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Finance Contrôle Stratégie – volume 12, n° 1, mars 2009, p. 155-180. Évolution de la norme du contrôle interne dans le contexte public local Julien BATAC Université Bordeaux IV, IUT GEA David CARASSUS IAE de Pau Christophe MAUREL Université du Maine Classification JEL : H11, M41 Réception : octobre 2007 ; Acceptation : décembre 2008 Correspondance : [email protected], Avenue Poplawski BP 575 64000 PAU. Résumé : Le contrôle interne public local connaît depuis quelques années une évolution tant conceptuelle que pratique. Notamment, il opère un transfert d’une logique de vérifi- cation et de surveillance, centrée sur les moyens prévus et consommés, vers une logique de maîtrise et d’évaluation des poli-tiques publi- ques locales, aussi foca-lisée sur les objectifs, résultats et effets des actions engagées. À l’issue d’une synthèse théorique et pratique des modes de contrôle interne dans les collectivités locales, cet article propose une étude empirique auprès d’un ensemble de villes de plus de 20 000 habitants, vérifiant ces évolutions normatives concernant le contrôle interne public local. Abstract: Internal control systems of municipal administrations have encountered an evolution regarding relevant terminology, concepts and practices for the past few years. In particular, there is a change from a logic of monitoring the utilization of means and resources to a logic of controlling and evaluating local pu- blic policies, focused on objectives, results and the effects of the committed actions. After a theoretical and practical synthesis of different modes of internal control in local communities, this article presents an empirical study of French cities of more than 20.000 inhabitants confirming the normative evolutions affecting the internal control of municipal administrations. Mots-clés : contrôle interne collec- tivité locale évaluation de politi- ques norme. Keywords: internal control muni- cipal administration management control norm.

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  • Finance Contrle Stratgie volume 12, n 1, mars 2009, p. 155-180.

    volution de la norme du contrle interne dans le contexte public local

    Julien BATAC

    Universit Bordeaux IV, IUT GEA

    David CARASSUS IAE de Pau

    Christophe MAUREL Universit du Maine

    Classification JEL : H11, M41 Rception : octobre 2007 ; Acceptation : dcembre 2008 Correspondance : [email protected], Avenue Poplawski BP 575 64000 PAU. Rsum : Le contrle interne public local connat depuis quelques annes une volution tant conceptuelle que pratique. Notamment, il opre un transfert dune logique de vrifi-cation et de surveillance, centre sur les moyens prvus et consomms, vers une logique de matrise et dvaluation des poli-tiques publi-ques locales, aussi foca-lise sur les objectifs, rsultats et effets des actions engages. lissue dune synthse thorique et pratique des modes de contrle interne dans les collectivits locales, cet article propose une tude empirique auprs dun ensemble de villes de plus de 20 000 habitants, vrifiant ces volutions normatives concernant le contrle interne public local.

    Abstract: Internal control systems of municipal administrations have encountered an evolution regarding relevant terminology, concepts and practices for the past few years. In particular, there is a change from a logic of monitoring the utilization of means and resources to a logic of controlling and evaluating local pu-blic policies, focused on objectives, results and the effects of the committed actions. After a theoretical and practical synthesis of different modes of internal control in local communities, this article presents an empirical study of French cities of more than 20.000 inhabitants confirming the normative evolutions affecting the internal control of municipal administrations.

    Mots-cls : contrle interne collec-tivit locale valuation de politi-ques norme.

    Keywords: internal control muni-cipal administration management control norm.

  • 156 volution de la norme du contrle interne dans le contexte public local

    Le contrle organisationnel fait lobjet dun grand intrt dans la littrature traitant des moyens damliorer les performances et dorienter les comportements. Cependant, particulirement dans les collectivits publiques locales, les limites de ce contrle se posent travers son manque defficacit et de dynamisme induit par une primaut des contrles de procdures (Grunov, 1986), mais aussi par sa facult dlaisser le terrain de la performance (Santo et Verrier, 1993). Dautres arguments (Gibert, 1986 ; Bartoli, 1997) sattachent expliquer le cloisonnement des services comme caractristique empchant la participation de lensemble des acteurs la dfinition des objectifs de lorganisation ou la verticalit induite par un contrle bureaucratique compliquant la conduite du changement.

    Si la dfinition conventionnelle du contrle organisationnel, ensemble de dispositifs sur lesquels les dirigeants sappuient pour matriser les processus dcision-action-rsultat dans lorganisation, est relativement large, nous nous intressons une de ses modalits, le contrle interne. Le COSO (Committee of sponsoring organizations of the Treadway Commission) amricain dfinit le contrle interne comme des procdures tendant procurer des garanties raisonnables quant la ralisation de trois objectifs : lefficacit et lefficience des oprations ; la fiabilit de linformation financire ; la conformit aux lois et rglements en vigueur . Cette dfinition admet trois orientations relatives la performance (le contrle de gestion), lassurance informationnelle (le contrle interne financier) et au respect de la lgalit (le contrle interne lgal). Ces trois lments sont prsents dans le systme de contrle interne des organisations publiques diffrents degrs, mais semblent voluer vers la premire dimension sous limpulsion de la logique du New Public Management (Hood, 1995 ; Gruening, 2001), voire dpasser ces dimensions.

    En nous situant dans le contexte public local, nous nous interrogeons sur la pertinence dun contrle interne public, norme dun systme administratif et procdural. Il nous apparat, en effet, indispensable de dterminer le degr dvolution des pratiques locales de contrle par rapport un cadre gnral connaissant une mutation vers un paradigme centr sur le pilotage de lorganisation (Lorino, 2001).

