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  • « Le corps est l’instrument de la compréhension du monde […]C’est par mon corps que je comprends autrui, comme

    c’est par mon corps que je perçois des choses. »Merleau-Ponty M. (1945), Phénoménologie de la perception,

    Gallimard, 2013, p. 226.

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  • Préambule

    OUT projet a une genèse. Celui de cet ouvrage est né d’unerencontre entre Bertrand Jarry, Conseiller Principal d’Éduca-tion et Omar Zanna, sociologue. Le premier, soucieux de com-prendre plus avant les adolescents, s’était engagé, en

    septembre 2010, dans le Diplôme Universitaire « Adolescents diffi-ciles, approche psychopathologique et éducative » dirigé par PhilippeJeammet, pédopsychiatre, spécialiste de l'enfant et de l'adolescent.

    En mars 2011, le second, invité dans le cadre de ce DU pour pré-senter l’avancée de ses travaux sur la délinquance juvénile, exposeses résultats sur les modalités de restauration de l’empathie desmineurs délinquants. Bertrand Jarry est d’emblée interpellé et fait lelien avec le comportement de certains jeunes scolarisés dans sonétablissement. Sans attendre, il rejoint Omar Zanna pour se former àses théories. Depuis, il participe activement à creuser le sillon del’éducation – par les corps en mouvement – aux compétencessociales et relationnelles à l’école. Il accompagne également OmarZanna dans les formations à l’adresse des enseignants et des acteurséducatifs.

    Cet ouvrage est pour le chercheur et celui qui deviendra formateurpuis praticien-chercheur l’occasion de retracer le chemin parcouru deconcert depuis 2011, de montrer – exemples à l’appui – comment cetype d’enseignement – où se cultive l’empathie – fait explicitementécho aux objectifs du « Socle commun de connaissances, de com-pétences et de culture » signifiant l’intérêt d’enseigner aux élèves lapossibilité de comprendre, de se comprendre et de s'exprimer en uti-lisant différents canaux de communication dont le langage du corps.

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  • Tout cela suppose de développer des aptitudes à pouvoir se lier età se reconnaître qui s’acquièrent dans l’expérience concrète des rela-tions avec autrui. En adoptant la perspective d’autrui, en formant ausens de l’autre, ce genre d’enseignement permet de se prémunir desrisques de positions extrêmes qui ne posent jamais la question dequi est l’autre !

    Avant de continuer à dérouler notre cheminement, nous tenons àremercier l’ensemble des personnes qui ont participé de près ou deloin à cet ouvrage. Ceux de la première heure mais aussi tous lesautres qui ont pris le train de l’éducation à l’empathie en marche etsans qui le voyage n’aurait pas été aussi beau.

    Une pensée toute particulière à :✓ Kristelle Bianchi, Gaëlle Bours, Céline Cohat, Laurence Contamain,

    Anne Lemaitre, Valérie Licha, Nathalie Nassar, Virginie Prot,Marion Puech, l’équipe du laboratoire VIPS2-Le Mans et bien sûr àl’ensemble de la communauté éducative du collège Enira : com-pagnons de route infatigables et déterminés de la première heure.

    ✓ Claire Djebabera, Anne-Laure Guillo, Delphine Lahite et PascalePellus Mary, relais formidables.

    ✓ Céline Cagnol, Maxime Chopy, Benjamin Guenanen, EmmanuelRouault, formateurs académiques Rep+ du département quicontribuent à diffuser et faire connaître ce projet à l’ensemble desenseignants du territoire.

    ✓ Florence Allora, Sylvie Aminta, Patrice Asnar, Christophe Bergeron,Sophie Briand, Jean-François Calichiama, Cécile Cazassus, Caro-line Ciret, Sophie Fournier-Gassie, Gérard Lausson, Alain Ouvrard,Caroline Veltcheff, Magali Werouve et l’équipe du Caaee de l’aca-démie de Versailles pour leur soutien bienveillant.

