11 l'argot et la langue

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L’Argot et La Langue du peuple : procédés lexicaux et fonctions chez V. Hugo (Les Misérables) et É. Zola L’Assommoir) Ghislaine ROLLAND-LOZACHMEUR Université de Bretagne Occidentale, Brest (France) Faculté des Lettres et Sciences Humaines « Victor Segalen » EA 4249 HCTI [email protected] REZUMAT: Argoul şi limba poporului: procedee lexicale şi funcţii la V. Hugo (Mizerabilii) şi É. Zola (Gervaise) În secolul al XIX-lea, definiţia cuvântului „argou”, însemnând mai întâi „domeniul lumii interlope”, se lărgeşte pentru a însemna „limbajul verde”. În acel moment, argoul devine interesant pentru literatură, mai ales pentru cea a lui Victor Hugo şi a lui Émile Zola, care vor să dea cuvântul poporului: poporului muncitor, poporului de pe stradă. Este important aici să identifi- căm modalităţile de exprimare şi procedeele lingvistice care contribuie la impresia de adevăr: creaţie lexicală prin derivare şi sufixare lexicală, joc de cuvinte, imagini, procesele sintactice. Toate acestea vizează să dea semnale de scriitură populară şi să facă din argou un „ornament” pentru romanul re- alist. CUVINTE-CHEIE: argou, lexic, stil, definiţie, morfologie, denumire ABSTRACT: Argot and Common Tongue: Lexical Processes and Functions in V. Hugo (Les Misérables) and E. Zola (L'Assommoir) In the nineteenth century, the word “argot”, which originally meant ‘un- derworld,’ is given the larger definition of “green tongue”. From then, it be- comes of interest for novelists like Victor Hugo Émile Zola who wants to give a voice to the people, might they be on the streets or workers. The focus is here on identifying the way of express oneself, the linguistic processes which contribute to create a feeling of authenticity: lexical creation by devi- ating and post fixing usual words, puns, images, syntactic processes. All these aim at providing popular writing signals and at making the argot a feature of the realist novel. KEYWORDS: argot, lexical, style definition morphology denomination 183

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  • LLAArrggoott eett LLaa LLaanngguuee dduu ppeeuuppllee ::

    pprrooccddss lleexxiiccaauuxx eett ffoonnccttiioonnss cchheezz VV.. HHuuggoo ((LLeess MMiissrraabblleess)) eett .. ZZoollaa LLAAssssoommmmooiirr))

    Ghislaine ROLLAND-LOZACHMEUR

    Universit de Bretagne Occidentale, Brest (France) Facult des Lettres eett SScciieenncceess HHuummaaiinneess Victor Segalen

    EA 4249 HCTI [email protected]

    REZUMAT: Argoul i limba poporului: procedee lexicale i funcii la V. Hugo (Mizerabilii) i . Zola (Gervaise) n secolul al XIX-lea, definiia cuvntului argou, nsemnnd mai nti domeniul lumii interlope, se lrgete pentru a nsemna limbajul verde. n acel moment, argoul devine interesant pentru literatur, mai ales pentru cea a lui Victor Hugo i a lui mile Zola, care vor s dea cuvntul poporului: poporului muncitor, poporului de pe strad. Este important aici s identifi-cm modalitile de exprimare i procedeele lingvistice care contribuie la impresia de adevr: creaie lexical prin derivare i sufixare lexical, joc de cuvinte, imagini, procesele sintactice. Toate acestea vizeaz s dea semnale de scriitur popular i s fac din argou un ornament pentru romanul re-alist. CUVINTE-CHEIE: argou, lexic, stil, definiie, morfologie, denumire ABSTRACT: Argot and Common Tongue: Lexical Processes and Functions in V. Hugo (Les Misrables) and E. Zola (L'Assommoir) In the nineteenth century, the word argot, which originally meant un-derworld, is given the larger definition of green tongue. From then, it be-comes of interest for novelists like Victor Hugo mile Zola who wants to give a voice to the people, might they be on the streets or workers. The focus is here on identifying the way of express oneself, the linguistic processes which contribute to create a feeling of authenticity: lexical creation by devi-ating and post fixing usual words, puns, images, syntactic processes. All these aim at providing popular writing signals and at making the argot a feature of the realist novel. KEYWORDS: argot, lexical, style definition morphology denomination

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  • AARRGGOOTTIICCAA 11((11))//22001122 RSUM Au XIXe, le mot argot qui signifie dabord domaine de la pgre voit sa d-finition slargir pour signifier langue verte . Il intresse, alors, la littra-ture, notamment celle de Victor Hugo ou dmile Zola qui veut donner la parole au peuple : peuple ouvrier, peuple de la rue. Il importe ici de cerner les moyens dexpression, et les procds linguistiques qui contribuent donner une impression de vrit : cration lexicale par drivation et suffixa-tion, jeu de mots, images, procds syntaxiques. Tout cela vise donner des signaux dcriture populaire et faire de largot un ornement pour le roman raliste. MOTS-CLEFS : argot, lexique, style, dfinition, morphologie, dnomination

    Neille pas peur ! ils ne peuvent pas entrer. Et puis je suis l ! Tiens, prends ma main. Tais-toi et pionce !

    Victor Hugo, Les Misrables, page 294

    Un mme comme mzig est un orgue, et des orgues comme vousailles sont des mmes

    Victor Hugo, Les Misrables, page 309

    ARGOT, LANGUE VERTE, est considr gnralement, davantage comme un usage social quune vritable langue. Cest cet aspect que retiennent Dominique Maingueneau et Patrick Charaudeau dans leur dfinition : La plupart des dictionnaires de langue donnent comme premire attestation 1628

    avec un 1er sens : corporation, confrrie des gueux, des mendiants . De cette origine dcoule le fait que ce terme a souvent t associ des groupes sociaux plus ou moins marginaux : argot des malfrats, langue verte des prisonniers.

    Le mot signifie donc dabord domaine, royaume de la pgre . Au XIXe, la dfinition slargit pour inclure dautres usages. Ds lors, il intres-se la littrature qui se proccupe de donner la parole au peuple : peuple ouvrier, peuple de la rue, tel que des auteurs comme Victor Hugo ou Emile Zola nous le livrent. De fait pour en saisir tous les moyens dexpression, il est ncessaire de cerner les procds linguistiques qui sont mis en uvre et qui contribuent donner cette impression de vrit.

    Nous nous intresserons tout particulirement aux discours des person-nages populaires mis en scne dans les Misrables de Victor Hugo et LAssommoir dEmile Zola., en repartant des dfinitions de largot et de lexpos thorique quen fait Hugo, pour en dgager la fonction et isoler les procds linguistiques utiliss pour crer leffet de langue verte.

