Aurora

SurleFil

Tome3

Roman

Celivreestunefiction.Touteréférenceàdesévénementshistoriques,descomportementsdepersonnesoudeslieuxréelsseraitutiliséedefaçonfictive.Lesautresnoms,personnages,lieuxetévénementssontissusdel’imaginationdel’auteur,ettouteressemblanceavec

despersonnagesvivantsouayantexistéseraittotalementfortuite.

ÉDITION:LeCodefrançaisdelapropriétéintellectuelleinterditlescopiesoureproductionsdestinéesàuneutilisationcollective.Toutereprésentationoureproductionintégraleoupartiellefaiteparquelqueprocédéquecesoit,sansleconsentementdel’auteuroudeses

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contrefaçonestpuniede

«troisansd’emprisonnementetde300000€d’amende».

CouverturephotoCopyright:sakkmesterke

Premièreédition:juin2016

ISBN:9782375760253

Copyright©2016

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Aurora

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Remerciements

Biographie:

Trentenairecitadinequiaimelessucreriesautantqu’elledétestelesbestioles,Auroraserégaledelavieenrégionparisiennedontelleadoreprofiteravecsesamies.

Amoureusedeslivres,elleestpasséedel’autrecôtédelaplumepours’adresseràdeslecteursquipartagent sa passion pour lesmots et en particulier son goût pour la romance et l’érotisme.Cetteauteurepassionnéeadécidédecouchersurpapierl’histoirequiattendaitpatiemmentdansunrecoinde son esprit d’être proposée à la lecture. Inspirée par les relations humaines et l’aptitude à setranscender,elleprendplaisiràexploiter lesdifférentes facettesdesespersonnagesetaàcœurdefairedécouvrirsonuniversparfoistorturé,souventenflammé,toujoursgénéreux.

Jedédiecelivreauxtroisamoursdemavie,

mesenfants,quimedonnentl’envie

demedépasserpourréalisermesrêves,

etquim’ontfournil’entraînementnécessaire

pourpasserdesnuitsblanches

àtravaillersurcelivre.

Jevousaime,plusquelesmots

nepourrontjamaisl’exprimer.

1

—Qu’est-ceque…qu’est-cequetufaislà?Tunedevraispasêtreici.

—Qu’est-cequetudis?

Danslaprécipitationj’aioublié,ilneparlepasfrançais,priseparsurprisej’airéagisansréfléchir.Jecontinuedoncenanglais.

—Qu’est-cequetufaislà?Pourquoituesici?

—Ilfallaitquejevienne,j’avaisbesoindetevoir.

J’entendssavoix,maislesinformationsnemontentpasjusqu’àmoncerveau.Jesaisquejenerêvepas et pourtant je suis en plein cauchemar. J’aimerais croire que j’hallucine, mais ce n’estmalheureusementpaslecas,ilestlà.Jen’arriveplusàbouger,j’ail’impressionquemonsangquittemonvisageetmêmetoutlerestedemoncorps.J’aidesfourmillementsdanslesdoigtsquiremontentprogressivementjusqu’àm’engourdirlesavant-bras.

—Com-Commenttum’asretrouvée?

—Ons’enfout,ilfautqu’onparle.

—NON!C’estimportant!Commentm’as-turetrouvée?!

Jecommenceàréagir,moncerveauvientcertainementdem’envoyerunedosed’adrénaline,unedosedemammouths’ilestconscientdudangerquimeguette.

—Pourl’instant,cen’estpascedontjeveuxdiscuter.

—ANTON!Réponds-moi!Commentm’as-tutrouvée?!

—J’aifaitappelàunprivé.

Mesyeuxdoivents’écarquillercommejamais.Jenepeuxpascroirequ’ilaitétéjusqu’àsolliciterlesservicesd’undétectivepourmemettrelamaindessus.Jemedoutaisqu’ilnelâcheraitpasaussifacilement,maislàçavirecarrémentàl’obsession.Maissurtout,àquelmomentai-jeéténégligentepourquesonchienpisteurparvienneàmetracer?

—J’aimeraisqu’onparletouslesdeux.Tum’asmanqué.

Jenel’aipasvuvenir.Jeneveuxpasêtreblessante,maisjedoislemaintenirloindemoi,jesaisdequoiilestcapable,jeconnaissamauvaiseinfluenceetl’emprisequ’ilpeutavoir.

— Je veux que tu t’en ailles, que tume laisses tranquille.Qu’est-ce que tu n’as pas compris ladernièrefoisquejetel’aidemandé?

—Apparemment,ilyabeaucoupdechosesquejedoismalcomprendre,commelafoisoùtum’asditquetuavorterais.J’aidûmalcomprendrelàaussi,parcequ’ilestclairquecen’estpaslecas.Toutcommequandtum’asditquetutesentaismieux,quetuallaisbien.Et lafoisoùtum’asditquetudevaispartirparcequetusupporteraisplusdevivreprèsdemoiparcequej’avaisinsistépourmettreuntermeàcettegrossesse.J’aimalcomprisçaaussi?

—FERME-LA!!!FOUSLECAMP!!SORSDEMAVIE!!MAINTENANT !!

—PASQUESTION!Jeveuxdesexplications,ettoutdesuite!Regarde-toi!T’asvudansquelétattues?!C’estexactementcequejevoulaiséviter!Tudoisarrêtertoutça,etimmédiatement!

—Etpar«ça»,tuentendscettegrossesse?

—Évidemment!

— Écoute, tu voulais être débarrassé de ce bébé, eh bah voilà c’est fait. Je suis partie, je l’aiemmenéavecmoi,ilneserapasunproblèmepourtoi.Maintenantva-t’en,retourneàL.A.

—T’esconneoutulefaisexprès?!Cen’estpaslaquestiondubébéenlui-mêmequimeposeunproblème,c’estcequ’iltefait,leproblème.T’esentraindecrever!

—Pasdutout!Tu…

—Évidemmentquesi!Tun’espèrespasmefairecroirequetuvoisunmédecin,personnenetelaisseraiticidanscetétat.Tudevraisêtrehospitalisée.

—Ehbientupeuxnepasmecroire,maisjesuissuivie,parquelqu’undetrèscompétent.Etpuismerde!Pourquoijemejustifie?!Va-t’en.

Ilesten traind’aspirer toutemonénergie,mebattreavec luide lasortem’épuisecomplètementalorsquejevienstoutjustededormir…combiendetempsd’ailleurs?Quelleheureest-il?

—Jenepartiraipassanstoi.

—Onn’estplusensemble,iln’estpasquestionquejetesuiveoùquecesoit.

—Ilnes’agitpasdeça.Jeveuxquetuaillesàl’hôpital,tudoispasserdesexamens.

—Turêves!Jegèremasantécommebonmesemble,tun’aspasàt’enmêler.Maintenanttudoispartir.

—Pourquoi?Tuflippesàl’idéequejecroisetonpetitcopainoul’undetesamis?Tuaspeurdecequejepourraisleurdireàtonsujet?

—Commentest-ceque…

—Commentjesuisaucourant?Tucroisfranchementquejemeseraispointéicisanssavoirunminimumdansquoijemettaislespieds?T’aspasperdudetempsentoutcas.

—Jen’aipasdecomptesàterendre,onestséparés,jerefaismaviecommejeveux,etavecquijeveux.

—Baht’auraspastraîné,tut’esviteremise.S’ilteplaît,j’aibesoindem’assurerquetuvasbien.Faisaumoinsçapourmoi.

Il quitte le tabouret sur lequel il était perché, près de l’îlot central de la cuisine, et commence às’approcherdemoi.

Instinctivement je me lève pour ne pas me retrouver coincée dans le canapé et recule afin demaintenirladistanceentrenous.

—Anouk, ne t’éloignepas comme si tu avais peur demoi. Je ne te ferai rien, je souhaite justem’assurerquetuvasbien.

Jeremarquesoninquiétude,sincère,etlapointedetristessequandilvoitquejefuisdevantlui.Ilestblesséetmalheureux.Àcausedenous?

—Tul’asdéjàdit.Maisçanechangerienaufaitquejeveuxquetupartes.

Je contourne le canapé et trébuche surmon sac fourre-tout. Jemebaisse pour l’attraper sans lequitterdesyeux.

—ANOUK!!C’ESTNOUS!!

La voix toute guillerette d’Owen m’interpelle depuis l’extérieur. Soit j’ai dormi vraiment

longtemps,soitilsarriventtôt,maisentoutcasc’estlepiredesscénariosquiestentraindesemettreenplace.D’ailleurs,pourquoiest-cequ’ilsdébarquentensemble?

—Va-t’en!Maintenant!Etnedispasunmot.

—Non, çamarchepas commeça.Quandmoi je t’ai demandéquelque chose, est-ce que tu l’asfait?

—Tudélires,tum’asdemandédetuermonenfant,çan’arienàvoir!

—Jet’aidemandédesauvertavie.

—Salutp’tit…Heusalut.Jenesavaispasquetuavaisdelacompagnie.

—Cen’estpaslecas,ilpartait.

Owentiqueunpeuenm’entendantluiparlerenanglais.Jelanceunregardpleindesous-entendusàl’intruspourqu’ils’exécuteauplusvite.

—Aurevoir.

—Jenem’envaispas.Onabesoindemettredeschosesauclair touslesdeuxet jen’aiaucuneraisondefilersansavoirobtenucequejesuisvenuchercher.

Monchéridoitsentirtoutelatensionquicrépitedanslapiècecarilsepositionnederrièremoietappliquesamainsurmesreins,maisétonnammentj’aiunmouvementderecul.Jemedécale,jenesupportepaslemoindrecontactalorsquel’énergied’Antonsaturetoutmonespacevital.J’aibesoindem’isoler,ilmefautdel’airdanscetenvironnementquidevientdeplusenplusétouffant.

—Anouk?

Jessiesondemesprunellesàlarecherchederéponses,ilessaiedesavoirs’ildoitinterveniretjen’aiqu’uneenvie, luidiredes’éloigneretd’emmenersoncompèreavec luipourme laisserseulegérer cette situation, pour éviter qu’ils ne puissent capter une quelconque information que je netiendraispasàpartager.Jeluifaistrèsdoucementsignedelatêtepourluifairecomprendredenepass’enmêler.

—Tunemeprésentespasàtesamis?!

—Non.

Jeregardel’envahisseurfroidement,maisilsembleplusdéterminéquejamais.

—Tuveuxparler,sortons.

C’estmonuniqueoptionpourréussiràlefairequitterleslieux.Jecommenceàmesentirmal,j’ailanauséeetjenesuispassûrequemonestomacysoitpourgrand-chose.Pourunefois.Personnenebouge,ilnevapasmefaciliterleschoses.

—Cen’estpaslapeine.Situétaisvraimentdécidéeàmeparler,tul’auraisfaitavant.Là,tuveuxjustetedébarrasserdemoi.

Non!Tucrois?!Biensûrquejen’espèrequeça,etévidemmentquejen’aijamaiseul’intentiond’avoirunequelconqueconversationavec lui.Subitementsonregardchangedecible, il toisemonchérid’unairsuffisant.

—C’esttoi,sonnouveaumec?!

«Nouveaumec»,ilsvontcomprendre,ilsvontcomprendrequeluiestl’ancienmec,justement.

—Ouieneffet,etvousêtes?

Je n’aimême pas eu le temps demarmonner lamoindre prière pour supplierDieu qu’il ne luirépondepas,qu’iladittouslesmotsquejenevoulaispasl’entendreprononcer.Etpourtant,jesaisquelepireestàvenir.

—Anton,sonex.

Je ferme les yeux l’espace d’une seconde pour encaisser ce coup bas qu’il m’a infligé. Je leregarde de nouveau mais il ne se départit pas de sa belle assurance. Ses iris reflètent toute sadétermination,ilnevapass’arrêterlà.Cegenred’affrontementpouvaitmeplaireàuneépoque,cettepetite guerre du pouvoir que nous entretenions m’amusait, car nous étions aussi butés l’un quel’autre,maisilyaaujourd’huidesenjeuxquidépassentlasimplequestiondedomination.Jenesaisplusquoidireniquoifairepourqu’ilparte.

—Etonpeutsavoircequevousfaitesici?Parcequ’ilsembleévidentqu’ellenevousapasinvité.

—Fairecequ’aucundevousn’estcapabledefaire,lagarderenvie.

Jemecramponneàmonsaccommeàunebouéedesauvetage,cetteconversationnepeutpasbienfinir,ilfautquejetrouveunmoyendel’éjecter.

— Tiens donc ! Et qu’est-ce qui vous fait croire qu’on a besoin de vous pour ça ? ne peuts’empêcherd’interférermonfrère,certainementvexéqu’onsous-entendequ’ilnefaitpastoutcequiestensonpouvoirpourmesoigner.

—Yaqu’àlaregarder.Nonmaissivousvousposezvraimentlaquestion,c’estqueclairementyaun souci. Elle devrait être dans un hôpital, sous perfusion et sonde et prête à subir l’interventionnécessairepourqueças’améliore.

—Nonmais…

—Jessie,laissetomber.

—Ohhh ! Jessie !Le frèreprodigue.Celuiquiditveiller sur sa sœuretquin’estmêmepasaucourantqu’elleestenceinte!Lesoi-disantsupermédecin.Bahputain,quandonvoitdansquelétatesttafrangine,onpeutseposerdesquestionssurtescompétences.

—FERME-LA!!FOUSLECAMP!!TOUTDESUITE!hurlé-je.

Lesdeuxhommesdemaviemeregardent,stupéfaits.

—Anouk?Qu’est-cequ’ilraconte?Dequelleopérationilparle?s’inquiètemonmédecin-chef.

—Pasmaintenant.

—Tusaisquetudoislefaire,accepted’alleràl’hôpitaletfaiscequ’ilfautpoursurvivre.

—Tudisn’importequoi!Cen’estpasunesolution.Çan’enserajamaisune.Jepréfèrecrever!

J’airépondutropvite,souslecoupdelacolère,désormais lesdeuxspectateursdenotredisputesontentraindemedévisageravecunaireffaré,commesijeleuravaiscachécommentrésoudretousmesproblèmes.

—Maisc’estcequ’ilvaarriversitucontinues?

—Çaneteregardeplus,cen’estplustonsouci.

—J’ysuisunpeupourquelquechosequandmême,etjenetelaisseraipasseuledanscettegalère.

Jemesenssimal,etlecoupbasqu’ilvientdemettreàOwen,sansmêmes’enrendrecompte,meblesseencoreplus.Luienvoyerenpleinefigurequ’ilestlepèredel’enfantquejeporte,c’esttrop.

—C’estceque tunecomprendspas, jenesuispasseule,etquandbienmêmeje leserais, jenevoudraispasdetoiàmescôtés.

—C’esttoiquinecomprendspas,jem’enfousdecequetuveux,cequiimportec’estquetuaillesmieux,mêmesijedoistesauvermalgrétoi.

—Écoute-moiattentivement.Tun’espasmonmédecin, tun’espasmonmec, tun’esmêmepasmon ami. Tu n’es plus rien pour moi. Tu n’as plus ta place dans ma vie, tu n’as plus rien à medemander,etjenetedoisrien.

—Jepensequ’elleaétéclaire,ilesttempsdepartirdecheznousmaintenant.

—Jenepartiraipassansl’avoiremmenéedansunhôpital.

Jen’yarriveraipas,ilnecéderapas,leschosesvontforcémentmalfinir.Mesneuronescarburentàcentàl’heuremaisjeneparvienspasàanalyseretàrationalisercommejelefaisd’ordinaire.J’ail’habitudedeconsidérerenunriende temps lesdifférentesoptionsetd’établir rapidementunpland’action efficace,mais là…Je perds complètementmesmoyens, pire, je panique. Ilsm’encerclentpartiellement,moi au centre de la pièce, l’un venant de la cuisine, les deux autres près du canapé,m’octroyant uniquement un chemin libre vers la porte.Mais quandAnton remarquemes yeux quis’agitentàlarecherched’uneissuedesecoursils’avanceversmoi.

—Pasquestion,pasmoyenquetutefasseslabelleunefoisdeplus.

Il s’approche encore et là mon cerveau laisse mon instinct prendre les rênes. Je passe labandoulièredemonsacsurmonépauleetfarfouillededans.J’ouvrerapidementlafermetureéclairdelapocheintérieureetmesaisisdemonarmequejepointesurAnton,lebrasfermementtendudanssadirectionetlevisagedéterminé.Jelisl’effarementdanslesyeuxdedeuxd’entreeux,seulceluiquim’afournicepetitcalibrenesemblepasplusétonnéqueça.Ilmelanceunregardpresqueblasé,mefaisantcomprendrequej’ail’airridiculeetquejenesuispascrédible,maiscen’estpasl’impressionque celame donne, surtoutmaintenant quemon persécuteur a arrêté d’avancer.Mamain libre secramponnetoujoursàlalanièredemonsac,lemaintenantprèsdemoicommeunbouclier.Jenesaisplusquoifaire,jeneveuxpaspartir, jeneluilaisseraipasl’occasiond’exposersesfollesthéoriesauxdeuxhommesdemavie.

—Maintenanttut’envas.

—Sinonquoi?

—Sinonjeteprometsdetefaireundeuxièmetroudeballeencoreplusmochequelepremier.

Il esquisse un sourire mais se reprend rapidement en comprenant que même avec une pointed’humour,cen’estpasunemenaceenl’air.

—Jeparssituviensavecmoietquetumelaissest’emmeneràl’hôpital.

Ilm’épuise,ilmetueàpetitfeu,ilveutm’avoiràl’usureetilvafinirparyarriver,jen’aipaslaforcedelutter.Maisjenepeuxpascapituler,jesaistropqu’ilnemelâcheraplusjamaissijecèdeneserait-cequ’uneseulefois.

—Jesuistrèssérieuse,va-t’en,retourneauxÉtats-Unisetnereviensplusjamaisici.

Ilmefixeensilence,ilneparleplus,iladittoutcequ’ilavaitàdire,ilsecontented’attendrequej’abdique.D’ordinaire,jen’aipasdeproblèmeàgardercetteposition,j’enail’habitudeaustanddetir,maisjenesuispasaumieuxdemaformeetsensquejefatigue.

—OK,moncœur,s’ilteplaît,calme-toietbaissecettearme.Jevaislefairesortird’ici.

Monchériserapprochedeceluiqu’ilespèrechasserdesonterritoire,maisquandillesaisitparlebras,sonadversairesedéroberapidement,montrantclairementqu’ilneselaisserapasfaire.

—Jevouspréviens,sivouscherchezàmevirerj’appellelesflicspourvousdénoncerpournon-assistanceàpersonneendanger.

—Yapasdenon-assistance,elleestsuivieparunmédecin.Toutestsouscontrôle.Vousn’êtespasle bienvenu. Partez maintenant, vous ne faites que la stresser et ce n’est pas bon pour elle. Vousaggravezlasituation,c’esttoutcequevousfaites.

Aucund’euxnebouge,ilssedéfientduregardetlatensionmonteencored’uncran.

—JEVEUXQUETUDÉGAGES ! crié-je en agitantmon armepour essayer dedéclencher unmouvementdesapart,maisalorsquej’ail’impressionqueçanepourraitpasêtrepire…

—HAAaaaa!

Jemerecroquevillebrusquementetm’accroupissousl’effetdeladouleurquimetiraillelebasduventre.Mamainlibrevientseplacersurlasourcedumalpourtenterdelecontenir.

—ANOUK!!s’exclamemonchéri,maisilssonttroisàseprécipiterdansmadirection.

Je relève immédiatementmonbraspour lesarrêter, tous.Toujourspliéeendeux, je les tiensenjoue,jeneveuxpasquel’onmetouche.J’aibesoind’air,vite,jemesenssioppressée.Ilfautquejesorte…Tantpispour lasuite,qu’ils sedébrouillent, j’éclaircirai leschosesquand j’aurai retrouvémesmoyens. Ilsme couvent du regard comme si j’étais une bête affolée qu’il faut éviter de fairepaniquer.Et ilsnesontpas loinde lavéritéaufond,mais ilyenaunquisesouciemoinsque lesautresdemevoirdisjoncterpuisqu’ilreprendsonavancéeversmoi.

—STOP!Laisse-moi,recule.

Ilralentitmaisnes’arrêtepas,etlapénichen’estpasassezgrandepourm’octroyerplusdetempspourréagir.

BOUM!!

Jetire,dansunmeuble,leplusprochedemonex,quicettefoissuspendsaprogression.J’aifaillibasculer en arrière avec le recul. Je me redresse péniblement alors que j’ai encore l’écho de ladétonationdanslesoreilles.Deséclatsdeboissesontrépandusjusquesurleschaussuresdeceluiqueje ressens comme un agresseur. Je dois bouger,maintenant, tant qu’il est sous le choc et qu’il neréagira pas immédiatement. Mes yeux s’attardent sur ceux qui ne méritent pas ce qui leur tombedessus.J’aimeraistellementlesrassurermaisjenesaismêmepasquoidire,jen’aiaucuneidéedecequejecomptefairesauf…

—P’titcœur,non…

Ilacompris,ill’avudansmesprunelles,ilsaitcequejevaisfaire.

—Tun’espasenétat.Pose-toi,onvalefairepartir.

Je souffre atrocement et ils doivent le percevoir, mais l’angoisse l’emporte sur la douleur, etsurtout je nem’imagine pas rester ici une seconde de plus. Je recule, doucement, en les pointanttoujoursavecmonGlock.J’attrapemesclefsdanslevide-poche…

—Anouk,déconnepasmapuce,tunepeuxpasconduire.Fais-moiconfiance,laisse-moilevirer,je…

Jen’entendspaslasuite,jeviensdefranchirleseuildelacabine.Jemedépêchederejoindremavoituresurlequai,quisaitdecombiendetempsjedisposeavantquel’und’euxnecomprennequ’ildevrait tenter de m’arrêter car je n’irais jamais leur coller une balle. Quoique… pour Anton, jepourraisfaireuneexception.

Jemontedansmavoiture,metslecontact,etquandjejetteuncoupd’œilàl’embarcation,jevoislaportequis’ouvre.Jen’attendspasdesavoirlequelestsurlepointdemecouriraprès,j’embrayeetfonce vers l’accès à la route. Je prie pour qu’il n’y ait rien pourme ralentir quand une sensationd’humiditéentremescuissesmepaniqueencoreunpeuplus.Quelenfoiré, jen’étaispasdansuneformeolympiquemaistoutcestressqu’ilafaitressurgird’unseulcoupestentraindem’achever.Ladouleursefaitdeplusenplusprésenteetjesuisconscientequejenepourraipascontinuercommeçatrès longtemps. Je remarque un panneau pour un parking public. Je m’y précipite et attrape monportableavantd’ypénétrer.

—Salutc’estmoi.Tuesdispo?J’aibesoind’aide.

—Çava?T’asunedrôledevoix.

—Non,çanevapas,pasdutout.Ilfautquetuviennesmerécupérer.JesuisdansunparkingpublicpasloindechezOwen,jet’envoiel’adressepartexto.Jet’enprie,viensmechercher.

—J’arrivetoutdesuite.

2

—Anouk!?ANOUK!?Putainmaisoùelleest?Anouk!Qu’est-cequetufaislà?Pourquoit’espasrestéedanstavoiturepourm’attendre?Qu’est-cequetufousassiseparterre?Çava?

—Pasterribleenfait.

—Putain,j’aicruquetuétaisdanslesvapes.

—Maisnon,jereposaisjustemesyeux.

—Pourquoituessortiedetacaisse?

—J’avaismalaucœuretjenevoulaispasvomiràl’intérieur.

—Etaprès?

—Bahjemesenstoujourspastrèsenforme,etj’aipluslaforcedebouger.

Jesuisassiseausol,adosséecontremaportière,lesjambeslégèrementrepliées.

—C’estgentild’êtrevenuaussivite,j’espèrequetun’étaispasoccupé.

Ilpasseunbrasdansmondosetl’autresousmesgenouxpourmesoulever.

—Cen’estpaslapeine,jevaismarcher.

—Tun’esclairementpasenétat.Laisse-moit’installerdansmavoiture.

—Dimitri.

—Oui?

—Merci.

Jereposematêtecontresonépaule,maissaberlineest justederrièrelamienneet jenevaispasavoir ne serait-ce que quelques secondes pour souffler. Il s’apprête à me déposer quand jel’interromps.

— Attends, je… heu… Tu n’aurais pas une couverture, ou n’importe quoi pour protéger tessièges?

—Dequoituparles?

—Je…J’aidessaignements.

—Quoi?!Maisoù?Heuouid’accord,j’aicompris.Maisons’enfoutdessièges.Tusaignesetc’estàçaquetupenses,lessièges?!

—Non!Enfinsi,unpeu.Maiscequejemedissurtoutc’estqu’ilfaudraitquetum’emmènesàl’hôpital.Lemêmequeladernièrefoiss’ilteplaît.Jesuissuivielà-bas.

—Quiesttonmédecin?

—LedocteurParks.

À peine m’a-t-il installée à la place passager qu’il fonce récupérer mes clefs et mon sac puiscontournerapidementsonbolidepoursemettrederrièrelevolant.

—Pourquoitun’aspasappeléOwen?

—S’ilteplaît,nemeposepasdequestion.

—Définitivement tu t’esplantéedemec, si tuvoulaisquelqu’unquineposepasdequestion,cen’estpasmoiquetuauraisdûcontacter.

Jen’aipaslaforcederépondre,jesuisdeplusenplusfatiguée,jelaissemonfrontappuyécontrelavitretropfraîcheàmongoût.Encetinstantjenerêvequed’unlitbienchaud,moelleuxetdouillet,avecuneénormecouettepourpeaufinermonparfaitcocon.

—Héhéhé!Resteavecmoimabelle.

—Humm…

—S’ilteplaît,gardelesyeuxouvertsjusqu’àcequel’onsoitarrivésàl’hôpital.

—Jeveuxjustemereposerquelquesminutes,letempsdutrajet.

—Nonnonnon.Profites-enpourmedirepourquoitun’aspasappeléOwen.

Je lutte pour ne pas laissermes paupières s’abaisser, elles sont à demi closes alors que j’essaied’alignerquelquesparolesquinemesemblentpastrèscohérentes.

—Il devait s’occuper demes problèmes. Je ne voulais pas qu’ilme retrouve.Mais il est là. Jevoulaispas,tusais.

—Okayyyy.Tontéléphonesonne,maboulette.

Je n’aimême pas la force deme retourner pour attrapermon fourre-tout qu’il a déposé sur labanquettearrière.

—Je…tantpis.TupourrasappelerOwenpourlerassurer?

—Ouais,enfinjevoispastropcequejepourraisdirequilerassurerait.Maisoui,t’inquiètepas,jet’emmène,etdèsquelemédecinestavectoijel’appelle.Qu’est-cequej’ailedroitdeluidire?

Sontoncaustiquenem’échappepas,maisjeleméritecentfois.

—Tuluidistout.J’aipasbesoindeluicacherquoiquecesoit.

EntoutcasriendecequesaitDimitri,pourlereste…Jesuiscommejesuis.

—Hummm…

—Çavapas?

—Toujourspas,non.

—Tuveuxque…j’ensaisrienenfait.J’peuxfairequelquechose?

—Continuederouler,c’estdéjàpasmal.

Jeserretellementlesdentsquejenesuispassûrequ’ilaitréussiàcomprendrequoiquecesoit.

—Onenapluspourlongtemps.Hephephep!T’esavecmoi?

—Ouiii.Crois-moi,j’aitropmalpourm’endormir.

Auboutdedix interminablesminutesnous arrivonsdevant lesurgences. Il segare…n’importecommentenfait.

Jesuiscertainequej’aicomplètementbousillésonsiègeetpourtantjen’aiqu’unechoseentête,p’titbout.Audébutj’espéraisquecen’étaitrien,oupresquerien,queladouleurpasserait,etquele

saignementneseraitriendutout.Voirepasunsaignement,j’aimêmepensél’avoirimaginé,maisjen’aiplusdedoutemaintenantetl’angoisserongechaquecentimètrecarrédemoncorpsdansl’attenteduverdictdumédecin.

—Dimi,tupeuxpaslaissertacaisseici.

—Ons’enfout,jeladéplaceraiunefoisquetuserasavectondocteur.Bougepas,j’arrive.

Jen’aipluspaslaforcedefairelabraveetdejouercellequipeuts’ensortirsansaide.J’aidépassécestadedepuisqu’ilm’aramasséealorsquej’étaisvautréesurlesolduparking.

Ilmeprenddenouveaudanssesbrasmaiscen’estpasunetendrebalade,jesuissecouée,ildoitmarcherassezvitepourmebrinquebalerdelasorte.J’enprofitequandmêmepourfermerlesyeuxenmenichant dans son cou. Il est chaud, une vraie bouillotte, et c’est agréable, reposant, apaisantpresque.

Ilparle,fort.Jenesaisispastropcequ’ilraconte,j’aicaptélenomdeParks,maisàpartça…Ilmepose sur je ne sais quoi, un lit ouunbrancardqui est vraiment froid. J’entrouvre légèrementmesyeux,justeassezpourvoirlapaniqueenvahirchacundesestraits.Ilaunpeudesangsursaveste.Ilfouillelesalentoursduregard.Qu’est-cequ’ilcherche?C’estpasgrave,onestàl’hôpital, toutvabiensepasser,jepeuxmereposermaintenant.

—Anouk!Anouk!Vousm’entendez?!Serrezmesdoigtssivousm’entendez.

C’estParks,jecrois…

Jetentedesoulevermespaupièresmaislalumièreestaveuglante.Dimitriluiparle,trèsvite,trèsfortaussi,maispourautant jen’arrivepasàdistinguerclairement lesmots. Ilsmedéplacent,maispouralleroù?

—Écoute-moimaboulette,ledocteurParksveutt’examiner.Jevaisvouslaisser,enprofiterpourbougermacaisseetappelerOwencommetumel’asdemandé,OK?

—Humm…

Quelqu’uncommencedéjààm’enlevermesaffaires.Jedétesteçamaisaupointoùj’ensuis,çan’aplusd’importance. Il fautqu’ellemediseque lebébévabien.Elledoit ledire.Monobstétricienneparle avec une autre personnemais je n’ai pas le courage d’essayer de voir de qui il s’agit. Ellesoulève légèrement mes jambes pour les installer sur je ne sais quoi. J’ai froid, je suis fatiguée,

tellementfatiguée.

J’entendsdesbipsincessantsquimetirentd’unsommeilpourtantsiagréable.J’aichaudetmesensvaseuse.Jem’efforced’émergerdecettebrumepourcomprendrecequ’ilsepasse.Jesuisdansunlit, d’hôpital a priori. Je tente de bouger mais mamain semble bloquée. Je souris en découvrantqu’elleestprisonnièredecelled’Owenquis’estendormi,assissurunechaise,latêteposéesurmacouverture. Son souffle chaud qu’il exhale surmes doigtsme procure une sensation étrangementrassurante. Je capte unmouvement surma gauche etme rends compte que Jessie est là lui aussi,installédansunfauteuil.Ilselèveetsedirigeversmoimaisjeluifaissignedesetaire,jeneveuxpasqu’ilréveillemonchéri,carenleregardantmieuxjevoiscombienilsembleépuisé.Sabarbemeparaîtpluslongue,luidonnantunairnégligéassezsexy,enfait.Monfrères’approche,ilembrassemonfrontetcaressemajoued’unefaçontrèsréconfortante.Jepressemonvisagecontresapaumeenfermant les yeux pour savourer cet instant. Jeme sens si bien en cet instant que je n’ai pas envied’interromprecemoment.

—Net’inquiètepas,toutestOK.Ons’occupeparfaitementdevous,chuchote-t-il.

Sesmotsrésonnentcommeuneberceusequim’emportedenouveaudanslesbrasdeMorphée.

Qu’est-cequec’estquecebruit?Ondiraitqu’Owens’énerve,ilcriepresque.Matêteestlourde,jen’arrivemêmepasàvoircequiestentraindesepasser,jesuistoutengourdie.Ilyadeplusenplusdevoixqui se font entendre, je crois reconnaître celle demon frère, et une autreplus lointaine…dites-moiquecen’estpaslui.Moncœurs’emballequandilhurleàsontour,etsubitementjediscerneun grand bruit sourd, quelque chose est tombé au sol, j’ai l’impression. Lemoniteur près demois’affolesur lamêmefréquencequecelledemonrythmecardiaque.Mavuen’estpasnette,mais jedistinguedessilhouettess’agiteretmonchérifinitparparleràunepersonnequis’approchedemoi.

—T’inquiètepasAnouk,tun’aspasdesouciàtefaire,ons’enoccupe.

MonOli…Jen’aimepasqu’ilm’appelleparmonprénom,aucundeshommesdemavienelefait,d’ailleurs, àmoins d’être en colère ou inquiet. Il s’installe près demoi et je ne sais pas ce qu’ils’apprête à faire, mais je ne suis pas tranquille. Je ne veux pas qu’ils s’attardent sur les théoriesdélirantesd’Anton,ilestassezdinguepourtenterdelesconvaincreet…oooh!Ilvientdememettremesécouteurs, ilveutm’empêcherd’entendrecequisetrame.Ilmetientlamainetfaitglisserses

doigtssurmonavant-bras.IlachoisidelaisserQueenagressermespauvrestympans.Levolumeesttrop fort mais je n’arrive pas à émettre la moindre protestation. Je tente de fixer la porte pourdiscernercequiesttraindesedérouler.Owen,jepense,gesticulenerveusementetfinitparfaireunmouvementbrusquevers lemur, qui, si j’en crois lavibrationque je ressens, devait êtreun sacrécoupdepoing.Qu’est-cequi le contrarie à cepoint ?Est-cequ’ily aunproblèmeavec lebébé?Instinctivementmamainglissesurmonbas-ventre.Mapetitebumpesttoujourslà,maisest-cepourautantbonsigne,est-cequeçaprouvequelebébéestencorelàetenbonnesanté?Lesmartèlementsdemon sang qui pulse dansmes veines tambourinent de plus en plus fort dansma tête, au pointd’éclipser la voix de FreddyMercury. Il faut que le bébé aille bien.Une petite larme s’échappe etcoule doucement le long demon visage inerte. Je ne veux plus rien voir, jeme concentre sur lessensationsquim’attachent àmonenfant, jusque-là j’ai toujours suqu’il allaitbien, je le sentais auplusprofonddemoi,maisjen’arriveplusàêtrecertainedequoiquecesoitencetinstant,ilyatropd’angoisses,d’interférences,deparasites.

Oliver interrompt le contact tactile qu’il maintenait depuis quelques minutes sur mon braslorsqu’unemainchaudeseposesurmajouepoureffacerlesperlessaléesquil’inondent.Inutilederegarder qui me gratifie d’un geste si tendre, je reconnaîtrais sa fragrance entre mille.Mais uneodeur métallique se mélange à la sienne, quelque chose de désagréable, je la connais mais je neparviens pas à l’identifier.On dirait… du sang. Est-ce que ça vient demoi ? Est-ce que je saigneencore?Ilenlèvel’undesécouteursdemonoreilleet immédiatement levolumediminue.Enfin…Un petit sonm’indique qu’il est en train de farfouillerma playlist à la recherche d’un autre titre.Quandj’entendslavoixdeNinaSimonemechanterFeelingGood,jeretrouvedoucementunpeudesérénité.J’adorecettechanson,quellequesoitlaversion,etillesait.Lelits’affaisseetjecomprendsqu’il vient de s’allonger près demoi. J’essaie de sourire pour qu’il sache à quel point jeme sensmieuxquandilestàmescôtés,maisjen’arrivemêmepasàdécouvrirmesdents.

Ilposesamainau-dessusdelamienne,surmonventre,etmesusurrequelquesmotsàl’oreille.

—Net’inquiètepas,toutvabiensepasser,jesuislà,je…

Pourquoiest-cequ’ilditquetout«va»biensepasser?Est-cequecen’estpaslecas?Qu’est-cequinevapas?Matêteredevienttrèslourde,jenedistinguepluslesmotsqu’ilprononce,iln’yaplusquelebrouillard.

Toujourscemoniteurquibipe,c’estincessantettrèsagaçantàforce,etpuisj’aifroid.Jeressensunedouleursurledosdemamaingauche.Jeremuemaisonmeretient.

—Nebougezpass’ilvousplaît,j’aipresquefini.

Mespaupièrespapillonnent,jefroncelessourcils,lalumièreestaveuglante.Uneinfirmièreestentraindetriturermapauvrepetitemenottequimesembleminusculecomparéeàlasienne.

— Qu’est-ce que… qu’est-ce que vous me faites ? bredouillé-je d’une voix pâteuse maiscompréhensible.

—Hey,salutp’titcœur.

Jetournemonvisagepourdécouvrirlesourirechaleureuxetpleindetendressedemonchéri.

—T’asunesaletête,peiné-jeàarticuler.

—Merci,moiaussiçamefaitplaisirdetevoir.

Jegrimace,cetteinfirmièren’entreapparemmentpasdanslacatégoriedessuperpiqueuses.

—Désolée,jevaisdevoirconsulterledocteurDavis.

—Ilyaunsouci?

—Laveineesttropfragile,jenepourrairienfaire.Çanefonctionnerapas.Soitjepiquehautdanslebras,ousinononoptepourlesmembresinférieurs.

—Demandez-lui,maisàmonavisc’esttoutvu.

Jelesregardediscutercommesijen’étaispasprésente.Owenal’airétonnementàl’aiseavectoutecettemerdemédicaleetçamedéprime,j’auraistellementvoululegarderloindetoutcela.

—Profitez-enpourluidirequ’elleestréveillée.

Àpeines’est-elleéclipséequejemedépêchedel’interroger.

—Qu’est-cequ’ils’estpassé?Commentvalebébé?

—P’titboutvabien,ils’accroche,c’estuncoriace,commesamère.

—J’mesensvraimentfatiguée.Vousm’avezdonnédestrucs?

— Comment ça, des trucs ? On t’a donné des traitements, des compléments et je ne sais quoid’autrepourteremettresurpied.

—Desantalgiques?

—Jenesuispassûr,ilfaudraitdemanderàtonfrère.

—Maisqu’est-cequ’ilm’afait,c’estpasvrai!

Àpeine réveillée, jem’énervedéjà, ilm’énervedéjà. Je tousse, j’ai lagorgesècheet réaliseenmettantmamaindevantmabouchequej’aiunesondenaso-gastrique.

—Qu’est-ceque…?

—S’ilteplaît,net’excitepas,c’étaitobligatoire.Crois-moi,sionavaitpu,onauraitévité.

—ÇadevaitsacrémentarrangerJessie.Àpeinejesuisinconscientequ’ilenprofitepourfairetoutcedontjenevoulaispas.Tuauraisdûl’empêcher.

—Hey,calme-toip’titcœur.D’une,j’aipaslescompétencesnécessairespourremettreenquestionsesdécisionsmédicales,dedeux,tuétaisvraimenttrèsfaible,ilfallaitqu’ontrouveunesolution.

—Vousn’avezpastraînéentoutcas.

Ilquittesachaisepours’installersurleborddulit,effleuremajoueavecledosdesesdoigts.

—Jenesaispascequetut’imagines,maisonavraimentfaitaumieux.Onétaitinquiets,tuneteréveillaispas…

—Fallaitmelaisserunpeudetemps.

Jesuisobligéed’arrêtermatiradepourtousser.

—Attends,net’énervepasetécoute-moi.Ont’alaissédutemps,Anouk,çafaitunmomentquetuesinconsciente,ousemi-conscienteparinstants.

Jenecomprendspasoùilveutenveniretçadoitsevoirsurmonvisagepuisqu’ilcontinue.

—Tuesicidepuisbientôtunesemaine,moncœur.

—Je…Commentc’estpossible?Pourquoi?

—Tu étais très faible, ton corps était au bout du rouleau. Ton frère est tenté de croire que toncerveaus’estmisenveillepourluipermettred’effectuercequiétaitnécessaire.

Ilessayedefairedel’humourmaispourl’instantjenesuispasd’humeur.

—Trèsdrôle,vraiment.Qu’ilnemechauffepastropsurlesujetparcequejen’appréciepasqu’iljubiled’avoirprofitédelasituationpourmettrecettefoutuesonde.Tupeuxêtresûrqu’onvalavirertrèsvitemaintenantquemoncerveauestdenouveauauxcommandes.

—Jeseraistoi,jel’attaqueraispastoutdesuiteparcequ’ilrisqued’avoirquelquesdoléancesbiensentiespourtoienretour.

—Quoi?!Jesuisvenueàl’hôpital.Iln’arienàmereprocher.

—Onenparleraplustardcalmement,quandtuaurasreprisdesforces.

Ilm’embrassesurlefront,espérantsûrementmettreuntermeàcetteconversationquej’aipourtantlafermeintentiondecontinuer.Malheureusementpourmoijerecommenceàtoussailler.

—Tuveuxunpeud’eau?

Jehochelatête.Cettesonde…Grrr,jen’aipasfinidepester.

—Heylasouris!

—Heyl’enfoiréquim’amisunesonde!

Bonj’avoue,pourquelqu’unquinedevaitpasattaquertoutdesuitej’aifaitplusquegrogner,j’aimordudirect.Maisjesuisdéjàsurlesnerfsetilutilisecesurnom…ilsaitqueçam’agace,illefaitexprès.

—Ondiraquec’estlesignequetuvasmieux.Tutesenscomment?

Ils’installesurleborddumatelasetsaisitimmédiatementmonpoignetpourvérifiermonrythmecardiaque.Jem’extirperapidementdesonemprise,jeveuxqu’ilsachequejenesuispassatisfaiteparsa façon de procéder. Il penche légèrement sa tête et me jette ce regard amusé et attendri quim’empêchederesterfâchéecontrelui.

—Enfinjeteretrouve.Toiettonpetitcaractère.

Jelèvelesyeuxaucieletluirendsmonpoignet.Ildégainesonstéthoscopeetjecomprendsquecen’étaitqueledébut.

—J’étaisvraimentinquiet,nemerefaisplusuncouppareil.

—Yavaitpasderaison,tusaisquejesuisunedureàcuire.

—Mouais.

—Quoi«mouais»?!Qu’est-cequ’ilya?

—C’estpaslebonmomentpouraborderlessujetsquifâchent,onverraçaplustard.

J’hésite,j’aimeraisautantenêtredébarrasséetoutdesuite,s’ilaquelquechoseàmedire,qu’illefassemaintenant. Cette conversation vame torturer sinon.D’un autre côté, si j’arrive à ne pas enparler, est-ce qu’il y a la moindre chance pour qu’il finisse par faire l’impasse ? Naaann ! C’estJessie.

— Vas-y, crache le morceau. J’ai pas envie de me triturer le cerveau en imaginant tous lesreprochesquetuvasmefaire.

—Jenesuispasleseulàpouvoirtefairedesreproches.

Maisalorsqu’illanceunregardcompliceàmonchéri,celui-cisedépêchedesedéfendre.

—Hola!Situenvisagesderéglertescomptesavectasœur,vas-y,maisnememêlepasàça.Sijeveuxluiparlerdequelquechose,jeleferai,jen’aipasbesoindetoipourfairepasserunmessage.

Su-per.

Ilm’attendautournantluiaussi.

—Hummm,enfaitjecroisquejesuisfatiguée,jevaispeut-êtremereposerencoreunpeu.Deuxoutrois…jours,minimum.Justement,turentresquandauxÉtats-Unis?

—Ne remuepas trop le couteaudans laplaie. J’ai ratémonvolpour rester auprèsde toi et çarisquedefairecapotermesplans.

—Bahmaintenantquejevaismieux,jet’enprie,fonce.

—Maisjecomptetoujoursyaller,dèsquejeseraisûrquetuvasvraimentmieux.

—D’ailleurs,situpouvaismevirercettesondemaintenant.

—Jepréféreraisattendreunpeuquetureprennesdupoildelabête.

—Jessie, jeplaisantepas, jeveuxque tumedégagescettesaloperie,sinon jem’enchargemoi-même.Tusaisquejenesupportepascestrucs.

Il n’apas l’air disposé à accepter, et jenem’expliquepaspourquoi,mais jemebraque, jedoisl’enlever,toutdesuite.

Jecommenceàretirerlesparadrapsurmajoueetildevinecequejem’apprêteàfaire,ilsaisitmesmainsdanslessiennespourm’arrêter.

—Nefaispasças’ilteplaît.Jecomprendsparfaitementpourquoitunesupportespascegavagemaisc’estvraimentnécessaire.

Jesuisencercléeetchacund’euxportesurmoiunregardsipesantquejenesaisplusoùmemettre.Monchérisepencheversmoietcollesonfrontaumienpourmechuchoterquelquesmotsrassurants.

—Fais-luiconfiance.Fais-nousconfiance.Toutvabiensepasser.Ilnecherchepasàt’embêter,ilveutvraimentt’aider.

—Jesais.

—Çavap’titcœur?

—Oui,c’estbon.

—T’asl’airfatiguée,tesyeuxcommencentàpapillonner,tuvoulaisvraimenttereposer?

—Ilaraison.Jecheckedeuxoutroispetiteschosesetjetelaissedormir.

Matêtes’enfoncedeplusenplusdansmonoreiller.Pourquoi jemesenssiépuiséealorsquejevienstoutjusted’émerger?Lebrouillardseréinstalletoutdoucement.

—Jessie!Putain,pourquoitu…

PourquoiOwen s’énerve ? Je n’arrivemême plus à distinguer ce qu’il dit. Cette sensation… iln’auraitpasosé…

3

J’aimalàlagorgeetilyauntrucquimedérange.Jemegrattelenezetjemesouvienstoutd’uncoup de ce qui provoque cette sensation de gêne, cette foutue sonde. Je me sens toute vaseuse,nauséeuseet fatiguée,etcen’estpasdu toutunétatauquel jesuishabituéeetdont jeseraisprêteàm’accommoder. Je frotte mes petites mirettes pour essayer de m’extirper un peu plus de monengourdissementgénéraletobservercequisetrouveautourdemoi.Étonnementjesuisseule,ilfaitsombre,ilesttardmaismalgrétoutlatéléestalluméesurunechaînemusicale.Lequeldesdeuxaétéassezadorablepourpenseràmelaisserunfondsonore?Jen’aiaucune idéede l’heurequ’ilpeutêtreetinstinctivementjeglissemamainsousmonoreillerpourcherchermontéléphoneportablequin’yévidemmentestpas.Jescrutelesalentoursetremarquemongrandsacsurunechaisepastrèsloindemonlit.Niunenideux,jedécided’allerlerécupérer,maisaumomentdemeleverjedécouvreuneautresonded’untoutautregenremaistoutaussicontrariante.Unesondeurinaire,biensûr!Onestplusàçaprès.Jeposeunpiedausol,puislesecond,etresteunmomentassisesurleborddemonlitcarj’aidéjàdespetitsflashsquicrépitentdevantlesyeux.Clairement,çafaittroplongtempsquejesuisalitéesansbouger, il fautquemoncorps retrouve lessensationspropresà lastationverticale.J’envisagependantuneseconded’utiliserlepieddelaperfusioncommeunecannemaisiln’estpasdutoutadaptéetjerisquedemefinirlesquatrefersenl’airenmoinsd’uneminute.C’estfinalementenpensantàlasoufflantequejevaisprendresijamaisonm’attrapeaprèsavoirfaitunecascadequejedécidedemecontenterdebiperuneinfirmière.Jemeréinstallesousmacouverture,l’airderien,etactionnelasonnettequiestaccrochéeàlabarrièredulit.Unejeunefemmearriveassezrapidementetjem’enveuxdéjàdel’avoirfaitvenirpoursipeu.

—Bonsoir,commentvousvoussentez?

—Çapeutaller,merci.Jesuisdésoléedevousdérangerpourça,maisest-cequevouspourriezmedonnermonsac?Jenesuispascapabledemeleverpourlerécupérer.

Jemesensobligéedemejustifier,j’ail’impressiond’abuser.

—Évidemment.Vousavezbienfait.N’essayezpasdevousmettredeboutsansqu’ilyaitquelqu’unavec vous. Il ne faudrait pas que vous fassiez une chute. Je vais en profiter pour vérifier vosconstantesetensuitej’appellerailedocteurDavisetvotremari.

Monmari !Elleestbienbonnecelle-là !Cecidit,elledoitaussicroirequ’ilest lepèredemonenfant.Jepinceleslèvrespournepassourireetréussiràluiparlersansrigoler.

—Ilestquelleheure,s’ilvousplaît?

—Unpeuplusdetroisheuresetdemie.

—Alorsnelesappelezpas,laissez-lesdormir.Ilssaurontsuffisammenttôtquejesuisréveillée.

—Ilsnevontpasapprécier, ilsontdemandéexpressémentàêtreprévenus, jecite,«aupremierbattementdecil»,jenevoudraispaslesdécevoir.Enplusvotremarinevousapasquittéependantunesemaine,c’estcommeparhasardlepremiersoiroùonarriveàleconvaincrederentrerenluipromettantdelejoindreaumoindresignequevousvousréveillez.

—Danscecas,c’estmoiquil’appellerai,j’aimonportable.Aufait,onestqueljour?

—Samedi,letrenteetun.

J’hallucine,çafaitvraimentunesemaine,cen’étaitpasjusteunefaçondeparler.Jeneréalisepas.Jesaisquej’aicaptéquelquesévénements,maispourl’instanttoutresteassezflou,jenesuismêmepassûrequec’était laréalité, ilsepourrait toutàfaitquej’aierêvécequejecroisavoirvu.C’esttroublant etdéroutant. Il faudraque j’arrive à faire la lumière sur cequ’il s’estpassé cesderniersjours.Anton!Ilétaitlà!Ouétait-ceaussiuncauchemar?Jenesuispascertainequelesgarçonsmelediront.

—J’aieudesvisites?

—Jenesauraispasvousdire,jetravailledenuit.VotremariestrestéàvotrechevetetledocteurDaviségalement.Maisvuquejenesuisdegardequ’endehorsdesheuresdevisite…

—Cen’estpasgrave,monmarimedira.

Pourquoij’aiditça?!Monmari?!Parcequ’ellen’arrêtepasdeledireetqu’aufond…j’ensaisrien,enfaitc’estvenuspontanémentetjetrouveçaplutôtamusant.Jeletaquineraiavecçademain.

Ellenotequelquesinformationssurledossieraupieddemonlitetfinitparmelaisser,nonsanss’êtreassuréequejenemanquaisderien.

Jezappecarlachaînemusicalen’estpastrèsàmongoût,ettombesuruneémissiondanslaquelledejeunesfemmesfontlalecturedegrandsclassiquesdelalittérature.Cen’estpaspalpitant,maisçameublelesilenceambiant.

Je saisis finalementmon téléphonepourvoir tout cequi apum’échapperdurantmapériodedesommeil,appels,messages,réseauxsociaux.Maisétonnammentiln’yarien.Enyregardantd’unpeuplusprès,jevoisquemonhistoriqueprésentedesappels,certainsmanqués,maisd’autresauxquels

on a répondu. La pression et l’énervementmontent déjà enmoi en pensant à la crapule qui s’estpermisdefouineretdeprendremesappels.Etderépondreàmesmessages!!Iln’yenaqu’unpouroseruncouppareil,ilestdésespérantetmêmes’ilm’exaspère,jesaisqu’ilacherchéàbienfaire.Etàfureteraussiparlamêmeoccasion.Commeditledicton,l’enferestpavédebonnesintentions.Unefoisdeplusils’estpermisd’envoyerunmessageàEnid.Judicieusementtournémafoi,assezpourlaconvaincre deme laisser du temps et de l’espace. Je remarquequ’il a aussi consulté des textos deSam.

*Salut.Çava?Turépondspasautélçam’inquiète.Rappelle-moi.

*Salut.Tunem’aspashabituéàcesilence.Est-celavieparisiennequitefaitoubliertesamisici?Vilaine!J’espèrequeçava.Appelle-moi.

* Anouk, s’il te plaît appelle-moi d’ici demain sinon je mets le plan d’urgence en place. Je suisvraimentinquiet,j’imaginelepire,surtoutenrepensantàl’épisodedelaréserve.

Ohnonpasça.Faitesqu’iln’aitrienditdecequ’ils’estpassédanslaréserveduclub.Notrepland’urgence…Lemêmequeceluiquej’aiexposéàOwen,«s’ilm’arrivelemoindretrucétrange,sijedisparais,prévienslaseulepersonnequisaurameretrouver.»Cemessagedated’ilyatroisjoursetmonhistoriquemontrequ’ilssesontparlé,maisbizarrementc’estmontéléphonequiaappeléceluideSam.Envoyantcestextos,Jessieadûvouloirlerassurer,maismaintenantc’estmoiquivaisavoirbesoind’êtrerassuréesurcequ’ilsontpusedire.Pourvuqu’ilnel’aitpasinterrogésursonallusionàlaréserveouque,s’ill’afait,monamiaitétéassezmalinpouréviterdedirelavérité.Ilvafalloirque je l’appelle très vite pour savoir quelles informations ont filtré avant d’être moi-mêmequestionnée.

DING

*Hellomonp’titcœurd’amour.Tunedevraispasêtreentraindem’appeler?!

Ooooh,c’esttropmignon.L’infirmièrem’abalancée,maiselleaeuraison,jenecomptaispasluitéléphoner,etpuispourrecevoirunmessagesiadorable,çavalaitlecoup.

*Justementj’allaislefaire.

*Tusaisquetueslaplusadorabledesmenteuses.

Jeneletrompepasetc’esttantmieux,cen’étaitpasmonintention.

*Jenevoispasdutoutpourquoitudisça.

Jemesurprendsàsourireenécrivantcesquelquesmots,toutefièredemablague.

*Biensûr.Tumemanques.J’arrive.

J’enmeursd’envie,jeveuxmeblottircontresontorse,sentirsachaleurirradiermoncorps,jeledésire.Mais une fois de plus je décide de fairema brave, il est bientôt quatre heures dumatin, ilméritedereprendredesforces.

*T’esadorablemaisrepose-toi.Onseretrouvedansquelquesheures.XOXO

*Jenepeuxpasmereposersitun’espasavecmoi.J’arrive.

Génial!Jenedevraispasjubilerainsi,j’ail’impressiond’êtreuneadoenmanque,maistantpis,j’assume,jel’aime,etj’aibesoindel’avoirprèsdemoi.Unjourilfaudraquejepenseàleluidire.

*Bon,sit’insistes,d’accord.

Jelèvelesyeuxaucielenrigolant,mêmes’ilnepeutpasmevoir.

*Jenetedemandaispasdetoutefaçon,jet’informais.

*Onvatebloqueràl’entrée,c’estplusl’heuredesvisites.

*T’inquiète,jesuisunmecpleinderessources.

*Jen’enaijamaisdoutémonsieurHenderson.

Je pince mes lèvres en pensant à tous les genres de ressources dont il dispose effectivement.Pourvuqu’onaitrapidementl’occasiondemettreàl’épreuvecellesquionttraitàsonphysique!

*Coquine.J’adore.

Oups,rienneluiéchappe.

*Tumeconnaistropbien.

*Jusqu’auboutdelalangue.

Mesyeuxs’écarquillentdevantcettepetitephrasequiréveillemeshormonesquicommencentdéjààfrémir.Ilfautcroirequelasemaineaétélonguepourluiparcequ’ilnem’apastrophabituéeàêtre

taquin si vite. En un sens il vaut mieux qu’il ne soit pas trop coutumier de ce genre decorrespondance, quand je pense que quelqu’un ne s’est pas privé de fouiller dansmamessagerie,voilàbiendestextosquejenevoudraispaslevoirintercepter.

J’aimeraisluidiredesedépêcher,maissoyonslucide,dansl’étatactueldeschoses,iln’yaaucunecabrioledepossible.Pasavecdessondesdepartout.Monsex-appealestréduitànéant.Jetenteunenégociationavecl’infirmièrequinepeutrienpourmoi,ilmefaudraattendrel’autorisationdel’undemesmédecins.Et,unefoisn’estpascoutume,jemedécideàêtresageetànerienenlevermoi-même.Jeneveuxpascontrariermonchériàsonarrivée,justepouvoirprofiterdelui.

Ilnes’estpaspasséunquartd’heureavantquejenediscerneunpetitgrattementderrièremaporte.Monmatouestenfinlà.

—Entre,dis-jedoucement.

Noussommesdansunhôpital,lanuit,unpetdemouches’entendraitàl’autreboutducouloirs’iln’yavaitpastouscesbipsprovenantdesappareilsdecontrôle.

Unepetitetêtesefaufiledansl’entrebâillementetleplusdélicieuxdessouriresapparaît.Non,pasdélicieux,charmeur,sexy,ilesttellementdechosescesourire,ilmériteplusqu’unsimpledélicieux.

—Salutmonp’titcœurd’amour.

—Saluttoi,dis-jed’unevoixlégèrementérailléeetteintéed’unecertainefaiblesse,maisjetented’afficheruneminequireflètelebonheurquej’aideleretrouver.

Ils’approchedoucement,précautionneusement,commesij’étaisuneminusculechosetoutefragilequ’ilfallaitépargner.C’esttropmignondevoirungrandgaillardcommeluiessayerdesefairepetitet discret. Il se penche mais se contente de déposer un baiser dans mes cheveux en humant leurparfum.

—Venezlàmonsieur.

J’attrape son tee-shirt aumomentoù il se relève et l’attireversmoi, je saisis sanuqueavecmamainlibreetlerapprochepourpouvoireffleurerseslèvresaveclesmiennes,dansunpremiertemps.Audébut, debout, courbé au-dessus demoi, il finit par s’asseoir sur le bord du lit, peut-être a-t-ilcomprisquejen’étaispasprêteàluirendresaliberté.Ilprendmonvisageencoupeetdéposeleplusexquisdespetitsbisoussurmabouche.J’enveuxplusetn’hésitepasàmaintenirfermementmaprisepourl’embrasserplusintensément.Jepassed’abordmalanguesurseslèvresavantdelesgoûterplus

avidement.Maisquandsonpoucecaressemajoueeteffleurelefintuyauquiyestscotché,unlégermalaises’emparedemoi.

Aubout de quelques secondes, c’est finalement lui qui s’éloigne doucement en poussant un trèsprofondsoupir.

—Onvasecalmer,parcequedetoutefaçononnepourrapasallerplusloin,etquesioncontinuecommeça,ceseratrèsdurpourtouslesdeux.

—Çal’estdéjàpourmoi.

Ilessaiedeselever,maisj’agrippesontee-shirt.

—Tucomptesfileroùcommeça?!

—Mereposerdansmonfauteuilpréféré.

—Soispasbête,viensici,dis-jeensoulevantmacouverture.

Maisenremarquantl’autretuyaus’échapperdesousmachemisedenuit,magêned’ilyaquelquessecondess’accroît.

—Heuoui,alorspeut-êtrepasjustelà,maisresteprèsdemoi.

—OK,fais-moiuneplace.

Jemedécalepourluipermettredes’installeràmescôtés.Ilouvresonbrasgauche,m’invitantàmeloverdansmonpetitcreux.Jemesenssereineetdétendue,et j’ai l’impressionquec’est lebonmomentpourselaisseralleràquelquesconfidences,lessiennes.

—Commentças’estpassécesderniersjours,pourtoi?