    Cette recherche se focalisera sur lvolution conceptuelle et pratique du contrle interne public local. A partir dune revue de la littrature et des pratiques rcenses dans les collectivits, nous utilisons les

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    rponses un questionnaire administr auprs de grandes villes pour montrer le transfert du concept de contrle interne comme moyen de vrification la matrise de la gestion locale comme finalit.

    Aprs avoir propos une synthse des pratiques rcentes de contrle interne public local, une seconde partie aura pour objet de valider ces propos via une enqute par questionnaire, avant de discuter les rsultats obtenus.

    1. Evolutions du contrle interne public

    Les premires utilisations du terme contrle datent du 18me sicle o il dsigne la marque du poinon de ltat sur une pice dorfvrerie (Wathelet, 2000). Plus communment, la signification de ce terme est rapproche de contre-rle , cest--dire du registre tenu en double par rapport auquel on apprciait lauthenticit et la conformit du contenu du rle (Santo et Verrier, 1993). Dans les deux cas, les significations traditionnelles du contrle qui dominent sont celles de vrification, inspection et surveillance. Au sein des organisations publiques, la comptabilit peut tre analyse comme un des lments fondamentaux du contrle interne local. Lvolution dune logique budgtaire vers une logique financire et patrimoniale a accompagn, voire permis, le dpassement dune vision du contrle interne public centr sur la vrification de la rgularit de la gestion locale. Cette mutation concerne tant la terminologie utilise pour qualifier la notion de contrle, que ses idaux-types et pratiques.

    1.1. De la vrification comme moyen la matrise de la gestion locale comme finalit

    Lopposition terminologique entre la notion de surveillance attache aux dimensions de pouvoir et de sanction (Chaudemanche et Cohanier, 1997) et la notion de matrise semble pouvoir se justifier selon une logique moyens/fin, grce laquelle la diffrence entre contrles et contrle peut tre motive. En effet, Franois-Noyer (1994) parle, dans le cas du contrle traditionnel, de contrles proches des principes de mesure et dinformation, en relation avec les faits et ayant un caractre analytique et oprationnel. Au contraire, le contrle entendu au sens de matrise met laccent sur lobjectif poursuivi par

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    lorganisation. Le contrle devient alors un but dont la nature dpend de lquipe dirigeante.

    Reprenant lhistorique de lutilisation du terme control , Bouquin (2005) montre les interprtations diverses et mouvantes du terme, avec notamment lapparition de diffrents moyens de contrle interne. ce titre, la relative confusion entre la dfinition du contrle et celle du contrle interne est prgnante dans le domaine public. En effet, la plupart des dfinitions du contrle interne sont fondes sur une logique de moyens (celle de lIFAC (1998), celle de la majorit des organismes professionnels comptables et daudit au plan international et, spcifiquement pour les collectivits locales, celle de Auby, 19961).

    Au contraire, dautres dfinitions, moins nombreuses et souvent plus rcentes, sont axes sur les finalits du contrle. Ainsi, pour Franois-Noyer (1994), une ou plusieurs personnes disposent du contrle si elles ont la matrise des dcisions, des actions, des comportements, des vnements (et/ou leurs consquences) qui conditionnent latteinte des finalits poursuivies par ces personnes que ces finalits aient t dfinies par elles-mmes ou par dautres . Cette approche est dailleurs reprise dans la dmarche de modernisation de ltat, au travers des guides mthodologiques dits2.

    Cette reprsentation cumulative et volutive des contrles internes se retrouve galement dans le changement des pratiques publiques.

    1.2. Des contrles de rgularit lvaluation des politiques publiques locales

    Lensemble des moyens de contrle ne constitue pas notre champ danalyse. Seuls les mcanismes formels feront lobjet dune tude approfondie. Ils connaissent des volutions parallles sur les plans conceptuel et terminologique. Plus spcifiquement pour les organisations publiques, cette volution se traduit par le dpassement de la vision traditionnelle du contrle centre sur la vrification 1 Il dfinit le contrle interne territorial comme les dispositifs mis en place lintrieur de chaque structure publique pour contrler le fonctionnement des services qui sont placs sous leur autorit . 2 Guide mthodologique de la DIRE sur le contrle de gestion dans les administrations, 2003 ; guide mthodologique sur la rvision gnrale des politiques publiques - RGPP, 2007 ; site https://www.ateliers.modernisation.gouv.fr/ministeres/dgme/cg/public/espace-ouvert-chapitre9822

  • Julien Batac, David Carassus, Christophe Maurel 159

    comptable et budgtaire pour intgrer des logiques propres au contrle de gestion, au contrle stratgique et lvaluation des politiques publiques.

    1.2.1. Des contrles comptable et budgtaire au contrle de gestion

    En raison de limportance de la comptabilit dans la gestion publique, les deux formes traditionnelles de contrle interne local (rgularit et conformit) sont largement associes au processus budgtaire et comptable. Ces deux moyens de contrle, fortement dpendants, peuvent alors tre considrs comme ayant une double finalit, dploiement et bonne excution du budget vot (Wathelet, 2000). Ils peuvent tre qualifis de contrle par les entres (Wirth, 1986) permettant de sassurer du respect des rgles administratives et comptables qui gouvernent laction des services.

