un peu de musique

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Texto de teatro, representante do Teatro do Grand Guignol

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    Cronier, GastonUn peu de musique

    PQ2605R775K4

  • ASTON CRONIF.-.

    n peu de MusiquePICE EN UN ACTE

    Tire de la Nouvelle d'Eugne Fourrier

    'prsente pour la premire fois le 23 Octobre 1905,

    au Thtre du Grand Guignol, Paris

    PARIS

    JOUBERT, diteur25, Rce d'Hauteville, 25

    Tous droits rservs pour tous pays

    Socit Dramatique

  • UN PEU DE MUSIQUE

  • rGASTON CRONIER

    Un peu de MusiquePICE EN UN ACTE

    Tire de la Nouvelle d'Eugne Fourrier

    Reprsente pour la premire fois le 23 Octobre 1905,au Thtre du Grand- Guignol, Paris

    7$

    PARIS

    C. JOUBERT, diteur25, Rue d'Halteville, 25

    Tous droits rservs pour tous pays

    Socit Dramatique

  • PERSONNAGES

    DE BREZIEUX MM. R. Bussy.ROBILLET Tunc.MAXESTOWN Brizard .JULOT Wbbnbt.LE MARQUIS Jobert.

  • DCORUne pice mi-salon mi-cabinet de travail.Au fond, porte d'entre ; ct, une fen-tre doubles rideaux devant laquelle estplac le piano. A droite, petite porte verrou. Quelques toiles au mur. A gauchebureau-secrtaire. Sur la chemine, pen-dule, objets d'art Devant le piano, tablesur laquelle est pos un violon. Canap gauche.

    ^^^

  • UN PEU DE MCSICCE

    SCNE PREMIRE

    Au lever du rideau, Robillet, assis au pia-no, improvise. On sonne.

    robillet, continuant jouer

    Zut ! (Pais il se lve, vient la table, co-pie quelques notes et retourne au piano.

    Nouveau coup de sonnette).

    Zut ! (Il joue quelques mesures d'un airnssez entranant. On sonne plusieurs fois desuite. Il se lve et va ouvrir). Encore ! Quiest-ce qui peut bien venir aujourd'hui ?...La femme de mnage n'est pas l, naturel-lement, c'est jeudi... Bien plus agrablequ'une bonne, une femme de mnage, bienmoins encombrant, seulement il faut fairela bonne soi-mme.

    de brzieux, derrire la porte

    Monsieur Robillet?

    ROBILLET

    C'est moi, monsieur. Vous dsirez?...

    de brzieux, il entre, trs correctAurez-vous, monsieur Robillet, l'extr-

    me bont de m'excuser si je m'introduischez vous sans m'tre fait annoncer ? Je

    suis votre voisin, j'habite l, ct. De-

  • 8

    puis plusieurs mois, je vous entends fr-quemment faire de la musique, et je nesaurais vous dire quel plaisir vous mecausez. Etant moi-mme enrag mlo-mane, j'avais le plus ardent dsir de fairevotre connaissance. J'ai su par des voisins,par le concierge, qui vous tiez, c'est--dire un vritable artiste...

    ROBILLET

    Oh I monsieur... (Il dsigne une chaise)asseyez-vous, je vous prie... (De Brzieuxs'assied sur la chaise, Robillel sur le cana-

    p).DE BRZIEUX

    Merci, monsieur... Mais je n'osais, vousle comprenez, me prsenter moi-mme,bien qu'en grillant d'envie. Enfin, tout l'heure, -je n'ai pu y tenir. Vous veniez dejouer avec tant d'me, tant de sentimentet tant de...

    robillet, interrompant

    Vous tes trop aimable, monsieur... Mais qui ai-je l'honneur?... (Il se lve).

    de brzieux, se lve, il tire une carte

    Comte Armand de Brzieux, des Br-zieux-Fortissac... Oui, la branche ane...Le nom ne vous est peut-tre pas inconnu?Un de mes grands oncles fit partie de laChambre introuvable.

