théophile gautier, une vie, une œuvreby claude-marie senninger

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Théophile Gautier, une vie, une œuvre by Claude-Marie Senninger Review by: Ilse Hempel Lipschutz Nineteenth-Century French Studies, Vol. 26, No. 1/2 (Fall—Winter 1997-1998), pp. 229-234 Published by: University of Nebraska Press Stable URL: http://www.jstor.org/stable/23537047 . Accessed: 13/06/2014 05:53 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . University of Nebraska Press is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Nineteenth-Century French Studies. http://www.jstor.org This content downloaded from 91.229.229.49 on Fri, 13 Jun 2014 05:53:10 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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Théophile Gautier, une vie, une œuvre by Claude-Marie SenningerReview by: Ilse Hempel LipschutzNineteenth-Century French Studies, Vol. 26, No. 1/2 (Fall—Winter 1997-1998), pp. 229-234Published by: University of Nebraska PressStable URL: http://www.jstor.org/stable/23537047 .

Accessed: 13/06/2014 05:53

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In terms of his literary production, the main new works that he wrote from 1868 to 1871 include his Rapport sur les progrès de la poésie, La Nature chez elle, the travel articles that would constitute Vacances de lundi, the travel articles of a trip to Venice, those of his trip to

Egypt for the inauguration of the Isthmus Canal, the articles of the Tableaux de siège, as well as a few poems, most notably the poem "Aux mânes de l'Empereur" whose origin he ex

plains in letter 4247, and many critical articles. Of La Nature chez elle, Gautier writes, echo

ing interestingly what he had said about his very first publication, the Poésies, which had

made their appearance with the Trois Glorieuses of 1830, that "persone n'en a dit un mot. Le vilain rouge sang de boeuf de la démagogie a éteint ces modestes violettes" (11: ltr.

4390). He received many letters of recognition from poets, notably from Hugo (10: ltr. 4033; see also 11: ltrs. 4391 & 4398) and from Banville (10: ltr. 4037), about whom he had written in the Rapport. Baudelaire's mother writes touchingly to thank Gautier for the introduction he provided to a posthumous edition of Les Fleurs du Mal: "je viens à vous, Monsieur, ami tendre et dévoué de mon fils, je viens vous dire que je suis pénétrée de reconnaissance de ce que vous faites pour sa mémoire" (10: ltr. 3965). It is evident, both from the letters them selves and from the informative citations given in the editorial notes and especially in the volumes' extremely helpful "Index des correspondants" that Gautier was, indeed, very generous and very loyal to his colleagues; in many cases considerably more generous and

loyal than they were to him.

As in the other volumes of the Correspondance générale, the notes and biographical in

formation provided by the editors are most valuable and, while there are occasional cross reference errors and places where more precise notations might be desirable, especially for the general or non-dix-neuviémiste reader, a little investigative searching through the vol

umes, especially through the "Index des correspondants," will usually yield the necessary information. Of particular value in terms of Gautier's critical acumen are the substantial

quotations cited from his reviews of Puvis de Chavannes (10: 78-79), and of Wagner's Rienzi (10. 302-03); from the necrological article he wrote in honor of Berlioz (10: 291-92); and from his review of the Salon of 1868 in which he again attempts to deal with the French realists: "Les scrupuleux se demandent... si vraiment l'on peut comprendre autre chose en art que les oeuvres de la génération dont on est contemporain, c'est-à-dire avec

laquelle on a eu vingt ans. Il est probable que les tableaux de Courbet, Manet, Monet et tutti quanti renferment des beautés qui nous échappent, à nous autres anciennes chevelures romantiques déjà mêlées de fils d'argent, et qui sont particulièrement sensibles aux jeunes gens à vestons courts et à chapeaux écimés" (10: 140). A rare person indeed, at once scrupulously tolerant and honest, who knows and admits to the limits of his point of view!

College of the Holy Cross Constance Gosselin Schick Constance Gosselin Schick

Senninger, Claude-Marie, Théophile Gautier, une vie, une œuvre. Paris: CEDES, 1994. Pp. 586. ISBN 2-7181-1923-3.