    Un très grand merci également aux élèves pour qui, la curiosité,l’engagement et la confiance ne se tarissent jamais. En espérant queces quelques pages donnent à d’autres l’envie de nous rejoindre…

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  • 1. « Conforter une école bienveillante et exigeante » constitue le deuxièmeaxe majeur du référentiel de l’éducation prioritaire dans sa refondationactuelle. Il a été publié en janvier 2014 et constitue un texte de référence :www.reseau-canope.fr/education-prioritaire/fileadmin/user_upload/user_upload/accueil/Referentiel_de_l_education_prioritaire.pdf.2. Bressoux, P., « Les recherches sur les effets-écoles et les effets maîtres »,in Revue Française de Pédagogie, n°108, juillet-août-septembre 1994,p. 91-137.3. Prost A., Éloge des pédagogues, Seuil, 1985.4. Antibli A., La constante macabre ou comment a-t-on découragé des géné-rations d’élèves ?, Math'Adore, 2003.

    Introduction

    TRE plus accessible et plus à l’écoute des élèves sans pourautant renoncer à transmettre. Conforter une école « bien-veillante et exigeante » comme le préconise le nouveau réfé-rentiel de l’éducation prioritaire1. Voilà clairement établi un lien

    ténu entre condition d’enseignement et transmission des savoirs,qualité de la relation pédagogique et efficience des apprentissages.Pourtant, si la réflexion menée sur cette question n’est pas récente2,elle semble cette fois ne plus faire débat. Elle reste cependant émi-nemment complexe.

    Même si de vieilles querelles ressurgissent parfois, il semble bienque « républicains » et « pédagogues3 » n’aient d’autre choix qued’unir leurs forces pour réduire « constante macabre4 » et autreseffets délétères du système éducatif français mis en évidence lors

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    http://www.reseau-canope.fr/education-prioritaire/fileadmin/user_upload/user_upload/accueil/Referentiel_de_l_education_prioritaire.pdfhttp://www.reseau-canope.fr/education-prioritaire/fileadmin/user_upload/user_upload/accueil/Referentiel_de_l_education_prioritaire.pdf

  • 5. Les résultats du programme PISA de l’OCDE révèlent que le systèmeéducatif français produit de très fortes inégalités sociales en termes deréussite des élèves : « La France, championne de l’inégalité. Contrairementà la tendance observée dans les pays de l’OCDE, on constate en France quele milieu social dont l’élève est issu conditionne de plus en plus sa réussitescolaire. La France occupe ainsi la dernière place du classement par rapportà cet indicateur en mathématiques. Pour la compréhension de l’écrit, lesinégalités sociales pèsent aussi lourd dans les résultats des élèves. » Pireencore, le système éducatif français aggrave l’écart entre inégalités socialeset résultats scolaires : www.education.gouv.fr/pisa2012/#home. Voir éga-lement la dernière enquête PIRLS (programme international de recherche enlecture scolaire).6. Zanna O., « Avoir le sens de l’autre comme éthique », in Ch. Marsollier,L’Éthique relationnelle, une boussole pour l’enseignant, Canopé, 2016.7. Prost A., Éloge des pédagogues, op. cit., p. 212.

    des dernières études internationales5. Si les savoirs enseignés nepeuvent plus compter seuls, il nous faut donc aussi regarder ce quise joue dans la relation pédagogique, dans ses modalités commedans ses finalités6. À l’instar d’Antoine Prost, nous pensons que rienn’interdit de se réclamer à la fois de la science et de la pédagogie.Bien que nous ne revendiquions pour le pédagogue « aucune supé-riorité morale, car il peut y avoir autant d’orgueil que d’humilité à sepenser comme un serviteur plutôt que comme un maître […] ce choix[nous] paraît socialement préférable. Et des satisfactions exaltantesde la recherche, du savoir neuf que l’on constitue, ou de celles, émou-vantes, de l’enseignant qui fait comprendre et apprendre, et voit lesvisages s’éclairer, je préfère sans doute les secondes. De toutes lespierres que peut tailler un universitaire, les plus précieuses sontvives : ce sont les hommes7 ». C’est à ce prix que nous rendrons notreÉcole plus accueillante et notre République plus chaleureuse, plusfraternelle.