    En privilgiant le suivi des moyens au dtriment du contrle des finalits de laction publique, ils garantissent seulement la conformit des normes. ce titre, ces contrles sont qualifis de normatifs, bureaucratiques ou administratifs. Leur principale fonction est de faire entrer lactivit administrative dans certaines limites, sans aborder ni les problmes de la rponse la demande de services ou de la satisfaction des utilisateurs, ni la possible modification des mthodes oprationnelles dans le but darriver de meilleurs rsultats (Borgonovi et Brovetto, 1988). La vrification de lactivit administrative se restreint, de ce fait, lobligation de conformit des limites prdfinies par la rglementation juridique ou par dautres formes de codification du comportement administratif. Ce contrle interne restreint est justifi selon Borgonovi et Brovetto (1988, p. 32) par un certain pragmatisme : avant que la socit ne dveloppe des mcanismes sociaux plus sophistiqus pour protger les intrts varis formant lintrt public, et tant que ladministration publique obtient ses ressources des membres de la communaut, le contrle bureaucratique est invitable . Sous cette forme, ce contrle permet non seulement que lactivit publique soit encadre, mais aussi que les citoyens exercent un contrle politique ncessaire la prservation de leurs intrts. Cette distinction entre un contrle interne bureaucratique et un contrle-jugement externe de nature politique est galement justifie par la structure des organisations publiques, caractrise par une sparation de la sphre administrative et politique. Dans cette logique, le respect de la codification de lactivit administrative est

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    considr comme une garantie darriver aux objectifs politiques fixs. En effet, lapproche retenue dans les collectivits au travers de ces deux moyens de contrle correspond lacceptation dune suprmatie de lexcutif local et lide quune bonne administration rsulte de lapplication apolitique dune comptence technique des fins politiques.

    Outre lexistence de rgles cloisonnant lactivit administrative, les moyens de contrle interne public intgrent le pouvoir hirarchique. Centr sur lide de subordination, il prend diverses formes dans les collectivits territoriales, au travers dun pouvoir gnral sur lemploi et la carrire des agents dans le respect des lois et rglements en vigueur, dun pouvoir disciplinaire, ou encore dun pouvoir dinstruction et dinjonction. Le processus bureaucratique est alors caractris par un contrle dexcution o la conformit aux rgles est vrifie par les suprieurs.

    Mme sils sont nombreux, ces contrles internes connaissent de nombreuses failles. Crozier (1991) voque les limites du contrle fond sur les distances, la hirarchie et le secret. Selon lui, cette forme de contrle interne nest suffisante ni pour garantir la conformit des oprations dans les organisations complexes que sont les structures publiques, ni pour assurer la matrise de la gestion publique.

    Face ces limites, des logiques de contrle centres sur les finalits de laction publique nont pas succd brutalement la rationalit juridique axe sur le respect des rgles et normes. Nanmoins, des formes intermdiaires sont apparues, relatives au mode de financement des organisations publiques et, plus gnralement, leurs actions de gestion. Daprs Dupuis (1996b), du contrle comptable et budgtaire, les collectivits locales se sont, dabord, orientes vers un contrle financier. Au travers de mcanismes internes visant lamlioration de la gestion de leur trsorerie, les collectivits ont initi des dmarches damlioration de lefficience. Naturellement insuffisantes, les grandes collectivits se sont tournes vers une logique plus globale. Comme lindique Busson-Villa (1999, p. 7) une logique par les principes sajoute, et non se substitue, une logique oriente sur les rsultats . Le systme de contrle par la rgle est alors complt par un systme de pilotage des activits. Intgr au processus dcisionnel, le contrle interne participe alors non seulement la recherche dconomies pour assurer un quilibre budgtaire, mais aussi loptimisation de la performance par lobtention de gains de productivit. Cette volution se

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    retrouve dans le courant de pense appel New Public management (Hood, 1995 ; Gruening, 2001) dont les mcanismes ont t mis en uvre dans les principaux pays anglo-saxons (Angleterre, Australie, Nouvelle-Zlande). Les rsultats dtudes montrent que le contrle interne soriente vers un contrle financier globalis tentant dintgrer la performance globale et la stratgie territoriale (Guthrie et Parker, 1999 ; Rivenbark, 2000a ; Hoque et Moll, 2001 ; Newberry et Pallot, 2004).

    1.2.2. Du contrle de gestion lvaluation des politiques publiques locales

    Une approche plus globale du contrle de gestion public considre, outre les objectifs, moyens et rsultats de laction publique, limpact des ralisations sur lenvironnement. Huron (1998, p. 96) remarque que les rsultats de laction publique doivent tre compars, dans une perspective traditionnelle, aux objectifs et moyens, mais aussi et plus originalement, tre mis en relation avec la dimension publique de la collectivit locale grce la mesure de la satisfaction de la population. Cette approche sappuie sur la double fonction de production des collectivits (interne et externe) mise en vidence par Gibert (1986) et implique une dfinition largie du contrle de gestion public (Gibert, 2002). Ainsi pour Dupuis (1996a), ladministration est analyse dans sa capacit, non seulement respecter les rgles de laction publique, mais aussi fournir des services de manire performante et rpondre aux besoins toujours en augmentation de la socit. Cette conception tendue du contrle semble se rapprocher, au moins dans ses finalits, des logiques privilgies par lvaluation des politiques publiques. Cette dernire est, en effet, dfinie suivant une double logique (Franois-Noyer, 1996). La premire, dite gestionnaire, fait rfrence la recherche dun lien de causalit entre la politique value et les effets observs. Lvaluation des politiques publiques est assimile un outil daide la dcision, suivant une logique de causalit, quantitative et exprimentale (Leca, 1997). La seconde, dite dmocratique, est envisage comme un outil damlioration du processus politique permettant de constituer pour les acteurs locaux un moyen dapprciation des politiques engages et un moyen dassociation de ces acteurs la dcision publique (Leca, 1997 ; Bousta-Jullien, 1999).

    Cette dichotomie entre les conceptions gestionnaire et dmocratique ne conduit pas ncessairement une sparation conceptuelle, comme le

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    prouve la dfinition donne par le Comit Scientifique de lvaluation (1995) : une activit cognitive (acquisition de connaissances sur les politiques, leur mise en uvre et effets), normative (apprciations, jugements sur la valeur des politiques ou programmes) et instrumentale (changement social, soit de lordre de la dcision ou du comportement des acteurs de terrain) .