—Tumeledemandes?!J’étaistrèsinquietpourvousdeux.Jemesuisfaitunsangd’encre.

—Jem’endoute.Jepensaisàtoi,avecJessieet…lereste.

Ilsereculelégèrementpourmedévisager,commes’ilessayaitdelireenmoi.

—Qu’est-cequetucherchesàmefairedire?

Jebaisselesyeuxensouriantlégèrement,l’airvaincu,ilm’avueveniràdixkilomètres.

—Jeveuxsavoircequ’ils’estpasséquandj’étaisdanslesvapes,etsurlapénicheaprèsquejesuispartie.Ilfautquejesache.

Leformulermefaitplusmalquejenel’auraiscru,jen’arrivepasàprendrecettesituationaveclégèreté.

—Hey,moncœur,nepleurepas,temetspaslapressionpoursipeu.Situasbesoinqu’onenparle,pas de souci, on en parle. Je te dirai tout ce que tu veux savoir,mais est-ce que tu n’as pas envied’attendredemainpourça,qu’onsoitsuffisammentreposésetaveclesidéesclaires?

—Passûrquej’arriveàdormir.Tusaisquoi,jedoispasserunpetitcoupdefilavanttoutechose.

—Tuveuxappelertonfrère.

—Non,pasvraiment.

Jeprendsmonportableetvaisdirectementdanslalistedemesnumérosfavoris.

Auboutdetroissonneries,ildécroche.

—Enfintum’appelles!Çavamieux?

—Ouimerci.Jesuisdésoléequetutesoisinquiétépourrien,monSam.

—Pasvraimentpourriend’aprèscequem’adittonfrangin.Tuessûrequeçava?

Jesuis toujoursblottiecontreOwenet ilnedoitpasperdreunemiettedenotreconversation.Jevaisdevoirmemontrerbrèveetpastropexplicite.

—Oui promis. Je sais que j’exagère, mais il est tard ici et je suis fatiguée, je voulais juste terassureretdiscuterd’unepetitechosequimetracasse.Jesaisquetuaseumonfrèreetqu’iladûteposerdesquestions.Est-ceque…

—Est-cequequoi?

—Dequoivousavezparlé?

—Jen’airienditquipuissetemettredansl’embarras.Net’inquiètepas.Écoute,c’estlerushauclubpourl’instantdoncsitoutvabien,ons’appelleraplustardetjeteraconteraitoutendétail,maisentoutcasnet’enfaispas,ilm’ainterrogésurlaréserve,ilavaitvumontexto,maisj’aisimplementexpliquéquetuavaisfaitunmalaise.Sansplus.Netetracassepasetremets-toivite.

—MercimonSam.Àtrèsvite.Etboncouragepourcesoir.

Jeme reblottis immédiatement àma place, ignorant toutes les questions qui doivent envahir lepauvrecerveaudemonchéri.

—Finalement,jenesuisplussûrdevouloirattendredemainpourdiscuter.

—Quicommence,alors?

—Sur la péniche il ne s’est paspasségrand-chose, il s’est énervé, nous aussi, il a essayéde tecouriraprèspourteretenir,onl’enaempêché.Unefoisqu’ilavuquetuavaisfilé, ila tentéd’enfaireautant.Jessies’estefforcédel’arrêter,jenesaispassic’étaitpourlemenaceretlefairepartiroupourl’interroger,maisl’autreconneluienpaslaissél’occasion,iladéguerpienvitesse.Etnousonapréférétechercher,jusqu’àcequeDimitrinousappelle.D’ailleurspourquoiDimitri?Pourquoitun’espasrestée?Onl’auraitviré,tun’avaispasbesoindetesauvercommeça,ettonfrèreétaitsurplace,ilauraitput’aideraulieudeteretrouverengalèrepouralleràl’hôpital.

—Jesais,jesaisquej’aimerdé,encore,etjesaisquejetedoisdesexcuses.J’aipaniqué.J’aipasdemeilleureexcuse,justelapanique.Tunepeuxpascomprendre.

— Pourquoi ?! Parce quemoi, il nem’arrive pas de paniquer ? Tu crois que jeme suis senticommentquandjet’aivueteplierdedouleuretpartircomplètementaffolée,unearmeàlamain?J’aibesoind’explications.

Savoixestdemoinsenmoinssereineet jeperçois toute l’angoissequis’est insinuéeen luicesderniersjours.

—Est-cequetuaslamoindreidéedetouslesscénariosquejemesuisfaits?Jet’aiimaginée…peuimporte.J’aieuvraimentpeur.

—Jesais.Excuse-moi. Jen’aipas réfléchi.En toutcaspascomme il fallait. J’auraisdû te faireconfianceetresterprèsdetoi,maisj’étaiscertainequ’Antonnebougeraitpastantquejeseraislàetjenevoulaispasqu’ils’éternise.

—Parcequetuavaislatrouilledecequ’ilauraitpudire.

—Oui.

—Plusquedecequ’ilauraitpufaire?

—Pasforcément.Écoute…Il…

Jecherchemesmots, jenesaispascommentabordermarelationavecmonexsanspourautantavouercertainspointstropcompromettants…ouplutôthumiliantsethonteux.

—Ilesttrèsattachéetilnecéderapas.Iladéployédesmoyenspourmeretrouverquimontrentàquelpointilestdéterminé.

—C’est-à-dire?

—Ilafaitappelàunprivé.

—Qu’est-cequ’ilveut?

—Apriorimoi.Etsicen’estmoi,aumoinsinterférerdansmonsuivimédical.Ilditqu’ilveutmesoi…prendresoindemoi,malgrémoisinécessaire.Et ilestcapablededépasser lesbornes, je lesais,j’enaidéjàfaitlesfrais.

—C’est-à-dire?

—C’est-à-direqu’ilestprêtàmeforcerlamainsijenesuispassesdirectives,etpasseroutremesrefussivraimentilestdécidé.Peuimporte.Ilfautjustequejetrouvecommentl’éloigner,maintenant.

Je reste plaquée contre lui,ma tête dans le creux de son épaule,m’évitant ainsi d’affronter sonregardenplusdesesparoles,mapaumeposéesursoncœur,sapalucherecouvrantlamienne.

—Ilestrevenuàlacharge,n’est-cepas?

—Oui,ilestpasséici,maisonl’afaitpartir.Commeonl’auraitfaitsurlapénichesitunousavaisdonné ton feu vert. Tu nous avais signifié de ne pas intervenir, et depuis çam’obnubile. Si je net’avaispasécoutée,sijel’avaisviré…

—Tusaiscequ’ondit,avecdessi…

—Enattendant,çaseseraitmieuxpassépourtoietp’titbout.

—Oui,maisonvabienmaintenant,c’esttoutcequicompte.Qu’est-cequ’ilestarrivéquandilestvenuici?

—Pasgrand-chose,onl’asurprisquifouinaitetonl’aéjecté.

—Comment?Ilapasfaitd’esclandre?

—Si,maisçanem’apasempêchédeledégager.

—Qu’est-cequ’ils’estpassé?!Qu’est-cequetuasfait?!

—Hey,calme-toi,toutvabien.

—Jesuiscalme.

—Nontunel’espas.

D’unpetitsigneilm’indiquelemoniteurquiestinstalléderrièremondos,etquiprouvequemonrythmecardiaques’emballe.

—Regarde,tutrembles.Maisqu’est-cequ’ilt’afaitpourquetusoisdanscetétat-là?Est-cequ’ilt’afaitdumal?Anouk?

Sespupillesreflètenttoutesoninquiétudeetjevoudraistellementtrouverlesmotspourlerassurer,maisçaimpliqueraitaussideluimentir,outoutdumoinsdecacherunepartiedelavérité.

—Est-cequ’onpeutgardercesujetpourplustard?

—Non,pascettefois.J’aibesoindecomprendre.Tumedoisbiença.

—Jesaisquejeteledoismais…Jenemesenspasprêteàenparler,pasmaintenant,maisunjour,promis,jetediraitout.

— Anouk, un minimum quand même. Est-ce qu’il t’a frappée ou violentée d’une quelconquefaçon?

—Ilnem’apasfrappée,iln’ajamaislevélamainsurmoi,tun’aspasàt’inquiéterdeça.

—Mais…?

—Rien.

Ilmeregarde,l’airvaincumaislégèrementamusé,ilmeconnaît,plusriennel’étonne.

—Promis,tumediras?

—Oui,j’telepromets.

Ilraffermitsonétreintepourmerelogeràmaplace,dansmonpetitcreux.Jesuisencoreunpeufatiguéemaisjen’arriveraipasàm’assoupir.Jesuisdécidéenéanmoinsàmereposerunpetitpeu,neserait-cequepourl’inciterluiàdormiretàreprendredesforces.

Je baisse le son de la télévision et rapidement je perçois sa respiration ralentir. Avant qu’il nes’endormeprofondément,etmaintenantqu’ilestmoinssursesgardes,j’enprofitepourluiglisserunderniermot.

—Owen,jevoudraisrentreràlamaison.

Ilmarmonnedoucementalorsqu’ilestclairemententraindesomnoler.

—Jesais,jesuissurlecoup.

—Commentça?

—Chut,dodo.

Ilembrasselesommetdematêteetrestelenezplongédansmachevelure,melaissantseuleavecmesquestionsquitournentenboucledansmoncerveautorturé.

4

Cetteodeur,cettechaleur,c’estsibond’êtredanssesbras.Jemetrémousselégèrementpourmenicherunpeuplusdanslepetitcreuxquiestmonnouveauchezmoi.Jemerefuseàouvrirlesyeux,tantqu’ilssontfermésjepeuxcontinuerd’ignoreroùnousnoustrouvonsettoutcequinousentoure.J’inspireprofondémentpourm’enivrerunpeuplusdelafragrancedesapeau,mapréférée.

Unbaisersurlehautdemoncrânemesignalequ’ilacomprisquejenedorsplusetquejenevaispas pouvoirme voiler la face très longtemps. Je l’observe et il pose surmoi un regard tellementchaleureux,tendreetréconfortant,quejenepeuxmeretenirdesourire.Ilcaressemescheveux,etsil’onfaitabstractiondulieuoùnoussommes,l’instantestpresqueparfait.

—Hummhum…

Jetournerapidementlatêtepourdécouvrirmonfrèrequimetoisedurementdepuissonfauteuil.

—T’escon,tum’asfoutulatrouille!

Monchérieffleuremondosdansungestequiseveutrassurantmaisçan’empêchepasmoncœurde s’emballer, car ce n’est pas tant son intervention qui m’a apeurée que de le savoir ici, j’aiconscience qu’il vame passer un savon, et d’un seul coup j’ai l’impression d’être une enfant quiferaitfaceàsonpère.

—Ettoialors?!Tucroisquetum’aspasfoutulesjetons,peut-être?!

Etc’estparti!Monhommeresteenretrait,ilestprèsdemoimaissemblepourtantassezloin,ilestconcentrésurmoi,jelesens,etilneprêteabsolumentpasattentionàlaconversationquis’amorce.

—Onpeutpasseràautrechose,s’ilteplaît?

J’essaie de l’amadouer avant que les choses ne dégénèrent, je veux éviter d’avoir à affronter latempête,maisjesaisquejesuisdansl’œilducycloneetqu’ilnevapass’évaporersansmechahuterunminimum.

—Nonmaistuplaisantes?!Tunem’avaispashabituéàtemontreraussibête.J’arrivepasàcroirequetutesoisbarréecommeçaalorsquetun’allaispasbienetque…s’énerve-t-il.

Jelelaissediretoutcequ’ilasurlecœur,ildéversetoutel’angoisseetlacolèrequ’ildoitcontenirdepuisunesemaine.Jenel’avaisjamaisvucommeça,ilestvraimentremontécontremoi.Jedérive

uninstantversOwenquimelanceunregardunpeuamuséetblasé,ildevaitsavoircequim’attendaitetlabourrasquequis’abatsurmoiestcertainementàlahauteurdecequ’ilimaginait.

—REGARDE-MOIQUANDJETEPARLE!!Tuterendscomptedesrisquesquetuaspris?!Pourtoi,etpourlebébé!

—Unrisquecalculé.

C’estsortitropvite,surtoutqueçan’avaitriendecalculé,jemesuislaisséeguiderparlapanique,etc’esttout.Àpeinel’ai-jeditquejeréalisequejeviensdejeterdel’huilesurlefeu.

—TEFOUSPASDEMAGUEULE!!C’étaitstupideetinconscient!Enplus…

Je sens le pouce de mon homme qui frôle doucement le bas de mes reins, là où sa main estmaintenantposée.Jessienesemblepasprêtàmettrefinàcetesclandre,etpendantuninstantjemedisquejenesuispasuneenfantetquejepourrais toutàfait interromprecettescèneenluidemandantfermementd’arrêter,quitteàlechasserdelachambre,maisjedevinequ’ilenabesoin,ilfautqu’ilévacuetoutcequ’ilasurlecœur.

—Qu’est-cequetuasàdirepourtadéfense,jeunefille?!

—Ilyaquelquechosequejepourraisdirequitecalmerait?Tuesfâché,OK,j’aicompris.Jenevaismêmepasessayerdeminimiser.

—Encoreheureux!Detoutefaçon,qu’est-cequipourraitminimisercequetuasfait?!J’étaislà,avectoi,jepouvaisteprotéger,tesoigner,maisnonnnn…!Ilafalluquetutesauves.Encore!!

—Tupeuxtecalmerunminimum?J’ail’impressionqu’ilyaautrechosequit’énerve,etquejesuis en train de payer pour un truc qui neme concerne pas vraiment. Est-ce que c’est à cause duvoyagequetuavaisprévu?

—TUTEFOUSDEMOI !!Tucroisque ta fuitene suffit pas à justifiermacolère ?Mais t’asraison,yaautrechose!Tudoist’endouter.

—Hummj’suispassûre,etjevoudraispasprendrelerisqued’avoueruneconneriesijamaistul’aspasencoredécouverte.

Jetenteunpetitsouriremaisjenel’attendrispasuneseuleseconde.

—Pourquoi,tumecachesquoiencore?!Maisputain,depuisquandtumedissimulesdeschoses?!

Iln’yapasquedel’énervementdanssesyeux,ilyaunepointedetristesseaussi,etçameblessedevoirquejeledéçois.

—Allez,onsecalme,t’esfâché,elleacompris,laisse-launpeutranquille.

—C’estbon,laissetomber,çamefaitchier.

Surcesderniersmots,Jessieselèverageusementetfileverslaporte.Maisavantdelaclaquerilajoute:

—Etcroispast’ensortircommeça.Katherinem’aditcequ’ilenétaitpourtapertedepoidsetletrophoblaste.Jenesuispasprèsdedigéreruncouppareil.

Ilsait.Etvulafaçondontilvientdeledire,Owensaitégalement.Jen’aimaintenantpluslechoix,jevaisdevoirendiscuteraveclui,maisjenevoispascommentaborderlesujet.Jepincemeslèvres,fort,cherchantlemeilleurmoyend’éviterquelasituationnesedégradeencoreplus.

—Matou…

—Laisse, je sais ce qu’il y a à savoir. Parks nous a tout dit, et ton frèrem’a expliqué tous lestenants et aboutissants. J’aurais simplement préféré que tu m’en parles toi-même. C’estmalheureusementtrèsrévélateurduniveaudeconfiancequetum’accordes…

Ils’estredresséetsetientmaintenantassis,lamineunpeudéfaite.

—Jet’enprie,nedispasça.Çan’aaucunrapportaveclaconfiance.Jenevoulaispasquevousvousinquiétiezpourrien.

—Oui,outuvoulaiséviterqu’ont’emmerdeetqu’ont’obligeàêtresuivieàl’hôpital.

—JesuissuivieetParksestaucourant.Jeneluiairiencaché.Jesaisquej’auraisdûteledire,maisjenevoulaispasquetutefassesplusdesouciquetunet’enfaisaisdéjà.

—Arrêtedejustifiertesmensongesenprétextantmeprotéger.Jen’enaipasbesoin.

—Jen’aipasmenti,j’aijuste…

—Nedismêmepas«omisdedirelavérité»,parcequelàc’estmoiquivaism’énerver.

Je baisse les yeux, embarrassée, il a le droit d’être fâché, ils en ont tous les deux le droit, etbizarrementjen’arrivepasàadmettrequej’aieutort.J’aibeausavoirquec’étaitunemauvaiseidée,

j’ailasensationquesij’enavaisl’occasionjenechangeraispasgrand-chose,c’estplusfortquemoi.

—Jevaismechercheruncafé,dit-ilenselevant.

Maisavantqu’iln’atteignelapoignéedelaporte,jemerisqueàluiposerunequestion.

—Owen.Tuestrèsencolère?

—Cen’estpasdelacolère.

Ils’éclipseetmelaisseseulefaceàmesdoutes.

Mon cerveau turbine depuis plus d’une demi-heure, et plus le temps passe, plus mes neuroness’affolent. Une demi-heure, ça commence à être long pour prendre un jus de chaussette audistributeurd’unhôpital.Iln’estpasencolère,alorsquoi?Ilestdéçu,dégoûté,écœuré,fouderage,triste,blessé??

Je saisis la télécommandepourmeublerce silencequi laisse tropdeplaceàmespérégrinationsmentales.Mais alors que je zappe d’une chaîne à l’autre, j’entends des personnes discuter dans lecouloir.JereconnaistrèsvitelesvoixdemeshommesetcelledudocteurParks,jecrois.Ilyaaussiunevoixmasculinequejeneconnaispas.Jenedistinguepasclairementcequ’ilssontentraindesedire,maisletonmonterapidement.Monfranginestlepremieràs’énerver,cequiesttrèsinhabituelleconcernant.Notredisputedecematinadû luimettre lesnerfsàvif,etmaintenantquelqu’unesttraind’enfairelesfrais.Ilsembledeplusenplusirritéetj’ail’impressionquesonamieessayedelecalmer.Lesvoix s’éloignent, ils doivent craindreque je n’entende clairement leurs propos, ce quiattisema curiosité. Je n’ai qu’une envie, collermonoreille à la porte.Malheureusement, entre lessondes,lesperfusionsetlescapteursdiversetvariés,jenevoispascommentsortirdemonlit.Jemeretrouveàdevoirfairepreuvedepatienceenattendantquel’und’euxsedécideàvenirm’informer.Mapatience ayant des limites, j’opte pour une stratégie pas très sympathiquemais qui a toutes leschances de fonctionner. Je presse le bouton de la sonnette, la lumière les alertera et ils vontrappliquer.Çane ratepas, j’entendsdu raffut à l’extérieuret ils se ramènent tousenmoinsdedixsecondes.Ilssejettentàmoitiésurmoi,monfrèreenpoleposition.

—Qu’est-cequ’ilsepasse?!Qu’est-cequetuas?!

—Rien,toutvabien.JevoulaisjustevoiruneinfirmièrepourappelerledocteurParks,maisétantdonnéquevousêteslà,est-cequel’onpeuts’entretenirtouteslesdeux?

—Heuu,oui,évidemment.Messieurs,vousnousaccordezquelquesminutes?

Étonnement,ilsobtempèrenttous.J’adoreraisobtenirlemêmegenrederésultataussifacilement.Unjourilfaudraquejeluidemandesonsecret.

—Commentvousvoussentez?

— Plutôt pasmal, et c’est justement pour ça que je voulais discuter avec vous. Je souhaiteraisretournerchezmoi.

—CommejeviensdeledireàMonsieurHenderson,c’estunpeuprématuré.Jepréféreraisvousgarder ici quelques jours encore.On pourra reconsidérer les choses d’ici une petite semaine, parexemple.

—Déjàune semaineque je suis là, c’est largement suffisant. Jeveux rentrer.Proposez-moiunesolutionpourlesuiviàdomicileetonavisera.

—Monsieur Henderson et votre frère sont déjà en train de négocier tous les deux, autant lesappeleretvoiraveceux.Jenevaispasavoirlamêmeconversationplusieursfois,réglonsçaunefoispourtoutes.

—OK,maisavant,justepoursavoir,quiestdemoncôté?

—Nerêvezpas,vousn’enavezqu’unavecvous,etc’estOwen.

—C’esttoujoursça,sijedevaismebattrecontrevoustrois…

—Quatreàdirevrai.J’aidemandél’appuidel’unmesconfrèresobstétricien,etiln’estpasnonplusfavorableàvousvoirpartir,pasdansl’étatactueldeschoses.Jenepensed’ailleurspasquevotreallié en soit vraiment un. Je suis certaine qu’il ne fait ça que pour vous. Il serait sûrement plustranquilledevoussavoirici.

—Avantde lesappeler,vouspourriezmedébriefersur lesévénementset les traitementsmisenplacecesderniersjours?

Ellem’expliquetout, j’ai l’impression,etn’hésitepasàrentrerdanslesdétails techniquesquejecomprends relativement bien, l’habitude malheureusement. Je suis persuadée qu’elle essaie dem’inquiéter enpassant en revue tous les risques, elle veutm’inciter à rester.Mais j’ai beau savoirqu’ellearaison,toutmepousseàquittercetendroit.

—Vous pouvez demander à Owen de venir en premier. Accordez-nous deux minutes seuls etrejoignez-nousensuite,quel’onvoitcommentons’organise.

— Si vous voulez, mais je suis sûre que votre décision est déjà prise. Je pensais qu’on étaitd’accordpournégocierensembleavantdeprendrecertainesrésolutionsconcernantvotresanté.

—C’estcequ’onvafaire,nevousstressezpas.

La petite grimace dubitative qu’elle m’adresse prouve qu’elle ne me croit pas. Tant pis, peum’importecequ’elleendit.

Elles’éclipseetsetrouverapidementremplacéeparmonchéri.

—Çavap’titcœur?

—Oui,ettoi?

—Mouais.Qu’est-cequetuveuxfaire?

—Rentrer,situesd’accord.

— Clairement je préférerais que tu restes ici, mais je te connais et je sais que tu vas vouloirdécamperd’ici,alorsautantêtredetoncôté,parcequesinontuvasprendrelapoudred’escampetteetonn’estpasprèsdeterevoir.Entredeuxmaux,jechoisislemoindre.

—Maistun’espaspour.

—Jesaisquec’estcequetuveux,etcequetupensesêtrelemieuxpourtoi.C’estàlamaisonquetutesentirasbienalors…Allons-y.

—TusaisqueJessievagueuler.

—J’terassure,jelesaisdéjà,j’enaifaitlesfraisquandj’aiprésentél’idéedeteramenerhier,etencorecematin.

—Hier?!Maishier…j’étaisencoreinconsciente?!

— Je suis au courant, mais je voulais que tu sois hospitalisée chez nous, j’espérais que çat’aiderait…j’ensaisrien,j’étaisprêtàtoutessayer.

Jeleregarde,attendrie, ilest tropadorable, ilcomprendquejesuismalheureuseiciet tentetout

pourquemonmorals’améliore.Ilestlemeilleurtraitementquisoit.

—Alorsc’estparti,laissonsentrerlesgladiateurs.

Ils’assoitprèsdemoi,metientlamain,etattendquenosadversairesarrivent,sonpoucecaressantdoucementledosdemapetitemenotte.

Ilsdébarquenttouslestroisauboutdequelquessecondes,Jessiealevisagefermé,ilmeconnaîtassezpoursavoirquejenevaispascéder.

—Bonalors…

—DocteurParks,jevousarrête,vousavezraison,madécisionestprise,jerentre.Laseulechosequiestsujetteauxnégociations,c’estlesuiviàdomicilequejesuisprêteàaccepter.

Chacun se déchaîne, nos trois adversaires argumentent, plus ou moins calmement, maisbizarrement,celanemetouchepas.Jesuisdansmabulle,j’attendsquel’oragepasse.Mêmelescrisde Jessieme laissent imperturbable, avecOwenàmes côtésplus riennem’atteint.Aucunde leursraisonnementsn’arriveàm’atteindreetc’estfinalementmoncomplicequiprendlapeined’échangeraveceux.Ilplaidecequiestdevenunotrecause.

C’estlebruitdelaportequiclaquequim’obligeàrefixermonattentionsurmesinterlocuteurs.Jemetsunesecondepourcomprendrequec’estleplusénervédetousquivientdequitterlenavire.

—Anouk,onestd’accord?

—Heu,excuse-moimoncœur,tudisais?

—Tupeuxsortir,maistunebougespasdelamaisonpourunesemaineminimum,pasd’escapade,pasd’effort,visitequotidiennedumédecin,ettugardeslasondenaso-gastrique.

—Lasonde?!Sérieusement?

—Oui.Mêmemoijen’accepteraipasquetupartessansça.C’estmaconditionautantquelaleur.

Jesoupire,parprincipe,etesquisseunepetitemouerésignée.

—Çamarche.Préparezlespapiersdesortie,quejevoussignelesdécharges.

Lesdocteursquittentlapièceetmonamoureuxresteunmomentavecmoiavantd’allers’occuperdelapaperasse.Uneinfirmièreenprofitepourmedébarrasserdelasondeurinaireetdesdifférents

capteurs.Peuàpeuj’ail’impressionderetrouvermaliberté.

—Prête,jeunefille?!

—Jen’aipas…aufaitj’aidesaffairesici?J’aiquelquechoseàprendre?

—Trèspeudechoses,ettoutestdanstonsac.J’aijusteàyremettretatroussedetoilette.

—Matroussedetoilette!Bénédiction,laisse-moimebrosserlesdentsalors.Jemedoucheraicheztoi.

—Cheznous.

Jesouris,j’adorequandilditcela.

Noussommesenfinderetour,cheznous.Depuisqu’ilaquittémachambre jen’aipas revumonfrère. J’imaginaisqu’il tenteraitdemeconvaincreunenouvelle foismais rien,pasunmot,pasunregard,nada.Ilfiniraparsecalmer.

—Nebougepas,j’arrive.

Owencontournerapidementlavoiturepourm’ouvrirlaportière.Ilsaisitmamain,maispaspourm’aideràmerelever,pourm’attirerversluietmesouleverdanssesbras.

—Vienslàmabelle.

—Whaaaa!!!Arrête!C’estpasnécessaire.

—Onaditaucuneffort.

Mon portable bipe au fond de mon sac, mais pendue à son cou, je ne peux pas décrocherimmédiatement.

Ilm’installesurlelitqui,jelepressens,s’annoncecommemonnouveaupointd’ancrage.

—Owen,Owen!!Passe-moivitemontéléphone!

—Qu’est-cequ’ilya?Çavapas?

—C’est l’anniversaire d’Oli, il faut absolument que je l’appelle. Et je dois joindreMaria, j’ai

quelquechosepourluiquiadûêtrelivréàmonappartement.

—Onsedétend,netestressepaspourrien.Restecool.

—Tuavaisprévuquelquechose?

—T’es sérieuse ? Tu étais à l’hosto y a encore une heure, j’avais autre chose en tête que sonanniversaire.

—OKalorsjeluipasseuncoupdefil,ets’ilestdispojeluidisdevenirpourmangeràlamaison,toitupréviendrasDimietlesautres.

—Comment ça, les autres ?! Quelmot tu n’as pas compris dans « pas d’effort » ! Tu dois tereposer,etàpeinearrivéetucarbures.Donctul’appelles,tuluisouhaitesunbonannifetdodo.

—S’ilteplaît…

JedégainemamoueM&Ms,celleàlaquelleilnerésistepas.

—Justeunpetitrepas,enpetitcomité,tranquille,àlamaison,pleeeeease.

—Toutpetitcomitéetjepréparetout.Tuneserasautoriséeàbougertesfessesquepourrejoindrelecanapépourmanger.Jeferaiunapéritifdînatoire,commeçaonn’aurapasbesoindepasseràtableetceseraplussimplepourtoidepicorer.Etj’iraiacheterungâteauàlaboulangerie.Hep!N’essaiemêmepasdeproposerd’aiderenquoiquecesoit.

—Okayyyy,c’estbon,j’allaisriendire.

Bonsi,j’allaispeut-êtretentermachance,maisjenelereconnaîtraipas.

J’attrape le téléphonequ’ilme tendetpassemescoupsde fil.Monamin’en revientpasque j’aipenséàlui,quejesoisdéjàrentréeetsurtoutquejeveuillel’avoirprèsdemoicesoir.IlavaitprévudesortiravecDimitri,finalementc’estensemblequ’ilsviendrontnousrejoindre.Jedonnelefeuvertàmonchéripourselancerdanslespréparatifs.

—Monpauvrematou,jesuisméchanteavectoi,tumériteraisdepouvoirtereposer.

—J’telefaispasdire.J’aipasbeaucoupdormicesdernierstemps,jen’auraispasétécontreunepetitesieste.Maisbon,dansunsensçam’arrange,jepourraim’organiseraveclesmecspourmettreenplacedestoursdegarde.

—Destoursdegarde?

Jen’osepascroirecequejeviensd’entendre,mêmesicelanedevraitpasm’étonner.

—Tupensaisquandmêmepasquet’allaisresterseuleici?!Etj’aibesoindebosser.J’aitrouvéquelqu’un pourm’aider à la galeriemais je dois la former etm’occuper de l’aménagement de lanouvelle. Et dans la mesure où je n’ai quasiment rien fait depuis une semaine, à part un peu derepérage d’artistes via internet, va falloir que je m’active sérieusement ces prochains jours, lesjournéesvontêtretrèsdensesetilesthorsdequestionquepersonneneveillesurtoi.

—Nonmaistudéconnes,ilsontleurbouloteuxaussi.

—Ouibah,jecomptaisunpeusurtonfrère,maisçasemblemalengagé,alorsonvas’organiseraveclesmoyensdubord.

—Danscecas-là,jepréféreraispresqueprendreuneinfirmièreàdomicile.

—Parfait!Onfaitça.

J’ai l’impression que je viens de tomber dans un piège. Il savait que j’allais culpabiliser de lesdéranger.Jemesensroulée!

—BienjouémonsieurHenderson.Vraiment.

Il adumalàcacher sonpetit air triomphant.Maisaprès tout jepeux lui accordercettemodestevictoireaprèscellequ’ilm’aaidéeàgagnerfaceauxmédecins.Pourl’instantjevaissavourerlefaitd’êtrerentrée,lebonheurderetrouvermesamis,onverrademainpourlesprisesdetête.

5

—HELLO!!Oùestlaplusbelle?!

—Ah!MonOli!

—Heplàjeunefille.Tunelèvespastesfessesdececanapé,ilvasebougerpourvenirtevoir.J’aibesoindeteleredire?!Zéroeffort.

L’entréetonitruanted’Olivern’apasréussiàdétourner l’attentiondemonhomme,quiveillesurmoi comme unemère poule depuis que nous sommes rentrés. C’est à peine si j’ai eu le droit deprendreunedouche,etinutiled’envisagerqu’ilpuissem’yrejoindre.

—J’arrivebeauté,faudraitpascontrarierlechef.

—Trèsdrôle.Maisjevaisquandmêmel’écouterparcequej’aipasenviedefinirficeléedansunecamisole.

Owenacquiescefièrementd’avoirenfinréussiàmesoumettreàsavolonté.D’unautrecôté,jedoisavouerquelaperspectivedefeignanterdanslecanapéetpassermajournéeàmefaireservirpourraitêtreassezplaisante.Uncertaintempsentoutcas.

—Bon,jemesuispeut-êtreunpeuavancéendisant«laplusbelle»,t’asunemineaffreuse.

—Salut,moiaussijesuisraviedetevoir.

—Oh,tusaisquejesuistoujourscontentdeteretrouver,maisc’estvraiquet’asunesaletête.

—Vienslà,vieillepeaudevache,quejetefasseunbisou.

Ils’approcheetsepenche,mepermettantainsidepasserunbrasautourdesoncouetdel’attirerpourluicollerungrosbaisersurlajoue.

—Bonanniversaire.Mêmesituneleméritespas.

— J’en profite, tum’as déjà offertmon cadeau y a unmois, je ne risque plus rienmaintenant.J’vaispouvoirt’embêtertantquejeveux.

—Super,etenparlantd’emmerdeur,oùesttonacolyte?

—Dimitri?J’ensaisrien,jesuispassanana.

—Ildevraitpastarder,jeluiaidemandédevenirpourvingtheures,etilm’auraitprévenus’ilétaitenretard.Tuboisquoi,Oliver?

—C’estsonannif,faispéterlechampagne!

—J’auraispasditmieux.Maisonvapeut-êtreattendred’êtretouslà.

—Ohmonchouchou,àpartDimiilmanquepersonne.Uncertainrabat-joieavouluorganiserçaenpetitcomité.

—Jesuisaucourant,jesavaisàquoijedisaisouienacceptantvotreinvitation,etçameconvientparfaitement.

—Punaise, t’es vraiment en traindevieillir si t’es content depasser une soiréepépère ici avecnoustrois.

Nousrigolonsdeboncœuret ilcommenceàmerelatersesdéboiresdelajournée.Allezsavoirpourquoi,maisj’ail’impressionqu’ilcollectionnelesclientstarés,ducoupilatoujoursdeshistoirescomplètementdinguesàraconter.Iln’enfinitplusdem’amuseralorsqu’Owencontinuedes’activeraux fourneaux tout en laissant traîner ses oreilles. Je l’observe du coin de l’œil et remarque qu’ilricaneavecnousparmoments.Ilm’énerveàêtresisexy.

—Nonmaissérieux,commentlameufquifaitfacilementcenttrentekilosapucroirequ’elleallaitrentrerdansunside-car?!Yaquemoiqueçachoque?!Jeveuxbienquesonmecévitaitdelavexer,maisyaunmomentfautêtreunminimumhonnêtequandmême.Jecomprendsqu’ilnevoulaitpascoucherdanslabaignoire,maisj’allaispaslalaisserfusillerlematosquandmême?!

TOC-TOC-TOC

—ENTREDIMITRI!!Incroyable,t’asvuçaOliver,yenaquisaventcommentfonctionnentuneporte,ironiseOwen.

—Oui,tumediras,jedevraismeméfieravecvousdeux,j’aidéjàeuunemauvaisesurpriseunefois…marétineenagardédesséquellesd’ailleurs.

—Saluttoutlemonde!

Notredernier invité s’avancevers lecanapé, ilm’embrasse lapremière,pargalanterie j’espère,puisprendsonpotedanssesbrasdansuneaccoladevirilepourluisouhaiterunbonanniversaire.

—Maboulette,jesuisdésolédepasêtrevenuàl’hôpital,j’étaischargéet…

—Laissetomber,ons’enfout,j’étaisdanslesvapes.T’allaispasperdretontempsàmeregarderroupiller.

Il a l’air un peu troublé et je veux mettre fin rapidement à ce malaise, pas question que sesscrupulesridiculesgâchentlasoiréedenotreami.

Mon homme nous rejoint, une bouteille dans une main, des coupes dans l’autre, puis retournepromptementverslacuisinepourramenerunplateaud’amuse-bouchesetunlitredejusdepomme.

Nos deux convives assurent l’animation, chacun nous faisant partager ses récentes péripétiesprofessionnelles.Cequiestforcémentplusfacilepoureux,vuquenosactivitésontététrèslimitéesetpastrèspalpitantescesderniersjours.Dimiestbienlotiluiaussicertainsjours,avecdesclientsquiontdegrosportefeuillesmaisaussidegrosseslubies.Ilsontdesexigencesquejen’auraismêmepascruespossibles.

—Jevousjurequecemecaungrain,maisvulebudgetqu’ilestprêtàmettrejevaisluicreusermoi-même sa putain de piscine avec cascade.Mais par contre, s’ilme reparle de ses deux foutusarbrespoursonhamacjelebute.Sérieusement.Jevousjure,ças’achètedesarbres,maisnonnnn!Etjevousdismêmepas lacrisequ’ilapiquéequandj’aiparléd’unhamacavecsonsupport.Non, ilveutsesdeuxputainsd’arbres!Jecroisquec’estunfétichiste.Unfétichistedesarbres,çadoitbienexister?Parcequelàj’entiensun,c’estcertain.J’vousjureques’ilmeprécisequ’ilveutunarbreavecuntrou,jelaissetouttomber.

—Arrête,t’estropcon,j’vaismepisserdessussitucontinuescommeça!

Monmatoum’observeavecdesyeuxpétillantsd’amour,ilmefixeetc’endevientpresquegênantvuquenousnesommespastoutseuls.

—Qu’est-cequ’ilya?

Pourvuqu’ilnem’annoncepasquej’aiuneherbecoincéeentrelesdents.

—Çafaitplaisirdetevoirriredeboncœur.

Il est trop adorable, je craque et mon petit cœur de midinette s’emballe devant son sourirecharmeur.

—D’ailleurs,onaledroitdetedemandercommenttuvas?interrogeOliver.

Çayest,envoilàunquimetlespiedsdansleplat.

—Tupeux,beaugosse.Est-cequetut’esjamaisprivédemeposerdesquestions?

—Non,maisçam’ajamaisgarantidesréponses.

Jenepeuxm’empêcherd’êtreamuséeparsaremarquequin’ajamaisétéplusvraie.

—Bon,alors,cettefoisjeréponds,etjet’annoncequejevaisbien.

—Owen?

—Commentça«Owen?»?Çaveutdirequoi?Tumecroispas?T’asbesoinqu’ilvalide?Elleestbienbonnecelle-là!

—Ouibah,soyonshonnête,onsaittousdequellefaçontuescapabledet’illustrerquandils’agitdetasanté.

—Ellevabien.Entoutcasassezpourêtreici.

— Ah ouais, parce que ce charmant tuyau qui lui sort du trou de nez ne donne pas trop cetteimpression.

—Siçanetenaitqu’àmoi…

—Ouioui,ons’endoutebeauté,siçanetenaitqu’àtoi,ilneseraitpluslà.Heureusementqu’ilyenaaumoinsunderaisonnablesurvousdeux.

Noussommesinterrompusparlasonneriedemontéléphone.

—Tudevraisdécrocherp’titcœur,çapourraitêtretonfrère.

—Ça lui ferait les pieds d’atterrir surmamessagerie.Mais au cas où ce serait quelque chosed’important…

J’attrapemon portable qui est posé sur la table basse et instantanément une vague de froidmeparcourtl’échinequandjedécouvrelenomd’Antonsurl’écran.

Jereposemonmobileetlefixeduregard.Jenesaispasexactementcommentréagir,maiscequejesais,c’estquejenedécrocheraipas.

—Tunerépondspas?C’estJessie?

Je n’arrive pas à répliquer, mon cerveau est trop occupé à calculer des statistiques et desprobabilités pour savoir comment réagir et les risques que j’encours en refusant de prendre sonappel.Owense rapprochedemoiet,duboutdudoigt, jeglissedoucementmon téléphonevers luipourqu’ilpuissevoirlenomquis’affiche.Lasonneries’arrêtederetentiretjeguettel’apparitiondelapetiteicônequim’annonceraqu’unmessageestarrivé.Lasonnerierésonnedenouveau,ilretentesachance…J’attendsqu’ilaitfinidesonnerpourlebasculerenmodesilencieuxetleretournerpourneplusrienvoirs’afficher.

Jeconstatequemonhommeestentraindesefrotternerveusementlesphalanges,qui,jen’yavaispasprêtéattentionjusque-là,sontsacrémentécorchées.

—Qu’est-cequ’ilt’estarrivé?J’avaismêmepasremarqué.

—C’estrien,laissetomber.

Ilpassesamaindansmondospourmecaresseretmecolleràlui,toutenessayantdemedégainersonsourirerassurantauqueljenecroispasuninstant.

—Necachepastapatte,montre-moi.Tut’espasraté.T’asfaitçacomment?

—C’estrien,disonsquemonpoingarencontréunmur.

—Etlagueuledetonexaupassage!

Le regard noir auquel a droit Oli ne laisse aucun doute sur le fait qu’Owen ne comptait paspartagercetteinformationavecmoi.Quandest-cequec’estarrivé?Etsurtoutpourquoi?Luiquiaunself-controlàtouteépreuve,jen’imaginemêmepascequ’Antonadûfairepourquelasituationdégénèreainsi.

—Qu’est-ceque…?!Pourquoi?

—Onpourraitdiscuterdeçaplustard?Touslesdeux?

Effectivement,lemomentn’estpeut-êtrepasdesmieuxchoisi,mêmesiclairement,Oliestdéjàaucourantetque,ducoup,soncompèredoitégalementenavoirentenduparler.

—Oui,t’asraison,onverraçaplustard.

Jesurprendsducoindel’œillegaffeurentraindes’excusersilencieusement,lesmotssontsortistropvite,maislavannedevaitêtretroptentantepourqu’ils’enprive.Ilestgênémaissemblevouloirrelancerlaconversation.

—Ducoup,tonfrèreestrepartiauxÉtats-Unis?

—Commenttuesaucourantdeça?

—C’estbon,flippepas,ons’estcroisésàl’hôpitaletilenaparlé,ildevaitmodifiersesbillets.

—Jeflippepas,jem’étonnejuste.Etnon,pasquejesache.

—Commentça,pasquetusaches?Iltel’auraitdits’ilétaitparti.

—Mouais,bon,passonsàautrechose.

—Alorslà,pasquestion.Raconte.

Évidemment,ilnevapaslâcherlemorceauaussifacilement.

—Sûr?Nonparcequejepensaisqu’onallaitpasseraugâteauetauxcadeaux.

—Quelcadeau?J’aidéjàeuletien,etvenantdecesdeux-là,jesuispascertaind’attendregrand-chose.Doncvas-y,balance,c’estquoil’histoireavectonfrangin?

—Iltirelagueule.Doncpourl’instantjelelaissebouderdanssoncoin,etquandilseracalméilm’appellera.

—Etpourquoiilfaitlagueule?

—T’esdelapolice?

—J’ailedroitd’êtrecurieux.Çasevoitqu’ilestdinguedetoi,ilestcomplètementgaga,donct’asdûsacrémentdéconnerpourqu’ilsoitfâchécontretoi.

—Pourquoic’estmoiquiauraismerdé?!Bonjourlaconfiance.

—Parcequedepuistoutàl’heuretuévitesdedirepourquoivousvousêtesembrouillés.Doncj’endéduisquec’estdetafauteetquetuveuxpasl’admettre.

SacréOliver,ilaoubliéd’êtrecon.

—Owen,est-cequec’estdemafaute?

—Complètement.

Queltraître!J’hallucine,enplusc’estfaux,c’estluiquineveutpasentendreraison,iln’acceptepasdevoirquejevaismieuxetquejerefusedelelaisserprendredesdécisionsàmaplace.C’estluiquiestentort.

—Tudéconnes,tuétaisd’accordavecmoi.

—Oh,jesensqueçavadevenirintéressant,jubileOliver,évidemment.

—Nonnon, j’ai dit que j’étaisprêt à te soutenir pourque tu te sentesbien,maispour autant jepensequ’ilaraison,ilauraitétéplussagederesteràl’hôpital.Maisbon,jen’aijamaisimaginéquetupuissestemontrerraisonnable.

—C’estbon,j’aimêmepasenvied’enparler.Passonsaugâteau.

—Tucroisquetuvast’ensortircommeça,beauté?Vousallezgérercomment,ducoup?Tuvasresteravecelle,Owen?

—Non,mademoiselleaacceptéqu’uneinfirmièreveillesurelleenmonabsence.

—Accepté, c’est un grandmot, disons plutôt qu’onm’a roulée.Mais bon, c’est le prix demaliberté,unelibertésurveillée,maisunelibertéquandmême.Allez,placeaugâteau!

Oliver affiche une petite grimace pour me signifier qu’il n’est pas dupe de ma manœuvre dediversion,maisilsembletentéparmaproposition.

—BonOK,envoyezlegâteau,etlescadeauxsurtout.Onvavoirsilesmecssontàtahauteur,t’asmislabarrehaut,beauté…

—Ouaisjesais,jesuislameilleure.

Un fraisier surmonté de deux petites bougies affichant le nombre vingt-neuf fait son entrée. Jechantonnelachansond’usageetlesgarçonssesententobligésdemesuivre,cequiamuselehérosdujourquiprendtoutsontempspouréteindrelesmèches,histoiredefairedurerleplaisir.

—Bonanniversairemonchouchou!Deuxbougiesàsoufflerc’estpaslaperformancedusiècle,maisj’espèrequetonvœuseréalisera.

—Ouaisouais,allez,balancezlescadeaux!

Monhommes’éloigneuninstantpourfouillerdansunmeuble,celui-làmêmedanslequelj’ailogéuneballequelques joursplus tôt. J’aiunpincementaucœurquandmesyeuxseposentsur le trou,pincementquisigneledébutd’unevaguedeculpabilité.

—Tiens,attrape!

Owenvientdelancerunpetitpaquetàsonami.

—Qu’est-cequeçapeutbienêtre…?Héé!Cooool.Unlecteurmp3.Sympamec.

— Tiens, bon anniversaire. Par contre je l’ai pas emballé, déclare Dimitri en tendant un sacestampilléd’unmagasindemoto.

Suspensgaranti!

—Voyonsvoirça…Hummm.Hey,pasmal.Desnouveauxgantsdemoto.Disdonc,vousvousêtesdonnédumalcetteannée,onvoitquelamissvousamislapression,hein?!

Jemelèvepourallerdansl’espacechambrechercherlepaquetquej’aicachésouslelit.

—Oùtuvascommeça?!

Whoua !Monchérine relâchepas sa surveillanceun seul instant. J’ai intérêt àprendre surmoiparcequejerisquedetrèsvitem’enagacer.

—Tusaisbien…

J’avance tranquillement, je suis obligée d’abandonnerma petite démarche guillerette dont j’usequandjesuisheureuseàcepoint,jenem’ensenstoutbonnementpascapable.

Jesorsl’énormepaquetcamouflésouslesommieretl’apporte,ungrandsourireauxlèvres,tropfièred’avoirréussiàgarderl’effetdesurprise.

—T’essérieuse?!Fallaitpas,tum’asdéjàtropgâté.Enplusjesuissûrquec’estuntrucgénialencore.

—Latailleneveutriendire,plaisanteDimitri.

— Oh je t’en prie, j’arrive pas à croire que les nanas parviennent à faire gober une connerie

pareilleauxmecs.Évidemmentquesi,çacompte,etpasqu’unpeu.Bonaprès,fautsavoirs’enservir,maisjetegarantisquemêmeavectoutletalentdumonde,sit’asuneknackiball,vafalloirtrouverunplanBsit’espèresquetacopines’éclate.

—Jenevoispasdequoituparles.Jepensaisàlatailleducadeau.Etdetoutefaçon,j’m’enfous,j’suispasconcerné,pasdutoutmême!

—Bon,c’estpas finivosconneries,maintenantque tu l’asacheté, autantque j’enprofite, allez,balance.

Jeluilanceetsurlecoupilprendpeurenvoyantcegrosmachinvolerverslui.Finalementilleréceptionne,soulagédeconstaterquec’estmouetpastroplourd.Illesecoue,letâte,lerenifle…Jesuisunpeudubitativequantàsatechniquepourdevinerlecontenudemonpaquet,maisçam’amuse.

—Allez,ouvre!

—Ohputain ! Ilest trop top.Lesmecs,définitivement,c’estelle laplus forte.Regardez-moiceblouson!

—Bah,jesaisquetutiensàtonespècedevieillecroûte,maisbon,quandjel’aivujemesuisditqu’ilallaitêtretameilleurearmepourmettrefinàtoncélibat.

—Ilestvraimentsuper.Vienslà.

Ilm’enlacechaleureusementetmechuchotequelquesremerciementssupplémentairesàl’oreille.

—Oliver,vas-ydoucements’ilteplaît.

—Arrêtedeflippermec,jevaispastelacasser,tachérie.

Jetentevraimentdeprendreleschosesavechumourmaisilfautqu’ilsedétendetrèsvite,sinonçavadevenirinvivable,pourtouslesdeux.

Lafêtesuitgentimentsoncoursmaisjesensqu’Owenresteunpeuenretrait,iln’entretientpaslaconversation,etjeréalisetrèsvitequ’enréalitéilcherchesurtoutàcoupercourtauxdiscussions.Jecomprends son petit manège, il essaie de faire sentir qu’il est temps que la soirée s’arrête, etmalheureusementlemessagepasserapidementauprèsdenosinvités.

—Heylematou!C’étaitl’anniversaired’Oli,t’étaisobligédelesfoutreàlaporteaussitôt?!

—Franchement?Oui.Estime-toidéjàheureusequej’aieacceptéqu’ilsviennent.

—T’essérieuxlà?!Attends,quandtuasditquetuétaisd’accordpourquejerentre,jen’avaispascomprisquejequittaisuneprisonpouruneautre.

—J’aiditquejevoulaisquetutesentesbien,maisjeveuxsurtoutquetuaillesmieux,etquandjevoisquetuasàpeinepicorécinqcrackers…

—T’ascompté?!Sérieusement?!S’ilteplaît,ilfautquetutedétendes.Jeneveuxpasquemonretourpuisseêtreunesourcedestressoud’angoissepour toi.Çavanouspourrir lavieà tous lesdeux.Relax,OK?Jevaisbien,etjeteprometsques’ilyalemoindresoucijeteledirai.C’estunepromesse,jeleferai,doncmaintenant,détends-toi.

—Detoutefaçontuseraislà-bas,jeseraisinquietdenepaspouvoirêtreavectoi,etquandtuesici,j’angoissedesavoirqu’iln’yapasunmédecinpouravoirunœilsurtoi.Danstouslescasjesuisperdant.Cecidit,avantquej’essaiedemedétendre,vérifietesappelsenabsence,s’ilteplaît.

Jenepensaispasvraimentqu’iloublierait,enparticulierdepuisquej’aiapprisqu’ilsonteuunealtercation,maisj’espéraisqu’onéviteraitlesujetcesoir.

Ilcommenceàdébarrasserlatable,certainementpourmelaisserconstatertranquillementleniveaud’acharnementdemonex.Vingt-troisappelsenabsenceetunseultexto.

*Réponds-moi,c’estvraimentimportant.Nem’obligepasàvenir.

—Etmerde!

—Qu’est-cequ’ilya?

Re-merde, j’ai parlé à haute voix et maintenant il va falloir que je gère une situation qui secompliquedesecondeenseconde.Iln’apasessayédemerappelerdepuiscemessageetc’étaitilyaunpeuplusd’unedemi-heure.Ilfautquejem’assurequ’ilnevapasdébarquerici,jen’auraispaslaforcedemebattreavecluioudefairetamponavecmonhomme.

—Anouk!Qu’est-cequ’ilya?

Jenesaismêmepascommentluiprésenterleschosespourqu’ilnes’énervepas.Iltendsamainvers moi, pas pour que je la saisisse, mais pour que je lui donne mon téléphone. Je n’ai pas le

couraged’endébattreaveclui,etpuisaumoinsilsauracequ’ilenest.Sonvisageestdeplusenplusferméetquandilfaitvolte-face,monportabletoujoursdanssamain,unevaguedepaniques’abatsurmoi,carjecrainsdecomprendrecequ’ils’apprêteàfaire.

Jemelèverapidement,prêteàluibondirdessuspourreprendremonmobile.

—Owennon,donne-moi…

Ilseretournedansmadirection,pointesonindexverslecanapéetjepeuxliresurseslèvreslesmotsqu’ilmeditsilencieusement:«Don’tmove{1}».Sonregardnoirnelaisseaucuneplaceaudébat.J’obtempèreetreposemesfessessursonsofasanslequitterdesyeux.Iln’attendpaslongtempsavantquesoninterlocuteurnedécroche.

—Qu’est-cequetuveux?!

—…

—Non,sic’estvraimentimportant,tum’enparlesetjeluipasserailemessage.

—…

—Cen’estpastonproblème.Çanel’estplus.Occupe-toiplutôtdespapiers.

—…

—Aucontraire,çachangetout,pournous.Ettoit’enasrienàfoutre.Doncsigne-les,etsorsdenosvies.

Ilmarche frénétiquement à travers toute lapénichependantqu’ildiscuteet je restependueà seslèvresenessayantdecapterchaquemot,mêmesijen’arrivepasàcomprendrelamoitiédecedontilsparlent.

—Ehbahraisondeplus!Çanechangerarienpourtoi.

—…

—Elleestbienentourée.C’estpasparcequ’ellenefaitpasceque tuveuxqu’ellenefaitpascequ’ilfaut.C’estsadécision,lanôtre.Tun’asplusàt’enmêler.Ellenetientplusàtevoir,tun’asdoncplusderaisonderesterenFrance.

—…

—C’estmoiquiteledisetc’esttoutcequetuauras.Etnet’avisepasdetepointericioud’essayerde la voir, sinon je te promets qu’on va porter plainte pour harcèlement et qu’on obtiendra uneinjonctionpourquetunel’approchesplus.

—…

—Faisdoncça.

Il raccrochemais ne s’arrête pas pour autant de déambuler dans la pièce. Je sens qu’il fulmineintérieurement,maisjenesaispascommentl’apaiser,surtoutquejen’aiqu’uneenvie,lesubmergerdequestions.

Jemelèveetmeplanteentraversdesonchemin,quandilarriveàmahauteurjetendslamainversluipourqu’ilme rendemon téléphone, cequ’il fait. Je fouilledansmaplaylist,mets levolumeàfond,etlanceunechanson.

—Danseavecmoi.

—Anouk…

—Danseavecmoi.

Ilouvresesbraspourm’envelopperetmeplaquercontresontorse.J’adorecettesensation,sentirlachaleurquiémanedesoncorpspourréchaufferlemien.Ilgardeunemainaucreuxdemesreinsetl’autreglissejusqu’àmanuquequ’ilcaresseavecsonpoucealorsqu’ilmaintientmatêtecontresoncœur.Ilsentsibon,j’inspireprofondémentpourm’enivrerdumoindreeffluvequiexhaledesapeau,quandjeremarquequ’ilfaitlamêmechose,lenezplongédansmacrinière.

—J’adorecettechanson.

—Jesaismonmatou.

—Anouk…

Jeposemondoigtsurseslèvrespourl’obligeràsetaire.

—Chhhhut.Pascesoir.Onestlà,touslesdeux,etonvabien,alorsprofitons-en.

6

Jedétesteça,meréveillerseuledanssonlit.Jetâtonnelematelascomplètementfroiddesoncôté.Iladésertédepuisunmoment.

Jeme redresse et réalise que je suis entravée de toutes parts.Une perfusion est branchée sur lecathéterinstallésurmamainetunepocheestrattachéeàlasondenaso-gastrique.Jenemesouviensmêmepasdumomentoù ilamis toutcela. Jenous revois,hier soir,blottis l’uncontre l’autre,entrain de danser, jusqu’à ce qu’il se baisse et qu’il glisse son avant-bras sousmes fesses pourmesoulever. J’ai encerclé sa tailleavecmes jambeset j’aipunichermonvisageaucreuxde soncoupendantqu’ilcaressaittendrementmondos.Ilacontinuéàdanserunlongmomentainsi,àmebercer.Ouic’estça,ilm’abercéeetj’aidûfinirparm’endormir.Jenemesouviensmêmepasqu’ilm’aitcouchée, et encoremoins qu’il ait mis en place tout ce bordel médical. Je me lève doucement etattrapelepiedlaperfusionpourtrimballertoutcebazaravecmoi.Ilnedoitpasêtretrèsloin,ilnem’auraitpasabandonnéetouteseule,passitôtaprèsmonretour.J’avanceendirectiondelaporte,jesuis certaine qu’il est sur le pont, et avec un peu de chance il est en train de passer des appels,j’apprendraipeut-êtredeschosesintéressantesenlaissanttraînermesoreillesdepetitecurieuse.

—Débrouille-toi,jenepeuxpasêtreaufouretaumoulin!Jem’occuped’elle,tulegères,lui.Àmoinsquetuveuillesqu’onéchange?!

—…

—Ilm’aditqu’il le ferait, je saispascequeçacache,maissi tupeuxrécupérercesputainsdepapiers,qu’onn’enparleplusunebonnefoispourtoutes.

—…

—T’assonnuméro, tuvasbienréussirà tedébrouiller, tu l’appellesoutu t’arrangescommetuveux,maisturécupèrescespapierset tut’assuresqu’ilprenneunavion.Jeseraipastranquilletantquejelesauraidanslesecteur.

Encore cette histoire de papiers, il doit parler d’Anton, et du coup je ne vois pas cinquantepersonnesavecquiilpourraitêtreentraind’endiscuter.

—…

—J’aipasenviedem’enmêler,c’esttonproblème,tugèresavecelle.J’aibesoinqu’ellemefasseconfiance,qu’ellesachequejesuisavecelle,etjeneveuxpasqu’ellepensequejemeligueavectoi.

—…

—Tum’appellesdèsquetulesas.

Ilraccroche,s’assoitsurl’undestransatsetsoupireprofondément.J’ail’impressionqu’ilportelepoidsdumondesursesépaules.J’essaiedelerejoindrediscrètement,j’aienviedemefaufilerdanssondos,dem’installercontrelui,maisjecognelepieddelaperfusiondanslaporteetilseretourneimmédiatement.

—Qu’est-cequetufabriqueslà?dit-ild’unairblasé.

—J’espionnais.

J’use d’un petit tonmalicieux et coquin pour l’amadouer, mais après tout je ne veux pas fairesemblantdenerienavoirécouté,jedoispouvoirl’interrogersurcequejeviensd’entendre.

—Etdonc…?

—Bahmaintenantj’aipleindequestionspourtoi.

Ilserelève,s’approchedemoietattrapelebouletquim’atrahie.

—Viens,tudevraisêtreallongée.

Ilprendmamainetm’entraîneendirectiondulit.Jelesuisdocilement,enespérantquecelaserasuffisantpourleconvaincredemedonnerlesréponsesauxquellesj’aspire.Ilsoulèvelacouettepourquejem’yfaufileetm’yrejoint.Jemeblottiscontresontorsechaudenattendantdetrouverlebonmoyendel’interroger.

—Vas-y,qu’est-cequetuveuxsavoir?

Whoua!

Finalementçavaêtrebeaucoupplusfacilequeprévu.Qu’est-cequ’ilvamedemanderenéchange?

—Paroùcommencer?!C’estquoicettehistoiredepapiers?Dequelgenredepapiersonparle?

—Quandtonfrèreacompriscequ’ilsepassaitavectonex,etsurtoutlaméthodequ’ilpréconisaitpourte«soigner»,ilapriscontactavecunavocatpourqu’ilvoielaprocédurepourledéchoirdesonautoritéparentale.

—Nonmaisdequoij’memêle!Maisvousêtessérieux?!Yenapasundevousdeuxquis’estditque,peut-être,c’étaitunedécisionqueJEdevaisprendre?Pasundevousquiapenséqu’ildevraitaumoinsmeconsulteravantdelancercegenrededémarche?

Jeme redressepour ledétailler et essayerde savoir cequi apu lui traverser l’espritquand il aacceptédesuivremonfrèredanssonplan.

—Pourquoi?!C’estquoileproblème?Tuveuxqu’il jouesonrôledepère?Jetesuispas.Oualorsonnes’estpasdutoutcomprisquandjet’aiditquejevoulaism’impliquer.

Ils’assoitpourmefairefaceetsembleassezénervéparmaremarque.

