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TECHNIQUES MÉDICALES ET MAITRISE DE LA VIE Congrès National Marseille - Octobre 1989 Bimestriel 186 Mars/Avril 1990

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TECHNIQUES MÉDICALES ET MAITRISE DE LA VIE

• Congrès National

Marseille - Octobre 1989

• Bimestriel N° 186 Mars/Avril 1990

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XVIIe CONGRÈS DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES MÉDECINS CATHOLIQUES

BONN-COLOGNE

14 au 1 9 septembre 1 990

Thème: Nature biologique et dignité de la personne humaine.

Droits d'inscription comprenant réception par le Burgmeister de Bonn, excursion sur le Rhin, visite du Musée de Bonn et dîner de clôture :

• Avant le 31 mai 90

Membres . . . . . . . . . . . . DM 380

Accompagnants . . . . . . DM 1 50

Étudiants . . . . . . . . . . . . . DM 220

• Après le 31 mai 90

DM 440

DM 180

DM 260

Renseignements: au Secrétariat du C.C.M.F. 5, avenue de !'Observatoire, 75006 Paris

Tél. : 46.34.59.15 (l'après-midi}

Un voyage est prévu à BERLIN et en Allemagne de l'Est (DRESDE, LEIPZIG) à cette occasion

Renseignements : Monsieur COUDERC, Agence CERT, 63, avenue Parmentier, 75011 Paris

Tél. : 48.07 .07 .OO

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WJElDillCDllNJE 8 lDJE ILflIIl@WWJE Revue du Centre Catholique des Médecins Français

BIMESTRIEL

RÉDACTEUR EN CHEF

pr Claude LAROCHE

CONSEIL DE RÉDACTION

MM. les Docteurs ABIVEN (Paris). BARJHOUX (Chambéry), BLIN (Paris), BOISSEAU (Bordeaux), BOST (Paris).

BREGEON (Angers). CHARBONNEAU (Paris).

GAYET (Dijon), GENTILINI (Paris), GERARDIN (Brive),

Mme le or GONT ARD (Paris), MM. les ors LIEFOOGHE (Lille).

MALBOS (Le Mans), MASSON (Bar-sur-Aube),

MERCAT (Château-Renault), NENNA (Paris), RÉMY (Garches),

SOLIGNAC (Perpignan)

COMITÉ DE RÉDACTION

M. ABIVEN - M. BOST - M. BOUREL F. GOUST - J. GUINNEPAIN

M.J. IMBAULT-HUART - J.M. JAMES P. LAMBERT - J.M. MORETII

H. MOUROT - A. NENNA

ADMINISTRATION RÉDACTION

Centre Catholique des Médecins Français

5, avenue de !'Observatoire 75006 Paris

Tél.: 46.34.59.15

SERVICE PUBLICITÉ

91 . avenue Kléber 75116 Paris

Tél.: 45.53.00.10

ABONNEMENTS

Un an: 270 F Étranger : 280 F

Le numéro franco : 60 F C.C.P. : C.C.M.F. 5635-34 T Paris

N° 186 - MARS-AVRIL 1990

SOMMAIRE • Liminaire

par le Père B. Bougon s.j.

• Fondements épistémologiques de la biologie par Madame Katy Ricard .............................. .

• Maitrise et respect de la vie par le Père P. Verspieren s.j .......................... .

• Éthique et génétique médicale par le pr J.F. Mattéi .................................. .

• Homélie par le Père J.P. Ricard ................................ .

• Tribune des lecteurs - Le médecin malade d'une affection chronique et son

médecin traitant, par le or Fr. Goust ................ .

- Lettre ouverte aux médecins pouvant être lue par les infirmières, par Mme Yvonne Sibiril .................. .

• Nouvelles des régions ............................... .

• Vie des mouvements médico-sociaux chrétiens ..... .

• Notes de lecture .................................... .

• Courrier des lecteurs ................................ .

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LIMINAIRE

par le Père Bernard BOUGON, s.j. (*)

Les 21 et 22 octobre dernier, un groupe de médecins catholiques de Marseille était heureux d'accueillir sur le thème «Techniques médicales et maîtrise de la vie» les 230 participants au 18e Congrès national du C.C.M.F.

La veille au soir, le vendredi, un temps de prière, animé par des médecins de la Fra­ternité médecins-psychologues du Chemin Neuf réunissait une soixantaine de personnes et donnait le ton de ce rassemblement: simplicité de l'accueil et des échanges, retrouvailles chaleureuses, vérité des interventions, présences attentives et assidues à l'ensemble des journées. Au bord de la mer, bien qu'en pleine ville, les locaux feutrés, spacieux et confor­tables de l'hôtel Concorde Palm Beach nous y aidaient. Et bien sûr, le soleil était au ren­dez-vous.

Ce numéro de «Médecine de l'Homme» rassemble les principaux exposés, réécrits par leurs auteurs, qui ont fait la teneur de ce congrès.

Une première journée était consacrée à l'exploration du thème. Il avait semblé néces­saire, au groupe de préparation, qu'en première approche, l'horizon des techniques médi­cales soit élargi aux dimensions de la réflexion contemporaine sur le statut et la vérité de la connaissance, et en particulier de la connaissance biologique. Et que dans un deuxième temps, une part soit faite à la réflexion philosophique et théologique. Dans l'espace ainsi ouvert chaque médecin, chaque participant du congrès était invité à replacer ses questions, à relire sa pratique quotidienne.

Répondant à cette première demande, Mme Katy Ricard, enseignante en épistémologie aux Facultés d'Aix-Marseille et au Centre Sèvres à Paris, dressait un tableau synthétique et concis de l'épistémologie contemporaine, nous permettant ainsi de nous reposer la question de la vérité dans les sciences et de la relativité de nos connaissances sur l'homme.

Dans un deuxième temps, le Père Patrick Verspieren, jésuite, membre du Comité consultatif national d'éthique, dans un exposé clair et précis, proposait une réflexion sur la médecine dans son double projet de maîtrise et de respect de la vie et sur l'acquiescement que la foi chrétienne donne, voire partage avec ce projet.

Jl n'est guère possible de rendre compte de toutes les interventions ni des échanges de l'après-midi. Nous étions en effet, répartis en quatre ateliers sur des thèmes aussi divers que le diagnostic pré-natal, les procréations médicalement assistées, la réanimation et les questions éthiques posées par le suivi des malades atteints du SIDA. Çhaque atelier était

(*) Aumônier des Étudiants en Médecine, 205, rue Sainte-Cécile, 13005 Marseille.

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animé par un groupe de médecins qui faisaient part de leurs réflexions et pratiques avant d'en débattre avec la salle. Pour beaucoup, ce temps, très riche, aurait dû être prolongé par davantage d'échanges et de discussions en groupes plus restreints ... Mais c'était le congrès lui-même qu'il aurait fallu prolonger !

Après un temps de synthèse en assemblée générale, le pr J.F. Mattei, pédiatre et géné­ticien donnait son témoignage.

Magnifique conférence que nous trouvons reproduite ici et qui a le mérite - au-delà de l'itinéraire d"un homme - de poser avec beaucoup de clarté et de franchise nombre de questions auxquelles se trouvent aujourd'hui affrontés bien des médecins.

La deuxième journée, celle du dimanche, avait une autre perspective et voulait répondre, selon les vœux du groupe de préparation, à une autre urgence : permettre à des médecins catholiques de mieux comprendre certaines positions du Magistère en matière bio-médicale et de s'expliquer quelque peu avec elle.

Après une prière animée par le P. P. Lambert, il revint au Père Bernard Matray, jésuite, rédacteur en chef de la revue Laennec, enseignant en bioéthique, cette tâche dif­ficile. Nous trouvons ici ses deux exposés, denses, mais combien éclairants voire libérants. Dans le premier, il relit au travers des principaux documents promulgués par le pape Jean Paul II tout au long de son pontificat, quel est le rapport du chrétien avec la création de Dieu, comment il s'y active, quelle est sa liberté. Puis, dans le second, il nous propose quelques points de repères pour no,tre conscience de chrétien dans l'articulation toujours délicate entre l'enseignement de l'Eglise et les décisions quotidiennes.

Une très belle eucharistie, célèbre sur place et présidée par Mgr Guy Herbulot, évêque de Corbeil, président du groupe santé de la commission sociale de l'épiscopat, présent à tous nos travaux, co·ncluait notre matinée. Nous trouvons ici le texte de l'homélie du Père Jean-Pierre Ricard, vicaire général de Marseille, représentant Mgr Robert Coffy, arche­vêque de Marseille.

L'après-midi, une table ronde autour du nouveau président du C.C.M.F., M. Bregeon, et avec les principaux intervenants de ces deux journées, permettait un temps de questions et de débat. Moment fort bien venu, où à la vigueur des interrogations a correspondu la netteté des réponses.

Une présentation générale du C.C.M.F. et de ses activités achevait la journée, com­mencée tôt le matin avec l'assemblée générale statutaire du C.C.M.F.

En marge du congrès, de nombreux journalistes de la presse nationale et locale -grande presse et presse médicale - ont suivi nos travaux, interrogeant les uns ou les autres. Le « Provençal » a ainsi publié trois articles successifs, le « Méridional » deux, pour ne citer que ces deux quotidiens. Présence qui témoignait de l'intérêt suscité par notre pro­gramme et qui n'a pas été déçue.

Que dire, en conclusion, sinon remercier tous les médecins de l'équipe de préparation, les prs P.J. Bernard (l'animateur vigoureux de ces deux jours), J. Coignet, M. Mongin, les Ors M. Delaage, J. Oddo, B. Pellerano, R. Pujol, J. Radulesco, G. Tezier. Remercier aussi, chaleureusement, tous ceux qui ont travaillé à l'organisation, au secrétariat ou à l'accueil: M. et Mme Blanc, M. Le Blond, M. et Mme Perrin, Mme Reuilh, Mme Vermont ... Tous ceux qui ont permis la joie et la qualité de cette rencontre. •

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FONDEMENTS ÉPISTÉMOLOGIQUES DE LA BIOLOGIE

par Mme Katy RICARD (*)

Sur quoi se fonde la pensée biologique et médicale ? Quelles sont les règles qui régissent la science ? Quel est le statut de la biologie dans la connaissance du réel ? Nous répondrons à ces ques­tions en cinq points.

1. Un fait semble acquis depuis longtemps, tant pour les scientifiques que pour les philosophes : la science repose sur l'expérience. La biologie et la médecine auraient pour point de départ l'observation. Cette vision épistémologique peut-elle être retenue ou est-elle illusoire ? Peut-on asseoir la science sur « l'in­duction», c'est-à-dire sur ce mouvement qui, de l'ob­servation, va jusqu'à la théorie?

2. Une théorie peut-elle être «vérifiée» ou « confirmée » par lexpérience ? Peut-on la « réfuter » ? Quelle méthodologie emprunte le chercheur pour percer les secrets du vivant?

3. La biologie évolue. La médecine n'est pas sta­tique. Une théorie est toujours remplacée par une autre. Comment s'accroît la connaissance ? Comment s'érigent des «paradigmes» nouveaux qui boule­versent la pensée médicale et biologique ? Qu'est-ce qu'une «révolution scientifique?»

4. La biologie a aussi sont histoire. La passion­nante et attachante épopée du vivant était autrefois iné­vitablement liée aux mythes et aux légendes. A partir de quel moment le biologique est-il devenu scientifique ? Peut-on démarquer la science de l'idéologie?

5. La science peut-elle atteindre la vérité du vivant ? La médecine et la biologie disent-elles le tout de la vie? Doit-on dénigrer toute signification à d'autres types d'approches comme la métaphysique?

L'inductivisme La science se baserait sur ce qui a été observée.

Déjà, Francis Bacon, un philosophe du xv1e siècle, pensait qu'il fallait consulter la nature et non les écrits d'Aristote et estimait que le savoir scientifique ne repose ni sur les considérations des philosophes grecs, ni sur les récits bibliques. Ce qui importait, c'était, comme pour Galilée, observer et expérimenter. L'expé­rience joue, certes, un rôle-clé dans l'élaboration des théories. Mais ce rôle est-il premier? Faire de l'obser-

(*) Docteur en Épistémologie - Professeur au Centre Sèvres, Paris.

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vation le point de départ de la recherche scientifique, n'est-ce pas une manière trompeuse de penser la méthodologie de la science ? Pour certains épistémo­logues, il est possible de passer d'énoncés de type sin­gulier (l'observation) à des énoncés de type universel (la théorie). Ce mouvement« inductif», qui va du particulier au général, offre un côté attrayant. L'induction implique, par exemple, que les expériences soient répétées et reproduites aux quatre coins du globe, par les cher­cheurs du monde entier. Il résulte de cette reproducti­bilité toujours possible, que lon fait foi aux énoncés singuliers. De plus, la discussion personnelle subjective n'a pas sa place dans la procédure inductive. La confiance accordée à l'expérience se transmet aux lois et aux théories. Il en résulte, et c'est là l'important, que pour les inductivistes, la science peut atteindre la vérité. Les théories sont « vraies » puisqu'elles sont « justi­fiées» ou «vérifiées» par l'expérience. On comprend que cette vision de la science a fait naître un certain positivisme, voire un certain scientisme. Auguste Comte et Ernest Renan se sont appliqués à évincer tout type de connaissance autre que scientifique. Plus près de nous, le fameux Cercle de Vienne se faisait aussi, au début du siècle, le défenseur d'une sorte de néo­positivisme fondé sur un empirisme logique.

Mais déjà, au xvue siècle, l'induction fut remise en cause par un philosophe du nom de Hume. Aujourd'hui, on qualifie cette démarche de naïve et trompeuse, et cela pour différentes raisons. Tout d'abord, on insiste sur le fait qu'une inférence inductive, basée sur des pré­misses vraies, peut impliquer une conclusion erronée. Ensuite, on remarque que la démarche inductive attribue souvent aux énoncés d'observation des degrés de« probabilité». On décrète alors qu'une théorie n'est ni vraie, ni fausse, mais plus ou moins « probable ». Or ce repli vers la probabilité n'est, en réalité, qu'une échappatoire. Aujourd'hui, on pense que les expé­riences sont déjà inspirées par les théories et que les observations sont elles-mêmes déjà guidées par les idées. Mais c'est le« falsificationisme »qui, sans aucun doute, constitue le chef d'accusation le plus sérieux contre l'inductivisme.

Le falsificationisme Si faire reposer la démarche scientifique sur une

procédure inductive n'est qu'une conception erronée de la science, quelle autre démarche de la pensée peut fonder cette science ? Un philosophe contemporain, Karl Popper, dit avoir résolu le problème de l'induction et avec lui bien d'autres problèmes qui se posaient aux philosophes depuis les temps anciens. Pour lui, l'in­duction est un «mythe». Il exprime sa pensée de manière imagée en disant : « Peu importe le grand nombre de cygnes blancs que nous puissions avoir observés, il ne justifie pas la conclusion que tous les cygnes sont blancs». De plus, il écrit que la proposition universelle : « Tous les cygnes sont blancs » ne peut être vérifiée. La preuve en est qu'il existe des cygnes noirs en Australie.

La conception poppérienne de la science repose essentiellement sur trois points. Popper affirme, en premier lieu, que c'est l'hypothèse qui ouvre la voie de la recherche et non l'expérience. Ce sont les idées audacieuses du théoricien, les conjectures riches en

imagination et en intuition qui sont avancées en premier. Les théories sont comme des« filets» que l'on doit jeter au grand large. Le scientifique doit donc faire preuve d'audace et même de témérité. En deuxième lieu, le théoricien ne doit pas émettre une seule idée qu'il défendra à tout prix. Ses hypothèses doivent être multiples. Le chercheur est, en effet, invité à les mettre en compétition les unes avec les autres. La question qui se pose alors, en troisième lieu, est de savoir laquelle préférer parmi ses hypothèses rivales. Car ce que cherche le théoricien, ce n'est pas de retenir la théorie qui a sa préférence. C'est, au contraire, de la «faire tomber», de la« coincer». Comment?

En soumettant les idées d'ordre conjectural à des situations expériementales que Popper qualifie de cru­ciales. On cherche donc à «réfuter» les théories, ou encore à les «falsifier ». (L'expérience la meilleure est celle qui cherche à montrer qu'une théorie se révèle non pas vraie, mais fausse.)

L'épistémologie poppérienne met donc l'accent sur des arguments d'ordre négatif, puisqu'on ne peut pas confirmer qu'une théorie est vraie, mais tout au plus peut-on la considérer comme fausse. On ne peut trancher pour une théorie, tout au plus peut-on trancher contre elle. De fait, ce que cherche le scientifique, ce qu'il «traque», c'est l'erreur. La méthode scientifique est celle de «l'essai et de l'élimination de l'erreur» (K. Popper) et elle reste celle d'une discussion critique. «Il ne saurait y avoir des vérités premières. Il n'y a que des erreurs premières» a écrit G. Bachelard.

Le mouvement de la science ne va donc pas de l'expérience à la théorie, comme le pensaient Carnap et les positivistes du Cercle de Vienne. La procédure inductive, admise depuis longtemps par tous les philo­sophes pour interpréter la théorie de la connaissance, ne peut être retenue. On se sert, au contraire, de l'ob­servation, non pour confirmer une théorie, mais pour l'infirmer. Ainsi, Popper suggère-t-il de remplacer l'ap­proche inductive par une démarche déductive, ou plus exactement, hypothético-déductive.

Croissance de la connaissance « Les théories passent, dit Jean Rostand, la gre­

nouille reste». Mais comment passent-elles? Comment s'accroît la connaissance? L'évolution de la science ne se résume pas dans la somme d'une foule de connais­sances théoriques ou d'une multitude de données expé­rimentales. On n'entasse pas les théories les unes sur les autres, comme on empilerait des livres sur une table. La connaissance s'accroît par rejet d'une connaissance antérieure, et, avec Popper, on admet que c'est la réfutabilité qui fonde la logique de la science. Une théorie ne meurt jamais totalement. De même, elle ne s'élabore jamais, à partir de rien. La pro­gressivité de la pensée scientifique se fait selon un mouvement qui est comparable à celui de toute histoire humaine. Elle semble aller vers un but. Aristote disait déjà: «il n'y a de science que du général». Tout se passe comme si la science progressait de considéra­tions théoriques de niveau d'universalité moindre vers des théories de niveau d'universalité supérieur. Ce mou­vement est bien comparable à celui de l'induction. Aussi les « falsificationistes » acceptent de qualifier de

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Fondements de la Biologie

« quasi'inductif » le mouvement de la science. Mais, ils rappellent néanmoins que l'on passe d'une théorie à une autre par la falsification.

Une autre vision de la croissance de la science est développée par Thomas Kuhn. Il attaque essentiel­lement les philosophes des sciences pour le profond mépris du développement historique qu'ils affichent lorsqu'ils élaborent une théorie scientifique. Pour ce philosophe, qui est aussi physicien, ce qui importe, mais ce qui est souvent occulté, c'est l'aspect sociolo­gique et psychologique de la science. Il note, par exemple, que les conceptions qui émanent de la lecture de la majorité des manuels scientifiques ou médicaux sont «stéréotypées, parce qu'elles sont a-histo­riques ». Seuls les lois, les théories et les résultats du moment y sont relatés. On passe sous silence les erreurs, les faux-pas, les hésitations du scientifique et du médecin. On occulte totalement les croyances, les mythes qui, pour Kuhn, d'une certaine façon aussi, guident la recherche. On voit que Kuhn se démarque là radicalement de Popper qui se dit réaliste et qui refuse tout« psychologisme».