    Une telle dfinition rapproche lvaluation des politiques publiques de la reprsentation tendue du contrle de gestion public, mais laisse entrevoir des diffrences. Lvaluation se situe dans une perspective longitudinale qui voit chaque politique comme un processus daction. Dans ce cadre, la recherche et le traitement de linformation sont conus spcialement par rapport ce processus qui constitue lunit danalyse. Les systmes de contrle de gestion, au contraire, privilgient une perspective organisationnelle : ce sont des lments du systme de gestion dune organisation, qui sont intrinsquement lis aux structures et systmes dinformations tablis de ladministration. Entre ces deux moyens de contrle, une distinction est donc ralise en termes de mthodes, dinformations utilises mais surtout dobjet dtude. Cette affirmation est prcise par Huron (1998, p. 96) qui constate que le contrle de gestion raisonne en termes de ralisations (outputs), alors que lvaluation semble se consacrer ltude de limpact sur la population (outcomes) .

    Lvaluation des politiques publiques sinscrit donc dans une perspective de contrle trs large. A lextrme, elle peut tre envisage comme un systme de contrle stratgique de laction publique, complmentaire avec les autres systmes de contrle interne.

    Au total, cette volution, dcrite sur les plans terminologique et conceptuel, peut trouver une cohrence motive par le passage dune logique juridique une logique managriale. Elle se concrtise par lintroduction de nouveaux moyens formels de contrle sajoutant aux formes de contrles internes traditionnels dans le secteur public. Pour apprcier lvolution et dventuels dcalages entre ltat du souhaitable et le niveau du ralis, une enqute par questionnaire a t ralise.

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    2. Le contrle public local : une volution des pratiques

    Nous prsentons dabord les pratiques releves par des tudes en termes de contrle interne territorial, puis les rsultats de lenqute mene auprs de 141 villes de plus de 20 000 habitants sont exposs.

    2.1. Les pratiques rcentes du contrle interne local

    Depuis le dbut des annes 1990 jusquen 2000, de nombreuses analyses ont t menes sur les modalits de contrle interne des collectivits. Les contrles comptable et budgtaire tant obligatoires, ces tudes, qualitatives et quantitatives, se sont surtout focalises sur les autres principaux moyens de contrle interne : le contrle de gestion et lvaluation des politiques publiques. Nous en faisons ici une synthse chronologique, en privilgiant les collectivits locales franaises.

    Lintroduction du contrle de gestion dans les moyens de contrle interne des collectivits territoriales date du milieu des annes 1980, suivant une enqute de lassociation des Directeurs Financiers et Contrleurs de Gestion (DFCG) ralise en 1994 sur 160 collectivits. Le rapport indique que les premiers usages ont moins de 10 ans dexistence dans les communes et moins de 5 ans dans les dpartements et rgions . A la mme poque, les 50 communes de taille moyenne rpondant lenqute mene en 1992 par Pariente (1998), et les 82 communes ayant rpondu au questionnaire de Meyssonnier (1993), mettent en vidence la jeunesse de cette fonction. Le poste de contrleur de gestion, souvent dnomm conseiller ou analyste de gestion, nexiste que dans 15 % des communes de lchantillon construit par Meyssonnier. Cependant, certains outils semblent relativement gnraliss (80 % des communes calculent leur marge financire prvisionnelle au moment des choix budgtaires, 60 % calculent systmatiquement les dpenses futures de fonctionnement), alors que dautres outils sont naissants : les tableaux de bord sont utiliss dans 30 % des cas, et la comptabilit analytique est trs peu dveloppe. Ces deux derniers rsultats confirment la fois la jeunesse et les balbutiements des contrles internes extra lgaux mais illustrent la vracit des rponses dclares. Lanalyse ultrieure de Dupuis (1996b, p. 13) fait, elle, plutt rfrence au mtier de contrleur de gestion dans les collectivits locales. Lauteur constate que les

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    contrleurs de gestion disposent dun portefeuille de responsabilits concentr autour de leur domaine traditionnel : tableaux de bord et indicateurs dactivit, matrise des cots, contrle budgtaire . Le dveloppement dun service de contrle de gestion, assurant une surveillance financire, paralllement aux contrles traditionnels de lgalit des collectivits est confirm par la dernire enqute nationale de la DFCG en 1999 (DFCG - Ville et Finance, 1999).

    Les rsultats de cette tude portant sur 112 collectivits tmoignent de lessor de la fonction de contrle de gestion : plus de 58 % des collectivits locales dclarent disposer dun service de contrle de gestion exerc par un contrleur de gestion spcifique. On y note le dveloppement dautres outils et missions : suivi des satellites, missions de rduction des cots et initiation dune comptabilit analytique. Concernant spcifiquement les activits dlgues, des outils se dveloppent afin de matriser les risques, souvent indirects, lis la participation ou au partenariat avec ces organisations. Bien que Raffray (2000) indique, grce une tude de cas dune ville de plus de 100 000 habitants, que la base du contrle et du pilotage des satellites par les villes est parcellaire, peu centralise et non standardise , la diffrence entre le dclaratif et les observations sur site se rsorbe si nous suivons les rsultats obtenus dans les tudes de cas portant sur les villes franaises (Bousta-Jullien, 1999 ; Busson-Villa, 1999 ; Jubert, 2002), les conseils gnraux (Maurel, 2003), et les collectivits anglo-saxonnes (recherches prcdemment cites de Guthrie, Hoque, Rivenbark). En effet, les usages relevs dans ces diffrents cas suggrent une gnralisation des pratiques de contrle interne fondes sur les rsultats.