I neopnue Gautier, une vie, une oeuvre par Uaude-Marie benninger est un livre dont 1 ap parence modeste est démentie par la richesse du contenu de ses 22 chapitres et 586 pages (524 de texte, 38 de notes, 15 d'index des noms propres cités, une bibliographie sommaire de 4). L'auteur nous offre ici une étude dense, fouillée, à la documentation rigoureuse et aux notes précises et sûres dont les travaux préparatoires s'échelonnent sur quelque trente années de travail assidu (11; dorénavant, ces chiffres parenthétiques se rapporteront au texte de Senninger).

La documentation d'abord:

Les sources auxquelles l'auteur a puisé—les bonnes, les rares, les irremplaçables—ont comme base le Fonds Théophile Gautier de la Collection Spoelberch de Lovenjoul à la Bi

bliothèque de l'Institut de France. Ce Fonds, une mine d'autographes et des versions origi nales d'articles et d'autres écrits publiés par Gautier, avait été réuni par un collectionneur

belge, le Vicomte Charles Spoelberch de Lovenjoul, qui avait encore pu consulter Gautier

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lui-même en juin 1871 (514; Lovenjoul est aussi l'auteur de l'ouvrage essentiel sur Gautier, Histoire des Œuvres de Théophile Gautier, 2 vols, Paris: Charpentier, 1887).

Senninger a dépouillé systématiquement cette accumulation d'autographes dont la

pièce de résistance est formée par la collection de lettres écrites par Gautier, de celles que lui adressèrent sa famille, ses amis et, en plus grand nombre à mesure que son rôle de cri

tique de la vie artistique autant que quotidienne de Paris s'affermissait, les prières de toute

sorte de quémandeurs. (Cette Correspondance est en voie de publication grâce à l'équipe Pierre Laubriet/Claudine Lacoste et al., Genève: Droz, 1985-.)

Ce fonds comprend aussi toutes sortes de notes de la main de Gautier, des listes, des

pense-bêtes, des factures et des demandes d'avance de fonds, témoignages du menu de sa

vie quotidienne. En plus, il est riche en dessins et croquis, en impressions notées au vif lors

de ses visites à des expositions ou encore au cours de ses voyages. De valeur tout aussi grande que les autographes est ce que Lovenjoul avait appelé

"l'Œuvre complète" de Gautier, c'est-à-dire, sa collection des écrits de Gautier dans leur

version première, parus, épars, dans toutes sortes de journaux, périodiques, keepsakes et autres publications depuis un tout premier article, publié sous l'anonymat, "Un repas au

désert de l'Egypte", paru dans le Gastronome du jeudi, 24 mars 1831 (une momie y sert de

bûche!; 44) jusqu'au dernier, écrit de son vivant (qui constituera le chap. 12, "Hernani", de l'Histoire du Romantisme), publié dans le Bien public du 6 novembre 1872 (518) quinze jours après sa mort (522). Senninger a scruté de près cette masse encore largement inédite de

feuilletons et de comptes rendus de livres, de spectacles, de concerts et d'expositions, des

observations de Gautier—"flâneur des deux rives", de même que de ses récits de voyages en France et à l'étranger, des contes et romans, des œuvres dramatiques, des ballets et, bien

sûr, des poèmes. Les témoignages des contemporains de Gautier font aussi partie de l'appareil critique

de Senninger: Maxime Du Camp, George Sand, Charles Baudelaire, Gustave Flaubert, Al

phonse Karr, Arsène Houssaye, Gérard de Nerval, Victor Hugo, Edmond et Jules de Gon

court, Charles Augustin Sainte-Beuve, ou encore Marie Mattei, Delphine de Girardin, les différents membres de sa famille, parmi tant d'autres nous font connaître 'leur" Gautier à travers le prisme de leur correspondance ou de leurs souvenirs.

Les notes, toutes brèves qu'elles soient, renvoyant toujours à l'information essentielle, à la donnée première, permettent aux chercheurs de remonter la piste jusqu'à son origine et d'établir des jalons sûrs pour la poursuite de leur propre quête. Une critique, ou plutôt un

regret ici: je reste souvent sur ma faim et aurais aimé trouver des notes moins succinctes, afin de m'éclairer sur tant de points que Senninger semble si bien connaître ... et, pour être

goulue, j'y ajouterais un index des titres des œuvres mentionnées et, rêvons l'impos sible...un index thématique!