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  • Ghislaine Rolland-Lozachmeur: LArgot et La Langue du peuple : procds lexicaux et fonctions chez V. Hugo

    1. Largot dans la langue franaise

    1.1. Approche dune dfinition

    Dans la plupart des ouvrages abordant le problme de largot, on retrouve le sens initial de lensemble des gueux, des bohmiens, mendiants profes-sionnels et des voleurs (TLF), au sens de Milieu, pgre . Cest le sens quutilise Victor Hugo au chapitre 3 Besos para golpes de Notre Dame de Paris, dans sa description de la procession du Paris des marauds :

    Puis ctait le royaume dargot : cest--dire tous les voleurs de France, che-lonns par ordre de dignit ; les moindres passant les premiers. Ainsi dfi-laient quatre par quatre, avec les divers insignes de leurs grades dans cette trange facult, la plupart des clops, ceux-ci boiteux, ceux-l manchots, les courtauds de boutanche, les coquillarts, les hubins, les sabouleux, les calots, les francs-mitoux, les polissons, les pitres, les capons, les malingreux, les ri-fods, les marcandiers, les narquois, les orphelins, les archisuppts, les ca-goux ; dnombrement fatiguer Homre. Au centre du conclave des cagoux et des archisuppts, on avait peine distinguer le roi de largot, le grand cosre, accroupi dans une charrette trane par deux grands chiens. Aprs le royaume des argotiers venait lempire de Galile.

    (1972 : 84) Hugo donne le synonyme de voleurs au mot argot dans des groupes nominaux : royaume dargot ( le royaume des voleurs ), et roi de largot ( le roi des voleurs ). Par suffixation, il en fait un driv : argotiers pour homme appartenant au royaume dargot . Dans un contexte de mendicit, et parce que cet usage de la langue parle populaire est consid-r comme tant propre aux malfaiteurs, coupeurs de bourses, mendiants, truands, Pierre Guiraud, grand spcialiste de largot, explique ainsi lori-gine du mot : le mendiant est celui qui frappe aux portes et son nom viendrait de lancien verbe hargoter (secouer), de la famille du latin argutus, piquant, pointu . (Rey, 2004)

    Par mtonymie, le mot argot a pris ensuite le sens de langage secret de malfaiteurs ou plutt un registre langagier spcial, caractris surtout par un lexique, et qui sert de moyen de reconnaissance ainsi que de code secret (Ibidem). Bien rpandu par le succs que lui valent les auteurs du XIXe sicle dont Honor de Balzac, Victor Hugo et Eugne Sue, le mot passe du milieu des malfaiteurs, par affaiblissement, une valeur trs inexacte pour le linguiste, mais courante, de langage familier et incorrect ; vocabulaire non accept par les dfenseurs du bon franais. (Ibidem) Avec lclairage de la Rvolution de 1789, on y reconnat la langue du peuple. On peut penser galement au

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  • AARRGGOOTTIICCAA 11((11))//22001122 style poissard, dans un moment o lon sintresse au savoir bien parler dans lespace public (Abb Fraud, Dictionnaire critique, 1787-1788).

    Georges Mounin (1974), lui, souligne les deux ples de ce champ sman-tique : langue code des voleurs (sens initial) et langue spcifique dun groupe social (sens tendu) :

    Ce terme dans lusage commun, peut dsigner aussi bien des formes rel-ches, familires, vulgaires, grossires, etc., dune langue donne, a en lin-guistique un sens plus technique : il dsigne exclusivement une forme de langue dont le lexique spcifique est li un groupe social, soit parce que le groupe a une vie ferme (largot de polytechnique), soit parce quil a labor une langue secrte qui le protge (largot des malfaiteurs, largot des maqui-gnons).

    Cest aussi le sens que nous livre le Dictionnaire de linguistique de Jean Du-bois et al. (1994) :

    Largot est un dialecte social rduit au lexique, de caractre parasite (dans la mesure o il ne fait que doubler, avec des valeurs affectives diffrentes, un vocabulaire existant), employ dans une couche dtermine de la socit qui se veut en opposition avec les autres ; il a pour but de ntre compris que des initis ou de marquer lappartenance un certain groupe. Largot propre-ment dit a dabord t celui des malfaiteurs. Il sest dvelopp dautres ar-gots dans certaines professions ou dans certains groupes. Certaines profes-sions tendent doubler les termes techniques de termes argotiques.

    Plus prs de nous, le Dictionnaire de lexicologie relve lextension du mot et insiste particulirement sur cette volution smantique rcente par des ex-pressions comme il nest pas rare que des usagers actuels , considrent aus-si :

    lorigine, le mot argot dsignait le langage particulier des malfaiteurs, conu dans un but cryptologique, cest--dire pour empcher les non-initis de le comprendre. Il nest pas rare que des usagers actuels utilisent le mot argot dans un sens tendu et considrent aussi comme de largot les l-ments appartenant aux niveaux de langue populaire et vulgaire de la langue commune. Par ailleurs, ce mot est galement utilis pour dsigner tout lan-gage spcifique dun groupe social ou professionnel : largot des prisons, largot militaire, largot des lycens, chacun ne se distinguant que par des lments du lexique. Dans ce dernier cas le mot est pris dans le sens de so-ciolecte.

    (Tournier & Tournier, 2009)

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  • Ghislaine Rolland-Lozachmeur: LArgot et La Langue du peuple : procds lexicaux et fonctions chez V. Hugo

    Avec Ducrot et Todorov (1972), lide de connotation asociale introduit une nuance importante pour notre analyse, lide quil sagirait, avant tout, de la langue dun groupe qui se situe en retrait de la socit. Cest un sme que rcupre largement Victor Hugo dans son chapitre des Misrables sur largot pour en faire la langue de la misre :

    Largot peut tre considr comme un cas particulier de jargon : cest un jar-gon qui se prsente lui-mme comme signe dune situation sociale non seulement particulire mais marginale (en terme hjelmsleviens le recours largot entrane une connotation asociale ). NB. Le sens donn ici au mot argot est diffrent de lemploi fait du terme pour dsigner le parler dune classe sociale juge infrieure.

    Cela dit, il sagit surtout de procds de maquillage essentiellement oraux qui nen font pas une langue part entire qui serait un code unique contrl par une antisocit police dargotiers avec leur chef, le Grand Cosre.

    1.2. La cration argotique

    Tous ces auteurs dcrivent les mthodes de formation linguistique de largot. Par exemple, le dictionnaire de Jean Dubois met laccent sur les procds de crations argotiques utiliss :

    Tous ces argots ont en commun entre eux et parfois avec la langue populaire un certain nombre de procds de formation (troncation, suffixation parasi-taire, interversion de sons ou de syllabes). Enfin pour renouveler le stock des bases lexicales, les argots utilisent volontiers limage, la substitution de sy-nonymes partiels et les emprunts aux dialectes, ou bien, en donnant souvent aux termes une valeur pjoratives, aux langues trangres (ou valeur mlio-rative).

    (op.cit.) On retrouve l les procds morphologiques de cration du franais stan-dard : la drivation morphologique, la troncation, laffixation, les emprunts, les procds rhtoriques : la mtaphore, la mtonymie, leuphmisation, lhyperbole.

    Le Dictionnaire de lexicologie voque aussi les domaines de largot : Les champs lexicaux les plus riches de largot sont : le corps humain, ses fonctions et ses dysfonctionnements, les diffrentes formes de dlinquance et de criminalit et leur sanction pnale, la Police et la justice (les mmes champs lexicaux o sillustre le phnomne de leuphmisme). (Tournier & Tournier, op.cit.)