    Lvolution de ces pratiques, que cela soit sur les plans de la cration de services spcifiques, des mtiers ou des outils dans les collectivits locales, met en vidence le dveloppement de moyens de contrle internes extra-lgaux avec lessor du contrle de gestion. Dailleurs ce dveloppement est parfois peru dans les collectivits anglo-saxonnes comme un chec des mcanismes du New Public Management qui visaient initialement d-bureaucratiser les agences locales alors que les corps de contrle, dinspection et de suivi saccroissent (Hood et al., 1999).

    Abordons alors llargissement de la notion de contrle interne celle de pilotage organisationnel, via lessor des valuations de politiques publiques.

  • Julien Batac, David Carassus, Christophe Maurel 165

    Ds le dbut des annes 1990, Santo et Verrier (1993, p. 117) constataient que, si lvaluation des politiques publiques a souvent t considre comme une panace, cette nouvelle approche de laction publique nest pas toujours vritablement inscrite dans les pratiques politico-administratives . Dun ct, limportant dveloppement des entits dvaluation formalise une des principales priorits affiches par le mouvement de renouveau du service public. De lautre, les structures et le nombre dvaluation connaissent un dveloppement de faible ampleur (DFCG, 1999 ; Busson-Villa, 1999).

    Ainsi, parmi les 340 collectivits de la dernire enqute nationale de la DFCG (1999), seules 9 % des collectivits interroges dclarent avoir identifi en leur sein une fonction valuation, et 16 % ont engag une telle dmarche. Suivant lenqute de Busson-Villa (1999) comportant 91 rponses de secrtaires gnraux appartenant des villes de plus de 20 000 habitants, prs de 99 % des rpondants ne procdent pas une dmarche formalise pour leurs valuations de politiques et celles-ci sont essentiellement occasionnelles .

    Au-del de leurs apports descriptifs, les rsultats de ces enqutes montrent que les responsables locaux sont plus proccups par les moyens, objectifs et rsultats de laction publique que par ses impacts. Les problmes de mthode et de formation du personnel sont souvent avancs comme principale explication du faible dveloppement de lvaluation des politiques publiques compar au contrle de gestion (Busson-Villa, 1999, p. 7). Gibert (2003) explique que les fondements ncessaires la mise en place des valuations (prexistence des objectifs, programmes dactions) ne sont pas toujours prsents dans les collectivits. Cependant, il ajoute que les valuations se dveloppent en tant que mode de contrle de gestion de laction publique mais avec une approche mthodologique diffrente des systmes traditionnels de contrle de gestion.

    Il nous semble alors possible de mettre en vidence un dplacement des centres dintrt du contrle interne public. Cette volution est schmatise grce la figure n 1.

  • 166 volution de la norme du contrle interne dans le contexte public local

    Figure 1 Evolution du contrle interne public - du contrle comptable et budgtaire lvaluation des politiques publiques

    Ces moyens de contrle qui, dans la pratique, peuvent ne pas apparatre de manire si distincte, sexercent aussi bien sur les activits gres directement par la collectivit locale que celles dlgues dautres oprateurs. Carles (1996) expose ainsi les spcificits du contrle de gestion en fonction des diffrentes missions mises en uvre par les collectivits. Concernant la gestion directe, les mcanismes de contrle de gestion peuvent tre mis en uvre de manire identique aux entreprises prives. Concernant la gestion dlgue, les objectifs et le contenu du contrle de gestion sont diffrents selon le type de dlgataire (entreprises, Socit dEconomie Mixte, associations).

    Cette classification des moyens formels de contrle interne public est, en outre, cohrente avec les taxinomies antrieures. Spcifiquement la littrature comptable publique, Herbert et al. (1985) mettaient en vidence quatre types de contrle interne : comptable, budgtaire, des registres comptables secondaires et de gestion. LIFAC (1998), en appliquant les objectifs du contrle interne au contexte des collectivits

    Objectifs

    Moyens

    Ralisations

    Impacts

    Pertinence

    Satisfaction

    Mesure des

    attentes

    Efficience

    Efficacit

    Cohrence

    Evaluation des politiques

    publiques

    Contrle de

    gestion

    Contrle comptable et budgtaire

    Contrle financier

    Environnement

    Objectifs des capital-risqueurs

    C R A T I O N

    D V E L O P P E M E N T

    Stade de vie des biotechs

  • Julien Batac, David Carassus, Christophe Maurel 167

    locales, mentionne aussi ces moyens de contrle en abordant la conformit aux lois et rglements, lapplication des dcisions des lus et des instructions de la hirarchie administrative, ainsi que lamlioration du service rendu. Nous retenons donc cet effet cumulatif de lvolution des contrles internes, impliquant une complmentarit plus quun simple dplacement des objets dtude.

    Ensuite, la classification propose est galement cohrente avec les types de contrle formel voqus dans la littrature portant sur les organisations prives. La trilogie des moyens de contrle selon le dcoupage des processus organisationnels tablit par Anthony (contrle dexcution, de gestion et stratgique) implique une hirarchie entre les trois, ceux-ci formant un dispositif gigogne .

    2.2. Etude empirique des types de contrle interne public local

    Les donnes utilises sont issues dun questionnaire adress lensemble des maires des villes de plus de 20 000 habitants. Ce questionnaire, dont la partie concernant le contrle interne est annexe, a t administr par voie postale au cours de lanne 2000, avec une relance en 2001 accompagne de courriers de soutien de lAssociation des Maires de France. Ensuite, les rponses ont t suivies dentretiens mens auprs de quelques responsables financiers dans les collectivits pour sassurer de la porte des interprtations effectues.

    Lanalyse prliminaire des rponses, au nombre de 141, montre que la rpartition par strate des rpondants est cohrente avec celle de la population totale des villes cibles, soit 438 aprs le recensement de 1999.