Pour Kuhn, le développement de la science com­mence par la« pré-science», période durant laquelle de nombreuses théories s'affrontent. Puis, la science prend son essor. Alors émerge ce que Kuhn appelle un «paradigme», c'est-à-dire l'essence même des théories qui reçoit ladhésion de la Communauté scienti­fique. Celle-ci se « convertit » peu à peu au nouveau paradigme et ne tiendra plus compte des scientifiques qui restent attachés à l'ancienne vision de la science. Mais, la routine s'installe assez vite. Les scientifiques s'adonnent alors à ce que Kuhn appelle la «science normale». Celle-ci se contente de résoudre des «énigmes», c'est-à-dire des problèmes qui donnent seulement à chacun l'occasion de prouver son ingé­niosité ou son habileté. Kuhn compare alors la recherche à un jeu de puzzle (les pièces du puzzle sont données toutes faites, et il suffit de les ajuster les unes aux autres dans un ordre déterminé). Les énigmes que l'on n'arrive pas à résoudre sont considérées comme des« anomalies». Mais, le scientifique peut rencontrer des échecs. S'il n'arrive pas à résoudre ses énigmes, la science va entrer dans un état de «crise». Le malaise s'installe, grandit, puis menace la cohérence du para­digme lui-même. C'est alors que surgit une véritable « révolution » scientifique qui bouleverse tout, et qui est caractérisée par un brusque changement de paradigme. Les chercheurs patiquent alors ce que Kuhn appelle la «science extraordinaire». Le nouveau paradigme

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suppose la «falsification» de l'ancien et, de plus, une réelle « conversion » ou l'intuition et l'imagination jouent un rôle important.

Le critère de démarcation Comment distinguer ce qui est scientifique de ce

qui ne l'est pas 7 Le problème de la démarcation entre science et non-science est central dans la pensée d'un grand nombre de philosophes et de scientifiques. Hume s'était déjà penché sur cette question et avait influencé un grand nombre de philosophes, dont Kant. K. Popper s'est aussi, de prime abord, intéressé à ce problème. Deux courants de pensée, qui marquent son époque, l'inciteront à réfléchir sur cette brOlante question, alors qu'il est encore jeune. C'est en premier lieu, le mar­xisme. La pensée marxiste est-elle scientifique comme elle le prétend 7 Quel est le statut de cette doctrine 7 Quels sont les critères qui permettent de tracer une frontière entre la science et la non-science 7 Le deuxième courant qui influença Popper est le freudisme. La psychanalyse s'érige-t-elle en une véritable science ou non 7 Est-il possible de discerner ce qui revient à la science, d'une part, et à la non-science, d'autre part 7

Popper rejette le critère de démarcation adopté par les positivistes du Cercle de Vienne qui est celui de la « vérificabilité » ou de la « confirmation » des théories par l'expérience. Pour Popper, les inductivistes ne cher­chent pas vraiment à trouver un critère valable qui déli­miterait la science et la non-science, mais veulent, en réalité, anéantir la métaphysique. Cette dernière démarche ne peut, en effet, se fonder sur l'expérience. Mais Popper ne dénigre pas la métaphysique. Il pense, de plus, que la science elle-même a souvent pour appui des pensées purement spéculatives et abstraites et qu'au contraire, certaines croyances ou superstitions sont basées sur l'observation et sur l'expérience. Il propose un critère de démarcation qui, à ses yeux, est meilleur que celui des « inductivistes » : c'est la « réfuta­bilité ». Ainsi, pour lui, ni le marxisme, ni le freudisme ne sont scientifiques. Mais, ce n'est pas, comme leurs adversaires l'avancent trop souvent, parce que ces démarches ne sont pas « vérifiables » par l'expérience. C'est, au contraire, parce que ces systèmes de pensée sont« irréfutables» et que leur pouvoir d'interprétation est immense. Aucune expérience, par exemple, ne peut venir ébranler soit le marxisme, soit le freudisme. Ces deux approches sont à proprement parler des idéo­logies, car elles expliquent tout et rendent compte de tout. Mais, si elles ne sont pas réfutables par I' expé­rience, cela ne veut pas dire qu'elles sont dépourvues de valeurs, mais simplement qu'elles sont non-scienti­fiques.

La quête de la vérité Au cœur de la méthodologie poppérienne, se

retrouve partout et toujours la question de la « vérité ». «Nous ne possédons pas la vérité, nous la cherchons» dit Popper. Une hypothèse scientifique, par exemple, doit toujours être dépassée et non défendue. Une

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théorie, malgré son succès, «ne doit pas trouver de farouches défenseurs, car ceux-ci risqueraient fort de stopper le développement même de la science ». François Jacob écrit dans « le Jeu des possibles » : Rien n'est aussi dangereux que la certitude d'avoir raison. Rien ne cause autant de destruction que l'obsession d'une vérité considérée comme absolue ... A la fin de ce xxe siècle, il devrait être clair pour chacun, qu'aucun système n'expliquera le monde dans tous ses détails.

Puisqu'ü est avec nous Tant que dure cet dge. N'attendons pas la fin des jours Pour le trouver ... Ouvrons les yeux, Cktrckons sa trace et son visage. Découvrons-le qui est cacké Au CtlUr du monde comme un feu !

Puisqu'il est avec nous Pour ce temps de violence, Ne rivons pas qu'il est partout Sauf où l'on meurt ... Pressons le pas, Tournons vers lui notre patience. Allons à l'homme des douleurs Q!li nous fait signe sur la croix !

Puisqu'il est avec nous Dans nos jours de faiblesse, N'espérons pas tenir debout Sans l'appeler ... Tendons la main. Crions ven lui notre détresse ; Reconnaissons sur le cktmin Celui qui brûle nos péchés !

Puisqu'ü est avec nous Comme à l'aube de Pdquts, Ne manquons pas le rendn.-vow Du sang versé ... Prenons le pain, Buvons la coupe du passage, Accueillons-le qui s'est donné En nous aimant jusqu'à la fin!

(•) Avec l'aulorüalion du • Ctnb't National de Pastorale lilurgifut '·

Didier Rimaud (*)

Avoir contribué à casser l'idée d'une vérité intangible et éternelle n'est peut-être pas l'un des moindres titres de gloire de la démarche scientifique». Popper conclut, dans « la Logique de la découverte scientifique » : «L'idéal d'une connaissance absolument certaine et démontrable se révèle être une idole ... Car ce qui fait l'homme de science, ce n'est pas la possession de connaissances, d'irréfutables vérités, mais la quête obstinée et audacieusement critique de la vérité». •

Prière.

Seigneur Jésus, Parole éternelle de Dieu, toi qui as fait surgir ce monde à l'existmce

Christ ressuscité, toi qui nous invites à partager ta vie,

aide-nous à ne pas nous limiter à la seule dimension corporelle de ceux que nous soignons,

mais apprends-nous à regarder chaque penonne dans son union avec tot dans une relation qui demeure au-delà du corps;

aide-nous à ne pas nous limiter au provisoire, à cet univen visible que tu nous as confié et que nous cherchons à maitriser,

mais fais-nous découvrir, au cœur mime de ce monde, ta présence et ton action invisibles qui dès maintenant nous associent à ta vie ;

aide-nous à ne pas nous limiter à l'effzcacité concrète, à des résultats tangi.bles et mesurables,

mais apprends-nous, conduits par ton Esprit, à élargir notre horizon aux dimensions de ton amour infini;

aide-nous à ne pas limiter notre propre existence au seul domaine des activités et des compétences,

mais fais-nous communier davantage encore à ta vie au temps de l'épreuve de la souffrance et de la mort;

nous te le demandons, Seigneur, à toi qut par ta souffrance et par ta mort, nous conduis à ta résumction et à la vie éternelle

dans la communion du Père et de l'Espri~ maintenant et pour les siècles des siècles - Amen.

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MAITRISE ET RESPECT DE LA VIE

par le Père Patrick VERSPIEREN sj. (*)

Les innombrables acquisitions récentes des sciences de la vie et de la santé ont considérablement accru les possibilités d'intervention de la médecine. Celle-ci a acquis une efficacité que personne n'aurait osé espérer il y a un demi-siècle, mais elle s'est aussi ouvert de nouveaux et vastes champs d'activité. Là où naguère l'homme ne pouvait qu'attendre patiemment la guérison ou accepter son destin, il lui est désormais possible d'exercer son autonomie et de chercher à réa­liser ses projets. La responsabilité des maîtres d'œuvre de ces nouveaux pouvoirs en est considérablement accrue, ce qui rend urgent l'approfondissement de la réflexion éthique. Mais il y a plus à dire. L'image qu'a l'homme occidental de lui-même et de son existence en est profondément modifiée. Le corps médical est donc désormais chargé d'une responsabilité socio-culturelle nouvelle. Contribuant à changer les représentations col­lectives relatives à la transmission de la vie, à la santé, à la maladie, et à la fin de l'existence, il est invité à s'inter­roger sur ses comportements et sur les attitudes qu'il contribue par eux à répandre dans la société tout entière.

On saisit donc facilement l'importance du thème choisi pour ce 188 Congrès du C.C.M.F., «Techniques médicales et maîtrise de la vie». Importance dont on est de plus ep plus conscient dans les nations occiden­tales et les Eglises de ces pays. Ce n'est pas un pur hasard qui a fait que dix jours avant ce Cpngrès se réu­nissait à Rome le 78 symposium des Evêques Euro­péens : « Les nouvelles attitudes devant la naissance et la mort: un défi pour l'évangélisation» (1). Nous y ferons plusieurs fois référence.

J'ai été invité à réfléchir avec vous sur « la maîtrise et le respect de la vie». C'est un thème fort vaste 1 J'essaierai d'être aussi peu abstrait que possible. Et pourtant je devrai en rester à un certain niveau de géné­ralités ; et ce discours viendra rejoindre votre expé­rience concrète, marquée par toute la densité de sa par­ticularité. Quand je dirai «maîtrise sur la vie», certains d'entre vous penseront aux efforts accomplis pour

(•) Enseignant en bioéthique, membre du Comité Consul­tatif National d'Éthique.

( 1) Une partie des exposés faits lors de ce Symposium a été publiée dans La Documentation Catholique, (0.C), n° 1994, 19 novembre 1989. Les remarques exprimées ci-dessus ont été inspirées par la communication de Mgr Karl Lehmann, dont la presse avait donné une interprétation tendancieuse, déformant totalement la pensée du Président de la Conférence épiscopale allemande.

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repousser la mort; d'autres se représenteront les transformations des conditions de vie obtenues par la médecine moderne; d'autres encore la maîtrise obtenue en ce qui concerne la transmission de la vie. De telles différences d'interprétation peuvent créer cer­taines ambiguïtés. J'essaierai de les éviter en évoquant aussi précisément que possible ces trois grandes fina­lités de l'action médicale.

Une méfiance spontanée

S'il faut faire remonter à 40 ou 50 ans le commen­cement de la médecine d'aujourd'hui caractérisée par son efficacité thérapeutique, depuis quelques années ce mouvement d'innovation semble s'accélérer de manière inquiétante. Il suffit de penser aux procréations médicalement assistées ou à l'exploration du génome humain. Comme le disait le Cardinal Martini dans son allocution de clôture du Symposium des Évêques Euro­péens, « il y a risque de déshumanisation lorsque la population ne sait pas réagir de façon constructrice aux innovations» (2). Un tel effort d'intégration et d'huma­nisation de ce qu'on nomme trop rapidement « le progrès » demande du temps. Or tout ne va-t-il pas trop vite aujourd'hui ?

Ces interrogations sur la vitesse des changements auxquels nous assistons se reportent facilement sur les nouveaux pouvoirs acquis. N'est-ce pas la recherche même de maîtrise qui est dangereuse, infiltrée de démoniaque ? Ne faut-il pas la suspecter a priori, se défier de ce qui peut être l'expression de l'orgueil de l'homme, l'oubli de sa situation de créature et la négation du Créateur? N'est-il pas temps de tracer des limites, de placer des bornes infranchissables, de définir des zones où l'homme renoncerait définiti­vement à agir, peut-être même à savoir? Ou, en termes religieux, n'y a-t-il pas de domaines sacrés réservés à l'action divine, interdits à l'homme?

Le respect serait ainsi ce qui s'oppose à la volonté de maitrise.

De multiples exemples pourraient être avancés, qui apporteraient un soutien à cette affirmation. La volonté de savoir et de pouvoir conduit souvent, de fait, à la perte de tout respect envers ce qui devient objet d'étude. Elle amène même à chercher des légitimations à ce total manque de respect. On décrète que les patients en état végétatif chronique constituent « des intermédiaires entre l'homme et l'animal», on distingue subtilement le pré-embryon de l'embryon pour se dis­penser à l'égard du premier des règles acceptées vis­à-vis du second. Pour se garder de telles déviations non seulement de l'agir mais aussi de la réflexion humaine, une seule voie semble, à première vue, acceptable : retrouver la sagesse d'autrefois, valoriser l'acceptation du donné et le renoncement, suspecter toute volonté d'acquisition de nouveaux pouvoirs, surtout en certains domaines particulièrement sensibles.

Cette ligne de réflexions éthique et spirituelle obtient aujourd'hui un nombre croissant d'adhésions et légitime même un mouvement anti-sciences qui gagne

(2) Cal Martini, Raffermir l'espérance et résister au mal dans l'Europe d'aujourd'hui, D.C., n° 1994, p. 1015.

du terrain. De nombreux faits semblent confirmer sa justesse : de multiples dérapages, la course effrénée aux publications chez certains scientifiques, le mépris affiché ici ou là pour la vie humaine en ses situations­limites.

Comment ne pas voir, cependant, que cette oppo­sition entre respect de la vie et volonté de maîtrise demeure trop simpliste ? Ce respect conduit à renoncer à certains projets de recherche. Même si c'est évident, il importe de le dire et de le répéter. Mais en même temps on doit reconnaître aussi clairement que c'est le même respect et l'amour de la vie qui ont conduit au développement de la médecine et à l'acquisition d'une maîtrise sur la stérilité, la maladie et les forces de mort. Ce qui a été nettement souligné par le Cardinal Martini:

«Les sociétés européennes peuvent être fières, à juste titre, d'avoir été les premières à assurer de façon satisfaisante les besoins sanitaires de lensemble de la population. La quasi-totalité des maladies infectieuses ont été vaincues. La durée de la vie a beaucoup aug­menté, assurant au grand nombre de longues années de retraite active. La médecine a aussi permis aux femmes d'accoucher dans une grande sécurité pour elles-mêmes et pour leurs nourrissons. Beaucoup aussi, qui étaient stériles, ont pu connaître la maternité grâce à ses progrès.

La médecine n'a pas le pouvoir de supprimer la souffrance de l'être humain mais on doit mettre encore à son crédit le fait de lutter efficacement contre la douleur physique, souvent inutile et préjudiciable à la liberté et à la vie spirituelles. Il y a une quarantaine d'années le Pape Pie XII encourageait déjà la médecine dans cette voie en soutenant l'accouchement sans douleur.

Indéniablement la médecine représente une grande contribution à la qualité de la vie : les catholiques en sont si conscients qu'ils font beaucoup d'efforts pour en faire bénéficier d'autres régions du monde par leurs activités caritatives» (3).

Aucune trace en ce texte de défiance a priori envers les savoirs et les pouvoirs acquis par l'humanité sur ses propres conditions de vie. Non seulement les sociétés européennes n'ont pas à renier l'effort incessant qu'elles ont mené pendant des siècles et tout particuliè­rement ces dernières années, mais elles sont même invitées à en faire bénéficier les régions qui restent aujourd'hui médicalement démunies.

Çela n'empêche pas le Président de la Conférence des Evêques européens de noter, aussitôt après, que « la technicisation croissante de la médecine a des effets indirects sur les équilibres humains que nos sociétés n'ont pas encore bien maîtrisés », notamment « une banalisation de la vie quotidienne qui perd en sérieux et en profondeur» (4).

Il s'agit donc bien de retrouver une attitude de sagesse. Sans tomber dans le regret nostalgique d'époques désormais révolues. En restant conscient simultanément des promesses et des risques contenus dans les nouveaux pouvoirs de l'homme sur la vie.

(3) Ibid., p. 1014. (4) Ibid., p. 1014 et 1015.

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Maitrise et Respect de la Vie

La tradition chrétienne est spécialement riche en ce qui concerne le sujet qui nous intéresse aujourd'hui. Elle est constituée non seulement de déclarations éthiques, d'enseignements divers, mais aussi des pratiques de la multitude de clercs, de religieux et de laïcs qui se sont voués au long des siècles à l'accueil et au soulagement des pauvres et des malades. Nos hôpitaux actuels sont les héritiers de cette tradition d'hospitalité et de soin. Essayons d'en recueillir quelques fruits.

Il n'y a pas de domaine « interdit »

On peut dire d'abord qu'il n'y a aucun grand domaine de l'existence où l'activité humaine serait sus­pecte a priori, irreligieuse, négatrice de Dieu. Ceci peut être explicité en termes philosophiques ou théolo­giques. Je m'en expliquerai d'abord en moraliste. Considérons en effet les trois dimensions de la maîtrise de la vie évoquées plus haut :

• La maitrise recherchée contre la mort, pour la sauvegarde de la vie : c'est l'essence même de la médecine, constamment encouragée par l'Église. Même à proximité de la mort, quand les ressources thé­rapeutiques semblent épuisées, en ce moment où l'homme est appelé à se préparer à sa rencontre défi­nitive avec Dieu, il est encore« permis de recourir, avec l'accord du malade, aux moyens que procure la tech­nique médicale la plus avancée, même s'ils en sont encore au stade expérimental et ne vont pas sans quelque risque» (5). Lorsque toute lutte contre la mort apparaît déraisonnable, il y a encore beaucoup à faire. « La prudence humaine et chrétienne conseillera souvent lemploi de moyens médicaux aptes à atténuer ou supprimer la souffrance» (6). Cette activité humaine, si elle est sagement menée, ne s'oppose aucunement à la reconnaissance de Dieu « seul maître de la vie et de la mort».

• La transformation des conditions de vie. La médecine moderne est devenue capable d'agir sur ce qui conditionne les réactions les plus personnelles de l'être humain, sa sensibilité, son affectivité, son humeur. Pensons particulièrement à l'action médicale sur le cerveau humain. Une grande prudence est certes ici requise. Sans doute a-t-on abusé autrefois, et encore

(5) Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration sur l'euthanasie, Biologie, Médecine et Éthique, Dossiers de la Documentation Catholique, Le Centurion, 1987, p. 420.

(6) Ibid., p. 418.

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aujourd'hui, des lobotomies ou des neuroleptiques. Mais qui dirait de nos jours que le cerveau doit demeurer en dehors du champ d'action de la médecine?

11 y aurait cependant, disent certains, un domaine où l'homme doit renoncer à exercer toute maîtrise: celui où se façonne au plus intime des cellules humaines l'identité de lêtre humain, son génome. S'il paraît acceptable, en dernière limite, de modifier les gènes de cellules somatiques, doit être récusée toute action sur les cellules germinales porteuses de l'identité de futurs êtres humains. Ce point de vue est ratifié par de nom­breuses commissions d'éthique. Elles ont pleinement raison, mais il importe de voir pourquoi. Aujourd'hui les connaissances en ce domaine sont encore beaucoup trop limitées pour que l'on puisse oser se lancer dans une telle aventure. Mais si l'on parvient un jour à une réelle maîtrise des recombinaisons génétiques, alors, peut-être, certaines thérapies deviendront-elles accep­tables, même sur des cellules germinales. Peut-être seulement 1 Car il faudra s'interroger très sérieusement sur la moralité des expérimentations préalables. Je ne vois cependant pas au nom de quoi on pourrait consi­dérer les cellules germinales comme définitivement exclues du c~amp de l'activité biomédicale. Le Magistère de l'Eglise Catholique non plus (7).