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  • AARRGGOOTTIICCAA 11((11))//22001122 Plus rcemment, Charaudeau et Maingueneau (2002) largissent ces ac-

    ceptions en introduisant largot des jeunes : La plupart des dictionnaires de langue donnent comme premire attestation 1628 avec un premier sens : corporation, confrrie des gueux, des men-diants . De cette origine dcoule le fait que ce terme a souvent t associ des groupes sociaux plus ou moins marginaux : argot des malfrats, langue verte des prisonniers. Le terme a connu un largissement de son acception. On parle dsormais d argot des jeunes , ou d argot de mtiers .

    Annes 1980 : un parler spcifique aux jeunes dfavoriss est attest. On parle de franais des banlieues, des cits, des quartiers dans la presse. Les ca-ractristiques du franais des jeunes ne sont pas que lexicales, mais aussi phonti-ques, mlodiques et syntaxiques. (Ibidem) En ce qui concerne sa fonction, le consensus se fait autour de lintention code, cryptique. Mais elle volue au fil du temps du fait de lvolution de la socit (disparition des bagnes), des groupes sociaux (la dlinquance prend dautres formes), de lexubrance de la cration lexicale en milieu professionnel :

    La fonction cryptique : longtemps mise en avant est remise en cause au

    profit de la fonction ludique et identitaire. Enqutes sur les reprsentations des locuteurs et tudes rcentes = les argots sont des marqueurs de cohsion de groupe, groupe dge, groupe social, groupe professionnel.

    On ne parle pas de code secret comme les langages dinitiation mais lusage des argots conduit des dmarcations au sein dune communaut linguistique entre ceux qui parlent argot, nous et ceux qui ne le font pas, eux . Exemple : le cas des surnoms en milieu professionnel qui illustre cet-te proprit : lencadrement est souvent renomm mais les appellations ar-gotiques ne peuvent fonctionner quau sein dun groupe de subordonns et ne peuvent pas tre utilises dans la communication entre les groupes.

    (Ibidem)

    Les auteurs soulignent que lactivit de renomination porte sur lensemble de lenvironnement du travail : les personnes dans un service, les activits productives, les objets de lactivit.

    2. La Thorie philosophique de lusage de largot dans Les Misrables de Victor Hugo

    2.1. Le chapitre VII : lArgot

    Victor Hugo consacre le chapitre 7 de la quatrime partie des Misrables largot. Il se subdivise en quatre paragraphes : origine , racines , ar-got qui pleure et argot qui rit, les deux devoirs : veiller et esprer.

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  • Ghislaine Rolland-Lozachmeur: LArgot et La Langue du peuple : procds lexicaux et fonctions chez V. Hugo

    Le premier paragraphe rattache largot au peuple des tnbreux en prsentant les arguments qui lont port lintroduire dans ses romans et notamment le Dernier jour dun condamn. Dans le deuxime paragraphe il explore les pistes de la cration argotique. Le troisime paragraphe est un hymne la Rvolution qui a cr lhomme une seconde fois et qui a donn une gat diabolique et nigmatique un argot qui ployait sous le sen-timent de tristesse et dimpuissance : lpouvantail npouvante plus. Les oiseaux prennent des familiarits avec le mannequin, les stercoraires sy posent. (Hugo, 2012 : 336) Dans le quatrime paragraphe il alerte contre le danger social li la misre du peuple, prne le progrs : Sous la mortalit sociale on sent limprissabilit humaine. Pour avoir et l ces plaies, les cratres, et ces dartres, les solfatares, pour un volcan qui aboutit et jette son pus, le globe ne meurt pas. Des maladies de peuple ne tuent pas lhomme. (Ibidem : 340)

    Il craint que lidal dhumanit ne soit menac et encourage donc lauscultation :

    Sombre face--face des gostes et des misrables. Chez les gostes, les pr-jugs, les tnbres de lducation riche, lapptit croissant par lenivrement, un tourdissement de prosprit qui assourdit, la crainte de souffrir qui, dans quelques-uns, va jusqu laversion des souffrants, une satisfaction im-placable, le moi si enfl quil ferme lme ; chez les misrables, la convoitise, lenvie, la haine de voir les autres jouir, les profondes secousses de la bte humaine vers les assouvissements, les curs pleins de brume, la tristesse, le besoin, la fatalit, lignorance impure et simple.

    2.2. Lentre de largot dans la langue littraire

    Victor Hugo, pour qui largot cest tout la fois la nation et lidiome justifie dans ces pages la prsence de lexcroissance hideuse . Il rpond ainsi aux ractions critiques qua suscites lintroduction dans Dernier jour dun condamn de cette langue ente sur la langue gnrale. Il revendique davoir voulu faire parler un voleur en argot : Lorsquil sagit de sonder une plaie, un gouffre ou une socit, depuis quand est-ce un tort de descendre trop avant, daller au fond ? [] Ne pas tout explorer, ne pas tout tudier, sarrter en chemin, pour-quoi ? Il reconnat la difficult de la tche :

    Certes, aller chercher dans les bas-fonds de lordre social, l o la terre finit et o la boue commence, fouiller dans ces vagues paisses, poursuivre, saisir et jeter tout palpitant sur la pav cet idiome abject qui ruisselle de fange ain-si tir au jour, ce vocabulaire pustuleux dont chaque mot semble un anneau immonde dun monstre de la vase et des tnbres, ce nest ni une tche at-trayante ni une tche aise. Rien nest plus lugubre que de contempler ainsi nu, la lumire de la pense, le fourmillement effroyable de largot. Il

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  • AARRGGOOTTIICCAA 11((11))//22001122 semble en effet que ce soit une sorte dhorrible bte faite pour la nuit quon vient darracher de son cloaque. On croit voir une affreuse broussaille vivan-te et hrisse qui tressaille, se meut, sagite, redemande lombre, menace et regarde.

    (Ibidem : 314)

    Dans ce chapitre, il nous livre, donc, quelques dfinitions de largot : Il faut bien le dire ceux qui lignorent, largot est tout ensemble un phnomne lit-traire et un rsultat social. Quest-ce que largot proprement dit ? Largot est la langue de la misre.

    Il considre de ce fait que les autres acceptions de largot, dans les m-tiers et les professions, sont une extension qui nest pas justifie. Lui-mme la rfute :

    Quant nous, nous conservons ce mot sa vieille acception prcise, circons-crite et dtermine, et nous restreignons largot largot. Largot vritable, largot par excellence, si ces deux mots peuvent saccoupler, limmmorial argot qui tait un royaume, nest autre chose, nous le rptons, que la langue laide, inquite, sournoise, tratre, venimeuse, cruelle, louche, vile, profonde, fatale, de la misre. Il y a, lextrmit de tous les abaissements et de toutes les infortunes, une dernire misre qui se rvolte et qui se dcide entrer en lutte contre lensemble des faits heureux et des droits rgnants ; lutte affreu-se o, tantt ruse, tantt violente, la fois malsaine et froce, elle attaque lordre social coups dpingle par le vice et coup de massue par le crime. Pour les besoins de cette lutte, la misre a invent une langue de combat qui est largot.