—C’estpasleproblème.Ons’esttrèsbiencomprisquandtum’asditquetuvoulaist’impliquer,maisc’étaitàmoid’entamercettedémarche.Etpuisvouscroyezqu’ilvaacceptercommeça,sansqueçaviennedemoi?Genreunmecdébarqueet luidit«hey tusaisquoi, tonexvoudraitque tuabandonnestesdroitsparentauxpourquejeprennelerelais»,etluivadireouisansbroncher,sansêtresûrquec’estcequejeveux.Tum’étonnesqu’ildemandeàmevoir.

—Àcroirequetunedoispassibienleconnaître,parcequ’ilsemblepartipouraccepter.Jen’aipastouslesdétails,apparemmentçadoitpasserparunjuge,maisilparaîtd’accordpourentamerlesdémarches.

Jenepeuxpasme l’expliquer,mais jesuisblesséedesavoirqu’Antonestprêtà renonceràsondroitd’êtrelepèredemonbébé.Illerejettevraiment,cen’estpasjusteparcequecettegrossesseaunimpactsurmasanté,ils’enficheréellement.Jenesaispassic’estqu’illâchepriseouqu’ilfasseunecroix sur nous qui m’affecte. Non, ce qui me touche le plus, c’est d’imaginer ce que cet enfantressentiraquandilsauraquesongéniteurl’arejetéainsi.Enfin,cen’estpaspirequedesavoirqu’ilétaitprêtàlesacrifierpourmegarderenbonnesanté…

—Qu’est-cequevousluiavezpromisenéchange?

—Maisc’estquoicettequestion?

Ilselève,ilsemblenerveuxetagacé.

—T’as l’impression qu’il tient tellement à cet enfant que c’est impossible qu’il soit prêt à s’enéloigner?Oualorsc’estdetoiquetuneveuxpasqu’ils’éloigne?

—N’importequoi?!J’aieuassezdemalàm’endébarrasser,cen’estpaspourlegarderensuite

accrochéàmoi.MaiscedevaitêtreMAdécision.

—Tuétaisinconsciente!!

—Ilfallaitattendre,c’étaitpasàquelquesjoursprès,quandmême.Surtoutquejenepensepasquevouspuissiezréglerquoiquecesoitsansmoi.Jevaissûrementdevoirsignerdespaperasses.

— Bon, de toute façon c’est fait. Tu voulais savoir, voilà maintenant tu sais. T’as d’autresquestions?

—Quoi?T’asdécidéquej’avaisassezgrognédonctumetsfinaudébat?Justecommeça?

—Oui.Autrechose?

—Doncjeprésumequetoutàl’heurec’étaitmonfrèreautéléphone.

—Oui.

—Ilfaittoujourslagueule?

—Situveuxlesavoir,tul’appelles,jeluiaiditlamêmechose.Jenememêlepasdevoshistoiresàtouslesdeux.Quoid’autre?

—Hier…Qu’est-ceque…qu’est-cequ’Antonadit?

—Qu’ilvoulait teparler,qu’ilsavaitquetuavaisquittél’hôpital,quec’étaitunevraieconnerie,qu’ilfallaitquetusoisentouréedemédecinsetbla-bla-bla.

Ilmimeavecsamainunebouchequin’enfinitpasdejacasser.

—Pourquoitul’asfrappé?

—Tumeposeslaquestion?!Toi,t’aspasdéjàeuenviedeluicollerunpain?

—Si,maisonsaitquemoijenesuispasdugenrecalmeetréfléchicommetoi.Pourquoituasfaitça?!Quelaétéledéclencheur?

Ilme tourne ledosetcommenceàs’éloigneravantdese retourneretderevenirversmoi, l’airrageur.

—Tuveuxsavoir, trèsbien!Ilestvenuàl’hôpital, ils’est littéralementinfiltré,s’estdébrouillé

pourconsultertondossier,aessayédepersuaderlepersonnelqu’ilétaittonmédecinauxÉtats-Unisetqu’ilvoulaits’occuperdel’interruptiondegrossessequetuluiavaisdemandée!Ilaprésentédesdocumentsoùilaimitétasignature!!Quandtonfrèrel’acroisédanslecouloiretqu’iladécouvertcequ’il trafiquait, il l’avirédubâtiment,mais il a faitunesclandre, il agueulédesconneriespaspossibleset…j’étaisfatigué,inquiet,etçaétéletrucdetrop,iln’auraitpasdûdireceschoses,etpasdecettefaçonsurtout.

Je n’osemêmepas lui demander demedétailler ses paroles, vu sa réaction, inutile d’en savoirplus.

—J’imaginepasdansquelétattuasdûlemettrequandjevoistamain.Jen’auraispascruquetupourraisenarriverlà.

Ilobservelesécorchuressursesphalangesavantdecontinuer.

—Ça,c’estpaslui,c’estlemur.Luiencollerunenem’apassoulagéautantquejelepensais,etfinalementc’estlemurquiaencaissélerestedemacolère.

—Owen…Je suis vraiment désoléepour tout ça, j’aurais vraiment vouluque les choses soientsimples.

—Uneviesimpleetsansproblème,ceseraittellementpastoi.

Ilsouritlégèrementavantdesedirigerverslacuisine,signequ’ilveutmettreunpointfinalàcetteconversation.

—Owen,attends.Vienslàs’ilteplaît.

Je tends la main vers lui, espérant qu’il la saisisse pour l’attirer près demoi. Il se retourne etrevientsursespaspourl’attraper.Jeportesesdoigtsàmeslèvrespourlesembrasserdoucement.

—Etvoilà,unbisouquiguérittout.

Jetiresursonbraspourqu’ilbasculeprèsdemoi,maisjenefaispaslepoids,ilchancelleàpeine.

—Qu’est-cequetuessayesdefaire?semoque-t-il.

C’esttantmieux,levoirs’amuser,mêmesic’estàmesdépens,c’estréconfortant.

—Viensprèsdemoi.Oh,tusaisquoi?J’aienvied’uncâlin-bouquin.Prendsceluiquetuveuxet

installe-toisouslacouette.

—Ahtiensdonc.Disonsplutôtuncâlin-bouquin-festin.Jevaisnouspréparerunpetitbrunch, jemetstoutsurunplateauettupicoresgentimentaulitpendantquejetefaislalecture.

—Çamarche.

Ce dimanche s’annonce idyllique, il a répondu à toutes mes questions, du coup j’ai l’esprittranquille,enplusAntonsembleprêtàcoopérer,etmêmesiJessieboude, ilaquandmêmeappelémonchéri,cequiprouvequ’ilcontinueàprendresoindemoietqu’iln’estpasvéritablement,ouentoutcas,pasdéfinitivement fâché.Cequiveutégalementdirequ’iln’estpas repartipour lesÉtats-Unis et qu’il n’est pas allé se fourrer dans des problèmes inimaginables, ce qui est un vraisoulagement.Cerisesurlegâteau,Owenparaîtenfinsedétendreunpeu,peut-êtreparcequ’ilapumeconfier ce qui le tracassait et qu’il n’a plus le poids de ce secret sur les épaules. Il m’embrassefurtivementsurlefrontavantd’allers’affairerencuisine.Jesuisunpeufrustrée,maisunechoseàlafois.

Il a allumé sa stéréo au passage et je le vois maintenant préparer des œufs brouillés tout entrémoussantsonpetitpopotinsupersexyaurythmede lavoixdeGeorgesEzra.D’unseulcoup jecommenceàavoir très faim,maispasdecequ’il esten traindecuisiner.Parcontre jecroqueraisvolontiersunboutdesonjolifessier.J’oseenfincroirequelasituationvatournerànotreavantageetquenousallonspouvoirenprofiter.

Leplateauqu’ilm’apporteestbeaucouptropgarnipournousdeux,maisjenedisrien,jeneveuxpas lui gâcher son plaisir. Il furète dans sa bibliothèque à la recherche du chef-d’œuvre quicompléteraletableaudeceparfaitmomentquandsontéléphonesemetàsonner.

—Ohnon!S’ilteplaît,répondspas!

—J’enaipasplusenviequetoi,maislaisse-moivoirdequoiils’agit.

Quandsesyeuxseposentsurl’écranjesaisdéjàqu’ilvadécrocher,ilsembletroublé.

—Ouic’estmoi…Nonpasdutout.Humhum…Je…Nonj’aicompris,j’yvaistoutdesuite.Jedoisjusteorganiserunpetittrucetj’yvaisimmédiatement.

Ilraccroche,l’airvraimentcontrarié.

—Owen,qu’est-cequ’ilsepasse?

—Rien,net’inquiètepas,jevais…

—Arrêtedemediredenepasm’inquiéter,c’estquandtunemedisrienquejem’inquiète,doncexplique-moicequ’ilsepasse.

—C’étaitlasociétédesécuritépourlagalerie,l’alarmes’estdéclenchée.Ilsenvoientuneéquipevérifiersitoutvabien,maisjepréfèreyallerpourvoircequiposeproblème.

—Tun’aspasdedétails?

—Non,ilsm’ontappelédèsqu’ilsontétéalertés,pourvérifiersic’étaituneerreur,maisvuquecen’estpaslecasilsenvoientdesagentssurplace.

—Tucroisquec’estuncambriolage?Oualorstupensesquec’estliéauxlettresdemenaces?

— J’en sais rien p’tit cœur. Écoute, je vais contacter Oliver pour qu’il vienne ici, et dès qu’ilarrive,jefile.

—Soispasbête,jepeuxrestertouteseule,fonce.Promisjet’appellesij’ailemoindreproblème.

—Cen’estpasquejetecroispas,maisjepréféreraistesavoiravecquelqu’un.

Ils’éloignepourjoindremababy-sitter,maisvuleniveaudesdécibelsquiaugmente,j’enconclusqueleschosesnesepassentpascommeprévu.

—Faischier!

—Owen,cen’estpasgrave,vas-y,jet’attendssagement.

—Ilenesthorsdequestion,jevaisappelertonfrère.

—Non,ça,ilenesthorsdequestion.Tusaisquoi,situveuxj’appelleMaria,detoutefaçonilmefaut quelques affaires, donc je vais lui demander deme les apporter et de rester un peu avecmoijusqu’àcequeturentres.Çateconvient?

—Undimanche?

—Tetracassepaspourça,etpuisçafaitplusd’unesemainequejenel’aipasembêtée…

—Illuifaudracombiendetempspourêtrelà?

—Ellenedevraitpasenavoirpourlongtemps,doncfile,elleseralàrapidement.Pourquelquesminutes,c’estbon.

Iln’estpasconvaincumaisileststresséparlasituationàlagalerie,etducoupilfinitparcéderaprèss’êtreassuréquej’aibienappeléMariaetqu’ellevavenirauplusvite.

—Promis?!Tumepassesuncoupdefilaumoindresouci,mêmes’ilyaquelqu’unavectoi,jeveuxquetumetiennesaucourant.Etsurtout,sielleaduretardtumepréviens.

—Promis.Allezfile,vavoircequisetrameàlagalerie.D’ailleurs,c’estlaquelle,lanouvelle?

—Non,cellequiestjusteàcôté.J’auraispréféréquecesoitl’autre,elleestvideetiln’yarienàvoler.J’yvais.Jecomptesurtoi,tum’appelles,hein?!

—Maisoui…

J’agitelamainpourlechasser,sinonilnepartirajamais.

Il n’y a pas un quart d’heure que je suis seule que j’entends une voix m’interpeller depuisl’extérieur.Maria ne devrait pas être là avant plusieurs minutes, et encore, s’il n’y a pas trop debouchons. Jecrainsde reconnaîtrecellequim’appellesanscesse.Ellenepeutpasme laisserdeuxminutespourmelever?

—Jepensaisbienavoirreconnutavoix.Qu’est-cequetufaislà,Karen?

—Salut,j’tedérange?

—Non,maisjenem’attendaispasàtevoirici.

—J’peuxmonteràbord?

—Évidemment,excuse-moi.Viens,entre,ilfaitfraisenplus.

—JemesuispermisdecontacterOwenparcequej’essaiedetejoindredepuisquelquesjoursetquejen’avaispasdenouvelles.

—Oui désolée, j’ai vu tes appels en absence, j’ai pas eu le temps de te rappeler,mais j’étais àl’hôpital.

Jemetraînejusqu’aucanapé,lepieddelaperfusiondansunemain,matassedetisanedansl’autre.

—Jesais,ilm’araconté,danslesgrandeslignes.Çavamieux?

—Ouic’estbon,toutestréglé.

—Etducoupquandj’aiappelé,ilm’aditquetuétaisseuleicietilm’aproposédeterendrevisite.Etvuquej’étaisjusteàcôté…

Petitmalin,ils’estdébrouillépourtrouverunebaby-sitterpourlesquelquesminutesoùjedevaisêtreseule.Est-cequeças’estvraimentpassécommeelleleditouill’aappeléeetellelecouvre?Jesais…jesuisparano.Cecidit,jesuisunpeuagacée,elleestgentille,maisclairementelles’incrustealors que j’espérais profiter d’un petit répit sans surveillance, ce qui risque de ne pas m’arriversouventcesprochainsjours.

—Disdonc,petit-déj’aulit!Veinarde.

—Ouaisjesais,jesuispourriegâtéeici.Tuveuxquelquechose?

—Oui,maistedérangepas.Jevaismedébrouiller.

Bon,jesaisquec’estpournepasm’embêter,maisjen’appréciepastropdelavoirfarfouillerdanslesplacardsdelacuisinecommesielleétaitchezelle.Onseconnaîtdepuispeuetnousnesommespasassezprochespourqu’ellepuissesemontrersifamilière.Ouc’estmoiquisuisunesauvage.

—Tonmecrevientbientôt?

— J’en sais rien, il a un problème à la galerie,mais le connaissant, il ne s’éternisera pas pourrappliquertrèsviteici.Oualorsilvam’inonderd’appelsjusqu’àcequ’ilsoitsûrquejenesuispasseule.

—Bahunefoissuffiraàlerassurer,vuquejesuislà.

—Oui,c’estvrai,maisjepensaisàlapersonnequej’attendaisetquidevraitarriverd’icipeu,enfait.

—Oh,tuattendaisquelqu’un,jetombemal.

—Non,non,c’estbon,pasdesouci.

La vérité, oui, tu tombesmal,mais je suis trop polie pour te dire de repasser un autre jour etsurtoutd’appeleravantdetepointeràl’improviste.

D’accord,jesuisunesauvage.

Elles’installeprèsdemoi,surlecanapé,unetassedecaféchaudàlamain.

—Jepeuxt’embêterdeuxminutes?Tupeuxmerapporterleplateausurlelit,parcequejevaispaspouvoirleportertoutentraînantlepieddelaperfusion,demandé-jetoutendéposantmatassesurlatablebasse.

—Ouibiensûr.

Ellecontourne lesofa,etavantque jenecomprennecequ’ilsepasse, jesensquelquechosemepiquerdanslehautdel’épaule.J’appliquemesdoigtssurladouleuretmeretournepourvoirKaren,uneseringuehypodermiqueàlamain.

—Maisqu’est-ceque…qu’est-cequetum’asfait?

—T’inquiètepas,toutvabiensepasser,détends-toi.

—Mais…mais…p…pourquoi?Qu’est-ceque…

Jen’arrivemêmeplusàarticuler,jenesaispasquellesaloperieellevientdem’injecter,maisj’enressensdéjàleseffets.Jepaniquecomplètement,qu’est-cequ’ilsepasse?Pourquoiellem’infligeuntrucpareil?Matêtemehurledepartir,demesauver,maismoncorpsenestincapable,mesmusclesne répondent plus aux ordres demon cerveau. J’ai l’impression dem’enfoncer irrémédiablementdanslescoussinsducanapé,mesyeuxpapillonnentetl’ombreaspiretoutelalumière.

—DésoléeAnouk,c’estpaspersonnel,c’estleboulot.

7

Qu’est-cequec’estqueceboucan?Jeplisselesyeux,gênéeparlalumière,maisquandj’essaiedeles frotter, quelque chose me retient. Mon regard glisse jusqu’à mon poignet qui est attaché aubarreaudulit.Maisquel lit?!Oùest-cequejesuis?Commentsuis-jearrivéeici?Jesuisdanslebrouillard,fatiguéeet…j’ensaisrien,jenesaismêmepascommentjemesens.Jetentederemuermais il est inutile d’insister, ces saletés de liens de contention sont très efficaces, j’en ai déjà faitl’expérience,jenem’endébarrasseraijamaistouteseule.Jefroncelessourcils,farfouillantdansmamémoirevaporeuseàlarecherched’unfilconducteurjusqu’àcetendroit.J’étaissurlapéniche,avecOwen…Ildanse…Ilestsexy…Lagalerie,ildoitpartir…

—Salutprincesse.

Le bruit autour demoi s’intensifie et je réalise qu’il s’agit dumoniteur surveillantmon rythmecardiaquequis’emballe.Moncorpsréagitplusvitequematêteetl’alertequiretentitsignalequemoncœurenpremièreligneestentraindes’affoler.

—Anouk,calme-toi,toutvabien,promis.

—Qu’est-ceque…Antondétache-moi.

J’essaie de ne pas succomber à la panique parce que je sais que je vais devenir complètementhystériquesijeresteficeléeainsi,jenesupportepasd’êtreentravée,iln’imaginemêmepasàquelpoint.

—Attends,accorde-moiunpeudetempspourt’expliquer.

Ilne réalisepasquemonespritneparviendrapasà se focaliser surcequ’ilmedira tantque jeseraismaintenuede la sorte,mais le fait estquepour l’instant je suis tropdans lebrouillardpourréussiràargumenter.Jenesaispascequ’ilm’afilécommemédoc…EtKaren!!Elle,c’estellequim’ainjectéunesaloperie.Pourquoije…rhaaaçam’énerve,jen’arrivemêmepasàpenserdefaçoncohérente.

—Anton…enlève-moiça.Sérieusement.

Ils’approche,etpendantunesecondej’ail’espoirunpeufouqu’ilaccèdeàmademande.Ils’assoitsur le bord dumatelas et caresse doucementmamain, pourme tranquilliser je présume,mais lecontactdesapeausurlamiennen’arrangeenrienlasituation.

—Jesuistellementdésolé,Anouk.

Jefermelesyeux,j’aimeraismerendormiretmeréveillersurlapéniche.Pitié,dites-moiquecen’estqu’unrêve,que jesuisdans lecomaetque jevaismeréveilleravecOwen.Promis, si jemeréveilleàsescôtés,jeseraisagecommeuneimage.

—Anouk?Çava?

Etmerde.Çaauraitététropbeau.

—Quoi?

—Commenttutesens?

Jesoupireenbalançantlatête,commentpeut-ilmeposerlaquestion?

—Anouk,jesaisquetuesfâchée,maisaupointoùonenest,detoutefaçontum’envoulaisdéjà,alorsunpeuplus,unpeumoins…

—Mais…maisqu’est-cequeturacontes…?Hoputainqu’est-cequetum’asdonné?Jesuisdanslebrouillard.

—Justedequoitedétendre.Écoute,jesaisquec’estdemafautesituesdanscettesituation,maistuterendspascomptedecombienc’estdangereuxpourtoi.Jevoisbienquet’asl’impressionqueçava,que tu peux gérer, mais clairement ton organisme est en train de lâcher. Tu ne tiendras jamaisjusqu’aubout.Ilfautqueças’arrête.

J’aienviedeluihurlerdessusmaisjen’enaipaslaforce,moncorpsdeplombs’enfoncedanslematelas,nepermettantpasàmoncerveaud’exprimertoutelaragequileconsume.Àyregarderdeplusprès,ilyauneperfusionquiestbranchéesurlecathéter,ildoityavoirquelquechosedepasnetlà-dedans, ce n’est pas juste une solution physiologique, j’ai trop demal à émerger. Les liens nesuffisaientpas,ilafalluqu’ilmedrogueenplus.J’ail’impressiond’êtreprisonnièredemonproprecorps.

Mesyeuxpapillonnent etmalgré lamégadose d’adrénaline qui doit pulser dansmesveines, cen’estpasassezpourquejeresteéveillée,alorsquec’estlaseulechosedontj’aienvie.Jeneveuxpasme retrouver à samerci, il faut,même si je ne peuxpasmedéfendre, que j’essayede plaidermacause,ilfaut…quejefermemespaupièresjustequelquesminutes…

—Princesse?Hey,t’esavecmoi?

Je déteste qu’il claque des doigts comme si j’étais un chien qui doit répondre à son appel. Jegrognevaguement,toutvaauralentidansmonesprit,j’ail’impressionquelorsquejetournelatête,mon cerveau fait le mouvement une seconde plus tard. Je distingue ses lèvres bouger, il parle etpourtantjen’entendsrien,ilsembleloin,siloin.

—Anouk!Anouk!!Reviensavecmoi.Concentre-toi.

—Je…maisqu’est-cequetum’asfait?

Jelevoistripoterledébitdelaperfusion,etj’osecroirequ’ilaenfincomprisqu’ilavaitunpeutropchargélamule.

—OK,repose-toi,onrediscuteraplustard.

—Non,pasplustard…laisse-moirentrerchezmoi.

—Chhhut.Dors.

Ilcaressemescheveux.

J’écartematêtepourmesoustraireàcegestequ’ilpenseaffectueuxetquejeperçoiscommeuneagression.

Qu’est-cequ’ilsepasse?J’aimalaucrâne…Oùest-ceque…hum…Anton.

Jesuisseuledanscettechambrequin’ariendecommunaveccelled’unhôpital.Jepourraisêtredans une maison, ou un appartement. Si c’est le cas, est-ce que j’ai une chance que quelqu’unm’entendesijememetsàhurler?Attendonsdevoircequej’arriveànégocieravecmongeôlier,etsurtoutsijepeuxtirerquelquesinformationssurlelieuoùjemetrouveetlesprobabilitésquej’aidemesortird’ici.Jeregardeendirectiondelafenêtremaisjen’aperçoisriend’autrequeleciel,rienquinepuissemedonnerunindicesurmonnouveau«lieuderésidence».Jenesaispasl’heurequ’ilest, nimême le jour, après tout, je suispeut-êtredans lesvapesdepuisunmoment.Si c’est le cas,Owendoitêtrefoud’inquiétude.Àmoinsqu’ilnepensequejemesuisbarréecommeunevoleuse,une fois de plus.Mais après tout, il n’y avait aucune raisonque jeme sauve, tout allait bien entrenous…Non,ildoitmechercher,ildoitpaniquer,maiss’ilaétémalin,ilaprévenuJessie.Àeuxdeuxilsvontmeretrouver.

Est-cequeKarenm’a livréeavecmonsacàmain?Ceserait futédesapart siellevoulait fairecroirequej’aiprislafuite,parcequ’ilestclairqu’aucunenananesetireraitsanssonsacàmain;jelève les yeux au ciel en pensant à la fois où j’ai effectivement abandonnémon précieux dans unrestaurant,lejouroùj’aiapprisàmonchérietOliquej’étaisenceinte.Maisc’étaitdifférent,là,çasembleraitlouche.Doncsiellel’aembarqué,s’ilestdanslesparages,j’aiunechancequemonfrèrearriveàlelocaliser.Ouic’estça,ilsvontmetrouvergrâceàmontéléphone.Etquandbienmêmeiln’yauraitpasmonportable,ilssoupçonneraientforcémentmonexvulafaçondontils’estillustrécesderniers jours. Ilsvontme retrouver, cen’estqu’unequestionde temps.C’est tout cequ’ilmemanque,dutemps,jedoisjustetenirbonjusqu’àcequemessauveursdébarquent.

Jesuistoujoursentravéeetjeprendssurmoipournepascéderàlapaniqueetessayerd’analysermonnouvelenvironnement.J’arriveenfinàavoirdespenséescohérentes,entoutcassuffisammentpour tenter de me sortir de ce pétrin. Je suis dans une chambre plutôt spacieuse, les murs sontcouvertsd’unabominablepapierpeintbeigeavecdesmotifs fleurisultrasvieillots. Ilyaunbow-windowformépartroisgrandesfenêtres,cequidonneunebelleperspectiveàlapièce.Sicen’estquelesrideauxsontcoordonnésavecl’hideusetapisserie.Misère,jenesaispasquiadécorécetendroitmaisonretrouvecemotifpartout,surlescoussinsdisposéssurlesdeuxfauteuilsprèsdesvitres,etégalementsurlatêtedelit.Litquejen’occupepaspuisqu’ilyenaun,médicalisé,quiaétéajouté,cequifaitclairementtachedanscettechambrecomplètementdésuète.Jen’avaispasremarquéjusque-là,mais c’est étrangement silencieux, pas de vrombissement, de klaxon, de gens qui parlent.Mais jen’entendspasnonpluslepépiementdesoiseaux.Maisoùest-cequejepeuxêtre?Jecapteunbruitdepas,dansdesescaliers,jecrois.Sic’estlecas,celaveutdirequenoussommesdansunemaisonetquejesuisàl’étage.

Letoutestdesavoiroùsesituecettebaraque,parcequesi jesuisaumilieudenullepart,paslapeined’essayerdemesauversijenepeuxpastrouverdemoyendelocomotionpourprendrelelargerapidement.Ilvafalloirquejenégocie,c’estmaseuleoption,négocierpourgagnerdutempsjusqu’àcequemesprochesmeretrouvent.Antonn’apuêtreaussiprudentquemoi,Jessieluimettralamaindessus,c’estimparable.

—Tuesréveillée.Commenttutesens?

Thinkthinkthink,soismaligne,réfléchis.

Meplaindrepourleculpabiliseroujouerlavaillantepourluifairecomprendrequecettegrossessenem’affaiblitpascommeilsemblelepenser?

—Ça peut aller, si on considère la situation. C’est quoi ton plan ?Me garder ici et me gaver

commeuneoie?

Jesaispertinemmentquecen’estpascequ’ilaentêtemais jerefused’affrontercette idéepourl’instant,etjetentedoncd’insufflerunealternative.

—ÉcouteAnouk,ilfautarrêterça,tulesaispertinemment.

—Etpar«ça»,tuveuxdire…?

Ilmeregarde,l’aircontrit.Aurait-ildesscrupulesàmediredesmotsqu’ilsaitblessants?

—Tusaistrèsbien.

—Dis-le.

—Cettegrossesse.Ilfautqueças’arrêteavantqu’ellen’aitraisondetoi.Jevaisfairelenécessaire,net’inquiètepas,toutsepasserabien.

—Tuesmalade si tu t’imaginesque jevais accepter.Tudélires complètement. Jene suispas àl’agonie,çava,jetienslecoup.Jesaisquecen’estpasunegrossessefacile,maistunecroispasquesilasituationétaitaussidramatiquemonmédecinseraitintervenu?

—Parcequetul’auraislaisséefaire?!

—Laquestionnes’estpasposéedonconnesaurajamais.

—Hoquesi !Ellevoulaitdéjàque tu restesà l’hostoet tuassignéunedéchargepourpouvoirsortir,çaenditlong.

—Commentest-ceque…Karen.Elleafouiné,c’estça?!

—Pasbesoin,jesuismédecinetj’aidescontacts.Enparticulierdansunhôpital.Etpuisçasemblelogique,vul’étatdanslequeltuétais,personnedecensénet’auraitautoriséeàpartir.Làaussiçaenditlongsurtonnouveaup’titcopain.Undeplusàquionnepeutpasfaireconfiance.

Ils’apprêteàfarfouillerdanssatroussequ’ilavaitlaisséesurl’undesfauteuilsprèsdesfenêtresetjecommenceà remuer,apeuréeà l’idéequ’ilpuisseentreprendre jenesaisquelleprocédurepourm’avorter.

—Anouk,Anouk,calme-toi,jenevaisrienfaire,jeveuxjuste…

Illèveunemainetdel’autresesaisitdélicatementdesonstéthoscopequ’ilsortdoucement.

—Jeneferairienaujourd’hui,j’aibesoind’unepersonnepourm’aider.Jeneveuxpasêtreseulsijamaisçadérape,uneinfirmièreviendrameseconderdemain.

Demain… demain, ça y est, c’est fixé, ce sera demain. Ils ont vingt-quatre heures pour meretrouver, pas une de plus. Je dois gagner du temps, ça ne suffira jamais. S’il n’a pas pris monportableetqu’onnepeutpasmelocaliseravec, il leurfaudraplusd’unjourpournousremettrelamaindessus.Moncœurpalpiteàuneallurefolle,j’ail’impressionqu’ilnevapasteniràcerythme,mais la perspective de… Je n’arrive même pas à penser ces mots tellement cela me répugne etm’angoisse.

—Tunepeuxpas…tunepeuxpasmefaireunechosepareille.Jen’ysurvivraipas.

—Justementsi.Iln’yaquecommeçaquetupourrast’ensortir.

—Tunecomprendsvraimentpas,hein?!

Je l’observe, jauge si une lueur de compréhension apparaît dans son regard,mais non. Il resteenfermédanssabulledevéritéabsolue.

—Anton,situmefaisça,situtuesmonbébé,jenem’enremettraipas.Jamais.PlusriendemeretiendrasurcetteTerre.

—Nedispasn’importequoi.Tufaisl’enfant!

—JEFAISL’ENFANT!JEFAISL’ENFANT!!T’esconouquoi?!!Tuveuxtuermonbébéettoutcequetutrouvesàdirequandjerefuse,c’estquoi?Quejefaisuncaprice?!

—Jedisjustequetuveuxquelquechosesansréfléchirauxconséquences,quisonttrèssérieusespourlecoup.

—Maisc’esttoiquinevoispaslesconséquencesdetesactes.Situmeprendscetenfant,qu’est-cequ’ilmereste?!Qu’est-cequimedonneraenviedem’accrocheràlavie?

—Nedispasdebêtises.Jeserailàpourtoi.Ettuastonfrère,etl’autre…

—Tucroissérieusementquejepourraiscontinuermaviealorsquetuauraistuémonenfant,monbébé,lachairdemachair?Jenem’enremettraipas.Jamais.S’ilpart,jelesuivrai.

—Tunesaispluscequetudis.

—Aucontraire!Réfléchis,jesuisdéjàprêteàrisquermaviepourcebébé.Sisavieestdéjàplusimportantequelamienne,jenecontinueraipassanslui.Situletues,tumetues.Çaneseraqu’unequestiondetempsavantquejenelerejoigne.Alorssi tupensesme«sauver»,c’estraté,c’estmacondamnationquetuesentraind’amorcer.

Sonvisageseferme,l’informationestentraindemonterjusqu’àsonpauvrecerveaudedégénéré.Le chantage au suicide, c’est moche,mais ce n’est pas unemenace en l’air, je ne pourrai jamaissupporterdeperdrecetenfant.Parcequ’aufondjenel’auraispasperdu,çan’aurarienàvoiravecunefaussecouche,ceseraunmeurtre,etceserademafaute,c’estmoiquiaifaitentrercetarédansmavie,etc’estpourmesauverqu’ilauramassacrémonange.Quipourraitsurmonteruneépreuvepareille?Pasmoi,jen’enauraipaslaforce.Commentpourrai-jedenouveauregarderOwendanslesyeuxaprèscela?Ilseconsidèredéjàcommelepèredu«p’titbout»,commeill’appelle.Ill’aimeplus que songéniteur ne pourra jamais en être capable de toute sa vie. Si les choses devaientmaltourner,jen’arriveraismêmepasàchercherduréconfortauprèsdelui,jenemesentiraispasledroitdeluiendemanderautant.Detoutefaçon,riennipersonnenepourrameconsoler.Jeneverraiplusqu’uneseuleissuepossible.

Demain…Demain…

J’aienviedevomir, j’ai latêtequivaexploser, lanausée,c’est intenable.Jen’aipasletempsdedirequoiquecesoitquejerendslemaigrecontenudemonestomac.Entravéecommejelesuis,jen’arrive pas àme pencher hors du lit et j’enmets partout. J’ai des spasmes et ne peuxmême pasretenirmescheveuxquisontmaintenantenpiteuxétat.

—MerdeAnouk,attends,vienslà.

Ilessaiedemebasculersurlecôté,maiscomprendvitequecen’estpaspossiblevulafaçondontilm’aattachée.

—OK,c’estpasgrave.Jevaist’aideràprendreunedoucheetjechangerailesdraps.

—Nonmaisturêves!Tucroisquandmêmepasquejetelaisseraism’accompagnerdanslasalledebain?!

—J’voudraispasquetufassesunechute.Etpuisc’estbon,jet’aidéjàvuetoutenue.

Il sourit, presque amusé par l’idée que je joue les pudiques devant lui. Définitivement il ne

comprendrien.Ilplanes’ilcroitquej’aienviedeplaisanteraveclui.C’estça,ilplane,iladûprendreuntruc.Enréalité ildoitêtredéfoncé,c’estpourçaqu’ilditdesconneriespareilles,maisunefoisqu’ilvaatterrir,ilréaliseraquesonplanestdélirant.

—Tuasprisquelquechose?

Jeledévisage,j’essayedemeconcentrersursespupillespourdécelerlemoindreindicesursonétat.

—Tucroisquejesuisdéfoncé?!Non,jeterassure,j’ailesidéesclaires.

Çanemerassureabsolumentpas,j’auraispréféréqu’ilsoitsoussubstance,çaauraitlégitimésondélire.Là,iln’aaucuneexcuse.

—Pourquoi?Toituvoulaisquelquechose?Çapourraitt’aideràtedétendre.J’aideuxoutroispetiteschosessituveux,saufs’ilyadescachetsenparticulierquitefontenvie.Jepeuxm’arrangerpourtrouvertonbonheur.Jesaisquetuasunepréférencepourlaméthyloneetl’oxycodonemaisjen’enaipas.Maisjepeuxessayer…

—Non!Jesuisenceinte!Jeveuxsauvercebébé!Réfléchisdeuxsecondes.

—Tusaiscequej’enpense,çanechangerarienàcequivaarriver.

—Etlesconséquencespourmoiserontcellesquej’aiannoncées.

—Jedevraisvraimenttenterdetetrouverdesmédocs.Enattendant,jevaistedétacherpourquetupuisses te doucher. Et s’il te plaît, sois sage. Ne m’oblige pas à me montrer désagréable et àm’occuperpersonnellementdetatoilette.

Detoutefaçon,qu’est-cequejepourraisfaire,mesauverencourant?Sanssavoiroùjesuis,oùaller,etsurtoutcommentyaller?Ilmerattraperaitentrentesecondesetjeseraisensuitecondamnéeàresterligotéesurcelit.Laseuleperspectivequ’ilmelavesuffitàmepasserl’enviedetenterquoiquecesoitpourl’instant.Autantmemontrercoopérativepourl’amadouer.Avecunpeudechance,jepourraiuserdecetteconfianceàmonavantage.

Il détache mon poignet droit que je ramène immédiatement contre ma poitrine dans un gesteprotecteur.Ilcontournelelitetsemblehésiterunesecondeavantdecontinueravecl’autrebras.

—Vraiment.Nefaispasdeconneries.

Jehochelatête,résignée.

Mesquatremembresenfinlibérés,jenesaismêmepasquoifaire.Jeremarquequ’ilm’aaffubléed’unebloused’hôpital.Charmant.Surtoutsionconsidèrequ’iladûmedéshabilleravantdeme lamettre.Cerisesurlegâteau,ilm’aposéunesondeurinaire.Làencorejeneveuxmêmepaspenseràlafaçondontelles’estretrouvéelà.Letubedelasondenaso-gastriquenem’apaslâchéedepuislapéniche,scotchéàmajoue.

Je suis légèrement perdue, il le remarque et me guide jusque dans le couloir où il m’indiquel’entréedelasalledebain.J’avanced’unpaspeuassurétoutentraînantlepieddelaperfusionquinemequittepluset…toutlereste.Jefinisparrefermerlaportederrièremoi,meretrouvantseuledanscettepiècequi,àl’imagedelachambre,estd’unstyleassezancien.Avanttoutechosejem’approchedelafenêtrepouressayerd’avoirquelquesindicessurl’endroitoùnoussommes.Nullepart.Voilàoù je me trouve. Nulle part, en rase campagne, il n’y a pas âme qui vive dans les alentours. Ças’annoncemal.Saufsimontéléphoneestdanslesparages,danscecasiln’yaurapasbeaucoupdemaisonsàfouilleravantdesavoirdanslaquellejesuis.

Jemedécidefinalementàm’installerdanslabaignoireetavanttoutechosejemedébarrassedecemerdiermédical, lessondeset laperfusion.Jecommenceàmelaver, jepue,c’estatroceet j’enaipleinlescheveux…Jemerinceàl’aidedeladoucheetfinisparmefairecoulerunbainpouressayerdemerelaxer.Ilfautquejemedétendeetquejemeconcentrepourmettreenplaceunpland’attaque,ouaumoinsunplandedéfense.

8

TOCTOCTOC

—Anouk?!Çavalà-dedans?

—Pfff,ouic’estbon.

Mon ton est sec,mais je suis tellement énervée, je suis prise au piège et ne vois pas commentm’extrairedecetteprison.

—Est-cequetuasbesoind’aide?

—NON!Lâche-moi.

—Sorsdelàs’ilteplaît.Yaunmomentquetuyes,tudoisêtrepropremaintenant.

—Çat’emmerdesij’essaiedemedétendreunminimum?

Comme si je pouvais me détendre ! Je veux juste rester loin de lui et tenter de cogiter auxdifférentesoptionsquis’offrentàmoi.Etàdirevrai,ellessontminces,cesoptions.Ilnemelaisserapaspartir,j’ensuisconvaincue,doncjen’aiplusqu’àm’efforcerdegagnerdutemps.

Jesorsdelabaignoireetmesèche.Maisaumomentdem’habiller…

—Jepeuxavoirdesfringues?!

Je lehouspille à travers laporte,mais j’en ai ras lebolde cesblouses, j’ai l’impressiond’êtretoutenueetd’êtreencoreplusàsamerci.

—Désolé,pourl’instantjen’airienàteproposer.

—J’m’enfous.Trouve-moiuntruc.T’asqu’àmefilerquelquechoseàtoi!

Je ne veux évidemment pas lui dire,mais je ne perds pas de vuemon objectif, et si jamais j’ail’opportunitédemesauver,jenetienspasàlefaireavecjusteunechemised’hôpitalsurlederrière,onmeprendraitpourunedingueéchappéedel’asile.

—OK,metslablouse,jeteraccompagnet’allongeretaprèsjeverraicequejepeuxtetrouver.

—Etunebrosseàdents?C’esttropdemander?!

—Çaaussi,jevaisvoircequejepeuxdégoter.

Voilàunepremièreindication,iln’apasvraimentd’affairesàluiici,sinonilm’auraitproposésabrosse àdentsqui traînerait dans le secteur.Et cen’estpas le cas.C’estdoncune sorted’hôteloud’auberge,ouune location saisonnière.Bref, çanemeditpasoù je suisni commentmesortirdecettegalère.Maisquitteàyêtre,jevaistenterdel’emmerderunminimumdanssesplans.Jedécidede retirer le cathéter posé sur ma main, et à choisir, je fais ça comme une sauvage, histoire dem’abîmerl’unedesdernièresveinespotablesqu’ilmerestait.Sijepeuxleralentiretl’empêcherdemeperfuserjenesaisquellecochonnerie,ceseradéjàçadepris.

J’ouvre la porte et il m’attend de pied ferme, mais ses yeux ne mettent pas trois secondes às’écarquillerenm’observant.Ilsejettesurmoi,etmêmesij’aiunmouvementderecul,çanesuffitpas,ilplaquesamainsurledosdelamiennequisaigneplusquejenelepensais.

—Pourquoi?!Pourquoit’asfaitça?

—Tuveuxmevoircreverdetoutefaçon,alorspourquoim’emmerderavectouscestrucs,çanechangerarienaufinal,demaintoutseraterminé.Pourlui,murmuré-jeeneffleurantmonventreduboutdesdoigts,etpourmoi.

—Arrêtededireça!Tut’enremettras,tuverras.

—Siçapeutterassurerdelepenser,jet’enprie,fais-toiplaisir.

—Viens,tuvast’allongeretjerépareraitesconneries.

—Àquoibon?

Ilsoupireprofondément,clairementexaspéré,maisnerépondrien.Ilm’attireverslachambreetouvre la couette pour que je m’y couche. Je sais ce qui m’attend et tente de résister mais il memaintientfermement.

—NON!Laisse-moi!Lâche-moi!

Je tirede toutesmes forcespourm’extrairede sonempriseet finalement le sangmepermetdeglisser entre sesdoigts auxquels j’échappe. Je reculedoucement, jene saispasquoi faire. Ilvadetoutefaçonmerattraper,jen’aiaucunechance,maisçanem’empêchepasd’essayerderejoindrelecouloir.

—Anouk,s’ilteplaît,resteici.Toutestferméàclef,tunepourraspassortir.

—Ettucroisquejevaism’arrêteràça?

Mesyeuxfouillentdanstouslescoinsàlarecherched’unesolutionquin’existepas.Maisquandmonregardseposesurunvaseinstallésuruneconsoleprèsdelaporte,ilmevientuneidée.

—N’ypensemêmepas…Anouuuk.

Troptard,jel’aidéjàattrapépourluibalancerauvisageàtraverslapièce.

—T’ESDINGUE!Arrêteçatoutdesuite.

Maisaupointoùj’ensuis,jenevoispaspourquoij’arrêterais,c’estpeut-êtremameilleureoption,l’assommerpourpouvoirmesauver. Jepourrais luipiquersesclefsetme tireravecsavoiture. Ildoitenavoirune,sinoncommentserait-ilvenuici?

Jecontinuedereculertoutenessayantd’attrapercequipeutêtrejeté.Descadresaccrochésaumur,desmagazines,unautrevase,maisilserapprocheetilaccélère,jen’aipluslechoix,cettefoisjefaisdemi-tourpourcourirvers…jenesaispasvraiment,unesortie,sij’entrouveune.Jefonceverslerez-de-chausséeenespérantmettrerapidementlamainsuruneéchappatoire.

—AnoukNON!

Je trébuche…J’aimal,deplusenplus, jedévale lesescaliers, jen’arrivepasàm’arrêter.C’estfinalementenpercutantlemurfaceauxdernièresmarchesquemadégringoladeprendfin.

Lesbrasrecroquevillésautourdemonventre,c’estmatêteetmondosquiontleplusencaissédecoups. Anton me rejoint très vite, mais quand il me touche je le repousse violemment. J’ail’impressiond’êtreunebêtesauvageblesséeouprisedansunpiègeàloups,etcettemaintendue…j’aienviedelamordre!J’aitellementmalaucrâne,jeposemesdoigtssurlasourcedeladouleuret…aouch!Etmerde,j’aidusangsurmapaume.Est-cequeçavientdemamainoudematête?!

—Laisse-moivoir!

—Fous-moilapaix!

Jelerepousseencoremaisilnecèdepas.

Ilsepenchesurmoiettrituremescheveux.

—Etmerde,c’estouvert.Chier!Nebougepas.

Il s’éloigneencourantmais revient trèsvite, son téléphoneà l’oreille, il resteàbonnedistance,assez loin pour que je ne puisse pas l’entendremais assez près pour garder unœil surmoi.Mespaupières commencent à papillonner et je sais d’ores et déjà que je ne vais pas tenir longtemps.Quellegalère,j’étaissûrequej’auraisdûattendred’avoirunvraiplanquitiennelarouteplutôtquederéagirimpulsivementcommejel’aifait,maisquandj’aicomprisqu’ilcomptaitmeligoteràcelit…J’aiagiparinstinct…J’aidéconnésurtout…

Misère…

— J’ai besoin de matériel, d’urgence ! Non, un collier cervical, et… putain c’est la merde, ilfaudraittropdechoses,jepeuxpasprendrelerisquedeladéplacer.Jevaisdevoirchangermesplans.Écoutez…

Ilseretourneetparleplusdoucementpourquejenel’entendepas,cequin’estpasdifficilevuquemonpauvrecerveauestentraindesedéconnecter.

—Anouk!Anouk!

Grrrceclaquementdedoigts,ilm’énerve.

—Anouk!!Resteavecmoi!…Putain,appelezlespompiers,envoyez-lesici,vite!

Ilcaressemonfront…jen’aimêmepluslaforcedelerepousser.

—T’inquiètepas,toutvabiensepasser,jevaist’emmeneràl’hôpitalpourm’assurerqu’iln’yariendegrave.

J’aienviedepleurer,toutcequejesouhaite,c’estêtresûrequemonbébéestsainetsauf…iladitàl’hôpital…àl’hôpital,ilyadesgens,desgensquipourrontm’aider.Finalement,c’estpeut-êtremaportedesortie.

—Jereviens.

Jel’entendss’éloigner,jen’aimêmepaslaforced’ouvrirlesyeuxpourm’enassurer.

Jesensquel’onmepiquedanslacuisse,quelenfoiré,jen’avaispasremarquéqu’ilétaitderetour.Voilàlaconditionpourquejevoiedesgens,êtredanslesvapes.Lebrouillardarriveetm’enveloppecomplètement.

—Mademoiselle?!Mademoiselle?!Est-cequevousm’entendez?Sivousm’entendez,serrezmesdoigts.

J’entends,maisjenepeuxpasbouger,moncorpsnerépondplus,etj’aimal,tellementmal.

—Net’inquiètepasmachérie,jesuisavectoi,toutvabien.

Ilestlà,ilestlà,toutprèsdemoi.

—Rassurez-vous,voussavezcequec’est,çapeutprendredutemps,maisc’estbon,lesradios,lescan,toutestOK.

—Ouic’estgentil.Çavaallerprincesse,net’inquiètepas,jeresteavectoi.

—Jevaisremplirlespapierspourletransfertsic’esttoujourscequevousvoulez.

—Oui,jepréféreraisqu’ellesoithospitaliséeprèsdecheznous,ceseraplussimpleetellepourraêtresuivieparsonmédecinhabituel.

—Danscecas,jem’enoccupetoutdesuite,vousdevriezpouvoirpartird’iciuneheureoudeux.

Je sensune larmecouler surma joue, jenepeuxni bouger, ni parler, prise aupiègedansmonproprecorps,entravéepardeschaînesmédicamenteuses.Heureusementquep’titboutestlà,sansluij’auraisdéjàbaissélesbras,ilestmonpointd’ancrageaveclavie,celuiquimegardedecéderàmesvieuxdémons.Antonessuielaperlesaléequiaéchappéàmonœiletj’aienviedevomirquandilmetouchedecettefaçon,commes’iltenaitàmoi,commesinousétionsproches.Ilestenpleindélire,ildoitvraimentavoirconsomméquelquechosedefort,ilesttotalementdéconnectédelaréalité.

Jemesensrepartir,moncorpsestsilourd,jen’aiaucunechancederevenirparmilesvivantspourl’instant.Jepriepourquecettefoisnefassepasexceptionetquelapaperassenesoitpasrégléetroprapidement.Avec quelques heures de plusmon organisme parviendrait à surmonter la sédation, àmoinsqu’ilnem’aitredonnéquelquechosedepuisquejesuisarrivée.Jenesuismêmepluscapablederéfléchir,c’esttropfatigant,c’esttrop…

Qu’est-cequibougecommeça?C’estmoi?J’entrouvrelégèrementlesyeuxmaisjenevoisquedeslumièresetdesombres.Onmedéplace,surunbrancardpeut-être.Jel’entends,ilparle,maispasàmoi,jenesaispasàquiils’adresse,maisilprendsontonsérieuxetprofessionnel.Ilvayarriver,ilvamesortirdelàsansquejeréussisseàdemanderdel’aide.Jesensquejepleureencore,cen’estpas

delatristesse,c’estdelaragemêléeàdudésespoir.

—Attendezuneseconde.Anna?Anna?Vousm’entendez?

Anna ? À qui il parle ? Il insiste en plus. Hummmmais c’est moi qu’il croit appeler avec ceprénom…Pfff,évidemmentqu’iln’apasdonnémonvrainom.Cen’estpasgrave,sij’arriveàfairecomprendreàce je-ne-sais-quique jenevaispasbien,que jesuisendanger, ilm’aiderapeut-êtreavantqu’ilnesoittroptard.

— Anna ? Vous êtes à l’hôpital, tout va pour le mieux, vous n’avez rien de grave, de bellesecchymoses,etvousvousêtesouvertauniveaudelatête,maisquelquespointsdesutureontsuffi.Etsurtout,lebébévatrèsbien.

Le bébé va bien, il va bien, c’est sûr. S’il va bien, tout va bien, je vais nous sortir de là, ils’accroche,j’enferaiautant.

—Ellepleure,elledoitavoirmal,onvaluidonnerdequoilasédaterpourqu’ellenesouffrepaspendantletrajet.Sonmédecinverracommentadapterlesantidouleursparlasuite.

Maisquelcon!!Etdesantidouleursenplus.C’estpaspossible,plusàcôtédelaplaquetumeurs.C’estuncomplot,c’estobligé.Etmerde,jesuisdéjàvaseuse,iln’apasperdudetemps.Jen’aimêmepassentidepiqûre,comments’yest-ilpris?

Jemeréveilleavecl’enviedevomir,j’aifroidetcommenceàretrouvercetteaffreusesensationdemanque.Bienvenue dansmon enfer personnel. J’entends la voix d’Anton étouffée par la porte quinous sépare. Il doit bien jubiler cet enfoiré, il a réussi son coup, ilm’a emmenée à l’hôpital pourqu’onmesoigneetestrepartisanslemoindresouci.Etcerisesurlegâteaupourlui,onm’afilédesmédocssansqu’ilaitbesoindes’enchargerlui-même.Attendsquejeretrouvemesmoyens…

Laportes’ouvre,jegardelesyeuxfermés,inutilequ’ilsachequejesuisréveillée.Jeneveuxpasparleravecluimaisquandils’assoitsurlematelasetqu’ilrepoussel’unedemesmèchesdecheveux,jenepeuxm’empêcherd’avoirunmouvementdereculquimetrahit.Soncontactmerépugnedeplusenplusetjen’aipasréussiàl’ignorer.

—Salut.Commenttutesens?

—J’aienviedevomir.

Je ne sais pas si c’estmon estomac ou son contact quime provoque cette sensation,mais pourl’instantjemegardedepartagercetteréflexionaveclui.J’essaiedemeredresser,maisquandjeveuxprendreappuisurmesbras…Quellesurprise…Unefoisdeplusjesuisattachéeauxbarreauxdulit.Retouràlacasedépart.

Pireencorequecequej’imaginais,lesliensnesontpasrevenusseuls,lesparadraparéapparusurmajoue,etcen’estpasl’uniquesondequimefaitl’honneurdesaprésence.

Galère.

—On…humm…Onestqueljour?

—Mercredi

Jenesuispassûremais…sic’estundimanchequeKarenetluim’ontenlevée,Owendoitêtrefou,foud’inquiétude,ouderages’ilcroitque jemesuissauvée.Mercredi,çaveutdirequ’ilaprisduretarddanssonplan,saufsi…

—Qu’est-cequetum’asfait?!QU’EST-CEQUETUM’ASFAIT?!

—Jen’airienfait,c’estlemédecinquit’adonnédesmédicaments,jen’ysuispourrien.

Quel con ! « Je n’y suis pour rien » !! Il se fout de moi, non mais, comme si j’avais pu meretrouverdanscettesituationsanslui!Maispourl’instantpeuimporte.

—Jeneparlepasdeça.

J’aidestrémolosdanslavoixetdeslarmespleinlesjoues,jen’ypeuxrien,j’aisipeurqu’ilaitprofitédemoninconsciencepourmettresonvéritableplanàexécution.

—Lebébé,est-cequetuas…

—Non, tu étais à l’hôpital, et une fois rentrée, je préférais que tu reprennes conscience pourm’assurer que tout allait bien. Et puis autant éviter les interactions médicamenteuses et laisser letempsàtoncorpsderécupérerdetapetiteblaguedanslesescaliers.

Je referme les yeux, j’ai l’information que j’attendais, je ne veux plus le voir maintenant, nil’entendresic’estpossible.

—Anouk?

Apparemmentcen’estpaspossible.Jeneprendsmêmepaslapeinederépondremaisj’ouvrelesyeuxpourluisignifierquejesuisprêteàl’écouter.

—Tutiensvraimentàcetenfant?

Il a l’air très posé et désireux de connaître la réponse, comme si cette fois, parce qu’il me ledemandesérieusement,j’allaisrépliquerautrement.

—Jetel’aidit,oui,plusquetout,plusquemavie.

Ilsemblesongeursubitement,etjen’oseespérer.

—OK,trèsbien.Jeteproposeunmarché.Tuacceptestouslestraitementsettouteslesmesuresqueje te prescrirai, et si tu ne perds pas de poids, non, si tu prends du poids, au moins deux centsgrammesparsemaine,alorsOK,jete laissecontinuer.Maissi tunegrossispasdeminimumdeuxcentsgrammes,onarrêtetoutettupermetsquejemetteuntermeàcettegrossesse.

Whaouu.

Lemiraclevientdes’accomplir,c’estcomplètementfou, jen’arrivepasycroire.Oualors ilestdéfoncé.Peuimportelaraison,j’aidroitàunsursis, jevaisjouerlejeu,mêmesijedoistenterdenégociercesclauses.

—Àquelquesconditions.

—Dis-moi.

—Petitun,j’acceptetouslestraitementsquetuimposestantqueçan’impliquepasdemédicamentsmauvais pour le bébé, d’antalgique, d’analgésique et autres trucs dugenre qui n’aurait rien à voiravecmonétatdesanté.

—Ouimaissitusouffres…

—Aucunesouffrancenemeferachangerd’avis.

—Trèsbien,sic’estcequetusouhaites.

Jesuisenveine,autantenprofiter.

—Petitdeux,jeveuxquetumedétaches.Situnemenacespasmonenfant,jen’aiaucuneraisond’essayerdemesauver.

Quellebellepetitementeusejefais.

—Jen’ycroispas,maisdisonsquej’acceptequandjesuisavectoi.Sijedoism’éloigneroupourdormir,onremetlesliensenplace.

J’obtiendraidifficilementmieuxet j’en suis consciente.L’objectif estmaintenantde tenir lepluslongtemps possible jusqu’à ce qu’on me retrouve, et si j’arrive à gagner un peu de confort aupassage, tantmieux,mais il ne faut pas trop en demander. Ceci dit il me reste une négociation àmener, parcequ’une semaine, onne sait jamais, çapourrait être encore trop court pourqu’onmerécupère.

—Dernièrechose,disonsplutôtquesimonpoidseststableçasuffira.

—Ilenesthorsdequestion.Danstonétat,deuxcentsgrammesc’estpasduluxe.

—C’estuneprisedepoidsnormalepourquelqu’unquivabien,maispourmoi…Centgrammes,ceseraitdéjàpasmal.

—Nonjenenégocieraipassurcepoint.

—Bonalors,petitevariante, tu acceptesquatre centsgrammes surdeux semaines, après tout cen’estpasforcémentsuperrégulier,surquinzejoursceseraitplushonnête.

Ilhésite,jesensqu’undébatintérieurestentraindesedéroulerdanssonespritdedégénérémaisj’attendspatiemmentleverdict.

—OK.

Je sourirais presque, j’ai gagné deux semaines, il vam’emmerder,me torturer,me gaver,maispourp’titbout,jetiendrailecoup.

Je remue mon poignet pour faire tinter la boucle de la sangle qui me maintient au lit en leregardantd’unairentendu.

—Quoi?!Maintenant?

—Bahoui,quandsinon?Onaconcluunaccord,tudoismedétacher.Enplusçamepermettradem’installerdansl’autrepieuquim’al’airvraimentplusconfortable.

— À dire vrai je pensais me le réserver pour garder un œil sur toi quand tu dors, en cas de

problème.

—Baht’aurasqu’àprendrecelui-là.

—Non, puisqu’on s’estmis d’accord pour que la nuit tu acceptes les liens.Donc tu pourras tereposerdanslegrandlit,maispourdormirturéintégrerastaplace.

Onverralemomentvenu…

Ilmelibèreetjeremarquealorsqueseulsmespoignetsétaiententravés.Ilyadumieux.

Maisquandjetentedemelever,nouvellesurprise,uncathéterestdésormaisinstallésurmajambe.Àmatêtequidoitmaintenantreflétermonaccablement,ilsesentobligédesejustifier.

—Désolé,mais je n’ai pas eu le choix. Tu n’as plus une veine potable au niveau des bras, enparticulierdepuistapetiteblague,etilfautquejepuissetepasserdesperfusions.

—Trèsbien,j’aiditquej’accepteraiscequetupréconiserais.Doncvoilà,jecoopère.

Je faisdemonmieuxpourgarderbonne figureetnepas toutenvoyervalser, jedoisgagner saconfianceetsurtoutrespectermapartiedenotremarchésijeveuxavoirunechancequ’ilenfassedemême.Ilmetendlamainpourm’aideràmeleveretrejoindremonnouveaulit,jusqu’àcequ’ilsoitl’heurededormiren toutcas. Je fournisuneffort surhumainpouracceptercecontactetnepas lerejeter violemment. Il faut que j’essaie d’instaurer un climat de confiance, ça facilitera lesnégociations,etquisaitsijen’enauraipasbesoindansdeuxsemaines.Aprèstout,riennemeditquel’onmecherche.Auboutdecombiendetempsvont-ilss’inquiéter?

9

Lesheuress’égrènentavecunelenteurinfinie,surtoutsil’onconsidèrequemonuniquedistractionse résume à unvieuxbouquin chiant comme lamort. Ilme l’a dégoté quand j’ai commencé àmeplaindre du manque cruel d’occupation dans cette chambre. Pas de télé, pas de stéréo, pasd’ordinateurnimêmedemagazines.Ducoupilarapprochélelitmédicalisédeceluiquej’airejointpournepasm’obligeràme leveretpouvoirquandmêmem’attacher le tempsd’aller chercherdequoimedivertir.Jen’enattendaispasmoinsdesapart.Auboutdedixminutesilestréapparuaveccepauvrelivredepoche.Uniquedistractionqu’iladûdénicherdanscettemaisonfigéedanslesannéescinquante.Ilm’apromisd’essayerdemetrouverrapidementmieuxetilaplutôtintérêt,parcequejenecomptepaspasserlesdeuxprochainessemainesàleregarderdansleblancdesyeuxensilence.Mais avant deme laisser bouquiner, il a tenu àm’apporter une balance pourme peser et pouvoirdéfinirlestermesdenotreaccord.

—PutainAnouk!Jenepensaispasque tuétais tombéesibas.C’estn’importequoi !Nonmaisfranchement,pourquoipersonnen’aréagiplustôt?Putainçame…

Il ronchonne, peste, soupiremais finit par garder son venin pour lui. Finalement, heureusementqu’iln’avaitpasréalisé,iln’auraitpeut-êtrepasconclucemarchés’ils’enétaitrenducompte.

Jecommenceàm’installerenpositionfœtaletoutenregardantmonlivremaismespaupièressontdeplusenpluslourdesetjefinisparcéderàl’appeldeMorphée.

—HAAAAA!RECULE!!RECULE!!LÂCHE-MOI!LÂCHE-MOI!

—Anouk!Toutvabien,jesuislà,c’étaitjusteuncauchemar.

—RECULE!RECULE!

Pourquois’acharne-t-ilàvouloirmeprendredanssesbras?! Il fautqu’ils’éloigne, j’étouffe, ilm’étouffe, saprésence…Il…Il fautqu’il s’enaille,qu’ilme laissede l’espace. Jebataille, j’agitemesmainsdans tous les senscommeunehystériquepourme libérerde sonemprise. Il comprendenfinetsereculetrèslégèrementenprésentantsespaumespourmemontrerqu’ilnemetoucheplus.Je halète, je suis à bout de souffle, complètement paniquée, je ne parviens pas à évacuer la vagued’angoissequim’aassaillieenpleinsommeil,saprésencen’arrangerien,jen’arrivepasàretrouvermoncalme.