• La transmission de la vie. Voilà au moins un domaine où, semble-t-il, le Magistère de l'Église invite à faire preuve d'acceptation du donné et de renoncement à toute forme de maîtrise. Telle est la conviction de beaucoup de croyants. Elle manque de fondements. Le Magistère pose ici de très fortes exigences éthiques. Cela ne l'empêche pas d'encourager« les hommes de science à poursuivre leurs recherches, afin de prévenir les causes de la stérilité et de pouvoir la guérir» (8). De plus, les procréations médicalement assistées ne sont pas totalement exclues en principe, même si on ne voit pas bien lesquelles d'entre elles sont jugées éthi­quement acceptables (9).

D'une manière générale on <;hercherait en vain dans l'enseignement officiel de l'Eglise catholique une condamnation de l'effort de l'homme pour mieux se connaître et pour lutter contre les diverses formes de maladie et de souffrance. Au contraire cet ensei­gnement reconnaît pleinement légitime la prise en compte de « l'intérêt de la science » et de « l'intérêt de la communauté » (à disposer de nouvelles thérapeu­tiques). Il ne suspecte pas la volonté de parvenir à une plus grande maîtrise. Il lui demande seulement de ne pas porter atteinte à la dignité et aux droits fonda­mentaux de la personne humaine (10).

Ne pas devenir esclave de sa propre maitrise

Un tel refus de suspecter a priori l'effort de l'homme repose sur une intuition centrale du christia­nisme, exprimée dès les premières pages de la Bible : Dieu est exempt de toute jalousie envers l'homme. Les

(7) Cf. Jean-Paul Il, Médecine, droits de l'homme et «manipulations génétiques», Biologie, Médecine et Éthique, op. cit., p. 309-311.

(8) Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Le respect de la vie naissante et la dignité de la procréation, Il, 8, Biologie, Médecine et Éthique, op. cit., p. 476.

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pouvoirs que celui-ci acquiert ne sont pas arrachés à la divinité et ne lui font pas ombrage. Bien au contraire l'essence même de la perte de confiance qui conduit au péché réside dans le fait de projeter en Dieu une jalousie qui le conduirait à interdire de manger du fruit des arbres de la création ( 11). La connaissance et la maî­trise sont bonnes, si l'homme sait reconnaître Celui qui en est la source et parvenir à l'action de grâces.

«A peine fis-tu (le fils d'Adam) moindre qu'un Dieu, le couronnement de gloire et de splendeur ; tu l'établis sur I' œuvre de tes mains, tout fut mis par toi sous ses pieds» (12). En rappelant ce verset de psaume, nous ne faisons aucunement l'apologie unilatérale de toute recherche de domination, mais évoquons au contraire une attitude spirituelle à laquelle on ne parvient qu'au terme d'une longue démarche. L'expérience montre que l'homme, dès qu'il n'est plus à la merci de puissances sur lesquelles il n'a pas de prise, est tenté de s'attribuer à lui-même le pouvoir qu'il a acquis et de se prendre pour son propre créateur. A l'inverse, le croyant est invité à s'ouvrir à la reconnaissance de la source des pouvoirs auxquels il est parvenu.

D'autre part, s'il est ainsi donné à l'homme de dominer partiellement sa condition et d'écarter cer­taines épreuves, il n'est pas à l'abri de crises (comme celle de la maladie incurable) où ses pouvoirs sont mis en échec. A sein de cette « dé-maîtrise » comme au plus fort de sa maîtrise, il est appelé à faire confiance à Celui qui s'est révélé comme accompagnant l'homme dans la traversée de ses déserts aussi bien que dans ses conquêtes les plus glorieuses.

Tout nous est donc donné, à la fois la maîtrise et l'échec de cette maîtrise. Dans un cas comme dans l'autr~nous sommes appelés à l'action de grâces et à la confiance.

Tout nous est donné. Pour quelle fin? Ici plusieurs langages sont envisageables. On peut répondre ceci : tout nous est donné, pour que nous construisions une vie sensée où nous développerons nos propres capa­cités ; dans la relation à autrui, spécialement dans la sphère familiale ; en cherchant à bâtir une société juste et fraternelle ; tout cela en réponse à un appel, pour glorifier par notre manière de vivre Celui dont tout provient, même notre propre vie.

Voilà, bien schématiquement exposée, notre propre fin.

Pour y parvenir nous pouvons utiliser toute réalité, tout pouvoir acquis. En nous demandant chaque fois : sont-ils vraiment des moyens au service de cette fin 7

Cette interrogation, si simple soit-elle, nous ris­quons. constamment de l'oublier, fascinés que nous sommes par les productions de notre inventivité et les pouvoirs que nous acquérons. Nous oublions alors leur statut de moyens (ou de fins intermédiaires) pour nous consaèrer totalement à notre propre œuvre. Et nous

(9) Ibid., Il, 7. Biologie, Médecine et Éthique, p. 474. (10) Cf. Pie XII, L'expérimentation médicale sur l'homme,

Biologie, Médecine et Éthique, op. cit., p. 219-229. (11) Cf. Genèse 3, 1. (12) Psaume 8, 6 et 7.

pouvons même devenir esclaves de ce que nous avons élaboré.

Tel est sans doute un des plus tragiques paradoxes de notre existence : l'homme conquiert des pouvoirs de plus en plus étendus, mais devient prisonnier de sa propre maitrise l Toute la Bible rappelle constamment ce piège dans lequel nous risquons de tomber.« Tu ne te prosterneras pas devant I' œuvre de tes mains l » Nous n'y lisons le plus souvent qu'une condamnation de ceux qui taillaient des idoles de bois ou de pierre. Nous interrogeons-nous sur les formes plus subtiles de l'idolâtrie moderne 7

Des moyens, limités, non exclusifs

Tous les domaines de la médecine, toutes les manières de l'exercer peuvent être examinés à la lumière de l'interrogation précédente. Vous êtes pour la plupart des praticiens. Quelle est votre attitude concrète vis-à-vis de ceux qui se posent des questions sur le bien-fondé de telle technique, de telle chimiothé­rapie, de telle hospitalisation que vous leur proposez 7 Certains malades sont conscients des graves répercus­sions humaines de certaines thérapeutiques et hésitent à les accepter. Les aidez-vous à vérifier l'adéquation entre les moyens proposés et les objectifs qu'ils se fixent pour leur propre vie 7 Reconnaissez-vous, dans certains cas, qu'il vaut mieux ne pas agir 7 Si vous agissez ainsi, vous maintenez les ressources médicales dans un statut de moyens subordonnés à la fin de l'homme et ne tombez pas dans l'idolâtrie de la maî­trise sur la maladie.

Cette question de l'adéquation des moyens employés à la fin de la vie humaine vaut particuliè­rement en ce qui concerne les interventions biomédi­cales dans la reproduction humaine. Tient-on compte suffisamment des structures fondamentales de l'existence humaine 7 La biologie a beaucoup pro­gressé. Mais on ne s'est pas suffisamment interrogé sur ce qui permet à l'enfant de parvenir à la conscience de son identité et de s'engager ultérieurement dans des relations durables avec autrui, notamment à l'intérieur du couple. Certes les formes de vie conjugale, de rela­tions parents-enfants et d'inscription dans la vie sociale ne sont pas fixées une fois pour toutes et sont suscep­tibles de variations culturelles ; elles doivent cependant former un ensemble cohérent pour que le petit d'homme puisse y trouver sa place et se développer de manière harmonieuse. Telle est Ja raison première de multiples prises de position de l'Eglise catholique. Elles sont souvent mal comprises ; leurs auteurs eux-mêmes reconnaissant la déficience de leur formulation. Elles n'en portent pas moins sur des sujets de très grande importance.

D'autre part, notre époque valorise la science et les thérapeutiques qui en sont dérivées. Or ces moyens ne sont pas les seuls. Lorsqu'un couple, pour exprimer et fortifier son amour, veut donner la vie et constate son infertilité, la médecine, bien souvent, apparaît comme l'unique source d'espoir. Tout est attendu d'elle. Ne privilégie-t-on pas alors les traite­ments médicaux, alors qu'il serait bien des fois souhai­table de s'en remettre, au moins pour un temps, à la

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Maitrise et Respect de la Vie

temporalité, à l'approfondissement de la relation conjugale, à la recherche d'une pacification intérieure. Tout attendre d'un moyen peut conduire à en devenir prisonnier. Bien des couples l'ont compris, un peu tard, à leurs dépens.

La maîtrise acquise est et restera limitée. Certes, dans le face à face avec un patient, il n'est pas toujours facile pour un praticien d'attirer l'attention sur les bornes de son pouvoir. En cas de déficience, de han­dicap, de maladie, grande est l'attente de celui qui vient confier sa souffrance et demander de l'aide. Avouer ses propres limites requiert tact et prudence. Mais il reste indispensable de faire comprendre à l'opinion publique le caractère démesuré de certains espoirs, afin de ne pas entretenir de trop grandes illusions. Ce serait parti­culièrement nécessaire en ce qui concerne les procréa­tions médicalement assistées. L'enseignement catho­lique en ce domaine n'est pas pleinement accepté ; un approfondissement de la réflexion est donc nécessaire. On pourrait au moins commencer par donner une infor­mation sereine, précise, sur les risques et les taux de succès des différentes techniques.

Pour échapper à une trop grande séduction exercée par les nouveaux pouvoirs acquis sur la vie, nous avons ainsi à ne voir en eux que des moyens, non exclusifs et limités, dont on doit constamment vérifier l'adéquation à la fin de l'existence humaine. Ils témoignent, certes, de la surprenante fécondité de l'inventivité humaine. Mais celle-ci est elle-même un don. Nous avons à nous garder d'en faire une idole.

Le respect de la personne humaine

Dans toute la réflexion menée jusqu'à présent, nous avons, de fait, eu peu recours à l'expression de «respect de la vie». Il ne faudrait pas mésestimer son importance, spécialement pour le corps médical. Elle demeure un concept qui, après avoir guidé des généra­tions de médecins, garde sa pertinence. Mais aussi bien dans l'Église que dans les institutions à vocation éthique on a pris conscience que le respect de la vie est une composante de notions plus larges et plus évoca­trices pour la majorité de nos contemporains, celles de « respect de la personne » et de « reconnaissance de la dignité humaine». Dignité aussi bien de chaque être humain que de l'humanité en général, fondatrice de droits fondamentaux pour l'individu et de devoirs pour tous ceux qui contribuent à l'évolution des techniques et des règles du droit.

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Certaines pratiques, même si elles laissent espérer l'acquisition de certains biens, sont inadaptées à laper­sonne h~maine et à la fin de son existence, négatrices de ce qui la structure, attentatoires à sa dignité ou dan­gereuses à long terme pour la reconnaissance de la spécificité humaine. De ces pratiques il faut avoir le courage de s'abstenir. Sans pour autant jeter un dis­crédit sur leffort inlassable de recherche de connais­sances ou d'acquisition d'une maîtrise plus grande sur ce qui menace ou amoindrit la vie.

Dans cet exposé j'ai essayé de réagir contre un pessimisme excessif. On sent monter de bien des côtés craintes, défiance envers les recherches biomédicales, critique systématique des avancées scientifiques. Cette suspicion a priori ne me paraît pas saine. Personnel­lement je ne souhaite pas que les chrétiens lui emboîtent trop vite le pas. Ni la Bible, ni lenseignement du Magistère, ni l'expérience de générations de croyants ne récusent la légitimité de la recherche d'une maîtrise de l'homme sur les processus naturels.

Par contre nous avons à résister à bien des séduc­tions et des illusions mystificatrices. Ne confondons pas innovation et progrès. On constate qu'au lieu de toujours prendre comme guide le respect de la dignité humaine, on en vient parfois à déplacer les repères éthiques afin de ne pas freiner la recherche scientifique. Moyens et fin sont alors strictement inversés. La connaissance devient la valeur suprême devant laquelle tout doit s'incliner. Les pouvoirs acquis jusqu'à présent ont pour la plupart représenté un bienfait pour l'hu­manité. Il nous reste cependant une tâche plus difficile encore à remplir: maîtriser notre propre maîtrise. •

A noter dès maintenant sur vos agendas

17-18 novembre 1990 WEEK-END SPIRITUEL

à 1 'Abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire

du samedi 15 heures au dimanche 15 heures

• Un temps de rencontre, de réflexion et de prière

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ÉTHIQUE ET GÉNÉTIQUE MÉDICALE

par le pr Jean-François MATTÉI (*)

INTRODUCTION

Les questions d'éthique, selon la boutade d'un chercheur, n'ont longtemps intéressé que les savants à la retraite et les concierges en activité. Il est vrai que la science possède sa propre morale souvent basée sur son utilité et son efficacité et qu'elle pourrait minimiser les risques qu'elle fait encourir. Il est vrai aussi que lopinion a toujours tendance à confondre la fiction et la réalité comme si elle ne pouvait se dispenser de ce frisson de peur qu'elle éprouve en imaginant la fabri­cation à la chaîne de petits monstres dociles.

En fait, la réalité est aujourd'hui quelque peu diffé­rente car ce sont les médecins et les scientifiques qui s'interrogent quant au sens profond de leur action, s'in­quiètent du pouvoir grandissant que leurs confèrent les récents progr~s de la génétique médicale, hésitent entre l'angélisme béat dans lequel tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes et le conservatisme pur et dur traduisant une morale du refus.

Je viens d'employer le mot «morale» et vous m'avez demandé de parler d'éthique. Je voudrais donc clarifier un problème de sémantique. Le dictionnaire Larousse indique que léthique est la science de la morale. On semble la considérer aujourd'hui comme la morale de la science par un curieux retournement des mots. Pour rester réaliste, je dirai que, problèmes éthiques ou problèmes moraux, nos interrogations portent sur toutes les situations où le médecin engage un dialogue avec sa conscience pour tenter de dégager une conduite qui respecte au mieux l'idée que l'on se fait de la personne humaine et de sa dignité.

Ces situations sont difficiles. Elles sont par essence conflictuelles. Conflits au niveau des consciences; la conscience du généticien en tant qu'homme de science mais aussi la conscience du généticien en tant qu'homme tout simplement dans son contexte social, culturel, éducatif et religieux. Conflits au niveau des cir­constances objectives concernant risques et possibi­lités. Conflits au niveau des dispositions légales, cadre souvent contraignant, peu logique voire inadapté. Conflits au niveau des appréciations subjectives telles que la gravité potentielle et la réaction du couple.

On comprend bieri déjà que c'est l'humilité qui s'impose car il n'est pas possible de définir les limites

(*) Centre de Diagnostic Prénatal et INSERM U. 242 -Hôpital d'Enfants de la Timone, 13385 Marseille Cedex 5 -France.

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Éthique et Génétique

entre le bien et le mal, le normal et l'anormal, l'accep­table et l'inacceptable, l'être humain réel et l'être humain potentiel, la vie et la mort d'autant que pour cer­tains celle-ci n'est qu'un passage. Il n'est pas possible non plus de traduire le cheminement des consciences et leurs débats intérieurs. Il n'est pas possible enfin de prétendre détenir la seule vérité dans une société où la décision de chacun engage toute la collectivité et où la décision collective retentit sur chacun.

Il faut donc s'interroger avec humilité car si la géné­tique est à la mode nous projetant déjà dans l'avenir, il ne faut pas oublier la leçon du passé : à Rome le Capitole était tout proche de la Roche Tarpéienne. Essayons donc d'y voir un peu plus clair à défaut de trouver une solution.

LA GÉNÉTIQUE

Je voudrais d'abord rappeler les principales carac­téristiques qui font de la génétique médicale une disci­pline nouvelle, originale, passionnante, humaine et déconcertante.

C'est une discipline nouvelle basée sur des progrès théoriques récents puisque c'est au long des 35 dernières années qu'ont été décrite la structure de I' ADN, défini le nombre des chromosomes, organisée la stratégie du diagnostic prénatal, élaborée la technique du génie génétique. Mais cette discipline s'est éga­lement développée pour répondre à de réels besoins pratiques. Ces besoins sont nés de nouvelles priorités en pathologie. Les problèmes infectieux et nutritionnels étant résolus dans la plupart de nos pays, c'est le pro­blème des handicaps, des malformations et des maladies génétiques qui est venu au premier plan. Ces besoins sont également nés de nouvelles mentalités. La diffusion de la contraception ayant réglé la question du nombre d'enfants, les couples ont substitué au souci de quantité une exigence de qualité. c· est pour toute ces raisons que la génétique médicale s'est imposée récemment comme une discipline de pointe.

C'est aussi une discipline originale car elle n'est pas encore orientée vers la thérapeutique et demeure basée sur une stratégie de prévention. Elle ne cor­respond plus à l'image traditionnelle de la médecine sin­gulière au sens où Duhamel parlait du colloque singulier entre patient et médecin avec secret médical absolu et notion de possession réciproque (mon médecin ... mon malade ... ). La génétique, en effet, s'adresse à des

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couples, donc à des familles avec toutes les difficultés que l'on peut déjà pressentir concernant l'approche psychologique et les conséquences sociales. Enfin, la génétique a la particularité de conduire le niédecin à engager son pronostic pour un être qui n'existe pas puisque généralement il s'agit de se prononcer sur l'issue d'une éventuelle grossesse à venir.

C'est encore une discipline passionnante au sens où elle peut déchaîner les passions allant jusqu'à la provocation dans le débat éternel entre l'inné et l'acquis, entre le hasard et la nécessité.

Le hasard? Il est indubitable. Chacun de nous ici est un être original, unique, qui n'a pas son pareil au monde, résultant de la combinaison aléatoire de 50 à 1 OO 000 gènes environ au terme du brassage méio­tique paternel et maternel. Les lois de Mendel, les muta­tions et les anomalies chromosomiques sont venues bien sQr étayer cette conception génétique et ce déter­minisme au hasard. Mais il y a aussi la nécessité. Celle qui conduit l'homme à s'adapter au milieu qui l'entoure pour survivre, pour se développer, pour s'imposer. Chacun sait en outre, comme l'a bien montré l'exemple de la Drépanocytose, que cette nécessité n'est pas la même selon les pays, selon les familles, selon les conditions de vie. Le simple bon sens conduit évi­demment à faire la part des choses et à reconnaître l'inévitable interaction du hasard et de la nécessité. Si j'ai souligné cet aspect c'est parce que l'histoire a déjà prouvé qu'il soulève bien des problèmes éthiques au regard de la philosophie comme de l'action politique.

En effet, la génétique est une discipline humaine. Elle concerne l'homme dans sa dimension historique, bien sOr et je ne m'y attarderai pas. Mais elle concerne aussi l'homme dans sa dimension surnaturelle car elle l'atteint dans sa vocation à l'immortalité au travers de sa descendance. On comprend cela en réa­lisant la nature des problèmes qui nous sont confiés et qui tous ont trait à la reproduction. Que cette repro­duction soit impossible dans les stérilités, qu'elle soit inachevée dans les avortements répétés. qu'elle soit anormale dans les malformations. Parler de génétique c'est donc atteindre l'homme dans ses origines, ses fondements, sa vie et son devenir. Là aussi la génétique côtoie les préoccupations métaphysiques.

C'est pour cela qu'elle est enfin une discipline déconcertante. Car ses objectifs, schématiquement résumés : analyser le passé, expliquer le présent, prévoir l'avenir, soulèvent déjà de nombreux problèmes éthiques.