  • robillet, ayant l'uir de se souvenir

    Mais... il me semble, en effet;.. (Il indi-que le canap). Mais veuillez donc vous as-seoir, monsieur (De Brzieux s'assied surle canap, Robillet sur la chaise).

    DE BRZIEUXJe vous remercie, monsieur... Je suis ?e

    dernier descendant de la famille (Mlan-colique) dont la destine fut tragique...Mais je ne suis pas venu pour vous en-nuyer avec mon histoire... Je vous disaisdonc que vous ayant entendu jouer tout l'heure... N'tait-ce point du Mendelssohn?

    ROBILLET

    Non, c'est du Robillet.

    DE BRZIEUXPlat-il?

    ROBILLET

    Du Robillet.

    .

    DE BRZIEUXDu Robillet?

    ROBILLET

    Oui... De moi.

    DE BRZIEUXAh ! Excusez-moi, monsieur, je vous en

    prie... J'aurais d me douter... J'ai cruque c'tait de Mendelssohn... Mais quel

    pote vous tes, monsieur, et quel musi-

    cien !...

  • 10

    robillet, modeste

    J'aime la musique !

    DE BREZIEUX

    Nous avons les mmes gots.

    robillet, avec une nuance d'inquitude.

    Vous tes compositeur?

    DE BREZIEUX

    Non, je joue seulement un peu de vio-loncelle, voil tout. Plus tard, quand nous^nous connatrons mieux, je serai trs heu-reux, si vous le permettez, de faire un peude musique avec vous.

    ROBILLET

    Mais certainement. J'ai quelques amisqui se runissent ici toutes les semaines. Jepourrai vous prsenter eux. Nous avonsdes petites soires assez gentilles.

    de brzieux, se levant

    Je vous remercie infiniment, monsieur,rien ne saurait m'tre plus agrable.Tiens ! vous avez un joli piano. (Il va aupiano et fait une gamme ascendante). Ilest excellent... Ah ! c'est un Erard, dia-ble ! Tous mes compliments !

    robillet

    Il est trs bon, oui.

    (Il fait une gamme descendante).

  • il

    DE BREZIEUX

    C'est un instrument de grande valeur.

    ROBILLET

    Dame I Un Erard, vous savez...

    DE BRZIEUX

    Je crois bien. (Il revient vers la table).Quant au violon, vous en jouez d'une fa-on admirable.

    ROBILLET

    C'est beaucoup dire. J'ai un certain ta-lent d'amateur, voil tout.

    DE BRZIEUX

    Non, non, je n'exagre pas. Il y a long-temps que je vous coute sans que vous,vous en doutiez. Eh bien, je vous assureque j'ai rarement entendu un jeu aussi ex-pressif que le vtre.

    robillet, flatt

    Vous tes trop indulgent.

    DE BRZIEUX

    Vraiment, je prtends m'y connatrequelque peu, et je vous le dis comme je lepense. Vous sentez d'une faon intense.En art, tout est l... Et vous avez un vio~Ion qui rend des sons merveilleux.

  • 12

    robillet, montrant le violon De Brzieux

    Ah ! quant cela, il est excellent : c'estun Amati.

    DE BRZIEUXPas possible ! (Il examine le violon).

    ROBILLET

    Ils sont devenus trs rares, comme vousle savez, sans doute.

    DE BRZIEUXTrs rares, je le crois bien. C'est un vio-

    lon qui peut valoir... peut-tre... je ne saispas...

    ROBILLET

    Sans exagration, on peut l'estimer troismille francs...

    de brzieux, posant le violon sur la table

    Gela ne m'tonne pas, pas du tout ID'ailleurs, il est facile de voir, rien qu'enjetant un coup d'il.sur votre intrieur,que vous tes, comme je le disais, un vri-table artiste. Vous n'avez que des toiles etdes bibelots de valeur... Ce paysage-l res-semble un... Ah I mon Dieu, le nomm'chappe ?

    ROBILLETA un Corot?

    DE BRZIEUXJustement, un Corot... Excusez-moi,

    la mmoire me fait parfois dfaut ; c'est

  • 13

    une consquence des douloureux vne-ments... Enfin, ne parlons pas de cela...