    Enseigner au sens étymologique de « faire connaître par un signe »,c’est donc entrer en relation. Cette affirmation apparaît d’autant plusvraie aujourd’hui que tous les contenus disciplinaires, y compris lesplus « savants », sont accessibles par tous sur Internet. Penser lemétier d’enseignant comme simple « passeur » de savoir n’a plus

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    http://www.education.gouv.fr/pisa2012/#home

  • 8. La mise en place continue des MOOC (massive open online course) dansles universités en témoigne.9. Enjeu considérable actuellement tant les jeunes, nourris en grande partie(lorsque ce n’est pas totalement) de culture numérique, sont sujets àn’importe quelle manipulation (théories du complot et autres) dont l’impactest décuplé par le web. Dans ce contexte, l’éducation aux médias et à l’infor-mation apparaît comme primordiale.10. Perrenoud Ph., Métier d'élève et sens du travail scolaire, ESF, 2013.

    aucun avenir. Un tant soit peu qu’il n’ait été un jour que cela, Interneta probablement en partie fait se déplacer le cœur du métier d’ensei-gnant vers une fonction d’accompagnement consubstantielle à larelation. Si tout un chacun peut avoir accès et vérifier – en temps réel– n’importe quel contenu, l’enjeu pour le professeur n’est désormaisplus uniquement de transmettre des savoirs8 mais bien de les com-menter, de leur donner corps et sens, de former à l’esprit critique9 etd’enseigner aux élèves les manières de s’approprier des connais-sances, savoirs et savoir-être.

    Instruire et éduquer sont les deux faces d’une même pièce, indis-sociables. La qualité de la relation entre les personnes en constituele viatique. Cantonnés à l’instruction, ils vous diront : « lui, il fait soncours et si tu n’as pas compris ce n’est pas son problème ». Ne soyezqu’un éducateur, ils répondront : « il croit trop que c’est mon père… ilme stresse et moi je n’apprends rien avec lui ». C’est bien cettedimension, constitutive du métier, qui le rend si exigeant et complexecar il s’agit de s’adresser à la fois à des intelligences et à des sujetsqui ne peuvent être réduits à leur « métier d’élève10 ». Enseigner c’estdonc accepter de s’ouvrir, de s’exposer, dire quelque chose de soi.Les enseignants qui acceptent d’entrer en relation l’ont bien compris :le métier veut cela. Il est au carrefour d’enjeux multiples, jamaisneutres et sûrement pas uniquement didactiques. Ils sont égalementhumains. « Élèves et maîtres sont à considérer, pour la compréhen-sion de leurs relations et comportements, comme des personnes,porteuses d’une histoire, d’une culture, d’un rapport à l’institution, d’unrapport au savoir enseigné. Elles vivent en classe des émotions etmanipulent des registres langagiers, identitaires et cognitifs

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  • 11. Bucheton D., Soulé Y., « Les gestes professionnels et le jeu des posturesde l’enseignant dans la classe : un multi-agenda de préoccupations enchâs-sées », in Éducation & Didactique, vol. 3, n°3, octobre 2009, p. 29-48, p. 30.12. Nous utilisons ce mot au sens premier du terme. Étymologiquement,« mens » en latin désigne les facultés intellectuelles, l’intelligence (cognitive)et non la spiritualité.13. Voir à ce sujet : Zanna O., Veltcheff C., Bureau P-Ph. (coord.), « Corps etclimat scolaire », Dossiers ep&s, n°83, février 2016.14. Prost A., Éloge des pédagogues, op. cit., p. 39.

    multiples. La vie est aussi dans l’école. C’est elle qui donne tout sonsens au désir d’apprendre et de grandir11. »

    Pour transmettre, le professeur ne peut donc pas compter sur sesseules connaissances disciplinaires, c'est-à-dire sur son esprit12.Outre les aspects cognitifs, dans sa classe il est aussi un corps enmouvement13 ; tous ses sens mobilisés au service des apprentis-sages. Il se donne à voir en permanence. Sa voix, ses gestes, sesmimiques, ses choix vestimentaires, mais aussi ses attitudes, sespostures… autant d’indices qui peuvent laisser paraître son sens del’arbitrage, de la justice et de la cohérence (si chers aux élèves), voirede la morale. La relation pédagogique n’est pas purement fonction-nelle.