Par exemple le secret médical. A 1· occasion de l'ouvrage collaboratif édité par J. Fletcher et D. Wertz, nous avons réalisé une enquête sur ce sujet en France auprès des généticiens. Pas plus que dans les autres pays, il n'y a de consensus. Pour les uns, le secret médical est le premier droit du patient. Pour les autres, c'est un devoir de prévenir la famille quand un diag­nostic prénatal est possible. Il est préoccupant de noter par exemple l'absence totale de consensus à propos de la Chorée de Huntington ou de !'Hémophilie.

Un deuxième problème concerne la vérité médicale. Par exemple, faut-il en cas de trisomie 21 par translocation héritée imposer la vérité quant à l'origine de l'anomalie si le couple ne désire pas la connaître ? L'enquête montre que la franchise totale est

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toujours recherchée par les généticiens ; plus exac­tement « presque toujours » car le problème des femmes à caryotype 46,XY suscite une opinion inverse 1 Il apparaît dès lors que ce n'est pas la vérité en tant que telle qui est recherchée mais qu'elle est soumise à de nombreuses considérations d'autre nature telles que la responsabilité médicale, les consé­quences de la révélation du diagnostic au plan psycho­logique et thérapeutique.

Un troisième problème concerne enfin I' objec­tivité totale du généticien et force est de souligner l'ambiguïté de la démarche qui repose sur un« conseil» génétique, le terme de « conseil » étant inadéquat. Il traduit en effet l'implication subjective du médecin généticien dans ce qui devrait être « l'information géné­tique» objective d'un couple dans une situation donnée. En fait, il s'agit d'un vœu irréaliste car chacun et notamment le généticien apprécie différemment les faits en fonction de son propre vécu, de sa propre expérience et adapte son comportement à la façon dont réagit l'interlocuteur. Oui d'entre nous n'a pas eu ten­dance à minimiser les choses face à un couple pessi­miste ou inversement? Il est utopique d'imaginer que le médecin puisse être parfaitement objectif et non directif même s'il souhaite le rester. Ce conflit intérieur trans­paraît selon les circonstances et dans les enquêtes comparées il y a de nombreuses discordances. Il est donc effarant de réaliser que des conduites opposées peuvent être conseillées pour une même situation selon les médecins et selon les pays.

Sans aller plus loin dans une telle discussion, j'ajou­terai simplement que tous ces problèmes ont été et sont encore sous-tendus par une démarche probabiliste bien peu satisfaisante. Que deviennent la force du secret, de la vérité et de lobjectivité face aux statis­tiques. L'expérience nous a enseignés combien même les chiffres sont peu objectifs et que 50 % de chances est bien différent de 50 % de risque selon l'esprit qui les conçoit.

C'est dans ce contexte classique et déjà difficile que les progrès techniques récents sont venus bruta­lement faire irruption et bousculer les concepts archaïques mettant en cause l'objet même de la géné­tique, c'est-à-dire la vie. Avec la nouvelle génétique, c'est le mythe de Prométhée qui ressurgit et l'homme se prend à croire qu'il est désormais en mesure de maî­triser son propre destin et sa vie. Il est vrai que depuis quelques années, on sait donner la vie en dehors des processus naturels (c'est la procréation médicalement assistée), on sait apprécier la qualité de vie avant même la naissance (c'est le diagnostic prénatal), on sait presque modifier la nature de cette vie (c'est toute la démarche du génie génétique). Je voudrais donc aborder rapidement ces trois points en fonction des problèmes éthiques soulevés.

LA PROCRÉATIQUE

On sait effectivement donner la vie en dehors des processus naturels grâce aux nouvelles techniques de la procréation artificielle que sont l'insémination artifi­cielle, la fécondation in vitro, les mères de substi­tution.

L'insémination artificielle tout d'abord

Elle peut être réalisée avec le sperme du conjoint et c'est initialement pour corriger I' oligospermie qu'ont été mises au point les méthodes de prélèvements, manipulation, concentration et congélation de sperme. Quoi de plus légitime 7 De même une fois ces tech­niques maîtrisées, quoi de plus logique que de conserver du sperme d'un homme atteint de cancer du testicule avant que le traitement ne le rende stérile 7 Mais comment réagir lorsque la demande d'insémi­nation est faite par une femme après le décès du mari ? Comment répondre à ces demandes d'insémination post-mortem ? Le premier jugement de cette nature en France, au terme d'un procès opposant une banque de sperme à la veuve, avait ordonné la restitution des pail­lettes congelées créant ainsi un précédent malheureux. Car à la réflexion, il est évident qu'on ne peut pas rem­placer un mari par un enfant et qu'il n'est pas dans le cours normal des choses de concevoir délibérément un enfant orphelin.

Mais il est apparu que l'insémination pouvait éga­lement être réalisée avec du sperme provenant d'un donneur dans les problèmes de stérilité masculine (cas de loin le plus fréquent) ou dans des situations géné­tiques lorsque l'homme est porteur d'une affection autosomique dominante et qu'il se refuse à transmettre le gène malade à sa descendance. Nous avons tous à la mémoire des exemples précis, des visages, des exemples pour illustrer ces situations. Pour ma part ce sont ces couples qui m'ont convaincu au fil des mois et des années et je n'hésite pas à en parler désormais lorsque l'insémination artificielle avec sperme de donneur me paraît une solution possible.

Il faut, se faisant, être bien conscient qu'on avalise ainsi l'intrusion d'un tiers dans le couple et la disso­ciation entre la paternité biologique et la paternité sociale. Pourtant sous réserve de critères stricts dans les indications et les précautions préalables, c'est un pas qui semble désormais franchi. Il est vrai au prix de nouveaux problèmes.

Faut-il, par exemple, maintenir l'anonymat des don­neurs ? On sait que celui-ci a été supprimé en Suède et ceci en raison du droit de chacun de connaître son identité réelle et de retrouver ses racines. Qui ne peut comprendre cette préoccupation essentielle de savoir son origine 7 Mais qui peut imaginer de supprimer l'ano­nymat raisonnablement sauf à vouloir que le système disparaisse 7 Comment faut-il réagir devant des demandes imprévues telles que celles formulées par les femmes célibataires ou des couples de femmes homo­sexuelles ? Ce qui revient à se poser la question simple de savoir si un enfant a réellement besoin d'un père et d'une mère? A mon avis la réponse est oui.

La fécondation in vitro suivie du transfert d'em­bryon est théoriquement une technique mise au point pour permettre à une femme souffrant d'une stérilité tubaire de concevoir un enfant à partir de son propre ovule et des spermatozoïdes de son mari puis de porter son enfant pendant toute la durée de la grossesse. Cette technique, considérée comme une véritable théra­peutique de certaine stérilité féminine, bien qu'elle consacre encore davantage pour certains la séparation entre l'amour et la sexualité, ne semble pas poser beaucoup de problèmes dans ses indications.

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, Ethique et Génétique

Par contre de nombreux problèmes sont très vite apparus. Les uns liés à la nécessité de réduction de grossesses multiples ; les autres liés à la congélation des embry~ms surnumér~ires. Quelle signification leur accorder ? Etre humain ? Etre humain potentiel ? Simple agrégat de cellules ? De la réponse à cette question déconcertante dans sa naïveté et sa simplicité dépendent toutes les autres. Peut-on les détruire? Quand ? Après quel délai ? Pourquoi six mois plutôt que douze ou dix-huit ou davantage ? Peut-on autoriser, même selon les modalités strictes et contrôlées, des expériences utiles pour progresser dans la connais­sance ? Peut-on autoriser leur utilisation à des fins thé­rapeutiques ? Peut-on autoriser leur adoption par des couples stériles dont la femme assurerait alors la ges­tation 7 Les derniers problèmes enfin liés à la combi­naison de la fécondation in vitro à l'insémination artifi­cielle avec sperme de donneur ou de fécondation in vitro à l'implantation de l'embryon chez une femme receveuse. On peut dès lors imaginer tous les scénarios possibles dont certains ont déjà été réalisés : la grand-mère portant les enfants de sa fille ; pourquoi pas, si la conservation est prolongée, une femme portant sa sœur ou son frère trente ans après ; et à l'extrême, un enfant ayant cinq parents différents : deux biologiques, une mère porteuse et deux parents sociaux adoptifs. Je n'évoque même pas les aspects commer­ciaux, l'instauration d'un usage qui permettrait à des femmes d'être mère sans avoir jamais été enceinte quels que soient les motifs, de carrière, d'esthétique ou autre, ou encore les grossesses interspécifiques ...

Cela conduit à dire quelques mots de ce qu'il est convenu d'appeler« les mères porteuses» ou« mères d'accueil» ou «mères de substitution ». Quand on sait que dans la plupart des cas l'utérus en question est loué pour accueillir son propre ovule, que dire d'un procédé qui conduit une femme dès le début de sa grossesse à se situer délibérément en stratégie d'abandon psycho­logique sachant qu'elle devra donner son enfant à la naissance 7 Le pédiatre que je suis se refuse à rayer les neuf mois de la grossesse et à faire comme s'ils n'exis­taient pas. On ne peut nier le caractère privilégié des relations qui s'établissent entre la mère et l'enfant tout au long de la grossesse et lon voit bien le danger qui guette alors non seulement le médecin mais toute la société. Un jour, une femme me faisait remarquer qu'offrir un enfant était la générosité suprême. Outre qu'il ne s'agit plus du don de soi mais du don d'un autre, je pense qu'il y a des cadeaux qu'on n'a pas le droit de faire. Disant cela, je n'ignore pas que dans cer-

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tains peuples cette opinion pourrait paraître totalement incongrue, par exemple en Polynésie Française ...

C'est pour cela qu'au-delà des faits c'est une réflexion globale qu'il faut mener.

Les problèmes de stérilité sont des problèmes dou­loureux dont seuls peuvent vraiment parler ceux qui les ont vécus, d'autant que le légitime désir d'enfants se heurte aux conditions impossibles de l'adoption.

Je voudrais simplement attirer l'attention sur quelques points : partis de problèmes de couples, nous avons assisté à l'irruption d'une tierce personne; ou au contraire à la réduction à la famille monoparentale ; à un mort qui peut devenir père et un enfant conçu délibé­rément orphelin ; à la dissociation des fonctions de mère génétique, de mère gestante et de mère sociale ; à la notion d'abandon d'enfant - je ne parle pas de commerce - admise voire encouragée ; à la sous­estimation du risque de rupture de contrat - je parle bien de contrat - lorsque la mère porteuse décide fina­lement comme c'est le cas une fois sur trois en moyenne de garder son enfant ; ou de fuite de respon­sabilité quand plus personne à la naissance ne veut de lenfant parce qu'il est malformé.

Dans tout cela ce qui m'inquiète c'est que l'enfant perde sa condition de sujet pour devenir objet; qu'il soit considéré comme un objet auquel on a droit et plus un sujet dont la présence est un don. c· est déjà tout le conflit entre le savoir et le vouloir. Les problèmes du diagnostic prénatal vont encore le souligner.

LE DIAGNOSTIC PRÉNATAL

On sait maintenant contrôler et apprécier la qualité de la vie avant la naissance. C'est tout le problème du diagnostic prénatal. Cette démarche a été entreprise au début, dans les années 1970, en raison du difficile pro­blème posé par la trisomie 21. Il s'agit d'un retard mental généralement sévère, définitif et au-dessus de toute thérapeutique. Le risque de récidive pour un couple ayant eu un premier enfant atteint de cette ano­malie chromosomique est environ 6 à 7 fois supérieur à celui de la population générale et on peut l'estimer à 1 % . Nombreux sont les couples qui refusaient de prendre ce risque et l'on assistait véritablement à des blocages néfastes à la fois pour l'équilibre du couple et pour l'avenir de l'enfant trisomique 21. La pratique du diagnostic chromosomique prénatal permettrait donc de rassurer 99 % des familles au prix, c'est vrai, de l'in­terruption de la centième grossesse concernant un fœtus trisomique. Pour toutes ces raisons, comme beaucoup d'autres équipes, nous avons organisé le diagnostic prénatal de la trisomie 21.

Ce faisant, cependant, il faut noter deux points.

Le premier point est lourd de conséquence car il entérine la suppression de malades qu'on ne peut guérir en leur déniant le droit de vivre. Osant à peine dire qu'ils sont gênants, on prétend éviter leur souffrance laissant ainsi apparaître une pitié qu'on pourrait qualifier de dan­gereuse. Quoi qu'il en soit, il est évident que pour des raisons tout à fait compréhensibles c'est tout un pro­cessus qui s'amorce. Certains ont refusé de s'engager dans un tel système. C'est leur droit le plus strict. La clause de conscience peut à tout moment être invoquée et doit être respectée. Pour les mêmes raisons du

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respect des consciences individuelles il est inadmissible de v<;>ul~ir imposer ses propres critères et ses propres conv1ct1ons.

Le deuxième point concerne l'extension de ce diag­nostic du cadre individuel à l'ensemble de la population dite à risque, établissant une nouvelle démarche sur des fondements cette fois économiques et sociaux avec large diffusion et progressive banalisation. Bien sûr, d'excellentes raisons sont invoquées et notamment la nécessaire information pour éviter l'accès à l'examen des seules couches privilégiées de la population. Que dire, sinon que nous avions mis le doigt dans un engrenage.

En effet, cherchant à reconnaître la trisomie 21 chez le fœtus on a naturellement fait le diagnostic d'autres affections tel que le syndrome de Klinefelter, le syndrome de Turner, la trisomie X ou le syndrome YY. Dans ces affections chromosomiques, le retard mental n'est pas _la règle e~ le handicap physique est quel­quefois mineur. Il n en demeure pas moins que le caryotype n'est pas normal. La vérité conduit à le dire· 1' o~jectivité conduit d~ rryême à estimer les risques évo: lut1fs en termes stat1st1ques ; enfin le respect de la déc~sio~ du couple prise souven~ sur des impressions subjectives après des conversations ou des informa­tions puisées dans des ouvrages de vulgarisation amène à interrompre la grossesse dans la plupart des cas. Dans une enquête française, il est intéressant de noter que 78 % des médecins pédiatres, obstétriciens ou généralistes pensent qu'il faut interrompre la gros­sesse en cas de trisomie 21 et 44 % pour le syndrome de Klinefelter. Ce dernier chiffre est considérable puisque comparable aux 46 % relevés pour la Mucovis­cidose et très supérieur aux 22 % relevés pour !'Hémo­philie. Dès lors, il faut bien reconnaître qu'on aban­donne la certitude pour la statistique, qu'on juge en qualité de vie imparfaite, et qu'en corollaire se dégage l'idée d'un enfant parfait.

Cette évolution s'est confirmée avec le diagnostic prénatal d'affections pouvant faire l'objet de traite­ments au long cours plus ou moins satisfaisants telles que la Phénylcétonurie, !'Hyperplasie congénitale des surrénales ou l'Hémophilie. En effet, même pour les couples courageux l'idée d'assumer un deuxième enfant malade conduit généralement à solliciter l'inter­ruption de la grossesse. Cette fois c'est un pas de plus qui conduit. à choisir la suppression du malade plutôt que son traitement ; qui conduit à choisir en fonction de difficultés personnelles et plus en fonction des diffi­cultés propres du malade; qui aggrave l'évolution vers la notion d'enfant idéal.

Avec le diagnostic prénatal d'affections comme la Myopathie de Duchenne ou la Mucoviscidose, c'est la souffrance et la mort différée que l'on cherche à éviter. On peut comprendre bien sûr une telle démarche mais il e~t vrai qu'elle engage un nouveau processus. Il s'agit d'interrompre la grossesse de sujets qui mourraient à l'âge de 20 ans. Mais avec la Chorée de Huntington, c'est l'interruption dans l'œuf d'une vie qui pendant 40 ans se serait déroulée normalement ; peut-on ainsi rayer sans coup férir 40 années? Va-t-on s'engager sur la voie du diagnostic prénatal de la maladie d' Alz­heimer ? Ce serait dans la logique des choses. On le comprend. Ce serait alors 60 années refusées pour éviter une fin annoncée. On peut alors se demander si

l'on n'en viendra pas au diagnostic prénatal de la mort car au-delà de la souffrance et de la maladie c'est l'idée de mourir qui est insupportable. Je ne vais pas pousser le raisonnement à l'extrême, encore qu'il me plairait de démontrer qu'au contraire c'est probablement la mort qui fait la saveur de la vie. Au-delà de ces exemples c'est donc toute une interrogation qui surgit sur la valeur de la vie, le sens de la souffrance, la dignité humaine et l'organisation de notre Société qui ne facilite pas la vie des sujets handicapés ni celle des familles qui ont ~n charge des handicapés. Il ne faut plus des sujets handicapés 1 Louable souci mais qu'il conviendrait de mieux définir tant le handicap est une notion subjective dans bien des cas.

La biologie moléculaire nous plonge, bien entendu, dans ~n abîme de perplexité. Parti du diagnostic de la ~~t~t10~ drépanocytaire nous voici, en terme de proba­b1htes hées aux pourcentages de recombinaisons conduits à envisager le diagnostic prénatal de poly: kystose rénale, de rétinite pigmentaire, d'affections génétiques diverses et souvent modérées. Plus que jamais on s'aperçoit que le diagnostic génétique au-delà du conseil et de l'information devient un véritable jugement génétique. N'oublions jamais que nous s<?mme,s de~ médec~ns avant d'être des juges. Cette desagreable 1mpress1on est encore plus évidente dans le domaine de 1' échographie. Il est impossible de rentrer dans le détail de cette technique dont les progrès fou­droyants se heurtent à deux limites. - Notre compétence est la première limite. Je veux dire

notre capacité à maîtriser la technique et il y a là une co~tradiction _interne. C' es} au niv~au du dépistage qu 11 ne faut rien méconnaitre et c est au niveau du consultant que la compétence est réelle. On ne souli­gnera jamais assez l'angoisse née chez une femme au détour d'un nuage perçu dans le regard de l'écho­graphiste, les interruptions injustifiées sur de faux diagnostics comme la naissance de malformés annoncés comme superbes 1

- La deuxième limite est encore plus préoccupante puisqu'il s'agit a priori de distinguer ce qui est normal de ce qui ne l'est pas, le supportable de l'insuppor­table, l'acceptable de l'inacceptable. Bien sûr, 1' exemple le plus significatif concerne les anomalies des membres. Je n'ai pas voulu d'un propos basé sur l'anecdote mais je donnerai juste deux situations vécues pour illustrer ce problème :

1 . Un couple. L'homme a une ectromélie bila­térale. Une grossesse est en cours. La femme veut savoir les risques, les moyens de diagnostic. L'af­fectio~ est dominante, le risque est de 50 %, l'écho­graphie peut faire le diagnostic. Celui-ci révèle que le fœtus est porteur de l'ectromélie. L'interruption de la grossesse a été réalisée à la demande de la femme. L'homme qui n'avait rien dit jusqu'alors est revenu me voir un m~is après. Il voulait parler, expliquer qu'il avait eu ~ne vie heureuse malgré l'infirmité, qu'il avait un métier, une famille, qu'il ne s'était pas senti le droit de décider. Mais, a-t-il ajouté pour finir, en supprimant cet enfant c'est un peu moi qu'elle a tué. Rien ne s'efface et il est des cicatrices qui demeurent douloureuses à jamais.

2. Un avocat. Sa cliente venait de mettre au monde un enfant à qui un bras manquait. Plusieurs échographies n'avaient rien décelé. C'est une faute

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Éthique et Génétique

grave car la grossesse aurait dO être interrompue, s'étonnait l'avocat. Or il n'y a pas de loi et comme il suggérait d'y remédier il fut bien en peine de définir la limite des gravités. Fallait-il interrompre lorsqu'un bras manquait, la moitié d'un bras, quelques doigts seu­lement 7... Il est des situations impossibles que même les juristes ne pourront pas résoudre.