Et voilà quant à la documentation de cette étude qui constitue un outil de travail ines timable pour qui veut mieux connaître "la vie et l'œuvre" de Gautier.

Quant à la structure du livre, le choix n'était pas commode: comment naviguer dans

cet océan de détails sans faire naufrage? Senninger a opté pour une présentation rigoureu sement chronologique où le vécu quotidien avec ses multiples détails sert toujours à nous faire comprendre Gautier l'homme autant que l'écrivain et à le placer au milieu de ce XIXe siècle qu'il a vécu depuis la période napoléonienne jusqu'à celle qui a suivi la Commune et dont il nous a laissé un si riche panorama (n'oublions pas, toutefois, que Gautier n'était

guère un écrivain engagé sur le plan politique, 37,47,149, 258 .. ., 504 et al.). Ainsi l'on pourrait donner aux chapitres, en sous-titres, des dates embrassant une pé

riode précise, en général de deux à trois années consécutives, de la vie de Gautier. Les

chapitres 1 à 4 portent sur la prime jeunesse et "les années romantiques de Th. Gautier" et les chapitres 5 à 22 sur les années de maturité. Senninger nous y conte, toujours avec des

précisions documentées, la vie de Gautier depuis ses antécédents familiaux et sa naissance

(le 30 août 1811) jusqu'à sa mort, survenue "le 23 octobre 1872, à huit heures quarante-cinq du matin" (522).

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L'enfance de Théo fut choyée, son éducation toute en douceur, sans la contrainte de

l'école, il n'entra au lycée Charlemagne qu'en 1823, où il forma des amitiés qui resteront

toujours vives: Gérard de Nerval avant et par dessus tous, Auguste Maquet—le futur col

laborateur de Dumas, Eugène de Nully—"le confident, l'ami de cœur" (27, 334). L'au

tomne de 1828 voit le collégien se transformer en jeune rapin à l'atelier de Louis-Edouard

Rioult où le futur critique acquiert du métier, lie de nouvelles amitiés et se familiarise inti

mement avec le monde des arts. Puis viennent les années de Jeune-France (et de la bataille

d'Hernani!) et celles du joyeux compagnonnage de la Bohême du Doyenné.

Senninger nous présente aussi les premières des "dames du temps jadis" de Théo,

commençant avec la mystérieuse "Hélène au nom cher à Ronsard" de ses vacances d'en

fance à Mauperthuis et qui mourra entre deux étés (25). A Paris il y aura Lucile Damarin, libraire moins distante que ne le supposa tout d'abord notre jeune collégien qui fréquentait "la boutique accueillante" où elle régnait (29, 37); puis survint l'éphémère Cydalise (78),

peinte, chantée, aimée aussi par d'autres habitués du Doyenné mais, à son tour,

"languissante, elle meurt". Le tableau changera avec Victorine, "sultane orageuse" et vul

gaire dont les exigences pèseront sur Gautier pendant une dizaine d'années (84 et al.). Mais

voilà que notre jeune homme peu rangé rencontre une jeune fille de famille fort respec table, 'Ta bonne et charmante Eugénie Fort" (85), toutefois moins rangée qu'elle ne le parut:

Théophile-Charies-Marie, "fils de père et de mère non désignés", naît le 29 novembre 1836

(111)! Eugénie restera à jamais dévouée à ce "père non désigné", qui, d'ailleurs, le lui ren

dit—si à intermittences! Même encore en 1862 Eugénie maintiendra quelqu'espoir d'une

union légitime: Théophile "va parfois dîner chez elle et lui parle mariage" (421)! Dès ces jeunes amours et jusque au dernier, Carlotta Grisi, le vrai, le profond, Gautier

n'aimera jamais une seule femme à l'exclusion de—quelqu'(es) autre(s)! Même Carlotta-Gi

selle-Spirite ne lui fera abandonner sa sœur aînée, Ernesta-la-maternelle avec qui il vivra

conjugalement à partir de 1849 (279),—et cela seulement bien après la naissance de leurs

deux filles, Judith (née le 25 août 1845) et Estelle, (du 28 novembre 1847)1 Théo saura tou

jours égrener plus d'un rang du collier et aimer plus d'une femme à la fois!