    « La preuve ? Elle s’assume difficilement sous le regard d’un tiers[…]. Enseigner suppose l’intimité de la classe, dont la porte restefermée. Pour l’ouvrir sans en avoir été prié, il faut être inspecteur,et le premier pouvoir de l’inspecteur, plus important sans doute quede noter les professeurs, est précisément d’imposer sa présence,de pénétrer par effraction en quelque sorte dans une relation qu’ilperturbe du fait même. Cela seul en signale l’intensité, dont lafatigue nerveuse des professeurs est un autre signe éloquent : sil’on s’épuise à faire cours, c’est que ce métier impose des relationsintenses, aux enjeux personnels importants14. »

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  • 15. Voir à ce sujet les travaux de Luc Ria sur l’analyse de l’activité ensei-gnante des professeurs néotitulaires, plateforme Néopass@ction : http://neo.ens-lyon.fr/neo. Voir également Marsollier Ch., L’Éthique relationnelle,une boussole pour l’enseignant, Canopé, 2016.16. Weigand G., Hess R., La relation pédagogique, Anthropos, 2007.17. Zanna O., Le corps dans la relation aux autres. Pour une éducation àl’empathie, PUR, 2015.

    Incontestablement, les enseignants qui réussissent le mieux sontceux qui mettent en place une éthique en actes et qui l’incarnent15.La relation pédagogique peut se définir alors comme l’ensemble desphénomènes d'échanges, d'influences réciproques, d'actions et deréactions entre enseignants et enseignés. Elle est une interactionsociale s'inscrivant dans la vie personnelle de chacun des partici-pants16. C’est l’ensemble des attitudes et des pratiques mises enœuvre dans une situation d’enseignement en vue de faire acquérir unsavoir. La relation pédagogique n’est pas unilatérale mais supposedes interactions entre l’enseignant et les élèves. Par définition, elleest en mouvement.

    S’intéresser à la dimension relationnelle et à ses interactions dansla pédagogie, c’est se questionner sur l’ensemble de ses compo-santes dont les aspects corporels et émotionnels ne peuvent pas êtreexclus. À l’école, comme dans tout espace de vie collective, les corpsparlent et les émotions y bouillonnent, souvent débordent chez lesélèves comme chez les adultes. La raison serait alors une garantiecontre l’illusion, y compris dans nos choix pédagogiques, ultime rem-part contre un investissement émotionnel dévorant. Enseigner l’intel-ligence abstraite est une bonne chose mais il ne faut pas oublier lesintelligences sensorielles, car l’élève est certes un esprit, mais il estégalement un corps habité et mû par des émotions17.

    Tout comme pour la nature des liens entre instruction et éducation,le corps des élèves et le corps de l’enseignant ne peuvent pas êtreséparés. Ils participent d’un même « écosystème » (la classe), où lesémotions affleurent en permanence, quand elles n’y prennent pastotalement le pas. Et, comme le précisent de récentes recherches

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    http://neo.ens-lyon.fr/neohttp://neo.ens-lyon.fr/neo