    (Ibidem : 317)

    Il en dcrit les procds et relve combien cet argot est loign de la langue commune respectueuse de la norme et institutionnalise, combien elle ca-ractrise les groupes sociaux marginaliss :

    Largot nest autre chose quun vestiaire o la langue ayant quelque mauvai-se action faire, se dguise. Elle sy revt de mots masques et de mtaphores haillons. De la sorte elle devient horrible. On a peine la reconnatre. Est-ce bien la langue franaise, la grande langue humaine ? La voil prte entrer en scne et donner au crime la rplique, et propre tous les emplois du r-pertoire du mal. Elle ne marche plus, elle clopine ; elle boite sur la bquille de la Cour des miracles, bquille mtamorphosable en massue ; elle se nomme truanderie ; tous les spectres, ses habilleurs, lont grime ; elle se trane et se dresse, double allure du reptile. Elle est apte tous les rles d-sormais, faite louche par le faussaire, vert-de-grise par lempoisonneur, charbonne de la suie de lincendiaire ; et le meurtrier lui met son rouge.

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  • Ghislaine Rolland-Lozachmeur: LArgot et La Langue du peuple : procds lexicaux et fonctions chez V. Hugo

    Victor Hugo dlimite ainsi son domaine : le monde sournois du mal, des truands, des criminels, meurtriers, incendiaires, empoisonneurs. Largot use bien de mots qui dissimulent, sous un masque, leur sens aux non-initis et a recours des images prosaques pour travestir la ralit. Cest la langue franaise mais recouverte dun voile infme, hideux, que lauteur justifie par la noirceur de la misre.

    Cest parce que lhomme est plong dans lobscurit quil a recours cet-te langue monstrueuse : Epouvantable langue crapaude qui va vient, sautle, rampe, bave, et se meut monstrueusement dans cette immense brume grise faite de pluie, de nuit, de faim, de vice, de mensonge, dinjustice, de nudit, dasphyxie et dhiver, plein midi des misrables. (Ibidem : 320).

    Lhomme social implore la compassion pour les tnbreux et rpertorie, pour convaincre son lecteur, les petits tracas que subit lhomme heureux : Quant aux autres hommes, la nuit stagnante est sur eux. (Ibidem : 321)

    Seul remde ce mal rampant : la culture. Il nous dlivre le message dun immense espoir social : Diminuer le nombre des tnbreux, augmenter le nombre des lumineux, voil le but. Cest pourquoi nous crions : enseignement ! science ! Apprendre lire, cest allumer du feu ; toute syllabe pele tincelle. (Ibidem)

    Ds lors, on comprend que faire parler le peuple en argot, largot cest la langue des tnbreux , cest le faire tmoigner sur sa misre sociale et mo-rale et contribuer ouvrir la lutte pour la culture du peuple et le droit linstruction , combat de la troisime Rpublique. 2.3. Largot est une langue

    Comme nous lavons vu prcdemment, largot utilise les ressources de la cration lexicale bien connues. Victor Hugo en fait tat : Largot, quon y consente ou non, a sa syntaxe et sa posie. Cest une langue. Si, la difformit de certains vocables, on reconnat quelle a t mche par Mandrin, la splendeur de certaines mtonymies, on sent que Villon la parle. (Ibidem : 322)

    Victor Hugo diagnostique les symptmes de sa gestation dans la fange sociale :

    Cest toute une langue dans la langue, une sorte dexcroissance maladive, une greffe malsaine qui a produit une vgtation, un parasite qui a des raci-nes dans le vieux tronc gaulois et dont le feuillage sinistre rampe sur tout un ct de la langue. Ceci est ce quon pourrait appeler le premier aspect.

    (Ibidem) Hugo y voit un labeur collectif qui dpasse le cadre de la nation :

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  • AARRGGOOTTIICCAA 11((11))//22001122 Formation profonde et bizarre. Edifice souterrain bti en commun par tous les misrables. Chaque race maudite a dpos sa couche, chaque souffrance a laiss tomber sa pierre, chaque cur a donn son caillou. Une foule dmes mauvaises, basses ou irrites, qui ont travers la vie et sont alles svanouir dans lternit, sont l presque entires et en quelque sorte visibles encore sous la forme dun mot monstrueux.

    (Ibidem : 323)

    Il voit des racines de cet argot dans lesprit de lhomme, par la cration di-recte des mots : Largot pullule de mots de ce genre, mots immdiats, crs de toute pice on ne sait o ni par qui, sans tymologies, sans analogies, sans drivs, mots solitaires, barbares, quelquefois hideux, qui ont une singulire puissance dexpression et qui vivent. (Ibidem : 324)

    Le deuxime ressort est la mtaphore : Le propre dune langue qui veut tout dire et tout cacher, cest dabonder en figures. La mtaphore est une nigme o se rfugie le voleur qui complote un coup, le prisonnier qui combine une vasion. (Ibidem)

    Le troisime ressort que retient Victor Hugo est lexpdient : Parfois, avec les mots usuels ainsi dforms, et compliqus de mots dargot pur, il compose des locutions pittoresques o lon sent le mlange des deux lments prcdents, la cration directe et la mtaphore. (Ibidem : 325)

    3. La langue verte dans le roman du XIXe : la langue du peuple de Hugo Zola

    Dans les Misrables (1862), roman de Victor Hugo, il est un personnage qui porte magnifiquement cette langue verte : cest Gavroche, lenfant de la rue, au grand cur qui reprsente la solidarit sociale et qui survit dans un monde hostile pour les faibles, en aidant plus faibles que lui. Il change en langue argotique avec dautres personnages comme Brujon.

    Un autre roman de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris (1831), nous fait en-trer dans le monde de la misre sociale et dcouvrir ses codes et sa langue : la langue de la cour des miracles . Mais Victor Hugo nest pas le seul donner la parole au peuple de Paris.

    Zola, galement, dans lAssommoir (1877), fait vivre les rues de Paris avec les jurons des femmes et largot des ouvriers, celui de Coupeau notam-ment ; romans qui ouvrent lexploration des procds linguistiques mis en uvre pour crer limpression de langue verte .

    3.1. Le Lexique : laboration formelle par cration ou modification de mots

    La langue verte dforme, dstructure, dcoupe, mlange le lexique stan-dard. Les quelques extraits (1 60, en annexe) que nous restituons, ici, montrent comment des mots du lexique argotiques sont injects dans des

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  • Ghislaine Rolland-Lozachmeur: LArgot et La Langue du peuple : procds lexicaux et fonctions chez V. Hugo

    constructions de phrases qui hsitent entre la langue familire et la langue parle, sans tre toutefois agrammaticales. Le sens est accessible souvent sans problme grce au contexte. Dans dautres cas, le dcryptage est inac-cessible. Le caractre argotique tient, en fait lutilisation de mots propres au monde de la rue et de la misre sociale, et donc soumis un codage. Seuls ceux qui pratiquent largot peuvent en percevoir le sens exact.

    a) Largot cre des mots, loigns morphologiquement du terme stan-

    dard, comme ceux que nous relevons dans nos extraits, appuys sur des traductions de Argoji.