Vers 1830 le jeune Gautier avait déjà opté pour la plume plutôt que pour le pinceau: un

premier volume de ses vers, une mince plaquette de quarante-deux poèmes, a "paru chez

Rignoux ... le 28 juillet 1830". Il est vrai que son père, Jean-Pierre, en avait payé les frais

d'impression et il est vrai aussi que cette même date fatidique marque aussi le moment où

"pour avoir cru Charles X . . . [Gautier père] perdit ses 15 000 livres de rente en jouant à la

hausse sur les Ordonnances" (36-37).

Théophile, qui ne pourra plus compter sur l'aide de son père et qui sera dorénavant

obligé de travailler pour vivre, optera pour le journalisme, la poésie, ni même le roman ne

garantissant guère de quoi faire vivre leur auteur. En moins de cinq années Gautier aura

publié des poèmes, des contes, de la critique d'art et des articles variés dans de nombreux

keepsakes, journaux et publications périodiques (Lovenjoul 1, nos. 1 à 118). Ainsi, en 1836, Gautier aura déjà bien gagné ses lettres d'entrée définitive dans le monde du grand jour nalisme parisien: Balzac lui ouvrira les portes de la Chronique de Paris, "Emile de Girar

din ... lui offrira la Presse, tandis qu'Alphonse Karr, le nouveau directeur du Figaro" se

procurera aussi son concours (90-91). Le jeune Gautier, au moins "pour l'instant... porte comme une décoration la meule du feuilleton qu'il s'est mis autour du cou" (109).

Malheureusement cet "instant" d'euphorie n'aura duré, en effet, qu'un instant et

Senninger fait clairement ressortir combien l'obligation d'écrire, de produire de la copie ré

munérée domina la vie de Théo. Si, en 1841 "Te licoT du feuilleton hebdomadaire pesait lourdement sur les épaules de Gautier" (174), il ne fera que se resserrer après la Révolution

de 1848: son père est congédié de son poste à l'octroi de Passy, sa mère, Adèle, meurt le 26

mars 1848, mais "c'est Dimanche, jour de feuilleton ... Théo, malgré son deuil, s'attelle à la

tâche...car il faut payer l'enterrement"(262); puis son père doit quitter son appartement de

fonction, et lui et ses filles, Lili et Zoé, s'installent chez Théo (261-262). En 1849, selon

Maxime Du Camp, Théophile aurait eu "15.500 francs de dettes, qui empoisonnèrent sa vie

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jusque vers 1869" (277 et n.3), et en 1871, pendant la Commune, "Judith, le 3

mai.. . s'inquiète de son père et lui offre de l'aider financièrement". Gautier de lui ré

pondre "tu as assez d'âme pour imaginer que le père pourrait bien manquer d'argent et crever un peu de faim" (512, n. 54). Le mois suivant, une lettre à sa sœur Lili du 26 juin confirme que 'le feuilleton est toujours le boulet rivé au pied de Gautier" (515, n. 62). Fina

lement, à peine un an avant sa mort—d'une maladie cardiaque, est-ce étonnant?—ses an

goisses pécuniaires furent adoucies: sa pension sur l'Institution publique—une allocation

annuelle de 750 francs—lui fut restituée (516, n. 70), et en mai 1872 "Victor Hugo [lui] ob

tient du ministre Jules Simon une aide financière ... de 3000 francs par an et une indem nité immédiate du même montant" (519).