    Oui, ce paysage ressemble s'y mprendre un Corot.

    ROBILLET

    Ce n'en est pas un, malheureusement.Je vous l'avoue, je me suis fait rouler dansles grands prix.

    DE BREZIEUX

    Oh ! cela arrive au plus fin connaisseur.

    ROBILLET

    N'est-ce pas ? Mais tenez, voici un Guardique je crois authentique.... bien qu'il y aitle mme au muse du Louvre.

    DE BRZIEUX

    Au muse du Louvre ? Oh ! alors il n ?ya pas de doute : c'est celui du muse quiest faux.

    ROBILLET

    C'est probable 1(Ils rient)

    DE BRZIEUXVous avez aussi une bien jolie pendule ?

    ROBILLET

    Oui, elle est Louis XVI, de la belle po-que. J'en ai dj refus quinze cents francs.

  • 14

    DE BRZIEUXJe le rpte, vous tes un vritable ar-

    tiste.

    ROBILLET

    J'aime ce qui est beau.

    DE BRZIEUXMoi aussi. Je suis bien heureux d'avoir

    fait votre connaissance. Dites-moi, ce que

    vous jouiez tout l'heure...

    ROBILLET

    C'est de moi...

    DE BRZIEUXOui, je sais... mais a s'appelle ?...

    ROBILLET

    C'est un chant d'amour : Des lvresaux pieds.

    DE BRZIEUX Aux pieds ... Quel joli titre !

    ROBILLET

    N'est-ce pas ?

    DE BRZIEUXOh ! trs joli... Si j'osais... je vous de-

    manderais de me le jouer... pour moi seul.

    ROBILLET

    Mais avec le plus grand plaisir. (Il va aupiano.) A part. C'est peut-tre un diteur?

  • 15

    (Pendant que Robillet joue, de Brzieux,d'abord attentif, devient trs mu. Il tireson mouchoir, puis se jette sur le canap

  • 16

    sympathie est un sentiment instinctif, quine se commande pas et je me sens pourvous une relle sympathie. (Il serre la mainde Robillet et la secoue plusieurs reprises).Gela fait du bien de pouvoir se confier une crature intelligente, artiste, capablede vous comprendre. L'art console sansdoute, vous le savez, monsieur, mais il ya des drames que rien ne peut faire oublier.Positivement j'en ai t fou.

    robijxet

    Je ne voudrais pas raviver en vous dessouvenirs pnibles...

    de bbzieux, s' animant

    Cela me soulage vraiment, je vous as-sure... J'avais vingt-deux ans, monsieur...Possesseur d'un beau nom et d'une joliefortune, je frquentais dans le monde leplus lgant. C'est ainsi que je me liai avecles Gaufreville, vieille famille originaire

    du Poitou, mais qui habitait alors un ch-teau aux environs de Paris. Le marquis deGaufreville tait le pre de deux filles ravis-santes, Clarisse et Denise. Attir, puis s-duit par leur grce et leur beaut, je re-vins souvent, je devins un ami de la mai-son. Que vous dirai-je, monsieur. Un jour...(Il s'assied) je m'aperus que je les aimaistoutes les deux I Que faire ? C'tait l unesituation embarrassante, n'est-ce pas ?

  • 17

    ROBILLET

    En effet, comment ftes-vous ?

    DE BREZIEUX

    Vous allez voir. Une grande intimit r-gnait entre les jeunes filles et moi. Et voiciqu' leur tour, monsieur, toutes deux de-vinrent amoureuses de moi I Je m'en ren-dais bien compte. Mais pendant longtemps,je me sentis incapable de la moindre pr-frence. Je ne pouvais cependant pas les-pouser toutes les deux... Vous l'avouerai-je, monsieur, c'et t mon dsir.

    ROBILLET

    Pour la beaut du fait, on et d vous yautoriser.