  • 168 volution de la norme du contrle interne dans le contexte public local

    Tableau 1 Rpartition des rpondants et de la population par strate

    Strate INSEE

    Frquence de

    rpondants

    Pourcentage valide

    Population Pourcentage valide

    Part de rpondants / population

    20 50 000 habitants

    92 65,25% 319 72,83% 28,84%

    50 100 000 habitants

    30 21,28% 82 18,72% 36,59%

    100 300 000 habitants

    16 11,35% 32 7,31% 50,00%

    Plus de 300 000 habitants

    3 2,13% 5 1,14% 60,00%

    TOTAL 141 100,00% 438 100,00% 32,19%

    Pour clore les caractristiques des rpondants, il faut prciser le fort taux de rponse des fonctionnaires territoriaux (80 %) compar celui des lus locaux (20 %), destinataires du questionnaire. La moiti des rpondants sont des secrtaires gnraux ou adjoints, ce qui sexplique par le caractre technique de certaines questions. Les rponses au questionnaire sont pour lessentiel sollicites selon une mthode de jugement o le rpondant classe lattribut sur un continuum. Lchelle ordinale utilise est une chelle de Likert quatre positions. Elle prend ici la forme suivante : Tout fait daccord , Plutt daccord , Plutt pas daccord , Pas du tout daccord . Les informations issues du questionnaire nous permettent de dcrire la prsence du contrle interne des villes avec deux indicateurs principaux, la priodicit et le nombre de services de contrle existant (tableau n 2).

    Tableau 2 Frquence et pourcentage de la permanence du contrle interne

    Frquence Pour cent Pourcentage valide

    Pourcentage cumul

    Valide Non 42 29,8 30,9 30,9 Oui 94 66,7 69,1 100,0 Total 136 96,5 100,0 Manquante -1 5 3,5

    Total 141 100,0

    Les contrles internes, dfinis dans le questionnaire comme lensemble des dispositifs internes contribuant la matrise de lorganisation, sont engags de faon permanente dans prs de 70 %

  • Julien Batac, David Carassus, Christophe Maurel 169

    des villes ayant rpondu. Pour les autres villes, ceux-ci sont raliss ponctuellement ou annuellement. Ce niveau de pratique confirme que les contrles internes sont gnraliss. Il est alors ncessaire de dtailler les diffrentes modalits retenues par les collectivits. Concernant le nombre de services assurant des missions de contrle interne, il ressort que la plupart des villes (60 %) ont mis en place au moins trois services de contrle interne (tableau n 3), assurant principalement des contrles lgaux (tableau n 4).

    Tableau 3 Frquence et pourcentage du nombre de services de contrle interne existants

    Frquence Pour cent

    Pourcentage valide

    Pourcentage cumul

    Valide 0 1 24 17,0 17,4 17,4 Deux 36 25,5 26,1 43,5 Trois 26 18,4 18,8 62,3 Quatre 22 15,6 15,9 78,3 De 5 7 30 21,3 21,7 100,0 Total 138 97,9 100,0 Manquante -1 3 2,1

    Total 141 100,0

    Tableau 4 Frquence et pourcentage du type de services de contrle interne existants

    Service de contrle interne Nb de citations

    % sur le total de rponses valides (6

    manquants) Service de contrle budgtaire et comptable 112 82,35% Service dexpertise juridique 91 67,41% Service de contrle de la commande publique 72 54,55% Service de contrle de gestion 56 41,79% Service de suivi des organismes satellites de la ville

    54 40,00%

    Service daudit interne 15 11,63% Service de contrle des projets 10 7,69%

    Les services de contrle interne existants concernent surtout des domaines o le respect des lois et des rglements doit tre assur : contrles budgtaire et comptable, dexpertise juridique et de la commande publique. Comme montr dans la premire partie, ils constituent le support du contrle interne public. Nanmoins, dautres services guids par les finalits de laction publique assurent des

  • 170 volution de la norme du contrle interne dans le contexte public local

    missions de contrle interne et sont mis en place. Ainsi, les services de contrle de gestion et de suivi des organismes satellites de la ville sont prsents dans 40 % des villes rpondantes. Les entretiens qui ont t mens auprs de responsables financiers ayant dclar un service de ce type valident lusage effectif dinstruments de contrle de gestion et de suivi des partenaires de la collectivit. Ces rsultats confirment les conclusions antrieures quant une implantation progressive de formes de contrle orient sur les objectifs et les rsultats de lactivit locale (Busson-Villa, 1999 ; Bousta-Jullien, 1999).

    Pour prciser les besoins de contrle interne des collectivits, nous avons utilis les indicateurs exposs par Carassus (2002) (tableau n 5).

    Tableau 5 Indicateurs reprsentatifs des besoins relatifs au contrle interne local

    Type de besoins

    Indicateurs

    Protger et sauvegarder le patrimoine Garantir la qualit de linformation Garantir le respect des lois et des rglements Assurer le respect des objectifs court terme dfinis dans le budget E

    lm

    enta

    ire

    Assurer le respect de la politique fixe par lquipe municipale Amliorer les performances des services rendus

    Constituer une aide la dcision stratgique des lus

    Com

    plm

    enta

    ire

    Permettre une analyse et un suivi de la qualit de la mise en uvre des choix politiques

    Les indicateurs3 faisant rfrence aux besoins lmentaires sinsrent globalement dans la dimension lgale du contrle public. Les trois premiers indicateurs voquent lassurance et la scurit au niveau du patrimoine, la qualit de linformation et la lgalit des oprations. Les deux indicateurs suivants sont aussi rattachs lassurance mais relativement aux domaines financier et politique. Ensuite, des besoins de contrle extra-legaux, complmentaires, sont identifis, partir de trois indicateurs. Un indicateur de besoin de performance dans le

    3 Modalits retenues : 1 (pas du tout daccord/PDTA), 2 (plutt pas daccord/PPA), 3 (plutt daccord/PA), 4 (tout fait daccord/TAFA).