—Turefaisdescauchemars.Jepensaisqueçaallaitmieux?

Comment lui dire que c’est lui mon pire cauchemar, que sa présence à mes côtés affole moninconscientquimehurleàsafaçonderesterenalerteetdeprendrelafuite?

—Anouk?Çavaaller?Inspireprofondément.Tuestoutepâle.Montre-moi…

Ilsepencheversmoi, ilsemblevouloirattrapermonpoignetmaisjelerepoussed’ungestevif,instinctif.

—Laisse-moitranquille,recule-toi,j’aibesoind’air.

—Tuasdumalàrespirer?

Définitivement,ilestcon.Iln’yapasd’autremot,ilnecomprendpasquelesoucivientdelui,quec’estsaprésencequim’étouffe.

—Non…juste…donne-moiquelquesminutes,çavaaller.

Ilseredresseetattendtoutenm’observantattentivement,maislefaitqu’ilempiètesurmonespacevitalralentitconsidérablementmonretouràunétatderelativetranquillité.

Auboutdequelquesminutes, ils’est installédans l’undesfauteuilsprèsde lafenêtre,concentrésursontéléphoneportable,melaissantretrouvermesesprits.Unefoisunpeuapaisée,n’ayantpluslecœuràmereposer,jemesuisdécidéeàreprendremalecture.Enfindejournée,ilm’aproposéunsemblantdedînerquis’estrésuméàdujambonetunepuréeindustrielle.Maintenantquelechallengede laprisedepoidsest lancé, j’aimis toutmoncourageàessayerdemanger,sans tropmeforcerpourautant,lebutétantquejegardecequej’airéussiàingurgiter.

Aprèsuntourparlasalledebain,j’aiétégentimentpriéederejoindremonlitdédiéàlanuit.Maisaumomentdemettrelesliens,j’aisentiquejeperdaispied,quejen’arriveraispasàsurmontercetteangoisse,c’étaittropanxiogènepourmoipourquejepuisselesupporter.

—Anton,jemesouviensdecedontonaconvenuetjesaisquejesuistenued’accepter,maisest-cequ’onpourraittrouverunealternative?C’esttrop…c’estpaspossible,j’yarriveraipas.

—Jesuisdésolé,maisjetelaisseraipasl’opportunitédefaireuneconneriependantquejedors.

—Je…etsi…Jeteproposeuneautresolutionquiseraitmoinsangoissantepourmoi.Situveux…Detoutefaçontucomptaisdormirici?

—Oui,jetel’aidit.

—Danscecas-là,onnepourraitpassecontenterdefermerlaporteàclefettulagardessurtoi,aumoinstuessûrquejenepeuxpasm’enalleretjemesentiraismieux.

Ilprendletempsdeconsidérermademandeet j’ensuisstupéfaite.Ilal’airdevraimentpeserlepouretlecontre.

—Jevoudrais pouvoir te dire oui,mais c’est pas possible.Tupourrais profiter que je roupillepour fairen’importequoi,mais si tupréfèresonpeut… j’en sais rien,peut-être juste t’attacherunpoignet,pourquejesoiscertainquetunepuissespasquittertonlit.

—Çachangequoi?Silaporteestferméeàclef,jevaispasmesauver.

—Sijedors,jenepeuxpastesurveilleretjeveuxêtresûrquetunet’échappespas.

J’aimerais croire qu’une négociation est encore possiblemais son regardmet un terme à toutediscussion,jen’obtiendrairiendemieux.Ilinstalleunepochedenutritionpourlanuitetrécupère,dejenesaisoùd’ailleurs,unliendeserragequil’aideàbloquerl’attacheàmonpoignet.Bon,sijesuisvraimentmotivée, jepourraissûrement réussirà rongercettesaletépendantqu’ilpiqueunsommemais je ne suis pas certaineque ce soit lameilleure stratégie. Il se couchedans son lit et s’endortrapidementalorsquejedébuteunenuitdurantlaquellejevaispassermontempsàmetortillersansjamaistrouverlerepos.Plusj’ypenseetplusjecomprendssadécision,jem’imaginedeplusenplusen traindeprendren’importequelobjet contondantqui traînedanscettepièceet l’assommeravecpourpouvoirmefairelamalle.Encorefaudrait-ilêtrecertainequ’ilyaiteffectivementunevoiturequim’attendeà l’extérieur etque j’arriveàmettre lamain sur les clefs.Maispour cela jedevraism’attaqueràlui,etjenesaispaspourquoi,maisjenem’ensenspascapable.Jusque-là,jenepeuxpasvraimentdirequ’ilm’aitfaitdumal,etl’effortqu’ilafournicesoir…Maisjerestelucideetmoninstinct de survie est assezdéveloppépour savoir que lemoment venu, je trouverai le couragedefairecequ’ilfaut.Labalanceesttoujoursdanslasalledebainetjecomptebienvérifiermonpoidsavantd’avoiratteintlepalierdesdeuxsemaines.Sipeudetempsavantladatefatidique,jevoisquejen’arriverai pas à m’approcher de l’objectif, je ferai évidemment le nécessaire pour sauver monenfant.Enattendant,jelaisseunechanceauxhommesdemaviedemesortirdecemerdier.

Cettenuit-làjenedorsquasimentpas,jesomnolevaguementparmoments,maismonespritrefusedes’abandonnerausommeilavecAntondanslapièce.Defaçongénérale,jecroisquelesavoirsouslemêmetoitquemoimetmoncerveauenalertemaximaleetnem’autoriseplusàtrouverlerepos.

Lesjournéessesuccèdentavecunelenteurinfinie.Lepremierjourilaeudelavisite.J’ignorequiestvenu,maisj’aieudroitàunstockdelivres,unechemisedenuit,etquelquesfringues,semble-t-il.Lefrigoaaussiétéremplietj’aigagnéunetonnedecrackers,cequidevraitmepermettredetenirlecoup.

Le troisième jour un ordinateur a fait son apparition. Une bénédiction, car cette maison estaffreusementsilencieuseet jene tienspasàdiscuteravecAntonpouryremédier. Ilsemble l’avoircomprispuisqu’ilmelaisserelativementtranquille.Jevaisenfinpouvoirm’abrutirdebruit,cequipourra peut-êtrem’aider à dormir car depuismon retour de l’hôpital je n’ai quasiment pas fermél’œil.J’aidevaguesphasesdesommeilmaisriendetrèsreposant.Est-celesilencequipoussemoncerveau à gamberger sans cesse, ou la simple présence demon geôlier qui neme lâche pas uneseconde?Danstouslescasjen’arriveplusàtrouverlesommeil.

La situation ne s’est pas arrangée quand, une après-midi, alors que je commençais à sombrer,terrassée par l’épuisement, il s’est approché et a caressé mon visage. J’ai bondi d’une façoninimaginableen lesentantsiprès.Cecontact,sapeaucontre lamienne…L’alerterouges’estmiseimmédiatementenmarche,mepassantpourunmomentl’enviederéessayerdedormir.J’aivudansson regardàquelpointmaréaction leblessait. Ilaenfincompris,et jenesauraisdireexactementpourquoi, mais j’aurais presque eu de la peine pour lui. Pour autant ça ne l’a pas empêché demaintenirsasurveillance,maisjel’aisentiplus…prévenant,moinsbrusque.Ilfaisaitattentiondenepasmetoucherparsurprise,s’assuraitquej’étaisd’accordavantchaquecontact,sesyeuxcherchantcontinuellementuneapprobationdanslesmiens.Jenesaispascombiendetempscelapourradurer,maisceseraitpresqueunsoulagement.

—Cadeau!

—Unordi!Merci.

—Inutiledetedirequ’iln’yapasd’accèsinternet.Situasbesoindequelquechose,desalbums,des films, tu réclames, je débloquerai le verrouillage et je commanderai cequ’il te faut.C’est pasparcequetuescoincéeiciquetudoist’ennuyer.

Eteffectivement,jeluiaidemandéunelistedemusique,delivresetdesériesquejevoulaisetils’est chargé de tout acheter sur divers sites. Je dois avouer que si la situation était différente,j’apprécieraisautantd’efforts.

J’aibeauessayerdemechangerlesidées, jenecessedecogiter.Pourquoilesgarçonsnem’ontpasencoreretrouvée?Est-cequ’ilsmecherchent?Est-cequejesuisloindeParis?Est-ceque…est-ceque…çanes’arrêtejamais,c’estsansfin.Jevaisdevenirdingue.

—Anouk!T’asbientôtfini?

—Anton,tupeuxmelâcher.C’estquandmêmepastropdemanderdepouvoirtraînerdanslasalledebain.

—J’aijustepeurquetut’endormesdanslabaignoire.Tun’asqu’àmelaisserrentrer,commeçajepourraigarderunœilsurtoiettupourrasteprélasserdanstonbainaussilongtempsquetuveux.

J’arriveàentendresonsouriremalgrélaportequinoussépare.Ilreprenddoucementconfiance,jecrainsqu’iln’ait l’impressionde retrouverunesortederelation avecmoi. Il remarqueque je suiscoopérative et que je ne le repousse pas, et il doit prendre ça pour… j’en sais rien, del’attendrissementpeut-être.Siçapeutjouerenmafaveur,jeveuxbienlelaissercontinuerd’ycroire.Aprèstout,jetravaillesurplusieursscénarios,etselonlesdébouchés,ilpourraitêtreintéressantqu’ilentretiennecertainsespoirs.

Petitun, j’atteins lebonpoidset je reparscertainementpourdeuxsemaines.Danscecasprécis,autantquel’ambiancesoitcordialeetqu’ilsoitdisposéàmerendrelasituationagréable.Petitdeux,jesensquejenevaispasatteindremonobjectifetjedoislancerunetentativedésespéréed’évasion.Àcemoment-là,soitj’yarriveettantmieux,maissijemerateetqu’ilmerattrape…mieuxvautavoirunechancederéussiràl’attendrir.BonOK,fautpasseleurrer,j’auraisbeauavoirétésympa,sijel’assommeàcoupsdechaise,carc’estunpeumon idée, ilne risquepasdepasser l’éponge,aussigentilleaurais-jepuêtreavantcela.Troisièmeoption,jeneréussispasàmesauver,onnesaitjamais,sijesuistropfaible,ous’ildécidedem’attacherconstammentaulitouquesais-jeencore,ilfaudraquejelesupplieetquejesortemesyeuxdeChatpotté,etdanscecasprécis,unpeud’ambiguïtédansnotrerelationpourraitm’êtred’ungrandsecours.

Pourl’instant,jenetraînepasdansmonbain,j’observeàlafenêtrequejeviensd’ouvrir,jescrutel’horizonpouressayerdevoir s’ilyad’autreshabitationsouunevoituregaréedevant lamaison.Maisjenedécouvrerien,riendutout.J’aibeaumepencherpouraccroîtremonchampdevision,rienn’yfait,jenevoisaucuneéchappatoire.Commenta-t-ilpumettrelamainsuruntrouperducommecelui-là?!

—Anouuuuk…J’attends…

TOC-TOC-TOC.

—Allez,sorsdelàprincesse.

—C’estbon,c’estbon.

Jemontepromptement sur la balancepour savoir où j’en suis.Demain je serai àmi-chemindudélaiaccordéetjesuisvraimenttroploindel’objectifdepoidsàatteindre.Ilfautqu’OwenetJessiesebougent,etvitemaintenant,carparadoxalement,silesjournéessontinterminables,letempspassemalgrétouttrèsrapidement.

Jelerejoinsdanslecouloir,ilm’attend,toujoursàlamêmeplace,assisparterre,adossécontrelemur, juste devant la porte de la salle de bain. Je lui tends lamain pour l’aider à se relever et çal’amuse.Jenesaispassic’estquejesoisàl’initiatived’uncontactphysiqueoulasimpleblaguequejepuissepenserêtrecapablede l’aideràse redresser,mais jenedis rienetmecontented’unpetitsourireencoinpourmontrerquejesuis«réceptive».Çanemecoûtepastrop,j’arriveàjouerlejeuassezfacilementetc’esttantmieux.

—Qu’est-cequetuveuxfaire?

Quelcomique,onsait tous lesdeuxquemes journéessebornentàalternerentre la lectureet lematagedesérieaufonddemonlit.

—J’avaisbienpenséàallercourirunpetitmarathonmaisbon,jenevoudraispastesemer.Jesaisquetuesunpeufatigué.

Je le taquine,mais ilavraiment l’airépuisé, il fautcroirequ’ilnedoitpasdormirsursesdeuxoreillesetquel’attentionconstantequ’ilmeportedoitlemettresouspression,etcelacommenceàseressentir. Ses traits sont tirés, il bâille assez souvent, et parce qu’il doit vouloir garder les idéesclairesilsembleserefuserses«petitsremontants»habituels.

—Tuveuxallerfairequelquespasdehors?

—T’essérieuxoututefousdemoi?

— J’ai dit quelques pas, mais un bon bol d’air frais pourrait te faire du bien, et puis tu tedégourdiraisunpeulesguibolles.

—Super.Heu…Bah,est-cequetupeuxmefilerquelquesfringuesducoup?Parcequejevaispassortirenchemisedenuit.

—Tupourrais,tunerisquespasdecroiserquelqu’un,maisbon,jevaisvoircequej’aipourtoi.

—Çava,tutesenscapabledemarcher?

—Maisoui,c’estbon.JevaisfairelepleindevitamineD.

J’avancedoucementsurlesgraviersquijonchentlesolenborduredelamaisonetfermelesyeuxpoursavourerlachaleurdusoleilsurmapeau.Jen’avaispasréaliséjusqu’àprésentcombiencelam’avait manqué. J’inspire profondément et me délecte du parfum de l’herbe qui nous entoure. Jeflemmarde avant de rouvrir mes paupières, je veux prendre le temps de réfléchir posément etd’assimiler toutes les nouvelles informations dont je dispose. J’ai regardé tout autour de moi enempruntant les escaliers qui nous ont menés au rez-de-chaussée, chaque détail, chaque papier quitraînait,chaquecadre,j’aiscrutéleséventuelsindicestrahissantl’endroitoùnousnoustrouvons,oubien s’il y a quelqu’un d’autre avec nous dans cette maison. Est-ce que Karen est là, attendantdiscrètementdansl’ombre?Maisjen’airienvu,paslemoindresignedevie,etaucuneinformationpertinente.C’estdésespérant.Maissurtout,maintenantquejesuisdehors,ilestclairqu’iln’yapasdevoiture.Oualorselleestdanslegarage,maisjen’aiaucunmoyendelevérifierétantdonnéquelaporteestfermée.

—Viens,allonsversl’arrièredelamaison.

Je connais déjà l’avant, je le vois depuis la salle de bain, et l’autre côté est visible depuis machambre, mais en contournant cette bâtisse j’ai espoir de découvrir une éventuelle solution. Deschamps,deschampsetencoredeschamps.Maisc’estpascroyable,onestdanslefinfonddutrouduculdumonde!!

—Cherchepas,iln’yarienici.

Mince,ilacompris.Est-cequec’estpourçaqu’ilavouluqu’onsorte,pourqu’unefoispourtoutesjeréalisequ’iln’yapasd’issuepossiblepourmoi.

L’enfoiré!

—Pourquoitudisça?

—Tusaistrèsbien.Tuveuxt’asseoir?

—Non,jepréfèremarcher.

J’avance tranquillement alors qu’il s’installe dans l’herbe. Je scrute l’horizon, je ne sais pasexactementcequej’attendsoucequej’espèrevoirapparaître,maisjen’arrivepasàbouger.Detoutefaçon,qu’est-cequejepourraisfaired’autre?Auboutdequelquesminutesjefinisparlerejoindre,cen’estpasquej’enaiparticulièrementenviemaisjem’entiensàmastratégiedecopinage.

—Anouk?

—Oui?

—Nonrien.

—C’estmalinça.Vas-y,discequetuasàdire.

—TucroisquetureviendrasauxÉtats-Unis?

—Jenepensepas.

—Pourquoi?

—Laquestionestplutôtpourquoij’yretournerais?

—J’ensaisrien,tavieestlà-bas.

—Non,unepartiedemavieest là-bas, lapartiequetuconnais.Mais j’aiaussiunevie ici,et jel’aimaisplutôtbienjusqu’àilyapeu,iln’yapasderaisonquejeparte.

—Quandtoutserafini,jerentreraiàL.A.

—Qu’est-cequetuentendspar«quandtoutserafini»?

—Quandtuserashorsdedanger.

—Tuveuxdirequandtuaurastuémonenfant?!

Etmerde,ilfautquejegardemoncalme,etquej’évitedelaissermahargnereprendreledessus,jedoism’enteniràmastratégieettemporisercetteconversation.

—J’aiditque j’étaisprêtàattendreetà jouer le jeusi tuprenaisdupoids.Si turespectesnotre

deal,jepourraitoutàfaittelaissermenercettegrossesseàterme.

Ilneserendmêmepascomptequ’enprononçantcesmotssonvisagemedit toutautrechose.Jecapte desmicro-expressions de dégoût, jamais il ne permettra que cette situation s’éternise. C’esttellementévident. Ilmefixeradenouveauxobjectifs inatteignablespours’assurerde légitimersongeste. Jene saispas auprèsdequi il voudrait le légitimer,parcequede touteévidence riennemerendraitcetteinterventionacceptable.Jedécidemalgrétoutd’ignorercequejeviensdecomprendreetcontinueàjouerlacomédiecommelui.

—J’espère.Jefaisdemonmieuxpourrespectermonengagementetj’enattendsautantdetapart.

Ils’allongedansl’herbeetobserveleciel.Pourquoiest-cequejel’imite?Jen’aimepaslesavoirsiprochedemoi,jesuismalàl’aise,çamecoûte.Jesensqu’ilmedévisage,maisjedécidedenepasquitter les nuages des yeux, je préfèreme concentrer sur les cumulus que de devoir soutenir sonregard.Maisquandsesdoigtseffleurentlesmiens,jenepeuxm’empêcherd’avoirunmouvementderecul.Ilm’apriseparsurpriseetjen’aipaspucontenirmaréaction.

—Pourquoitufaisça?

—Çaquoi?!

—Ça,retirertamainquandjem’approche,toujoursfuirlecontact.

C’estàsedemandercommentilapuobtenirsondoctorat.Clairement,lesrelationssocialesnesontpassaspécialité.

—Anton,tuterendscomptedelamenacequetufaispesersurmoi?Turéaliseslestressqueçareprésente?Tutedoutesquec’estforcémentcompliquéd’êtresereineentaprésence.

—J’avaisl’impressionqueçaallaitmieuxpourtant,quetut’habituaisunpeuàlasituation,quetucommençaisàl’accepter.

—Jecomposeavec,maisquandonenparleetquetuenremetsjoyeusementunecouchesurlesperspectivesd’unavortement,comprendsquejenesuispastrèsdétendueensuite.

Holajoliemanœuvredepetitementeuse.S’ilgobeuntrucpareil,c’estquejesuisunevraietueuse,entoutemodestie.

— Je sais, je fais des efforts, mais… La situation est ce qu’elle est, et c’est dur d’en faireabstraction.J’aimeraistellementquetuvoiesleschosescommejelesvois.

—Jesais.Lâchel’affaire,n’enparlonsplus.

—Tuveuxdiscuterdequoi?

—Désolée,maisjen’aipasenviedepapoter.Laisse-moijuste…prendrelesoleil.

Jenevoispascommentréussiràluiparlersansm’énerver,jen’aiplusrienàluidire,laseuleidéequimevientàl’espritc’estdelesupplierdemeramenerchezmoi,etjesaisqueceseraitinutile,cen’estpaslapeinedem’épuiseràconverser.Ilfautquejecogite,encore.

10

Dixjours!Dix interminablesetdéprimantes journées.Dixnuitsde torturementale intense.Maisqu’est-ce qu’ils font ?! J’ai dû me poser la question un milliard de fois, plus peut-être. J’ail’impression de traverser les sept phases du deuil. Au début le choc et le déni. Pendant quelquesinstants,jen’arrivaispasàcroirequ’unechosepareillemetombedessus,etducoupj’ensuisvenueàl’étape deux, la colère. J’étais en colère contre Anton,mais j’ai aussi connu une phase de colèrecontreJessieetOwenquitardenttropàmeretrouver.L’étapedumarchandageestsurvenueencoursderoutequandj’ainégociéundélaiavecmongeôlier.Maisdepuisquelquesjours,jesuisenpleinephasededéprime,j’attends,jesuisfatiguéemaisjeneparvienspasàdormir,jesuisdeplusenplusléthargique. Je m’accroche de plus en plus difficilement, l’espoir que l’on vienne à mon secourss’amoindrit chaque jour un peu plus et j’ai peur d’en arriver au stade de l’acceptation. Je suisclairement en train de faire le deuil de ma vie telle que je la connaissais jusque-là. Je dois meressaisir, dans quatre jours je n’aurai plus le choix, il faudra que jeme sorte toute seule de cettesituation.Etjenevoispasd’autreoptionquedel’attaquer,physiquement.

Douzejours.Jesuisfatiguée,jeveuxdormir,jedoisdormir,vraiment,pasjusteuneheureoudeuxpar-cipar-là.Lemanquedesommeilm’empêched’êtrelucide,jen’arriveplusàpenser,jenetrouveplusdesolutions.Mêmesijel’assomme,qu’est-cequejevaisfaire?Oùest-cequejepeuxalleralorsquejesuisàpied?

Treizejours.Cematin,aprèsdeuxheuresdesommeildontj’aiétérapidementtiréeparleseffluvesdu parfum d’Anton qui venait de prendre sa douche, j’ai eu une illumination. Si j’arrive àl’assommer,ilfautsimplementquejeluipiquesontéléphoneportable.EtfinalementpasbesoindeconnaîtresoncodePIN,cen’estpasnécessairepourcomposerunnumérod’urgence.Pourquoijen’yaipassongéplustôt?Peut-êtreparcequejusqu’àprésentjepensaisvraimentm’ensortirautrement,jen’imaginaispasréellementqu’ilseraitindispensabledemettreceplanenapplication.

—Déjàréveillée?

—Humhumm.

—Tuasl’aircomplètementépuisée,tudevraisterendormir.

—Chezmoij’arriveraisàdormir.Maisici…

Ilsoupireetrouledesyeux,exaspéréjesupposed’entendrelamêmerengaine,jouraprèsjour.

—Tuveuxallerprendretonbain?

Toujours le même rituel, levée, tentative de petit déjeuner, bain, pesage en secret pour vérifiercomment jem’en tire,gavageparperfusionetsondependantque je traînedevantdesfilmsoudeslivresjusqu’auprochainrepas.

—Jet’yemmène?

Quoi?!Dequoiilparle?Ilestquandmêmepasentraindemeproposerdemeporter?Jenesuispasimpotentenonplus.Ilfautquejeluiretirecetteidéedelatête.

—Non,c’estbon,jemedébrouilleparfaitementtouteseule.

Jemelèvepéniblementettraînemapauvrecarcassejusqu’àlasalledebain,nonsansêtresuiviedetrès près par mon garde-malade personnel. Je répète les mêmes gestes que ces derniers jours,invariablement, sachant qu’aujourd’hui sera certainement l’ultime fois où je les exécuterai. Labalancemeleconfirme,jesuisloindemonobjectifetjevaisdevoirfairecequis’impose.Jen’aipluslechoixetpourtant…Jecroisquec’estparcequejeneressenspasd’agressionimmédiatequej’ai l’impressionqu’enattaquant lapremière jevaisêtre laméchantede l’histoire,mais il fautquej’anticipe,quej’agisse,carquandluiseradécidé,ilseratroptard,ilseméfieraetserainatteignable.

—Anouuuuuuk,ilfautquetusortes.

Jefaisdurer,jerepoussel’échéance,j’ignorecommentjedoism’yprendre,jen’aipasvraimentdestratégie,sicen’estdel’assommeretd’utilisersonportablepourappelerlessecours.

Je traîne les pieds pour le rejoindre, je n’ai ni plan ni force, juste assez de désespoir pourmedonnerlecouragenécessairepouragir.Ilm’attend,toujoursassis,doscontrelemur,faceàlaportede la salledebain.Cette routinequ’il a instauréem’anéantitunpeupluschaque jour,commesi lepiègeserefermaitpeuàpeuautourdemoi,deplusenplusétouffant.Jemerépètemaintenantmonplan d’action, aller dans la chambre, le laisser passer devant moi et quand il aura le dos tourné,l’assommeravecunechaise.

C’estluioumoi,c’estluioumoi.

Non,c’estluiounous,c’estluiounous.

Ilm’invite à avancer,mais je ne sais pourquelle raison, aumomentoù jem’approchede lui ilessaiedeposersamainaucreuxdemesreinset jefaisunécart incroyablepourl’éviter,percutantgentiment lemuraupassage. Jem’octroiequelquessecondespourme ressaisiret jevoisdanssesyeuxqu’ilcherchequoimedire,maislesmotsnefranchissentpasseslèvres.Jereprendslechemindema cage dorée, faisant abstraction dumalaise qui prend de plus en plus place sur son visage.J’entreetralentisauniveaudelachaisedelachambre,ilfautqu’ilpassedevantpourquejepuissel’atteindre.Évidemmentquejevais l’attaquerparderrièrecommeunelâche,c’estbienlàmaseulechanced’yarriver,ilestbeaucoupplusgrandetfortquemoi,s’ilmevoitvenirilmecontrerasansdifficultéetjesuiscertainedemeretrouverficeléeaulitmédicalisésansaucunepossibilitédem’ensortir. Il me jette un coup d’œil, mais apparemment mal à l’aise par l’incident d’il y a quelquessecondes, il continue d’avancer pour ne pas affronter mon regard. C’est le moment ou jamais,j’attrape la chaise par son dossier et… merde elle est vachement plus lourde que ce que jem’imaginais.Jereposemon«arme»,jen’arriveraijamaisàquoiquecesoitaveccetteenclume!Jenepourraispasprendrelemoindreélan,jenecroismêmepasêtrecapabledelasouleverau-dessusdematête.Ilfautquejetrouveautrechose,unobjetpluslégeretquejemanipuleraissanspeineetquisoitassezdurpourleblesser.Jesaisquejesuispriseparletemps,jen’aipassouventl’occasiondesortirdemonlitetc’estmaintenantquejedoisagir,ilneseméfiepasetnes’yattendpas.Jescrutelapièceetportemonchoixsurlevaseenverreposéprèsdelabaievitrée.Encorefaut-iltrouverunestratégiepourm’enapprochersansavoirl’airsuspecte,surtoutqu’ilvientdes’installerdansl’undesfauteuils.Jemepositionnefaceàlafenêtre,droitecommeuni,inspectantl’horizon,enespérantqueçalepousseraàagir.

—Anouk?

—Humm…

—Çava?

—Ouais.Jesuisépuisée.

Jenesaismêmepascequim’affaiblit leplus, lafatiguephysiqueoumentale, lesdeuxgénéréesparsaprésence,maisjemegardedeleluidire.

—Tudevraistecoucherdanscecas.

—C’estpaslapeine,sij’arrivaisàdormir,ilyalongtempsqueceseraitfait…Anton,est-cequ’ilyalamoindrechancequeturenonces?

Ilsoupire,commed’habitude,ilestdésemparéparcegenredequestionquiluirenvoiel’horreurdecequ’ilm’obligeàendurer.Comprendra-t-ilunjourqu’ilmefaitplusdemalquedebien?Ilselève,etjesensqu’ilveutserapprocherdemoi,maisilhésiteetseravise.Ilseretourneetavantdesavoircequ’ilvatenter,jesaisisrapidementlevaseetluiassèneunviolentcoupàl’arrièreducrâne.MonarmevoleenéclatsetAntons’écraseausoldansunbruitsourd.

—HAAAAPUTAIN!!

Ilsetortilleparterreensetenantlatêtetoutengrognant.Jenem’attendaispasàça.Jepensaisqu’iltomberaitdanslespommesimmédiatement.Jeregardefrénétiquementautourdemoipourmettrelamainsursonportable.

Quelleconne,jepouvaispasvérifieravantoùilétait?!

Prisedepaniquejefouillelefauteuildanslequelilétaitinstallépuisobservelesmeublesalentour.Rien.Maisoùestceputaindetéléphone,jenepeuxpasavoirfaittoutçapourrien?C’estmaseulechance.Ilvam’attraperetjen’auraiplusjamaisl’opportunitédem’ensortir.Jeleregardegrogneretpester.Ildétachel’unedesesmainsdesatêtepouryjeterunœiletconstaterqu’elleestcouvertedesang.Ilfulmined’autantplus.Ilfautquejemedépêche.Etlàenfin,jelevois.Danslapochearrièredesonjean.Jeneprendspas lapeinederéfléchir, je l’attraperapidementet foncevers lasortie leplusvitequejepeux.Iltentedem’interceptermaisilsembletropsonnépouryarriver.

—ANOUK!!NON!!Restelàputain!!ANOUK!!

Jedescendslesescaliersleplusvitepossibleetmedirigeverslaporte.Fermée.Etmerde.Ilfaudraque j’utilise une fenêtre. Je regarde son mobile, il n’y a même pas besoin de code pour ledéverrouiller, un simple glissement de doigt et c’est bon. Changement de plan dans ce cas, jetéléphoneà Jessie. Il estéquipé, ilpourra localisermonappel, ilnedoitespérerqueça,et il a lesmoyensdemeretrouversijeluidonnecepetitcoupdepouce.Mesmainstremblent.Jen’arrivepasàcomposerlenuméro.Maisaprèsavoirtapélescinqpremierschiffres,unelistedecontactspotentielsapparaît,dontl’und’euxintitulé«FrèreAnouk».Jecliqueimmédiatementdessus.

RÉPONDEUR!!

Le répondeur ?!Sérieusement ?!Mais comment c’est possible ?Comment son téléphonepeut-ilêtreéteintalorsqu’ildoitattendredemesnouvelles?!C’estpaspossible?!Oualorsilnemecherchepas.Jetentedegarderunœilsurlesalentoursaucasoùmongeôlierdébarquerait.Jereviensàmonpland’origine,appelerlessecours.Jecomposelenumérodelapolice.Dites-moiquej’hallucine,je

suis en attente.En attente !! Je vais avoir le temps de crever dix fois avant qu’ils ne se décident àrépondre.Jemeprécipitepourouvrirl’unedesfenêtresetpositionnerunechaisedevantpoursortir.Pouralleroù?!Iln’yarienparicietpasunevoiturepourmetirerdecetrou.

Finalementjechanged’idéeetlaisseleschosesenl’étatpourlaissercroirequejesuispartieetmemetsenquêted’unebonnecachette.

—Allô?Allô?!

Merde!Çaadécroché,etdanslapaniquejen’aimêmepasentendul’opératrice.

—Oui!Oui!Jesuislà.Ilfautquevousm’aidiez,j’aiétékidnappée,jenesaispasoùjesuis,iln’yarienautourdemoi.

—Oùestlapersonnequivousaenlevée?

—Àl’étage.Onestdansunemaison.J’aipasréussiàl’assommer,ilnevapastarder,ilfautquevousmeretrouviez.

—Nevousinquiétezpas,jesuisentraindevouslocaliseretuneunitédepolicevavenir.Est-cequevotreagresseurestarmé?

—Je…Je…J’ensais rien. Ilm’adroguéepourm’amener ici, jen’ai jamaisvud’arme jusqu’àprésent.

—Madame,nousvousavonslocalisée.Unevoitureestenroute.Quelestvotrenom?

— Anouk Davis. Il faut que vous préveniez mon ami, Owen Henderson, il doit être foud’inquiétude.Vouspouvezlejoindreau…

—OK,jeleferai,pourl’instantvousdevezvouscacherenattendantquenosagentsarrivent.Est-cequ’ilyaunepiècedanslaquellevouspourriezvousenfermer?

—Je…Jen’ensaisrien.Jeconnaispascettemaison,unpeul’étagemaispaslerez-de-chausséeet…

Subitementj’entendsunbruitsourdaupremier,c’estlui,ilbouge.Jereprendsenchuchotant.

—Ilarrive,ilarrive!Ilfautquevousvousdépêchiez!

Jeregarde toutautourdemoi,et repèreplusieursportesenavançantdans lesalon.L’uned’elles

donnesurunechambre,jem’yfaufilediscrètementetdécidedemecacherdansleplacard.C’estbête,mais ça pourraitmarcher. S’il croit que je suis sortie par la fenêtre, je pourrais gagner quelquesprécieuses minutes en attendant les renforts. Un téléphone fixe est posé sur l’un des chevets, jel’attrape rapidementavantdemeprécipiterdans leplacard. Ilestvide.Complètementvide.Aucunechancedemecamoufler.J’entreàl’intérieur,coulisselaporteetcontinuemaconversation.

—Vousavezappelélenuméroquejevousaidonné?

—Non,pourl’instantjeresteenligneavecvous,jelecontacteraidèsquetoutserafinietquevousserezensécurité.

—Je…Jedois…Ilfautquejel’appelle.

—Çapeutattendre,nefaitespasdebruit.Patientezjusqu’àcequenotreéquipesoitlà.

—Vousnecomprenezpas,s’ilsn’arriventpasàtemps,jenesaispassij’aurail’occasiondeluireparler,ilfautquejeluiparle.

— Ne raccrochez surtout pas, il faut que je puisse avoir le plus d’informations possible pourguidernosagents.

—Jeneraccrochepas,j’aitrouvéunautretéléphone,jevaism’enservir,justeuneseconde,vousnecomprenezpas,s’ilmemetlamaindessus…jedoisl’appeleravant.

Jenesaispascequejecrains,siAntonmedébusque,est-cequ’ilmeferadumal,blesséparmonattitude,oualorsm’emmènera-t-ilailleurs,quelquepartoùl’onnemeretrouverapasetoùilmettrasonplanàexécution?Oupeut-êtrequ’ilvasecontenterdefairecequ’ilavaitprévudepuisledébut,etdanscecasjenecroispasquejepourraism’enremettreetaffronterleregardd’Owenaprèscela.Sijedevaisperdrecetenfant,jenem’enrelèveraispasetjerefusedel’entraînerdansmachute.Sijedoisluiparler,c’estmaintenantoujamais.Mesmainstremblentetjepeineàcomposerlenuméro.Àchaquesonqu’émetlecombinéquandjetapesurlestouches,jecrainsd’êtrerepéréeetmonangoisses’accroîtàchaqueseconde.

Premièretonalité…Deuxièmetonalité…

—Ouiallô.

MonDieuc’estlui,savoix…

Jen’arrivepasàycroire,j’aitellementespérél’entendredenouveau,j’aitellementpenséchaque

motquejevoudrais luidiresi j’avais l’occasiondeluipassercecoupdefil.Maismaintenantplusaucune syllabe ne parvient à franchir l’énorme boule d’émotions qui s’est formée au fond demagorge,leslarmesdébordentdéjàdemesyeuxavantquejen’aieréaliséqu’ellesétaientlà.

—Allô?!Allô?!Quiest-ce?

—C’estmoi.

Mavoix,bienplusaiguëqu’àl’ordinaire,estsortiedansunchuchotisàpeineaudible.

—ANOUK?!Anoukc’esttoi?Oùes-tu?!Qu’est-ce…

—C’estmoi.Je…Je…C’estAnton.C’estAntonquim’aenlevée.

—Oùest-cequetues?Etlui?Ilestoù?!?

—Jesuiscachée,dansunplacard.Jesuisenligneaveclapolicesursonportable,ilsvontarriver.Jevoulaisquetusachesquejevaisbien,que…

—OÙES-TU??Àquelleadresse?

—Jenesaispas,lapolicealocalisémonappel,ilssontenroute.

—Maligneestaussisurveillée, jevaisprévenir lesflics, je terejoins,net’enfaispas.Onvateretrouver.

—Sivousn’arrivezpasàtemps…ilfautquetusaches…

—Anouknedisrien,toutvabiensepasser.

—Jene suispas inquiètepourmoi,Owen,peu importe cequim’arrivera.Tudois connaître lavérité,jenemesuispasenfuie,jevoulaisresteravectoi,jenevoulaispastequitter…Jet’aime.

—Nedispasça,nedispasçacommesic’étaitunaurevoir.

—Cen’estpaslecas,c’estjuste…Chuttt.Attends.

—Anouk?!ANOUK?!Qu’est-cequ’ilsepasse?Jet’enprie,réponds-moi!!

Jeneprononceplusunmot,j’aientendudespaslourdsdanslesescaliers.Jen’oseplusémettrelemoindresonniamorcer lepluspetitmouvement. Jepatiente,attentivement,à l’affûtd’unbruitqui

pourraitm’indiquercequ’ilestentraindefaire.Toutestsilencieuxàl’exceptiondesdeuxtéléphonesquej’aientrelesmains,jelespressecontremoncorpspourenétoufferchaquerésonance.Jeneveuxplusécoutercequ’ilsontàmedire,jenepourraisdetoutefaçonpasrépondre.Ilmevientsubitementune idée, j’accole les deux combinés l’un à l’autre, espérant ainsi qu’ils pourront échanger desinformations,Owensurmonkidnappeur,lapolicesurmalocalisation.C’estlemieuxquejepuissefaire.C’esttoutcedontjesuiscapableenréalité.

J’entends une sorte de frottement, il doit traîner les pieds par terre, il grogne, rumine etbrusquementpousseuncrientapantdanscequidoitêtreunmeuble.

—ANOUK!!!Putain,ANOUK!!!Maisoùtues?!C’estpasvrai…

Lebruit de la porte d’entrée qui s’ouvremedonne l’occasion de remettre les téléphones àmesoreilles,undechaquecôté.

—Ilestdehors.Ilpensequejesuissortiedelamaison.

Mes interlocuteurs s’excitent tous les deux en me hurlant je ne sais quoi, je n’arrive plus àdistinguerquoiquecesoit.

—Chut.Jenecomprendsrien,vousparleztouslesdeuxenmêmetemps.Danscombiendetempslessecoursserontlà?

—Huitminutess’iln’yapasdesouci.

—Jememetsenroutep’titcœur,onm’aditoùtuétais,jemedépêchedeterejoindre.C’estpasàcôtémaisjefonce.

Cesmotsmefontunbienfou,j’arriveàretrouverl’espoird’êtredenouveaubientôtdanssesbras.C’esttellementinespéré,jefinisparpenserquejevaism’ensortir,quel’onvas’ensortir,p’titboutetmoi.Etpourtant,quelquechosefreinemonenthousiasme,jen’osepluscroire.

—Nevienspas.

—Quoi?!Maissi,rassure-toi,j’arrive.

—Je t’enprie,nevienspas, je t’enprie,si lapolicemeretrouve, ilsmeramèneront,maiss’ilsn’arrivaientpasàtemps…Jeneveuxpasquetusoislà.

—Nedispasn’importequoi,jeviens.

Jemetais,prisonnièredestiraillementsentremoncœuretmaraison.J’aitellementbesoindelui,unbesoinviscéral,maismatêtemedictetoutautrechose…

—Anouk?Dis-moiquelquechose.

—Qu’est-ceque…quiestàl’appareil?!

C’estpaspossible,Anton!Iladûdécrocherunautrecombiné.

Jesuispétrifiée,jeneparviensplusàprononcerlemoindremot.Ilvacomprendrequejesuisdanslamaison.Çaneluiprendrapaslongtempspourmemettrelamaindessus,sansdouteavantquelesrenfortsn’arrivent.Quellemerde!

—QUIESTÀL’APPAREIL?!

Jenesaispascequej’espère,cequiestsûrc’estquejenedirairien,j’ensuisincapabledetoutefaçon.

—C’estOwen, espècede taré. J’te jureque si tu lui as faitquoiquece soit, je te tueraidemespropresmains. Je teconseillede tecasser leplusviteet leplus loinque tupeuxparcequesi je techoppe,t’auraspasàt’inquiéterdesproblèmesauxquelstut’exposesaveclajustice.

—Jenepartiraipassanselle.Pastantquejen’auraipasréglélasituation.T’estellementcondecéderàtoussescapricessanstenircomptedesrisquesqu’elleprend.Ellen’enfaitqu’àsatête,ellenesaitpasêtreprudente,c’esttoiquidevraisl’êtrepourelleettuestotalementinapte.Doncmaintenantnevienspasteplaindresijemechargedusaleboulotàtaplace.

—Maist’escomplètementdingue.Elleestsuiviepardesmédecins,elleapasbesoindetoi.Onafaittoutcequ’ilfallait.

—Maisbiensûr!C’estpourçaqu’elleadûsignerunedéchargepourquitterl’hôpitalladernièrefois.Anouk?!Tum’entends?Situm’entends,sorsdetacachettes’ilteplaît.Jet’aidéjàexpliquétoutça,netefaispasdesouci,çavaaller.Vienss’ilteplaît.

—Elledoit être loindéjà.Elle a laissé le téléphone allumépourqu’onpuisse localiser l’appel,maiselles’estcarapatéedèsqu’elleapu.Ellecavaleassezviteetelleasuffisammentd’avancepourquetunepuissespaslarattraper.

—Tu rigoles ou quoi ?!Ça prouve bien que tu ne réalises pas son niveaude faiblesse.Elle nepourrapasallerloin.Etelleenestconsciente.Detoutefaçont’étaisentraindeparler.Tuvaspasme

fairecroirequetudiscutaisavecuntéléphoneabandonné.C’estclairqu’elledoitêtrelà.Tusaisquoi,ellen’auraitpasdût’appeler.Mauvaischoix,letempsquet’arrivesonseraloin.

Surce,ilraccroche.Owens’énerveàl’autreboutdufiletjurecommejamais,j’aiàpeineleloisirdesoufflerunchutquej’entendsdumouvementdanslespiècesvoisines,desportesqu’onouvreetqu’on ferme rapidement.Celle de la chambreoù jeme trouvene fait pas exception. Je sursaute etm’écrasecontrelemurdanslequelj’aimeraisdisparaître.Maisillarefermequasiinstantanément.

—ANOUK!!ANOUK!!Putainmedispasquetut’escachée?!Sorsdetaplanque!Nem’obligepasàretournertoutecettefoutuebaraque!!ANOUK!!

Évidemmentquejevaisl’obligeràretournertoutecettebaraque.Siçapeutleralentir…c’esttoutcequ’ilmereste.Gagnerdutemps.

11

Antoncontinuedebrailleretj’arriveainsiàsavoirs’ilserapprocheounon,etsijenem’abuseils’éloignepuisqu’ilcommencesesrecherchesapprofondiesparl’étage,àencroirelebruitdesespasquiremontentlesescaliers.Legrésillementquej’entendsdanslescombinésquej’aitoujoursdanslesmainsm’indique quemes sauveurs tentent désespérément de renouer le contactmais je n’ose plusémettrelemoindresondepeurd’êtrerepérée,maiségalementaucasoùmontraqueurdécideraitderedécrocherletéléphone.Leraffutau-dessusdematêtenelaisseaucundoute,ilperdpatienceetsonniveaud’énervementestentraindegrimperenflèche.Silapolicenedébarquepasrapidement,ilestclairquejevaispasserunsalemoment.Pasunsalequartd’heure,non,çarisquededurerbienpluslongtempsqueça.

Jerêveouilbalancedesmeublesausol?Ilavraimentdécidéderetournertoutelabaraque!Jescruteletéléphoneportableavecuneattentionexcessive,guettantl’affichagedelasecondesuivante.J’aibeausavoirqueçan’aiderapasàfairedéfilerletempsplusvite,jenepeuxpasm’enempêcher.Uneminute vingt-deux secondes et il redescend déjà. À ce rythme-là, il ne fait aucun doute qu’ilm’aura débusquée avant que qui que ce soit n’arrive. La porte de la chambre où je suis réfugiées’ouvredenouveau.Misère,ilfallaitqu’ilcommenceparcettepièce.Commeparhasard.Moncorpstout entier réagit à la menace imminente, à ce stade ce ne sont plus des tremblements, ce sontquasiment des convulsions qui secouent ma pauvre carcasse. La paroi coulisse violemment, memettant à découvert, elle rebondit sur la cloison mais quand il m’aperçoit, tapie au fond de macachette,ilinterromptsacoursepourl’empêcherdeserefermeretmetoisedurement.Ilrestestatiquealorsquejeplaquedeplusenplusfortmondoscontrelemur.

—Sorsdelà.

Jebaisse le regard et finispar cloremespaupières.Même si je levoulais, jen’arriveraispas àesquisserlemoindremouvement.Moncorpsestparalyséparl’angoisse,jemesaismalheureusementcomplètementàsamerci.

—Dépêche-toi!Maintenant!

Jesursautemaisnemedéplacepaspourautant,cependantaumomentoùj’entrouvrelesyeux,jelevoisplongersurmoietn’aimêmepasletempsdetenterdel’esquiverqu’ilmesaisitlebras.Ilmetireviolemmentmaismesjambesrefusentderépondreetjeretombeausol,tétanisée,surtoutlorsquejeremarquecette lueurdecolèredansses iris.Mespetitesguibollesseragaillardissentquandilsepenche de nouveau vers moi, mes pieds frottent le sol pour battre en retraite mais le mur m’en

empêche.Dansunmouvementbrusque,jefrappesamainpouréviterqu’ilmetouche.

—Sorsdelàouc’estmoiquilefais!

Mais sérieusement,qu’est-cequ’il espère?Que jevais le suivrebien sagement et acceptermonsort?Sijemesuismontréecoopérativejusqu’àprésent,c’étaituniquementdanslebutdegagnerdutemps.Nel’a-t-ilpascompris?

Ilretentesachanceettoutaussivigoureusementjelerepousse,ilpersévèreetjebrassel’airpourledissuaderd’insister.Ilmemaîtriserapidement,tenantmesdeuxpoignetsdansunemain,etsaisitcequis’avèreêtreuneseringuehypodermiquedanslapochearrièredesonjean.Ilretirelaprotectionsurl’aiguilleavecsesdentsetquandjecomprendscequ’ils’apprêteàm’infligerj’essaiedetoutesmesforcesdemedégager.Jecrie,hurle,supplie,pleure,maisc’esttroptard,sadécisionestprise.J’aibeaumedébattre,jen’arrivepasàluiéchapperetm’effondre,vaincue,aumomentoùilenfoncel’aiguilledansmonépaule.

—Qu’est-ceque…qu’est-cequec’est?Qu’est-cequetum’asinjecté?!

J’ignorepourquoij’aiposélaquestion,jelesais,lespremierseffetssefontdéjàressentir.

—Dequoit’aideràtesentirmieuxetàtereposer,etçamepermettradem’occuperdetoi.

Son bras me soutient dans le dos jusqu’à ce qu’il remarque que mes forces m’abandonnent, ilrelâchealorssonemprisesurmespoignetsetsoulèvemesjambes.Jeluttepourresterconsciente.Ilsedirigeversuneportequejen’aiencorejamaisvuedéverrouillée.C’estunaccèsdirectaugarage.Etmerde, si j’avais su…C’est foutu. Il va nous emmener loin d’ici avant que l’on ne viennemesecourir.

Maiscontrairementàcequej’imaginais,ils’orienteversl’arrièredelavoitureetouvrelecoffre.C’estpaspossible, ilnevaquandmêmepasm’installerà l’intérieur!Matêtepèseune tonne,et,àcontrecœur,jesuisobligéedel’appuyercontresontorse.Ilsepencheetjecrainsqu’ilm’ybalance.J’entends un bruit de sac plastique et je comprends qu’il vient de récupérer quelque chose. Avantmêmeque jene réalisequoiquecesoit ila faitvolte-face,direction lesescaliers, retourà lacasedépart.

J’ail’espritembrouillé,maisjedécidedecompter,compterlessecondesquipassentpouressayerdegarderlanotiondutemps.Jen’aipaslamoindreidéedudélaiqu’ilvamefalloirencoreattendremaispasplusde…rhoooj’ensaisrien,maisilnedevraitplusyenavoirpourlongtemps.

—39,40,41…

—Qu’est-cequetudis?

—Hummrien.

Ilmedéposesurlelitmédicalisé,assezdélicatementquandonconsidèrecequ’ilseraitendroitdem’infligeraprèslecoupquejeluiaiasséné,maiscettefois,aucunefaveur,ilmeligotelespoignetsetleschevillesaveclesliensdecontention.Jegesticulevaguement,testantlarésistancedesattaches,maisilfautêtrelucide,Antonm’aprivéedesdernièresforcesqu’ilmerestait.Ilavaitraison,cequ’ilm’ainjectévaluipermettredes’occuperdemoiàsaguise.Jel’observe,lesyeuxlégèrementvoilés,il vide sur une table le sac qu’il vient de récupérer. Des seringues, des poches de perfusion, desflacons contenant je ne sais quoi, des champs stériles, des compresses. Il est en train d’installerminutieusementunplateaucommes’ilpréparaituneintervention.Jecrains lepiremais jecontinued’espérerqu’engagnantquelquesminutes…

Il se rapproche et me toise intensément, son regard dur plongé dans le mien complètementdéconnecté. Une lueur d’incertitude et de doute semble poindre dans ses iris, ou est-ce moi quicherche à me convaincre qu’il y a encore une infime chance qu’il change d’avis ? Ses doigtseffleurent le dos de ma main et je n’ai même pas l’énergie de me défaire de ce contact quasidouloureux.

—Anouk,souviens-toiquejefaisçapourtoi,uniquementpourtoi.

Jehausselessourcils,ouentoutcasj’essaie,cen’estpaslapeinedeluiparler,jel’aidéjàimplorécentfoiscesderniersjours,ilneveutpasm’entendre.Ilrapprochelepieddeperfusion,yaccrocheunepocheetlaraccordeaucathétersurmajambe.Jejouelesrécalcitrantesmêmesijenemeleurrepassurmonaptitudeàl’empêcherd’agircommeill’adécidé,chaquesecondegagnéeestprécieuse,vitale.Ilarriveàsesfinsaprèsavoirpressémongenoupourm’immobiliser,nonsansmefairemal,maiscen’estpasçaleplusdouloureux.Jeneparviensmêmeplusàlesupplier,lagorgetropnouéepar les sanglots qui inondent toutmon visage. Le liquide commence à s’écouler dans le tuyau aurythmedemes larmes.Mais jecomprendsque lepireestàvenirquand il saisituneseringuequ’ilinsèreprèsduconnecteur.Moncœurs’emballe, jen’arrivepasàcroirequetoutvas’arrêterainsi,surladécisionunilatéraled’untaréquipensem’aideretquiesttoutsimplemententraind’annihilertoutespoirenmoidecontinueràavancerdanslavie.

Ilpressedoucementsurlepistonetc’estàcetinstantquej’ail’impressiondereconnaîtrelebruitd’une voiture, ou plus précisément de pneus sur les graviers. Le timing ne pouvait pas être plus

mauvais.Jecomprendsquejen’aipasd’hallucinationauditivequandjeremarquequ’Antonsecrispebrutalementetobserveautourde lui.Enquelquessecondes,on tambourineà laporte.Mongeôlierresteimmobile,àsontourd’êtretétanisé.Sesyeuxseposentsurmoi,ilestprisaupiègeetillesait.Denouveauxcoupsretentissentetcettefoislesagentsdepolices’identifient.Qu’ilsentrent!Vite!Leregarddanslevide,ilestclairquesoncerveaucarbureàpleinrégimemaisjenevoispascequ’ilpourraitfaire.

Jeprofitedecemomentd’inattentiondesapartettenteletoutpourletout,j’inspireprofondémentet pousse un hurlement à en exploser les fenêtres. Il sursaute, surpris, et applique samain surmabouchepourquejemetaise,maislemalestfait.Lespoliciersinsistentetfinissentparentrer.Leursvoixsontplusnettes,jelesdistinguemieux.Ilsm’appellentmaisjenepeuxpasrépondre.Jetortillematêtepourqu’ilmelibèremaisquandilsedécideenfin,mepermettantdecrier«Enhaut!»,ilenprofitepourtripoterledébitdelaperfusion.Laportedelachambres’ouvresurdeuxagentsarmésquimettent immédiatementAntonenjoue.L’und’euxluidemandedes’écarterdemoipendantquel’autremerejoint.

—Est-cequeçava?

—Non!Arrêtezça!Arrêtezlaperfusion!Toutdesuite!!

Ilrengainesonpistolet,observeletuyausanstropsavoircomments’yprendre.

—Libérez-moi!Libérez-moimaintenantouarracheztout!

Ilmedétacheunpoignetettrèsvitejepincelatubulureauplusprèsdemajambepourqueriennepuissecontinueràsedéverserdansmonorganisme. J’ai la têtequi tourne, jemesuis relevée troprapidement,j’aimalaucœur,maisjenelâcherien.Monsauveurcontournelelitpourôterleliensurmon autre bras et s’occupe ensuite de mes chevilles. Maintenant que je ne suis plus entravée, jem’attelleàmedéfairedecettesaletémeurtrière.

—Mademoiselle,vousnedevriezpas,uneéquipedesecoursestenroute,unmédecinvaréglerça.

—Ce sera trop tard si je laisse cette saloperie, le mal sera fait. Il m’a injecté une substance,j’ignorelaquelle,maiscen’estpaspourmonbien.Tenez,prenez-le,c’est leflaconquiest là.Hoomerde,j’ailatêtequitourne.

Je ferme lesyeuxmaisça tangueencoreplus fort. J’ai lanausée, j’ai l’impressiond’êtresurunbateau un jour de forte houle. Je sens que je vaism’évanouir etmalheureusement il n’y a pas demédecinautourdemoi.Entoutcasaucunquejeveuillesolliciterpourmedonneruncoupdemain.

Jem’accrochedetoutesmesforcesautuyauquejeserreleplusfermementpossible,etquandjesensmonespritemportéparlabrumeetm’entraînerenarrièrepourm’écrasersurmonoreiller,jerestecramponnée.Jegrimaceàladouleurquejeviensdem’occasionnerentirantsurtoutcemerdier,jenesaispasexactementceque j’ai fait, si j’aidétaché la tubulureou toutarraché,mais je suis sûred’avoirstoppélaprogressionduproduit.Lesombress’installentetenvahissenttoutmonchampdevision.

—ANOUK !! Putain, qu’est-ce que t’as encore foutu ?! ANOUK !! HEY du con ! Appuyez là-dessus!Toutdesuite!Putain,relâchez-moi,laissez-moim’occuperd’elle!

Les voix sont de plus en plus lointaines, le policierme parle,me demande… j’en sais rien, jen’attendsplusquelemédecinsoitplusrapidequelesflicsetqu’ilm’emmèned’urgenceàl’hôpital.Quieûtcruqu’unjourc’estmoiquiseraissipresséed’yaller?Maissilamoindregouttedeproduitaréussiàatteindremaveine,jesaisquelasituationpourraitdégénérertrèsvite.Jevoudraisrésister,voirledocteur,luiexpliquer,maislapremièreinjection,lafatigueetlesdernierseffortsfournisontraisondemoi.Mespaupièresserefermentsurunmondequis’estassombriaufildes joursetquej’espèreredécouvrirenpleinelumièreàmonréveil.

Dubruit,pleindebruits,tropdebruits…qu’est-cequ’ilsepasse?Jefroncelenezetsursauteenréalisantquequelqu’untientmonpoignet.Jeleramènerapidementversmapoitrinetoutenouvrantlesyeuxpourcomprendrecequ’ilm’arrive. J’observenerveusement l’hommequiestassisàmoncôté,maislestéthoscopeautourdesoncounelaisseaucundoutesursonidentité.

—Mademoiselle,commentvousvoussentez?

—Hummm…

—Nevous en faites pas, on va vous emmener à l’hôpital.Mes collègues sont allés chercher lebrancardportable.

Jesuisentraindevisualisercedontilparleetjesaisdéjàqueçavamalsepasser.

—Jevais…jevaisdescendre.

Pourquoi je débite une connerie pareille, je sais pertinemment que je n’y arriverais pas. Etpourquoiilaffichecesouriredébile,lui?

—Onm’avaitprévenu.Nevousinquiétezpas,onprendsoindevous.Toutirabien.

—Qui?Quivousaprévenu?

—Lapersonnequivousdétenait iciaditquelquechoseàcesujet,etsurtout j’aieuunappeldevotremédecinsurlaroute.Apparemmentvousétieztrèsrecherchéeetdèsqu’elleasuqu’onvenaitvousrécupérer,elleacontactéletriageetonmel’apassée.

—Oùest-il?

—Qui?

—Celuiquimeretenait?

—Nevoustracassezpas,ilestenbas,avecdesagentsdepolice,etmenotté.Ilnevousferaplusrien.

J’aiunmalfouàparler,jesaisqueletranquillisantqu’ilm’aadministréfaitpleinementsoneffetetj’arriveàpeineàarticuler,maisjedoisabsolumentessayerd’intégrercequ’ilsepasse.

—Qu’est-cequ’ilm’ainjecté?

—Laperfusion,cen’étaitriendedangereux,iln’yavaitpasderaisondevousmettredanscetétat.Maisjecomprendsquedansledoutevousvoussoyezinquiétée…

—Nonnonnon!Leflacon!Ilnevousapasdit?

—Qui?Dequoivousparlez?

—Le policier, le flacon.Anton a rajouté quelque chose à la perfusion.Cherchez un flacon quitraînesurleplateau!

Ilselèvebrusquementetfarfouilleparmilesdifférentsproduitsprésentsjusqu’àtrouverceluiquiestvide.

—Vousêtessûrequ’ilvousl’ainjecté?

—Jesuiscertainequ’ill’aajoutéàlaperfet,dèsquej’aipu,j’aiinterrompuleflux,maisquantàsavoirsiquelquechoseestpassé…

Deuxpersonnesarriventaveclebrancardetlepositionnentprèsdemonlit.

—Trèsbien,onvasedépêcherd’yaller.Votremédecinnousretrouverasurplace,etpourvotremari…jenesaispastropoùilenestmaisonnevapasl’attendre.

—Commentça,oùilenest?

—Ilestenroutepournousrejoindre,maisjenesaispaspourcombiendetempsilenaetonestassez pressés. De toute façon s’il arrive ici après nous, quelqu’un lui dira où nous sommes et ilpourranousrattraper.

—Ilnefautpasqu’ilvienne.Jeneveuxpasqu’ilmevoiedanscetétat.Etpuis,s’ilcroiseAnton…Ilpourraitfaireuneconnerie.

—Rassurez-vous.Onparleradeçasurlaroute.Nousdevonsvousinstallersurlebrancardpourl’instant.

—Vousallezm’yattacher,hein?

—Bah,sionneveutpasquevoustombiezdanslesescaliers,çavaudraitmieux,oui.

—OK,alorsjepréfèreessayerdedescendreàpied.

—Iln’enestpasquestion.Écoutez,onn’apasletempsdenégocier,c’estlameilleureoption,onn’apasuneminuteàperdre.

—Commentça?Ça…Jesuisrestéeinconscientelongtemps?

—Aumoinsvingtminutes.S’ilvousplaît.