    DE BRZIEUXAprs des hsitations interminables, je

    me dcidai pour Denise, la cadette. Je lademandai en mariage ; ma demande futagre. La douleur de Clarisse fut im-mense. Elle sut dissimuler, mais, ds lors^elle voua sa sur une haine sauvage. Lemariage fut clbr. Clarisse fut stoque.Elle feignit l'indiffrence, mais son visagetait plus blanc que la robe blanche de mafemme, ce point que mon bonheur en futd'abord troubl. Je partis pour l'Italie avec-ma chre Denise. Je passai l, monsieur,les heures les plus heureuses de ma vie.Nos jours taient une suite d'enchante-ments ininterrompus...

  • 1

    ROBILLET

    Vous ne regrettiez pas Clarisse ?

    DE BREZIEUX

    Ma foi, non. J'tais tellement absorbdans mon bonheur ! Ma femme m'adorait.Je l'adorais. Hlas ! (Il s'essuie le front)

    ROBILLET

    Je crains que ce rcit ne vous fatigue.

    de brzieux, se levant vivement

    Non, monsieur, je vous assure, cela mesoulage... J'tais donc parfaitement heu-reux. Au bout de quatre ou cinq mois,nous revnmes en France. Clarisse nous fitle meilleur accueil. Je pensai qu'elle avaitoubli, et je me rassurai. (Il s'assied devantla table). A quelque temps de l, la santde ma femme s'altra. Elle prouvait desmalaises indfinissables, maux de tte,douleurs d'estomac. Elle s'affaiblissait. Soncaractre, autrefois si gal, tait devenubizarre, fantasque. Un vieux mdecin,ami de la famille, venait la voir tous lesjours. Il me regardait de faon trange, ilme posait des questions extraordinaires.J'tais tent de croire qu'il radotait. Bref,l'tat de ma femme empirait. Elle s'alita.Sa sur ne quittait plus son chevet et t-moignait d'un dvouement sans bornes...Un soir, pendant une absence de Clarisse,ma femme m'appela et, d'une voix faible :

  • 10

    i< Armand, Armand, me dit-elle, je suisperdue, je meurs empoisonne par masur. Je l'ai vue la nuit dernire, elle me

    croyait endormie, je l'ai vue me verser lepoison. Elle tait jalouse de mon bonheur,elle veut devenir ta femme. Jure-moi quetu ne l'pouseras jamais. Je le lui jurai,comme vous le pensez, puis, quelques,

    heures aprs, elle expira.

    ROBILLET

    Je vous plains. Et alors ?

    de brzieux, se levant

    Alors, monsieur, quand Clarisse entra,je la pris par le cou, me retenant pour nepas l'trangler, et la tranant prs du lit deDenise, je la forai regarder le cadavre. Misrable, lui criai-je, contemplez votreouvrage : je sais tout ! Elle se jeta mesgenoux, confessa son crime, le rejeta toutentier sur son amour pour moi : Je nevous livrerai pas la justice, lui dis-je, carje ne veux pas dshonorer une famille quia t jusqu'ici digne de tous les respects.Quant vous, vous allez disparatre ou jevous tue !

    (Il retombe sur sa chaise en sanglotant).

    ROBILLET

    Remettez-vous, monsieur, je vous enprie.

  • 20

    de brzieux, plus calme

    Je vous demande pardon... Clarisse me*rpondit : Je disparatrai, je vous le pro-mets, je disparatrai pour toujours. Deux:jours plus tard, monsieur, on la trouvaitmorte dans son lit. Elle s'tait empoison-ne.

    ROBILLET

    C'est affreux !

    DE BRZIEUX

    Oh ! ce n'est pas fini... Les deux sursme laissaient tous leurs biens. Clarisse

    morte, l'horrible secret n'tait plus connu

    que de moi seul. J'esprais que tout taittermin. (Il se lve) Ah ! j'avais comptsans le vieux docteur i Au retour du cime-tire (Il jrappe sur le piano) il me frappasur l'paule : Tous mes compliments,,monsieur le comte, me dit-il avec calme,vous savez manier le poison. Interloqu,je rpondis : Mais que signifient vos pa-roles? Elles signifient, rpliqua le m-decin, que votre procs fera quelque bruit.Mes pressentiments sont maintenant con-firms. D'ailleurs, vous allez un peu vite.