  • Julien Batac, David Carassus, Christophe Maurel 171

    domaine oprationnel permet daborder la qualit de la gestion ; et les besoins daide la dcision stratgique et danalyse et suivi de la qualit de la mise en uvre des choix politiques sont rattachs au besoin plus gnral dvaluation des politiques que cela soit a priori ou a posteriori.

    Les rponses apportes la nature des besoins adopts ou souhaits du contrle interne local sont prsentes dans le tableau n 6. Pour apprcier le niveau daccord du rpondant avec les besoins de contrle, nous avons utilis une chelle en quatre points et pondr chaque modalit dune note. Ainsi, la note 1 est attribue la modalit Pas du tout daccord jusqu la note 4 pour Tout fait daccord . La moyenne se situe 2,5.

    Tableau 6 Niveau daccord moyen avec les besoins relatifs au contrle interne local

    Nombre de rponses Besoins en contrle interne PDTA PPA PA TAFA

    Niveau moyen

    Non-rp.

    Garantir le respect des lois et des rglements

    0 3 35 98 3,70 5

    Amliorer les performances des services rendus

    3 1 32 100 3,68 5

    Assurer le respect des objectifs court terme dfinis dans le budget

    1 4 42 84 3,60 10

    Constituer une aide la dcision stratgique

    3 8 36 85 3,54 9

    Permettre une analyse et un suivi de la qualit de la mise en uvre des choix politiques

    1 7 53 73 3,48 7

    Garantir la qualit de linformation 1 5 55 67 3,47 13 Assurer le respect de la politique fixe 4 9 44 74 3,44 10 Protger et sauvegarder le patrimoine 5 17 68 38 3,09 13

    La grande majorit des rpondants sont plutt ou tout fait daccord avec les diffrentes natures de besoins proposes dans cette famille de question (le niveau daccord moyen est compris entre 3 et 4). En consquence, les dispositifs internes contribuant la matrise de lorganisation couvrent ou doivent couvrir lensemble des besoins dassurance, damlioration de la performance publique et dvaluation des politiques publiques. Cet ventail confirme lvolution conceptuelle du contrle interne expose prcdemment, avec un largissement du primtre dintervention des missions.

  • 172 volution de la norme du contrle interne dans le contexte public local

    Afin dobtenir une mesure synthtique de ces diffrents besoins, une Analyse en Composantes Principales (ACP) est effectue sur ces indicateurs. Quatre composantes sont retenues et expliquent plus de 75 % de la variance totale (tableau n 7).

    Tableau 7 Matrice des composantes des besoins relatifs au contrle interne local

    Comp. 1 Comp. 2 Comp. 3 Comp. 4 Pourcentage de variance explique

    35,43 % 16,60 % 12,28 % 10,87 %

    Constitution dune aide la dcision stratgique

    0,881 0,207 0,271 0,196

    Amlioration des performances des services rendus

    0,825 0,010 0,472 0,140

    Analyse et suivie de la qualit de la mise en uvre des choix politiques

    0,771 -0,021 0,343 0,158

    Garantie de la qualit de linformation

    0,012 0,902 0,096 0,018

    Protection et sauvegarde du patrimoine

    0,264 0,676 0,148 0,527

    Garantie du respect des objectifs CT

    0,416 0,078 0,873 0,033

    Garantie du respect de la politique fixe par lquipe municipale

    0,333 0,127 0,854 0,213

    Garantie du respect des lois et des rglements

    0,191 0,125 0,146 0,946

    La premire composante de cette ACP rassemble les indicateurs mesurant les besoins complmentaires lis lamlioration de la performance et lvaluation des politiques publiques. Les indicateurs reprsentant les besoins lmentaires sont rpartis sur les trois autres composantes. La deuxime composante reprsente lassurance informationnelle et patrimoniale, la troisime lassurance budgtaire et politique, et la quatrime lassurance lgale. Alors que les besoins complmentaires sont ports par une seule composante, la premire, les besoins lmentaires sont eux diffrencis en fonction de lobjet du contrle interne (figure n 2).

  • Julien Batac, David Carassus, Christophe Maurel 173

    Figure 2 Composantes des besoins relatifs au contrle interne local

    Les rsultats de cette tude empirique dmontrent au total une

    cohrence certaine entre les volutions conceptuelles tablies et les pratiques de contrle observes. Plusieurs lments ncessitent dtre mis en relief. Dabord, les donnes confirment le dveloppement depuis 2001 des mcanismes de contrle interne dans les grandes communes franaises. Si les services de contrles budgtaire et comptable, dexpertise juridique et de contrle de la commande publique constituent encore lessentiel du support du contrle interne public, les services de contrle interne guids par les finalits de laction publique connaissent un certain essor, au travers les services de contrle de gestion et de suivi des organismes satellites de la ville.

