-re érotomane, porté sur un tri-vial cocktail alcoolisé.

La russie peut-elle se passer d’une main forte au pouvoir ?Aucun pays ne peut exister sans un pouvoir et des institutions démocratiques forts, sans une presse indépendante, puissante et professionnellement respon-sable, sans une culture titanes-que. C’est d’ailleurs par la cultu-re qu’il faudrait commencer

cette énumération. Les Anglais parlent d’ « une main de fer dans un gant de velours ». Tel doit être le pouvoir d’un pays pour survivre dans un monde tumul-tueux et agressif. Mais les plu-mes des écrivains et des jour-nalistes sont en acier, elles aussi. Il faut de temps à autre le rap-peler à nos dirigeants.

Le célèbre écrivain Dominique fernandez a publié récemment « L’âme russe ». Selon lui, les français n’ont pas d’âme. Je vous assure que si. Elle est différente de la nôtre, plus ra-tionnelle, et c’est tant mieux. La France n’a pas nos vastes étendues où l’on peut s’aban-donner au chaos et à l’anarchie, se soulager le cœur. Depuis la

PhoEbE tAPLinspécialement pour la russie d’aujourd’hui

Les images dorées de saints orthodoxes ont repris leur place traditionnelle dans les cœurs et l’environnement visuel russes : signe d’un large regain d’intérêt pour la peinture des icônes.

Aujourd’hui, on voit des icônes partout en Russie : coiffant des puits ou au pied de sources ; au bord des routes et des chemins de pèlerinage ; dans les maga-sins, les datchas ou les galeries d’art. Elles matérialisent aussi bien le renouveau de la foi na-tionale qu’un intérêt accru pour l’histoire et l’art russes. Depuis la chute du régime com-muniste il y a vingt ans, l’Égli-se orthodoxe russe jouit d’une popularité sans précédent. Les pèlerins forment d’intermina-bles files d’attente pour de l’eau bénite ou des bénédictions pas-cales. Presque chaque village ou banlieue est en train, vient ou projette d’ériger une immense

Le grand retour de l’icônereligion un objet de culte pour les artistes et pour les chrétiens

église en pierre coiffée de dômes étincelants. Les icônes sont essentielles à la décoration de toute église ortho-doxe. L’iconostase - une cloison décorée d’icônes, du sol au pla-fond - sépare l’espace principal où prient les fidèles et l’autel où célèbre le prêtre. D’autres ima-ges sacrées recouvrent les murs.

De nombreux foyers orthodoxes possèdent un « angle sacré » : une ou plusieurs icônes accro-chées sur un tissu brodé, illumi-nées par une veilleuse. L’église de la Vivifiante Trinité à Orekhovo-Borisovo symbolise parfaitement la nouvelle ortho-doxie russe qui a repris confian-ce en elle-même. Achevée de

2004, avec un peu en retard pour célébrer le millénaire du chris-tianisme russe, l’imposant édi-fice aux dômes azurés est l’un des lieux de culte les plus im-portants de Moscou. Trois mille fidèles peuvent se réunir dans la nef spacieuse, devant une ico-nostase de marbre et de porce-laine dorés. La paroisse possède son propre atelier d’art et une école de théo-logie qui enseignent l’iconogra-phie à des classes bondées de petits et de grands, tous les week-ends. « Nous sommes dé-bordés », affirme Svetlana Alexandrovna, une des géran-tes, « tout le monde veut appren-dre à peindre des icônes ! ».La peinture d’icônes et de fres-ques religieuses était la princi-pale pratique artistique dans la Russie d’avant Pierre le Grand. Les moines du XVe siècle, comme l’illustrissime maître Andreï Roublev, adaptaient la tradition byzantine. Ces dernières années, un débat tendu s’est engagé sur la question de savoir quel était, des églises ou des musées, le meilleur endroit pour conserver les icônes. Davina Garrido de Miguel, une artiste reconnue et primée, a dû attendre un an et demi avant de pouvoir intégrer une école d’ico-

Nikolaï Dolgopolov est le ré-dacteur en chef adjoint de Rossiyskaïa Gazeta. Il fut cor-respondant à Paris de la Kom-somolskaïa Pravda entre 1987 et 1993.

difficile de trouver dans la presse française des mots gentils sur la russie (...) mais c’est de notre faute.

oui, les français ont une âme. Elle est différente de la nôtre, plus rationnelle, et c’est tant mieux.