Être normaJ ou ne pas être ... tels étaient les termes du problème. Etre conforme ou ne pas être, voilà ce qu'ils sont devenus, conformes au vœu, au désir des parents. C'est ce qui nous est demandé désormais avec l'apparition des techniques de diagnostic précoce sur trophoblaste. Garçon ou fille pour simplifier. On choisit ce que lon veut comme dans un supermarché et je me demande si en l'occurrence les médecins ne se trompent pas de métier. Je ne suis pas sOr qu'il soit dans le but de la médecine de favoriser le sexage, affreux néologisme, en organisant le tri des embryons. Ce qui est significatif d'ailleurs, c'est la discordance d'opinion sur ce problème entre les différents pays. Refus en France, acceptation au Canada, en Suède et aux U.S.A. Cette fois, pourtant, c'est bien l'objet conforme que l'on recherche. Il ne manque plus qu'une chose: la garantie d'un bon fonctionnement à vie.

Et bien, c'est ce qui apparaît sous le nom scienti­fique de médecine prédictive. C'est la possibilité entrevue d'être rapidement capable de dresser l'inven­taire des forces et des faiblesses de chacun enfouies au plus profond de ses noyaux. C'est la chronique d'une vie annoncée avec le déroulement d'un film déjà visionné. Taille connue à l'avance, accidents vascu­laires, manifestations ostéo-articulaires, survenue d'un cancer, d'une démence, d'un diabète ... Mais peut-on vivre une existence déjà vécue 7 Peut-on admettre que s'installent dès la naissance des différences connues et reconnues 7 Peut-on accepter la loi du plus fort ainsi organisée 7 Je ne suis pas sOr que l'homme ait la force morale de supporter la connaissance préalable de son lendemain. Je sais par contre que le motif est une fois encore louable. Prévenir, prendre les mesures conser­vatoires, éviter les facteurs de risques, tout cela peut se comprendre. Mais au-delà des problèmes humains que j'évoquais, il y a là aussi les propres limites du système qui doit pour respecter l'homme ne s'adresser qu'aux volontaires et garder le secret vis-à-vis des employeurs, des assureurs, de l'État ; or, tout cela est à l'évidence contraire aux garanties de l'efficacité du système.

Au total, c'est un dilemme sans solution qui s'impose aujourd'hui. D'un côté, a-t-on le droit de

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choisir pour un être humain sa mort et sa souffrance 7 De l'autre, est-il absurde de remarquer qu'on a toujours assez de forces pour supporter les maux d'autrui 7 Cette incohérence conduit à une hypocrisie véritable et à des situations absurdes.

Récemment en France un homme était jugé pour avoir tué son nouveau-né trisomique 21. Il n'était pas difficile de montrer l'absence de logique d'un système qui permet jusqu'à dix semaines l'interruption volon­taire de grossesse pour tout motif y compris de conve­nance personnelle; permet encore jusqu'au terme l'interruption médicale de grossesse pour forte pré­somption de handicap grave (quatre mots parfai­tement subjectifs) ; et ne permet plus rien à partir du moment où l'enfant est né 7 Il n'est, bien entendu, pas question de prétendre organiser la suppression de tous les malformés à la naissance mais je voudrais que l'on me dise quelle différence essentielle il y a entre I' em­bryon, le fœtus et le nouveau-né 7 Des dates fixées sur des critères techniques 7 Est-ce que le fait de pousser un premier cri vous confère la dignité humaine que vous n'aviez pas auparavant 7 Le père a été acquitté. Et bien, même ceux qui avaient craint une peine trop lourde ont été déconcertés. Une telle jurisprudence n'ouvre-t-elle pas la porte à des mesures d'eugénisme vis-à-vis de certains handicaps 7

C'est pourquoi il faut espérer que vite, très vite, la génétique ne se contentera plus de dépister pour subir ou éliminer mais qu'elle pourra rendre aux médecins leur rôle premier qui est de traiter et guérir. On peut l'es­pérer. On doit y parvenir.

LE GÉNIE GÉNÉTIQUE

On a, en effet, appris au cours des dix dernières années à isoler et à faire fonctionner des gènes dans des organismes qui leur sont étrangers. Toutes ces techniques qui relèvent de ce que lon appelle le génie génétique et que l'on retrouve parfois dans la littérature à grande diffusion sous le terme de manipulation géné­tique sont très avancées dans les domaines de la bio­logie végétale et de la biologie animale. Les chercheurs espèrent ainsi créer des espèces végétales résistantes aux parasites, aux champignons et pouvant pousser dans des conditions extrêmement défavorables avec un rendement supérieur à la normale. La démarche est la même en biologie animale et le souci à terme est d'as­surer l'alimentation sur notre planète. Or, le code géné­tique étant universel, toutes ces techniques peuvent désormais, avec des difficultés plus grandes, être appli­quées à l'homme.

Il n'y a, bien sOr, aucun problème éthique à faire fonctionner un gène d'insuline, d'hormone de crois­sance ou d'interféron humain dans un colibacille. C'est tout simplement le développement d'une nouvelle forme d'industrie pharmaceutique. Encore que, l'utili­sation de l'hormone de croissance pose des problèmes éthiques d'une autre nature.

Se pose alors tout naturellement la question de savoir s'il ne serait pas mieux d'introduire directement le gène dans lorganisme humain lui-même, ce qui per­mettrait la guérison définitive. C'est la notion de thé­rapie génique. Je ne veux pas rentrer dans le détail des techniques. D'autres le feront plus tard. Chacun sait

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cependant que l'on oppose la thérapie germinale à la thérapie somatique.

La thérapie germinale est sous-tendue par l'idée d'introduire un gène dans un œuf fécondé avant la pre­mière division cellulaire afin qu'il soit présent dans toutes les cellules de l'organisme. Cette méthodologie paraît bien maîtrisée à présent au plan expérimental et nombreuses sont les équipes qui utilisent les « souris transgéniques » pour étudier le fonctionnement des gènes. Cependant, le chemin reste long à parcourir et les quelques succès obtenus ne doivent pas masquer que de telles tentatives se soldent le plus souvent par des échecs car il y a bien sûr une différence considé­rable entre la stratégie de masse qui ignore la nature génétique du zygote en tant qu'individu, le pourcentage d'échec non négligeable, l'éthique médicale et l'appli­cation humaine à titre individuel.

Il faudrait d'abord disposer de nombreux gènes humains et de vecteurs totalement inoffensifs ; maî­triser les procédures d'intégration de ces gènes dans les cellules cibles et dans le matériel génétique sans effets secondaires néfastes, contrôler le bon fonction­nement et la régulation de ces gènes greffés, vérifier l'efficacité biologique de la protéine synthétisée. Il fau­drait ensuite pouvoir pratiquer sur le même œuf à la fois diagnostic et traitement in vitro ; puis obtenir une bonne implantation avec développement normal de l'embryon et ceci, en tenant compte des échecs déjà nombreux lorsque le cours normal des choses est respecté. Il y a là une sorte de quadrature du cercle difficile à résoudre et cette simple idée apparaît aujourd'hui tout à fait sau­grenue. Il faudrait une nouvelle révolution des menta­lités pour redonner à I' œuf fécondé sa véritable valeur de personne humaine dans une société qui considère l'embryon et le fœtus comme on l'a vu aux chapitres précèdent sur la Procréatique et le Diagnostic Pré­natal.

On doit tout de même ouvrir le débat philosophique fondamental sans se cacher derrière le paravent des dif­ficultés techniques car si la routine relève de l'utopie, l'expérimentation est tentante et c'est un aspect qu'il ne faut pas méconnaître. Le très sage Comité Consul­tatif National d'Éthique en France condamne bien sûr toutes les manipulations génétiques qui conduiraient à modifier un individu et sa descendance par une thérapie germinale. Cependant il n'a pas voulu fermer définiti­vement la porte et n'exclut pas des autorisations exceptionnelles en s'entourant de toute la vigilance et la prudence nécessaire. Cette réserve doit nous maintenir en alerte.

Avec la thérapie somatique le problème est tout autre. Au-delà de l'éthique du risque lié aux techniques c'est en fait un procédé qui rappelle dans son principe les greffes d'organes et d'ailleurs, à cet égard, les trai­tements entrepris notamment par greffe de moelle pour déficit immunité combiné sévère ou hémoglobinoses en sont une forme. Par contre, et c'est là une des consé­quences conjointes de tout ce que nous venons de voir, l'utilisation de tissu embryonnaire à titre thérapeutique pose de réels problèmes avec la dérive commerciale mais aussi comportementale. Je pourrais illustrer mon propos de plusieurs situations où des couples s'apprê­taient à concevoir un enfant dans le seul but de soigner un autre enfant malade. Là encore, cette idée de l'enfant sur ordonnance ne peut laisser sans réaction.

CONCLUSION

Je parlais en commençant d'humilité. J'y reviendrai en terminant car le débat sur l'éthique et la génétique n'apporte à l'évidence aucune solution. Il a le mérite d'exister et il est nécessaire. Les nouvelles techniques de la génétique humaine remettent en effet en question les trois lois fondamentales de lespèce liant sexualité et reproduction, procréation et filiation, transmission du patrimoine génétique.

Or, c'est sur ces trois lois qu'est fondée notre morale. L'homme se trouve donc confronté à un défi qu'il s'est lancé et réalise que son intelligence l'amène à maîtriser davantage son propre destin. Il y a de quoi être saisi de vertige. Certains jugent préférable de s'ar­rêter. Je ne crois pas cette attitude appropriée.

Il n'est pas dans le projet de l'homme de renoncer à la connaissance. Je dirai même que ce renoncement serait contraire au goût de vivre. En effet, sans un minimum de confiance en l'homme, la vie ne vaudrait pas la peine d'être vécue et nous serions alors enfermés dans un étrange paradoxe.

Ma conviction est que, l'homme est désormais en mesure d'exercer de nombreux choix, donc d'assumer de nouvelles libertés et de nouvelles responsabilités. Je voudrais à cet instant citer une phrase de Saint-Exupéry dans le Petit Prince : « Les hommes ont oublié une vérité, dit le Renard au Petit Prince, mais tu ne dois pas l'oublier. Tu deviens responsable de ce que tu as apprivoisé. » Ayant apprivoisé sa double hélice l'homme doit donc continuer d'appliquer son intelli­gence mais aussi sa raison pour tenter peut-être de comprendre un jour, non seulement le « comment » des choses mais surtout le« pourquoi». Je doute que la science seule puisse répondre à cette question. C'est pourquoi j'ajouterai pour terminer que je suis persuadé, comme l'a si bien dit Soljenytsine que « privé de sa pointe divine la connaissance humaine se déprave». Il faut toujours y penser quand il s'agit de l'homme, de sa vie et de sa mort. •

Liste des annonceurs

EUROTHERMES.... Ill

SERVIER........... IV

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HOMELIE par le Père J.P. Ricard(*)

Sur LUC 10, 25-42

L'Évangile a toujours un goût d'exode. Et c'est bien à un double passage, à un double déplacement que Jésus invite dans l'évangile de Luc que nous venons d'entendre.

A la question « Q.ue dois-je faire pour recevoir en partage la vie éternelle 1 »,Jésus invite le scribe qui la pose à passer d'une compréhension théorique de la Loi à une mise en œuvre pratique. Le légiste aurait bien voulu en rester à une discussion académique afin de mieux pouvoir coincer Jésus. Les milieux rabbiniques aimaient beaucoup ce type de débat autour des interprétations possibles de la Loi. Une des discussions clas­siques entre scribes était celle des conflits de devoir possibles entre les 61J préceptes qu'on avait dégagés de la Loi : quels étaient les plus grands commandements, ceux qu'il fallait observer en premier ... Jésus a toujours peur qu'un débat de ce genre qui tend à absolutiser tel ou tel précepte, ne serve en fait qu'à renforcer les sécu­rités de l'homme, à lui éviter ainsi les risques d'un choix concret, le risque de la liberté. Pour Lui, la Loi n'est pas première; il ne l' absolutise pas. Elle est un point de repère important mais qui renvoie à une histoire de salut, à une Parole d'Alliance qui est première. Et comprendre la Loi, la mettre en œuvre, c'est entrer dans cette histoire d'alliance, c'est participer à cette passion de Dieu pour l'homme. C'est pour cela que Jésus invite à un faire, à entrer dans une action traneformatrice : «Fais ceci et tu auras la vie », « Toi aussi, fais de même». Dans la Bible, la vérité est moins de l'ordre de la spéculation que de celui de l'effec­tuation: «celui qui fait la vérité vient à la lumière» ün ), 21). Et ce n'est pas pour rien queJésus donne une parabole. Une parabole, ce n'est pas une comparaison, c'est un récit qui décrit des relations, mais qui invite aussi son auditeur à entrer dans cette histoire et à continuer à l'écrire pour lui aujourd'hui.

Et c'est là, au cœur même de cette parabole, que nous trouvons ce deuxième passage auquelJésus nous invite. Le passage de la question« (lui est mon prochain 1 »à la question:« Lequel s'est montré le pro­chain de l'homme 1 »Les deux questions paraissent proches. Il y a, en fait, entre elles tout l'espace d'un retour­nement, d'une conversion dans la façon de voir le prochain.

Pour le scribe, et peut-être pour nous, à certains jours, le prochain, c'est celui qui est proche de moi, celui dont je me sens proche à cause d'un certain nombre de liens qui le rapprochent de moi, proximité géo­graphique, liens familiaux ou affectifs, solidarité nationale ou religieuse, communion de pensée ou d'opinion. L'amour du prochain risque fart alors d'être la sacralisation de ces liens avec ce que cela peut comporter d'exclusion, vis-à-vis du lointain, du différent, de l'étranger.

Le prochain, pour Jésus, n'est pas forcément celui dont je me sens proche, c'est celui dont je deviens proche, celui dont je m'approche, franchissant des distances d'inattention, des barrières de différences, de préjugés, d'exclusion. Devenir le prochain de quelqu'un, c'est tout un chemin à parcourir. Et pour en montrer toute l'amplitude, Jésus choisit un samaritain. Jésus est là passablement provocateur. Qjland on sait le contentieux qui existait de vieilles rancœurs, de vieilles haines, religieuses et politiques entre Juifs et Samari­tains, faire du modèle de l'attitude selon Dieu, celle de l'hérétique, de l'ennemi, du Samaritain, montre jus· qu'où peut aller et doit aller, selon Jésus, la rencontre de l'autre.

(•) Vicaire général du diocèse de Marseille.

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Dimanche 22 octobre 1989

Devenir le prochain de l'autre, la parabole nous en esquisse quelques traits :

D'abord le Samaritain voit et comme ce regard passe par le cœur, un cœur compatissant, il s'approche. A l'inverse du prêtre et du lévite qui n'ont pas voulu en touchant un homme quasi mort se rendre légalement inaptes au culte et qui sont passés« à bonne distance», lui s'approche. Il n'en reste pas au seul sentiment. Il a l'aide efficace, au moins avec les moyens de la médecine de l'époque, l'huile et le vin. Il ne se contente pas du dépannage immédiat, mais il sait prendre en charge dans la durée. Enfin, il sait repartir. Il est libre. Il ne tient pas à garder l'autre sous sa dépendance ou inversement il ne se laisse pas impressionner ou démolir par lui. Cet homme a accepté de se laisser dérouter (aux différents sens du mot), de perdre du temps pour l'autre, de mettre en veilleuse ses préoccupations immédiates pour être présent à l'autre.

Et c'est là que je vois une grande parenté d'attitude entre notre samaritain et Marie, la sœur de Marthe. Ils sont à l'écoute d'une parole, à l'écoute de l'autre. Ils sont décentrés d'eux-mêmes, pour accueillir l'autre, tel qu'il est, tel qu'il veut être accueilli, reçu, écouté. A l'inverse, la pauvre Marthe, se trouve prise par la frénésie du bien faire, des convenances, par l'image prégnante de la bonne ménagère. Elle s'affaire, mais en fait très centrée, trop centrée sur elle-même, elle se rend indisponible à l'autre et croyant l'accueillir, rate la rencontre.

Q!ti ne voit combien ces textes sont pleins de résonances par rapport à ce qui a pu être échangé pendant ce congrès, par rapport à ce que, comme médecins, vous vivez. au quotidien. Comme Marthe, on peut s'tiffairer, être pris par la spirale de la technique pour la technique, par la fascination d'un certain nombre de moyens dont on dispose. L'autre devient un corps à guérir. Il risque de disparaître comme autre. Devenir le prochain de l'autre, de l'homme blessé, de l'homme vulnérable, n'est-ce pas renoncer à la maîtrise absolue, écouter l'autre, l'accueillir dans les différentes dimensions de sa personnalité et de son environnement, ne pas en faire un être assisté passivement mais un collaborateur de l'amélioration de sa propre santé et de l'obtention éventuelle de sa propre guérison 1

Oui, devenir le prochain de l'autre est un chemin qui, à certains jours peut paraître redoutable. Mais c'est là que l'Évangile nous rejoint comme une Bonne Nouvelle. Il vient nous dire que si nous sommes invités à prendre ce chemin et que ce chemin est possible, c'est parce que quelqu'un l'a pris avant nous et nous soutient aujourd'hui dans cette marche. C'est le Christ qui est venu vers l'humanité blessée. La ledure de bien des Pères de l'Église qui voit dans le Bon Samaritain une image du Christ, touche dans le texte même quelque chose

'de fondamental. Le Samaritain fut pris de pitié, fut touché aux entrailles. C'est le terme même qui est employé chez. Luc pour nous parler du bouleversement de Jésus devant la souffeance et dans l'Ancien Testament pour nous parler de la Passion de Dieu pour l'homme.Jé1us a voulu s'approcher de l'homme, de tout homme, du pécheur, de l'étranger ou de l'exclu. Il a renversé toutes les barrières et montré les dimensions universelles de la fraternité. Il en a aussi payé le prix. Traité à son tour de Samaritain ün 8, 48 ), il sera rejeté et mis à mort comme un exclu aux portes de la ville.

Oui, Jésus nous dit ce qu'est la vraie façon d'accomplir la Loi: c'est d'entrer dans cette Passion d'un Dieu pour l'homme, d'un Dieu qui se donne à l'homme. Puissions-nous dans cette Eucharistie, avec le Christ, prendre cette route vers le frère qui, ainsi, nous devient proche. Amen !

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Le texte des deux conférences du Père Bernard MATRA Y s.j. sera publié dans le prochain numéro de« Médecine de l'Homme». Nous en rappelons ici leur présentation.

L'ÉGLISE, ET LA TECHNOSCIENCE

Le débat sur les rapports de la science et de la foi qui a suscité, dans le passé lointain ou plus proche de nombreux conflits, se double aujourd'hui d'un débat sur la relation qui peut s'instaurer entre la société techno­scientifique et le message chrétien.

L'Église ne s'oppose pas par principe à la techno­science : elle lui reconnaît une mission légitime et indis­pensable, celle de contribuer au dévoilement de la vérité de l'homme dans son histoire collective. Là, la techno­science exerce une véritable cc diaconie » qui est sa grandeur. Hors de cette finalité, elle se perd elle-même en réduisant à rien tout ce que l'homme a tenté de dire de lui-même dans l'élaboration de sa culture.

L'avenir de l'homme, usant de la technoscience, n'est donc assuré qu'au prix d'une cc tâche éthique»: respecter en chacun son humanité. La foi peut apporter, à la réalisation de cette tâche, un dynamisme qui lui est propre - si, conscients des enjeux, les chrétiens acceptent d'être présents au monde qui se crée et savent, par leur compétence, en relever les défis.