    Clarisse morte deux jours aprs sa sur... Je criai, je hurlai : Mais c'est fou, vousm'accusez, moi, moi ! Vous, dit le doc-teur toujours avec le mme flegme. Il estinutile de nier : j'ai analys le poison quivous a servi, n De nouveau, je m'criai "r

  • 21

    Mais vous tes fou I Dans quel but au-rais-je empoisonn ma femme, que j'ado-rais ! Vous me forcez vous livrer un se-cret que j'aurais voulu garder seul : l'em-poisonneuse, c'tait Clarisse, et... Con-nu, dit le docteur, avec un sourire sardoni-

    que. Clarisse ne protestera pas maintenant.Au surplus, les tribunaux apprcieront, lesmagistrats rechercheront qui le crimepouvait profiter. Car, si dans vingt-quatreheures, vous ne vous tes pas fait sauter la

    cervelle, je vous dnonce la justice !...{En causant, de Brzieux est pass der-

    rire le piano, puis s'est avanc, Robilleta recul au fur et mesure).

    ROBILLET

    C'est pouvantable !

    DE BRZIEUXComprenez-vous toute l'horreur de ma

    situation ? Accus du plus abominable descrimes, il m'tait impossible de prouvermon innocence. Le docteur tait sr de sonfait, et toutes les apparences taient contremoi. Personne ne voudrait croire ce quitait la vrit. C'tait effrayant, c'tait

    atroce, c'tait devenir fou ! J'tais perdu.,.

    (Il se laisse tomber sur une chaise).

    ROBILLET

    Alors ?

  • 22

    de brzieux, se levant brusquement

    Alors, monsieur, la crainte du scandale.le cauchemar terrible dans lequel je medbattais, m'inspirrent une rsolution in-sense : Oui, dis-je au docteur, oui, jesuis coupable. Mais je ne veux pas que mahonte rejaillisse sur deux familles honora-bles. Je disparatrai. Je vous demande seu-lement le temps de mettre mes affaires enordre. Soit, dit-il, je vois que tout bonsentiment n'est pas teint en vous. A celtecondition, je ne parlerai pas. Il est n-cessaire, repris-je, que je me rende maproprit d'Indre-et-Loire pour y prendreceitaines dispositions. Je vous accom-

    pagnerai, rpondit le mdecin. Nous par-tmes ensemble. La nuit tait tombe lors-que le train arriva la petite station onous devions descendre. Le vieux mdecins'tait moiti endormi. Lorsque le trainralentit sa marche, j'ouvris soudain la por-tire, et de toutes mes forces, je prcipitaile docteur sur la voie ! Ce que j'avais es-pr arriva. Il tomba sous les roues et futcras, broy. J'appelai du secours, onvint. Je dclarai qu'il avait voulu descen-dre avant que le train ft arrt. On crut un accident, personne ne me souponna,.l'tais sauv !... (Pendant ce rcit, de Brc-zieux marche de nouveau sur Robillot quirecule et passe derrire le canap). Mais,monsieur, tant d'motions avaient branl

  • 23

    ma pauvre tte ! Je devins fou, monsieur rmais... fou lier ! On m'enferma, puis...je guris. Je quittai la Franee. J'avais htede fuir Paris et tout ce qui me rappelaitma lugubre histoire. Je ne pouvais plusvivre ici ; il me semblait que j'allais trede nouveau souponn, arrt. La nuit j'a-vais des cauchemars atroces : sans cesse, jevoyais l, devant moi, le cadavre du vieuxdocteur, une bouillie sanglante qui pre-nait corps, se levait, venait moi, mecriait : Assassin, assassin ! Pendant...prs de vingt ans, je voyageai, je visitail'Europe, je partis en Amrique, parcou-rant les villes sans m'arrter, avec cettecrainte angoissante de laisser deviner monsecret... Puis, avec les annes, ma terreurdiminua

    ; peu peu l'horrible vision s'ef-faait, disparaissait. Je revins Paris. Lesparents de ma femme taient morts depuislongtemps

    ;j'tais tellement chang que

    personne ne me reconnut... Et, s'il m'estimpossible d'oublier le pass, j'ai du moinsla certitude d'tre seul le connatre. Per-sonne ne connat mon secret, personne nepeut me trahir, per... (Il s'arrte et regardefixement Robillet) mais... si... mais si...mais vous !

    robillet, effrayQuoi ?