Ilmelanceunregardsignifiantqu’ilattendmonfeuvertpourm’installersurcemauditbrancard.Jeprendsquelquessecondes,letempsderassemblermoncouragepouracceptercequim’estleplusinsupportable,êtreattachée.Jehochedoucementlatêteetmesmainstremblentdéjà.

—Nepleurezpas,toutvabiensepasser,jevousprometsqu’onvaparfaitements’occuperdevous.

—Cen’estpasça…Je…Êtreattachée…c’estau-dessusdemesforces.

Lesdeuxacolytesdumédecins’approchentsurunsignedecedernier.Ilsmesoulèventetjegémislorsquel’und’euxsaisitmajambemeurtrie.Ilsm’installentdélicatementetc’estmaintenanttoutmoncorpsquiréagitàlavuedessanglesqu’ilss’apprêtentàrefermersurmoi.Jesuisassiseetl’und’euxposesamainsurmanuquepourm’inviteràm’allonger,maisjesaiscequecelaimpliqueetjetardeà

m’exécuter.

Subitement un gros vrombissement résonne et le bruit des graviers qui volentm’indique qu’unvéhiculearrivedevantlamaison,etpasn’importelequel,jemiseraistoutcequej’aisurlefaitquec’estunemoto,etjesaisdéjàquiestauxcommandes.Trèsvitej’entendsbeaucoupd’agitationaurez-de-chaussée,descris,desprotestations,despasquigrimpenttrèsrapidementl’escalier,etfinalementlevoilà.

—Owen.

J’aisoufflésonnomdansunmurmureàpeineaudible,j’aitellementattendu,tellementespéré,etenfin, il est là. En me voyant, il s’est brutalement arrêté pour m’observer attentivement. Je ledévisage, mes yeux voilés par les larmes, le regard suppliant. Je ne sais pas exactement ce quej’implore,sonpardon,sonindulgenceousaprésence,maisilsemblecomprendre.

—Onval’emmeneràl’hôpital,sivousvoulezvouspouveznoussuivre.

—Reculez!Nel’attachezpas!

Ilfoncedansmadirectionmaisralentitaumomentd’entrerencollisionaveclacivière.Ildétachela sangle quimaintenait déjàmesmollets, passe très délicatement un bras dansmondos et l’autresousmesgenoux.Ilmesoulèveavecunedouceurinfinie,commesij’étaislachoselaplusfragilequisoit. Il me plaque contre son torse et jem’y réfugie avec un soulagement que je ne croyais pluspossible.Jesuisentrainderetrouvermonchez-moi,etquandjelesurprendsàhumerl’odeurdemescheveux,jesaisquec’estvrai,ilestvraimentlà,j’airéintégrémonfoyer.

Lemédecintentedeledissuaderdem’arracheraubrancardmaisnousn’entendonsplusrien,noussommesensemble,dansnotrebulle,plusrienn’existe.

Ilfileverslesescaliersetsedirigedirectementversl’arrièreducamiondessecours.

—Quandvousvoulez,vousouvrezcetteambulance!

Lafineéquipearriveetréinstallelematérieldanslevéhicule.Monhommeygrimpe,s’assoitsurlacivièretoutenmegardantcontrelui.Ilsepencheversmoi,rapprochantsabouchedemonoreilleetm’enveloppantdansunesortedecoconprotecteur.

—Jet’aime.

Cechuchotementestsibonàentendre.J’aimeraisluidiretellementdechoses,maisjen’enaipas

la force et toutme semblede toute façondérisoire en l’instant, je veux justeprofiter de lui, de sachaleurquimeberce,decettesymbioseretrouvée.Ilcaressedélicieusementmajoueetjeneréalisepasimmédiatementqu’ilestentraind’effacerleslarmesquidévalentinexorablementmonvisage.Jeposemamainsurlasiennepourensavourerlecontactetfermelesyeux.Etquand,aprèsquelquesdélicieuses secondes, je perçois son souffle surma joue, j’arrive enfin à arborer une esquisse desourire à l’idée ce qu’il s’apprête à faire. Ses lèvres effleurent lesmiennes dans ungeste suave etapaisant.Mais lorsque je sensqu’il commenceàm’échapper, je retiremamainqui reposait sur lasiennepourlapressersursanuqueetl’attirerdenouveauversmabouchequileréclame.Ildéposeun petit baiser puis goûte ma lèvre inférieure délicatement, sa langue me frôle et mon corps seréchauffedéjà.

Unraclementdegorgeveutnousobligerànousinterrompre,maisjem’enfiche,j’aitropbesoindelui,j’aitellementattendu,tantespéré,pourlâcherpriseaussifacilement.Etquelbonheurdevoirqu’ilestsurlamêmelongueurd’ondequemoi,ilnesedétachepasunesecondeetsemontremêmeplusentreprenant,sapaumesurmajouesefaitplusfermeetjesensqu’ilsecontientpournepasselaisseremporterparlavaguededésirquiestentraindeserépandresurnous.

—S’ilvousplaît.Jedoisvérifiersesconstantesetessayerdeluiposeruneperfusion.

Owen se recule de quelques millimètres, colle son front contre le mien et je me délecte de cecontactrassurant,quoiquefrustrant,etsavourelachaleurdesonsoufflequicaressemonvisage.Ilseredresseet jefinisparouvrir lesyeux.Sonregard…Ilaunéclat trèsparticulier.Ilest tellement…bienveillant,tendre…non,enfaitilestjusteamoureux,etjen’aiaucunmalàimaginerquelemiensoitlemiroirdesespropresémotions.

—Laissez tomberpour laperfusion, jen’aiplusdeveinepotableetvousn’allezpasmepiquerdansunejambe,pasmaintenant.

Je tendsmon poignet aumédecin pour lui permettre de contrôlermon rythme cardiaque etmatension. Maintenant que je ne suis plus hypnotisée par l’aura de mon homme, je réalise que levéhiculedanslequelnoussommesfileàtoutevitesse,lasirènehurlantavecforce.

—Qu’est-cequ’ilsepasse,moncœur?

La triste réalitéet surtout l’abominableépéedeDamoclèsquipèsesurmoi,etenparticuliersurp’titbout,mefrappentenpleinvisage.

—Ilm’ainjectéquelquechose.

Iljetteuncoupd’œilinquietverslemédecinquidoitsûrementluiconfirmercequejeviensdeluiannoncer,carjelevoisprendreuneprofondeinspirationenserrantfermementlesmâchoirespourcontenirsarage.

—Tutesenscomment?

—J’ensaisrien.Fatiguée.Trèsfatiguée,maisilm’afiléquelquechoseplustôt.

—Voussavezcequec’était?

—Non,unsédatifcertainement,maisaprès,lequel…Ilsvousferontunbilansanguinauxurgencespouryvoirplusclair,répondlemédecin.

Owenpressesapaumecontremanuquepourm’inviteràmenichercontresontorse.Jeretrouvemaberceusepréféréequej’arriveàcaptermalgréleboucanenvironnantquim’agresse.Jesuischezmoi.

12

La sirène s’arrête et le véhicule commence à ralentir. L’homme au volant nous annonce ce quej’avaisdéjàcompris,noussommesarrivésdevantl’hôpital.

—Ilvafalloirl’installersurlebrancard.

Jejetteunpetitcoupd’œilversOwen,cequim’obligeàmedétacherdesontorse,etsonregardm’indiquequ’iln’aheureusementpaslamoindreintentiond’obéir.Ilneprendd’ailleurspaslapeinederépondreaumédecinquisaisitlemessage.Lesportess’ouvrentetilresserresonemprise,cequim’arracheunegrimace lorsqu’il effleuremonmollet. Ilm’emmèneà l’intérieurdubâtimentalorsque nous sommes escortés par deux urgentistes qui nous attendaient sur le parking et qui sontmaintenantdébrieféspar leurconfrèrequim’apriseenchargechezAnton.Monchéri ralentit sonrythmeletempsqu’onluiindiquelecheminàsuivre.

—OùestJessie?Ilarrive?

—Non,paspourl’instant.Onenreparleraplustard,OK?

—Non,pasOKdutout.Oùest-cequ’ilest?!

—Anouk,jenepensepasquecesoitlebonmomentpourdiscuterdeça.

Moncœurcommenceàs’emballer,j’aisisouventeupeurdedevoiraffrontercetteconversation.Sous l’effet de l’angoisse et du stress j’ai un regain d’énergie qui me permet de continuer àl’interroger.

—Dis-moioùilest!

—Anouk…

Sonregardpeinémeconfirmequejesuisdanslevrai.

—Owen!Dis-moioùilest!Dis-moiquetulesais!

—S’ilteplaît,concentre-toisurtoietp’titbout.

—Commentveux-tu…Arghhh!

Jeserrelesdentsetfroncelessourcilsalorsqu’unedouleurcommenceàmetiraillerl’abdomen.

—Anouk?!Qu’est-cequetuas?

—J’aimalauventre.Est-cequeParksestarrivée?

—J’ensaisrien.

Ilinterpellenotreescortepourdemandersiquelqu’unadesnouvelles.

—OK,jet’installedansunlitetjel’appelle.

Ils’agitedanstouslessens,hélantchaquemédecinpoursavoirquoifaire,oùaller…Jemordsmalèvreinférieurepourcontenirlecriquimenacedesortirdemagorgesicettedouleurlancinantenes’arrête pas. Mais le pire, ce n’est pas la douleur, c’est l’angoisse, l’angoisse qui s’immisceinsidieusementdanschacunedemescellules,l’angoissequimemurmureàl’oreillequejesuispeut-êtreentraindeperdrelesdeuxpersonneslesplusimportantesdemavie.Jem’accrocheaublousond’Owencommeàunebouéedesauvetage,dernierrempartentrelenéantetmoi.

Ilarriveenfindansunesalled’examenetm’installesurlelit.Samainseposedélicatementsurlamienne pourme faire comprendre qu’il est temps que je le lâche pour que lesmédecins puissents’occuperdemoi,denous.

—AppelleJessie!Toutdesuite!Il fautqu’ilvienne, j’aibesoindelui,dis-je, lavoixpleinedetrémolos.

—JegèredéjàParks.Jeverraiaprèspourtonfrère.

—Owen!AppelleJessie!

—Ilnerépondrapas!Cen’estpaslapeinedeperdredutempsavecçapourlemoment!

Des larmes coulent surmes joues, il est en train de confirmer ce que j’avaismalheureusementcompris.

—Ilmefautmontéléphone.Si…Sic’estmoiquil’appelle,ildécrochera.C’estsûr,ildécrochera.

—Situveux,onessaiera,maispourl’instant,laisseledocteurs’occuperdetoi.Dèsquejeseraicertainquetuvasbien,jecontacterailapolicepoursavoirs’ilsontmislamainsurtonportable.

J’entendslemédecinpesterpendantqu’ildonnedesinstructionsàuneinfirmière,etvucommeilscrutemesbrasdanstouslessens,j’endéduisqu’ilpeineàtrouveruneveineexploitable.J’aimerais

luidirequ’ilestinutiledechercherlà,quemêmes’ilendécouvraitunedecorrecte,ellessonttropfragiles,maisjen’yarrivepas,jen’enaipluslaforce.J’aimislesdernierssoupçonsd’énergiequimerestaientpourréclamermonfrère.

—Désolé,maisjevaisdevoirpiquerlepied.

—Hummm.

Owen,deboutprèsdemoi,demeureattentifàtoutcequiestentraindesepasser.Contraintdemelâcher lamainpourqu’onpuisseymettre toutessortesdecapteurs, sesdoigtsenserrentmanuquequ’ilcaresseavecsonpouce.

—Commentvousvoussentez?m’interrogeledocteur.Est-cequevousavezmalquelquepart?Vousavezuneidéedecequevotreravisseurvousainjectéquandilvousdétenait?

Je peine à répondre, mais je sais que c’est important et je jette mes dernières forces dans cesquelquesmots.

—J’aimalauventre.C’estpasconstant,c’estparvagues.Etsinon…jenesuispascertainedecequ’ilm’adonné.Ilyavaitdesvitamines,descompléments,sûrementdessédatifs.Maisavant…avantqu’il ne soit arrêté, il a ajoutéquelque chosedans laperfusion, j’ai essayéde le stopper, j’ai… jevoulais…

—Nevoustracassezpas,onsaitdequoi ils’agit,vousavezidentifié leflaconetonest traindevérifier, mais si l’étiquette est la bonne, alors vous avez eu raison d’interrompre le flux. Oneffectueradesanalysespourcontrôlersiduproduitestpasséetonvousdonneraquelquechosepourenlimiterleseffets,aucasoù.Jevaisvousadministrerunlégersédatif,çavousferadubienetvousaideraàvousdétendre.Vousvenezdevivreunesituationtrèsangoissanteetilfautquevousarriviezàvousreposer.

L’énormebouledestressquicomprime toutemapoitrinem’empêchede refuser l’aidequ’ilmepropose.Quandjelèvelesyeuxversl’hommequej’aime,jesuisétonnéeparcequejeperçoisdansses iris. Il fait mine d’être satisfait, mais l’inquiétude transparaît derrière le masque qui se veutrassurant.Jesaiscombiencedoitêtretroublantpourluidemevoiracceptercegenredemédication,ildoitprendreçapouruntrèsmauvaissigne,maisjesuissifatiguéeetenmêmetempsrongéeparlapaniqueetlapeur…Jem’enveuxdecéderàlafacilitémaisj’enaibesoinet…

Aouch!

Labourriquevientdemepiqueren fourbe. Ilauraitpuprévenir, j’avaisditque j’étaisd’accord.Monchérimedévisagetendrementetj’aidumalàsoutenirsonregard,mespaupièressemettentdéjààcligner. Ilmecaressedélicieusement lescheveuxet je savourececontactque j’ai tantespérécesdeuxdernièressemaines.Matêtebasculesurlecôté,elleesttroplourdeetmesmusclesrefusentdelamaintenir.

—Qu’est-cequ’ilsepasse?Vousluiavezinjectéuntruc?

—Nonpasencore,pourquoi?

—Elles’enfonce.Anouk?Heymoncœur?!T’esavecnous?Anouk?

Ilnem’arieninjecté?Alorspourquoitoutmoncorpsestentraindelâcherprise?

—Anouk?Est-cequevousm’entendez?Restezavecnous,jesaisquevousêtesfatiguée,maisilfautquevousvousaccrochiez,toutvabiensepasser.

Leviolentcontrasteentremoninertieetl’agitationambiantemefrappedepleinfouetetm’indiquequelasituationestentraindedéraper.

Huummm,j’aimal,encore.Sijedormais,jenesentiraisplusladouleur.

Mes paupières sont closes et je me déconnecte progressivement du monde qui m’entoure. Jeperçois toujours la frénésie autour de moi, le médecin qui donne des instructions, Owen quim’appelle,ilcriepresque.Jenedistinguepasclairementcequ’ildit,sesmotsmesemblentdeplusenpluslointains,est-ceparcequ’ils’éloigneouest-cemoiquisombredeplusenplusprofondément?

—Anouk,jet’ensupplie,mefaispasça,pasencore…jem’enremettraipas…jet’ensupplie…Accroche-toi… Je peux pas vous perdre encore. J’en crèverai, tu m’entends Anouk ?! Tu doist’accrocher.

Je ne suis pas sûre de comprendre, sa voix n’est plus qu’un murmure à mon oreille. Je suistellement,tellementfatiguée.

BipBipBip

Meréveillerai-jeunjoursansentendrecesfoutuesmachines?Jepeineàouvrirlesyeux,j’aiunpeufroidet…je…oùest-cequejesuis…Anton!Jetressailleàl’évocationdecenom.Onestquel

jour?Combiendetempsmereste-t-ilavantlapeséefinale?J’émergedoucementetréalisequejenesuispasdansmonlieudedétention.Cescheveux…Ô,monDieu,c’estlatêted’Owenquireposesurlematelas,àcôtédemamain.Ildort.J’aitellementenviedeglissermesdoigtsdanssacrinière,pasque je souhaite le réveiller, j’ai justebesoindem’assurerqu’il estbien làetquecen’estpasmonespritquimejouedestours.Etpuiscecontact,jel’aitantespéré,rêvé,désiré,qu’ilm’estmaintenantimpossibledemeretenirdeletoucher.Jeprendsnéanmoinsquelquessecondespourobservertoutcequi se trouve autour de moi. Mon cerveau est encore plongé dans un brouillard épais mais jecomprendsrapidementquejesuisdansunhôpital.J’aiunpeudemalàétablirunlienentremesdeuxderniers lieuxde«résidence».Jemefrotte lespaupièrespouressayerd’yvoirplusclair,ausensproprecommeaufiguré.Puisj’écarquillelesyeuxtouteninspirantprofondémentettented’analyserlasituation.L’élémentprimordialétantquejem’ensuissortie.Jepasseimmédiatementlamainsurmon ventre. Ma petite bump est encore là. Il est là, c’est obligé. Je soupire, profondément, desoulagement,etilsemblequej’aiétéassezbruyantepuisqu’Owensemetàremuer.

—BonjourMonsieur.

Ma bouche est pâteuse etma voix un peu cassée,mais je lui adresse un sourire heureux, parcequ’encetinstant,c’estcequejesuis,heureuse.

—Anouk!Ça…Çava?

Ilscrutenerveusementlesenvironsalorsquejehochedoucementlatêtepourluirépondre.Ilsaisitlasonnetteet l’enclenche.Je fronce lessourcilset l’interrogesilencieusementpourcomprendrecequ’ilsepasse,jen’aipasvraimentl’énergiedelequestionner,jesuisencoretoutengourdie.Iltientmamainetlacaressevigoureusementavecsonpouce.

—Lebébévabien,hein?

Cinqmots,jenepourraipasfairebeaucoupmieuxpourl’instant.Magorgeestsèche,jegrimacecarjepeineàdéglutir.

—Ouiçava,ils’accroche,c’estunduràcuire,commesamère.

Lesyeuxàmoitiéfermés,j’esquisseundemi-sourireàcetteadorableremarque,etpuissurtout,jesuissoulagée.P’titboutvabien.

Uneinfirmièreentre,maisimmédiatementOwenlarenvoiechercherunmédecin.

—Ilfautquej’appelleParkspourlaprévenir.Çava?Tutesensbien?

—Hummmhum.Jepeuxavoirdel’eau.S’ilteplaît.

Ilprendrapidementlacarafeetmesertunverrequejeporteàmeslèvres.Ilenprofitepourposersamainsurmajoue,etjesavouresapeaucontrelamienne…Ilsemblefébrileettendu.Jeluirendsle gobelet, etmes doigts se positionnent alors sur les siens pour raffermir son contact avecmonvisage.

—Anouk,nefermepaslesyeuxs’ilteplaît.Resteavecmoi.

—Jesuislà,jesuisjusteunpeufatiguée.Qu’est-cequ’ils’estpassé?C’estunpeuconfus…

Endisantcesmots,jetentedesondermamémoirerécalcitrante.

—Tu…Tunetesouvienspas?

L’anxiétéquitransparaîtdanssavoixm’obligeàreportermonregardsurlui.Ilestblême,très.

—Dequoituterappelles,moncœur?

—Hummm…Anton,lamaisonisolée,lapesée…

—Lapesée?

—J’attendais…OùestJessie?

—Iln’estpaslàpourl’instant.

—Pourquoi?Ilestoù?

Ilsoupire,baisselesyeux,etcherchesesmots.

—Jenesaispas.

—Commentça,tunesaispas?

Mesnerfss’échauffentdoucementetréveillentdessensationsdanstoutmoncorps.

—Appelle-le,toutdesuite.Ilfautqu’ilvienne.

—Écoute-moi,etdétends-tois’ilteplaît.Jenesaispasoùilest.J’aidéjàessayédelejoindre,desdizainesdefois,maisjetombedirectementsursamessagerie.

—J’aibesoindemonportable.Ilmerépondra,àmoi.

—Tiens,lapolicel’aretrouvédanslaplanqued’Anton.

Maisàpeinel’ai-jeattrapéquelemédecinentredanslachambre.Ils’approche,saisitmonpoignettoutendiscutant.Jenel’écoutepas,jedoisparleràmonfrère.

Messagerie.

Qu’est-ce qu’il se passe ? Jessie qui ne répond pas, ce n’est pas normal, il y a forcément unproblème.

—Anouk?Anouk?Dequoivousvoussouvenez?

Lemédecinmetiredemaléthargie.Ilfautquej’essayeencore,jerecomposelenumérodeJess’.Messagerie.Jerecommence.Encore.Encore.

—Anouk.Laisseçauninstant,s’ilteplaît.

Mon chéri pose samain sur lamienne alors que jem’apprête à appuyer sur la touche bis. Sonregardtented’accrocherlemien, jevoiscequ’ilessayedefaire,maisjeneveuxpasm’arrêter.Jedoislejoindre.Quelleestlamarcheàsuivres’ilestinjoignable?

—Anouk,dequoitutesouviens?

—Attends,jedois…jedois…Attends,ilfaut…

Je reprends mon portable. Le plan B. Le plan B ! Il faut que je vérifie mes mails. En cas deproblèmedetéléphone,ilsaitqu’ilestimpératifdem’envoyeraumoinsunmessageparsemaine.Sij’aiunmessage…J’enauraiun,c’estsûr,ildoitallerbien.

—Anouk…

—Deuxminutes!

Putaindeconnexionàdeuxballes!C’estpasvraiquecesoitaussilent!Nonmaisc’estquoitouscesmessages!!

Jecherche,jecherche,jefaisdéfilersansvraimentregarder,jeneguettequ’unnom.Ilestlà.ILESTLÀ!Ilyatroisjours.

«Petitesvacances,pasderéseau,sibesoinenvoieunmessage.»

—Heyp’titcœur.Qu’est-cequ’ilya?

Ilessuieunelarmesurmajoueetjeréalisequemesmainstremblent.Jenepleurepasdejoie,justedesoulagement.

—Ilvabien.

—Tuessûre?

—Oui.Ilvabien.

—Tantmieux.Alorsmaintenantprendsletempsdeparleraumédecin.

Iljetteunregarddanssadirectionpourquejemeconnecteàlui.Unesortedetransfertd’attention.

—Anouk,jevoudraism’assurerdevotreétat.Dequoivousvoussouvenez?

La tension d’Owen est palpable, il resserre ses doigts sur les miens. Il doit craindre ce que jepourraisrévélersurmesconditionsdedétention.Lepauvre,iladûvivreunenfer.

—J’étaisavecAnton,dansunemaison.Ilmeretenaitprisonnière.Jenepouvaispaspartir.

—Vousvousrappelezcommentvousêtesarrivéeici?

—Je…non…Est-cequej’aiétédansuneambulance?

—Oui,effectivement.

—Tuétaislà,hein?dis-jeendévisageantmonchéri.

—Oui,j’étaisavectoi.

Ses traits se détendent progressivement, il semble un peu plus serein. Je ne suis pas sûre decomprendrepourquoivuquejen’aipasencoreévoquémonséjour.

—Vousavezpuappelerlessecours,lapoliceestarrivéeetonvousaaccompagnéeici.

—Etlebébévabien?

—Oui, très bien. Votre ravisseur a tenté de vous injecter de l’ocytocine, un produit destiné à

déclencher l’accouchement. Heureusement vous avez réussi à interrompre le flux de la perfusionjusqu’àcequelemédecinpuissevousaider.Onvousaensuiteconduiteauxurgencesoùvousavezétépriseencharge.Vousétiezdansunétatd’extrêmefatigue.

—Jemesenstoujoursfatiguée.

— Ça se comprend, votre organisme a été mis à rude épreuve, tant physiquementqu’émotionnellement.Vousêtesrestéeinconscientepresquetroisjours.

—Troisjours…

Jetournelesyeux,effarée,versOwen.Jecomprendsunpeumieuxsaréactionquandjemesuisréveillée.

—Ilfaudraitquejevousposeencorequelquesquestions.

Jehochelatêtepourqu’ilcontinue.

—Est-cequependantvotredétentiononvousafaitdumal?

Denouveau,lesdoigtsd’Owenresserrentleuremprise.

—Onnepeutpasvraimentdireça.J’étaiscaptive.Mais…non,jepeuxpas…pasphysiquement.

—Tuaspeut-êtreoubliédeschoses.

—Jenepensepas.C’estvraiquejenemesouvienspasdesconditionsdelafindemon«séjour»là-bas,maispourlereste,c’estassezclairdansmonesprit.

—Moncœur,regarde.

Ilsoulèvetoutdoucementmoncoudeduboutdesdoigtspourm’inciteràyposermesyeux.Ilyaungrosbleu.Ouplutôtunvert,vulacharmanteteintequ’ilapris.

—Cen’estrien.

—Anoukjet’enprie.Toncorpsestcouvertdetracesd’hématomes.

Jedégagemamaindelasiennepourremontermesbrasdevantmapoitrine.Jemesensmalàl’aisequ’ilsaientprofitéquejesoisinconscientepourm’observersoustouteslescoutures.

—J’aijuste…j’aifaitunechute.Danslesescaliers.

—Vraiment?

Évidemmentqueoui.Nonmaisqu’est-cequ’ils’imagine?!

—Oui.Ilm’aemmenéeàl’hôpitalquandc’estarrivé.Heureusement,j’aipusavoirquep’titboutallaitbien.

—Ilt’aemmenéeàl’hôpital?!Quelhôpital?!

—J’ensaisrien.

—Tunesaispasoutunetesouvienspas?!

—Jenesaispas,j’étaisquasitoutletempsinconsciente…Pourquoitu…

J’hésiteàluidemanderpourquoiils’énerve.Maisiladûavoirsipeur,etdécouvrirquej’auraispumeblessergravement,perdrelebébé…

—Anouk,desagentsdepolicesontlà.Ilsaurontbesoindeprendrevotredéposition.

Lapolice.Petitedosed’adrénalineetmoncerveauseremetàcarburercommeaubonvieuxtemps.

—Jen’ytienspas.

—Sivousnevoussentezpasenétatderépondreàleursquestions,onpeutreportercetentretienàunpeuplustard.

—Cen’estpasleproblème.

Jemordsma lèvre, jette un coupd’œil àmon chéri avant de baissermon regard pour déclarerd’unevoixcalmeetposée:

—Jeneporteraipasplainte.

—Quoi?!Qu’est-cequeturacontes?

—Jeneporteraipasplainte.

Jeplongemesirisdanslessienspourqu’ilressentemadétermination.

—Vousêtesencoresouslechoc,vousavezbesoindevousreposeretdeprendredurecul.Nousenreparleronsplustard.

—C’esttoutvu.Renvoyez-les.Jenechangeraipasd’avis.

Lemédecinsortetmelaisseseuleavecceluidontjesuisclairemententraind’éprouverlesnerfs.

Il quitte le matelas, et marche, doucement au début, puis de plus en plus énergiquement, ensoupirant. Il finit par stopper sa course devant la fenêtre. Il reste statique et dangereusementsilencieux. Je voudrais pouvoir le rejoindre, mais quand je soulève la couette… Saleté de sondeurinaire.Leretour!

—POURQUOI?!

Il a tapé violemment du poing sur le mur en criant, ce qui m’a fait brusquement sursauter. Lamachinesurmagauchecommenceàs’emballeretàbiperfrénétiquementaurythmedemonmusclecardiaque.Ilseretourneetsonregardénervéseradoucitimmédiatementquandilcomprendcequ’ilsepasse.

—Excuse-moimais…explique-moi.Explique-moipourquoiturefusesdeporterplaintecontrececonnardquit’akidnappéeetavoulutuernotrebébé.

Notre. Il a dit notre bébé. Je ne devrais pas mais je ne peux m’empêcher de sourire, mais ladéterminationqu’ilaffichem’imposedemeressaisirpourluirépondre.

—Jenepeuxpas.Si lapolicem’interroge,s’ilyaunprocès…Ilsvontforcémentfouillermonpassé…Jepeuxpas.

—Pourquoi?!T’asrienàcacher!

—Tu rigoles ou quoi ? J’ai tout à cacher. Ce n’est pas juste un mode de vie, je ne suis passimplementunenanaquiaimeavoirsespetits secrets. Jeneprendraipas le risqueque l’onviennefarfouillerdansmonpasséetdansmavie.

— Mais tu ne peux pas le laisser s’en tirer comme ça ! Qu’est-ce qui va le retenir derecommencer?De toute façon tucroisque la justicene fera rien?!Si tuneportespasplainte,çan’empêcherapasleprocureurdepoursuivrel’instruction.

—Jeverraiça.J’medébrouillerai.

—Évidemment.

Ilsecouelatêtepourmesignifiersonmécontentementetfinitparsortirdelachambre.

Aprèsquelquessecondes,jemedécideàprendremontéléphonepourenvoyerunmailàJessie.

«Dépêche-toideramenertesfessesici.C’estlamerde.J’espèrequetuasunesacréeexcusepourtonabsence.A»

**

Deux jours que je me suis réveillée dans cet hôpital et que je coopère patiemment avec lesmédecins.Owenestredescendurapidementenpressionmaisilyatoujoursunmalaiseentrenous.Jesuis restée sur mes positions et pour l’instant aucun policier n’est venu m’interroger, ils doiventcroirequ’enmelaissantunpeudetempsjevaisrevenirsurmadécision.

Bonnechance.

J’aidûdéclencherlamessageriedeJessieunecinquantainedefoisetjen’aipasencoreréussiàlejoindre.J’aibeausavoirqu’ilseportebien,j’aibesoindel’entendrepourm’enassurer.Qu’est-cequiapuleretenirsilongtemps,loindemoi,etsurtoutsansprendredenouvelles?Leschosesétantcequ’elles sont… Il doit y avoir quelque chose qui cloche pour qu’il garde le silence toutes cessemaines.

—C’estbon,touslespapierssontremplis.Tusignesetonpeutyaller.

—Tuparles…Uneprisonpouruneautreprison…

—Jenereparleraipasdeçaavectoi.

—Ouaisouais.Peuimporte,faitescequevousvoulez.

—TurestesquelquesjoursdansleservicedeParks,onaviseraensuitepourrentreràlamaison.

Àlamaison…Jenesaismêmepluscequec’est,d’avoirunemaison.

Subitementmontéléphonesedécideàsonner.Jesursauteetfouillefrénétiquementsurmacouette

pourmettrelamaindessus.

—Allô?Allô?

—C’estmoimapuce.Qu’est-cequ’ilsepasse?J’aivutonmail.

—MAISOÙTUES?!?!

Owens’assoitetm’observe,ilaprobablementdevinéquiétaitàl’autreboutdufil.

—Qu’est-cequ’ilsepasse?

—QU’EST-CEQU’ILSEPASSE?!?QU’EST-CEQU’ILSEPASSE?!?C’est lamerde.Et toi tun’espaslà!!

—Explique-moi.JesuisenroutepourParis.

—JenesuismêmepasàParis!TOI,tum’expliquesd’abord.

—JemesuisoctroyédepetitesvacancesavecZoey.Çanevapasfortetons’estoffertunbreakdansundécorde rêve.Maismon téléphoneaprisunbainenpleinemer. Je t’ai laisséunmessagecommeconvenu,s’ilyavaitunsouciilsuffisaitdemeposterunmailenretour.

— TU TE FOUS DE MA GUEULE !!! Je me suis retrouvée dans cette merde parce que tut’envoyaisenl’air?!

—Non,jet’aiditqu’ellen’allaitpasbien.Etpuisarrêtedet’énerveretexplique-moiplutôtcequ’ilya.

—J’hallucine!!Je…

Des trémolosétranglentmavoix, la rageaussi.Monsangéchauffemesveineset jenesaispluscomment reprendre pied, je suis submergée par ma colère. Owen se penche vers moi et caressedoucementmajambe,maisçanesuffitpasàm’apaiser,j’aiatteintlepointdenon-retour.Jen’arrivepas à croire qu’il était en train de s’offrir des vacances avec sa copine alors que j’étais captive,l’attendant,pensantqu’ilsedémenaitpourmeretrouver.

—Anouk?!Anouk,dis-moicequ’ilsepasse?Tuvasbien?Lebébévabien?

—NON!Pasdutout!

Je jettemonportable contre lemur face àmoi et il vole en éclats. Il peut s’accrocher pourmejoindremaintenant,etqu’ils’angoisseàmortaupassage!Çaneserapascherpayé.

Letéléphoned’Owensemetàvibrer.Ilregardel’écranavecunemouegênéeavantdereportersonattentionsurmoi.

—C’esttonfrère.

—Nerépondspas.Laisse-les’inquiéter.

—Anouk,quandildécouvriracequiestarrivéilserafoud’inquiétude.Ils’envoudrasûrement.

—Ehbenparfait.Qu’ilflippemaintenantetonenremettraunecoucheaveclavéritéplustard.

Il n’insiste pas, il doit comprendre que je ne suis pas d’humeur et qu’il ne pourra pasme faireentendreraison.Detoutefaçon,quelleraison?!Jesuisdanslevrai,ilmérited’enbaver.Jen’arrivemêmepasàêtresoulagéedesavoirqu’iln’étaitpasendanger.

Owenselèveetramasselesmorceauxdemontéléphone.Ilremetlabatterieenplaceetréussitàlerallumer,malheureusementl’écranestfoutu.

—J’irait’enacheterunnouveau.

—C’estgentil,maist’embêtespas,j’appelleraimonopérateurpourencommanderun.

—Tupeuxmepermettredem’occuperdetoi,unefoisdetempsentemps?

Ilsouritetjenepeuxm’empêcherd’yrépondre.Entoutcasj’essaye.

Jemedécalelégèrementdanslelitetilcomprendquec’estuneinvitationàmerejoindre.

—Tuveuxlelaissermijoterlongtemps?

—Discutonsd’autrechose.Jesuisdéjàtropénervée.

—Bahjustement,videtonsac,gardepasçasurlecœur,çavatetorturer.

—C’estsur luique jevaisvidermonsac.Tupeuxêtresûrqu’ilapasfinid’enentendreparler.Punaise,iln’apaseudenouvellesdemoidepuistroissemainesetils’inquiètepas?

—Qu’est-cequ’ilt’adit?

—Qu’ils’estoffertdesvacancesavecsacopine!Nonmais,tupeuxlecroire?!Lesexe,çarendpasaussiconqueçaquandmême?!

Il étouffe un petit rire et ouvre son bras pourm’inciter àme blottir contre lui.Mais voilà, il agagné,jesuisfurieuseetjen’arriveraipasàpasseràautrechosetoutdesuite.

—Nonmaisj’tejure,tupeuxpassavoircombienjesuisénervéeet…

—Allez,vienslà.

Ilessuieleslarmesquiinondentmesjoues,jemesenstellementtrahie,Jessieestceluisurquij’aicrupouvoirtoujourscompter,maisàcetinstant…

—Coupetontéléphone,j’enaimarredel’entendrevibrer.

Ils’exécuteetmereprendsdanssesbras.

—Excuse-moi,jesuisépuisée,énervée,etyapasderaisonquejemedéfoulesurtoi.

—Tetracassepas.Essayedetedétendre,t’asbesoinderécupérer,tutesentirasmieuxdèsquetuaurasrechargétesbatteries.

—Jenevaispasdormirmaintenant,ilsnevontsûrementpastarderàm’emmenerpourletransfert.JemereposeraiunefoisàParis.Aufait,tunoussuivrasaveclamoto?

— Bah, je t’avoue que j’aurais préféré être avec toi dans l’ambulance, mais je ne vais pasabandonnerlebolided’Oliverici.Elledoitdéjàluimanqueretceseraitgalèrederevenirjusqu’iciaprèspourlarécupérer.Jeresteraitoutprès,jetelâcheplusmaintenant.

—Jesais,jenesuispasinquiète.

Vilainementeuse.

Jeredoutelemomentoùjemeretrouveraidenouveauseuledansunepièce,jesaisquel’angoissesecache,tapiedansl’ombre,nichéederrièrelessouvenirsquej’essaied’étouffer,prêteàprofiterdelamoindrefailledansmacarapace.Lanuit…Lanuitestcequ’ilyadepire.Jen’arrivepasàdormir,jepassemontempsàmefrotterlespoignetspourm’assurerquejenesuisplusentravée.

Auboutdetroisheuresd’uneattenteinterminable,jesuisenfinentraindefaireletrajetderetour

versParis.Jesuisallongéesurunbrancard,lesyeuxrivéssurl’écrantoutfissurédemonmobileetl’oreilleattentiveauvrombissementquinoussuitdeprès.Douzeappelsenabsence.Ilpeutcontinuerd’insister, il n’a pas fini de ramer. Voilà maintenant une heure qu’il a arrêté d’essayer, sur monportablecommesurceluid’Owen.Iladûréaliserqueçaneserviraitàrien.Oualors…Merde,àtouslescoupsilatéléphonéàParks.Sic’estlecas,ilsaitcequ’ils’estpassé.Tantmieux,qu’ilsemineàce sujet-là maintenant. Mais ça signifie aussi qu’il doit être au courant que le bébé va bien, uneinquiétudedemoinspourlui.Qu’iln’essaiemêmepasdevenirmevoir!!Jesuistellementenrage,j’imaginetouslesscénariosettouteslesvacheriesquejepourraisluibalanceràlafigure.

Levéhiculecommenceàralentiret j’entendslamotoprendredeladistance.Unepetitevaguedestressm’assaille, il ne faut pas qu’il s’éloigne. Et surtout, je ne veux pas que l’on soit obligé dem’attacher à ce foutu brancard pour me sortir de l’ambulance. J’en descendrai comme j’y suismontée,danslesbrasd’Owen.Sij’airéussiànégocierden’avoiraucunlienpendantletrajet,cen’estpaspourêtreembêtéeavecçaenarrivant.Nousnousarrêtons,lechauffeursortmaisn’ouvrepaslesportes.Celuiquim’accompagneprendlapeinedem’expliquer.

—Onvapatienterdeuxminutes.Votremarinousademandédel’attendre.

—Super,c’estgentil.

Enmoinsdecinqminutesmonchevalierservantapparaît,haletant.Iladûcourircommeundinguepourêtredanscetétat.

Ilmeportedenouveaudanssesbrasetremercielesambulanciers.C’estsafaçondesignifierqu’ilneme lâcheraplus. Ilm’entraînedans l’hôpital,direction le troisièmeétage, serviceobstétrique. Ilsembleétonnammentàl’aiseici,commes’ilconnaissaitparfaitementleslieux.Ilmarqueunepausedevantlebureaudel’accueilpourdemanderàcequel’onprévienneledocteurParksdenotrearrivéeetfilemedéposersurunlit.

— Attends, tu ne peux pas squatter une chambre comme ça. Il faut qu’on fasse les papiersd’admissionetaprèsilsm’enattribuerontune.

—Jem’ensuisdéjàoccupécematinpar téléphone.Katherinea réglé lapaperasseetm’aditdet’installerici.

—Katherine,hein?

—KatherineParks.

—J’avaiscompris.Depuisquandest-elledevenueKatherine?

—T’esjalouse?

Çayest,ilestderetour,cepetitregardsexyetamuséquimefaitcraquer.S’iln’yavaitpascetteabominableodeurd’hôpitalquinousenveloppe,meshormonespourraientsemettreébullition.

—Anouk,bonjour.

—BonjourDocteurParks.

—Katherine,çaserabiensuffisant.

Monchérimelanceunpetitclind’œiltaquinavantdelasalueràsontour.

—Alors,commentvousvoussentez?

—Jenevoudraispasêtredésagréable,maisjesuisici…Çaveuttoutdire.

—Bon, je sais que vous n’allez pas apprécier parce que vous avez déjà subi des examens dansl’autrehôpital,maisj’aimeraistoutrecontrôlermoi-même.

—Est-cequevousavezeuJessieautéléphone?

Jepasseducoqàl’ânesansprévenir,maiscettequestiontourneenboucledansmatêtedepuisledébutdutrajetderetour.

—Oui,jeluiaidonnélesrenseignementsdontjedisposaisetjeluiaitransmisvoscomptes-rendusd’analyses.

—Pffff…

—Ilyaunsouci?

— Non, ne vous en faites pas Katherine. Ils se sont fâchés et il a… disons qu’il est passédélibérémentparvouspourvousextorquerdesinformationsqu’ellenetenaitpasàluicommuniquer.

—Jesuisdésolée,jenesavaispas…

—C’estpasgrave.Ilestdouépourobtenircequ’ilveut.Ilvousaditquelquechose?

—Justequ’ilarrivaitcesoir,asseztard.Jel’attendraiicipourqu’ilpuisseentreretvousvoir.

—Alorsça,ilenesthorsdequestion!

—Pardon?

—Jenetienspasàlevoir.Inutiledevousembêteràpatienteretàluioctroyerdespasse-droits.

—Vousconnaissezvotrefrère?Vouscroyezvraimentquejevaispouvoirl’empêcherdevenir?

Ellesouritàmoitié.Apriori,elle,elleleconnaîtbienetellesaitcombienilpeutêtretêtedemule.Ouais,cedoitêtredefamille.Maissielleprendcelaavechumour,cen’estabsolumentpasmoncasetjeluirépondssuruntonquinefaitpaséchoausien.

—Jesuissérieuse,s’ilvient,c’estmoiquim’envais.

—Anouk…

Toujours cette moue moralisatrice… Je déteste quand Owen me toise avec ce regard qui mesignifiequejesuisentraindefaireuncapriceridicule.

—Nemejugepas,OK!Tunesaispas…Tunesaispastoutcequ’ils’estpassé,toutceque…

Jeserreleslèvresetravalemonvenin.Jen’aipasledroitdeluicrachertoutcelaauvisage,j’aiconscience que lui a agi de sonmieux pourme retrouver, qu’il a sûrement balisé commeun fou.Inutiledel’accablerdavantage.

—Jeneveuxplusenparler,jamais.J’aiditquejerefusaisdelevoiretjenechangeraipasd’avisdesitôt.Sivousnepensezpasêtrecapablede l’empêcherdevenir jemedébrouilleraipourpartirquelquepartoùilnemetrouverapas.

—Bon, dans ce cas je vais l’appeler et en discuter avec lui. Vous, vous restez là et vous nouslaissez nous occuper de vous. D’ailleurs j’aimerais vous couper une mèche de cheveux, afind’effectuerdesanalyses toxicologiquespluspousséespour identifierprécisément toutcequevotreravisseurapuvousdonnercesdernièressemaines.

—Non.

—Quoi?

Monchérimescrute,dubitatif.

—J’aiditnon. Il enesthorsdequestion.Ne serait-cequeparceque je saisparfaitementdequi

vientcettedemande.

—Jenevous cachepasque c’est effectivementvotre frèrequim’a soumis l’idée,mais elle estbonne.Ilyapeut-êtredeschosesquinesontpasapparuesdanslesanalysesprécédentesetdontonpourraitdétecterdestracesdansvoscheveux.

—Vousetvoscollèguesm’avezdéjàfaitdestonnesd’examensetdetests.Vousaveztoutcequ’ilvousfaut.

—Anouk, je te comprends pas.Quitte à être là, autant en profiter, et puis ce sera rassurant, aumoinsonauraplusd’infossurcequ’ilt’ainjecté.

—Ils lesaventdéjà,cequ’ilm’adonné.Ilsont trouvélesperfusionset lesanalysesdesangonttoutrévélé.

—Tunevaspascéder,hein?

—Effectivement.

Illèvelesyeuxauciel,franchementagacé.

—J’aimeraisvraimentquevousfassiezl’effortd’accepter.EtpuisçamepermettraitdenégocierplusfacilementavecJessiepourqu’ilnedébarquepasàl’hôpital.

—C’estduchantage,etmalheureusementçanemarcherapas.

Jesoupireprofondémentetcommenceàsentirlapressionmonterenmoi.

—Rhhaaavousm’agacez!Çam’énerve,jesuisfatiguée,non,épuisée,jen’arrivepasàdormir,etmaintenant ça.Comment voulez-vousque jemedétende si je dois rester surmesgardes pour quevousnemecoupiezpasunemèchedecheveuxdurantmonsommeil?!

—Qu’est-cequevousimaginez?Jeneferaisjamaisuntrucpareil.

—Vouspeut-être,maissiJessierapplique,vouspouvezêtresûrequ’ilvapass’enpriver.

—Bon,jevaisvouslaisseretenprofiterpourl’appeler.Nevousinquiétezpasetreposez-vous.

Ellesedirigeverslasortieetjesaisd’oresetdéjàcequim’attendàpartirdumomentoùelleaurafranchileseuildemaporte.

—Moncœur,pourquoituneveuxpasaccepter?Siçapeutaideràgardertonfrèreàdistanceettranquillisertoutlemonde.

Toutlemonde…Ils’inclutévidemment.J’avaisbienbesoindeça.Ilétaitrassuré,ouquelquechosequis’enrapprocheentoutcas,ilsavaientréalisétouslesexamensnécessaires,ils’agissaitjustederesterun jouroudeuxsoussurveillanceet j’allaispouvoirêtre libreetmaintenant…Ilsvont faireune fixation sur cette conneriede cheveuxet il est horsdequestionque je cède, ce serait le débutd’unelistedeproblèmessansnom.

—Owen…Pourquoiturentresdanssonjeu?Lesmédecinsontprocédéàtouteslesanalysesqu’ilsconsidéraientutiles,toutestàpeuprèsbon.Çat’avaittranquilliséetilsuffitd’unephrasedesapartpourquetuteremettesàt’alarmer.

—Dire que j’étais tranquillisé c’est un grandmot,mais tu sais qu’il a souvent raison.Accepte,pourmoi.S’ilteplaît.Jecomprendsquetusoisfâchéeetquetuveuillesl’emmerder,maispasavectasanté.T’ascertainementd’autresmoyensdel’embêter,jesuissûrquetuenconnaisdestas.

—Crois-moi,c’estpasjusteleplaisirdel’enquiquiner.Tuvast’énerversi jetedisquej’aimesraisonsderefuseretquejenetienspasàenparler?

—T’essérieuse?

TOC-TOC-TOC

Sauvéeparlegong!

—Oui,entrez!

Monchérimejetteunregardnoirpourmefairecomprendrequ’iln’estpasdu toutsatisfaitparcetteinterruptionquej’accueilleaucontraireavecunpeutropd’enthousiasme.

Laportes’entrouvredoucementetunsourireamicalfaitsonapparition.

—C’estbieniciquesecachelaplusbelle?

—Oli!Enfintevoilà!

—Jeseraisvenuplustôtsi…

Ils’arrête,pinceseslèvres,maissoncoupd’œil,bienquediscret,endirectiondemonhommemet

augrandjourlaraisondecedélaipourmerendrevisite.

Jelestoiseàtourderôleetlèvelesyeuxaucielavantquemonamineviennemeprendredanssesbras.

—Holala,regarde-moitoutça,jem’yprendscommentmoipourtefaireuncâlin?

—Jesuiscomplètementd’accordavectoi.Tudevraisallerenparleraveclemédecin.Etdis-luidemerelâcherparlamêmeoccasion.

—J’ycomptebienbeauté,t’enfaispas.Jevaistesortirdecedonjonett’emmenersurmonfierdestrier.

—Méfie-toiquandmême,yacommeundragonquirisquedesemettresurtonchemin.

—Trèsdrôle.Tusaisquoi,danscecasjetelaisseavectonprincecharmantpourrentrerprendreunedouche,etmechangertantquej’ysuis.

—D’accord, j’ai compris. Tu n’es pas là juste pourmes beaux yeux, t’es venu jouer les baby-sittersàlademandedemonsieur.

Olivernetentemêmepasdemecontredire,c’esttellementévident.

—Owen, restesur lapénichecesoir, repose-toi.C’est inutileque tu fassesdesaller-retoursanscesse.Tuesfatiguéettuasbesoindedormir,tranquillementetdansunvrailit,pasdansunfauteuild’hôpital.Etpuistudoisavoiruntravailmonstreaveclagalerie.Ilfautquetut’enoccupes.J’aimanounouetunefoisl’heuredesvisitespassée,j’enprofiteraipourm’assoupir.Çameferadubien.

—J’yvaismaisjereviens.J’aieffectivementdeuxoutroistrucsàorganiserpourleboulotmaisçanem’empêcherapasderevenir.

Ilserrelamaindesonami,poseunbrefbaiserdansmescheveux,sanctionimmédiatepourmonrefusd’accéderàlademandedeJessie,etsort.

13

—Qu’est-cequet’asencorefoutubeauté?

—Pourquoitudisça?

—Parcequejeconnaisassezmonpotepourvoirquandilfaitlagueule.Ilabeauresterstoïque,yadessignesquinetrompentpas.Etlà,suruneéchelledeunàdix,jediraisqu’ilflirteaveclesept,voirelehuit.Tuvasprendrecher,glousse-t-il.

—Arrête,jesaisqu’ilestfurieux,pasbesoind’enrajouter.Etçamegonfleparcequetoutça,c’estlafautedemonfrère.

—Bahvoyons.Çam’auraitétonnéquecenesoitpaslafautedequelqu’und’autre.

—T’esvache!Pourquoitudisça?

—Pourrien.

—Tusous-entendsquej’assumepasmeserreurs?

—Nonnnn,biensûrquenon,ironise-t-il.

—Jouepasleschieurssinonjetefaisvirer.

—Maisreconnaisque…nonjemetais.Doncvas-y,explique-moicequetonfrèreafabriqué.

—J’aiétésympaetcoopérative, j’aiacceptétouslesexamens, testsetautresconneriesdugenrepourrassurerlesmédecinsetsurtoutOwen.Parksétaitplutôtsatisfaite,ils’agissaitplusquedemegarder soussurveillancepourvérifierque je reprenaisdupoilde labête.Et là,quivient foutre lamerde?Jessie!Illuidemandedepratiquerdesanalysessupplémentaires.Ellen’ypensaitmêmepas,pourquoiilfautqu’ilenrajoute?!

—Ouibon, j’avoue,c’est casse-pied,maisc’estpas sigrave.Faiscequ’ilveut, commeça il teficheralapaix.Ilserarassuré,Owenaussiparlamêmeoccasion,et tupourrastebarrerd’icisanssouci.

—Etsij’enaipasenvie?

—Etbahbonnechance!

—Merci,tum’aidesvachement.

—Qu’est-cequetuveuxquejetedise?Soittuacceptes,soitturefuses.Situcèdesilstelaisseronttranquille,siturefuses…

—Tuvois,toutestdelafautedeJessie!

Ilrigolecommeunebaleine.Ilsemoqueouvertementetjen’aipaslecœuràl’arrêter.

L’après-midi passe rapidement avec Oliver, sa bonne humeur est contagieuse et me permet dedifférerlaruminationdemacolère.Vingtheuresapprochentetjeremarquequemonamicommenceàs’ennuyer,ilregardesamontreetguettelesappelssursonportable.

—Tudevraisrentrer.Ilsnevontdetoutefaçonpastarderàtejeterdehors.

—JevaistéléphoneràOwenpoursavoirquandildoitarriver.

—Laisse-le tranquille, ildoitêtreoccupé,pasbesoinde le stresseren luidisantque tupars ; ilvoudrasedépêcheralorsqu’ilasansdoutedestasdedossiersàtraiter.

—Tusaisparfaitementquesijet’abandonneetquejeneleprévienspas,illeprendraitmal.Etvuqu’ilestdéjàchaud,j’enrajouteraipasenteplantanttouteseule,aprèsc’estmoiquiprendrais.

Iltentedel’appelermaisçanerépondpas.Illaisseunmessagepourl’informerqu’ilserabientôtcontraintdepartiretqu’ilfautqu’ilsedépêchedevenir.Unejeunefemmeauxcourbesgénéreusesarrive avec un plateau-repas et s’étonne de trouver encore un visiteur dans ma chambre. Il estgentimentpriéderegagnerlasortieets’exécuteàcontrecœur.

—Jevaisessayerdeluimettrelamaindessus,j’ignorecequileretientmaisilvaêtrefuraxs’ilréalisequ’iln’estpasrevenuàtemps.Allez,àdemainbeauté.Etrepose-toi.

Je me retrouve enfin seule, et même si c’est ce que je voulais, je le regrette rapidement, carcontrairement à ce que j’imaginais, ce n’est pasma colère que je ruminemais mon angoisse. Jefermemespaupières et je le revois, il est toujours là, ilm’obsède, s’insinuedanschacunedemespensées. Je saisqu’ilnepeutplusm’atteindre,que jenecrainsplus rien,que lebébéest enbonnesanté, pourtant j’ai cette peur lancinante quimeprend aux tripes. Jeme sens constamment obligéed’ouvrirlesyeuxpourm’assurerqu’iln’estpaslà.

Lorsdemapremièrenuità l’hôpital j’avaisdemandéàOwendes’installerprèsdemoi,maisàpeineavais-je réussiàm’endormirque j’avaisétéprised’uneviolente terreurnocturne.Sentirune

présencesiprochedemoidurantmonsommeilavaitdéclenchéunmécanismededéfensetrèsbrutal.Jemesuisréveilléeenhurlantetjel’airepoussésansménagement.Ilfallaitquemonespacevitalsoitvidede toutenvahisseur. J’aivécudeuxsemainesdansune tensionextrême,où jen’arrivaisplusàfermer lesyeuxsansêtresubmergéepar lapeurdem’éveillersansmonenfant.Jesaisque jevaisavoir besoin d’un petitmoment pour recouvrer unminimumde sérénité.Beaucoupmême, si j’encrois le temps quim’avait été nécessaire pour passer une bonne nuit après notre évasion du labo.Quatorzeansdedétentioncontrequatorze jours, cen’est évidemmentpascomparable,maiscelaaressuscitédevieuxdémonsquinesemblentpasprêtsàm’abandonner.

Montéléphonesonneetjen’aiaucundoutesurceluiquivientbienheureusementinterromprelefildemesréflexionstourmentées.

—Hellooomonmatou,ronronné-je.

—Anoukjesuisdésolé.J’arrive.C’esttropnul,j’aiétéréglerquelquesaffairesàlagalerie,jesuisrepasséparlapénicheetaprèsmadouchejemesuisposéuninstantetj’aifiniparm’endormir,medit-ild’untrait,sansreprendresonsouffle.

—C’estbon,restelà-bas,net’embêtepas.Jemesenstrèsbien,c’estinutiledeveniricijustepourmeregardersomnoler.Profitedetonlitsuperconfortableetaccorde-toiunebonnenuitdesommeilréparateur.Jenevaispastarderàenfaireautant,jebouquineunpeuetaprèsjedors.Onseretrouvedemain,d’accord?

—Anouk…

—T’esadorable,maiscrois-moi,sij’étaistoijeresteraisàlapéniche.

—Jetecroismêmepas.

Ilaraison,s’ilétaitàl’hôpitaljenelequitteraispasuneseconde,maisilafaitplusquesapart,ilmériteunpeuderepos,tranquille,sansunedinguequileréveilleenpleinmilieudelanuitenhurlant.

—Restecheztoi…

—Cheznous.

—Situveux,restecheznousetrepose-toi.Est-cequetoutrouleàlagalerie?

—Oui,net’inquiètepaspourça.

—Jenem’inquiètepas,jeprendsjustedesnouvelles.

—Tuaspumangercesoir?

—Maisoui.

—Vraiment?

J’observeleplateau-repasquej’aidélaisséetdontj’airatissélapuréeavecmafourchettecommeunminijardinzen.

—Net’inquiètepas.Etpuisjesuiscertainequ’ilsonttousdesinstructionsicietqu’ilsferontunrapportàJessieaumoindrepetitpoisquej’auraisabandonnédansmonassiette.

—Anouk…

—Jesais.

J’aianticipécequ’ils’apprêtaitàformulercarjeneveuxpasl’entendrepourl’instant,lemomentn’estpasbienchoisi,ets’illeditjemesentiraiobligéedeluirépondre,etcen’estpaspartéléphonequejedésireluimurmurercesmotsquejen’aipaseul’occasiondeprononcerdepuistroisans.

—Jetesouhaiteunebonnenuitalors.Tum’appelless’ilyalemoindresouci,ousitut’ennuies,etjerapplique.

—Bonnenuitmonamoureux.

Jeraccrochesansréussiràmedépartirdusourirequ’ilvientd’apposersurmonvisage.Qu’est-cequejel’aime!Ilfautvraimentquejeprenneletempsdeluidire,illeméritetellement.

J’attrapelelivrequim’atenucompagnielamajeurepartiedelanuitprécédenteetm’attaqueauxderniers chapitres.Mais jedois reconnaîtreque cen’est pas sans appréhension car j’ai consciencequ’une fois que je l’aurai terminé, je me retrouverai seule face à moi-même, seule face à mesangoisses,avecunsommeilemplidecauchemars.Laterreurpouruniqueperspective.Auboutd’uneheure, je suis arrivée à la fin de ce pavé qui m’a permis de résister à l’appel deMorphée, maismaintenantquejedoismecontenterd’unvieuxtéléfilm,jesaisquejenevaispastarderàsombrer.Jecommencedéjààdétournermonregarddel’écranpourmemettreenpositionfœtale,mespaupièresclignotentlentement,etjem’enfoncedoucementdansmonmatelas.

—Chhhhhut,Anoukréveille-toi,toutvabien.

Jesursauteviolemmentendécouvrantquejenesuisplusseuledansmachambre.

—Recule!ReculeJessie!

Il s’exécute et bat en retraite jusqu’à se retrouver coincé dans l’angle de la pièce. Il attendpatiemment pendant que je halète fébrilement en essayant de regagner mon calme. Au bout dequelques secondes,minutes peut-être, lamain surma poitrine, je sens quemon rythme cardiaquerecouvrepeuàpeusacadencehabituelle.Maissubitementunevaguedestresss’emparedemoi.Jefourragenerveusementmacrinièretoutemmêléeàlarecherched’unepreuvedecequim’inquiète.

—Qu’est-cequetufaismapuce?Est-cequetucroisque…?Hey!JesuispasAnton!Jenet’aipascoupédecheveuxpendantquetudormais.

—Maisbiensûr.Qu’est-cequetufouslàdetoutefaçon?Vafalloirarrêterça,mesurprendreenpleinenuitc’estvraimentunemauvaiseidée.Jepensaisavoirétéclaire.Jen’aipasenviedetevoir,tum’énerves.J’avaisditàParksdenepastelaisservenir.Onnepeutvraimentpasluifaireconfiance.

—Ellen’yestpour rien.Tumeconnaisassezpour savoirque jen’aibesoindepersonnepourm’introduirequelquepart.

—Etbahjustement,tuneveuxpasessayerd’allert’introduiredansleslocauxdulabo?C’étaittonidéenon?!Tutenaisàyaller,etbahvas-y.

—Putain,mais qu’est-ce qu’il t’arrive ? Je sais que t’as le droit d’être fâchée à cause demonabsence,mais tu te rendscompteque jen’étaisabsolumentpasaucourantdecequ’ilsepassait.Sij’avais su, j’aurais retourné la Terre entière pour te retrouver. Je suis tellement désolé, mais turéalisesquandmêmequej’ysuispourrien.

—Tutefousdemoi?

Jeme contiens pour ne pas hurler dans cet hôpital où lemoindre son, à cette heure de la nuit,résonnedanstoutl’étage.

—Onamisdesprocéduresenplace,pourquejustementcegenredemerdenepuissepasarriverettoi…J’hallucine.

—Lasituationestpluscompliquéequecequetupenses.

—Nonaucontraire,c’esttrèssimple.Tum’asabandonnéepourallert’éclateravectonplancul.