LOI NATURELLE, CONSCIENCE PERSONNELLE ET AUTORITÉ DU MAGISTÈRE

Dans la tradition chrétienne, c'est la conscience per­sonnelle qui est le lieu ultime de la décision morale. Cela ne signifie pas que la vie morale puisse se réduire pour autant à un pur subjectivisme comme d'une société dont il se sait partie prenante et chaque chrétien en référence à une Église.

Alors s'introduit dans la vie morale une instance nouvelle, instance de rationalité et d'universalité, qui est celle de la loi. Au cœur de chaque décision, la loi vient rappeler la présence de l'autre, de l' Autre, et les condi­tions de son respect.

Ainsi s'introduit une tension nécessaire entre le pôle individuel et le pôle universel: l'humanisation de chacun est à ce prix.

Mais qui va dire la loi? Dans l'Église catholique, il est du rôle du magistère d'assumer la difficile fonction d'expliciter des normes. Tout l'enjeu est de savoir comment vivre, en Église, la tension entre la loi ainsi exprimée et la conscience .

• La Communauté du Chemin Neuf a joué un rôle important lors des deux Journées du Congrès du C.C.M.F. de Marseille. Aussi nous paraît-il important de mieux la faire connaître et d'indiquer quelques-unes de ses activités susceptibles d'intéresser les médecins et les membres des professions de Santé.

La Communauté du Chemin Neuf, née en 1973 à Lyon, est une communauté catholique à vocation œcuménique (elle comprend des membres appartenant à d'autres églises).

Elle est composée d'hommes et de femmes (célibataires, gens mariés) réunis par leur foi en Jésus-Christ et par un commun désir de servir l'Evangile dans l'Église et dans le monde.

Elle est implantée principalement dans les grandes villes de France, et en différents pays d'Europe et d'Afrique ainsi qu'en Israël. La plupart des membres ont une activité professionnelle à l'extérieur, d'autres travaillent à plein temps pour la mission commu­

nautaire (foyers de jeunes, centres de formation chrétienne, maisons d'accueil et de prière, librairie, audiovisuel, cabinet médical, atelier d'aide par le travail, service de personnes âgées ... ).

Tous vivent un partage financier de leurs ressources, total ou partiel, suivant le mode de vie communautaire (fraternité de vie : habitat sous le même toit - fraternité de quartier: habitat regroupé dans un même quartier), qui est déterminé par l'appel personnel et le type de la mission.

La Communauté est actuellement implantée dans plusieurs grandes villes. Nous ne pouvons donner toutes les adresses de la Communauté. Voici cependant celles de:

- Paris: 61, rue Madame, 75006 Paris. Tél. : 45.48.29.06. - Lyon: 10, rue Henri-IV, 69287 Lyon Cedex 02. Tél.: 78.42.72.95. - Marseille: Centre Notre-Dame-de-Roucas, 341, chemin du Roucas-Blanc, 13007. Tél.: 91.52.60.39.

Pour I' Année 1990, quelques rencontres vous sont proposées, dont le week-end du 23 et 24 juin 1990 à Soleymieu (Isère) « Santé et handicap »

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1 Tribune des lecteurs

LE MÉDECIN MALADE D'UNE AFFECTION CHRONIQUE

ET SON MÉDECIN TRAITANT

On a tendance à oublier que les médecins sont comme tous les hommes. Ils éprouvent un jour ou l'autre la maladie, souvent les vicissitudes de la vieillesse avant d'être frappés par la mort.

Malades, ils ont aussi recours à leurs confrères. Ils nouent avec l'un ou plusieurs d'entre eux, une relation. Comme toutes les relations médecins-malades, elle sera diver­sifiée par l'irréductible individualité, la formation socio­culturelle, les conditions d'exercice professionnel, le sens que chacun donne à son existence. Mais elle aura une note ori­ginale du fait que ces deux partenaires sont marqués par une même expérience professionnelle, exprimée dans un même langage (celui de la médecine et de la culture dont elle émane). Elle a des chances d'accéder de ce fait à un niveau plus vrai, plus humain, qu'un dialogue entre médecin et non médecin. C'est ce qui fait son intérêt.

Nous allons essayer de résumer les traits spécifiques de cette délicate relation dont les observations sont assez rares. Nous mesurons la difficulté de ce travail et sollicitons de ce fait l'indulgence du lecteur.

* * *

Les affections brèves, bénignes, insignifiantes, entrainent rarement la consultation d'un confrère. On s'en tiendra ici aux affections majeures, de longue durée, voire chroniques et incu­rables, aux infirmités lourdes, à la pathologie variée de l'éven­tuelle sénescence.

Le médecin fait rarement appel aux examens de dépistage systématique qu'il conseile à ses patients. Il garde pour lui les premiers troubles qui l'inquiètent. Il écarte ses doutes en multipliant ses activités. C'est seulement si les symptômes persistent qu'il se décide à consulter un confrère.

* * *

Le choix du consultant dépend de l'idée qu'il se fait de son mal. À noter qu'une urgence chirurgicale ou autre peut survenir qui empêche tout choix : à l'accueil traditionnel son titre de médecin ajoute une note confraternelle. Mais, le plus souvent, son choix est délibéré. Naguère, en milieu libéral, il faisait appel à un confrère du secteur géographique, généra­liste ou spécialiste selon les troubles, confrère auquel il était depuis longtemps lié par la confiance et la sympathie. Il en est parfois encore ainsi. Mais les conditions d'exercice ont évolué. Dans les grandes agglomérations, les médecins libéraux se connaissent moins, la spécialisation diversifie. Actuellement le médecin patient s'adresse souvent à un chef de service hospitalier du voisinage, spécialement compétent dans les troubles qui l'inquiètent, qu'il a rencontré, apprécié à propos de cas difficiles.

par le or Fr. GOUST (*)

À partir des premiers contacts quelle trajectoire va suivre leur relation ? Médecins, ils savent tous deux que la durée est un facteur favorable à l'efficacité technique et humaine de leur art. Leur comportement respectif devrait leur permettre de surmonter ce qui peut faire obstacle à cette continuité.

Au début, ils sont unis par une foi commune dans leur science médicale. Le médecin patient freine ses réactions émotionnelles, sachant, selon la remarque d'un de ses confrères, que « un médecin qui s'observe se trompe tou­jours » (Ruffié). Au point de « refouler » inconsciemment cer­tains signes fonctionnels d'un grand intérêt, d'esquiver les questions.

Le médecin traitant de son côté joue en général le jeu attendu par son patient. Il s'efforce de le bien comprendre. Il prend son temps, écoute, interroge. Il explique et s'explique. Il prescrit les examens à subir, les rendez-vous nécessaires, il coordonne les informations. Il dresse le bilan. Il conseille la thérapeutique. Il sait que son confrère-patient attend de lui qu'il prenne pleinement ses responsabilités. Même s'il a des doutes, il manifeste un optimisme raisonnable. Il prévient ses inquiétudes.

Mais les troubles sont chroniques et le temps passe. Si le médecin traitant est avant tout, tant qu'il est bien portant, un médecin, le médecin malade en s'avançant dans sa maladie, se perçoit malade non seulement dans son corps, mais dans toute sa personne. Sa subjectivité interfère avec ses processus phy­siopathologiques. Il ne peut plus être le médecin de lui­même.

Il s'accrochait à cette médecine connue et aimée. Ses succès indéniables, servis par une information qui donne parfois à croire qu'elle peut tout, l'aidaient à espérer.

Et voilà qu'il constate l'échec des thérapeutiques les plus en vogue, donc l'inexorable chronicité de son état. La faible frange d'espérance s'estompe, la désillusion s'installe.

« On ne sent jamais autant la faiblesse de la médecine écrivait naguère le Docteur Allendy, que lorsqu'on est à la fois malade et médecin. Alors, devant la réalité de la détresse, apparait toute la pauvreté, toute l'insuffisance dissimulée d'un art, dont tout le monde voudrait attendre la certitude ». « Plus que chez les autres, renchérit le Docteur Voivenel, notre véri­table drame est la perte de l'illusion».

Cette désillusion est au cœur de notre problème. Dans les états chroniques elle a une influence déterminante sur la relation médecin traitant-médecin patient. Ses conséquences seront différentes, néfastes ou bienfaisantes selon le degré de lucidité de la conscience et l'état affectif de chaque parte­naire.

Tel médecin malade, submergé par son affectivité, incrimine ses soignants. Il met en question leur diagnostic,

(*) Membre du Comité de rédaction.

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leurs thérapeutiques, leur compétence. Sa déception se porte sur certains confrères. Elle n'atteint pas tous les médecins et la médecine en général. Il va consulter d'autres praticiens et espère en des médecines différentes.

Tel autre éprouve une désillusion à un plus haut niveau. Il constate tout simplement que la médecine ne peut pas tout, qu'elle a ses limites. Il le savait comme le sait son médecin traitant le plus souvent. Ce dernier est rarement un homme dont le goût du prestige et autres aveugléments passionnels cachent la vérité ; auquel cas la relation se relâche.

Mais s'il a donné toutes ses chances à son patient, en tentant pour lui tout ce qui est possible, sans certitude absolue, espérant lui-même sans trop y croire, la dure épreuve de la réalité ne les sépare pas. Et la relation continue. Elle continue à un niveau plus profondément humain. Le médecin traitant sent l'exigeante nécessité de se rapprocher plus encore de la eersonne de son malade, de ne pas le laisser dans le désarroi. A l'aide technique symptomatique, il ajoute une psychothérapie visant à l'acceptation et à la sérénité. Un patient grave, fut-il médecin, se sent rasséréné s'il est pris en mains.

Alors l'un et l'autre abordent le sens de la vie. Pour cer­tains il n'y en aurait pas et l'on tombe alors dans un trou profond qu'on ne peut combler que par beaucoup d'amour.

Pour d'autres (et nous pensons ici spécialement aux chré­tiens que nous sommes) la vie a un sens qu'il se manifeste en santé ou dans la maladie. Et la mort elle-même a un sens sinon la vie est absurde.

On s'efforce de plus en plus, en ce moment avec beaucoup d'humanité, d' « accompagner les mourants ». Car l'accompa­gnement psychologique, moral, spirituel des malades atteints d'une affection incurable de longue durée est aussi primordial. Et cela peut se faire très discrètement, très fraternellement, lors d'une longue relation.

On ne peut isoler la relation médecin traitant/médecin patient des conditions d'exercice de la médecine.

Elles sont, on le constate à chaque instant, d'une grande incohérence. On comprend aisément l'idée directrice qui devrait les animer : tout faire pour favoriser la continuité des examens et des soins grâce à un travail en équipe groupant autour d'un généraliste librement choisi les spécialistes et auxiliaires indispensables. Ces équipes, elles-mêmes reliées à un centre hospitalier régional. La multiplication des circuits de distribution des soins sans liaison entre eux est défavorable à la continuité de la relation. La transmission des dossiers de chaque client d'un secteur à un autre n'est pas encore obliga­toire. Les médecins malades souffrent comme tout patient de cette funeste dispersion et de ses conséquences sur la relation.

* * *

Quelle leçon tirer de ce bref survol ? Quelque effort qu'il fasse, un homme bien portant ne peut s'identifier à un malade. Même si, médecin, il connait aussi parfaitement que possible la maladie, une différence existera toujours entre eux, c'est inévitable et nécessaire, non qu'on sous-évalue la sympathie mais parce qu'il faut garder pratiquement son sang-froid.

Cependant dans l'exercice de la médecine, l'approche entre les deux partenaires devrait être aussi étroite que pos­sible.

Lorsqu'un médecin après une longue maladie, ayant même parfois frôlé la mort, reprend son activité profession­nelle, il voit ses patients avec un autre regard et va plus loin dans la compréhension et la relation.

Il est dommage que les observations exposant les rela­tions médecin traitant/médecin patient soient rares, pas assez fouillées. Elles apporteraient certainement des informations de première importance aux enseignants et aux praticiens, plus particulièrement à ceux qui n'ont pas été éprouvés par la maladie. Et sans nul doute elles favoriseraient l'humanisation toujours plus poussée de notre profession. •

Un grand nombre d'adhérents au C.C.M.F. et d'abonnés à «Médecine de l'Homme», a répondu à la lettre que nous leur avons envoyée début janvier, et parmi eux beaucoup, en effectuant leur règlement, nous ont exprimé leur sym­pathie.

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Le Bureau National et le Comité de Rédaction les en remercie vivement.

Nous espérons que ceux qui n'ont pu encore répondre à l'appel de cotisation 1990 (à partir de 150 F) et de réabonnement à la revue pour 1990 (280 F / National et 300 F /Étranger) ne manqueront pas de le faire dans les jours à venir.

D'avance nous les en remercions.

Le Bureau National du C.C.M.F.

Le Comité de Rédaction de Médecine de l'Homme

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Le numéro 183 de septembre-octobre 89 de la revue «Médecine de l'Homme» n'a pas manqué d'intéresser tous les membres des professions de Santé, parce que l'infirmière tient actuellement une place importante dans l'exercice de celles-ci. Cette place ne résulte pas seulement de la diversité de ses fonctions bien mises en évidence par Maryse Petit, mais au rôle que l'équipe d'infirmières joue auprès des malades, entre l'équipe médicale d'une part, le personnel hospitalier d'autre part, ainsi que l'a bien exposé J.-F. Lécrivain. La profession lutte pour que soit mieux défini son « rôle propre » dans la complémentarité des fonctions des soignants, surtout en milieu hospitalier. C'est principa­lement par rapport au corps médical que se pose la spécificité de la profession. A cet égard, les articles cités précé­demment contiennent des données utiles, mais il nous a semblé intéressant de les compléter par un article de Yvonne Sibiril, infirmière enseignante, rédigé sous la forme d'une« Lettre ouverte», quelque peu provocatrice et non exempte d'humour. Aussi, malgré quelques passages sans doute excessifs, il nous a paru utile de compléter le numéro sur la profession d'infirmière par cette publication. Les médecins devront suivre le Post Scriptum de cette lettre: «Si une 1 re lecture vous a irrité, attendez un moment et relisez-la une 28 fois ». C'est ce que nous avons fait et nous la publions.

Lettre ouverte aux médecins pouvant être lue par les infirmières

par Mme Yvonne SIBIRIL (*)

On m'a demandé d'écrire un article pour des médecins sur l'évolution de la profession infir­mière.

Ne sachant comment écrire cet article, car ce sujet a déjà fait l'objet de nombreuses publications, j'ai choisi la forme Lettre ouverte.

Madame, Monsieur,

Vous côtoyez depuis de nombreuses années les infirmières et vous les connaissez peu. Les infir­mières vous côtoyent et ne se sentent pas reconnues par vous. Vous êtes souvent vécus comme un pouvoir négatif. • qui ne reconnaît pas ce qu'il permet • qui ne permet pas ce qu'il ne reconnaît pas.

Vous permettez aux infirmières de réaliser les actes médicaux infirmières (A.M.1.) sans reconnaître la compétence et la responsabilité que ces actes nécessitent, sans voir l'insécurité de plus en plus grande dans laquelle les infirmières travaillent. Il suffit pour cela de lire vos prescriptions souvent incomplètes, imprécises et mal écrites.

Vous ne permettez pas toujours aux infirmières de pratiquer autre • chose • que les A.M.I. Il n'est pas rare que vous trouviez naturel qu'une infirmière interrompe un entretien avec une personne hospi­talisée pour suivre votre visite.

Les médecins existent depuis très longtemps et sont formés en Occident, du moins depuis 1 000 ans, dans des écoles de médecine.

Les infirmières existent aussi depuis longtemps et sont formées depuis 1 OO ans dans des écoles d'in­firmières.

Vos écoles de médecine se sont transformées tout naturellement en faculté puis en université. Les nôtres non.

Vous êtes maître depuis toujours de votre formation, nous commençons seulement à l'être en partie.

Dans la pratique hospitalière, dans les institutions sanitaires, les choses s'inversent. Les infirmières sont présentes dans les institutions (sous des formes variables) depuis 1 000 ans et vous depuis à peine 100 ans.

On peµt se demander si ce décalage da.ns le temps n'explique pas la situation d'aujourd'hui. Depuis longtemps nous assurions un service continu dans un lieu clos (l'hôpital). Notre action peu

connue à l'extérieur ne nous permettait pas d'être socialement reconnue.

(•) Infirmière enseignante - Syndicat InterbosjJltaller Régional - École de cadres - Poissy.

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Vous arrivez récemment dans ce lieu clos qui s'ouvre, vous y séjournez ponctuellement exerçant précédemment à l'extérieur, vous êtes socialement reconnu.

De plein droit, vous occupez les postes de chef sans concertation, vous fixez les règles du jeu comme si avant vous rien n'existait.

Pendant longtemps, les infirmières ont considéré que leur rôle était d'aider les gens à vivre ou à mourir comme des hommes, c'est-à-dire religieusement. Vous, pendant ce temps, votre rôle était de nommer les dysfonctionnements du corps humain, de les réparer dans la mesure de vos possibilités qui étaient quasiment inexistantes.

jusqu'à l'aube du XX" siècle tout allait bien, vous nommiez, vous classiez les maladies (vous tentiez de les réparer). Infirmières, nous aidions à mieux vivre.

Vous étiez limités par le fait que vous ne pouviez voir l'intérieur du corps humain in vivo. Vos trai­tements basés sur l'utilisation des plantes étaient limités par la production naturelle. Vos actes chirur­gicaux que vous maîtrisiez bien, sur le plan technique, étaient limités par le manque de moyens pour permettre au patient de supporter le choc.

Nous cohabitions sans problème puisque nous n'exercions pas sur les mêmes territoires. Puis nous rentrons dans le XX" siècle, tout bascule. Pour vous, enfin, vous avez accès à l'intérieur du

corps humain, la découverte des rayons X vous permet ce voyage. La découverte, la meilleure utilisation de produits anesthésiques vont vous donner un peu plus de temps pour réparer.

La maîtrise de la transfusion sanguine ou autre produit permet au patient de résister un peu plus au choc.

Alors s'ouvre devant vous un espace d'exercice qui vous paraît illimité, vous ne pouvez plus l'oc­cuper seul, il vous faut une auxiliaire; vous regardez autour de vous et vous trouvez l'infirmière. Vous allez l'inviter à participer à la grande aventure de la médecine qui définit la santé comme l'absence de maladie, qui fixe la guérison comme objectif aux soins.

Mais pour devenir auxiliaire médicale, l'infirmière va devoir suivre une formation lui permettant de participer à votre démarche.

C'est-à-dire que les infirmières vont devoir apprendre à connaître ce corps malade que vous voulez guérir, à acquérir les savoir-/ aire nécessaires pour participer aux investigations, appliquer et surveiller les traitements que vous prescrivez. Participer à la démarche médicale est vécu comme un dévelop­pement, une avance vers le professionnalisme. Tout ceci se concrétise par deux programmes de for­mation: 1922-1954 et une définition légale en 1946.

L'après-guerre vous renforce dans vos choix, vous disposez de moyens de plus en plus perfectionnés pour diagnostiquer, traiter médicalement et surtout chirurgicalement ; vous entrez en force dans les institutions hospitalières puisqu'après 1958 vous serez même invités ày travailler à plein temps et vous demandez à l'infirmière de vous suivre, de réaliser de plus en plus d'actes médicaux.

Vous vous intéressez au corps, vous délaissez l'esprit, vous privilégiez ce qui se voit, sur ce qui se vit. D'autres vont sy intéresser (toute la famille des psychologues).