cette îcone a probablement appartenu au tsar nicolas 2

nographie. « Il faut être religieux et pratiquant pour peindre des icônes », explique-t-elle. « Les jours où nous peignons, nous ne mangeons pas de viande et nous prions avant de commencer le travail. Le processus tradition-nel consiste à poser une plan-che à plat et superposer des cou-ches de tempera à l’œuf très diluée, l’une après l’autre, pour construire l’image. C’est ce qui m’attire le plus : une technique ancienne, compliquée, qui s’en-seigne forcément par un maître, que l’on ne peut ni improviser ni apprendre dans les livres ».Igor Voziakov, ancien directeur financier de Loukoïl et proprié-taire de la nouvelle Maison des icônes, a amassé une collection de trois mille pièces, dont un dixième seulement sont expo-sées. « Durant le XXe siècle, il était impossible de voir des icônes, ou même de découvrir de quoi il s’agissait », se souvient Ma-rina Katchousova, la directrice du musée : « c’est la connais-sance qui est essentielle ». La porte-parole Ekaterina Vassina renchérit : « Nous ne cherchons pas à convertir nos visiteurs. Nous voulons leur montrer la beauté de la foi du peuple russe ».

EntrEtiEnandreï makine

nous n’avons pas créé d’image positivele lauréat du prix Goncourt nous

rappelle que « les plumes des écrivains et

des journalistes sont éGalement en acier »

biographie

Né à Krasnoïarsk en 1957, Andreï Makine a grandi à Penza. Selon la légende, il est le petit-fils d’une émigrée française arrivée en Russie en 1957. Il a fait ses études de philologie à l’université d’État de Moscou (MGU) et a enseigné à l’université de Novgo-rod.

En 1987, il s’est rendu en France dans le cadre d’un programme d’échange pour professeurs, et a demandé l’asile politique. Il y a quinze ans, Andreï Maki-ne est devenu le premier écrivain russe à recevoir le prix Goncourt pour son roman Le testament français. Ses œuvres sont publiées dans plus de quarante pays.Andreï Makine est l’auteur de dou-ze romans en français.

période gallo-romaine, l’espace est très condensé en France. Au XIIIe siècle, un chroniqueur écrivait : « Le pays est plein comme un œuf de poule ».

Est-il aujourd’hui plein au point d’être menacé par l’islamisation ?Tout dépendra de la capacité de la France à assimiler l’im-migration musulmane. Dans cent ans, les Français parleront-ils un dialecte franco-arabe ? Ou bien le monde s’embrasera dans une guerre des civilisations ? Je ne suis pas sûr que l’huma-nité ait cent ans pour réfléchir. Il faut agir aujourd’hui.

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12 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI FR.RBTH.RUCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Culture

RECETTE

Le chachlik : interdit aux femmes

J’ai beaucoup d’affection pour mes lecteurs. Quand Laura m’a écrit pour me demander si je pouvais parler de la salade de betterave, j’étais prête à obtem-pérer. Mais les lilas m’ont déconcen-trée. Le printemps arrive vite en Russie. Un jour, le monde est un pot rempli d’eau sale et de pin-ceaux boueux, le lendemain, il éclot en une vibrante palette de couleurs pastel. Les premières fraises et tomates mûres arri-vent d’Asie centrale et de Cri-mée, pour être vendues par des blondes peroxydées arborant tabliers et ongles sales. La betterave à cette époque de l’année ? Non, la betterave en Russie vient du butin musqué de l’automne, pas de la pro-messe bourgeonnante du prin-temps. Le printemps arrive avec les premières bouffées de la fumée acre du « koster », le feu du barbecue. Alors que fleurissent les lilas, les « perce-neige », ces voitures rouillées et déglin-guées, qui ne servent qu’à sor-tir de la ville en été, prennent le chemin des datchas. Là, qu’il y ait de l’électricité ou non, le menu traditionnel reste inchan-gé : des brochettes de porc ou d’agneau mariné, grillées sur un feu de bois.Comme beaucoup de mets in-contournables, le chachlik n’est pas originaire de Russie, mais les Russes l’ont adopté. Ou