Clairementc’estlacolèrequiparlecarjen’aijamaisconsidéréZoeycommeunvulgaireplancul.Jesaisqu’ilestfoud’elle,mêmes’illenie,etquesileschosesétaientdifférentes,s’ilenvisageaitunjourdeseposersérieusement,c’estavecellequ’illeferait.Enplus,Zoeyestvraimentadorable.Elleaunairmutinsicraquantquej’aitoutdesuiteeudel’affectionpourelle.Ondiraitunevraiepoupéeavec ses yeux pétillants et sa crinière rousse un peu en pagaille. Un côté fofolle qu’elle assumeparfaitementetqui larendencoreplussympathique.Maislàjen’aipasenviedem’attardersursesbonscôtés,jenevoisenellequelacomplicedeladésertiondemonfrère.

—Tais-toi ! Jeveuxbien restercalme,mais là tuvas trop loin.Lasituationest trèscompliquéemaisjeneparleraipasdeçaavectoimaintenant.

—Bahvoyons !De toute façon tu sais toujours toutmieuxque tout lemonde.Tesexcuses sontforcémentmeilleuresquecellesdesautres.Maistuvois,làjenetrouvepascequipourraitjustifierquetum’aieslittéralementabandonnéeauxmainsd’untaréquiauraitpumefairelespireschosesquisoient. Et si ça avait été le labo ?! S’ils m’avaient débusquée ?! Tu te rends compte qu’en troissemainesilsauraientpumefairedisparaîtredelacirculation,tunem’auraisjamaisretrouvée!

—Elleauncancer,Anouk!Tucomprendsça?!Elleavaitbesoindemoi.

—J’enairienàfoutre,moiaussij’avaisbesoindetoi!!

C’estfaux.Tellementfaux.Silahontepouvaittuerjeseraisdéjàsixpiedssousterred’avoiroséprononcer une telle monstruosité, mais sous l’effet de la colère, de la rage même, mon filtrecerveau/boucheadéfinitivementrendul’âme.

—T’aspasledroitdemesortiruntrucpareil!

Je prends quelques secondes pour me ressaisir dans un silence lourd et pesant, sous le regardassassindemonfrèrequirisquedenepasmepardonnerfacilementcetexcès.

—Excuse-moi.Cen’estpascequejevoulaisdire.Lesmotsontdépassémapensée.Jen’auraispasdû,maistumepoussesàbout.

— Effectivement, tu es allée trop loin. Je n’imagine même pas tout ce que tu as traversé cesderniers joursetc’estpourçaque jesuisprêtàoublierceque tuviensdebalancer,maisne redisjamaisplusunechosepareille.J’avaisjustebesoindem’assurerquetuallaisbien,etapparemmentt’esplutôtenforme,doncjevaistelaisser.

—Voilà,parfait!Vas-y,laisse-moiseuleencoreunefois!

—Maisc’esttoiquim’asditquetuavaisenviequejeparte!Tutefousdemoiouquoi?

C’est vrai,mais j’aimerais qu’il résiste, qu’il insiste, qu’il souhaite rester avecmoi, comme unfrère,pascommeunmédecin.

—T’asraison.Vas-y.

Ilcommenceàavancer,etalorsquejepensaisqu’ilrejoignaitlaporteilsedirigeverslelitpours’asseoirprèsdemoi.Jedétournelesyeux,légèrementembarrassée.

—Raconte-moi.

Jesecouelatêted’unefaçonquasiimperceptible,jeneveuxpasêtreobligéedereplongerdanscessouvenirsquim’assaillentdéjàtouteslesnuits.

—Commentjepeuxt’aider?

—EndemandantàParksdemelaisserpartir.

Jen’aipastraînéàreprendrecontenancepourluiprésentermarequête.

—Jesaisqu’ellesouhaitaittegarderunpeusoussurveillance,maisellenedevraitpastarderàtedonnerlefeuvertpoursortir.

—Arrange-toipourquejepuisserentrerdèsdemain.

—Qu’est-cequ’elleendit?

—Elleenditquequelqu’unluiamisdedrôlesd’idéesentêteetquedésormaiselleaimeraitmesoumettreàdenouveauxexamensavantdemerendremaliberté.

—T’asqu’àaccepter,ettuserasdébarrassée.

Ilsourit légèrement,maisseraviserapidementquandilvoitquemonvisagenefaitpaséchoausien.

—Jess’,elleétaitprêteàmelaisserpartir,c’estparcequeTOI,tupsychotesetluimetslapressionquemaintenantelleveutmeretenir.Donc,TUvastedébrouillerpourquejepuissequitterleslieuxdèsdemain.

—Jetecomprendspas.Pourquoiturejettesl’idéeenbloc?ÇametranquilliseraitdéfinitivementetpuispenseàOwen.Luiaussiestsoucieux.

—Neteserspasdeluipourjustifiertesdélires.Assumeteschoixettesdemandes.

—Moi?C’estmoiquidoisassumer?!Venantdetoi,elleestbienbonnelablague.Maisc’estvrai,mêmesiturefusesdelevoir,ilestfoud’inquiétudeetlamoindrepetitechoseseraittrèsrassurantepourlui.S’ilteplaît…

—Arrêteçatoutdesuite.J’enaimarre,çasuffitdejouerlesmédecinsavecmoi.

—Explique-moi justepourquoi turepoussescette idée,alors.Çapermettraitderéaliserunbilantoxicologiquepluscomplet,yapeut-êtredesdroguesdontonnetrouveplustracedanstonsangmaisquiauraientlaisséuneempreintequel’onpourraitdétecterdanstescheveux.

—Jeneveuxplusenentendreparler.J’aiditnonetjenereviendraipasdessus.

—Anouk…qu’est-cequetumecaches?Qu’est-cequetucrainsquejedécouvre?

—Peuimporte,cen’estpasunequestiondecacherquoiquecesoit,c’estunequestionderespect.J’enaimarreetjetedemandejusted’acceptermadécision.

—Aucontraire,c’estexactementça.Jeviensenfindemettreledoigtdessus.Ilyaquelquechose,c’estça?Quelquechosequejerisquedevoirdanscesanalyses.Mapuce,quoiquejedécouvre,çanechangerarien,jesaispertinemmentqu’ilt’adonnédessubstancescontretavolonté,etsitucrainsqueje sois contrarié… Je… je ne pourrais jamais t’en vouloir, quant à lui… Je crois que je pourraisdifficilementêtreplusénervéquemaintenant.J’tejureques’ilt’afrappéeou…

Jeremarquesesyeuxinquietsquiglissenttrèsfurtivementversmonentrejambe.Ildétourneviteleregard,tropmalàl’aisepourosermettredesmotssurl’affreuxdoutequivientdel’assaillir.

—Quoi?Non!Non,non,pasdutout.Ôte-toicetteidéedelatête.

Commentpeut-ilimagineruntrucpareil?DetoutefaçonParksauraitconstatédeslésionsquandellem’aexaminéeaumomentdemonadmission.

—Alorslaisse-moipratiquercesanalyses.

Jesoupire, jesuisfatiguéeetsaisqu’ilestenmeilleureformequemoi.Àcerythmeilm’auraàl’usure.

—Toi,plusquen’importequid’autre, tudevraiscomprendreàquelpointc’estanxiogènepourmoi de subir constamment des examens médicaux, et si ce n’est pas nécessaire, je ne veux plusm’imposerçaetpouvoirjouirdemondroitderefuser.

—Tunecéderaspas,hein?

Jepincemeslèvresavecunemouelégèrementdésoléeavantdesecouerlatêtepourluisignifierqu’effectivement,jenelâcheraipasprise.Iln’enconnaîtpaslevéritableenjeu,maiscetteanalyseetles résultats qu’elle pourrait donner, les secrets qu’elle pourrait révéler, tout cela me fera tenirfermement mes positions. Je ne permettrai pas que des informations si compromettantes soientdivulguées.Cettesimplepenséeravivemavolontéetmadéterminationquidoivents’afficherdeplusenplusclairementdansmonregardpuisquemonfrèrefinitpararborerunairrésigné.

—Jevaistelaissertereposer,tudoisêtrefatiguée.Tuasbesoindequelquechose?

—Ouije…

—Endehorsdem’arrangerpourquetusortesdemain.

J’esquisse un petit sourire quime trahit et qui lui fait lever les yeux au ciel avec unemimiquelégèrementamusée.

—Donc…?

—Riendeplus.Çaira,jeveuxjustedormirunpeu.

Ilseredresseetdéposeunlégerbaisersurmajoueavantdes’éclipser.

14

Ilestàpeineneufheuresquandj’entendsunpetitgrattementàlaporte.

—Entre,Owen.

—Hellooo.Commentçavacematin?

—Çava.Maistoituasvraimentl’aird’excellentehumeur.

—Effectivement. Il faut avouer que j’ai passé une nuit plutôt revigorante, ce que je n’avais pasconnudepuislongtemps,etenplusj’arriveavecdebonnesnouvelles.

—Devraiesbonnesnouvelles?

—Katherineterendtaliberté.Jel’aicroiséeenvenantetellem’aditquesic’esttoujourscequetuveux, tues librederentrerà lapéniche, justequelquespetitsexamensetuneprisedesang,etc’estréglé.

—Humm

—Quoihumm?

—Jem’endoutaismais…Jessieestvenuhier.

—Quandça?

—Cettenuitenfait.Iladébarquéet…

—Ças’estbienpassé?

—Sionveut.Écoute,pourl’instant,s’ilestprêtàmelaissertranquilleetqueParksmelibère,jenetraîneraipasuneminutedeplusici.Tupourraismetrouveruneinfirmièrepourqu’ellemevirecesmachins?demandé-jeendésignanttouslescapteursetperfusions.

—Katherinedoitpasserpourtedonnerlesinstructionsdesortie.

—Ça,çasignifiequetusaiscequ’ilenestetquetun’osespasmeledire.

—C’estsadécision,jeluilaisseleplaisirdet’enparler.

—Elleveutquejegardelasonde,hein?

Lesourirequ’iltentedemasquermeprouvequej’aivujuste.Quellepoisse!

Un quart d’heure plus tard, elle fait son entrée et confirme ce que je craignais. Je conserve lepackage complet, cathéter plus sonde naso-gastrique. Je me plie à une ultime prise de sang.Lorsqu’aprèsquelquesminutessoncollègueéchographistenousrejoint,celui-ciorganiseunepetitevisite guidée de mon utérus. Cette fois-ci mon regard n’est pas attiré par le visage d’Owen quis’extasieàlavuedep’titbout,jesuismoiaussicaptivéeparcetteimagequasimiraculeuse.Chaquebattementdecœurquej’entendsredonnevieaumienquisegorgepeuàpeudetoutl’amourquej’aipourlui.

Maismaintenantquenousenavonsterminéavecmes«obligationsmédicales»,jesuisprêteàtoutpoursortird’ici.Pendantqu’ilrassemblemesaffaires,jeréalisequetoutcelaesttropfacile.Owenfaisaitlatêtehiersoirpourcettehistoired’analysecapillaire,Parksnesemblaitpasdisposéeàcéder,etJessie…mêmes’ilparaissaitrésigné,jeleconnaisassezpourdevinerqu’ilnedevaitpasavoirditsonderniermot.Plusj’ypenseetplusçadevientsuspect.Jesuissûrequ’ilsetramequelquechose.J’ensuiscertaine,Jessiem’aprisunemèchedecheveuxcettenuit, iln’yaaucundoute, iln’auraitjamaiscapituléaussivite.Ilsuffitdemerappelersaréactionquandj’avaisquittél’hôpitalalorsqu’ilétaitcontre.Ilavaitpiquélacolèredusiècle.Jem’entirebientropfacilementcettefois-ci.Letoutestdesavoirquisontsescomplices.

—Owen…Pourquoituesdesibonnehumeur?

—Jetel’aidit,j’aipasséunenuitreposanteetenplustuesautoriséeàsortir.

—Tuétaisénervéhier.Tuesparticontrariéetturevienscommesiderienn’était.

—Ettuvast’enplaindre?

—Jetrouveçalouche.

—Pourtouttedire,j’aiunpeuparléavecKatherinecematinetellem’arassuré.Elleconvientquetonfrèrefaitpeut-êtreduzèleetqu’enl’étatactueldeschoses…bon,cen’estpasidéal,maisçaresteacceptable.Alorsj’aidécidédeprendreçaavecphilosophie.Mêmesij’auraisquandmêmepréféréquetufassescesfichuesanalysesquiauraientrassurétoutlemonde.

Etmerde.J’auraisvoulu lireen luicommedansun livreouvert,mais jedois reconnaîtreque jen’aiaucuneidéesursonéventuelleimplication.

Jevaisdevoirluifaireconfiance.Mevoilàenterraininconnu!

—Owen,çanetediraitpasqu’ons’octroiequelquesjoursdevacances?Onpourraitseretrouver,touslesdeux,dansunendroitcalme.Çanousferaitdubien.

—Heuuu…Anouk,j’aimeraisbeaucoupmaisc’estpaspossible.Tuasbesoinderepos,onnepeutpascavalern’importeoù.Jesaisquetunevaspasapprécier,maistudoisvraimentteménager.Faisçapourmoi.

—Maisonneseraitpasobligésdepartirloin,unpetitcoupd’avionethop!LaCorseparexemple.On y serait rapidement, ce serait dépaysant et relaxant. Et une fois sur place je te promets demedétendre.

—Jevoudraistefaireplaisir,maisfranchementceneseraitpasprudent.Jepréfèrequ’onresteàproximitédel’hôpitaletqu’onseretrouvetranquillement,cheznous.

Misère!Owennecéderapaset jeneparviendraipasàm’éloignerassezdeJessiepouréviter lafoudrequivas’abattresurmoisij’aivujusteetqu’ilaprocédéàcesanalyses.

—Et puis tu sais, j’ai vraiment beaucoup de boulot quim’attend. Il faut que jem’occupe de lagalerie, je dois intégrerunenouvelle collection, j’ai repéréun artisteque j’aimerais exposer…Etpuistouteslespaperassesàgérer,entreleprêtetlespapierspourlenotaire…

— Tu vas demander un prêt bancaire ? Je t’avais dit que je pouvais te donner l’argent qui temanquait.

—C’estpaslemomentd’endiscuter.Allez,onramassetesaffairesetonrentre.

Jen’argumentepaspourl’instant,j’aid’autreschosessurlesquellesmeconcentrer.Àcommencerpar réussir à sortird’ici.Et après avoirpassé autantde tempsalitée, il est clairque jenevaispasbondircommeuncabri.Jeresteassisesurleborddumatelasenattendantqu’ilaitfinideremplirlepetitsacqu’ilavaitapporté,enespérantquemescannesdeserinferontleurboulot,aumoinsjusqu’àcequel’onsoitàlapéniche.

Ils’approchedemoi,monbagagedansunemainbalancéderrièresondos,l’autretendueversmoi.Jelasaisis,maisavantmêmedemereleverilm’embrasselesdoigts.Jem’avancedoucementetmeblottiscontresontorse.

—Allez on rentre, mon cœur. On profitera une fois à lamaison.Même si je te laisserai dans

l’après-midipourmerendreàlabanque.

—Toujourscettehistoiredeprêt.

—Oui.

—Ehbienrienquepourtegarderavecmoi,çavautlecoupdetedonnerl’argent.

—Onyva.

Jemarchetranquillementmaisjesaisquesoussonairdécontractéilmaintientunœiltrèsattentifsur moi, prêt à me bondir dessus au moindre signe de faiblesse. Heureusement j’arrive sansencombrejusqu’àsavoitureetnousnousretrouvonsvitederetourchez…nous.

Une fois le seuil de la porte franchi, il me lâche enfin la main, comme s’il voulait me laisserreprendre doucement possession des lieux et redécouvrir mon environnement. Comme un petitanimalqu’onvientdelibérerdanslanatureaprèsunelonguepériodedecaptivité.Jeluijetteuncoupd’œilmais il ne bouge pas etm’observe. Je progresse tranquillement vers le canapé et remarquequ’elleestencorelà,surlatablebasse,matassedetisane.CellequejebuvaisaumomentoùKarenm’adroguée.Iln’apasoséytoucher,etbizarrementjen’yarrivepasnonplus.Jenesaispascequimeretientcarc’estpourtantdouloureuxdelavoirici,ellemerenvoiedessouvenirstrèspéniblesetsurtout,elleestl’échodel’angoissed’Owen.Combiendetempsest-ilrestélà,assisdevantcettetasse,àsedemanderoùj’étais?Jemedétournedusalonpourrejoindrelelit,j’aibesoindemereposeretjedoisavouerquedepuisquelquesjourscelitmesembleêtremonsalut.Jen’aipenséqu’àça,peut-être que dans ce lit, son lit, enveloppée des effluves de son corps, j’arriverai à dormir, qu’aucuneimaged’Antonneviendratorturermonespritenmaldesérénité.J’espèrequesijem’éloignedetoutcequiporteuneodeurd’hôpital…

Il entre dans la pièce, déposemon sac près du canapé et alors qu’il se dirige vers la cuisine, ilmarqueunelégèrepause,fixelatasse,etaprèsuneseconded’hésitationlasaisitpourlavideretlalaver.

J’enlèverapidementmesvêtementsetmefaufilesouslacouette,j’aibesoindemeretrouverdansdesdrapsconsacrésparleparfumdesapeau.Ildevientquasivitalquejeparvienneàdormircarau-delà de l’aspect physique, c’estmon esprit qui réclame un peu de répit. Il ne doit pas s’en rendrecompte, mais j’ai parfaitement conscience que je ne tiendrai pas longtemps ainsi. Il faut que jereconstruisemabulledebien-être.

—T’esfatiguéemoncœur?

—Unpeu.Viens,dis-jeentendantmamainversluipourl’inviteràmerejoindre.

Ils’approche,entrelacesesdoigtsaveclesmiensets’assoitsurlelit.Ilnes’installepassouslesdraps,maiscelanem’empêchepasdemeblottircontrelui.Mespaupièresnerépondentplusàmesordres,ellescommencentdéjààvouloir se fermer.Malheureusement,àchaquebattementdecil, jerevois cette chambre, celle où j’étais retenue, un autre battement, Anton, un autre, le cathéter quej’arrache,lesang,lapeur.

—Hey,tuasfroid?Tudevraismieuxt’emmitoufler.

—Viensalors.

Ilsouritchaleureusement,sedébarrassedesesvêtementsetunefoisqu’iln’aplusquesonboxersur lui,me rejoint. Sa peau est incroyablement chaude, j’avais presque oublié.C’est si bon, jemeretrouve…chezmoi.Cen’estpaslapéniche,c’estluimonchez-moi.Soncorpsestmamaison,sonamourmonfoyer,satendressemonrefuge.Jenepeuxpasm’empêcherdecaressersontorsequimetranscendeau-delàdetoutefatigue.Maisluiaussilaissesesmainssepromenersurmondos,ilglissedélicieusementlelongdemesflancs,etquandjemeloveunpeupluscontreluipourembrassersespectoraux,ilinspiretrèsprofondémentpourinhalermescheveux.

—C’estsibondet’avoirenfinici.J’aicruquejamaisjeneteretrouverais.J’aieutellementpeurdeteperdre.

—Jesuislàmaintenant,etjevaisbien.Net’inquiètepas.

Ilinterromptsescaressesetsedétachelégèrementpourmetoiser.

—Anouk,promets-moiquejamaistunepartiras.Passansmeprévenir,mêmesitupensesquejedoismedouterdelaraison,promets,nonjure,quetunet’eniraspassansmeledire,parcequesinonjamaisjenecesseraideterechercher.

—Jetelejure.Jesuislà,avectoi,jenetequitteraiplus.

Ses yeux posés sur moi ne me voient plus, son regard est plongé dans son âme où mes motsdoiventrésonneretappliquerunbaumeréconfortantsursoncœur.

—Net’enfaispas,jenesuispasprêteàm’éloignerdetoi.Tuneréussiraspasàtedébarrasserdemoiaussifacilement.

Jetenteunlégersourirepourl’amadouer,maisilestclairqu’ilestencoretrèsaffecté.

—Owen…çavaaller.

L’unedemesmainsremontelentementlelongdesoncorpspourseglisserdanssescheveux.Jem’yaccrochedoucementetl’attireprèsdemoipourl’embrasser.J’enaibesoin,tellementbesoin,etmaintenantquemaboucheacommencéàlegoûter,jemerendscomptedecombienc’étaitnécessaire.D’unefaçonsiintenseetdévorantequejenesaispascommentj’aipuignorertoutel’excitationqu’ilsuscite enmoi.Mapeaun’enpeutplusde l’attendre.Mais alorsque je caresse ses lèvres avecmalangue, sonnez touche le fin tuyauqui est scotché surma joue et un sentimentdemalaise envahitimmédiatementmonesprit, occultant tousmesdésirs. Je recule légèrement etbaisse lesyeux, tropgênéeparcecontact.

—Çava?

— Oui, c’est juste… – j’expire profondément pour tenter d’évacuer ma honte – cette sonde…laisse.

Mais cette fois, c’est luiquime saisit auniveaude lanuquepourme rapprocherde sonvisage.Maisétonnamment,c’estsurleboutdemonnezqu’ildéposeunpetitbaiser.

—Anouk,n’ypensepas–petitbaisersurlefront–ons’enfiche–petitbaisersurunœil–çan’aaucuneimportance–petitbaisersurl’autreœil–jenelavoismêmepas–baisersurmonnez–jenevoisquetoi–baisersurl’affreuxtuyau–jenevoisquelafemmequej’adore–douxbaisersurmeslèvres.

—Jet’aimeOwen.

—Jesais,murmure-t-ilensouriant.

Iln’apasoublié,etjenepeuxm’empêcherdeluirépondredelamêmefaçon.

—Jet’aimetellement.J’aieusipeurdenejamaispouvoirteledire.

Saboucheprendpossessiondelamiennesiavidementquejecomprendsinstantanémentqu’ilenestfinidesdéclarations.Cetamourquej’aiavouéavoirpourlui,jeveuxmaintenantleluimontrer,leressentir avec lui. Il m’embrasse, sans retenue, avec une surprenante vigueur qui fait fi desprécautionsqu’ilavait l’habitudedeprendredanslesderniers temps.Sesdoigtsagrippentmafesseavec fermeté, ilmemaintient comme s’il craignait demevoir encore disparaître d’une seconde à

l’autre.Cesontdésormaismesdeuxmainsquisontplongéesdanssescheveuxpourm’accrocheràluietàsafièvre,extrêmement,etdélicieusement,contagieuse.

Ilfautquenousnouspossédionsl’unl’autre,quenousfusionnions,c’estunenécessité,tantpourluiquepourmoi.J’aibesoindemerapprocherdeluipourm’éloignerdurestedumonde.

Rienqu’avecsesbaisers,ilréussitàmefaireunbienfou,ilestmapiluledubonheur,iléloignelesombresdemonesprit.C’estcentfoisplusefficacequetouteslesséancesdedéfonceàl’oxycodoneavecAnton,àla«belleépoque».Jeneprendspasletempsdem’attardersurcetteabominableidée,riennecompteàpartOwenet sabouchedélicieusequiest en trainde traceruncheminentremesseins.Mesdoigts toujoursdans ses cheveux, jemecramponneà lui pourmedélecterde sesdouxassauts linguaux. Ilcontourne judicieusementmapetitebumppourdéguster lehautdemescuisses.Maissalanguenes’éternisepassurcesprémicesets’insinuedésormaisdanslecreuxoùs’éveillentdéjà d’exquises sensations. Il amorce ce contact en savourant généreusement et très largementmachair humide. Je suis très réceptive et il n’a même pas besoin de déployer tous ses talents pourm’éjecterauseptièmeciel.Sonarmesefaitplusfineetplusaffûtéepouruntravaildeprécisionaucoursduquelilexploretouslesreplisdemonintimité.Ilgoûtemespetiteslèvresetsedélectedemonplaisir. Il ronronne et je ne peux m’empêcher de sourire en retrouvant ainsi ces sensations sifamilièreset si réconfortantes. Il remonte lentementetàplusieurs reprises le longdema fentequin’en peut déjà plus de l’attendre, et quand il expire doucement, son souffle chaud sur le pointculminantdetoutesmesterminaisonsnerveusesm’électrisecomplètement.Sabarbedetroisjoursquisuittouslesmouvementsdesaboucheexperteajouteunsoupçondepiquantetd’intensitéàlacaressede ses papilles qui me rendent dingue. Je commence à me cambrer pour incliner mon bassin etl’implorersilencieusementd’accroîtrecemomentd’extase.Etquandilaspiremonclitoris,toutmonorganisme se concentre sur ces vagues de chaleur qu’il déclenche, je suis au diapason de chaquepetite succion qu’il me prodigue, mes orteils se recroquevillent, mes doigts s’enracinent dans satignasse et je gémis, fort, parce que je perds complètement le contrôle, qu’il est en train dem’embraser, et que je n’arrive plus àmaîtriser quoi que ce soit.Mesmuscles les plus intimes secontractentviolemmentdansunorgasmequejen’avaisjamaisautantsavouré.

—Stop…arrêtes’ilteplaît…c’est…humm.

Ilcomprend.Heureusementcarjesuishypersensible,etjevaisavoirbesoindequelquesminutespourmeremettreavantqu’ilnepuissemeprouversesmultiplestalentsdédiésàmonplaisir.

Ils’allongeàmescôtésetjemeréfugieimmédiatementdansmonpetitcreux.Majambes’enrouleautourdesataillepourlegarderauplusprèsdemoietilenprofitepourcaresserdoucementmes

cheveux.C’estsibon.Aprèsquelquesminutesdecedélicieuxtraitement,j’aisuffisammentrécupérépouravoirenviedetesterlerestedesapalettedejouissances.Jemepositionnesurluietleplussexydessouriresapparaîtquandilcomprendcequejem’apprêteàfaire.

Jem’assoissurlui,directementaucontactdesonsexeprêtàmesatisfaire.

—Attends,vienslà.

Ilsaisitmesjambesàpleinesmainsetm’attireverslehautdesonbuste.Jesaisparfaitementoùilveutenvenirmais…

—C’estbon,j’aienviedeplus,jeteveuxtoi,vraiment.

—Justeunpeu,pourfaciliterlasuite.

Ilhaussesessourcilsd’unaircoquinetjenepeuxobtempérer.

Ilréitèrecepetitmouvementpourtirersurmescuissesetm’inciteràm’exécuterplusrapidement.Jeme soulève donc pour lui permettre de se glisser sousmoi jusqu’à avoir son visage entremesjambes qu’il écarte légèrement pour m’obliger à me baisser. Tout mon système nerveux réagitlorsqu’ilrevientaucontactdemonboutonduplaisirencoreàfleurdepeauetgonfléparledésir.Ils’interromptuneseconde,pours’assurerqueçava,jecrois,maisquandjemepencheenavantpourprendre appui contre lemur devantmoi, il reprend sesmouvements experts avec ses papilles quitententdes’inviterenmoi.C’enesttrop,j’aibesoindetrèsvitepasseràlavitessesupérieure.Jemereculepourretourneraucontactdemabasedeloisirspersonnelle.

—Hey,oùtufilescommeça?m’interroge-t-ilamusé.

— Tu me tortures là, j’ai vraiment envie de… ça, dis-je en caressant son sexe que je saisisrapidementpourlemettreaucontactdumien.

Il sourit mais quand je l’introduis doucement enmoi, ses paupières se ferment et il prend uneprofondeinspiration.

—Hummm…Owen…

—Jesais…

Ilrouvrelesyeuxetmeregardeavecchaleur.Çafaisaittroplongtemps,nousenavionstellementbesoin.Jeplaquemapoitrinesursontorse,sapeaucontrelamienne,soncorpsdanslemien,nous

fusionnons,enfin.Jem’accrocheàsanuqueetcommenceàdonnerdedélicieuxcoupsdebassinquifonttrèsvitegrimperlatempérature.Alorsquejemesensdéjàprêteàdécoller,ilm’attrapeparleshanchesetmebasculepours’installersurmoi.

—Qu’est-ceque…hey!

Je halète et peine à formuler ma protestation, mais clairement il ne m’aurait pas fallu plus dequinzesecondespourplanercomplètementetilvientdem’enpriver.

—Attends…–ilrespirefortluiaussi–si…situcontinuescommeçajenevaispastenir.

—Et??

—Etjeveuxenprofiter.

Ilreprenddesmouvements,plusdoux,pluslents,qu’ilintensifieparmoments,soufflantlechaudetle froid surmon orgasme en attente.Arrive enfin l’instant où il sait qu’il ne pourra plus retarderl’explosion de notre plaisir. Sa cadence est effrénée et je savoure chaque coup de reins qui merapproche de l’extase. Les frottements de sa base contremon clitoris ont un effet dévastateur quianéantitlesdernierssoupçonsdepudeurquim’empêchaientdecriersonnom.Monsangs’échauffedansmesveines,ilcrépiteetlavaguedechaleurquiseconcentraitdansmonventreserépanddanstoute ma chair. Je réalise alors que ses muscles se crispent, il éjacule, chaque secousse où il sedéverse enmoi décuplemon orgasme. J’aime tellement le sentir jouir, c’est si bon. Je l’embrassetandisquejelâcheprise,complètementdéfoncéeauxendorphines.

15

—Madouce,réveille-toi.

—Hummmpourquoitum’embêtes,pourunefoisquej’arriveàdormir!

—Jesuisdésolémaisilesttardetilfautquetumanges.Enplustonfrèrem’aenvoyéunmessagepourmedirequ’ilallaitpasser.

—Hein?!Quoi?!

Jemeredresserapidementdanslelitetramènelacouettecontremoi.J’aiémergébeaucoupplusvitequejenelepensais.

—Heyyyy,pasdepanique,iln’estpasencorearrivémaisilnedevraitpastarder,etjevoulaistelaisserletempsd’enfilerquelquechoseavantqu’ilnesoitlà.

—Est-cequ’ilavaitl’airencolèreouénervé?

—Non,pourquoicrois-tuqu’ilpourraitl’être?

—Parceque jesuiscertainequ’ilm’aprisunemèchedecheveuxetqu’ilapratiquésesfoutuesanalysessansmêmemedemander.Et…ilrisquedenepasapprécierlesrésultats.

Jedevraisdéfinitivementarrêterdeparlerauréveil,quandmonespritestencoreplongédansunetorpeurquianesthésiecomplètementmonfiltrecerveau/bouche.

—Qu’est-cequi te faitdireça?Est-ceque tonex t’a filéun trucquin’apasété repérépar lesmédecinsetquetuconnais?

Monhomme,parcontre,al’aird’avoircompristoutl’intérêtqu’ilyavaitàm’interrogerdanscegenredemoments.

—Maisnon,net’inquiètepas.

—Anouk…J’aimepasquand tu fais ça.Quand tu agis comme si de rienn’était alors qu’il y aclairementunsouci.Dis-moi.

J’hésite etme triture lesméninges,mais je nedois pas perdre de temps à lui rétorquer sinon ilréaliseraquecen’estpasuneréponsefranchemaisqu’elleestcalculée.Jeveuxfairedeseffortsmais

surcepoint…S’ilyaunechancequeJessien’aitpaspratiquécetteanalyseetqu’ilnedécouvrerien,jenevaispasrisquerd’avouertouteseulemeserreurs.

—C’estjuste…quejenetienspasàcequ’ildétectetoutcequ’apumedonnerAntonetenquellequantité.Cequiestfaitestfait,etjeneveuxpasqu’ilflippedavantage.

—Iladéjàvulesrésultatsdetesprisesdesang.Qu’est-cequ’ildécèleraitdeplus?

—Toutendétail,lesdoses,ladurée…j’ensaisrien.Jememéfie.

—Tumelediraiss’ilyavaitunproblème?

—Absolumentpas,avoué-jeenrigolant.

Jemejetteenarrièreenm’esclaffantet tirelacouvertureau-dessusdematêtepourm’enfermerdansmoncocontoutchaud.

—Allezmamarmotte,sorsdelà.Jessiedevraitramenerunepizza.Çateconvientoutuasenvied’autrechose?

Jepointeleboutdemonmuseauhorsdemonterrierpouressayerdeplaidermacause.

—Tuveuxpasluidirequejesuiscrevéeetqu’ilvienneàunautremoment?Sérieusement,jesuisvraiment naze, et je dormais si bien… J’espère que tu sais ce que ça va te coûter de m’avoirréveillée?

Je lui lance mon petit regard de crapule pour qu’il n’y ait pas la moindre ambiguïté sur mesintentions.

—Qu’est-cequec’estqueça?T’enaspaseuassez?!Nonmaisjerêve…

— Bah c’est de ta faute, là j’étais super fatiguée, shootée avec une dose d’endorphines pourmammouth,prêteàenchaînerquinzeheuresdesommeil,ettuviensdem’interrompre.Alorsaprès,àtoidetedébrouillerpourmeremettredansd’aussibonnesconditionspourlanuit.

Ilserapprocheetsouritdecesouriresisexyquiembrasemapetiteculotte.Ilsepencheau-dessusdemoietj’aienviedefairevolerlacouettepourvirercerempartentrenoscorps.Samainvientaucontactdemajoueetsabouchedelamienne.C’estdélicieux,etpresquedouloureuxdesavoirquenous n’irons pas plus loin pour l’instant.Alors qu’ilm’honore d’unminuscule baiser, j’attrape salèvreinférieureavecmesdents,doucementmaisfermement.Jeneveuxpasqu’ils’éloigne.Celava

au-delàdusimplefaitqu’ilm’exciteetquejeledésire,j’aidésormaisunbesoinirrépressibled’êtredans son champ de gravité, sa présence exorcise mes angoisses et chasse, temporairement, lesfantômesquimepoursuiventpartout.Finalement ilparaît toutdisposéàm’octroyerundélaicar ilsembles’installerunpeuplusconfortablementpourresteràmescôtés. Ilmecaressedoucement levisage pendant que sa langue plaide pour la relaxe de sa lèvre. Je relâchema prise, non sans unedélicieusecontrepartie.Ilm’embrassevoluptueusementetj’entretiensalorsledivinespoirquenotrepetitesiestecrapuleusepourraitseréitérerunefoismonfrèreparti.

—Tutesenscomment?

—Légèrementfrustrée,memoqué-je.

—Arrête,jesuissérieux.

—Moi aussi, tu commences à émoustillermespetiteshormonesalorsque je saispertinemmentqu’onnepourrapasallerplusloin,vuqueleroidel’incrustenevapastarder.

— No stress, on mange un bout, il fait ses trucs et puis c’est bon, il te laissera te reposertranquillement.

—Commentça,sestrucs?

—Tusaisbien…

—Disonsquejen’ensuispassûre,doncvas-y,explique-moi.

—Vérifierlasonde,changerlepansementducathé,tepasseruneperf…

Jedétesteentendrecesmotsdanslabouched’Owen.Toutcejargonmédical…Iln’auraitjamaisdûseretrouveréclaboussépartouscesproblèmesquisontlesmiens.Ilsembledeplusenplusmaîtriserlaquestionetçamepeinepourlui.Jepréféreraisqu’ilsoitunexpertencouchesoubiberons.Ça,çadevraitêtresesvraiespréoccupations.

—Heyyyqu’est-cequ’ilya?C’estquoicettepetitemouetristounette?

—Cen’estrien–faireuneffort–c’estjustequejen’aimepast’entendreparlerdetouscestrucsmédicaux.Tuavaisétéépargnéjusque-làetmaintenanttevoilàjetéaumilieudelafosseauxlions.

—Tetracassepaspourmoi,jesuisexactementlàjevoulaisêtre.Avectoi.

Hummm ilm’énerve à s’exprimer aussi facilement lorsqu’il s’agit d’évoquer ses émotions, alorsquejesuisclairementunehandicapéedessentiments.

—T’aimespasquandjedisçahein?metaquine-t-il.

—C’estpasquej’aimepas…

Letéléphoned’Owennousinterrompt.

—Sauvéeparlegong.Tiensc’esttonfrère.Ilnedoitpasêtreloin,dépêche-toid’enfileruntruc.Allô?

—…

—Maisoui,monte,installe-toisurlepont,onarrive.

—Ilestdéjàlà?

—Oui,ilnevoulaitpasgueulerdepuisl’extérieuraucasoùtuseraisentraindedormir.

—Etbahjustement,dis-luiquejemesuisassoupie.J’aipasenvied’yaller.

—Arrêtedefairetaboudeuseetviens.Tuveuxdel’aidepourt’habiller?melance-t-ilavecsonpetitsouriretaquin.

—Non,jecompteplussurtonaidepourmedéshabilleraprès.

Ses lèvres s’étirentunpeuplus largementalorsqu’il se lèveet filevers laportepour rejoindremonfrère,melaissantlesoind’enfilerunvêtement.Jechoisisl’unedeschemisesdemonhomme,une blanche. Tenue spéciale post-baise que j’adore porter les jours où je traîne avec lui. Ceci dit,j’ajoutequandmêmeunleggingpourfairebonnemesureetêtreprésentable.Surtoutquejegardeentêtequ’ilyatoujoursdestouristessurlequaietquejenepeuxpasm’afficherdanslesfringuesquejeveuxsansrisquerdejouermalgrémoilesexhibitionnistes.

—Hey!Salutmapuce.

Jessiearboresonsourirelepluschaleureuxetjesaisdéjàque,s’iladécidédepratiquersesfichuesanalyses,iln’enapasencorelesrésultats.Ilaunpetitaircontrit,j’ignoresic’estparrapportàunéventuel vol de cheveux ou à sa culpabilité liée à son escapade crapuleuse avecZoey. Ilm’enlaceaffectueusementetj’aienviedesuccomberàcetélandetendresse,parcequejen’aipluslaforcede

batailleraveclui,etparcequ’aprèstoutiln’yapasd’âgepouravoirbesoindesongrandfrère.Qu’ilait réalisé ces analyses ou non, tant pis, les conséquences me tomberont dessus bien assez tôt. Ilm’enveloppedans lecoconque formentsesbrasautourdemoncorpssi frêle. Il frottedoucementmondos et je sens grossir cette boule d’angoisse que j’étouffe depuis plusieurs jours.Toute cettetension, ce stress, cette inquiétude quim’empêchent de trouver le repos sont en train d’essayer desortiraugrandjour.Peut-êtreparcequemoninconscientsaitqueJessieestceluiquim’aaidéeàmeremettreladernièrefoisquejemesuissentiesimal,ilyaquinzeans,aprèsavoirfuilelabo.J’aitoutquittéavecmonfrère,toutcequiétaitmafamille,monchez-moi,toutemonexistenceenfait.Celaboc’était toutemavie,uneviedecobaye, lapirequisoit,maismavie.J’étaissiperturbéeaprèsnotreévasion,déstabiliséeparmonnouvelenvironnementdont jeneconnaissaisni lescodesni lefonctionnement,complètementpaniquéeàl’idéequemonpèrepuissemepourchasser,quejeperdaispied.MaisJessieétaitlà,ilétaitmonroc,mafamille,montout.Maismesinquiétudesétaientfondées,mongéniteuravait lesressourceset lesmoyensnécessairespourmetraquer.Dieu,ouplutôtJessieseulsaitcommentnousavonsréussiàluiéchapper.Ilm’aremisesurlesrailsalorsqu’ildevaitêtreaussidéboussoléquemoi,ilatoujoursétéleplusfortdenousdeux,mêmesijenelereconnaîtraisjamais.

Ilessaiedesedétacherdoucementmaisj’agrippesontee-shirtpourqu’ilcomprennequec’esttroptôt. J’aibesoindequelquessecondespourmeressaisiret renfermer labouled’angoissedanscettepetiteboîtecachéedanslestréfondsdemonâme.

—Çavaallermapuce,jesuislàmaintenant.

Je ne réponds pas, j’ai peur que des trémolos dansma voix neme trahissent. Qu’est-ce que jepourrais dire de toute façon ? J’inspire profondément, une fois, deux fois, je ferme les paupières,mobilise toutesmes facultés pour affichermonmasque le plus rassurant possible. Je ne veux pasl’accabler pour son escapade avec sa chérie, et il est hors de question que je sème la graine del’inquiétudechezOwen,bienqu’iln’aitclairementpasbesoindemoipourcela.

Jefinispar interromprenotreétreinte,encorequelquessecondescommeçaet ilsflipperont touslesdeuxàmort.

Jesuisforte,jesuisforteetjepeuxtoutsurmonter.

J’hésiteunesecondeetrelèvelesyeuxpourcroisersonregardquiestentraindes’embuer.J’aitropattendu,çayest,ilestmal.

—Jevouslaissedeuxminutes,jevaisrécupérerdequoiboireaveccettepizza.

Monchéris’éclipse.C’estadorable,ilacomprisqu’ilnousfallaitunmomenttouslesdeuxpournousdirecequ’aufondnoussavonsdéjà,maisquel’onabesoind’entendre.Justecettefois,parcequ’onacruqu’onnepourraitplusenavoirl’occasion.

—J’aieutellementpeurdeteperdre.Devousperdre.Nemefaisplusjamaisuncouppareil.

—J’essaierai,réponds-jeavecundemi-sourire.

—Anouk,vousêtestoutcequej’ai,tuesmafamille–jelèvelesyeuxaucielàcetteremarque–jesuissérieux,mêmesijerecherchemesgéniteurs,iln’empêchequeceseratoujourstoimafamille.

—Ettoilamienne;jesuisdésoléedem’êtreautantfâchéeavectoicesdernierstemps,jeregrette,mais…desfoistumepoussesdansmesretranchements,etjesaisquetunepensespasàmal,maisjenegèrepasbientoutecettemerdemédicale.C’estvraimentanxiogène,et ilfautquetuarrêtes.J’aibesoin de retrouver un peu de sérénité, c’est pour ça que je suis revenue à Paris. Laisse-moi unechanced’yarriver.

—J’essaierai.

— J’ai eu si peur…de tas de choses en fait,mais j’avais surtout peur de te quitter alors qu’ons’étaitdisputésetdenejamaispouvoirtedirecombienjet’aime,combienjeteremerciedem’avoiroffertcettenouvellevie,combientucomptes,toutsimplement.

Ilinspireprofondémentetjeréalisequ’ilessaiederavalerleslarmesquimenacentdecouler.

—Bonallez,vienst’asseoir,j’airamenédelapizza.

Etvoilà,toutcequiavaitbesoind’êtreditl’aété,inutiledes’éterniserlà-dessusetdeselajouermélodramatique.

—Tuveuxunepart?

—Non,merci.C’estgentilmaisjesuispassûrequeçapasse.JevaisvoiravecOwencequ’ilaàmeproposer.

—Ilestvraimentsympa.Jesuiscontentqu’ilsoitlàpourprendresoindetoi.Ils’ensortbien.

—Pourquoitudisça?

—Commeça.Pourquetusachesque…

—…quequoi?!Quej’aitabénédiction?plaisanté-je.

—Quejesuisraviquetusoisentredebonnesmainsquandjenesuispasprésent.

—C’esttafaçondemefairecomprendrequetuvasrepartir?

—Non,net’inquiètepas,jeresteavectoi.

—Jenem’inquiètepas,entoutcaspaspourmoi.Commetul’asdit,j’aiOwenici.

—Quandonparleduloup!

Jessiefaitunpetitmouvementdetêtepourm’indiquerleretourdemonchérietdesconversationsàdemi-motparlamêmeoccasion.

—Anouk,jet’aipristesmédicamentsetdescrackers.Tuvoulaisautrechose?

—Non,c’estparfait.

—Bonalors,touslesdeux,c’estquoivosprojetspourlesprochainsjours?

—Hébien,unecertainejeunefillevaresteralitéeetsereposerpendantquejebosseraicommeundingue.

Jenerelèvemêmepas,jesaisquej’aiperdumondroitàtoutenégociation.

—Une infirmière viendra à partir de demain pour s’occuper d’elle, àmoins que tu ne veuillesprendrelerelais?

Cettecrapuleparvientàpeineàseretenirderire,illefaitexprèspourmetaquiner,maisjen’aipastrop le cœur à rigoler. Je suis complètement vannée et ne suis pas sûre de réussir à retrouver lesommeil. Et puis Jessie n’a pas eu le temps de m’expliquer ses plans… Les garçons discutenttranquillementdesprojetspourlanouvellegaleriemaisjen’arrivepasàresterattentive.Mesirisseportentsurlemouvementdesvaguesauxabordsdelapéniche,pourtantmonregardestplongédanslesabyssesdemessouvenirs.C’estunemainquicaressemondosquimetiredemarêverie.

—Çava?Tuasl’airailleurs,moncœur.

—Oui,çava.Jesuisjustefatiguée.

Surce,jeposemonvisagecontresonépauleetfermelesyeux.Maisc’estpourmieuxlesrouvrir

auboutdequelquessecondes.Jesecouenerveusementlatêtepourchasserl’imagequis’étaitfaufiléesousmespaupières.Parmoments,j’aimêmel’impressiondesentircetteodeur,mélanged’hôpitaletde la peau d’Anton. Jeme lève, les caresses demon chéri dans ces circonstancesme gênent, j’aibesoinderetrouvermonespacevital.

—Anouk…?

—J’aijustelesjambesengourdies.Jedoissimplementfairequelquespas.

Jetented’ignorerlesregardsscrutateurssurmoiquandjem’éloigneversl’avantdubateau.Unefois arrivée à l’extrémité je jette un coup d’œil aux hommes dema vie. Ils discutent, essayant deprendreunairdétachéquinemetrompepas.Jem’assoisauniveaudelaproue,lesjambespendantes,légèrementbercéepar lahoule. Jenesaispaspourquoi jecommenceàperdrepied. Jusque-là toutallait…paspourlemieux,maisbien.Maisjesensquejeperdspeuàpeulecontactaveclaréalitéetreplongedans leberceaudemes angoisses.Auboutdequelquesminutes, un torse se colle contremondos,sescuissesautourdesmiennes,nosmolletslongeantlacoque.Sesmains,audébutsurmesépaules,glissentlelongdemapeaupourfinirparnousenvelopper,mapetitebumpetmoi.J’observeses avant-brasque j’adore, sesveines saillantes sur cettepartie de son corpsont quelque chosedetrès…viriletsexy.Jenemel’expliquepasmaisjetrouveçaparticulièrement…Grrrrrmiam!Ilsepencheprèsdemoncoupourchuchoteràmonoreille.

—Çavamoncœur?

—Oui,j’aijustebesoind’unpeudetemps,demeretrouver.

Iln’ajoute rien. J’espèrequ’il comprend,mêmesi je supposequemonsilencedoit lepousser àimaginerdeschosespiresquelaréalité.

—Jevoudraist’enparler,jesaisqueçadésamorceraitunpeutonstressparrapportàcequis’estpassélà-bas,seulementjenetienspasressassertoutcela.Jet’assurequ’aufinalçava.Jesuisunpeudéstabilisée,maisjevaisreprendrelecoursdemavieettoutseremettraenplace.

—Alorsviens,allonsrejoindreJessieavantqu’ilnesefasseplusdesouci,luiaussi.

Il se relève et saisit mamain pourm’aider à en faire demême. Il me tire dans son sillage endirectiondeschaiseslongues.

—Mapuce…

—TudevraisretournervoirZoey.Elleacertainementbesoindetoi.

Jeme tournevers celui quimaintientmesdoigts entrelacés avec les siens pour lui expliquer cedontjeparle.

—Zoeyestune«amie»deJessie,dis-jeenmimantlesguillemets.Elleestsouffrante.Tunem’asd’ailleurspasracontédequeltypedecancerelleestatteinte.

—Cancerdusein.

Jevoisunedouloureusecompassionapparaîtresurlestraitsdemonhomme.

—Désolé.Maisjenesavaispasquetuétaisavecquelqu’un.Ducoup,commentelleva?

—Lesexamensnesontpastropmauvais.Elledoitsubiruneinterventionlasemaineprochaine.

—Alorsyapasàréfléchir,filelaretrouver.Elledoitêtrefolled’inquiétudeetçalaréconforteradet’avoirprèsd’elle.Surtoutquejesuissûrequetuesbienmoinschiantavecellequ’avecmoi.

—Ellecomprendquejedoiveresterici.

—C’estmoiquinelecomprendspas.Ettuestropbêtedecroirequ’ellepeuts’encontenter.Mêmesielleestcompréhensive,elledoittellementespérerquetureviendrasàtemps.Retourneàsescôtés,aide-laàsechangerlesidéesd’icil’intervention.

Enprononçantcesmots,jesaisisbeaucoupmieuxl’intérêtdeleurescapadeetqu’ilaitportétoutesonattentionsurelle.Lapetitemoueattendriequ’ilaffichesoulignel’ironiedelasituation.

—Anouk…

—Owenestlà.Net’inquiètepas.Etoui,promis,s’ilyalemoindresouci,jet’appelle.

—Etsiellenelefaitpas,c’estmoiquileferai.Ellearaison,tonamieabesoindetoi,c’estunmoment difficile et elle doit se poser plein de questions auxquelles tu es le mieux placé pourrépondre.

—Jerêveouvousmevirez?!

Je quitte la chaise que j’occupais avec mon chéri pour me blottir près du roi de l’incruste. Ilm’envelopped’unbrasetmedévisaged’unregardsibienveillantqu’ilmeréchauffedel’intérieuretrepousseunpeulesténèbresquipersistentàenvahirmonesprit.

—Mate-moicepetitbedon,s’enthousiasme-t-ilenposantsamainàplatdessus.C’esttellement…jesaismêmepasquoidire.Incroyable.Tuterendscompteducheminparcouru?

Jen’enrevienspasqueluioseunetelleallusiondevantOwen.Celanemedérangepas,maisjesuisétonnée que lui ne le soit pas. Il doit percevoir ma surprise car il se justifie discrètement en mechuchotantàl’oreille.

—Aprèstout,ilfaitpartiedelafamille,etondoitfaireconfianceàsafamille.

16

—Jen’enrevienspasqu’ilaitacceptédepartiretdemelâcherlagrappe!

—Commentça?TuveuxdirecesoirousondépartpourNewYork.

—NewYork.Pourcesoirc’estbon,ilaeutoutcequ’ilsouhaitait,jel’ailaissés’occuperducathéetdureste, iladéjàpréparétoutcequidoitêtreperfusépourlanuit.Yaplusqu’àmeraccorder!Qu’est-cequ’ilpouvaitdemanderdeplus?

—Bah,tebrancher,justement.

—Ouimaisça,çadevraattendreparceque j’aidesprojetspourcettesoiréequi impliquentunecertainelibertédemouvement.

—Tiensdonc…

—Oui,ettut’esengagémonsieur.Tum’asréveilléedonctudoist’arrangerpourquejeretrouveunsommeilaussiagréable.

J’ai déjà fait voler mes fringues et patiente gentiment sous la couette pendant qu’il finit dedébarrasserlesrestesdenotredîner,leurdînerplutôt.

—Hooo…

—Qu’est-cequ’ilya?

—Jesuispassûre.

Jeposemamainsurmapetitebump,statique,àl’écoutedemessensations.

—Qu’est-cequ’ilsepasse,Anouk?Çanevapas?

—Chut!Jemeconcentre.Arrêtedeflipperpourrien.

Ils’approchedoucement,commes’ilpressentaitcequiarrive.

Jem’immobiliseetfermelesyeuxpourmefocalisersurcequiestentraind’avoirlieu.Lematelass’affaissesurmadroite,maisjenechangepasdeposture.J’étirelentementmeslèvres,ilestlà,jelesens,p’titboutbougeetc’estmagique.C’estunesensation tellementétrangeet si fugace…Bon,àdirevrai,jedoisêtrevraimentattentivepourêtrecertainequecen’estpasunsimplegargouillis.

—Tulesens?

—Oui,jecrois.

—Commentça,«jecrois»?

Jesoulèvelespaupièrespourdécouvrirsonvisagerayonnantetsonregardinterrogatif.

—Jenesuispassûre.Siçasetrouve,c’estjusteuntrucquej’aimangéquipassepas.

—Tusaismevendredurêve.

Lesyeuxdanslevidejemereconcentresurcetteétrangesensationaufonddemesentrailles.Owens’allongeàcôtédemoi,sur leflanc,etm’observe.Je tourne la têtevers luipourplongermes irisdanslessiens.

—C’estsûr,c’estlui.C’estsibizarre,j’ignorecommentt’expliquercequeçafait.J’aimeraisquetupuisseslesentir.

—C’esttoujoursaussifrustrant.Lesfemmesneconnaissentpasleurchance.

—Moijelesais.

JebasculesurlecôtépourmeblottircontreOwen.Soncorpsquiexhaleunefragranceenivranteirradiecomplètementlemiendesachaleur.

—Tulesensencore?

— Humm non. Je n’aurais pas dû bouger. C’est pas grave, il aura bien des occasions de semanifester.

Monchérienprofitealorspourlaissercourirleboutdesesdoigtssurmonpetitventrearrondi.Etcommeill’avaitdit,ilnesemblepasprèsdes’enlasser.Jemerepositionnedoncsurledospourlelaisser savourer l’instant. Il ne le ressent pas, ne le voit pas, c’est tout ce qu’il peut avoir pourl’instant.Maisquandjel’aperçoiss’inclinerversmonnombriljecomprendsquenon,ilnevapassecontenterdecela.Ildéposeundouxbisousurmajoliebump.

—Hellop’titbout–OhMyGod,illefait.C’estuntrucdedingue,ilose!Commentarrive-t-ilàselancer dans des déclarations comme ça sans jamais être embarrassé ? – Tu gigotes ? J’ai hâte depouvoirtesentirmefairedescoucousàtraverslebidondemaman–Maman…Ilaraison, jesuis

unemaman.C’estfou,c’estlapremièrefoisquel’onm’appelleainsi,Maman.Jesuisunemaman.–Maispour l’instant il fautque tu t’occupesdegrandiretde resterbienauchaud.Toietmoionvasouventavoirl’occasiondeseparler,jeseraitoujourslàpourtoimonp’titbout.–Douxbaisersurmonventre–Bonnenuitmonbébé.

Ilcommenceàseredresseretfinalementsemblechangerd’avisetrapprochedenouveauseslèvresdenotrep’titbout.

—Aufait,ilfautquejetedisequelquechose,sinontamamanvaypensernon-stop,moi,jesuistonpapa.

Homerde,ilmetue!

Bondéjàilaraison,çam’aurait«légèrement»turlupinée.Maisilaprononcécesmotsavecunetelledécontraction…j’ensuiscomplètementdécontenancée.Maisjeneluimontreraipas,inutiledeluidonnerl’occasiondejubilerdavantageensemoquantdel’handicapéedessentimentsquejesuis.Quoique jene suispasunehandicapéedes sentiments, j’aipleinde sentiments,pour lui,pourp’titbout,ettantd’autres,c’estjustequejenesuispastrèsdouéepourlesexprimer.

Maismaintenantqu’il se rallongeprèsdemoi, sansmêmeuncoupd’œil taquin, sonbras tendupourquejem’ypelotonne,jedoismerendreàl’évidence.Aprèscettedémonstrationd’affectionaubébé,lesexec’estcuitpourmoi!!Ouioui,lemomentnes’yprêtepas,maismespetiteshormonesnel’entendentpasdecetteoreille.Etpuisfranchementj’enaibesoin.Besoindeluipourmeraccrocheràlaréalité,reprendreracinedansmonexistencequej’aifuiecesdernièressemaines.C’estlameilleurefaçonquejeconnaisse,etsurtoutlaplusefficace,pourm’aideràretrouverensuitelesommeil.

—Mince,ilfautquejeteposelaperfusionetlasonde.

Argh,jemeurs!

—Oualors…Onprofitequejesoislibredemesmouvements.

—Àquoivouspensez,mademoiselleDavis?

—Jepensequej’abuseraisvolontiersdevotrecorps,monsieurHenderson.

Jemordsmalèvre inférieure, j’ai faim,de luietdesapeau,etmeretiensàpeinede lecroquer.Voilàunplatsurlequeljeneveuxpasfairel’impasse,pascesoir.

—Anouk…

—Quoi?

—Turecommences.

—Quoi?

—Tumeregardescommesij’étaisunpaquetdeM&Ms!

Jerelâchemalèvremaisc’estmaintenantleboutdemonpoucequejemordille.Monespritestdéjàentraindefantasmersurtoutcequejepourraisfairedanssesbras.

—T’essérieuse?

— Je t’avais dit que ça te coûterait quelque chose de m’avoir réveillée tout à l’heure. Doncmaintenant,j’exigemondû.Jemecontenteraid’unpetitorgasme.

—Unseul,hobahc’estbon,jem’enoccupevitefaitbienfaitetdanscinqminutesondort.

—Trèsdrôle,vraimentj’suismortederire.

Jenerigolepas,maisjejubileintérieurementcarilal’airplutôtdisposéàmesatisfaire,iln’estpasoffusquédevantcecorpsdemèrequiluiréclameleplaisird’unefemme.

Ilsepencheversmoiensouriantetvientfrottersonnezcontrelemien.Ildéposeunpetitbaisersurma joue,cellequin’apasdescotch.Jene lui laissepas le tempsdes’éloigner, j’agrippesanuquepour le garder près de moi. Mais je remarque ses gestes maladroits, il ne sait pas comment sepositionner.Etbahvoilà,cequibizarrementneledérangeaitpascetteaprès-midiposeproblèmecesoir.

—Owen,qu’est-cequetufabriques?

—Je…heu…C’estcon,maisjetrouvepascommentmemettre,jevoudraispast’écraser.

C’estgentil denepasmentionnerp’tit bout encet instant,mêmesi j’ai l’impression qu’il seraitassezdifficilederefroidirmesardeurs.

—OK,attends,jesais.

Autant dire que vumon niveau d’excitation, je n’aurais aucunmal àmemontrer créative poursurmontercegenredepetitecomplication.

Jegesticuleetglissejusqu’àavoirlesfessesauborddumatelas,mesjambespendantes.

—Viensparlà,réclamé-jeentirantsursontee-shirt.

Il descend du lit pour s’installer entremes cuisses,mais je remarque qu’il peine à trouver unebonneposition.Ilprendappuisurlacouetted’unemainmaisiln’estpasàl’aise.

—Hamaisc’estgalèrecepieu!Ilesttropbaspourquejerestedeboutettrophautpourquejememettesurmesgenoux.Çam’énerve!

Jenepeuxm’empêcherderireenlevoyanttoutpataud.D’ordinaireilneseseraitpasarrêtéàcegenre de détail, il sait semontrer très créatif lui aussi,mais il craint peut-être que je ne sois pluscapabledesupportercertainesacrobaties.Jemelève, lecontourne,et lorsqu’il faitdemi-tourpourêtrefaceàmoi,etqu’ilseretrouvedosaulit,jelepoussedetoutesmesforcespourqu’ilbasculesurlematelas. Et étonnamment j’y arrive. C’est bien parce qu’il en a envie sinon il aurait facilementrésisté.Ilrigoleetsereculeprogressivementpours’installercorrectement.

Jememetsàgenouxauniveaudesespiedsetavancelentementcommeunfélinprêtàbondirsursaproie.

—T’esunevraiediablesse.

—Attends,j’aiencorerienfait.Maisçanesauraittarder.

—Anouk,t’yvasdoucement,OK?

—Tudisçapourtoioupourmoi?

—Çachangequelquechose?