  • 18. La conscience disciplinaire est la manière dont les acteurs sociaux, etplus particulièrement les acteurs scolaires, (re)construisent les disciplines.Nous faisons référence aux travaux de Dominique Lahanier-Reuter et YvesReuter, université Lille 3, laboratoire Théophile-CIREL (Centre Interuniversi-taire de recherche en éducation de Lille). Nous reviendrons par la suite surle contenu de leurs travaux (« Mathématiques : reconstruction et émotionsassociées » et « Français : reconstruction et émotions associées »). Cohen-Azria C., Lahanier-Reuter D., Reuter Y. (dir.), Conscience disciplinaire. Lesreprésentations des disciplines à la fin de l’école primaire, PUR, 2013. ReuterY., « La conscience disciplinaire. Présentation d’un concept », in Éducationet didactique, vol. 1, n°2, 2007, p. 57-71. Reuter Y., « L’importance du vécudes matières pour comprendre vécu et décrochage scolaire », in Dugas E.,Ferréol G. (dir.), Oser l’autre. Altérités et éducabilité dans la France contem-poraine, Éditions Intercommunications, 2015, p. 135-148. Reuter Y. (dir.),« Vécu des disciplines scolaires et décrochage », rapport de recherche remisà la sauvegarde du Nord et à Madame la sénatrice Marie-Christine Blandin,2016.19. Reuter Y. (dir.), Vivre les discipline scolaires. Vécu disciplinaire et décro-chage à l’école, ESF, juin 2016.20. Propos recueillis lors d’une conférence tenue à l’institut français del’éducation, Lyon, 26 janvier 2016.

    portant les concepts de « conscience disciplinaire18 » et de « vécudisciplinaire19 », le danger serait de ne pas les reconnaître. La« conscience disciplinaire » peut se définir comme les représenta-tions que les acteurs se font des disciplines ; le « vécu disciplinaire »désigne la manière dont les acteurs vivent les disciplines scolaires.« Il s’agit, au travers de ce concept de vécu disciplinaire, de com-prendre les manières dont les élèves existent dans ces espacesd’enseignement et d’apprentissages disciplinaires : ce qu’ils res-sentent, comment ils s’y positionnent… que ce soit sous formed’investissement ou de distance, de bien-être ou de mal-être, de plai-sir ou de souffrance, d’ennui ou d’intérêt, de valorisation ou de dépré-ciation20… ». Si nous interrogeons les acteurs de l’école sur ce qu’estpour eux la discipline « français », il est probable que très majoritai-rement ils vous répondent « grammaire, orthographe, conjugaison ».Mais si vous leur demandez quel souvenir négatif ou positif ils ont decette même discipline, ce qui reste, ils feront appel au souvenir d’un

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  • 21. Héritier F., Le goût des mots, Odile Jacob, 2012.22. Zanna O., « Le rituel du passage au tableau », in Dugas, E., Violencesscolaires d’aujourd’hui en question, L’Harmattan, 2018, p. 131-146.23. La notion d'espace vécu a été créée et expliquée par Armand Frémontdans La région, espace vécu, paru en 1972. Elle s'inscrit dans le tournantculturel qu'a pris la géographie dans les années 1970 en s'ouvrant auxsciences humaines et sociales comme la sociologie, l'anthropologie et lapsychologie. Le terme d'espace vécu définit le territoire comme espaceapproprié par un sujet.24. Tout au moins dans le début de leur scolarité car, par la suite, les choseschangent au gré de l’importance de l’intensité, de l’intégration, de l’intériori-sation puis de l’incorporation d’un « vécu disciplinaire » et/ou d’un « vécuscolaire » plus ou moins négatif.

    texte qui les a marqués, du « goût des mots21 », d’une expériencesensible comme une pratique théâtrale, ou le passage au tableau22

    ou du « rituel » souvent plus douloureux de la dictée : « de toute façon,j’ai toujours été nul en orthographe et j’ai toujours eu zéro, c’étaitl’horreur ».

    Retenons l’idée, pour le moment, que la qualité même de l’appren-tissage d’une discipline comme les mathématiques ne peut pass’affranchir du rapport émotionnel entretenu avec elle. Tout commeen géographie, où « espace physique » et « espace vécu23 » nepeuvent pas être appréhendés séparément, apprentissages et vécusémotionnels des disciplines à l’école participent également d’un seulet même processus. C’est pourquoi il est nécessaire d’inviter lesélèves à « habiter » corporellement, pleinement et sereinementl’école.

    Il suffit d’écouter les élèves pour se rendre compte à quel pointl’école représente leur « seconde maison », comment elle leur estfamilière, combien les relations avec leurs enseignants et leurs cama-rades comptent24. Ne sont-ils pas finalement les vrais indigènes de

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    https://fr.wikipedia.org/wiki/Armand_Fr%C3%A9mont