Jennifer Eremeeva SPÉCIALEMENT POUR

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

plutôt, les hommes russes l’ont adopté. Les hommes russes ne sont pas des cuisiniers nés : la cuisine, c’est un peu efféminé, rien à voir avec la domination du monde - il faut nettoyer et faire des projets à long terme. Ça ne les fait pas rêver. À l’exception du chachlik, qui « ne supporte pas les mains féminines », assurent les hommes. J’ai remarqué, pour ma part, que le chachlik survit parfaitement à la présence fémi-nine aux étapes de la préparation et du nettoyage post-festin. Tou-jours est-il que les hommes russes s’adonnent à leur seule expérien-ce culinaire avec passion : des dé-bats animés autour du secret an-cestral de la marinade (vinaigre, huile, sel et poivre), et de la bon-ne manière de disposer la viande sur le feu durent le temps de boi-re une bouteille de vodka. Avec amour, ils enfilent les morceaux collants de viande sur des bro-ches d’un mètre de long, avant de les déposer lentement entre les flammes. Je me dis parfois que si les hommes russes traitaient leurs femmes avec autant de tendresse, le problème brûlant de la nata-lité en déclin pourrait être résolu dans ce pays. Servez le chachlik avec des toma-tes, des concombres, de l’aneth et du pain lavach, la pita du Caucase. Sans autre assaisonnement que du sel. Quand le produit est frais et que le soleil ne se couche pas avant neuf heures du soir ! Que souhaiter de plus ?

Ingrédients :1 kilo de porc ou d’agneau2 oignons coupés en quatre1 verre de vinaigre de vin rougeEau froideLe jus d’un citron ou 1 verre de jus de grenadePersil frais haché, aneth frais4 c. à soupe de poivre en grains4 c. à soupe de sel4 échalottes émincées4 gousses d’ail écrasées1 poignée de coriandre frais1/2 verre d’huile d’olive

Préparation :Débarrassez la viande de son gras et coupez-la en cubes de 5 cm. Placez-la dans un grand plat étan-che avec un couvercle. Mélan-gez vinaigre, jus, persil, poivre, sel, échalote et ail dans un bocal et agitez vigoureusement. Versez la marinade sur la viande en allon-geant à l’eau pour recouvrir tous les morceaux. Réfrigérez une nuit,

ou, si vous êtes pressés, laissez quel-ques heures à température ambiante. Remuez régulièrement pour que tous les morceaux soient bien marinés. Enfilez la viande et les quartiers d’oignons sur de longues broches, aspergez d’huile d’olive et grillez en tournant souvant, jusqu’à ce que la viande brunisse. Débrochez, soupou-drez de coriandre et servez immé-diatement.Il y autant d’assaisonnements que de chachliks différents. Les sauces du Caucase allient l’acidité du citrus, le musk du fruit, et les herbes fraî-ches pour le Tkemali (sauce de prune aigre-douce) ou le goût prononcé de la noix, de l’ail et du coriandre frais pour le Satsivi (sauce aux noix). Dans les Balkans, on penche pour des sau-ces au yoghourt et à l’ail ou une salsa de tomate. Soyez inventif !

JOHN VAROLISPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Provocation et défi : tel est le signe sous lequel se présente l’exposition des principaux artistes russes contemporains que le Palais de Tokyo accueille à Paris à partir du 11 juin .

« Cette exposition va permettre aux publics français et européen de mieux comprendre ce que l’art contemporain russe a créé ces vingt dernières années, depuis la chute de l’URSS », assure Ma-rina Gontcharenko, propriétaire de la galerie GMG à Moscou. « Elle témoigne de la réintégra-tion de la Russie au sein de la scène artistique internationa-le ».Parmi les œuvres les plus pro-vocantes � gure le « Je m’en lave les mains » de Yakov Kajdan, une installation qui représente des toilettes publiques assorties de barres de savon. L’artiste a conçu une puissante métaphore de l’hy-giénisme maniaque de la civili-sation occidentale. Cette propre-té compulsive est le symptôme des complexes psychologiques plus profonds d’une nation tout entière, du colonialisme et de l’impérialisme aux guerres mon-diales. Les barres de savon sont faites de marbre, et Kajdan joue sur la référence biblique au mo-ment où Ponce Pilate se lave les mains... de l’exécution imminen-te de Jésus.Intitulée « Leçons d’histoire », l’exposition, en place jusqu’au 27 juin, est organisée par Joseph Backstein, dans le cadre de l’An-née croisée France-Russie. Au côté de Kajdan, seront présents

À voir et à méditer...Art contemporain L’Année croisée met en scène la nouvelle avant-garde russe

les quatre artistes du groupe AES+F, célèbres pour leurs ins-tallations et photographies ; Dmitri Goutov, qui fait de la sculpture abstraite en métal et a capturé un jour 2 500 volants de badminton dans un � let de volley-ball tendu entre des ar-bres ; Ivan Tchoïkov, peintre ; ainsi que des artistes conceptuels tels que Arseni Jilyaïev, Anton Ginsburg, Sergueï Chekovtsov, et le duo Aristarkh Tchernychov-Alexeï Choulguine.« Backstein est le plus célèbre conservateur d’art russe, et il a réuni un excellent groupe d’ar-tistes qui soulèvent des thèmes sociaux, historiques et politiques essentiels », explique Gontcha-renko, consultante en chef du commissaire sur cette exposition.