    Ils se rpartissent dans plusieurs champs smantiques : Le lexique du corps : nichon (nn, nnai, sein), moutardier (derrire),

    braquemard (le membre viril, par allusion lpe courte et large dont on se servait au moyen-ge : cest avec le braquemard, en effet, quon blesse les femmes au ventre. Braquemarder : Baiser une femme avec nergie et conviction.), tignasse (Chevelure en dsordre), patoche (grosse main), tronche (visage), abattis (membres en gnral), quiqui (cou),

    Le lexique des verbes de comportements et dactivits physiques lis au

    corps : faire la culbute (doubler un bnfice culbuter une femme : En jouir, parce que, pour en arriver l, il faut la renverser sur le dos.), prendre une femme (Prendre le cul dune femme : Lui pincer les fesses ; lui introduire le doigt entre les fesses ; et par-dessous ses vtements, soit dans le con, soit dans le cul.), tortille (de tortiller : Dterminer une mort prompte, Scander sa dmarche, se dhancher en marchant, tortiller des fesses.), chiffonner (Ta-quiner amoureusement une femme, la pincer amoureusement), licher (boi-re), morfilez (manger), riffauder le bocard (brler le bordel) schloffer un brin (dormir), pioncer (dormir), dcaniller (se lever de sa chaise, partir), schlinguer (sentir mauvais), goupiner (travailler, voler), ceintre (ceinturer), turlupiner (Agacer, ennuyer, taquiner quelquun par paroles : badiner, chatouiller, patiner ou peloter quelquun (gestes et attouchements rciproques) afin de baiser ou dtre baise.), dsosser (Tomber sur quelquun grands coups de poing.), escoffier (Blesser ou tuer quelquun. Se dit galement au point vue moral), claqu (de claquer : Mourir. Terme figur. Ce qui claque, dans le sens ordinaire, est hors de service), ficher (donner, flanquer, faire), foutre (se moquer foutre la paix : laisser tranquille), carapater (fuir, se sauver, se ca-cher).

    Les dnominations de catgories sociales : les cognes (policiers), grivier

    (soldat), rabouin (diable), cheulards (ivrogne, gourmand), de trognon (petite femme), neurs (de noneurs, complices de voleur), birbe (vieillard), trane

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  • AARRGGOOTTIICCAA 11((11))//22001122 (Fille publique qui trane partout la recherche de clients. Trane est un gros terme de mpris employ par le peuple vis--vis dune femme. Tra-ne : synonyme de rouleuse), punaise (Femme de mauvaise vie), rupin (Riche ; lgant, comme il faut), roussin (Mouchard, espion, agent de police), grelu-chon (entre lamant de cur et le monsieur-jeune niais oisif ne soccupant que de toilette et de plaisir), fourbis (petite filouterie, peccadille, marauda-ge), tas de gouapes (vagabond, fainant, dbauch, filou), cadet (derrire, In-dividu. Pris souvent en mauvaise part.), Jobard (niais, bte).

    Le lexique des qualits morales : mufe (mal lev, grossier personnage,

    de mufle : le peuple prononce mufe ), serin (naf), mariol (malin), bougre (pris en mauvaise part, pdraste)

    Le lexique des qualits physiques : bougre de chenillon (fille laide, avor-

    ton) Le lexique des vtements : pelure (habit, redingotte) Le lexique vnementiel et environnemental : sorgue (nuit), lansquine

    (pleuvoir), riffe (pluie), crampe (vasion), riffauder le bocard (brler le bordel), la piolle (maison), broque (liard, sou).

    Le lexique grammatical, pronoms, interjections : fichtre, vousaille (vous),

    sacredi, nom de Dieu, hein ?, (59) Ah ! a ! (6) Ah ! le sale mufe, ah ! (36). Les jurons abondent ainsi que les interjections assorties dexclamation. Ces quelques exemples mettent bien en vidence le caractre cod de

    largot. Il est difficile de saisir le sens de ces mots sans tre initi. b) Il construit galement des drivs ou resuffixe des mots existants,

    avec des suffixes populaires et trs libres : en ard, -asse, -oque, -ax, -ouille, -chon, -aille, -iche. Ici nous relevons par exemple : moutards, momignards, cheulards, momacques, icicaille, vousaille, mzig, icigo, patoche, nichon, trognon.

    c) Il dforme les mots existants troncation par apocope ou aphrse,

    ou redoublement : mamselle, angliche, kekseka, kekaa, en vl des punaises, quiqui.

    d) Il joue sur le sens de mots existants : merlan (pour cet individu), d-

    sabonner (pour renoncer croire en Dieu), auteurs (pour parents), tapissier (pour aubergiste), crampe (pour vasion), couloir (pour sophage), orgue (pour homme), promontoire (pour nez), tter (pour essayer), bourgeoise (pour

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  • Ghislaine Rolland-Lozachmeur: LArgot et La Langue du peuple : procds lexicaux et fonctions chez V. Hugo

    pouse, avec le dterminant possessif sa), matou (Le mle de la femme, cette chatte amoureuse), fouille-au-pot (marmiton, dbauch qui aime palper les femmes), tante (pdraste), coudre son affaire (de affaire : membre viril ou con de la femme).

    e) Il utilise des expressions images mtaphores ou mtonymies : Colle-toi a dans le fusil (se mettre quelque chose dans le fusil, manger),

    colls comme une paire de soles (serrs lun contre lautre, de se coller : Sunir charnellement, au moyen de la moiteuse colle que vous savez. Cette expression, qui sapplique spcialement aux chiens, lesquels, aprs le cot, se trouvent souds mutuellement, cul cul, la grand-joie des polissons et au grand scandale des bgueules, cette expression est passe dans le langa-ge courant moderne pour dsigner lunion illicite dun homme et dune femme. Que de gens croyaient ne stre rencontrs que pour se quitter, qui sont rests colls toute leur vie !), Mouche ton promontoire (mouche ton nez), avec tes yeux en coulisse (Regarder une femme amoureusement comme pour lui dire : Veux-tu ?), ce lger arrosage sur leurs abattis (la pluie qui mouille leurs membres), elle nen verra pas moins la lune par le mme trou que les autres (montrer son cul ; Voir la lune : quand une femme a vu cet astre, sa fleur doranger nexiste plus.), pour baver leur eau sucre (Bavarder, bredouiller, sembrouiller dans ses discours), faire des queues tous les jours (Faire une in-fidlit sa femme ou sa matresse est lui faire une queue.), quon te voit tous les cerceaux (on te voit les ctes), se tirer les pattes (sen aller, se tirer les paturons).

    Ces mtaphores sont trs courantes dans la langue argotique car le signi-fiant substitu un mot banal prend une trs forte connotation : ici fusil la place de gorge ou cerceaux la place de ctes. La cl est trouver par le des-tinataire. Quelquefois les mtaphores senchanent comme dans ce lger arrosage sur leurs abattis o le lecteur, qui manque la dnotation, a du mal deviner la pluie qui mouille les personnages.

    Tous ces procds lexicaux visent obtenir un effet dinsolite par les voies les plus diverses.