On ne saurait trop insister sur le fait que c'étaient les difficultés—et les responsabilités— financières de Gautier qui ont déterminé et le rythme et la direction de ses écrits: il doit

toujours parer aux besoins immédiats et le feuilleton, à toute fin utile, procure des revenus

assurés, il aura donc précédence sur les travaux personnels. Ainsi qui cherche dans ce livre de Senninger une étude de l'"Œuvre" de Gautier en

elle-même, détachée de sa "Vie", ne devra pas perdre de vue que c'était grâce à cette œuvre de feuilletoniste qu'il a pu "gagner sa vie"! Certes, les demandes du journalisme ont

inévitablement conduit au morcellement de son œuvre, toutefois ce morcellement n'est

point effritement, mais multiplicité: en 1886 Lovenjoul compte 2417 entrées dans son His

toire de l'oeuvre de Théophile Gautier (2: 549). Comment présenter un ensemble d'écrits aussi vaste et varié que ceux de Gautier-journaliste et chroniqueur de la vie de la "grand'ville", globe-trotter de l'Angleterre en Egypte, de l'Algérie en Russie, Salonnier, critique de pein ture et des autres arts, créateur de ballets—et non seulement de Giselle—homme de théâtre—à la fois auteur et critique—, et, bien sûr, poète, conteur et romancier...et j'en passe! Senninger place ces éléments disparates selon la structure chronologique de son

étude et elle les inscrit dès leur première parution dans le panorama mouvant de la vie de Gautier.

En compagnon de route assidue, Senninger suit Théo dans ses déplacements de salle de théâtre en salle d'exposition de peinture et de concert, elle part avec Théo à la conquête de Paris—et nous facilite de les suivre encore aujourd'hui en nous donnant le nom actuel des rues empruntées autrefois par Gautier (22, 27, 429, et al.). Elle l'écoute et le cite textuelle ment: lui, il nous révèle son esprit curieux, bienveillant, éclectique et informé, et elle en cadre ces commentaires de sa connaissance solide et détaillée de la vie de Gautier et de son siècle.

L'œuvre de Gautier critique et reporter présente des difficultés toutes particulières, et

pour son volume, et pour le contenu: souvent un feuilleton reste sans titre particulier, et, de surcroît, il touche à plusieurs sujets.

Quant à la critique d'art, Senninger rapporte textuellement les réactions de Gautier de

vant telle toile ou telle autre qui aura arrêté son œil soit dans les ateliers et les expositions variés, soit au Salon annuel (celui de 1849 seul comprendra 21 feuilletons!), soit encore aux

grandes expositions universelles à Paris en 1855 (370 svtes., 52 livraisons, publiées en deux vols sous le titre L'Art moderne) ou à Londres en 1851 (22-323). Lors de ses voyages—esca pades comme la virée en Belgique avec Gérard de Nerval en 1836 "au pourchas du blond"

(103-104)—, voyages officiels ou d'autres franchement inspirés par l'espoir de gains finan

ciers tel les voyages en Russie en 1858-59 (chap. 13). Partout et toujours, l'ancien élève de Rioult maintiendra vive la flamme de ses premiers enthousiasmes

En musique, Gautier montre le même esprit curieux, prêt à s'instruire auprès de ses

amis musiciens (tels Allyre Bureau, Reyer—Louis-Etienne-Ernest Rey, dit) dans une disci

pline qui lui était peu familière au début de sa carrière. Il s'intéresse à tout, ne rejette rien a

priori-, ainsi il prend, en 1845, "une joie d'enfant" à assister à un concert exécuté par "38

musiciens avec des 'sax-horns' et des 'bugle-sax'—un nouvel instru ment ... inventé ... par Adolphe Sax" (213). L'année précédente, lors du passage de Liszt à Paris, il avait été transporté d'admiration par la maîtrise de "ce diable d'homme" qui avait

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"vraiment la musique au corps" comme il exécutait des œuvres de Berlioz (211). Loin de se

figer dans ses goûts, Gautier montrera "une curiosité enthousiaste" (410) à entendre, lors

de son passage à Wiesbaden en 1857, le Tannhauser de Wagner, et cet enthousiasme sera

ravivé quelques années plus tard, malgré la réception désastreuse que Paris fit à cette

œuvre en 1861 (410). L'intérêt que Senninger porte à l'œuvre et à la critique dramatique de Gautier est in

formé et extensif (chap. 12, en particulier. Nous devons à Senninger le livre important,

Théophile Gautier, auteur dramatique , Nizet, 1972). Ici encore, c'est Théo lui-même que nous

entendons réagir à ce qu'il a vu sur la scène. Il n'y a guère de salle de théâtre ou de spec tacle parisiens qu'il n'ait fréquentés, le Français, les Italiens, le Gymnase, le Porte-Saint

Martin, l'Ambigu, le Gaité, le Cirque-Olympique d'autres!. Parfois ce rythme devient trop étourdissant, il "délègue" et se repose sur les commentaires d'Ernesta et de ses filles (7,421, 498 et al.y.