Laquelle est soutenue par le mi-nistère de la Culture russe, la Fondation Iris et le centre de culture contemporaine Garage de Daria Joukova, devenu le cœur battant de l’art contempo-rain russe.L’exposition s’ouvre sur des tra-vaux du milieu de années 1980, pendant la perestroïka, et se fraye un chemin jusqu’à aujourd’hui, à travers les œuvres des artistes russes les plus en vogue. « La réaction à l’histoire et à la nostalgie, ainsi que la ré� exion et l’interprétation qui en décou-lent, sont des thèmes constants de l’art russe », précise Backs-tein. « Les œuvres de ces artis-tes reflètent les circonstances culturelles, historiques, sociales et politiques dans lesquelles elles

ont été créées ; c’est pourquoi je les ai choisies ».« Les suspects » de AES+F (1997) est une œuvre conceptuelle qui montre des portraits photos de 14 adolescentes. Sept sont de simples écolières moscovites, les sept autres sont des détenues pour crimes violents. Les artis-tes ne donnent aucun commen-taire sur l’identité de chacun des modèles et laissent au specta-teur la liberté de décider. Mais l’exercice est presque impossi-ble car toutes les � lles sont soi-gneusement maquillées et sou-riantes. Cette œuvre d’art nous force à confronter nos préjugés nous portant à désigner qui « a la tête d’un criminel ».Arseni Jilyaïev, un des chefs de � le de la scène moscovite, joue avec les concepts d’utopie et de nostalgie. Son « Le temps est du côté du communisme » présente des sculptures fabriquées à l’aide de meubles soviétiques. L’artiste met en parallèle l’idée d’espace personnel pour l’homme contem-porain et l’homme soviétique, les différences qui séparent leurs chances et leurs espoirs, sur fond de fatalisme utopique.L’installation « Gesamt » présen-te le mot Gesamtkunstwerk en néon incandescent sur un fond constamment changeant. Le mot signi� e « œuvre d’art universel-le » en allemand, ou « la synthè-se des arts », et avait été utilisé par le compositeur Richard Wa-gner en 1849 dans son essai L’art et la révolution. L’enseigne en néon de Ginsburg est une tenta-tive d’atteindre l’harmonie artis-tique que les générations précé-dentes ont passionnément recherchée. En vain.

« Septs justes et septs pécheurs » (1997) par les artistes AES+F

FEDOR KLIMKINLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Rien de tel qu’un périple ferroviaire pour capter les multiples visages de la Russie, qui ont été présentés à Bordeaux.

« La Russie vue du train » est un projet commun des Chemins de fer russes et du photographe Anton Lange. Une trentaine de photos ont été présentées à la Foire internationale de Bor-deaux. Les clichés ne donnaient pas seu-lement à voir des paysages, mais aussi des scènes de la vie quoti-dienne des habitants de Russie : une famille nanaï en costumes traditionnels prenant le frais sur une terrasse à Sikatchi-Alian, un chef de gare d’humeur festive dans un village sibérien...Tout au long de ses périples fer-roviaires, y compris à bord du Transsibérien, entre novembre 2006 et décembre 2009, Anton Lange a parcouru les sites les plus remarquables : la péninsu-le de Kola et le nord-ouest de la Russie occidentale, les régions

Des paysages et des humains vus du trainPhotographie Anton Lange a sillonné la Russie, son objectif l’a saisie sous tous les angles

du centre, le fameux « Anneau d’or », la Volga, les bords de la mer Noire, le Nord-Caucase, l’Oural, la Sibérie, la magistrale Baïkal-Amour (BAM), le lac Baï-kal, l’île de Sakhaline…Selon le photographe, « c’est une aventure dans laquelle le voya-geur curieux fait une multitude de découvertes, trouve l’inatten-

du dans le commun ; c’est un voyage à travers la nature, la géo-graphie du pays, son histoire, son ethnographie, sa culture ». Une aventure comme celle qu’a vécue un jour le héros de Jules Verne, Michel Strogoff, qui a fait rêver des générations de jeunes Français. La question la plus fré-quemment posée à Bordeaux

était : « Où peut-on acheter un billet pour le Transsibérien ? »L’exposition, qui s’est tenue du 8 au 17 mai, était présentée par le supplément La Russie d’Aujourd’hui, conjointement avec les Chemins de fer russes, avec le soutien du Centre de Rus-sie pour la science et la culture à Paris.

Cette voie longeant la Volga, est très impressionnante car le train semble rouler sur l’eau.

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