    DE BRZIEUXMais vous le connaissez !

  • 24

    ROBILLET.

    Quoi donc ?DE BRZIEUX

    Mon secret I

    ROBILLET

    Mais je ne vous ai rien demand, moi I

    DE BRZIEUXVous pouvez me trahir I

    ROBILLET

    Mais, monsieur, je vous prie de sortir !

    DE BRZIEUXAh ! tu veux me trahir 1 attends un peu,

    misrable, je vais te supprimer, toi aussi,je vais te faire passer par la portire I

    (Il marche sur Robillet. Pendant qu'ilpasse derrire le canap, Robillet se rfu-gie derrire le piano).

    robillet, en courant

    C'est un fou ! C'est un fou furieux I Ausecours, au secours !

    88NI II(La porte s'ouvre. Entre un monsieur en

    redingote, chapeau haute-forme, dcord'un ordre tranger. Derrire lui, deuxhommes en blause, coiffs de casquettes).

  • 25

    MAXESTOWN

    h ! le voil ! (Aux deux hommes). Em-parez-vous de lui ! (Pendant que les deuxhommes maintiennent de Brzieux, Maxes-town s'avance vers Robillet qui se tient Vautre bout de la scne, tremblant encored'motion).

    maxestown, lger accent tranger

    Mille pardons, monsieur, je suis le doc-leur Maxestown, directeur de la maison desant de la Muette. Un de mes pension-naires s'est vad, et...

    robillet, vivement

    Oui, oui, c'est lui... ah I vous pouvezl'emporter... Il n'est pas gai !

    MAXESTOWN

    D'aprs les renseignements que j'ai re-cueillis, je pensais bien le trouver dans vo-tre maison.

    ROBILLET

    Vous arrivez propos. Il voulait me je-ter par la fentre.

    MAXESTOWN

    C'est sa manie... C'est le comte de Br-zieux, un malheureux qui a perdu la rai-son la suite de la mort de sa femme,qu'il adorait.

    ROBILLET -

    Oui, oui... h ! il m'en a racont !

  • 26

    MAXESTOWN

    11 se ligure qu'elle a t empoisonne.>*ous allons vous en dbarrasser, mes aideset moi. Je vous demande bien pardon detout le drangement que nous vous occa-sionnons.

    ROBILLET

    Mais faites donc !

    de brlzieux, cherchant se dbarrasserdes aides

    Laissez-moi, laissez-moi !... Docteur,

    cet homme veut me dnoncer, il faut queje le tue. Laissez-moi, je vous dis que jeveux le tuer I

    MAXESTOWN

    Il va avoir un accs. Votre prsence l'ir-Tite, monsieur. Seriez-vous assez aimablepour vous cacher, pendant que nous allonsl'emmener?

    ROBILLET

    Mais trs volontiers. Dans ce cabinet, sivous voulez?...

    MAXESTOWN

    C'est cela. (Il pousse Robillet dans le ca-binet et referme la porte). Merci et pardonencore une fois. (A mi-voix s'adressant auxirois hommes). Allez ! (Haut, tout en reti-rant sa redingote et son chapeau). Et main-tenant, du calme, voyons, monsieur lecomte, du calme I

  • 27

    SCNE III

    (Maxestown apparat en maillot, les brasnus et orns de tatouages. Un trousseau dejausses cls accroch au cou. De Brzieuxa retir galement sa redingote. Pendantque Maxestown ouvre le secrtaire et fouil-le dans les tiroirs, de Brzieux et les aidesdbarrassent la table et ouvrent le pianodans lequel ils introduisent la pendule etles objets d'art.

    de brzieux, demi-voix Julot qui tientla pendule

    Doucement, Julot, vas-y dlicatement.Faut emballer a sans le chahuter. Le fr-re en a refus quinze cents balles ! (Ilmonte sur un fauteuil et coupe les cordonsqui attachent un des tableaux).