    3.2. Les procds syntaxiques

    Le caractre argotique des textes est port essentiellement par le lexique. Cependant, les tournures syntaxiques qui correspondent des caractristi-ques de la langue parle familire, appuient ces procds lexicaux de faon trs systmatique. Nous en citons quelques exemples et renvoyons aux ex-traits numrots en annexe.

    a) interrogations avec monte du ton :

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  • AARRGGOOTTIICCAA 11((11))//22001122 Monsieur se plaint ?, Quest-ce que tu nous bonis l ? (24) Cest encore

    pour te faire des nichons dans ton corsage avec des boules de papier, com-me lautre dimanche ?(45)

    b) utilisation relche de a en place de cela : (19-37-40-42-45) Pauvre fille. a na mme pas de culotte. Tiens prends toujours a. , a te

    monte le coco c) utilisation du on trs constante : (17-18-20-28-35-42-43) On gobait a pleine cuiller , On ne dit pas la tte, cria Gavroche,

    on dit la tronche. d) utilisation du datif gnrique : je te le ramasse e) carts formels, barbarismes portant sur les dsinences verbales : je

    vas, neille, Je vas coucher ces enfants-l (Hugo, 2012 : 278) Neille pas peur ! ils ne peuvent pas entrer. Et puis je suis l ! Tiens,

    prends ma main. Tais-toi et pionce ! (Ibidem : 294) Je vas tessuyer (55) f) les structures segmentes, par dislocation droite et gauche : Il

    croit en Dieu, celui-l (41), Un coup de pied de plus ou de moins, nest-ce pas ? a ne compte pas, quand on en reoit tous les jours. (37), a na pas de cur, ce merlan-l , a te chatouille, les belles frusques, Je ten ficherai, des robes blanches ! (45)

    g) les tournures orales, populaires comme qui dirait (35), je monterais la tribune et je dirais : Mer-

    de ! (41) Tout se passe comme si la syntaxe standard tait envahie par le vocabu-

    laire argotique ou prtendu tel, de sorte quil garde sa fonction cryptique.

    3.3. Les domaines et la fonction de largot

    Largot entre en action lorsque parlent des personnages du monde de la rue et du monde ouvrier comme Gavroche ou Coupeau et leurs compres, ou des personnages de la Cour des miracles et lorsquil est question de fem-mes, de corps, de vie sexuelle, de politique, dactivits illicites, de brigan-dage. Ce sont les domaines traditionnels de la satire, de la littrature popu-

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  • Ghislaine Rolland-Lozachmeur: LArgot et La Langue du peuple : procds lexicaux et fonctions chez V. Hugo

    laire, hritire des fabliaux du Moyen ge. De fait, le domaine sexuel est probablement plus connu et partag quon ne le pense, jusque dans les classes sociales privilgies et censment peu enclines utiliser le langage argotique. Cela peut sembler, pour elles, une faon de sencanailler , de pratiquer un lger dfoulement ! Comme aujourdhui, hommes politiques et animateurs de radio ou dmissions tlvises nhsitent pas utiliser la langue relche voire argotique pour paratre plus proches de leur auditoi-re. On aperoit, dailleurs, des mouvements de largot vers le vocabulaire commun qui assimile et diffuse quantit de mots.

    Ce que vise lcrivain, cest disposer dans son texte des indices de vrai-semblance sociale, de signum social, puisque sa fonction est ici de donner la parole au peuple de la misre, de la rue. Largot est la marque du compor-tement de la pgre puis des parlers populaires. Il permet donc de confrer un ton de vrit aux propos tenus par les personnages. Les mots argotiques entrent bien en contradiction avec la socit et ses normes ; normes, juste-ment, que marque la langue tenue du narrateur. Ils connotent la volont denfreindre la rgle du code courant (intention destructrice lgard des valeurs sociales de la bonne socit) et aussi davilir les personnes nommes ( bougre de greluchon , trane ) : Largot cest le verbe deve-nu forat. (Ibidem : 330)

    Mais cette langue verte du peuple nen respecte pas moins la syntaxe. Le texte est comprhensible en surface. Ce sont les mots du lexique accumuls qui crent limpression de langue argotique.

    Une autre fonction de cet argot est de marquer un genre littraire avec un travail de cration portant sur un matriau diffrent. Comme Racine travaille sur une socit sublime, noble, parlant une langue noble, sublime, Hugo et Zola travaillent sur la langue de la fange et de la vulgarit. mer-gent ainsi des critres propres ce style et qui sont susceptibles dtre re-connus et identifis par le lecteur : ce sont des signaux dcriture populaire. Largot est devenu un ornement presque indispensable au roman ralis-te, avant de devenir lobjet dune vritable cration argotique comme chez Cline ou Frdric Dard.

    Conclusion

    Ingnierie virevoltante, cration dsopilante, la langue des tnbreux r-chauffe le cur du peuple et lui donne la conviction de former un groupe soud. Bquille mtamorphosable en massue , langue du combat, largot le dote dune force inoue : la force de regarder vers la lumire. Porte-parole des misreux, Victor Hugo fait rsonner jusqu nous cet accent de vrit, magnifiquement actuel qui hurle comme un avertissement :

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  • AARRGGOOTTIICCAA 11((11))//22001122 Vous aurez beau faire, vous nanantirez pas cet ternel reste du cur de

    lhomme, lamour. Dans ce monde des actions sombres, on se garde le secret. Le secret, cest

    la chose de tous. Le secret, pour ces misrables, cest lunit qui sert de base lunion. Rompre le secret, cest arracher chaque membre de cette com-munaut farouche quelque chose de lui-mme.

    (Ibidem : 329)

    BIBLIOGRAPHIE Sources principales HUGO, V. (2012) [1862]. Les Misrables. Paris : Gallimard, Coll. Folio

    Classique . HUGO, V. (1972) [1831] Notre-Dame de Paris. Paris : Livre de Poche. ZOLA, E. (1983) [1877] LAssommoir. Paris : Livre de Poche. Sources secondaires Argoji Argot franais classique plus de 24.000 mots dargot de 1827 1907. URL :

    .

    CHARAUDEAU, P. & D. MAINGUENEAU (sous la dir.) (2002). Dictionnaire danalyse du discours. Paris : Seuil.

    DUBOIS, J. & M. GIACOMO, L. GUESPIN, C. MARCELLESI, J.-B. MARCELLESI, J.-P. MEVEL (1994). Dictionnaire de linguistique. Montral : Larousse.

    DUCROT, O. & T. TODOROV (1972). Dictionnaire encyclopdique des sciences du langage. Paris : Seuil, Coll. Points .

    MOUNIN, G. (1974). Dictionnaire de la linguistique. Paris : Presses Universitai-res de France, Quadrige Dicospoche.

    REY, A. (2004). Dictionnaire historique de la langue franaise. Paris : Le Robert. TOURNIER, N. & J. TOURNIER (2009). Dictionnaire de lexicologie franaise. Lon-

    rai : Ellipses. TLF (Trsor de la langue franaise)

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  • Ghislaine Rolland-Lozachmeur: LArgot et La Langue du peuple : procds lexicaux et fonctions chez V. Hugo

    ANNEXE : Extraits des romans tudis

    Les Misrables (Victor Hugo) :

    (1) Quest-ce que vous avez donc, moutards ? (2012 : 272)

    (2) Cest a, dit Gavroche. Voil grandchose. Est-ce quon pleure pour a ? Sont-ils serins donc ! (Ibidem)

    (3) Momacques, venez avec moi. (Ibidem) = enfant

    (4) a na pas de cur, ce merlan-l, grommela-t-il. Cest un angliche.