Nous entrons dans l'ère des sciences humaines que vous ignorez. Les infirmières, elles, n'oublient pas ou se souviennent en vivant au quptidien avec les malades que

non seulement elles doivent traiter des maladies mais aussi qu'elles doivent apprendre aux malades à vivre avec.

Derrière la maladie, Il y a une personne et cette personne a peut-être quelque chose à dire pour expliquer ce qui lui arrive pour prendre une part active dans son traitement.

Tandis que vous renforcez la place des sciences-physique-chimie de la pathologie, que vous aban­donnez la clinique pour la biologie, la radiologie,

Les infirmières vont introduire discrètement un peu de psychologie et de sociologie dans leur for­mation.

Nous sommes dans la deuxième moitié du XX" siècle, les hommes voyagent, les idées circulent. Des infirmières françaises partent au Québec et aux U.S.A. et retrouvent chez leurs collègues d'Outre­Atlantique des préoccupations identiques aux leurs. Elles vont surtout rencontrer la pensée d'une infir­mière américaine : Virginia Henderson.

Que dit Virginia Henderson : Tout homme pour vivre doit satisfaire un certain nombre de besoins fondamentaux. Quand il ne peut le faire seul, soit du fait de son age, soit du fait de sa maladie, de son handicap, il peut faire appel à une infirmière et cette dernière va décider des moyens à mettre en place pour agir à sa place ou pour agir avec lui.

Cette idée va faire le tour du monde. Les infirmières françaises (certaines du moins) vont l'adopter et la traduire concrètement dans le

programme de formation de 1972-1979 (La loi du 31mal1978 - Les décrets d'application du 12 mai 1981 et du 17 juillet 1984).

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Pour une majorité de médecins, la santé continue à être définie par l'absence de maladie. Pour une minorité d'infirmières, la santé est égale à la capacité d'adaptation pour vivre avec ou malgré la maladie. Pour une partie de la société, la démarche de santé se modifie. Certes, la population veut être réparée de mieux en mieux, de plus en plus vite, veut pouvoir remplacer ses organes, limiter les nais­sances, avoir des enfants à n'importe quel prix, voire ne plus mourir, et une majorité de médecins et d'infirmières tente de répondre à ces demandes jusqu'à l'absurde.

Mais parallèlement, la même population veut mieux vivre, accepte de mourir mais dans la dignité. A ce deuxième type de demande, la réponse médicale est moins visible et la contradiction entre médecin et infirmière réapparaît.

L 'O.M.S., consciente de cette double demande, se propose comme objectif pour l'an 2000: • d'ajouter des années à la vie • d'ajouter de la vie aux années

pour cela de rechercher, développer des soins de santé primaires, c'est-à-dire au plus près de la popu­lation à un coût socialement acceptable.

Mais ces objectifs de l'O.M.S. seront peu repris ni par le Ministère de la Santé (Droite et Gauche), ni par le corps médical; ils mobiliseront cependant beaucoup d'infirmières lors des forums de la santé réa­lisés durant l'année 1988.

Depuis quelques années, vous vous interrogez sur l'avenir de la médecine, sur médecin généraliste et médecin spécialisé. j'ai le sentiment que plus on parle du médecin généraliste et plus on privilégie le médecin spécialiste - durée de formation plus longue - rémunération plus importante - organisation de son travail plus souple.

Les généralistes prennent en charge les maladies bénignes, les maladies chroniques et la vieillesse qui devient une maladie en soi. Les spécialistes prennent le reste, les maladies aiguës, les accidents et les perturbations des derniers jours de la vie dans certains cas.

Les infirmières sont confrontées au même dilemme : faut-il renforcer leur polyvalence ouf aut-il ren­forcer leur spécialisation et, dans un cas comme dans l'autre, doivent-elles augmenter leur compétence, leurs connaissances médico-techniques ou humanistes et sociales.

Aujourd'hui, pas plus que vous, elles ne peuvent ou ne veulent choisir et toutes les revendications de l'automne dernier dans leur confusion et leur contradiction le prouvent.

Quelquefois, je me demande si, dans notre inconscient, nous ne rêvons pas d'être médecin, mais pas le médecin que vous êtes mais celui que vous étiez lorsque vous étiez médecin de famille, médecin de campagne que vous preniez soin de vos patients en les situant dans leur environnement avec leur his­toire et peut-être serions-nous capables de l'être.

Pendant longtemps nous avons été simple exécutante de vos prescriptions, nous n'avions pas d'autre rôle que d'appliquer vos prescriptions que celles-ci aient pour objet le diagnostic, la thérapeu­tique ou la surveillance des malades. En quelque sorte nous n'avions pas à •faire• de démarche d'analyse - poser le problème, prévoir l'action, l'évaluer - mais seulement une démarche d'application - préparer, mettre en œuvre et ranger.

Après la sortie du texte de Loi de 1978 nous reconnaissant un rôle propre et les décrets d'application de 1981et1984, nous avons eu accès, pour une partie de notre activité, à la démarche d'analyse que nous appellerons démarche de soins. Qui dit démarche dit recueil d'information-diagnostic (mise en évidence ou en relation de signe et d'une étiologie), définition d'objectif, évaluation en vue d'un réajus­tement si besoin.

Ceci pouvant se faire parallèlement à votre démarche médicale pour laquelle nous contribuons au recueil d'informations, où nous réalisons en partie ou en totalité les actions prévues et où nous contri­buons par nos actions de surveillance à l'évaluation.

Le double rôle qui nous incombe n'est clair ni pour vous, ni non plus pour la majorité d'entre nous, car il y a deux mots dont vous avez détourné le sens : diagnostic et traitement.

Dans le Larousse illustré, le mot Diagnostic a deux sens : - identification d'une maladie par ses symptômes, - jugement porté sur une situation, sur un état.

Vous appropriant le mot, vous n'avez retenu que le premier sens. Les infirmières souhaitent utiliser le deuxième.

Dans le même Larousse Édition 1989, le mot Traitement a quatre sens : - manière d'agir envers quelqu'un, - rémunération de fonctionnaire, - action et manière de soigner un malade, - ensemble de mesures thérapeutiques.

Dans ce cas, vous utilisez le quatrième sens, les infirmières souhaitent utiliser le premier.

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Le diagnostic médical porte sur la maladie. Le diagnostic infirmier porte sur la situation de laper­sonne, sur son état de malade ou d'handicapé. Les éléments d'information nécessaires pour poser ces objectifs sont donc différents.

Vous allez rechercher comment fonctionnent ou dysfonctionnent les organes porteurs de fonction vitale à l'aide de l'observation clinique des résultats d'examens de laboratoire, radiologiques ou autres.

Nous, nous allons chercher comment la personne répond à ses besoins vitaux de manière satisfai­sante ou insatisfaisante par l'observation, l'entretien.

Vous rechercherez les causes en terme d'insuffisance, d'obstacle, d'agression microbienne ou autre. Nous, nous rechercherons en terme de manque de connaissances, de manque de moyens physiques

ou sociaux, de manque de motivations. Nous agirons les uns et les autres, soit sur les signes, soit sur les causes. Nous évaluerons les

résultats pour arrêter, maintenir ou réajuster notre action. Vous transcrivez en principe tout ceci dans le dossier médical et nous dans le dossier soins infirmiers.

Si nous mentons nos actions en concertation, il est évident que toute personne soignée par nous serait vraiment gagnante et que notre travail étant plus efficace serait plus valorisant pour les uns et les autres. Et si nous décidions de faire un dossier de soins non plus pour le médecin ou pour l'infirmière mais pour la personne soignée ?

Si nous décidions de mettre en commun les valeurs que nous partageons. Le fait que nous avons choisi d'exercer ce métier parce que nous voulions avoir une utilité sociale, nous voulions (même si cela ne s'avoue plus) exercer un métier qui s'intéresse à l'essentiel: la vie - la mort.

Si nous décidions ensemble en cette année du bicentenaire de la Déclaration des Droits de l'Homme d'unir nos actions pour que les hommes et les femmes de ce pays naissent libres et égaux en droit dans le domaine de la santé.

Nous ne serions plus dans la situation d'œuvrer les uns contre les autres, les uns à côté des autres. Mais les uns avec les autres pour une finalité commune : une vie de qualité. •

P.S. Si la première lecture de cette lettre vous a irrité, attendez un moment mais relisez-la une deuxième fois.

NOUVELLES DES RÉGIONS LES RENCONTRES MÉDICALES AU PAYS D'ARLES

Depuis 1987 existe à Arles ( 13) une association originale, créée dans la pers­pective de la Pastorale de la Santé, mais indépendante d'elle. C'est les « Ren­contres médicales au pays d'Arles», qui groupe tous les professionnels de la Santé : médecins, dentistes, pharma­ciens, infirmières, assistantes sociales, kinésis, etc. Son but est d'organiser trois réunions par an, comportant toujours une partie technique, médicale spécialement, mais aussi médico-psychologique. Exposé toujours suivi d'une réflexion sur le point de vue de léthique ou de la foi chrétienne, faite en général par un prêtre ou un religieux, mais parfois aussi par un pasteur. c· est dire r esprit œcuménique de l'association, qui garde cependant une étiquette neutre. Un large débat public accompagne ces deux exposés. Voici quelques sujets traités : les méthodes de procréation, l'accompagnement des grands malades, les enfants maltraités,

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l'enfance inadaptée, la prévention du cancer et du sida, les transplantations et les dons d'organes. Chaque séance, très vivante, est suivie par environ 60 à 1 OO personnes, sur 2 à 300 convocations. C'est dire aussi les difficultés de l'entre­prise. L'équipe responsable ne manque pas cependant de volonté de poursuivre, consciente de la tâche de faire entendre la voix de l'Église devant un large public. •

or Pierre THUAN Arles.

• RÉGION DU MANS

par le or Jacques MALBOS

LE PRONOSTIC EN PÉDIATRIE Nous nous sommes retrouvés une dizaine de pédiatres ou médecins ayant une forte activité pédiatrique pour échanger et réfléchir sur ce thème.

Notre réflexion s'est appuyée sur un certain nombre de cas particuliers : pro­blèmes neurologiques néo-nataux, tri­somie 21, grandes encéphalopathies, cancérologie, mucoviscidose, diabète, surdité avec ou sans syndrome polymal­formatif, becs de lièvre et fentes labiales, cardiopathies sévères, échographie ante­natale. Pour partager notre réflexion, nous avons regroupé ce que nous avons dit en 3 cha­pitres (ce que nous avons pu entendre de la part des parents, ce que nous per­cevons en tant que médecin et des opi­nions courantes témoins d'une mentalité collective) puis repris les idées forces qui se sont dégagées au fur et à mesure de notre réflexion. 1. Ce que nous avons pu entendre de la

part des psrems: • Ils nous reprochent soit de ne pas les

avoir prévenus, ou de les avoir pré­venus à tort.

• Ils ne posent pas toujours la question du pronostic.

• Des parents de trisomiques 21 ont regretté que le diagnostic n'ait jamais été annoncé avant d'être certain.

• Ils sont contents de voir que ça se passe comme on avait dit (lorsque l'avenir fonctionnel leur avait été expliqué de façon aussi précise que

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possible à propos de la cicatrice et des réinterventions d'un bec de lièvre).

Nous n'entendons sOrement pas toujours tout ce que les parents nous disent ou voudraient nous dire ...

2. Ce que nous percevons en tant que médecin:

Nous n'avons peu parlé de notre rapport direct au pronostic soulignant surtout nos incertitudes et la nécessité d'une décision parfois rapide. Le réanimateur n'étant pas forcément celui qui suivra lenfant + fia­bilité discutable des échos ante-natales. Nous avons abordé l'annonce du pro­nostic aux parents et éventuellement à l'enfant. • Faut-il faire part de nos incertitudes ? • Faut-il aller au-devant des questions

que les parents ne posent pas ? En fait, nous appelons souvent des questions qui nous permettent de leur dire qu'il y a un doute. Il nous paraît en effet important d'émettre un doute pour maintenir un climat de confiance pour l'avenir.

• 2 attitudes s'opposent face à t'annonce d'une encéphalopathie sévère: l'une affirmant que la situation est irrémé­diable, l'autre insistant sur les possibi­lités de stimulation.

• En matière de cardiopathies, nous parlons aux parents d'après ce que nous disent les chirurgiens. Ils nous mettent à l'aise en posant de plus en plus d'indication de chirurgie curatrice et non plus palliative.

• Nous avons remarqué que quand on annonce une mauvaise nouvelle, on parle plus lentement que d'habitude car on choisit ses mots.

• Nous avons soulevé le problème du consentement dit éclairé. Peut-il réel­lement exister? N'est-ce pas une façon pour le médecin de dégager sa respon­sabilité?

3. Des opinions courantes témoins d'une mentalité collective :

• Il y a des « mots interdits » (encéphalo­pathie, cancer (mais en fait tumeur est parfois pire pour un enfant, cf. un enfant de 8 ans venant d'être opéré d'une tumeur pancréatique après 4 mois de chimio «tu sais j'aimais pas le mot tumeur «tu meurs»; d'ailleurs si on ne m'avait pas opéré ... »)).

• Importance fondamentale du pronostic neurologique.

• Qui doit prendre une décision impor­tante voire vitale ? Les parents, le médecin, l'enfant? ...

4. Les idées force : • Faut-il toujours donner le nom d'une

maladie quand elle n'est que suspectée (par exempte, trisomie 21, mucovis­cidose)?

• Quand on annonce le diagnostic, on insiste sur lamélioration du pronostic avec les progrès de la médecine (par exemple, diabète, cancérologie).

• Importance du rôle du temps pour pré­ciser et assumer le pronostic (en parti­culier retard psycho-moteur, surdité) mais on ne peut pas éviter I' affron­tement angoissant de la réalité.

• Importance de dire aux parents de jouer le jeu le plus possible de la normalité (pour éviter que l'enfant soit mis de côté, en pensant qu'un enfant regardé comme un handicapé risque de ne pas avoir toutes ses chances de dévelop­pement).

• Importance de prévenir, d'approcher la vérité le plus possible, de façon à main­tenir un climat de confiance (pas for­cément dire toute la vérité mais surtout ne pas mentir).

• Tou jours annoncer le pronostic aux 2 parents ensemble et à lenfant. Ne pas dire des choses différentes à l'enfant et aux parents.

• Tenir compte de la personnalité de l'in­terlocuteur, de l'histoire du couple, de la famille (certaines familles ont une compréhension plus « médicale », d'autres plus «affective»).

• Tou jours intégrer la fratrie au diag­nostic.

• Il est important que lenfant soit res­ponsabilisé par rapport à sa maladie. Cela est plus facile si son éducation l'y a préparé mais les enfants ont souvent une grande pudeur qui leur fait ne poser des questions que par intermédiaires. D'où l'importance d'une équipe soi­gnante à l'écoute et d'une bonne com­plicité avec les parents (mais se méfier des grand-parents pour qui la maladie de l'enfant peut être l'occasion d'un conflit de pouvoir).

• Importance de toujours laisser un espoir et déculpabiliser les parents et même les enfants.

Enfin, nous avons remarqué que nous avions plus parlé des parents que des enfants ... et nous nous sommes posé la question: • Qu'est-ce qui changerait si nous étions

tous athées ? ... • Est-ce que cela changerait quelque

chose 7 • Verrions-nous autant de bons côtés 7

Nous nous sommes dit que le fait d'être chrétiens nous permettait peut-être de porter et discerner des situations lourdes dans la prière, d'avoir tendance à espérer envers et contre tout, de faire confiance à celui qu'on a en face de soi, de faire confiance à la vie et vouloir laccueillir tou­jours. •

• LE PRONOSTIC

Texte rédigé avec la collaboration du : Docteur Françoise Hugues, Docteur Monique Marie, Docteurs Bernard et Annie Lardy, Docteur Le Stradic et Madame, Docteur Le Berruyer et

Madame, Docteur Jacky Collet, Docteur Richard, Docteur Malbos, Père Guillet.

1. - POUR LE MÉDECIN

Élaborer le pronostic fait partie de l'acte médical. C'est l'évaluation en fonction de la nature de la maladie, du malade lui­même, de son environnement, de I' évo­lution de la maladie. Le pronostic peut être vital, et ce, dans quel délai ? Fonc­tionnel, estimant notamment l'aptitude au travail, obstétrical : évaluant les risques de l'enfant et de la mère, psychiatrique : supputant l'aptitude à la relation. Cette élaboration fait appel dans l'ensemble pour les plus jeunes à une connaissance statistique, pour ceux qui ont des années de pratique à une expérience tirée de leur exercice, mais les deux modes ne s'excluent pas bien sOr. Outre cet aspect prédictif à plus ou moins long terme, le pronostic a une valeur immédiate. Il permet de choisir une théra­peutique mettant en balance les risques de la maladie, les risques des méthodes de traitement quand notamment leur iatrogénicité est importante, que celles-ci n'auront qu'un effet palliatif: exemple en cancérologie. Le pronostic n'a pas qu'une valeur tech­nique. Il pèse sur la relation Médecin­Malade; lorsqu'il est mauvais, car il ramène le médecin à la vision de sa propre mort totale ou partielle, soit de façon directe, soit par identification à un proche. Par là, il peut être à l'origine d'agressivité, d'abandon, d'acharnement thérapeutique. Sa part de subjectivité est lourde, prévoir la mort est un pouvoir ver­tigineux, l'erreur y est fréquente et sa reconnaissance difficile.

Il. - POUR LE MALADE

La notion statistique s'efface devant celle du tout ou rien. Le 1/3 de chance de gué­rison disparaît devant moi ou un autre, d'autant que l'autre est souvent inconnu. Par ailleurs, la réalité du pronostic a peu de rapport avec le vécu de la maladie. Cette rupture dans la continuité de la bonne santé, cette adaptation doulou­reuse pour se reconnaître tel que l'on est et non pas tel que l'on croyait être, et cela avec des résonnances particulières dans les situations : abandon des responsabi­lités chez un cadre coronarien, perte sen­sorielle ou manuelle chez un artiste ou un travailleur qualifié, accident invalidant chez un sportif, maladie grave chez un jeune obstruant les possibilités qui s'ou­vrent à cet âge, en bref toute atteinte sévère en un lieu riche d'investissement. Ce n'est certainement pas l'annonce sèche d'un chiffre, ni le mensonge incroyable, qui permettent de dépasser le stade de la sidération, du déni, du désespoir, et d'accéder à une adaptation à ces conditions nouvelles ou au chemi­nement accompagné jusqu'à la mort.

Ill. - POUR LES PROCHES

En cas de maladie grave, les questions du malade tournent d'abord autour du diag-

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NOUVELLES DES RÉGIONS

nostic, des thérapeutiques, de leurs inconvénients. Celles de la famille portent davantage sur la mort éventuelle et son délai. Les mots utilisés possèdent souvent un caractère tranchant : comment le jugez-vous 7 est-il condamné 7 quel sursis aura-t-il 7 combien de jours lui donnez-vous 7 Il est étrange à cet égard que les médecins uti­lisent notamment en cancérologie le terme de survie. En France, il est habituel d'aller plus loin dans les données du pronostic vis-à-vis de la famille que vis-à-vis du malade. Il est vrai qu'un membre de la famille peut aider à modifier une orientation profession­nelle, de préparer les enfants au terme d'une pathologie sévère chez un des parents, peut prendre ou orienter une décision matérielle lourde que dans l'instant le malade ne veut ou ne peut prendre. Mais cette façon de faire peut être une décharge pour le médecin, pour conduire la famille à la demande de suren­chère de soins, à l'abandon, au deuil par anticipation. Cette façon de faire peut être à l'origine de la perte de confiance du malade vis-à-vis de ses soignants, si par le biais de sa famille, il apprend une vérité cachée à lui-même, ou mal comprise, ou déformée par les innombrables concilia­bules. Là encore, l'entourage a un chemi­nement à effectuer, et l'annonce d'une sentence ou d'un chiffre est quelque peu légère. Deux circonstances pathologiques dans ce cadre sont particulières : celle du pro­nostic obstétrical en l'hypothèse diag­nostic d'une malformation car outre le risque de terreur, le poids de l'angoisse est redoutable : « que sera l'enfant que je porte 7 » et la sanction définitive dans la majorité des cas est l'interruption de grossesse. Celle de la stérilité dans un couple stable, qu'elle soit masculine ou féminine car ce phénomène pathologique est à partager et la maladie ne frappe pas un homme ou une femme mais un couple.