Jemordsmalèvre,j’aienviedeledévoreret…oui,envoilàunebonneidée!Ilneveutpasquejefasse trop d’efforts. Pas de problème, je sais comment le faire planer sans dépenser une onced’énergie.J’attrapel’élastiquedesonboxerpourleluiretirer.Ilsoulèvesonpetitculsexypourm’yaider.Jem’endébarrasseetlaissemesdoigtscourirlelongdesescuissesmuscléesquimeguidentdroitversl’objetdetoutesmesconvoitises.Jepassemalanguesurmeslèvres,pourleshumidifiermais surtout par gourmandise. Son sexe est ma friandise préférée. Je le prends à pleine main etdéposeunpetitbaisersursonglandcommeletopdépartdesfestivités.Ilinspireprofondémentetjesensquejevaisadorerluiprocurerceplaisir.Mespapillescoulissentdélicatementauniveaudesonfreinpendantquejesaisissestesticulesquejeréchauffedansmamain.J’enprofitepourmettreen

pratiqueunepetitetechniqueappriselorsdemondernierséjourenCalifornie.Monpoucelecaressetoutdoucementpendantquemonindexexerceunepressionjusteendessous.Leronronnementqu’ilémetmeprouvequ’ilapprécielargementcettenouveauté.J’appliquemeslèvressursongland.Je lesuçote,letèteetl’aspire.

—Anouk…t’esvraimentuneputaindediablesse!

Hoho!Ilcommencedéjààperdrepied,c’estplusfacileque jene lepensais.Jecontinuede luiprodiguer mon super traitement quelques précieuses secondes avant de le prendre en bouche. Jecoulissedoucement encreusantmes joues etpressema languepour créerun fourreau surmesurepoursonsexe.Cettesaveur…l’imaginerensuiteenmoi…çamerenddingueetmaculotteenestdéjàhumide.Mesva-et-vientsontlentspourl’instant,etmesdoigtsauplusbassursavergeaccompagnentlemouvement.J’accélèreprogressivementetentendssarespirationsuivrelamêmecadencepourêtredeplusenplusfrénétique,sesmusclescommencentàsecrisperetsesmainsagrippentmescheveux,maispaspourm’inciteràcontinuer,pourmefreiner.

—Hey…Mylittledevil…–ilhalèteetpeineàparlerd’unetraite–…viensparlà.

Je consens à le libérer car j’ai des projets pour lui qui impliquent qu’il soit suffisamment « enforme»pourquejepuisseenprofiter.Pasunesecondeàperdre,jeremonteversluietneprendspasletempsdevirermapetiteculotte.Jeladécalesurlecôtépourexposermonintimitéquileréclame.Ses lèvres entrouvertes exhalent un souffle chaudqui va jusqu’à effleurermonvisage. Je l’attrapefermementetleguidelelongdemafenteruisselante.Jemecaresseavecsonmembregonflédedésiretnousmetstouslesdeuxausupplice.

—Anouk…

Je jubile, j’adore quand il est à fleur de peau, déjà si près dugouffre.Mais pas questionque jen’obtiennepascequej’attendsdepuisqu’ilm’aréveilléeenfindejournée.Jel’insèredoucementenmoietmedélectedecettesensationdeplénitudequ’ildéclencheenmoi.Ilestplusaddictifquetousles narcotiques que j’ai pu tester, il est ma came, ma défonce, mon extase. Je prends quelquessecondespourm’adapteret lui laisser le tempsdefaireredescendre lapression.Jemebaissepourplaquermoncorpscontre lesien,mapeaubrûlantecontre lasiennesiveloutée.Lecontactdemesseinscontresesmusclessaillantsnem’aidepasà rester tranquille, je suisavidede lui, jeveuxcetorgasme que j’ai tant attendu, mon salut peut-être pour une nuit apaisée, un moment de purejouissancedanstouslescas.

Jeme redresse légèrement pour entamer desmouvements et stimuler au plus fort mon clitoris

contresabase.C’estdivin.Etheureusementquejesaisqu’ilesttrèschaudcarjesensdéjàunevaguedechaleurseconcentrerdanslecentredetoutesmesterminaisonsnerveuses.Monhommesecrispe,ses doigts s’enfoncent légèrement dans la chair de mes hanches auxquelles il s’accroche pourappuyermesondulations.Messensationssontentraindesetranscender,exacerbéesparmondésir,non,monamourpour lui. Ilme suffitdepenser cemotpourquedes fourmillementsmegagnent,mon corps se contracte sous toute cette tension, il faut que j’y arrive, que la vague de chaleur sedéploiedanstoutesmescellules.J’intensifiemesmouvements,maisc’estquandl’unedesesmainssedirigesurl’undemesseinsdontilcajolevigoureusementletétonquejemerapprochedubordduprécipicedetouslesdélices.

—Vas-y,jouispourmoiBabe…

Hoputain, il vientdemepousserdans levide, le coupdegrâce enunephrase, ilm’arracheunorgasme du bout de ses lèvres. J’ai terriblement chaud et mes jambes tremblent alors que cetteincroyable sensation se propage dans tout mon corps. Je jouis, comme il me l’a demandé,violemmentetbruyammentmaintenantquejeperdstouteemprisesurmonpropreorganisme,moncerveau a quitté le navire pour s’abandonner complètement. Je réalise à peine qu’une fois de plusOwenestenparfaitesynchronisation.

Jeme reposesur son torse,essoufflée,etcomplètementen traindeplaner. Jeconfirme, il est lameilleuredéfoncequisoit,danstouslessensduterme.

Ilmeglissedoucementàcôtédeluietseretiredélicatement.Jesuisvidéedemesforces,cequimepousseàsourire,jesuisarrivéeexactementlàoùjevoulais.

—Viensicimoncœur.

Son bras ouvert est une invitation à me blottir contre lui pour finir cet ébat dans un momentd’infinietendresse.

—Hummattends,désolé.Fautquejebranchetoustestrucsparcequesions’endortetqu’onlefaitpas,j’enconnaisunquivagueuleràmort.

—C’estpastrèsromantiqueça.

—Depuisquandtuveuxduromantisme?

—Pfff.Bonallez,vas-y,laisse-moigérer,jevaism’enoccuper.

—Mouais,c’estça,tuvastombercommeunepierreetoublier.

—T’asqu’àluimentiretdirequec’estbon,quetuasfaittoutlenécessaire.

—Àmoiaussitusorsdesmensongesdecegenrepourcouvrirtesbêtises?

—Commentoserais-jetefaireuntrucpareil?!Commesic’étaitmonstyle…

Jepincemeslèvrespournepaséclaterderire,maisjesaispertinemmentquemesyeuxdébordentdemalice, c’est plus fort quemoi. Son regard fait écho aumien, il ne se vexe pas de ce type detaquineries.Mais j’ai rapidement beaucoupmoins envie de rigoler quand il installe la pochede laperfusion. Je me sens systématiquement mal de le voir, lui, de plus en plus à l’aise avec cesprocéduresmédicales.

Son mobile sonne et je suis assez surprise vu l’heure, c’est toujours une source d’inquiétude,recevoirunappelaussitard,c’estrarementpourdebonnesnouvelles.

—Tiens,c’esttonfrère.

—Pourquoiiltéléphonesurtonportable?

—Onvavoir.Salut.

—…

—Nonc’estbon,onafini.

Ilrigolesilencieusementenlevantlesyeuxauciel,apparemmentamuséparlaréflexiondeJessie.

—Ilesttropcon,mechuchote-t-ildiscrètement.

J’imagine parfaitement ce que ce grosmalin a dû lui raconter.Mais subitement, l’éclat dans leregardd’Owensedissipelégèrement,ilprenduntonplussérieux.

—Ouisituveux.Danscecasj’appelleraicellequej’avaiscontactéedemainàlapremièreheurepourannuler.

—…

—Non,non,c’estbon.Situdisqu’elleestproetquetuessûrd’elle,j’aipasdesouciavecça.

—…

—Hummhumm.

Je vois qu’il balade son regard, il cherche à éviter de croiser lemien.Qu’est-ce qu’il veutmecacher?Ilsoupireetsembleserésignerens’asseyantdanslesofa.Ilauraitpréféréquejen’entendepas,j’ensuiscertaine.

—Ce n’est pas grand-chose en vérité. J’ai cru pendant unmoment que ça pouvait être lié à ladisparitiond’Anoukmaisj’aivitecomprisquecen’étaitpaslecas.

—…

—J’enaireçudenouvellespendantsonabsence.Çan’auraitpascontinuésic’étaitluiquilesavaitécrites.

—…

—Nonc’estrien,uneconnerie.Quelqu’unquiessaiedemefairepeur,maisfranchementtantqueçaselimiteàdeslettresons’enfout.

—…

—Ouibah,situytiens,ilm’enresteàlagalerie.Passedemainetjetefileraiça.Anoukm’avaitdemandédet’enparleravantson…absence.

—…

—OK,çamarche.Bonnesoirée.

Cepetitregarddiaboliquequ’ilmelance…hojedétesteça,quandilsaitqu’ilvientdeprendrelamainetqu’ilalesmoyensdemefairetournerenbourrique.Jeneluidonneraipaslasatisfactiondel’interrogersurcequevoulaitsonnouvelacolyte.

—Bon,j’avouequejetelaisseraisvolontiersbouillonneretenragermaist’asbesoindedormir,alorsjevaist’épargner.

—C’esttropgentil,merci.

—Ilaimeraitquej’annulel’infirmièrequej’aiengagéepourdemain,ilaquelqu’undeconfianceàquiilferaappel.

—Passûrequeçam’arrange.Sic’estpourqu’elleluifasseunrapportsurtousmesfaitsetgestes,çarisquedevitemeprendrelatête.Maisbon,disonsquejecomposeraiavec.Ilvoulaitquoid’autre?

Sonsourires’élargitencoreunpeu.Heureusementqu’ilsouhaitequejemereposeparcequ’ilsaitqu’ilalàunearmedepremierchoixpourm’enquiquiner.

—Quandtuétais…absente,j’aiessayédelejoindreunebonnecentainedefois,deluilaisserdesmessages,etàunmomentj’aiparlédeslettresdemenacesquej’avaisreçues.Jemesuisdemandésiça ne pouvait pas être lié, si finalement ce taré ne s’en était pas pris à toi. Mais quand j’en airéceptionnéunenouvelle,semblableauxprécédentes,j’aicomprisquecen’étaitpaslecas.Sicemectedétenait, soit il aurait jubilé dans ses courriers, soit il aurait arrêté d’en envoyer, il n’aurait pascontinuécommesiderienn’était.

—Etqu’est-cequ’iladit?Ilvayjeteruncoupd’œil?

—Oui,ilpasserademainàlagaleriepourrécupérercellesquej’aigardées.

—Tantmieux,c’estuneexcellentechose.Jesuissûrequ’iltrouveradequiils’agitetymettrabonordre.

—C’estmignoncetteconfiancequetuasentongrandfrère.Vousêtestropmarrantstouslesdeux.

—C’estpasunequestiondeconfiance,c’estunequestiondecompétencesetdemoyens.Lapolicepourraitpeut-êtredécouvrirquiestl’auteurdesmenaces,maisilsnesontpasprêtsàdépenserautantpourunesimplehistoiredeharcèlement,quetuasl’airdeprendreàlalégère,enplus.

—Etbahonverrademain.

Ilrevientprèsdulitpourfinalisermoninstallationpourlanuit.Jemeretiensdegrogner,jeveuxfaire bonne figure et prouver que je sais être raisonnable et coopérative, ce qui est une véritableescroquerie.

Ils’allongeenfinprèsdemoietjefoncemeblottirdansmonpetitcreux,monterrier,soncorps,monsalut.

17

«…

Je le revois, mon père, toujours dans l’embrasure de la porte. Je le supplie, hurle et me débatscommeunedémente,mais je ne distingueque dumépris dans son regard.Pourquoi ?Pourquoimerenie-t-il de cette façon?Qu’est-ceque j’ai fait ?Pourquoime refuse-t-il sonaide? Je l’implore,pleure,prometsd’êtresage…Jeseraisprêteàdiretoutcequ’ilveutentendrepourqu’ilaccepteaumoinsdemetendrelamain.Aumomentoùilpart,ilseretourneunedernièrefoismaiscen’estpluslui,c’estAnton,etdanssesbras,ilporteunbébé,toutpetit,sipetit…etmort.

…»

—Anouk,réveille-toi.Réveille-toi.

J’ouvrelesyeux,lecœurpalpitantetlesoufflecourt.Owens’estimmédiatementmisenretrait,ilaapprissaleçon,ilsaitqu’ilnevautmieuxpasenvahirmonespacevitaldanscegenredesituation.

Je respire profondément et me calme peu à peu. Ce type de cauchemar ne me quitte plus cesderniers jours. Et quand ce n’est pas celui-là, c’est celui où je tiens dansmes bras un nouveau-némort.Ilestminuscule,toutfroid,avecdesmarbruressurlapeau.EtOwenestprèsdemoi,uneperlesaléecoulesursajoue.Jedétesteencorepluscettevisionquecellequejeviensd’avoir.Ladouleurquimedéchirel’âmeestinsoutenable,lasouffranceestancréeprofondémentenmoietjereviensàmoilevisageinondédelarmes,systématiquement.

—Çavaallermoncœur?

—Oui,désoléedet’avoirréveillé.

—C’estpasgrave.Tusaisquoi,j’aiunpetitquelquechosepourtoi,j’auraisdûteledonnerhiermais…onaétédistraits.

Ilsepencheverslechevetpoursortiruntrèsbelécrinblancdutiroir.

OhMyGod!!Iln’oseraitpasquandmême…

Ilne l’apasfaiten troisansderelation,c’estpasmaintenant,aprèsquelquessemaines,qu’ilmeferaitunplanpareil!

Il me dévisage, et après quelques secondes, un sourire illumine son visage encore tout

ensommeillé.

—Flippepas,cen’estpasunebague.Paspourl’instant.

Ildéposelapetiteboîtedansmamainhésitanteàl’idéequ’ilpourraitunjourm’offrirplusqu’unbijou,unengagement.

Jel’ouvre,délicatement,etdécouvreunmagnifiquependentifauboutd’unechaîneàlamailletrèsfine.C’estunattrape-rêve,enargent,avecuneturquoiseensoncentreettroisjoliesplumesattachéesendessous.Ilest…parfait.Justeparfait.

—Jel’aitrouvédansuneboutiqued’antiquitésetj’aitoutdesuitepenséàtoi.

Jel’effleureduboutdesdoigts,maisilleprendetenactionnelefermoir.Jesoulèvemescheveuxpourqu’ilpuisselemettreautourdemoncou.

—Iltevabien.

—Ilesttrèsbeau.Merci.

—Lestroisplumes…J’ensaisrien,jemesuisdit…Toi,moi,etp’titbout.

—Jel’adore.Bon,pasautantquemonattrape-rêvehabituel,plaisanté-jeencaressantsontorsenu,maisdeuxvalentmieuxqu’un.

—Hummmc’estpourçaquetuaimesteblottirdansmesbrasenfait.

—Exactement.

—Oui,ehbien,vuquejen’aipasl’aird’êtretrèsefficacecesdernierstemps,j’aioptépourunpeuderenfort.Ilestencoretôt,essayedeterendormirmaintenant.Onveillesurtesrêves.

Je sais que je n’y parviendrai pas mais lui en a besoin, alors, après quelques secondes, je meréfugiedansmonpetitcreuxenespérantqu’ilarriveraàsereposer.

**

—L’infirmièrenedevraitpastarder.Tuasbesoind’untrucavantquej’yaille?

—Unorgasme,ceseraitpasmal.

—Tuesunepetitechosesacrémentexigeante. Jepensais t’avoircombléehier.Aurais-je failli àmondevoir,mademoiselle?

—Pasdutout,maishierc’esthier,etaujourd’huiestunautrejouretjeveuxmadose.

—Toxico.Çadépend,sit’essage,jeverraipourterécompenser.

Lechantageausexe!Çac’estmoche.

—Mouaisc’estça.Allez,filebosser.Jevaisattendrelasurveillanteenchefbiengentiment.

Jeremarquequ’ilhésite,prisentresonenviedemesurprotégeretlamontagnedeboulotquidoits’accumuler.

—C’estbon,net’inquiètepas,c’estl’affairedequelquesminutes…

Jeréalisequeladernièrefoisquejeluiaiditcesmots,Karenestapparue,m’adroguée,enlevée,etlivréeàAnton.Ildoitforcémentypenseretjepeuxcomprendresesréticences.

—…iln’arriverarien.Vatravailler.Allez!

Ilm’offreunpetit,maisalors,toutpetitbaiserets’enva,clairementàcontrecœur.

Unedemi-heureàpeineaprèssondépartmontéléphonesonne.C’estl’amiedeJessie,elleestsurlequaietmedemandelapermissiondemonteràbord.

—Bonjour.

—Bonjour.PascaleTusset,votreinfirmière.Vousn’auriezpasdûvouslever,cen’étaitpasutile.

—Jevousenprie,j’ignorecequemonfrèrevousaditmaisjenesuispasagonisante.

—Votrefrère?

—LedocteurDavis…

—Ho,jenesavaispas.

C’est une jeune femmed’une trentained’années, tout en rondeur, avecunvisage chaleureuxquiinspirelasympathie,etunaccentchantantquiluivientcertainementdusuddelaFrance.Jesensqueça va être difficile de la détester ou de la faire tourner en bourrique. Tant pis, je me contenteraid’embêterJessie,jesuispartiepourm’ennuyer,pasmoyenquequelqu’unn’enfassepaslesfrais.Jelabriefesurmonétatdesantémais je réalise rapidementquecen’estpasutile,quelqu’unestdéjàpassé par là. Ellem’explique les quelques soins qu’elle prévoit sur la journée et l’organisation àmettreenplace.Demoncôtéj’établismonplanningdetravail,iln’yaqueçapourm’occuper,etluiproposedeprendre sesmarquespendantce temps. Iln’empêchequ’elleestd’agréablecompagnie,me laissant tranquille quand c’est nécessaire, et une papoteuse hors pair quand j’ai besoin dedistraction.

Voilàdeuxjoursquejesuissoussurveillanceintensive,soitd’Owen,soitdePascale.Etcommejesuissagecommeuneimage,touslessoirsj’ailedroitàmarécompense.Monchériestplusdétenduàchaquejourquipasse.Sonboulotavancebienetdanslamesureoùjesuiscoopérative…ilneluienfautpasplus.

Mais le troisième jour, je négocie avec ma garde-malade la permission de faire quelque pasdehors. Et bizarrement, elle accepte. Soit elle pense que je suis suffisamment en forme, soit monfranginl’avaitprévenuequeçaarriveraitetilsavaientanticipélapostureàadopter.

Nousmarchonsendirectiondelagalerieendiscutantlittérature,quandjeluiproposedefaireuncrochetparl’hôteldemonfrère.J’aienviedeluipasserunpetitcoucou.Jenel’aiquetrèspeuvucesdernierstemps,sesvisitessontcourtesetjesaisqu’ils’apprêteàretrouverZoey.Jeveuxprofiterdeluiavantsondépart.

J’abandonnemon infirmière dans le hall d’entrée et file vers les ascenseurs. Il est encore tôt etj’espèrequ’iln’estplusentraindedormir.Maisenavançantdanslecouloir,jedistinguedesvoix,lasienneetuneautre,celled’unefemme,etletonnesemblepascordial.Jem’approcheetn’hésitepasunesecondeàcollermonoreilleàlaportepourentendrecequ’ilsepasse.

—JeneplaisantepasJessie,çanepeutpasdurer.Déontologiquement…c’estn’importequoi,ettulesais.Jebafouetouteslesrèglesdel’éthique.Audébutçaallait,maislà…çadevientn’importequoi.

OhMyGod!

C’estParks.Latraîtresse,lareinedesutérus,laprêtresseduvagin,elleestici,danslachambredemonfrère,etelleestremontéeàbloc.C’esttropparfait,j’ignorecequecesdeux-làmecachentmaisjepourraisbienledécouvrirrapidement.

—J’enairienàfoutredeladéontologie!Ons’entientànotreplandedépart.

—TONplan.Jen’aijamaisétépour.C’esttonidée.Etcelled’Owen.Jenesaismêmepascommentvousm’avezconvaincuedemarcherlà-dedans.

—Parcequec’étaitlaseuleoption.

—Àl’époquepeut-être,maisplusmaintenant.C’estentraindelatuer.Tudoisluidire.

Maisdequoiilsparlent?!C’estclairementàmonsujet,maisjenecomprendsrien.Ilssaventcequimerendmalade?C’estdudélire…Monoreillerestegrefféeàlafineparoiquinoussépare,jedoiscapterchaquemot,chaquesyllabe,jusqu’àcequej’aitoutsaisi.

—N’ypensemêmepas.Etnedisriennonplus.Jevaistrouvercommentlastabiliser.

—Tunepourraspas.J’enaiparléavecunamipsyettupeuxêtresûrqueçanes’arrangerapas.Jesuiscertainequec’estsoninconscientquiveutluirappelercequ’elleaoublié.C’estsafaçondeluihurler de se souvenir. Ça n’ira pas en s’améliorant et tu le sais. Elle est sur le fil, complètementborderline.

—Jeneferairienet toinonplus.Jesuissérieux.Jedoisvoir lesderniersrésultatsdesanalysesquej’ailancéesetd’icideuxjoursjeretourneauxÉtats-Unis.Jeveuxêtresûrquetuneferaspasuneconnerieenmonabsence.J’aiassezàgéreravecOwenquin’enpeutplusdetenirsalangue,luiaussi.Je suis sérieux, je dois pouvoir te faire confiance. Quand tu as eu besoin demoi, j’étais là, sansréserveetsansposerdequestions.Jet’aiaidée,jetedemandejustedemerenvoyerl’ascenseur.

—Jesaistoutcequejetedois,etjeneteremercieraijamaisassezdem’avoirépauléepourquitterMike,maisçan’arienàvoir.

—Si, tu avaisbesoindemoi, etpour toi j’ai transgressé la loi. J’ai approché tonexetme suisassuré que l’envie lui passerait de te cogner à nouveau, je t’ai financée pour prendre un nouveaudépart, ouvrir ton premier cabinet… eh bien maintenant je veux simplement que tu me rendes lapareille,aide-moiavecmafamille.

—Çavabeaucouptroploin.Tumetssavieendanger.

—Jeferaitoutcequ’ilfautpourqueleschosesn’enarriventpaslà.

—Ellesensontdéjàarrivéeslà.

—Tudramatises.Jetrouveraiunesolution.

—Déterrelescadavresquetuaslaissépourrirdanssoninconscientetçadevraits’arranger.

—Tusaiscommentças’est fini ladernière fois?Tusaiscequ’ellea fait?!Tuétais là, tu t’esoccupéed’elle.

— Elle a des raisons de s’accrocher à la vie désormais. Tu dois gérer cette situation, je necontinueraipasainsi.J’enaiparléavecOwenetilestd’accordavecmoi,çadoits’arrêter,ettrèsvite.Jevaisyallermaintenant,j’aidesrendez-vouscematin.

—Katherine,tu…

Jedoisfilerd’ici,horsdequestionquejesoissurpriseàjouerlesespionnes.Cen’estpaslapeinede les interroger,monfrère ferabarrage,c’estcertain. Ilva falloirque jedécouvre lavérité. Il setramequelquechose,concernantmasanté…àmoinsque…est-cequ’ilsparlaientdeZoey?Non,ilsontmentionnéOwen. En quoi est-ilmouillé dans cette affaire ?Mais qu’est-ce qu’ils peuventmecacher?Ilssauraientcommentaméliorerleschosesetneferaientrien?C’estdudélire!!Ouest-cequ’ilafinipardécouvrircequ’ils’étaitpasséaveclelabo?Jemedépêchedefilerverslaportedesecourspourmeplanquerdanslacaged’escaliermaisellerésisteetjepeineàl’ouvriraumomentoùParksclaqueviolemmentcelledelachambre.Priseaupiège,jen’aid’autrechoixquedesimulerquej’étaisentraind’arriver.

—Anouk…qu’est-ceque…heu…Bonjour.

—BonjourDocteurParks.

—Katherine.

—Qu’est-cequevousfaiteslà?

—JesuisvenuediscuteravecJessie.Lesnégociations,voussavez…Jeprêchepourvous.

C’esteffectivementcedontj’ail’impression,maisclairement,cen’estpasmonsuivimédicalquiétaitenquestion.Maislaissons-lacroirequejesuisdupe.J’arriveraiplusfacilementàdécouvrircequ’ilsmecachent.

—J’espèrequevousavezeulederniermot.

—Jen’abandonnepas,maisvousleconnaissez.

—Oui,ehbienboncourage.Jevaisallermefrotteràlabêteàmontour.

—Bonnejournée.

—Merci,àvousaussi.

TocTocToc

—Katherine,écoute…ho!C’esttoi.Qu’est-cequetufaisici?

— Je suis venue voir mon frère préféré. J’étais en forme et Pascale m’a octroyé une petiteescapade.

—C’estgentil,entre.

—J’aicroiséParksenarrivant.Pourquoiétait-ellelà?

J’used’untoncoquin,laissantentendrequejesoupçonneplusuneliaisonqu’uncomplot.

—N’importequoi!Ellevoulaitparlerboulot.Ellesouhaitaitmonexpertisesurledossierd’unepatiente.Elleprofitequejesoisdanslecoin.

—Cequinedurerapas.

—Effectivement.J’aiunvoldemainendébutd’après-midi.

—Tuvasmemanquer.Unpeu.MaisjesuiscontentequetuaillesretrouverZoey,elleaplusbesoindetoiquemoi.

—Queprévois-tupouraujourd’hui?

—JusteuncoucouàOwen,etvuqu’aprèsilvam’éjecter,jerentreraiàlapéniche.Ducoup,tuasdesnouvellesparrapportauxlettresdemenaces?

—Pasvraiment.Iln’yapasd’empreinte.Àpartlestiennessurl’uned’elles.Fautquej’endiscuteaveclui,voirs’ilyadespistesquejepourraisexploiter.Lesartistesqu’ilarefusés,lesconcurrentsun peu trop virulents… je mènerai l’enquête en me renseignant sur ces personnes, et dès que je

reviensj’entameraidesinvestigationspluspoussées.

—Net’inquiètepas,Owenal’airdecroirequeçan’irapasplusloinquedeslettres…

—Mais ça nem’empêchera pas dem’en assurer et de vérifier que tu es en sécurité ici. Je vaisprendreunedouche,tum’attendscinqminutes?

—Oui,situveux.

PAR-FAIT.J’auraispaspurêvermieux.Ilvamelaisserlechamplibrepourfouillersesdossiers.L’eau commence déjà à couler et je fonce en direction de son bureau. J’y trouve deux piles dedocuments.L’uneneconcernequeZoey,rapportd’analyses,scanner,compte-rendumédicaux…Ladeuxième,bizarrementmoinsconséquente,m’estdédiée.Maisiln’yariend’inédit.Etmerde.Jedoismedépêcher.Jeremuelasourisdesonordinateurquisembleenveille.Ils’allume,maisilfautunmotdepasse,etjeneleconnaisévidemmentpas.Jen’essayemêmepasdedeviner.JenesaispasdecombiendetentativesjedisposeetsijebloquesonPCilcomprendraquej’aifarfouillé.Idempoursontéléphone.Quelleguigne!

Bonallez,jemehasardeàuncoupdepokerlégèrementdésespéré.

—Jessie?Tucaptesbienici?demandé-jeàtraverslaporte.Monportablen’apasl’aird’avoirderéseau.

—Bahoui.Pourquoi,t’avaisdessoucisquandt’avaisunechambreici?

—Non,maisellen’étaitpasdanslemêmecoin.Jepeuxteprendretontéléphonepourm’appeleretvoirs’ilfonctionne?JevoudraispasêtreinjoignableetquecommeparhasardOwententesachanceàcemoment-là.

—Utiliselefixe!

Grrrr, il le fait exprès, cen’estpaspossible.Soit ily avraimentdes trucs intéressantsdans sonportableet il tientàêtresûrque jenepuissepas les trouver,soit ilestmalinsansmêmelesavoir.J’attrapeletéléphoneetdébranchelégèrementlecâblepourcréerunmauvaiscontact.

—Jessie!C’estdelamerde.Mêmelefixenefonctionnepas.Yapasdetonalité.

—Bonbah,utiliselemien.

Jeprendsdeuxsecondes,poursimulerquejelecherche.

—T’asuncode?

—19830111

—Merci.

Jepasserapidementuncoupdefilversmonnuméropourlaisserunetracedanssonhistoriqueetqu’ilnesoupçonnepasmamanœuvre.Etmaintenant,c’estpartipourlafouille!Jevérifiesestextos.IlyenapleinpourZoey,destrucsmignonsetdestrucsplutôtcoquins.Jeperdsdutemps,ilfautqueje cherche quelque chose de pertinent. Il y a des échanges avec la reine des utérus, mais riend’intéressant,des résultatsd’analyses,unepetitenégoconcernant lasonde.Disdonc…Parksseraitprête à me la retirer, mais bien sûr… qui est le casse-pied qui insiste pour la maintenir… Ilsn’évoquentpasdedésaccordmajeur,rienquineressembleàcedontilsontparlé.Ilyadesmessagespourdeslaboratoires,et…J’ycroispas!IladressedestextosàOwen.Voilàquivautlecoupd’œil.Lesderniers fontétatdemasantéetdemonniveaudecoopération,dequivamesurveillerquandPascalen’estpasdisponible…Lespetitsmalins,jem’endoutais.Jeremonteleflotetarrivesurtouslesenvois faitsparmonchéridurantmon…«absence».Lepauvre, jeprendsdeplein fouet toutel’angoissequil’adévoréàcettepériode.Ilétait…paniqué,désespéréetfoud’inquiétude.Jecontinueettombesurl’undespremiersmessagesdemonfrère.

*Putain,depuisquandest-ellerevenue?!Tuauraisdûm’enparler.Appelle-moiASAP.

Mais…Maisqu’est-cequec’estquecebordel?Il l’aenvoyéquelquesjoursaprèsmonretouràParis.Commentsefait-ilqu’ilsaientétéencontact?Jesuislarguée,maisaucund’euxnedirarien.Pire, il y a un échange avant cela, le tout premier de la liste, c’estmonhommequi interroge soncomplice.

*Commentva-t-elleencemoment?Pasdechangement?

*Riendenouveau,ellevabien,elleestheureuse.Faispareil.

Le verrou de la salle de bain se tourne et j’ai à peine le temps de poser l’objet du délit qu’ildébarque. Je n’aimême pas remarqué que l’eau avait cessé de couler.Quelle galère, il a été troprapide.

—Çavamapuce?T’estoutepâlichonned’uncoup.

—Çava,maisilfautquejerentreàlapéniche.

—Tutesenspasbien?

J’hésiteàluifairepeur,ilsaitcommentaméliorermasantéetilneditrien.Jedevraisletorturer.

—Jeviensderecevoirunmessaged’Enid.Jedoisluienvoyermontravaildecesderniersjours,j’aiunpeuavancéetelleenabesoin.Jepréfèremedépêcher.

—Onsevoitunpeuplustard.

—Oui,situveux.

Jemedirigeverslasortie.

—Tunem’embrassespas?

Effectivement, j’étais troppresséedepartir.Jerevienspour lui faireunpetitbisou,pasdecâlin,pas de geste tendre, je suis trop bouleversée pour m’abandonner à une quelconque marqued’affection.

Jemedépêchederécupérermasurveillantequis’étonnedenotrenouveauprogramme,maismonchangementd’humeurl’incitecertainementàgarderlesilence.

Il fautque je fouille, il fautque je fouille, que je cherchedespreuves,que je trouvecequ’ilmecache.

Owenestdanslecoupet…jesuiscomplètementlarguée.

—Anouk,est-cequeçava?Tunem’aspasl’airenforme?

Évidemmentqueçanevapas.Monfrèreetl’hommedemaviepartagentunsecretquimeconcerneetjen’aipaslamoindreidéedecedontils’agit.

—Oui,justeunpeucontrariéeparletravail.Jevaisréglerçaauplusviteettoutirapourlemieux.

Noustraversonslapasserelleetjeperçoisimmédiatementquequelquechosenetournepasrond.

—Pascale,attends.Onavaitbienferméàclefenpartant?

—Oui,j’ensuiscertaine.

—Alorsquelqu’unestentré.Jevaisjeterunœil.

Elletentedemeretenir,maisjen’enfaisqu’àmatête,commed’habitude.Lorsquejeconstatequelaserrureaétéforcée,jecomprendsqu’ilesttempsd’arrêtermaprogression.Cen’estdéfinitivementpasunoublidemapart,niDimitriquiseraitpasséavecsaclef.

J’appelle toutdesuitemonchériquimedemandedem’éloignerde là,aucasoùlecambrioleurseraitencoreàl’intérieur.

Nousregagnonsdonclequaienattendantqu’ilarrivepour…jen’ensaisrienenréalité.J’espèrequ’iln’imaginepasentrerlà-dedanslui-même,etqu’ilsecontenteradecontacterlapolice.

18

Ilnemetpasdixminutesàarriver.Ilmarched’unpasvifetdéterminé,Jessieàsescôtés.

—Qu’est-cequetufaislà?

—Jet’aiditquejecomptaisretrouverOwenpourparlerdeslettresdemenaces.Onétaitensemblequandtuasappelé.

—Lesfilles,restezici.Onvavoircequ’ilenest.

Ilsmontentàbordets’engouffrentrapidementàl’intérieur.Jeretiensmonsouffle,mêmesijesuisrassuréedelessavoiràdeuxpouraffronterunéventuelproblème.

Au bout de trois interminables minutes, je me décide à les rejoindre. Je m’approcheprécautionneusementdelaportemaisenentendantlavoixdemesdeuxhommesdiscuter,jesuissûrequejepeuxentrersansrisque.

—Onvousavaitdemandéd’attendredehors!T’esvraimentunetêtedelard,lasouris!

—Quoi?!C’estbon!Yapersonne.Etpuisc’estpeut-êtreunsimplecambriolage.Riennelaissepenserquec’estletaréquienvoiecescourriers.Cecidit,ilauraitpasabandonnéunebombederrièrelui,quandmême?!

Cesmessieurssejettentunregardlégèrementinquietmaisfinissentparsourireavantdecontinuerd’inspecterleslieux.Merde,jeledisaisenrigolant,maisilsonteuuneseconded’hésitation.Ilssontentraindeprendrecetorduunpeuplusausérieux.

—PUTAINDEBORDELDEMERDE!!!

Je sursaute alors qu’Owen balance un objet à travers la pièce. Je reste complètement interdite,qu’est-cequipeutl’avoirpousséàréagiraussiviolemment?Jenecroispasl’avoirjamaisentenduhurlerdelasorte.

—Qu’est-cequ’ilsepasse?!l’interrogemonfrère,surprisparcetteattitude.

Monmatou, qui a plus une allure de tigre pour l’instant, fait des aller-retour, fébrilement, il sepinceleslèvresetj’arriveàpercevoirsamâchoiresecrisper.

—C’estlui,leconnarddescourriers.Ilm’avolédesphotos.

—Desphotos?!Quellesphotos?

Jenepeuxm’empêcherde lequestionneralorsque jevoisclairementqu’ilestdéjàdansunétatd’énervementjamaisatteint,entouscasenmaprésence.

—Desphotos…defamille.Etnon,jenepeuxpaslesremplacer!Lesquelquesnégatifsquej’avaisétaientavec.

Jen’aimêmepaseu le tempsdeformulermonplandesecoursqu’ilyadéjàrépondu.Jene luidemanderai pas plus de détails, je ne veux pas remuer le couteau dans la plaie qui semble trèsdouloureuse.Ilsemetalorsàfouillerdanssesalbums,danslespapiersdesonbureaupourdécouvrircequiapudisparaître.Noussavonsmaintenantquecenesontpasdesobjetsdevaleurqu’ilestvenuchercher,entoutcaspasdesobjetsdontlavaleurestpécuniaire.

Jevaisdiscrètementramassercequ’Owenalancé.C’estunpetitcoffret,enboissculpté,vraimenttrèsbeau.Jen’aiaucunmalàimaginerquecettemagnifiqueboîtedevaitrenfermerunvraitrésor.Lebruitdupoingdemonhommequis’abatrageusementsursonbureaumetiredemaréflexion.Ilsortfébrilementdelapéniche,nouslaissantpantois.

Maisétonnamment,c’estmonfrèrequimedevancepourallerlerejoindre.J’enrestebouchebée.Tout cela devient de plus en plus dingue. Il agit comme s’ils étaient potes, comme s’ils seconnaissaientplusquecedontjesuisaucourant.Çaconfirmecequej’avaiscomprisenespionnantunpeuplustôtParksetJessie.Ilsetramequelquechose,ilyaunsecretquilesunittouslestroisetquitournebizarrementautourdemoietdemasanté.Commesijen’étaisdéjàpasassezparano…Jevaisdevoirchoisirrapidementmaintenant.FouillerlapénichetantquejesuisseuleavecPascalequis’est posée discrètement dans un coin, ou alors épier la conversation des deux conspirateurs.Clairement,j’auraid’autresoccasionsdefouiner,alorsquejesurprendrairarementcesdeux-là.

—Jelesaistrèsbien,tucroisqueçanemefaitpasflipperavectasœurquiestlà?!

—Maispourquoit’asgardéça?T’esbarré?!Elleauraitputomberdessus.

—Qu’est-cequetuvoulaisquej’enfasse?!C’étaitmafamille,j’avaisledroitdelesconserver.

— Évidemment. C’est juste que… T’as raison, t’en avais le droit, mais maintenant, va savoircommentçaréapparaîtra.

—Jesais!Jesaisetçamerenddingue.Ilfautqu’onmettelamainsurcetordu.Ils’immiscedansmavie, ilneselimiteplusàcesconneriesdelettres, ilmonteenpuissance,est intrusifetprendde

l’assurance.Ilnesecontenteplusderesteràdistance,etçavavitedeveniringérable.

—T’inquiète,onvaletrouveretdécouvrirdequiils’agit,letraquer,etleneutraliser.

—Enattendant,emmènetasœuravectoiauxÉtats-Unis.Ceseraplusprudent.Invoque…j’ensaisrien,disqueceseraitsympapourZoey,ouquetuveuxgarderunœilsurelle.Ellenepermettrapasquetun’aillespasvoirtacopine,ets’illefaut,jesuissûrqu’elleproposeradet’accompagner.

— C’est comme ça que ça se passe maintenant ?! Vous décidez ensemble de comment memanipuler?!

Jen’aipaspum’empêcherd’intervenir,lasituationestentraindedéraperetjetiensàreprendrelecontrôlerapidement.

—Etmerde…lâcheOwendansunsouffle.

—Alors voilà comment les choses vont se dérouler.Demain,TOI, tu pars, tu rentres retrouverZoey et je ne veux pas te revoir avant qu’elle ne se soit remise de l’opération. Et en ce qui meconcerne, je reste ici,maissiça t’emmerdedem’avoirdans lespattes,pasdeproblème, testressepas,j’iraimeplanquerdansmonappartement.C’estfranchementpaslapeinedemettreenplacedesstratégiesmachiavéliquespourtedébarrasserdemoi.

—Çan’arienàvoiraveclefaitdemedébarrasserdetoi.J’essayejustedeteprotéger,ilyauntaréquimonteenpuissanceetjen’aipaslamoindreidéedecedontilestcapable.

—Depuis le tempsque je te ledis !!Mais testressepas, tuveuxêtresûrque jesoisà l’abri, jeretournechezmoietlaquestionseraréglée.

—C’esticicheztoi!!

—Jevaisvouslaisserenparlertranquillement.Mapuce,jeviendraitevoirdemainmatinavantdeprendremonvol…Maisilaraison,tudevraism’accompagner.Çateferaitunbreak,tuseraisbienlà-bas,tupourraiseffectivementrevoirZoey,etpuispasserauclub,voirtespotes…

—C’estnon.Point.Pasdenégociationsàcesujet,jenebougeraipasdeParis.Jevaisrassemblerquelquesaffaires.

Alors que je retourne à l’intérieur, j’entends des pas se rapprocher, des doigts enserrent monpoignetetm’obligentàm’arrêter.

—P’titcœur…s’ilteplaît.SituneveuxvraimentpasrepartiravecJessie,resteici,avecmoi.Onvatrouverunesolution.

—Pascale,tupeuxrentrer,tajournéeestfinie.

—Pasvraiment.Anouk,j’aibesoinderetournerrapidementàlagalerie.

— Peu importe. C’est terminé. J’arrête la coopération. Ça neme rapporte rien. Vous conspirezgaiementdansmondos,etaprèstucroisquejesuivraisagementvosinstructions.Jen’aimêmepasencoredécidéd’oùj’allaispasserlaprochainenuit,maiscequiestsûrc’estquejenem’imposeraipas une surveillance constante, sans vouloir te vexer, m’excusé-je presque auprès de ma pauvreinfirmièrequin’ariendemandé,etsurtoutrienfaitpourêtrecongédiéedelasorte.

Elleselèveetseprépareàquitterleslieuxquandmonhommetented’intervenir.

—Attendez.Anouks’ilteplaît.Jemesuisunpeuemballé,maisjesuisvraimenténervépartoutcequivientd’arriveret jepréférerais te savoir loindecemerdier.AlorsOK, j’auraisdûendiscuteravectoi,maisc’esttonfranginquiétaitlààcemoment-là,etj’aivoulugéreraveclui.

J’aimerais lecroire,mais j’aiconsciencequ’ildevaitpourtantêtreceluiavecqui ilsouhaitait,etpouvait, en parler. Il est évident que mon frère avait l’air d’être au courant de quelque choseconcernantcesphotosquej’ignore.Maispourl’instantjenetienspasàpartagermesdoutesaveclui,jedoisendécouvrirplusavant,avoirdespreuves,comprendreleproblèmequiestentraindesurgir.

—Etc’étaituneerreur.Ceciétant,jenet’entienspasrigueurparcequejesaisquelasituationt’acomplètementdépassé.Pourautantjenevouslaisseraiplusdéciderpourmoidecequejedoisfaire,oupasd’ailleurs.

—S’ilteplaît,s’ilteplaît,acceptequ’elleveillesurtoineserait-cequedeuxheures.Letempsquejerèglequelquesaffairesàlagalerie.Onaviseraaprès.

Parprincipej’aimeraisrefuser,maisilaétédurementmisàl’épreuveaujourd’huietjeneveuxpasenrajouter.J’aibeauavoirdesdoutessursafranchiseàmonégard,jen’enaiaucunsurlefaitqu’ilmecachequelquechose.Etmalgrécela,messentimentspourluisonttoujoursintacts.

—Deuxheures.

Il libèremonpoignetqu’iln’avaitpasencore lâché,maisquand il sepenchepourm’embrasser,instinctivementjedétournelevisage.

Il ne s’y attardepas, sûrement embarrassépar la présencedenotre spectatrice et file vers…sesoccupations,carriennemeditqu’ilretourneréellementàlagalerie.

Moinsdedeuxheures plus tard, il est de retour. Il devait se douter qu’à l’expirationdudélai jechasseraismasurveillantesanslemoindrescrupule.

J’adresseàcettedernièreunpetitsigned’aurevoir,ensilence.Jerestemuettedanslecanapé,monordinateursurlescuisses,unpaquetdecrackersàcôtédemoi.Aumomentoùils’approchedemoi,je ferme le fichier sur lequel j’ai commencé à travailler, une liste de tous ces détails que j’airemarqués,liésàcetteconspirationquioccupetoutesmespensées.Chaquephraseentendue,chaquemotespionné,chaquemailintercepté,tout,j’aitoutnotépourêtresûredenerienoublier.Jenesaispasoùcelamemènera,maispourl’instantjesuisenpleineconfusion.

—Mais…maisqu’est-cequet’asfichu?!

Ilamisquelquessecondesàvoircequiclochait,maismaintenantquandils’estassisàmescôtés,etqu’ilmedévisage…

—C’estpour tevenger,c’estça?!J’aiémisUNEremarquequi t’acontrariéeetvoilà,direct lavengeance,tuvireslasonde.

Je me tourne pour le regarder dans les yeux et jauger sa réaction, mais surtout lui permettred’évaluerlamienne.Cen’estpasunehistoiredevengeance.Jereprendslepouvoir.Jereprendsmavieenmain.Messentimentsm’ontpousséeàluilaisseravoiruneempriseetmaintenant…Jenesaismêmeplusquij’aienfacedemoi.

—Anouk?!

—Jen’aipasenvied’enparler.

—Maismoisi.

—Çan’apasd’importance.

Il écarquille les yeux, totalement halluciné parma réponse qui n’appelle aucun commentaire, etpourtant…

—Tutefousdemoi?!

Jeredirigemonregardversmonordinateurettentedemeconcentrersurmesmailsetd’ignorersessoupirsd’agacementsquandilquittelesofa.

Il fait quelques pas en direction de la cuisine, me laissant supposer que cette conversation estterminée,maisilfinitparreveniràlacharge.

—J’arrivepasàcroirequetumefassesunplancommeça,aujourd’huienplus.Aprèstoutcequ’ils’estpassé!Jepensaisqu’onétaitd’accordpourdiscuterensembledesquestionsrelativesàtasantéetcelledubébé.

—Mais il n’y avait pas de question. Je neme suis pas demandé si je devais ou pas le faire. Jevoulaislefaire,jel’aifait.

Sesmâchoiressecrispent,signequ’ilse retientdepiquerunecrise. Ilpinceses lèvresqu’aucunmotnefranchiradetoutelasoirée.

Il a dîné seul pendant que je grignotaismon paquet de crackers. Jeme couche la première, enpositionfœtale,cherchantunsommeilquejen’aiaucunechancedetrouver,vulavitesseàlaquellecarburemoncerveau.Jerepassetouslesindicesenrevue,toutescesphrasesquej’aisurprisesdanslabouchedesunsetdesautresetquejenesuispascenséeavoirentendues.Ilnedoitriencomprendre,ma réaction doit lui sembler disproportionnée, étant donné le peu de choses dont il me croit aucourant. Au bout d’une heure, il vient se coucher à mes côtés. Il éteint toutes les lumières, sansallumernisastéréo,niunechaînemusicale.

Jefermelesyeux,maisrienn’yfait,lanuitvaêtrelongue,trèslongue.

Malgrétout,auboutdequelquesminutes,jelesenssetournerversmoi,soncorpsplaquécontremon dos. Son bras vient m’envelopper mais je ne peuxm’empêcher de prendre sa main pour lareposer sur sa cuisse. Je ne sais plus qui est à mes côtés. J’ai l’affreuse sensation de ne plus leconnaître.

19

BOUMBOUMBOUM

—ANOUKDAVIS!OUVRECETTEPORTE!

—Punaise,maisqu’est-cequetonfranginpeutvouloiràcetteheure?!Ilestmêmepasseptheuresdumat’.

—J’ensaisrien,c’esttoisonsuperpote.

La nuit a été épouvantable, j’ai hésité mille fois à lui demander de m’expliquer certainesdiscussions que j’ai surprises, ses messages avec Jessie…mais je ne trouvais pas comment m’yprendre.Etpuis,jeveuxpouvoirfouillertranquillement,tantqu’ilignoretoutcequejesoupçonne.Hélas,ceréveilenfanfaren’aideenrienmonhumeurdéjàmassacrante.

—ANOUK!!OUVRE.

—Qu’est-ce que t’as encore foutu pour lemettre dans cet état ?! Pfff…Hum ! Et attends qu’ildécouvrepourlasonde.Çavaêtrequelquechose…

Ilselèveetsedirigeverslaportecontrelaquellemonfrèrecontinuedetambouriner.

—Tusaisl’heurequ’ilest?demande-t-ild’unevoixensommeillée.

—Oui,j’attendsdevenirdepuisdeuxheures.TOI,s’énerve-t-ilenmepointantdudoigt.Commenttuaspufaireça?Mecacheruntrucpareil?Qu’est-cequ’ils’estpassé?

Jecomprendspertinemmentceàquoiilfaitallusionmaisdansledoute,jenetienspasàavoueravantd’êtrecertainedecedontilestaucourant.

—Dequoituparles?

—Tulesaispertinemment,nefaispasl’innocente.

—Jenefaispasl’innocente,jeveuxjusteêtresûrequel’onparlebiendelamêmechose.

Il reste debout, au pied du lit dans lequel je suis toujours assise. Son regard se radoucitprogressivement.

—Pourquoitunem’asriendit?

—Jetiensàêtresûre.Àquoitupensesexactement?

—Jeveuxparlerdecequit’estarrivé,ilyaunanenviron,tuasététrèsmalade.

Qu’est-cequ’ilraconte?Il…Merde.Iln’apasinterprétélesrésultatscorrectement.Mevoilàbien.Jepourraislelaissercroireensathéorie,ceseraitplussimple.Maisceseraitaussim’enfoncerunpeuplusdansunmensongequiduredepuistroplongtemps.

—Etonpeutsavoird’oùtutiensça?

—Tulesais,c’estbon.

—Jeveuxtel’entendredire.

—Pourcequeçachange…J’aianalysétescheveux.

Jeleregardeàpeinealorsqu’ilmerépond,jepréfèreobserverOwen.Jeguettelamoindremicro-expressionquiévoqueraitlasurprise,maisjenevoisrien.

—Ettoituétaisaucourant.

Le désormais complice demon frère ne prononce pas unmot,mais son silence vaut toutes lesréponses.

—Peuimporte.Mapuce,jenecomprendspaspourquoitunem’asriendit.Çaadurédesmois.Ilfautquetum’expliques.Cequetuaseu,etsurtoutpourquoitunem’enaspasparlé.Siçasetrouve,ilyaunlienaveccequit’arriveencemoment.

—Bizarrement, j’ai l’impressionquec’esten lienavecautrechoseetque toi, tu saisdequoi ils’agit.

Jen’aipaspum’enempêcher,toutescesinterrogationsquitournentenboucledansmatêtedepuisbeaucouptroplongtempsmaintenantm’obsèdentcomplètement.

—Jenesaisispasdequoituparles,maisn’essayepasd’éludermaquestion.

—Jenel’éludepas.Jedisjustequelestracesdemédicamentsquetuasvuesdansl’analysedemescheveuxnesontpasliéesàunequelconquepathologie.

—Jesaispasoùtuveuxenvenirmaisc’estclairquecen’estpaslegenredechosesquel’onprendquandonamalaucrâne.Surtoutpasdanscesquantités,niaussilongtemps.Çaaduréplusieursmois,

yaaucundoute.Mais…est-cequec’estpourcetteraisonquetuasfaitunmalaise?CeluidontSamaparlédanssonmessage,lorsquetut’esévanouiedanslaréserveduclub.

—D’unecertainefaçon.

Ils’approchedoucementetfinitpars’asseoirtoutprèsdemoi.Ilprendmamain,sipetitedanslasienne,etcaressemesdoigtsavecsonpouce.Ilneditrienmaissonregardm’interrogeetmesuppliedeluiexpliquer.Jebaisselesyeuxuneseconde,inspireprofondémentavantdepasserauxaveux.

—Cejour-là,cen’étaitpasvraimentunmalaise.J’aifaituneoverdose.

—Tuquoi?!

—J’aifaituneoverdosemédicamenteuse.

—Est-ceque…est-cequetuasessayédetefairedumal?…UneTS?

Pourquoiest-celapremièrechosequiluivientàl’esprit?Unetentativedesuicide.Est-cequej’aidéjàdonnél’impressiond’êtredépriméeaupointdevouloirenarriver là?Ai-jemêmejamaisétédépriméeenvérité?

C’est fou, ilm’aime trop pour réussir à imaginer que je puisse vraiment déconner.Non, ilmeconnaît,ilsaitquejesuiscapabledecommettredesidioties,maispasdanscegoût-là.

—Non,non,pasdutout.Jenecherchaispasàmettrefinàmesjours.C’était…accidentel,disons.

—Punaise!TuvoislesbêtisesavecAnton!Àtefilerdesmédocssansordonnanceetsanssuivi,bahvoilà,tuavalesn’importequoi,n’importecomment,ettufinisparfaireuneoverdose.C’estpourçaquejeveuxêtreaucourantdetoutcequetuingères,pouréviterlesinteractionsmédicamenteuses!Maisçanerépondpasàmaquestion,pourquoituavaisbesoindeprendretoutça?!

—Tun’as pas compris. Je n’avais pas d’ordonnance, et il ne pouvait pas y avoir de suivi…Jen’avaispasbesoindeprendretoutescespilules,j’enavaisenvie.

—Jenesuispassûrdecomprendre.

—Tuneveuxpascomprendre,etc’estnormal.Onn’estpasobligésd’enparler,c’estdupassé.Tun’asplusàt’enpréoccuper.

—Nonmaisattends,tuesentraindemedireque…

—Qu’ellesedroguait!Ouic’estexactementcequ’elletedit.

Owen,jusque-làsilencieux,estenfinintervenupourmettredesmotssurl’honteusevéritéquej’aisilongtempscachée.

—Cequiestfaitestfait.Cen’estpaslapeinederevenirlà-dessus.C’étaituneerreur,j’enaiprisconscienceetrésoluleproblème.

—Ettucroisquejevaismecontenterdeça?!J’aidesmilliardsdequestionsàteposermaintenantet n’imagine pas que tu y échapperas. Tu me dois bien ça. Je veux tout savoir, comment ça acommencé ? Pourquoi ? Qu’est-ce que tu as consommé ? Qui t’a fourni ? En quelle quantité ?Combiend’overdoses?Dansquelcentretuasétépourtadésintox?

Ils’emballeenm’exposantlalistedetouteslesinformationsqu’ilespère,maisjevoisclairementqu’iln’estpasleseulquisouhaitelesentendre.

—Jessie, j’acceptede te répondre,maisdansunecertainemesure,onn’apasbesoinde rentrerdanslesdétails.

—Tuplaisantes,jeveuxtoutsavoir.

—Ehbah,fais-toiuneraison,tunepourraspastoutsavoir.Tunesaurasquecequejeconsentiraiàpartager.Cen’estpasunepériodetrèsglorieuseetjenemesenspasobligéedem’humilieraupointdetoutteraconter.

—C’estcequ’onverra.

—Bon…Disonsqueçaacommencé…avecAnton.

—Pffff,j’enétaissûr!

—Tumelaissesm’exprimer?

Ilm’adresseunsignedetêtepourm’inciteràcontinuermonexplication.

—Il a toujoursconsommédescachetsdansunbut…récréatif, commecertains fumentun joint.Mais forcément, pour unmédecin, l’accès auxmédicaments est plus simple.Et puis il y a plus dechoix,doncplusd’effetset…bref.Ilenprenait,jen’adhéraispasmaisons’amusaitbienetjesavaispertinemmentqu’onne feraitpasnotrevieensemble,alorspour le tempsoùçadurerait…Ilm’enproposait,jerefusaisetill’acceptaitsansproblème,mêmes’ils’estmontréunpeuinsistantcertaines

foisoùilétaitjustementunpeutropdéfoncé.Jedoisadmettrequ’àunecertaineépoquejen’étaispasensuperforme,jedormaistrèsmal.Jen’aijamaisbiendormietheureusementj’aibesoindepeudesommeil,mais ça devenait de pire en pire. Je faisais continuellement ce cauchemar, celui du bébémort.C’estbizarre,c’estlegenrederêvequ’onpeutcomprendrequandonestenceinte,onflippedeperdresonenfant,maislà…jenesaispaspourquoij’enrêvais.J’étaisàbout,c’étaittouteslesnuits,jemeréveillaisenhurlantetenpleurant,aupointoùj’avaispeurd’allermecoucher.Antonenavaitmarre, ilnerestaitplusdormiravecmoi,cescrisesdepanique l’épuisaientet ilavaitbesoindesereposer.J’étaisauboutdurouleau,etquandilm’aproposéquelquechosepourm’aideràm’assoupir,j’aiditoui.Onaessayéplusieursproduits,etpuisunjourilm’afiléuntrucquineservaitpasqu’àmedétendre,unesubstanceplus«ludique».Etmêmesisurlecoupj’aiétéfâchéequ’ilmedupedecette façon, finalement j’aiplutôt aimé,parcequeçaavaitdéconnectémoncerveauqui tournait enbouclesurcescauchemars.C’étaitsibondepenseràautrechose,ouplutôtdenepluspenser.Etpuisun jour ilm’a filé un cachet…c’était si bizarre, j’ai replongé dans le passé, j’ai renoué avec dessensationsquej’avaisquasioubliées,dessensationsquim’ontrapprochéede…

—…tonpère.

—Oui.

Jessiecommenceàappréhendermoncheminement.

—Pourquoivouloirretrouvercessensationsalorsque…tusais.

Ilparleencoreàdemi-mot,iln’estpassienconfiancequecelaavecOwen.Voilàunindicateurduniveaudeleurrelation.

—Parceque…j’ensaisrien.Àcemoment-làj’enavaisenvieetbesoin,pourcomprendrecequ’ils’étaitpassé.Comprendreàquelmomentj’avaismerdé,comprendrepourquoiilaréagicommeill’afait,pourquoi ilm’arejetée.J’espérais replongerdansmessouvenirsety trouverdes réponses.Etpuis surtout j’évoluais dans un brouillard qui gardait mes cauchemars éloignés, et c’était un vraisoulagement.

—J’arrivepasàycroire.Tuauraisdûm’enparler.Onauraitpuendiscuterensemble.Jet’auraisaidéeàdécouvrircequis’étaitpassé.Toiquidistoujoursquetunetienspasàavoirderéponse,tuvoisjusqu’oùtuasétépourenavoir?!

—Çaauraitserviàquoid’épiloguerlà-dessus?Tournerenronddansdesconjecturessansvraiesexplications. Aucun de nous ne sait vraiment pourquoi la situation a dérapé. Et puis tu aurais

persévérédanstesrecherches,prisplusderisques,etc’estexactementcequejevoulaiséviter.

—Alorstut’esditquetedéfoncer,ceseraitlameilleureoption!Bravo.Trèsbonchoix.

—Cen’étaitpasvraimentunchoix.Leschosessesontfaitesprogressivement.

—Tuasconsomméquoi?

—Del’oxycode,delaméthyloneetd’autressaloperiesdugenre.Peuimporte.

Sonvisageblêmit,rapidement,toutcommeceluid’Owen.

—Quelenfoiré!

Jessies’estrelevéetsembleprêtàécrasersonpoingdanslafiguredemonex.

—Çan’apasgrand-choseàvoiraveclui.Jen’étaispasobligéedemettre lenezlà-dedans, j’enavaisenvie,ilnem’aforcéeàrien.

—Bah voyons. Cette espèce de connard est une pharmacie ambulante, ça facilite drôlement leschoses,surtoutquandtuasquelqu’unquipeutrédigerdesordonnances.

—Çaaide,maismêmesanslui,sij’avaisvoulu,j’auraistrouvélemoyen.

—Tefouspasdemoi,tantqu’ilnefaisaitpaspartiedetavie,tun’avaisjamaisenvisagéuntrucpareil.

— Peu importe. Comme je l’ai dit, ce qui est fait est fait. C’est terminé. Donc pas besoin des’appesantirsurlesujet.

—Tuplaisantes?Jusqu’oùtuasété?Commentcelas’estfinisurtout?