    (5) Bonjour, mamselle Omnibus, lui dit Gavroche. (Ibidem)

    (6) Ah a ! scria Gavroche, quest-ce que cela signifie ? Il repleut ! Bon Dieu, si cela continue, je me dsabonne. (Ibidem : 273)

    (7) Il reprit aprs un silence : - Ah ! nous avons perdu nos auteurs. Nous ne savons plus ce que nous en avons fait. a ne se doit pas, gamins. Cest bte dgarer comme a des gens dge. Ah a ! il faut licher pourtant. (Ibidem : 274)

    (8) Neurs, rpondit Gavroche. (Ibidem)

    (9) Tanflte, repartit Gavroche. (Ibidem)

    (10) Calmons-nous, les momignards. Voici de quoi souper pour trois. (Ibidem : 275)

    (11) jeta au boulanger en plein visage cette apostrophe indigne : - Kekseka ? (Ibidem)

    (12) Quand le pain fut coup, le boulanger encaissa le sou, et Gavroche dit aux deux enfants : - Morfilez. (Ibidem : 276)

    (13) il ajouta en lui donnant la plus grosse part : - Colle-toi a dans le fusil. (Ibidem)

    (14) Fichtre ! reprit Gavroche, tu vas donc te colleter avec les cognes ? (Ibidem : 278)

    (15) Eh bien oui, dans llphant ! repartit Gavroche. Kekaa ? Ceci est encore un mot de la langue que personne ncrit et que tout le monde parle. Kekaa signi-fie : quest-ce que cela a ? (Ibidem : 279)

    (16) Moutard ! reprit Gavroche, on ne dit pas un logement, on dit une piolle. (Ibidem : 290)

    (17) On ne dit pas la nuit, on dit la sorgue. (Ibidem : 291)

    (18) On ne dit pas brler la maison, fit Gavroche, on dit riffauder le bocard. (Ibi-dem : 292)

    (19) Il faut dormir mes jeunes humains. Cest trs mauvais de ne pas dormir. a vous fait schlinguer du couloir, ou, comme on dit dans le grand monde, puer de la gueule. Entortillez-vous bien de la pelure ! je vas teindre. Y tes-vous ? (Ibidem : 292-293)

    (20) On ne dit pas la tte, cria Gavroche, on dit la tronche. (Ibidem : 293)

    (21) Quelle bonne sorgue pour une crampe (Ibidem : 300)

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  • AARRGGOOTTIICCAA 11((11))//22001122 (22) Dcarrons. Quest-ce que nous maquillons icigo ? (Ibidem : 305) (Allons-nous-

    en. Quest-ce que nous faisons ici ?)

    (23) Il lansquine teindre le riffe du rabouin. Et puis les coqueurs vont passer, il y a l un grivier qui porte gaffe, nous allons nous faire emballer icicaille. (Ibidem : 306) (Il pleut teindre le feu du diable. Et puis les gens de police vont passer. Il y a l un soldat qui fait sentinelle. Nous allons nous faire arrter ici.

    (24) Quest-ce que tu nous bonis l ? Le tapissier naura pas pu tirer sa crampe. Il ne sait pas le truc, quoi ! Bouliner sa limace et faucher ses empaffes pour maquiller une tortouse, caler des boulins aux lourdes, braser des faffes, maquiller des caroubles, fau-cher les durs, balancer sa tortouse dehors, se planquer, se camoufler, il faut tre mariol ! Le vieux naura pas pu, il ne sait pas goupiner ! (Ibidem) (traduction fo-lio Yves Gohin : quest-ce que tu nous dis l ? Laubergiste na pas pu svader. Il ne sait pas le mtier, quoi ! Dchirer sa chemise et couper ses draps de lit pour faire une corde, faire des trous aux portes, fabriquer des faux pa-piers, faire des fausses clefs, couper ses fers, suspendre sa corde dehors, se ca-cher, se dguiser, il faut tre malin ! Le vieux naura pas pu, il ne sait pas tra-vailler !

    (25) Je te bonis quil est malade ! reprit Brujon. lheure qui toque, le tapissier ne vaut pas une broque ! Nous ny pouvons rien. Dcarrons. Je crois tout moment quun cogne me ceintre en pogne ! (Ibidem : 307)

    (26) Un mme comme mzig est un orgue, et des orgues comme vousailles sont des mmes. (Ibidem : 309) (Gavroche)

    (27) Tu renifles, mon ancienne, dit Gavroche. Mouche ton promontoire. (Ibidem : 428)

    (28) Mon pauvre toutou, lui dit-il, tu as donc aval un tonneau quon te voit tous les cerceaux . (Ibidem)

    Les phrases dargot sont parfois traduites par le narrateur lui-mme. Ainsi, ces propos de Montparnasse Gavroche :

    (29) coute ce que je te dis, garon, si jtais sur la place, avec mon dogue, ma dague et ma digue, et si vous me prodiguiez dix gros sous, je ne refuserais pas dy goupiner, mais nous ne sommes pas le mardi gras (goupiner = travailler)

    Le narrateur commente pour le lecteur :

    (30) La phrase amphigourique par laquelle Montparnasse avait averti Gavroche de la prsence du sergent de ville ne contenait pas dautre talisman que lassonance dig rpte cinq ou six fois sous des formes varies. Cette syllabe dig, non prononce isolment, mais artistement mle aux mots dune phrase, veut dire : - Prenons garde, on ne peut pas parler librement. -Il y avait en outre dans la phrase de Montparnasse une beaut littraire qui chappa gavroche, cest mon dogue, ma dague et ma digue, locution de largot du Temple qui signifie, mon chien, mon couteau et ma femme, fort usit parmi les pitres et les queues-rouges du grand sicle o Molire crivait et o Callot dessinait. (Ibidem : 280-281)

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  • Ghislaine Rolland-Lozachmeur: LArgot et La Langue du peuple : procds lexicaux et fonctions chez V. Hugo Notre-Dame de Paris (Victor Hugo)

    (31) Musnier, nous chiffonnerons ta femme. (1972 : 16)

    (32) Tu es entr dans le royaume dargot sans tre argotier, tu as viol les privil-ges de notre ville. Tu dois tre puni, moins que tu ne sois capon, franc-mitou ou rifod, cest--dire, dans largot des honntes gens, voleur, mendiant ou vaga-bond. (Ibidem : 107)

    (33) Vous nignorez pas pourtant que Nol Lescripvain a t condamn il y a huit jours en dix sols parisis pour avoir port un braquemard. (Ibidem : 122)

    LAssommoir (mile Zola) (34) Oui, nest-ce pas ! ma biche, il y a l un cadet de notre connaissance. Faut pas

    me prendre pour un jobardQue je te pince te balader encore, avec tes yeux en coulisse. (1983 : 236)

    (35) On gobait a pleine cuiller, en samusant. De la vraie gourmandise enfin, comme qui dirait le plaisir des dames. (Ibidem : 240)

    (36) Nom de Dieu ! cest trop fort, murmura-t-il. Ah ! le sale mufe, ah ! le sale mufe Non, cest trop fort, a va finir (Ibidem : 257)

    (37) a venait dun coup de pied que lui avait allong Bijard, disait-elle dune voix douce et monotone. Le ventre a enfl. Sans doute, il lui avait cass quelque cho-se lintrieur. Mon Dieu ! en trois jours, elle a t tortille Ah ! il y a, aux gal-res, des gredins qui nen ont pas tant fait. Mais la justice aurait trop de besogne, si elle soccupait des femmes creves par leurs maris. Un coup de pied de plus ou de moins, nest-ce pas ? a ne compte pas, quand on en reoit tous les jours. Dautant plus que la pauvre femme voulait sauver son homme de lchafaud et expliquait quelle stait abm le ventre en tombant sur un baquet Elle a hurl toute la nuit avant de passer. (Ibidem : 286)

    (38) Bon ! me voil prvenu. Je ne mangerai pas chez eux un boisseau de selJen vais tter ce matin ; mais si le patron membte, je te le ramasse et je te lassois sur sa bourgeoise, tu sais, colls comme une paire de soles ! (Ibidem : 294)

    (39) Les rues taient jaunes, une petite pluie tombait ; mais ils avaient dj trop chaud lintrieur pour sentir ce lger arrosage sur leurs abattis.