IV. - DEUX ASPECTS PARTICULIERS ONT PARU IMPORTANT AU GROUPE

a) Incertitude et Certitude : Personne ne sait l'heure de venue du voleur, et chacun, médecin, malade, et famille cherchent à savoir, et il est prêté aux soignants une connaissance de

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l'ave~ir qu'ils n'ont pas ce qui constitue un piège dans lequel ils risquent de tomber car rien n'est plus tentant qu'un faux pouvoir. Pourtant l'élément essentiel entre les trois est la confiance. La confiance est faite par la perception de certitude et d'étendue d'incertitude, et les uns servent à traverser les autres, mais tout se brise lorsque cesse le mou­vement, et la démarche se cramponne à la certitude ou s'enlise dans l'incertitude. C'est dans ce cadre qu'il faut envisager la relativité et la fragilité du pronostic.

b) la vérité A côté de la vérité scientifique dont on sa!t maintenant le caractère provisoire, il existe une vérité de parole, en effet il faut parler à l'autre comme on se parlerait à soi-même. Il est extrêmement difficile de dire à l'autre ce que l'on se cache soi-même ou ce que l'on se ment sans qu'en apparaisse dans la façon de parler une discordance. Les malades sont très sensibles à la faille entre celui qui dit et ce qu'il est, et là réside certainement une des grandes causes de leur solitude car en situation de détresse, toute parole fausse aggrave encore cette détresse. •

VIE DES MOUVEMENTS MÉDICO-SOCIAUX CHRÉTIENS

par le or Pierre CHARBONNEAU

CAHIERS UNIVERSITAIRES CATHO­LIQUES - Juillet/aoOt 1989

les Cahiers ne concernent pas les profes­sions de santé, mais les médecins ont été des universitaires; aussi ne peuvent-ils ignorer cette revue, d'autant plus que ce numéro contient des articles qui ne man­queront pas de les intéresser. Ce numéro débute par un article remar­quable de Jean Delumeau qui pose les conditions d'une nouvelle tr évangéli­sation». Face au développement de la tech­nologie, à l'évolution du monde, notre langage, nos attitudes ne peuvent rester identiques. tr Nous avons à christianiser la civilisation technique et non à la rejeter». Sont d'une autre époque les anathèmes sur le monde, le rejet de la science, les atteintes eschatologiques exacerbées avec espoir de la punition des méchants. Deux articles suivent sur les machines intel­ligentes. le premier étudie la place que peut tenir l'ordinateur dans l'enseignement. Va-t-il remplacer le maitre ? Non, mais le rôle de ce dernier est appelé à évoluer. l'autre article contient quelques remarques pertinentes sur /'intelligence de la machine. Un grand sujet d'actualité est encore abordé : la laïcité. la nature de celle-ci reste une question ouverte. Bien d'autres questions plus ponctuelles sont encore évoquées dans ce numéro d'un grand intérêt. •

RENCONTRE - Cahiers du travailleur social - N° 71 - Automne 1989

11 y a-t-il une antinomie entre le politique et le social 7 Y a-t-il toujours une grande méfiance à l'égard des politiques de la part des travailleurs sociaux 7 Ces ques­tions sont devenues d'une grande actualité depuis la décentralisation qui a rapproché les travailleurs sociaux du pou~oir politique chargé des décisions, aussi ne peut-on que féliciter les respon­sables de «Rencontre», d'aborder ce sujet. Les articles sont nombreux : les premiers sont concentrés sur la place du social et du politique, les interprétations de ces deux aspects, la nécessité de maintenir une éthique, l'interférence du politique et du travail social, et notamment lorsqu'il s'agit de commu­nautés étrangères. Les autres articles sont des témoignages ou des réponses à des questionnaires sur les rapports du politique et du social. En conclusion de ces nombreux articles ou témoignages, on peut dire que si l'on ne veut pas, comme l'indique l'éditorialiste, que la politique se manifeste d'une manière excessive, il est indispensable que les tra­vailleurs sociaux participent en acteur ou informateur à la vie politique ce qui cons­titue pour eux un effort supplémentaire, car il doit passer dans les réflexions, de l'individuel au communautaire. •

Notes de lecture

Michel LEGRAIN

Le corps humain - du soupçon à l'évangélisation

1 vol., 280 p. - Coll. Croire et Comprendre - le Centurion Édit. Paris 1984.

Docteur en droit canonique, missionnaire dans la brousse congolaise, professeur de droit canonique et de théologie morale à l'Institut Catholique de Paris depuis 1965, le Père Legrain anime des groupes de recherche sur les ministères, le mariage et les questions importantes de morale aujourd'hui. Son livre sur le corps humain est le fruit de son expérience et comporte 6 parties. La première concerne la condition humaine dans la Bible. Elle va de la vision hébraïque du corps, de la place de l'homme dans la création et de sa vie sexuelle, au corps livré du Christ « Don de Dieu au-delà des

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enchaînements des générations, localisé canes par les exigences d'une incarnation véritable, mais offen aux hommes de tous les temps par-delà sa mon et sa résurrection». Dans le chapitre 2 le corps soupçonné, on retrouve à panir des origines le langage évangélique sur la chair et le corps, la façon dont le corps est devenu lobjet de soupçons pour la réflexion chrétienne, l'ébauche des traditions et des lois matri­moniales, la naissance du concept de loi naturelle et l'évolution de ces idées. On voit ainsi la constitution de tradition au travers des époques. L'an de ce livre est un effon de pensée contre les stéréo­typies pour sonir de la méfiance, ne pas séparer le corps de lesprit. Mieux vivre les relations entre homme et femme permet d'apprendre à mieux se connaître et à écaner les modes, les facilités et les égoïsmes sexuels. Il y a là des proposi­tions d'ouvenure propres à répondre aux désirs et aux inquiétudes de notre temps. « Il faudrait, conclut le père Legrain, que tout homme de bon vouloir, Africain ou Asiatique puisse comprendre que l'Église l'accueille dans sa sacramentalité et s'en trouve enrichie ; sans pour autant exiger de lui cette moderne circoncision qui serait l'adoption de nos manières occi­dentales de vivre notre corps, notre sexualité, notre couple, notre famille ou notre communauté ». Naitre à une vie d'Homme est la 3° panie. « Seul l'homme se parfume » à la diffé­rence de toutes les autres espèces ani­males. Son originalité associe les res­sources de la nature à l'effon de culture. L'hérédité, la venue au monde, la respon­sabilité parentale commencent à être mieux connues. L'église définit des buts, accompagne la recherche de l'homme -les questions liées à la fécondité, à l'édu­cation trouvent ici leur place. La notion de loi naturelle, les inséminations et féconda­tions anificielles, l'adoption sont exa­minées avec précision du point de vue technique, psychologique et moral. Chaque question est l'occasion d'une réflexion calme, que le médecin peut par­tager avec fruit, sur l'épanouissement corporel de l'enfance au couple, les ques­tions du besoin du désir et du plaisir. Les mérites du mariage et du célibat sont envisagés dans un langage clair, précis. Des voies généreuses et larges sont tracées, pour éviter les enfances boule­versées, l'écanèlement de cenaines ado­lescences et construire des adultes heureux : « les prématurés des relations génitales risquent de tarir très tôt leurs aptitudes à lengagement en confondant irrémédiablement vie sexuelle et baga­telle». L'étude des couples d'adultes, de leur appanenance réciproque, qui n'est pas fusion, fait mesurer les difficultés et les richesses de l'alliance. «Le mariage est donc une association socialement définie reconnue et contrôlée, dont la finalité sociale déborde le couple lui-même et l'invite à se transformer en famille». A ce propos Legrain évoque la constitution progressive des règles matri-

moniales, et dégage le sens de l'insti­tution, l'évolution de la place du désir et du plaisir du point de vue du moraliste. Le chapitre « Le corps dans ses aspects sociaux et politiques » permet d'aborder les notions de solidarité et d'autonomie, de nudité et de pudeur, de libené et de menace d'appropriation des corps par les pouvoirs de l'économie, de l'information ou par la violence. Définir la sénescence et montrer combien elle peut être fenile, envisager la lucidité nécessaire au temps du mourant et ouvrir sur le versant invisible de la vie est l'objet du dernier chapitre « la pâque-corpo­relle ». Aussi bien dans les aspects de technique médicale que dans les ouvenures sur une théologie vivante, M. Legrain, propose une lecture riche et vivifiante des grandes

questions qui nous touchent paniculiè­rement, médecins et soignants, affrontés chaque jour aux corps et à leur médiation.

J'ai trouvé dans ce livre une façon moderne, originale, à la fois tolérante et ferme de regarder les malades et mes prochains et rai à chaque page trouvé une ligne qui éclaire. «Pour vivre de la résur­rection, il ne peut donc être question d'avoir dépassé le temps: être du corps du Christ, c'est vivre dès aujourd'hui dans l'esprit de Jésus. Voilà la seule urgence».

Ainsi se clôt ce livre, «traversé d'un souffle de joie et d'espérance. En le refermant on se sent mieux dans sa peau», dit le texte qui le présente. A chacun de lire et relire ce livre qui vient ici au bon moment. •

COURRIER DES LECTEURS Je profite de l'ouvenure d'un «courrier des lecteurs pour confier à mes confrères le résultat de réflexions accumulées au cours d'une vingtaine d'années de pré­sence au C.C.M.F.

La récente réflexion sur le Don de la vie, les doutes émis par une majorité de confrères après la lecture de Donum vitae, doutes également panagés par le comité de rédaction de « Médecine de l'homme», me rappellent la période agitée de la publication d'Humanae vitae Ouillet 68) et ce qui a suivi et que l'on peut appeler la bataille de I' avonement.

Je me dois de rappeler aux plus jeunes confrères qu'à ce moment-là cenains reli­gieux se disant théologiens, trouvaient des arguments pour justifier l'avonement dans... les premières expériences de fécondation in vitro. Ol}elques-uns affir­maient même que si l'Eglise n'acceptait pas la F.l.V. il y aurait une nouvelle affaire Galilée (1).

La loi libéralisant l'avonement a canes été votée, l'Église a continué, elle s'in­terroge maintenant sur le don de la vie ; à ses conclusions, il y a eu canes des réac­tions, mais curieusement beaucoup plus nuancées qu'au moment des débats sur l'avonement; le public se montre main­tenant plus réservé, plus prudent et fina­lement il n'y a pas d'affaire Galilée: au contraire les médecins qui s'interrogent syr l'argumentation du Magistère de l'Eglise sont frappés et sécurisés par la constance de son argumentation au sujet des problèmes de don ou de respect de la vie. Parallèlement je suis pour ma pan frappé de la faiblesse de l'argumentation opposée. La réflexion, la recherche

(1) Colloque du C.C.M.F., commission conjugale, Éd. Le Seuil, 1972.

depuis Humanae vitae ne me paraissent pas avoir beaucoup progressé et notamment chez les médecins catho­liques du C.C.M.F.: c'est pourquoi je me permets de proposer mes réflexions puisque l'occasion m'en est donnée. On ne peut établir une morale, une éthique sans définir le sujet de cette morale c'est-à-dire l'Homme et c'est là peut-être que le médecin chrétien devrait avoir une vision anthropologique diffé­rente de celle d'un médecin incroyant. La Faculté nous donne sa conception sur le fonctionnement de la matière vivante, la psychiatrie, la psychologie et l'expé­rience de tous les jours évoquent I' exis­tence de ce que l'on appelle l'âme, lesprit, lieu de beaucoup de mystère où réside l'unicité de l'individu. Il est cependant difficile à panir des données scientifiques de la Faculté d'avoir une conception anthropologique permettant d'établir les bases d'une Éthique. Beaucoup affirment que l'homme est un animal comme les autres (qui ressemble au singe), mais tous sont impressionnés par le rendement de son cerveau, « ordi­nateur » très perfectionné : pounant il est évident qu'il n'est ni singe, ni ordinateur: il est Homme. Changeux, neurobiologiste qui étudie pendant quelque quatre cents pages «l'homme neuronal», merveilleux ordi­nateur, suggère que les problèmes moraux seront réglés quand chaque homme fera « marcher » correctement son ordinateur ; la vision du monde actuel le laisse cependant un peu inquiet et hésitant sur son affirmation, c'est pourquoi au terme de ces centaines de pages il écrit ces lignes : « encore faut-il construire dans notre encéphale une image de l'homme, une idée qui soit comme un modèle que nous puissions

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COURRIER DES LECTEURS

contempler et qui convienne à son avenir » (2).

L'homme devrait donc chercher un modèle pour faire fonctionner correc­tement son cerveau, quel peut être ce modèle éthique ? Seuls les croyants ont une réponse à cette interrogation : en particulier dans notre religion judéo-chré­tienne nous disons que l'Homme est une personne créée par Dieu (qui est aussi personnes) à son image. Cette notion de création est fondamentale et devrait diffé­rencier le point de départ de la réflexion du chrétien: la vie est un don, c'est d'ail­leurs le titre de l'instruction des évêques et les premiers mots sont : « le don de la vie que Dieu, créateur et Père, a confié à l'Homme impose à celui-ci de prendre conscience de sa valeur inestimable et d'en assumer la responsabilité: ce principe fondamental doit être placé au centre de la réflexion ».

Il s'avère à l'évidence si on revient sur le passé que pour beaucoup de Chrétiens ce principe a été ignoré, oublié ou occulté. L'homme accepte mal d'être créé, de devoir sa vie à quelqu'un.

Nietzsche voyait dans la religion un sen­timent de faiblesse allant à l'encontre de la volonté de puissance de l'homme : pour lui, pour que l'homme existât, il fallait que Dieu meure. Il disait donc : « ce qu'est le bien et le mal, personne encore ne le sait, à moins d'être créateur».

La clef de la Morale catholique se situe dans la Genèse : une des conséquences de cette création de l'homme à l'image de Dieu c'est que tous les hommes sont fils d'un même Père et en même temps chacun est une personne absolument unique: la liberté, l'égalité, la fraternité ne datent pas de la prise de la Bastille mais de la Genèse, ces valeurs n'existent qu'en Dieu.

A l'opposé de cette anthropologie reli­gieuse il y a une anthropologie que nous

(2) L'homme neuronal: J.P. Changeux, Éd. Fayard, 1983.

Directeur de la Publication or Claude LAROCHE

34, rue de Bassano, Paris-88

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pouvons qualifier de laïque: c'est celle qui a inspiré les lois sur l'avortement et qui inspire aussi la réflexion des comités d'éthique. Pas de référence divine: l'homme est un individu que lon peut définir soit par ses relations avec les autres membres de la société, soit par des notions scientifiques. Cette anthro­pologie est donc imprécise, sujette aux idéologies, remarquons qu'elle se fait d'ailleurs parfois dans l'affirmation de l'homme contre Dieu et souvent dans la négation de Dieu. L'exemple le plus concret que nous avons vécu est évi­demment le matérialisme marxiste. La morale laïque manque de racines, elle est donc forcément acculée en permanence au consensus et au doute.

L'illustration de ces deux visions anthro­pologiques je la trouve dans l'analyse des réponses des Médecins jugeant Donum Vitae (cf. Père J.M. Moretti, Médecine de l'homme n° 180) : Premier groupe : l~s médecins en faveur de la doctrine de l'Eglise (minorité) quatre lettres: la 1 re un pédiatre aborde le problème de l'enfant à naitre (don de la vie) la 2e parle de la Genèse, de l'Homme à l'image de Dieu la 3e pose la question : Dieu a-t-il donné ce pouvoir à l'homme ? la 4e reprend l'argumentation de D.V. et parle de la croix. d9nc chaque fois, référence à Dieu, à !'Ecriture, au Christ.

Deuxième groupe : les médecins ayant une position nuancée, ils parlent : de conscience individuelle, du problème des embryons surnumé­raires, du prix de la F.l.V., de prudence, que ces confrères me permettent de leur rappeler ces paroles du Talmud« Si je ne dis pas non, c'est oui» et cette question de Dieu à l'homme «où es-tu?» (genèse).

Troisième groupe: les médecins contre D.V. (soit 2/3 des réponses). D'après le compte rendu : lettres longues, pas tou­jours clairement argumentées, traduisant parfois un agacement devant le texte romain. Ces confrères parlent : de procréation dissociée de l'union du langage des corps, de l'intention d'amour (souvent cité), de preuve d'amour, etc.

Une seule référence à Dieu lorsqu'est abordé le thème de la procréation, mais ici je note une erreur de langage peut-être révélatrice d'une erreur de pensée, lorsque certains utilisent non pas le terme de procréation mais celui de co-création (terme utilisé également dans la note du comité de rédaction): un co-créateur, comme un cc-directeur exerce les mêmes

fonctions, à égalité, avec le créateur, le directeur. Dans Donum Vitae les théolo­giens ont bien utilisé le terme de pro­création et non co-création : le langage n'est pas innocent. Dieu a créé le monde: il n'y a plus rien à créer, ce que l'on appelle invention, science, découvertes, ne sont que la découverte du génie de Dieu. Dieu nous donnant le monde nous a institué Pro­créateur («croissez et multipliez»).

Contrairement à ce que disent certains, nous n'achevons pas la Création, la création est bonne et orientée vers la vie et l'Amour : nous ne refaisons pas la création, nous avons seulement le libre arbitre de suivre la volonté de Dieu en allant vers la vie et l'Amour, à ce moment-là nous ressemblons à Dieu en étant procréateur, mais nous ne pouvons pas créer la vie à partir de rien « ex nihilo », par contre et malheureusement, nous pouvons la supprimer.

Cette notion de création est d'autant plus importante à saisir que lon ne peut com­prendre la venue du Christ si l'on n'a pas bien compris la signification de la création de l'Homme à l'image de Dieu et ce refus de la vie que nous appelons Péché ori­ginel.

Jusqu'à ces dernières années, le but de la médecine était de guérir le malade ; elle se propose maintenant de changer l'homme : sera-t-il toujours à l'image de Dieu?

Pour qu'il reste à l'image de Dieu, il faut promouvoir une morale, une éthique qui ne doit pas être une adaptation aux nécessités du monde mais un acte pro­créateur inspiré par le désir divin et refusant tout acte allant à l'encontre de la vie et de l'Amour.

Dostoïevski disait: si Dieu n'existe pas, tout est permis.

Avant de réfléchir â ce qui est permis ou défendu, commençons par nous inter­roger sur notre croyance en Dieu car nous ne pouvons pas faire notre morale entre Hommes : nous ne sommes pas seuls, si on se tourne vers Dieu, tout est dif­férent.

Pour ma part (peut-être parce que je ne me suis jamais contenté de l'analyse suc­cincte des textes romains donnée par les médias) je n'aijamais perçu les prises de position de l'Eglise sur ces problèmes touchant à la vie, comme des interdits, mais plutôt comme des jalons nous aidant à nous rapprocher de cet Homme voulu par Dieu « à son image ». •

or Yves RAYNAUD, Béziers.

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