Si le journalisme a exigé des tranches énormes du temps de Gautier, nous lui devons

aussi d'avoir pour autant enrichi notre familiarité avec quelque quarante années du menu

quotidien sur les deux rives: Théo, pour qui "un entresol sur le Boulevard des Italiens" au

rait été la meilleure des "villégiatures" (381), "parcourt tout Paris en quête d'actualités"

(246) et nous entraîne dans ses randonnées "hors Barrières" au "pays des équarrisseurs et

des rats de Montfaucon" (141-142) aussi bien que dans les Hauts-Quartiers de sa ville. Théo

n'arrête pas: à sa suite nous fréquentons le bal "mirifique" du carnaval chez Dumas (56-57) ou allons rire d'une troupe de singes au Cirque Olympique (141), nous participons à des

"'orgies insensées' de macaroni 'pompeusement arrosées de petit bleu'" au cabaret du

"Napolitain Graziano ... par-delà ... la barrière de l'Étoile" (44) aussi bien qu'aux dîners

chez la Princesse Mathilde dans sa résidence à Saint-Gratien (429, 499).

Malgré le rythme souvent frénétique de sa vie, Gautier n'a jamais abandonné son

œuvre poétique, narrative et dramatique. Pour certaines de ces œuvres plusieurs années se

sont écoulées entre leur conception et leur parution en livre: les poèmes d'España s'éche

lonnent ainsi entre 1839 et 1844, ceux des Emaux et Camées entre 1847 et 1872, tandis que Fracasse est promis de nombreuses fois entre 1836 et 1856, pour ne paraître en feuilleton

qu'entre 1861 et 1863 et en livre à cette dernière date. Tout en ayant marqué les jalons de

cette lente germination Senninger présente ces œuvres à la date de leur publication en

volume. Certains chapitres sont ainsi placés sous le signe d'une œuvre particulière et leur

titre indique déjà que l'importance de "l'Œuvre" le cède à celle de "la "Vie" (tels les chap. 17 "Au seuil du mystère: Le Roman de la Momie", 20, "le roman de Genève: Spirite", et al.).

Considérons, par exemple, le chapitre 19 "Le Capitaine Fracasse...enfin!". Quelques pages seulement y traitent du roman même, mais que d'autres activités n'occupent Gautier pen dant les trois années présentées dans ce chapitre (1861-1864): journalisme, voyages, l'arri

vée du chinois Tin-Tun-Li, l'échec de Gautier à l'Académie, ses amitiés, son "harem" (les

fiançailles de Judith avec le peu savoureux Catulle Mendès, "Crapule Membête" sobriquet dont l'affubla son futur beau-père [434])!

Malgré la place modeste faite ici à Fracasse, Senninger en avait déjà noté au passage des

années dès les tout premiers indices "engrangés" par Théo (89, 204, 227, 255, 417, chap. 19, et al.). Pendant sa longue période d'attente, Fracasse s'est enrichi de nombreuses facettes

pour devenir une sorte de "miroir à deux faces", révélant d'un côté les rêves, les aspira tions diffuses et la ferveur d'un Gautier jeune, de l'autre, la réalité du vécu, les illusions

perdues d'un Gautier désabusé et mélancolique qui se regarde vieillir. Gautier lui-même ne

considère-t-il pas ce roman "une lettre de change de jeunesse tirée sur l'avenir" (418, n. 2)? "Le Château du Souvenir" (qui sera intégré dans les Emaux et Camées) paraît dans le

Moniteur universel cinq jours après la première livraison de Fracasse, et Senninger souligne combien le roman et le poème sont imbus d'une même inspiration, d'une même angoisse. "Théo ... aperçoit ce fantôme de lui-même, ce

Spectre rétrospectif qui double

Un type à jamais effacé,

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234 Nineteenth-Century French Studies

Il sort du fond du miroir trouble

Et des ténèbres du passé. (417-418)

Le Théophile du "Château du souvenir" et le Baron de Sigognac du "Château de la misère" sont

en effet frères-jumeaux qui partagent les mêmes souvenirs lointains des vacances de leur

enfance passées à Mauperthuis, "le domaine enchanté . .. qui, d'un geste, ouvre la grille du passé" (22-23).