    (40) Ah ! les cheulards ! dit-il, ds quil les aperut cachs sous une porte. Jai senti a Hein ? quest-ce quon mange ? (Ibidem : 297)

    (41) Je tiens la Chambre. En voil des rpublicains de quatre sous, ces sacrs fai-nants de la gauche. Est-ce que le peuple les nomme pour baver leur eau su-cre !...Il croit en Dieu, celui-l, et il fait des mamours ces canailles de minis-tres ! Moi, si jtais nomm, je monterais la tribune et je dirais : Merde ! Oui, pas davantage, cest mon opinion ! (Ibidem : 299)

    (42) - La comtesse de Brtigny marie sa fille ane au jeune baron de Valanay, aide de camp de Sa Majest. Il y a, dans la corbeille, pour plus de trois cent mil-le francs de dentelle. - Quest-ce que a nous fiche ! interrompit Bibi-la-Grillade.

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  • AARRGGOOTTIICCAA 11((11))//22001122 On ne leur demande pas la couleur de leur chemise La petite a beau avoir de la dentelle, elle nen verra pas moins la lune par le mme trou que les autres. (Ibi-dem : 300)

    (43) On sest allong un coup de tampon, en sortant de chez la mre Baquet. Moi, je naime pas les jeux de mainsVous savez, cest avec le garon de la mre Ba-quet quon a eu des raisons, par rapport un litre quil voulait nous faire payer deux fois Alors, jai fil, je suis all schloffer un brin. (Ibidem : 303)

    (44) Quest-ce donc que jai donc, jai du cuivre dans le coco (Ibidem : 334)

    (45) Je ten ficherai, des robes blanches ! Hein ? cest encore pour te faire des ni-chons dans ton corsage avec des boules de papier, comme lautre diman-che ?...Oui, oui, attends un peu ! Je te vois bien tortiller ton derrire. a te cha-touille, les belles frusques. a te monte le cocoVeux-tu dcaniller de l, bougre de chenillon ! Retire tes patoches, colle-moi a dans un tiroir, ou je te dbarbouille avec ! (Ibidem : 361)

    (46) Encore une roulure pour les boulevards Elle leur chiera du poivre, avant six mois. (Ibidem : 365)

    (47) Hein ? dit-il, tu fais la trane, bougre de trognon ! Je tai entendue danser den bas Allons, avance ! Plus prs, nom de Dieu ! et en face, je nai pas besoin de renifler ton moutardier. Est-ce que je te touche, pour trembler comme un quiqui ?... Ote-moi mes souliers. (Ibidem : 376)

    (48) Nom de Dieu ! ils me trouent la pelure ! ...Oh ! les sales btes !...Tiens bon ! serre tes jupes ! mfie-toi du salopiaud, derrire-toi ! ...sacr tonnerre, la voil culbute, et ces mufes qui rigolent ! ...tas de mufes ! tas de fripouilles ! tas de bri-gands ! (Ibidem : 383)

    (49) le zingueur reprit, en se tapant sur les cuisses : Hein ! a te rabote le sifflet ! ...Avale dune lampe. Chaque tourne retire un cu de six francs de la poche du mdecin. (Ibidem : 391)

    (50) Pardi ! un homme qui lui fait des queues tous les jours ! (Ibidem : 403)

    (51) Mais, pendant un instant, le nez baiss, faisant de la dignit, elle se rgala de la conversation des ouvrires. Une delles ne pouvait lcher un mot, le mot le plus innocent, propos de son ouvrage par exemple, sans quaussitt les autres y entendissent malice ; elles dtournaient le mot de son sens, lui donnaient une signification cochonne, mettaient des allusions extraordinaires sous des paroles simples comme celles-ci : Ma pince est fendue , ou bien : Qui est-ce qui a fouill dans mon petit pot ? (Ibidem : 407)

    (52) Ah ! le matou venait pour Nana ! (Ibidem : 408)

    (53) Sans doute lenfant, gourmande seulement de la galette et de vacherie dans les rues, aurait encore pu se marier avec une couronne doranger sur la tte. Mais, fichtre ! il fallait se presser joliment si lon voulait la donner un mari sans rien de dchir, propre et en bon tat, complte enfin ainsi que les demoiselles qui se respectent. (Ibidem : 413)

    202

  • Ghislaine Rolland-Lozachmeur: LArgot et La Langue du peuple : procds lexicaux et fonctions chez V. Hugo

    (54) Il fallait le voir, toujours en ptoche autour delle. Une vraie fouille-au-pot, qui ttait sa jupe par-derrire, dans la foule, sans avoir lair de rien. Et ses jambes ! des cotrets de charbonnier, de vraies allumettes ! Plus de mousse sur le caillou, quatre cheveux frisants plat dans le cou, si bien quelle tait toujours tente de lui demander ladresse du merlan qui lui faisait la raie. Ah ! quel vieux birbe ! il tait rien folichon ! (Ibidem : 414)

    (55) Apprends un peu, bougre de greluchon, que la blouse est le plus beau vte-ment, oui ! le vtement du travail ! ...Je vas tessuyer, moi, si tu veux, avec une paire de claques A-t-on jamais vu des tantes pareilles qui insultent louvrier. (Ibidem : 429)

    (56) Nana avait un chic pour se tirer les pattes ! Ah bien ! si les Coupeau voulaient la garder maintenant, ils navaient plus qu lui coudre son affaire et la mettre en cage ! (Ibidem : 432)

    (57) Encore des fourbis, tout a ! ...Je me mfiais Silence, tas de gouapes ! Oui, vous vous fichez de moi. Cest pour me turlupiner que vous buvez et que vous braillez l-dedans avec vos tranes. Je vas vous dmolir, moi, dans votre chalet ! ...Nom de Dieu ! voulez-vous me foutre la paix ! (Ibidem : 480)

    (58) En vl des punaises ! ...Rappliquez un peu par ici, que je vous dsosse ! ...Ah ! ils veulent mescoffier, ah ! les punaises ! ...Je suis plus rupin que vous tous ! Dcar-rez, nom de Dieu ! (Ibidem : 488)

    (59) Il y a la grande Clmence, avec sa tignasse pleine de plumes. Ah ! sacredi ! elle fait la culbute, elle montre tout ce quelle a ! ...Dis donc ma biche, faut nous ca-rapater Eh ! bougres de roussins, voulez-vous bien ne pas la prendre ! ...Ne tirez pas, tonnerre ! ne tirez pas (Ibidem : 489)

    (60) Il est claqu , dit-elle en poussant la porte, tranquillement, la mine reinte et abtie. (Ibidem : 493)