    Ensuite, il apparat que les dispositifs internes contribuant la matrise de lorganisation couvrent ou doivent couvrir lensemble des besoins dassurance, damlioration de la performance publique et dvaluation des politiques publiques. Cela confirme les rsultats de Rivenbark (2000a, 2000b) sur les principales collectivits australiennes, mais aussi les tendances exposes par Cotton et Trosa (2007) en France, ou par De Kruijf et Mol (2007) aux Pays-Bas. Nous vrifions donc une volution de la norme du contrle interne dans les organisations publiques. Naturellement, les dclarations faites dans ce questionnaire denqute ne permettent pas de juger des usages rels des instances et dispositifs mis en uvre ; aussi, nous nous appuyons sur des tudes de cas concernant les villes franaises (Bousta-Jullien, 1999 ; Busson-Villa, 1999 ; Jubert, 2002) et les villes anglo-saxones (Guthrie, Lapsley, 2001 ; Newberry et Pallot, Rivenbark, 2000b) pour valider le rsultat dune volution du contenu du contrle interne public local. Ce changement se caractrise par le passage dun contrle-

    - +

    Niveau de besoin en performance et en valuation Axe 1

    Axe 2

    Niveau de besoin en assurance informationnelle et patrimoniale

    +

    - Axe 3

    - +

    Niveau de besoin en assurance lgale Axe 4

    Niveau de besoin en assurance budgtaire et politique

    +

    -

  • 174 volution de la norme du contrle interne dans le contexte public local

    sanction un contrle-pilotage ; changement qui est encourag par les Chambres Rgionales des Comptes dans leurs recommandations sur le plan de la gestion interne et des risques financiers, avec depuis 2001 un objectif affich de transparence.

    Le recours des systmes de contrle interne tels que le contrle de gestion dans les grandes villes est dailleurs motiv dans la majorit des quatorze cas tudis par Jubert (2002) par la recherche dune meilleure transparence des fonds publics. En outre, les observations de Lascoumes et Le Gals (2005) montrent que les outils de gestion interne utiliss par les managers dans les collectivits ne sont pas utiliss pour rationaliser les moyens mais pour accrotre lefficacit des politiques et mieux comprendre les dynamiques de changement.

    Aussi, relativement cette volution du contenu du contrle interne, il nous semble prfrable dvoquer la notion dlargissement du contrle public local. Au-del de ltablissement dune norme qui viserait la simple vision de la mutation du contrle oprationnel en contrle de gestion puis en contrle stratgique, cet largissement sous-entend plus que le cumul et la diversit, la complmentarit entre systmes de contrle. Cet argument ne signifie pas la remise en cause de la validit des contrles formels de type administratif et procdural. En effet, les contrles lgaux permettant la vrification de la gestion des fonds publics, subsistent toujours. Nanmoins, les contraintes imposes par certains de ces outils et leur caractre peu peu dsuet face aux turbulences croissantes de lenvironnement sapparentent des limites qui ne peuvent tre dpasses que par la mise en place de contrles informels, complmentaires aux contrles formels traditionnels. Cette concomitance et la complmentarit entre systmes de contrle, telles que le sous-entend lvolution de la norme du contrle public local, sont rendues possibles par linstauration de la confiance (Guibert et Dupuy, 1997 ; Gibert, 2002), en permettant un quilibre entre les aspects formels et informels du contrle interne.

    Nous avons donc cherch montrer les volutions conceptuelles du contrle interne dans les collectivits publiques. Il a t montr que les contrles traditionnels lgaux tendaient vers un largissement des besoins entrainant un primtre dintervention qui intgre les valuations de politiques publiques. Cependant, cette modalit de contrle apparat encore balbutiante dans nos rsultats et lvolution constate concerne plus lintgration des concepts defficacit, defficience et de transparence aux mcanismes de contrle interne

  • Julien Batac, David Carassus, Christophe Maurel 175

    public local. ce jour, le contrle de gestion et les audits sont plus mobiliss que la recherche dimpact au travers des valuations de politiques. Llargissement de la notion de contrle interne celle de contrle stratgique nest pas encore observ dans les tudes de cas menes en France ou ltranger. Cette approche trs globale du contrle, souhaitable dans une logique managriale, pourrait se dvelopper rapidement. En effet, Halonen-Akatwijuka et Propper (2008) viennent de dmontrer que le contrle-pilotage, prconis par les auteurs appartenant au NPM est rationnellement favorable aux managers et aux politiciens de collectivits. Ils montrent que le contrle managrial apporte lorganisation publique de meilleurs rsultats et une meilleure rpartition des pouvoirs.

    Notre objet de recherche peut alors apprhender de manire plus globale lvolution des mcanismes de coordination dans les organisations publiques locales. La question serait relier aux contenus et modalits dinteractions entre les acteurs des niveaux administratifs et politiques , le contrle interne tant alors rapprocher dun dispositif processeur et catalyseur la fois dinformations et de connaissances dans lorganisation.

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  • Julien Batac, David Carassus, Christophe Maurel 179

    Annexe - Questionnaire sur les pratiques de contrle public interne local

    1) Pour votre commune, quattendez-vous du contrle interne, cest--dire de lensemble des dispositifs internes contribuant la matrise de lorganisation, ou quattendriez-vous sil pouvait mieux fonctionner ?

    Accord

    Tout fait Plutt Plutt

    pas Pas du

    tout Protger et sauvegarder le patrimoine (biens, personnel,..) Garantir la qualit de linformation (fiabilit, pertinence) Garantir le respect des lois et des rglements Assurer le respect des objectifs court terme dfinis dans le budget Assurer le respect de la politique fixe par lquipe municipale Amliorer les performances des services rendus Constituer une aide la dcision stratgique des lus Permettre une analyse et un suivi de la qualit de la mise en uvre des choix politiques

    Autres. Prcisez : 2) Pour rpondre quelques-uns de ces objectifs, les services suivants existent-ils, formaliss et dots de moyens ?

    Service de contrle budgtaire et comptable OUI NON Service de contrle de la commande publique OUI NON Service dexpertise juridique OUI NON Service de contrle de gestion OUI NON Service de suivi des organismes satellites de la ville OUI NON Service de contrle de projets OUI NON Service daudit interne OUI NON Autres. Prcisez :

  • 180 volution de la norme du contrle interne dans le contexte public local

    3) De faon gnrale, ces contrles internes sont-ils :

    Permanents ? OUI NON Au moment de chaque opration concerne ? OUI NON Annuels ? OUI NON Autres. Prcisez :