Fracasse, comme les autres œuvres restées en jachère pendant de longues années, en

ressurgit, enrichi.

L'on ne peut guère parler de ce livre sans mentionner le style, le ton de Senninger: l'in

formation dense et fournie qu'elle présente est rendue vivante par le rythme rapide, pri mesautier de sa propre voix, son ton direct et son vocabulaire riche et imagé. Pourquoi

parler simplement d'"imagination" quand on peut évoquer 'Ta folle du logis" (142), ou de

'Ta mort" quand "la Camarde" (411) conjure une image hallucinante?

Certes, Senninger n'est pas un auteur froidement détaché de son sujet. Elle a vécu si

longtemps dans l'intimité de Théophile qu'elle parle en membre de la famille. Le ton est

donné dès le deuxième paragraphe du premier chapitre, où elle écoute aux portes pour

surprendre les bavardages de Lili et Zoé quant à de putatifs ancêtres illustres, y compris celui attribué à leur grand frère (13-14). Senninger est particulièrement à l'aise avec Théo

lui-même et le traite avec la camaraderie facile et la tolérance indulgente d'une grande sœur affectueuse, elle lui parle face à face, l'encourage, le loue, le tance, le morigène, le tu

toie au besoin, "Théophile, à vingt ans, tu rabâches déjà!" (99). Tout cela dans une langue colorée, détendue, même argotique selon le cas: l'épagneul du jeune Théo devient son

"clebs affectueux" (73), Jules Janin, Désiré Nisard et d'autres critiques de Théo sont traités de "têtes de turc déboulonnables" (115), quant à Théo lui-même, il voit dénoncées ses fa

çons de "pacha", de "sultan" et même, quand Senninger est poussée à bout, des deux à la

fois dans une même phrase (326)! Mais surtout, elle s'exclame d'approbation, d'étonne ment aussi bien que d'exaspération avec lui. .. tout en nous révélant celui que ses

contemporains de même que nous, la postérité, appelons 'Te bon Théo".

Claude-Marie Senninger nous offre ici un livre truffé d'information substantielle, que l'on peut manier en toute confiance et qui devrait trouver sa place permanente dans la

bibliothèque de tout Gautieriste, et même de tout XIXièmiste. Je crois pouvoir dire que M.

René Jasinski, mon maître et patron de thèse, aurait été content de voir son étude des "années romantiques de Théophile Gautier" de 1929 enfin suivie par un livre comme celui

ci, avec sa présentation serrée des années de maturité de Théophile Gautier.

Vassar College lise Hempel Lipschutz lise Hempel Lipschutz

Grossman, Kathryn M. "Les Misérables": Conversion. Revolution. Redemption. New York; Twayne; London, Prentice Hall, 1996. Pp. xviii, 144.

When Kathryn Grossman s book in progress on the late novels of Victor Hugo joins her

study of the early novels (1986) and of the Romantic sublime in Les Misérables (1994), she

will have provided a uniquely detailed overview of his major fictional production compa rable to Jean Gaudon's overview of the poetry and Anne Ubersfeld's overview of the the ater. The present title, issued in the solid Twayne Masterworks Series, shows many signs of

her thorough familiarity with Hugo's prose works. It also complements such references as

Le Grand Dictionnaire Victor Hugo (Flammarion, 1985) substantially in situating this novel in

popular culture.

Chapter one, on Hugo's times, sketches a broad historical context for the period of Les

Misérables, from 1815 to 1833. The richly erudite chapter three, on the critical reception of the novel, analyzes its unprecedented sales, its rejection by the Catholic Church (the work

was placed on the Index Librorum Ptvhibitorum), and its embrace by Communism, television, and the French educational establishment: Les Misérables was recently made required

reading for the agrégation in letters.

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