    JULOT

    Oh ! alors, je vas l'emmailloter comme.un nouveau-n.

    (Julot et le Marquis font un ballot desjlambeaux, des bronzes qu'ils enveloppentdans le tapis de table, et qu'ils sortent).

    maxestown, tire du secrtaire unportefeuille, et Vouvre

    T a du bon ! (Il montre des billets deIbanque). Des fafots !

  • 28

    JULT et LE MARQUIS

    Des fafots !

    LE MARQUIS

    Fais voir, qu'on les reluque !

    MAXESTOWN

    Allez, allez, grouillez-vous, c'est pas lemoment de partager le barbot.

    de rrzieux, montrant la porte du cabinet

    Tu entends?

    maxestown, va jusqu' la porte, coutant

    Y a pas d' pet I (Haut). Allons, mon-sieur le comte, du calme I

    DE BRZIEUX, haut

    Laissez-moi I Je veux le tuer I (Plus bas rmontrant le Guardi). Toi qui est connais-seur, penses-tu que ce soit un Guardi...C'est a qu'il m'a dit?

    MAXESTOWN

    Un Guardi, oui.

    DE BRZIEUX

    C'en est un? (Il le passe Maxestown).Enlevez le Guardi !

  • 29

    M WESTOWN

    a y ressemble. (Haut) Attachez-le, atta-chez-le, puisqu'il ne veut pas descendretout seul !

    (Julot et le Marquis tirent des courroiesde dessous leurs blouses et attachent lepiano. De Brzieux enlve les tentures quiencadrent la fentre en soulevant la trin-gle qui les supporte et que Maxestownmanque de recevoir sur la tte).

    MAXESTOWN

    Chameau ! (Haut). La camisole I Mettez-lui la camisole de force !

    (Il sort les tentures et les tableaux dcro-chs, puis se met en devoir de dcrocherle faux Corot).

    de brzieux, haut, enlevant une autre

    toile

    Non, pas la camisole de force I (Plusbas). Laisse celui-l, mon vieux, il estfaux.

    MAXESTOWN

    11 est faux? (Il laisse le tableau et se re-

    tourne vers Julot et le marquis qui empor-tent le piano).

    De l'ensemble, hein, les dmnageurs?

  • 30

    Lchez pas le garde-meubles dans l'esca-lier.

    (Le Marquis soulve le piano trop brus-quement. Julot le laisse retomber).

    JULOT

    Ah ! qu'est-ce qu'il m'a mis 1 (Ils sor-tent).

    MAXESTOWN

    C'est bon, c'est bon. Allez. (Haut). Ducalme, voyons, monsieur le comte. C'estl'affaire d'une minute.

    DE BRZIEUX, kailt

    Lchez-moi, lchez-moi ! (Plus bas). Maredingote? Os qu'est ma redingote?

    (De. Brzieux et Maxestown remettentleurs redingotes et leurs chapeaux. De Br-zieux 7net le violon dans son tui et rem-porte).

    DE BRZIEUX, haut

    Non, pas la camisole ! je vous dis que jen'en veux pas !

    MAXESTOWN, haut

    Allons, monsieur le comte, laisscz-vous-faire !

    (Ils sortent).

  • 31

    SONE IV

    ROBILLET, derrire la porte

    Docteur ! Docteur !... Comment ! ils.sont partis? Docteur I (Il pousse la porte

    brusquement, butte dans une chaise)^Ah ! mon piano ! ma pendule I mon secr-taire ouvert !... Mais je suis cambriol tMes tableaux... Ah ! les chameaux ! Ils ne-m'ont laiss que mon faux Corot !

    RIDEAU

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    UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY

    Cronier, Gaston

    2605 Un peu de musique