—Çaaétéjusqu’àl’overdose.Unenuitquiavaitétépirequetouteslesautres,lescauchemars…J’étaisauboutdurouleau,moncorpstremblaitsanscessesousl’effetdustressetdel’angoisse,jemesentais simalque j’aipris tout ceque j’avais sous lamain. J’étaisvraiment tropdéfoncée, je suisalléechercherunebouteilled’eaudans la réserveet…j’ensais rien, j’aiperduconnaissance.Samm’aretrouvéeplusieursheuresplustard,dansunpiteuxétat,ilm’aemmenéeàl’hôpitaletvoilà.

—Voilàquoi?!Commenttuexpliquesqu’iln’yaitaucunetracedecepassageàl’hôpitaldanstondossiermédical?EtsurtoutpourquoiSamnem’apasprévenu?!

—Parceque,decequej’ensais,ilestmonami,etpasletien.Maisbon,vasavoiraveccombiendemesprochestuascopinédansmondospourtetenirinformé.

Surcettepique,plutôtbiensentie,jejetteuncoupd’œilàOwen,maistousdeuxfontminedenepasrelever.

—Iln’empêche,jesuistonfrère,tufaisuneoverdosequiteconduitd’urgenceàl’hosto,ilauraitpupenseràmeprévenir.

—Ehbahnon, il savaitpertinemmentque jenevoudraispasque tu sois aucourant.Etpourenfinir,cen’estpasdansmondossiermédicalparcequ’àpeinearrivéesurplacec’estAntonquim’apriseencharge…

—Maisquelenfoiré!Tum’étonnesqu’ilfaisait lemalinaprès.Genrejeconnaismieuxtasœurquetoi…Poursûr,ilavaitbienplusd’infosquemoi.Etcommentças’estterminé?

—Aprèscetépisode, j’aicompris…oudisonsqueSamm’aaidéeàcomprendrequeleschosesavaientététroploinetqu’ilfallaitymettreunterme.Etc’estcequej’aifait.

—Comment?

—Franchementpeuimporte.J’aigéréetc’esttoutcequicompte.

—Jenesuispasd’accord.

—Et bah tu vas devoir te contenter de ça.On a largement fait le tour de la question.C’est unehistoire réglée, il n’y a plus besoin d’en discutermaintenant.Mais tant qu’on est dans les grandesconfidences,est-cequel’undevousaquelquechoseàm’avouer?

—Dequoituparles?

—J’ensaisrien,quelquechosequevousm’auriezcachéetdontvousvoudriezdiscuter.

—Contrairementàtoi,moijenetecacherien.

Elleestbienbonnecelle-là!Quelenfoiré,ilnelâcherarien.

—Ettoi?

Jemisebeaucoup sur cesdeuxpetitsmots, c’est l’occasionoù jamaispourOwendemedire lavérité.J’espèrequeluiseracapabledem’avouercequ’ilstrament.

—Non.Jenevoispascequetuvoudraisquejeteraconte.

—OK.

Jemelèveetattrapemonpieddeperfusionpourmedirigerverslasalledebain.

—Jevaismedoucher,çavouslaisseraletempsdecoordonnervosmensonges.

—Çaveutdirequoi,ça?

—Tu le sais parfaitement, Jess’. J’ignore lequel engrène l’autremais va falloir repenser votrestratégie,parcequequelqu’unm’aparlé,etquel’importantestdesavoirmaintenantlequeldevousdeuxferasonmeaculpalepremier.

Jeprêchelefauxpourdécouvrirlevrai.Ai-jelamoindrechancequecelafonctionne?Monfrèreestleroidesbluffeurs,jevienspeut-êtredem’attaqueràtropgrospourmoi.Maisaprèstout,Parksauraitpucracherlemorceau…çaneseraitpasimpossible.Jepeuxsemerledoute,onverracequejerécolte.

20

Lorsquejesorsdelasalledebain, ilsm’attendentbêtement,assisautourduplandetravaildelacuisine,buvantuncafé.Ilsmedévisagent,espérantsûrementquejedisequelquechosesuiteàmoninvitationàmerévélerleursecret,maisjegardelesilence.Jemecontentedesiroterunverredejusdepommeetd’attraperunemini-boîtedecéréalesquejeglissedansmonsacfourre-tout.

—Jesors.J’aidesamisàvoir.Toi,tunedevraispastraîner,tuasunvolàprendre.

—Onvasequittercommeça?

—Jecrois,oui.Onabesoindetempspourréfléchir.Onachacunnossecrets,certainsplusgrosqued’autres,maisquand tume ledemandes, je joue franc-jeu avec toi.Est-ceque tupeuxendireautant?

—Évidemment.

— Tu persistes… Prends la peine d’y songer quand tu seras avec Zoey, pense à ce qui estimportant,etauxeffortsquetudoisentreprendrepourmegarderdanstavie.

—Çaveutdirequoiça?!

—Çaveutdirequesitutiensàcequejecontinueàfairepartiedetavie,tuvasdevoirarrêterdemecachercertaineschoses,enparticuliercellesquimeconcernent.Jeseraitoujourstasœur,maisàtoidevoirquelgenrederelationtuveuxquel’onait.

—J’aimepasdutoutcetypedemenace.

—Jem’enfiche,énoncé-jeaveclégersourire.

—Ett’imaginespasquejen’aipasremarquéquetuavaisvirélasonde.

—Crois-moi, y a des choses beaucoupplus importantes qui devraient t’occuper l’esprit.Rentrebien,etembrasseZoeypourmoi.

Jefileverslasortie.Pasunbaiser,pasuncâlin…C’estlapremièrefoisquel’onsequittedecettefaçon,sifroidement,etçamedéchirelecœurparcequ’ilcomptetellementdansmavie.Maisc’estpour ça que cette trahison est si dure à encaisser. Il doit comprendre que ce n’est pas une simplemenace en l’air, je ne continuerai pas ainsi, je ne peux pasme confier à lui sans savoir ce qu’ilmanigancedansmondos. Jenepeuxpascontinuerà luiprésentermesproches, sic’estpourqu’il

s’en fasse des alliés contre moi. J’ignore ce qu’il dissimule, mais il est en train de détruire marelationavecOwen.Ilssontentraindeladétruire,cars’illevoulait,cedernierpourraittoutàfaitéclaircirlasituationetregagnermaconfiance.Maisquoiquecesoit,ilsembleprêtàmeperdrepourgarderleursecretenseveli.

Pourl’instantjen’arriveraiàrien,ilfaudraitquejefouille.Malheureusement,Jessievapartiretjenepourraidoncplusavoiraccèsàsesaffaires,etaprèsl’intrusiondutorduquiharcèleOwen,ilauraclairementplanquétoutcequipourraitêtrecompromettantetquitraînait.Cesphotos…apparemmentiln’auraitpasétébonquejetombedessus.Queldommagequejenelesaiepasdécouvertesavantcemaniaque!Ilfautquejemechangelesidées,iln’yaquecelaàfairepourl’instant.Jedégainemonportable.

—SalutmonOli.

—Salutmabelle.Tuvasbien?

—Ouais.J’avaisenviedetevoir.

—J’adore te l’entendredire, ceci étant tu te souviensqu’il y en aquibossentpourgagner leurvie?Etdevinequoi?!Jesuisdulot.Jedoisêtreaugaragedansunepetiteheure.Tuesoù?

—Surlequaidelapéniche,prêteàpartir.

—Rejoins-moipourlepetit-déj’situasenvie.Jenesuispasloin.

—Commentça?Medispasquetuastonnouvelappartement?!

—Ehsi!

Jedevinesonsourireàtraversletéléphone.

—Dimitriaeuunesuperopportunité,ilétaitlepremiersurlecoupetj’aipulevisiteravanttoutlemonde. Il est parfait, situé exactement là où je voulais, entre la péniche etmonboulot. Je t’envoiel’adressepartexto.Tuvienstoutdesuite?

—Çamarche.

***

—Jerêveoutuvienslesmainsvides?!

—Tum’asditdemedépêcher,quetudevaispartirauboulot,j’allaispasenplusperdredutempsàfaireuncrochetparuneboulangerie.

—Bonbah,pizzafroidealors.

—Ouaisbah,heureusementquej’aiuntrucdepotableàboulotterdansmonsac.

Ilm’inviteàentreretnouseffectuonsletourdupropriétaire,enfin,dulocataire.Cequiestplutôtrapide,vuqu’iln’yaquequarantemètrescarrés.Maisc’estlargementassezpourluietl’appartementestfranchementbienagencé,mêmesilebordelambiantn’aidepasàapprécierlesvolumes.

—Tuaslesclefsdepuiscombiendetemps?

—Humm…depuisquoi,genretroissemaines.Justeaprèston…tadisparation.

—Cequiexpliquetouslescartonspartout.

—Passûrquedans troismoisceseramieux.J’aisorti l’essentieletmaintenant jesuisplus trèsmotivépourtoutlereste.

—Tuveuxquejet’aide?

—Ettedonnerl’occasiondetombersurdesdossierscompromettants?!Pasquestion.

Est-ceuneplaisanterie,ouest-cequecommelesautresilmecachequelquechose?Est-ildanslesecret?Rhaaaa!C’estparti,maparanosanslimitess’estréactivée!

—Enparlantdeça,Owent’aracontépourhier?

—Non,quoi?Tuestombéesurquelquechosedelouche?SacollectiondePlayboy?

Ilglousse,tropfierdesablague,cequim’amuseaussi.

—Non.Letorduquiluienvoiedeslettresdemenacess’estintroduitdanslapéniche.

Ildéchanteimmédiatement.

—Merde!Ilapiquédestrucs?

—Justedesphotosapparemment.DesphotosdefamilleauxquellesOwen tenaitbeaucoup, il lesgardait dansunpetit coffret enbois. Il était vraiment furieuxquand il a découvert qu’elles avaientdisparu.

Ilblêmitlégèrement.C’estpasvrai!Est-cequ’ilsaitdequoiils’agit?!Meditespasqu’ilpartagece secret autour de ces clichés lui aussi. Mais à qui pourrais-je parler librement sans craindrequ’Owenensoitinformé?

—Tuesaucourant,n’est-cepas?

Allezc’estreparti.Jeprêchelefauxpourdécouvrirlevrai.

—Hummm,sic’estcequejecrois,oui,jevoisexactementdequellesphotosils’agit.Devieillesphotos de famille, quand il était jeune, en Écosse, avec ses parents. Je sais qu’il y en a une enparticulier,avecsamère,qu’ilaimebeaucoup.S’iln’apasdedoubleildoitêtredégoûté.

—Ill’est.Apparemmentlesnégatifsétaientavec,doncpasmoyenderecouriràunsecondtirage.

—Ilaprévenulesflics?

—Jecrois.Ilestrepartiaprèsçaetm’alaisséeàlapéniche.J’espèrequ’ilenaprofitépourporterplainte.Parcontre,sic’estlecas,ilnem’ariendit.

—S’ilnet’enapasparlé,c’estqu’ilnes’enestpasoccupé.

—Àdirevrai,onn’apasvraimentdiscutéhiersoir.J’étaisunpeucontrariée.

—Aprèsqu’undésaxésoitrentréchezvous,tum’étonnesquetusoiscontrariée!

—Cen’estpasvraimentàcausedecettehistoire.Jesensqu’ilmecachequelquechose.Quelquechosed’important.Etjen’arrivepasàsavoircequec’est.

—Hoho!Iladessecrets,etc’esttoiqueçarenddingue…

—J’étaissûrequec’étaitunemauvaiseidéed’endiscuteravectoi.J’étaiscertainequetujubilerais.

Ildoitpercevoiràmontonquelasituationnem’amusepasdutoutcarileffaceprogressivementlesourirequiilluminaitsonvisage.

—Qu’est-cequ’ilsepassebeauté?

—Rien,c’estbon.

—Heyyy,jevoisbienqueçanevapas.Tupeuxm’enparler,tusaisquetupeuxavoirconfianceenmoi.

—Justement,avecmonfrèrequisemêledetout, j’ignoreàquijepeuxmefier.J’ailacertitudemaintenantqu’ilsmecachentquelquechosetouslesdeux…

—Eh,tupeuxtefieràmoi.

—Alorsraconte-moicequ’ilyavaitcommephotos.Parcequejesuispersuadéequecenesontpasquedesphotosdefamille.

—Jepensequ’ilyavaitdesphotosdetoi.D’ilyalongtemps.

—Et?

—Etquoi?Tumedemandescequ’ilyavaitd’autre,ehbahvoilà,jeteledis,desphotosdetoi.

— Pourquoi ne pas me l’avoir expliqué ? Et pourquoi Jessie est au courant ? Et pourquoi çal’emmerdaitqu’Owenaitgardécesphotos?!

—Maisj’ensaisrien,moi.D’oùtutienstoutçaenplus?

—Peuimporte.

—Fautquet’arrêtesdepsychoter.Tuvasdevenirdingue.Aiefoienlui.EnOwen,tonfrèrejeleconnaispasassez.MaisOwen,franchement,c’estunmecenor,ilferaittoutpourtoi.Si,etjedisbiensi,iltedissimulaitquelquechose,jesuiscertainqu’ilyauraituneexcellenteraisonetquetudevraisavoirconfianceenlui.

—Facileàdire.

—Cen’estpascequ’ilfaitconstammentavectoi?Tuluimenssurpleindechosesetiltelaissetranquille,persuadéquetuasunebonneexcuse.

—Messecretsneleconcernentpasdirectement.Làjesaisqu’ilsmecachentuntructouslesdeux,quelquechoseàmonsujet.

—Jevoispasquoitedire.

—Yarienàdire,soittuesaucourantdecedontils’agitettupeuxleraconter,soittul’ignoresettantpispourmoi.

—Alorstantpispourtoi.

Jen’insistepas,j’aienviedelecroire.Jenepeuxpascontinueràvivreenm’imaginantentouréedeconspirateurs. Il finit cequ’il appelle sonpetitdéjeunerpendantque jegrignotemescéréales.Unefoisterminé,ilpartàsontravailetjemeretrouveàerrerdanslesruesparisiennes,sanssavoiroùaller.Jedécidefinalementderetourneràlapéniche.J’yprendraiquelquesaffairesetrentreraidansmonappartementquelquesjours.JeveuxmettrelapressionàOwenpourqu’ilm’avouecequ’ilmecache.

Jemegaresurlequaietconstatequesavoituren’estpluslà.Peut-êtreest-ilpartipourlanouvellegalerie.Oualors,ilaaccompagnésonsuperpoteàl’aéroport.Allezsavoir.

Jetraverselapasserelleetremarquequelaporteestentrouverte.Mince,jepensaisqu’Owenavaitréussiàlaréparerhier,ouqu’entoutcasellepouvaitencorefermer.J’entrepourpréparerunpetitsacdevêtements,etsurtoutprendremonordinateur,quandjemeretrouvenezànezavecunhommequejen’avaisjamaisvujusqu’àprésent.

—Heuuuvousêtesqui?

—Merde!!Qu’est-cequevousfaiteslà?!

—Vous,qu’est-cequevousfaiteslà?

Je deviens livide en comprenant ce qui est en train de se passer. Il dégaine un couteau, certesfranchementridiculeencomparaisondecequej’aidansmonfourre-tout,maisjeresteméfiante.

—Putain,ilfallaitquevousrentriezsitôt.

J’aperçois une feuille déposée sur le bureau d’Owen sur laquelle est inscrit « Ce n’est que ledébut».Jen’aimaintenantplusaucundoutesurl’identitédel’individuquimefaitface.

—Qu’est-cequevousvoulez?

—Cequejeveux?!Cequejeveux?!Jeveux…Jeveuxqu’ilsachequ’ilacommisuneerreurenrefusantd’exposermontravail.

Nousyvoilà.Monhommeavaitdoncraison,ils’agissaiteffectivementd’unartisterefoulé.Jetente

de retenir chaque détail qui me permettrait de l’identifier plus tard. Il n’est pas très grand, pasparticulièrementbeau,maispasvilainnonplus,descheveuxblondcendrémi-longsquiluitombentsur levisagedansuneespèced’affreuse frange ridiculequ’ildoit chasserd’unmouvementde têteencoreplusridicule.Sesirissontassezclairsmaisjen’arrivepasàendéfinirlacouleur,unesortedemarrontrèspâle,vaguementdorépeut-être.Descernestrèsprofondscreusentsesyeuxquiontdéjàl’airtrèsfatigués.Ilaunboucassezcourtquifinitdecomplétersonlook.

—Ilauraitdûvoirtoutlepotentieldemontravail.

—Sicen’estpaslui,quelqu’und’autres’enrendracompte.

—Non, les autres ont l’esprit trop étriqué pour appréciermon art. Lui, il a exposé des chosessimilaires,ilpeutcomprendre.

—C’estpeut-êtrepourçaqu’iln’apasaccepté,parcequ’ilavaitdéjàproposéquelquechosedetropsemblable.Peut-êtrequeplustard…

—Peut-être,peut-être…Iln’yapasdepeut-êtrequitienne.Iladitnon.Ilm’aenvoyéuneputaindelettre,letrucleplusinformelquisoit,pourm’expliquerqu’ilnevoulaitpasdemesœuvres.Jeneluiavais adressé que des photos, il n’amêmepas pris la peine de venir voirmes tableaux en vrai. Ilparcourt des centaines de kilomètres pour rencontrer des artistes, et pourmoi, dont l’atelier est àquelqueskilomètresdechezlui,ilnedaignepassedéplacer.

Jen’essaiemêmepasde lui expliquerque sonharcèlement ledessert complètement, iln’estpascapabled’entendreraisonetjenevoudraispasm’attirersesfoudres.

—Voussavezquoi,vous,vousvousallezvenirvoirmontravail.Onprendravotrevoitureetoniraàmonatelier.Vousmedirezcequevousenpensez.

—C’estgentil,mais aujourd’hui j’aiun rendez-vousque jenepeuxpasdécaler.Uneprochainefoissivousvoulez.

—Vousvouspayezmagueule!C’étaitpasunequestion!Onyva.

Ilpointesoncouteausurmoiavantdemedésignerlaportepourm’engageràavancer.

Dites-moiquec’estuneblague,deuxtordusquimekidnappentenmêmepasunmois!?Sérieux,jedéfietouteslesstatistiques.

Bienquece typem’ait l’airmoinsdangereuxqu’Anton, ilestaussiplussecoué.Jenesuispasà

l’abrid’uncoupdesangquipourraitdégénérer,etmeretrouverdansunespaceconfiné telqu’unevoitureavecluin’arienpourmerassurer.Jeplongediscrètementmamaindansmonsac,sijepeuxattrapermonarme,leproblèmeseraviterésolu.Ilflipperaetdétaleracommeunlapin.

—Bougezpas.Vousavezunportable?

—Heuuuoui.

Inutilededirenon,ànotreépoque,jeneseraispascrédibleenprétendantquejen’aipasdemobile.

—Donnez-le-moi.

Etmerde.Sijemeretrouveembarquéeaveccemaniaqueetsanstéléphone…Letimingestunefoisdeplussupermauvais,Owencroiraquejeboude,quejerefusedeluirépondre,etilnes’inquiéterapas.

—Finalementvoussavezquoi,laissezcarrémentvotresac.

Bahvoyons,aupointoùj’ensuis…

—Vousnevoulezpasenprofiterpourluienvoyerunmessageavecmonportable,histoiredeluiexpliquerquevousm’emmenezvoirvotretravail?

—Nonc’estbon.

Merdouille.Bonallez,unpeudepsychologieinverséeàdeuxballes,aucasoù…

—Vousavezraison,pasbesoindel’énerverdavantage.

—Pourquoivousditesça?

— Parce qu’on s’est pris la tête cematin et que si en plus vous lui laissez croire que je peuxm’intéresseràvotre travail…Ilvadireque jememêledecequinemeregardepas,et j’aimeraisautantéviterdelecontrarier.J’apprécieraisqu’ilm’ouvresaportequandjereviendrai.

— Mouais, si je lui envoyais un message, on n’aurait pas le temps d’étudier mes tableauxtranquillement.Voussavezquoi,onvas’yprendreautrement.

Ilattrapemonsacetfonceverslebureaud’Owen.Ilgribouillequelquechosesurlafeuillequ’ilavaitlaisséeetseredirigeversmoi,cettefoisnouspartons.Ilgardemonfourre-toutsouslebras,cequiestunebonnechose,avecunpeudechancej’arriveraiàremettrelamaindessus.

Ilmedemandedeprendrelevolant.Jem’exécuteetsuislesindicationsqu’ilmedonne,telunGPS.NousrejoignonsrapidementuneautoroutepoursortirdeParisetenmoinsd’uneheurenoussommesenpleinebanlieue.

Jegaremavoituredevantunesorted’entrepôtaubeaumilieud’unezoneindustrielle.Endehorsdesinformationsconcernantlecheminàprendre,iln’apasditunmotdetoutletrajet.Qu’est-cequ’ilpeutbiensepasserdanssapetite têtedecinglé?Est-cequ’ilestentraind’envisagerdepeindresaprochainetoileavecmonsang?Avecdesidéespareilles,c’estpeut-êtremoilaplustorduedesdeux.

Montéléphonebriselesilenceetrésonnedansl’habitacle.

—Tienstiens,c’esttonmecquitecherche?

Ill’attrapeetregardelenomquis’affiche.Iltournel’écranversmoipourquejepuissevoirdequiils’agit.Sam.

—C’estqui?

—Unami.

—Tuveuxrépondre?

Tiens,onsetutoiemaintenant?

—Oui,j’apprécierais.

Troptard.L’appelabasculésurmamessagerie.Etmerde.C’étaitmachancededemanderdel’aideetjel’airatée.

—Mince,j’aipasétéassezrapide.

Coupdebol,enfin,ilrappelle.Jedécrocheimmédiatement.

—SalutmonSami.

—Salut.Disdonctoi,t’aspasoubliédemeparlerdequelquechose?

Quejemesuisfaitkidnapperparunmaniaque,oui,yapasdedoute,etjevaist’enparlertrèsvite.

—Heuuunon,jevoispastrop.

—Premierindice:unfrangincasse-couilles.Deuxièmeindice:unincidentquidevaitrestersecret.Troisièmeindice:unerévélationquim’aattirélesfoudresduditcasse-couilles.Tuvoisoùjeveuxenvenir.

—Oups!Effectivementj’auraispeut-êtredûteprévenir.

—Effectivement.J’auraisapprécierfiltrersoncoupdefil.Entoutcasletempsqu’ildécolèreunpeu,parcequelàjeneteracontepascequej’aipris.

—J’imagine.Maisj’aiaussimesraisonsd’êtrefâchéecontrelui.Etpourtanttusaisquoi,mêmesic’esttenduaveclui,ceseraitsuperjudicieuxquetul’appellespourévoqueruncertainplan.

Moncopilotedoitcomprendrequemepermettredediscutern’estpaslameilleureidée,carilmefaitsigned’écourter.

—Anouk,est-cequejesuissurhaut-parleur?

—Non.

—OK,tumedemandesdelancerlepland’urgence?T’esdanslamerde?

—Plusquetunel’imagines.

—C’estAnton.

—Mieuxqueça.Écoute,jedoisvraimenttelaisser,j’aiconfiance,tugèrerasçatrèsbien.Bisous.

Jeraccroche,pleined’espoir,cecoupdefilestunebénédiction.Pourunefoisquelachanceestdemoncôté,ilfautlesouligner.

—Onyvamaintenant.

21

Ilsorttoutengardantmonsacenbandoulière.Jenesuispasprèsderemettrelamaindessus.

Nousentronsdanscetentrepôttransforméenunesorted’atelierimprovisé.Iladisposéunlitetunportant dans un coin qui lui sert clairement de chambre.Une petite télévision sur un tabouret, uneradio sur un autre, son installation est très spartiate. Et des tableaux, partout. De tous les côtés,entasséslesunscontrelesautres.Misère, iln’yaquedespaysages, jenevoisquecelaentoutcas.Deschamps,desmontagnes,desprairiesetdesocéans…Etlàoùlasituationsecomplique,c’estquec’est vraiment moche. D’accord, j’exagère, ce n’est pas moche, c’est juste… scolaire, sansprofondeur et sans âme. Je n’ai aucun doute sur les raisons du rejet d’Owen.C’est lemoment devérifiersijesuisunebonnecomédienne.J’avanceendirectiondesestoiles,jelesécartelesunesdesautres pour observer celles qui sont cachées dans l’espoir de débusquer une éventuelle pépite. Lenéant.

—Alors?Qu’est-cequetuendis?

—C’estintéressant.

Quellementeuse!Maisoùest-cequ’ilavuqu’Owenavaitdéjàexposédestrucsdumêmegenre?!Bon,jen’aipasétudiécequ’ilaprésentéavantquejenereviennesurParis,maisjeleconnaisassezpoursavoirqu’iln’auraitpasoptépourdesnullitésdecetacabit.Mêmequandilacceptedesœuvresunpeuplusconsensuelles,ilneproposepasdeschosesaussicreuses.

—Vraiment?

Non,c’estdelamerde.Qu’ilestcon.Commentilpeutimaginerquejevaisluidirelavérité?

Montéléphonesonnedenouveau.J’aimapetiteidéecettefois-cisurl’appelant.

Le tordu, oui parce qu’il faut dire que jusque-là je ne sais toujours pas sonnom, donc le tordusaisitmonportablepourdécouvrirquitentedemejoindre.

—C’estlui!C’estlui!Décroche.

—Etjeluidisquoi?

—Que…quetuviensdedénicherunartistedetalent.Etquejeseraiparfaitpoursagalerie.

Etmoncul,c’estdupoulet!

Nonmaisfranchement,qu’est-cequ’ilfautpasentendre,unartistedetalent…

—SalutOwen.

—Salut.Samm’aappelé.

—Metslehaut-parleur,mechuchoteletaré.

—Attendsuneseconde,Owen,jetemetssurhaut-parleur.

—Pourquoituluiasdit?m’interrogeceluiquivientdereprendremontéléphonedanssamain.

—J’ensaisrien,pourexpliquerquej’interrompenotrediscussion.

Pourqu’ilcomprennequetuespionnesnotreconversation,grosmalin!

—ÇavaAnouk?

OK,ilutilisemonprénom,c’estqu’ilacomprisquec’étaitlamerde.

—Oui,trèsbien.

—Qu’est-cequetufaisdebeau?

—Jesuisavecunartistequisouhaitaitquejedécouvresontravail.

—Haoui?Ettuesoù?

—Danssonatelier.

Ledingueposesondoigtsurseslèvresaumomentoùjem’apprêtaisàdonnerplusdeprécisionsurmalocalisationexacte.

—Etalors,c’estcomment?

—Je suis en train de les regarder aumomentmêmeoù je te parle.C’est intéressant, tu devraisvenirvoir.

—Avecplaisir.Tupeuxmefilerl’adressequejevousrejoigne?

Cettefoislemaniaquemefaitsignequenon.

—Pastoutdesuite,jedoisd’abordexaminertoutcequ’ilya,etyena.Sic’estnécessaire,jeterecontacterai.Tudevraispeut-êtreenparleràJessie,çapourraitl’intéresserpoursagalerie.

—Tusaisqu’ildevaitpartirenvoyage.Ildoitdéjàêtredansl’avion,parcequej’aivoulul’appelerpourluisouhaiterbonneroutetoutàl’heure,etsonportableétaitsurrépondeur.

—OK.Jedoistelaisser,j’aiencorepleindetoilesàdécouvrir.Humm,ohcepaysageestvraimenttrèsbeau.Ilyenatellement!Tupourraisremplircinqgaleriesavectoutcequ’ilyaici.Allez,àplustard.

Jecontinuederegarderlesœuvresdutaréetsimuleuncertainintérêt.

—Etmaintenant,vousvoulezqu’onfassequoi?

—J’yairéfléchi.Etjemedisaisquesitumeprésentaissousunautrenomd’artiste…aprèstout,jesigneavecmesinitiales,alorsçapourraitmarcher.Detoutefaçon,ilnedoitpasvraimentsesouvenirdesphotosquejeluiavaisenvoyées,c’étaitilyaunmoment.Etsituluiexpliquesquetuastrouvéçasuper,ilpourraitpeut-êtrerevoirmontravailavecunœilnouveau.Çapourraitêtremachance.

—Oui,pourquoipas.MaisjecroisquetusurestimesunpeumoninfluencesurOwen.Jeveuxdire,iln’yapaslongtempsqu’onestensemble,jen’aipasautantdepoidsdanssesdécisions.

Jenecherchepasàledissuaderdesonplan,aprèstoutsiçapeutleconvaincrededonnerl’adressedesonatelieràmonsauveur,jesuispartante.Jetiensjusteàm’assurerques’ilchanged’avis,iln’aitpasenviedem’utilisercommemoyendepression.Aprèstout,j’ignoredepuiscombiendetempsillesurveille,maiss’ilatoutvu,ildoitpenserquejenesuisentréedanssaviequedepuisunpeuplusdedeuxmois. Ilnedoitpass’imaginer toutceque l’on représente l’unpour l’autre.Deprimeabord,Oliverseraitsûrementunmeilleurmoyendepressionquemoi.

—Tumeprendspouruncon.Jesaistrèsbienquevousêtesensembledepuislongtemps.

—JesuisenFrancedepuisquelquessemainesseulement.

—Oui,maisvousétieztrèsprochesavantça.Etn’essaiepasdelenier.J’aidespreuves.

Il farfouille dans une grosse boîtemétallique posée àmême le sol près de son lit. Il en sort unpaquet de photos qu’il balance sur un petit établi sur lequel traînent quelques pinceaux et tubes degouache.Jesaisexactementd’oùellesproviennentavantmêmedejeterunœildessus.Jem’approchedoucementpourpouvoirlesobserver.Sijem’écoutais,jemeprécipiteraisencourantpoursatisfaire

macuriositépiquéeauvifdepuislaveille.

Il y en a des tas, des récentes et des très anciennes.Certains tirages semblent si vieuxque je nepensepasqu’ils’agissedesesparents.Peut-êtresesgrands-parents.Ilyaunetrèsjoliephotod’unejeunefemmeavecunpetitgarçonquiestsansaucundouteOwen.Ilétait tropcraquant,déjàenfant.J’éparpille les clichés et progressivement je tombe sur des photos demoi, d’il y a trois ans. Desphotosdenousdeux,desphotos avecOli etDimi, desphotosoù jedors, desphotosoù… j’ai unmouvementderecul.Mesyeuxvoientquelquechosequemonespritnecomprendpas.C’estdudélireàl’étatpur.Oualorsils’agitd’unmontage.Maispourquoi?Ilyaunephoto…jen’arrivepas…je…unephotodemoi,enceinte.Trèsenceinte,beaucoupplusquejenelesuisencemoment.Etdetoutefaçoncesphotosdatentd’ilyalongtemps,çasevoitrienqu’àlalongueurdemescheveux,beaucouppluscourtsàl’époque.Jenecomprendsrien.

—C’estunmontagec’estça?!Vousavezbidouillélesoriginales?!

—Pourquoituracontesça?

Je le dévisage, et je suis persuadée qu’il est sincère. Il ne sait pas de quoi je parle. C’est paspossible.Maisqu’est-cequiestentraindesepasser?Jeveuxdire…Ilsnevoulaientpasquejetombesurcesphotos.Mais…C’estpaspossible.Jedoishalluciner.Cetaréadûm’injecteruntruc.Oualorsjesuisenpleincauchemar.Jevaismeréveillerettoutirapourlemieux.Jen’arrivepasàdécrochermonregarddecetteimage.

—Çava?T’aspasl’airautop.

—Je…Jeneconnaissaispascesphotos.

J’enremarqueunenouvelle,priseauBlackpearl.Commenta-t-ilpumettrelamainlà-dessus?Quilaluiadonnée?Jessie?

—Vousavezeuunenfantensemble?

—Non…je…non.

—Habon?Non,parcequevucommentvousêtessurl’uned’elles…

Il repousse la photo dont je n’arrive plus à détacher mon regard, à la recherche d’une imageprécise.Maisalorsqu’iltentedelestrier,j’enremarqueuneencorepluschoquantequelaprécédente.Unnouveau-né,dansdesbras,lesmiens,j’ensuiscertaine.Ilestpetit,sipetit,minuscule,etsapeau…

cesmarbrures…

—OhmonDieu!

—Qu’est-cequ’ilya?Haouais,jel’aivue,celle-là.C’étaittonbébé?

Commentluiavouerquejen’ensaisrien?Quej’airêvédecenourrissonmortpendantdesmois,qu’ilahantémesjoursetmesnuits,etquemalgrétoutjesuisincapablededirequiilest?Commentc’estpossible?

—Tiens!C’estcelle-là.

Il écrase une nouvelle photo sur celle de l’enfant. Owen et moi. Il est collé à mon dos etm’enveloppedesesbrasdontlesmainsentourentmonventrerebondi.Ilmeregardetendrement,unlargesourireilluminanttoutsonvisageradieux.Ilestbeau,lebonheurluivasibien.Etmoi…j’ail’air…épanouie.C’est dudélire.Oualors c’était pourune soiréedéguisée, oupourblaguerou…j’en sais rien. Il doit y avoir une vraie bonne raison.Mais le pire, c’est justement que je nem’ensouviennepas.Comment j’aipuoublieruntrucpareil?Est-cequec’est liéàmaconsoabusivedemédoc?

—Oùsontlestoilettes?

—Heu,dehors.

Jefileendirectiondelasortie.

—Hey!!Tuvasoùcommeça?!Reviensici!!

—J’vaisvomir.

J’ai à peine franchi la porte que je rends tout ce que mon estomac stockait et même plus. Lesimagestournentenboucledansmatête,nosminesréjouies,lebébémort,monénormeventrerond…

—Çava?

—Non.Pasdutout.Ilfautquejerentrechezmoi.

—C’estpaspossible,ça.

Jefermelesyeux, j’étaissûreque jenem’ensortiraispasaussi facilement,mêmesipendantuninstantj’aioséycroire.Jecollemondoscontrelemuretmelaissedoucementglisserjusqu’ausol.

Je posema tête surmes genoux repliés et tente de canaliser le peu d’énergie qu’ilme reste pournégocieraveclui.

—T’aspasl’airbien.

—Peut-êtreparcequejenevaisvraimentpasbien.

—Qu’est-cequet’as?

—Jeviensdevomirmestripes,c’estpassuffisantcommeraison?!

—Sisi.Maisn’empêchequejetiensàcequeturegardestousmestableaux.

Ok-ay.

Est-cequefinalementc’estsaseulemotivationpourmegarderici?Est-cequ’unefoisquej’auraistoutexaminéilaccepteraquejeparte?

—Parfait.Allonsvoirlereste.Tum’aides?

J’optepourletutoiementàmontour.Ilfautquej’arriveàcréerunecertaineproximitéentrenoussi jeveuxqu’ilait assezdesympathieetd’empathieàmonégardpourme laisser rentrer. Je tendsmon bras dans sa direction et il m’arrache du sol avec une telle vigueur que je manque d’êtrepropulséecontremavoiture.

—Allez,viensvite.Tudoistoutregarder.

J’avancepéniblementmaisessaiedefairepreuved’uncertainentrainpourattesterdemonintérêtpour«sesœuvres».

Jeme lance à l’assautd’unnouveaumonticulequi est unevéritable insulte aumondede l’art etencore plus au travail de mon homme, en croyant qu’il pourrait avoir le mauvais goût de lesprésenterdanssagalerie.

—T’enpensesquoi?

—C’estintéressant.

—Tul’asdéjàdit.

Hummm,vafalloirêtreunpeupluscréativedanslemensonge.

—C’estintense,çam’évoque…beaucoupdepuissance.Çametransporte.

—Vraiment?

—Oui.TuastoujourslesphotosenvoyéesàOwen?Parcequej’aidumalàcomprendrequ’ilaitrefusé.Tesclichésnerendaientpeut-êtrepasjusticeàtontravail?

—C’estpourçaquejeluiaidemandédeveniràmonatelier,maisiladéclinémoninvitation.

—Pourmoi,c’étaituneerreur, ilauraitdûaumoinspasserpourêtrecertaindelaqualitédecequ’onluiproposait.Maisbon,tusais,cen’estpasmoilagaleriste,cen’estpasmonjob,j’aimel’art,maisjenesuispasuneexperte.Ilyaaussiunepartdesensibilitépersonnelle,testravauxmetouchentmaistoutlemonden’estpasréceptifauxmêmeschoses.

—Tiens,jeveuxqueturegardescettesérie.JelesaipeintsenBretagne.

—C’esttrèssympa,maisj’aiunepréférencepourcelles-là.C’étaitoù?

—EnCamargue.

—Tulesaspeintesbeaucoupplustard,n’est-cepas?

—Oui,commenttulesais?

—Onremarque l’évolutionde ta techniquequi s’affineet s’affirme.Teschoixdecouleurs sontplusréfléchisetlerésultatplusabouti.

—Alorstudevraisregardercelleslà-bas,cesontlestoutesdernièressurlesquellesj’aitravaillé.

J’arrivepasàcroirequ’ilmarche,commentilpeutgoberdesconneriespareilles?Finalementjesuisplusdouéequecequej’imaginaispourmentir.

Maisalorsquejecontinued’examinerlanouvellesérie,mesyeuxs’égarentversl’établisurlequellesclichéssonttoujourséparpillés.

—Tuneregardesplus?

—Excuse-moi,maisjerepensaisauxphotos.J’aimeraisvraimentenrécupérerquelques-unes.

—Tusaisquoi,s’ilm’expose,jeteprometsquejetelesrendraitoutes.

—Maisenattendant,jepourraisenavoiraumoinsuneoudeux?

—Non.

Pasbesoind’insister,ilfautdéjàqu’ilacceptequejeparte.C’estlàmaprioriténumberone.

Jereprendsl’étudedestableaux,faisantpreuved’unefausseminutiequidoitluidonnerl’illusiond’uncertainintérêt.

Mais subitement, des sirènes de police retentissent et brisent le silence ambiant. Ce cinglé medévisage, les yeux écarquillés, se demandant sûrement à quelmoment il a commis une erreur. Letempsdesnégociationsprendbrutalementfinquandilm’attrapeparlebraspourm’attirerprèsd’unefenêtre pour observer la rue. Trois voitures de police viennent de débarquer, Owen surgitimmédiatementhorsde l’uned’ellesmaisunagent l’intercepteet le retientprèsduvéhicule.Deuxhommess’approchentprudemmentetcommencentàtaperàlaporte.

—MonsieurJamy,ouvrezs’ilvousplaît,c’estlapolice.

—Qu’est-cequ’ilsfontici?!

—J’ensaisrienmoi,t’asqu’àleurouvriretvoircequ’ilsveulent.

—Pasquestion.

Illesignorealorsqu’ilstambourinentdeplusenplusfort.Ilsfinissentparm’appeler,maisletarémem’intimesilencieusementdemetaireetdenepasbouger.

—Commentilssontaucourantquet’eslà?Qu’est-cequet’asfoutu?mechuchote-t-il.

—Riendutout!Mavoitureestjustedevantlaporte,ilsdoiventforcémentsedouterquejesuisàl’intérieur.

—Hendersonestlà!C’estpourtoiqu’ilestvenu.

—Danscecas,laisse-moiallerlevoir.C’estl’occasionoùjamaisdeluiparlerdetontravailetdel’inviteràregardertesœuvres.

—Turigoles!Çapuecetteaffaire,ilestarrivéaveclesflics.Ilenarienàsecouerdemontravail!

Ilarpenteleslieuxenmarmonnanttandisquel’oncontinuedenousappelerdepuisl’extérieur.Jen’osepasintervenir,jenetienspasàluimettreunepressionsupplémentairealorsqu’ildoitdéjàse

sentiracculé.Lasonneriedemontéléphoneretentitetrésonnesurlesmursdel’entrepôt,quidepuisquelquesminutesnefaisaientpluséchoqu’auxvoixdespersonnesdehors.

—Décroche,voiscequ’ilveut.

Ilmetendmonportableoùlenomd’Owens’affiche.

—Salut.

—Çavap’titcœur?

—Oui,trèsbien.Jecontinuederegarderlestoilesdel’artistedontjet’aiparlétoutàl’heure.

—Est-ceque…

Jecomprendsqu’ilhésiteàmedemanders’ilnousécoute.

—Non.

—Iln’écoutepas.

—Non,jeviensdeteledire.

—Commentçasepasse?Tupeuxm’expliquer?

—C’esttrèsintéressant.J’aimeraisvraimentquetuvoiesça.

—Est-cequetuesblessée?

—Pasdutout.

—Lapoliceveutsavoirs’ilestarmé.

—Oui,onpeutdireça.

—Qu’est-cequ’iltedit?m’interrogeletaré

—Ilmedemandecommentjevaisetcequejefabrique.

—Explique-luiqueçavaetque…

—Etquequoi?

—Etqu’ilsarrêtentdenousemmerder.Dis-leurd’évacuerleslieux.

—HeuOwen…Commenttut’appelles,aufait?

—Marc.

—Owen,Marcaimeraitquevouspartiez,quevousnouslaissieztranquilles.

—Je…Anouk,jetepasselebrigadierZochowski.

—MademoiselleDavis,commentças’annoncelà-dedans?

—Çava.

—Est-cequevouspouvezsortirsansrisque?

—J’endoute.

—Qu’est-cequ’iltedit?!Ilditquoi?!

—Jel’aientendu.Essayezdeluidonnerletéléphone.

—Marc,ilyaunpolicierquiaimeraitteparler.

—Qu’est-cequ’ilveut?

—J’ensaisrien,ilm’ademandés’ilpouvaitdiscuteravectoi,doncvoilà,jetepasselemessage.

Ilattrapemonportableengrommelantets’éloignedemoiendirectiondelaporte,m’empêchantpar làmêmed’enprofiterpourm’échapper.Jenedistinguepasclairementcedont ilparleetpourl’instant je dois avouer que ce n’est pas ma première préoccupation. Je veux réussir à récupérerquelques photos. Je ne sais pas comment la situation va évoluer, mais si jamais il essayait de lesdétruire,ou si lapolice les réquisitionnait commepreuveduvoletde l’effractioncommise sur lapéniche,jenepourraijamaisremettrelamaindessus.

J’attrapediscrètement cellesqui sont lesplus importantes àmesyeux, celledubébé, celleoù jesuis…enceinte.Etpourfinir,celleoùjesuisavecOwenquienlacemonventrerebondi.Mesdoigtstremblent,pasdepeurd’êtresurpriseparMarc,c’estlepoidsdesimagesquis’imposentàmoietquisontd’unetelleviolencequej’enperdslecontrôlesurmoncorps.Jeglisselesquelquesclichésdansmapoche.Rassérénéeparcettepetitevictoire,jemerapprochedésormaisdelasortiepouressayerdecapterlaconversationencoursetvoircommentjepeuxinterférerenmafaveur.Maisletonmonteet

Marcne semblepasdu tout décidé àouvrir saporte aux forcesde l’ordre. Jene sais pas cequ’ilespèremaintenantquenoussommesprisaupiègedanssonterrier.Cen’estqu’unequestiondetemps,àmoinsque…

Je recule discrètement, finalement, il serait plus malin de me tenir éloignée et d’éviter de meprésentercommeunemonnaied’échange.Pourl’instantiln’ariencommisdetrèsgrave,maisjenevoudraispasluidonnerl’occasiond’enarriverlà,etàmesfrais.

—Resteparlà!

—Jemesenspastrèsenforme,j’aijustebesoindem’asseoir.

Je jette un coup d’œil vers une fenêtre et découvre un agent qui nous observe. Sûrement pourjaugerlasituation.Ledésaxésembleêtred’accordpourquej’aillem’installersurunechaise.C’estl’occasiondeprendremesdistancesetd’aviserl’ersatzdeMataHariquec’estlebonmomentpourpasser à l’action tantque jene suispasà saportée. Je levois rapidementparlerdansune radioetsubitement,toutseprécipite.Laported’entréeestenfoncéeetdeuxhommesplaquentvigoureusementletaréausol,quiestimmobiliséenmoinsdetempsqu’iln’enfautpourledire.J’entendsdescrisetilyaunecertaineagitation,maislasituationparaîtsouscontrôle.Jeresteaumilieudulocal,hébétéeparlavitessed’actiondespoliciersquiontgérévraimentefficacement.

L’und’euxs’approchedemoietmeparle,maisjen’écouterien,jeneréagisqu’aumomentoùilprendmamaindanslasienne.Jelaretireimmédiatementetreculed’unpas.

—Est-cequevousallezbien?

—Non.Si,si,çava.

—Venez,jevousaccompagnedehors.

J’avancetrèsdoucement,désormaisdébarrasséedudinguequimonopolisaittoutemonattention,jesuismaintenantassaillieparunmillierdequestions.Mesdoigtss’enfoncentinstinctivementdansmapochepours’assurerquelesprécieusesphotossonttoujoursenmapossession.Jesuisbrusquementhappéeparunepairedebrasquimecomprimecontreun torse familier. Je resteparalysée, je suistellementperdue,jenesaismêmepluscommentréagir.

—J’aieusipeur.Tuvasbien?Anouk?Est-cequetuvasbien?

J’ignorecommentjemesens.Envéritési,jemesens…trahie.

—Laisse-moitranquille.

—Quoi?

—Lâche-moi.

Ilnedesserrepassonétreinteetjesuisobligéedelerepousser,lesdeuxmainssursespectorauxpourréussiràmelibérer.

—Qu’est-cequ’ilsepasse?Net’inquiètepas,jesuislàmaintenant.

—Jesaisquetueslà,justement.J’aibesoind’espace.Jedoisrentrerchezmoi.

—Àlapéniche?

Iljouesurlesmots,ilsaitparfaitementquejefaisallusionàmonappartement,maisilveutquejesachequec’estlapénichemonchez-moi.

—Non,j’aiditchezmoi.

—Attends,s’ilteplaît,donne-moiquelquesminutespourtegarderprèsdemoietm’assurerquetuteportesbien.

—Maisjenevaispasbien.C’estpourçaquejedoisrentrer.

—Qu’est-cequetuas?

—Jevoudraisjustequetumefouteslapaix,ettoutdesuite.

Jemedétachecomplètementdeluietfilerejoindremavoiture.J’entendsOwenm’interpellerdansmondosmaisjeneralentispas.Jedégainemesclefsavantderéaliserquejen’aipasrécupérémonsac.Unpolicierl’adanslesmainsets’apprêteàmelerendreaumomentoùilmedemandes’ilpeutmeposerquelquesquestions.Jeluiexpliquequelemomentestmalchoisi,quejepréféreraisveniraucommissariatplustard.Maisquandilvoitmesdoigtstremblerenmesaisissantdemonfourre-tout,ilmedéconseilledeprendrelevolantetmerecommanded’attendre«MonsieurHenderson»pourqu’ilpuissemeraccompagner.Mauvais timing, ilnousrejointaumêmemoment,mais jepersisteàdirequejevaisrentrerseule.L’agentfinitparmeproposerdemeramenerlui-même.A-t-ilcomprisquelasituationétaittendue?

Nousprenonsplacedanssavoiture,directionParis,directionlamaison.

22

Enchemin,j’airéaliséqu’ilétaithorsdequestionqu’ilmeraccompagnedansmonchez-moi,plusque jamais cet endroit doit rester mon sanctuaire secret. Je n’ai pas vraiment réfléchi, j’ai dit lapremièreadressequim’estvenueen tête, la seuledont jepourrais rentrerdans l’appartementavecmondoubledeclefs.Leflicmedéposedevantl’entréedel’immeubleaprèsm’avoirdonnésacarteetdemandéd’alleraucommissariatdèslelendemainpourporterplainte.Jepasseledigicodeetappellel’ascenseur.Mesgestessontdésormaismécaniques,jen’arriveplusàpenser,jesuis…L’expressionêtresouslechocvientdouloureusementdeprendretoutsonsensaujourd’hui.

Comment…cesphotos…Moi,enceinte.

Maisc’estdudélire,enfin, jem’ensouviendraisquandmêmesi j’avaisattenduunbébé.Jeveuxdire,cen’estpasquelquechosequ’onpeutoublier.Jenecomprendspas,jenecomprendsplusrien.Ou alors c’est unmontage.Unmontage extrêmement bien réalisé,mais unmontage. J’ai envie devomir.Encoreettoujours.J’entredanslegrandloftetcroiselesdoigtspourm’yretrouverseule.JeneveuxpasavoiràaffronterlesquestionsdeDimitri.Iln’yapaslemoindrebruit.Cetappartementne m’a jamais semblé si austère et impersonnel. Je me dirige directement vers le canapé et merecroquevilleenpositionfœtalesurlecuirfroid.Mamain,toujoursdansmapoche,neparvientpasàlâcher les bouts de papier qui m’accrochent à un passé qui ne m’appartient plus depuis troplongtemps. Jevoudrais allumer la télévisionpourmeubler le silencedans lequel ne résonnentquemespenséesdouloureuses,maisjen’aipluslaforcedebouger.Jesuislittéralementdéconnectéedetout ce qui m’entoure, je suis tellement perdue, je n’arrive pas à organiser mes idées. Je necomprendsrien,jevoislesphotos,maisneréussispasàlesmettreenlienaveclaréalité.Unesortedevideestentraindes’immiscerenmoi,ildévoretoutetnelaisseplusqu’untroubéantàlaplacedemonâme.

Jenesaismêmepascommentj’airéussiàvenirjusqu’ici.

***

—Maisc’estcomplètementfou!Maisellevabienquandmême?

—…

— Mais pourquoi tu l’as pas retenue ? T’es con… Attends… Putain y a du bruit chez moi.Attends…Hoc’estpasvrai,elleestlà.

—…

—Anouk!Anoukestchezmoi.Heymaboulette,çava?Qu’est-cequetufabriquesici?

—…

—Jeterappelle.Non,attends,jevoiscommentellevaetjeterappelle.

Ils’approcheprécautionneusementets’accroupitprèsducanapé,sonvisageàquelquescentimètresdemoi,sesirisplongésdanslesmiensàlarecherched’uneétincelledeviedansmonregardéteint.

—Maboulette.Dis-moicommenttutesens.

Lesmotsn’arriventpasàsortir.Pourdirequoidetoutefaçon?

—Anouk?Tuesavecmoi?

—Tusavais?chuchoté-je.

—Dequoituparlesmabelle?

J’extirpemamainengourdiedemapochepourqu’ilcomprenne.Ildécouvrelesclichés,ilessaiedelessaisir,maisjeresserremesdoigtsquejepressecontremapoitrine.

—HoAnouk,murmure-t-ild’unevoixpeinée.

—Tusavais.

—C’estcompliqué,je…tudevraisendiscuteravecOwen.Ilpourratoutt’expliquer.

—Non.

Il commence à caresser mon bras, mais le petit mouvement de recul que j’ai l’oblige às’interrompre.Unlongsilences’installe,ilignorequoidireluiaussi.

—Jevaispartir.

— Tu peux rester, tout le temps que tu veux. Si tu as envie, je peux m’éclipser et te laissertranquille.Jet’abandonnemonappartsitut’ysensbien.

—Jenemesentiraiplusjamaisbien.

—Dispasça,jet’enprie.C’estunemauvaisepasse,maistuasbesoinderéponses.IlfautquetulaissesOwent’expliquer.Outonfrère.

—Jeneveuxvoirpersonne.

—Jevaisallerdansmonbureau,danslamezzanine.Situdésiresquoiquecesoit,tum’appelles.

Alorsqu’ilgravit lesmarches, j’entendsqu’il téléphone. Jenedistinguepasexactementcequ’ilraconte,maisilestclairemententraindeparleràOwenqu’ilessaiedetranquilliser.Jeneveuxplusrienpercevoir,ilmedevientvitaldem’enfermerdansmabulle.Jeplongemamaindansmonsacquireposeausol,toutprèsdemoi,etenextirpemonportableetmesécouteurs.Enlesamenantprèsdemoi,monregardnepeutéviterdecroiserceluid’Owensurl’unedesphotosquejetienstoujours.Jen’arriveplusàm’endétacher.

— Non, ne viens pas tout de suite, donne-lui du temps. Il faut vraiment lui laisser une chanced’encaisserlecoup.

Dimitrim’asortiedematransecontemplativedusourirebéatdel’hommequej’aicruêtreceluidemavie.

Jebranchemesécouteursetlanceuneplaylistenmodealéatoire.Unforgettable{2}deNatKingColedébute. J’ai l’horrible impression que l’univers tout entier semoque demoi.Unforgettable… j’aienvie de crever… Je n’arrive même pas à identifier ce que je ressens, mélange de désespoir, dedégoût,derage,defrustration,de…tellementdechoses.Jetrituremontéléphonejusqu’àtombersurlebon titre.TheFuneral{3} parBandofHorses.Cettemusique…Il ladéteste, jecomprendsmieuxpourquoi.Elleprendelleaussitoutsonsensaujourd’hui.J’appuiesurleboutonrepeatetm’effondredenouveaudanscecanapédontjevoudraisfairemadernièredemeure.

Jenesaispasdepuiscombiendeminutes,d’heurespeut-être,jesuisainsiprostrée,maisquandlachansons’arrête,pendantlesdeuxsecondesdesilenceavantqu’ellenereprenne,j’entendsquel’onfrappebruyammentàlaporte.J’avaiscruremarquerdumouvement,c’esteffectivementDimitriquiestdescendudelamezzanine.Ilsemblehésiteràouvriretj’imaginesanspeinequidemandeàentrer.Les yeux dans le vague, j’ai l’impression qu’il n’y a plus de vie enmoi,mes fonctionsmotricesrépondent,maisellesnesontplusconnectéesàaucuneémotion.Sonregarddésemparérencontrelemientotalementvide.Ilserésigneetdéverrouille.Jefermemespaupièrespourresterplongéedans

mabulle,seule.

Jeressensunecertaineagitationautourdemoi,maisjedécidedel’ignorer,c’estfini,jeneveuxplus voir personne, j’aspire au calme, au silence dansma tête, juste lamusique pourm’éviter depenser.

Unemainseposesurlamienne,surcellequitientlesphotos.JemelibèrerapidementetmalgrémoiouvrelesyeuxpourdécouvrirOwenassisparterre,toutprèsdemoi,tropprès.Jerefermemespaupières,jenepeuxplus…jen’aipaslaforce.

Maisilm’enlèvel’undemesécouteurs,iltented’abattrelesbarrièresquej’érigeentrenous.

—Non,s’ilteplaît,pascettechanson,arrêteça.

Jenerépondspas, jen’yarriveplus.Qu’il fassecequebon luisemble,désormais jesuisseule,seuledansmabulle.

—Anouk,ilfautquetumelaissest’expliquer.

Jeneveuxrienentendre,j’aitellementpeurdecequ’ilpourraitmedire.Quisuis-je,quelgenredepersonnejesuispouravoiroubliél’événementleplusimportantdetoutemavie?Qu’est-cequej’aifichu?

—Ilfautquetusachesquejenepensaisvraimentpasàmalquand…

—Tais-toi,murmuré-je,lagorgenouéeparleslarmesquimanquentdedéborder.

—Non,ilfautquetusaches,quetucomprennespourquoij’aifaitça.

Faitquoi?Dequoiilparle?Est-cequ’ilaunrapportaveclamortdubébé?Sic’estlecas,jecroisquejepréfèrel’ignorer.

—Va-t’en.

Lesmotssortentdansunchuchotisàpeineaudible,maisquineluiéchappepas.

—Jevaispartir.Dèsquejet’auraistoutexpliqué.

J’attrapel’écouteurqu’ilaconservéetlerepositionnedansmonoreille.Jeneveuxplusl’entendreetencoremoinsluiparler.Jerefermelesyeuxetmabullereprendformetoutautourdemoi.

Jeperdscomplètementlanotiondutemps,maisjesaisqu’ilesttoujoursàmescôtés,carj’aibeauavoirmisenveillemavueetmonouïe,lafragrancedesapeausaturetoutmonespaceolfactif.Maisjefinisparréaliserqu’ellesedissipeetlaisselaplaceàuneautre,toutaussifamilière.

Dimitrimeretireàsontourunécouteur.

—Anouk,ilesttard,tudevraismangerquelquechose.

Jebalanceimperceptiblementlatête.

—Penseaubébé,ilfautquetuprennesdesforcespourvousdeux.

Lebébé…Est-cequejel’oublierailuiaussi?Est-cequ’ilvadisparaîtredemavie?

Ilesquisseunpetitsourireencoinensecouantdevantmoiuneboîtedecrackers.Quandilréaliseque jen’y répondraipas, il retrouvesonvisagepeiné,et s’occuped’ouvrir l’emballagedemon…dîner,jecrois.Jecommenceàpicorer,pasparfaim,pasparenvie,parnécessité,pourp’titbout.Jedéteste ce surnommaintenant, il a un goût de trahison. Est-ce qu’il donnait cemême surnom à…l’autrebébé?

Jemangeduboutdeslèvres,sansconviction.Aprèsquelquesbouchéesjereposelaboîteàmêmelesol,maisquandjem’apprêteàremettremonécouteur,unegrossepaluchequejen’avaispasvuearrivervientinterrompremonmouvement.

—Jeresterai le tempsqu’ilfaudra,mais jedois t’expliquer.Jenepartiraipasavant.Ignore-moitantquetuveux,tupeuxmecroire,çaneserapasunepremièrepourmoi,maisjenem’eniraipassanst’avoirtoutraconté.

Ma joue toujoursplaquéecontre lecuirducanapé, je relâche l’écouteur, signeque je laisseunepetitebrècheouvertedansmabulle.

— Je… okay… par où commencer ? J’ai si souvent pensé à ce que je pourrais te dire maismaintenant…Ilya…quatreans,tuestombéeenceinte.Demoi.

Delui?Comment…

—Ouijesais,çadoitteparaîtredingue,maisenréalité,c’estàcetteoccasionqu’onadécouvertquejen’étaispasàproprementparlerstérile, j’avaisjusteuneconcentrationextrêmementfaiblede

spermatozoïdes, les chances que l’on parvienne à concevoir naturellement étaient infinitésimales.C’étaitnotrebébémiracle.

Notrebébémiracle…

—Toutsepassaitmerveilleusementbien,tuétaismagnifique,radieuse,épanouie.Çaaétélesplusbeauxjoursdemavie.Etdelatienneaussi.Etpuisunjour,tuenétaisàunpeuplusdeseptmois…Uneaprès-midi,tum’astéléphonéalorsquej’étaisàlagalerie,tuétaisinquiète,tunesentaispluslebébé bouger. On est partis à la maternité pour te rassurer mais… la sage-femme t’a mise sousmonitoring,ouentoutcaselleaessayé.Ellenecaptaitrien.ElleaappeléParkset…

Parks!Parkssavaitaussi,depuisledébut,c’estcequ’ellevoulaitqueJessiem’avoue.Parks…

—Heuu,oui,Parkstesuivaitdéjààl’époque.Quandelleestarrivéepourpratiqueruneécho…

Sonregardseperddanslevide,ilestplongédanssessouvenirsetsesyeuxcommencentàbrillerdouloureusement.

—Quand elle a réalisé l’échographie, il a fallu se rendre à l’évidence.Le cœur du bébé s’étaitarrêté.

Unelarmeroulesursajoue.Jecroisquec’estlapremièrefoisquejelevoispleurer.Lapremièrefoisdontjemerappelleentoutcas.

—Ilafalludéclencherl’accouchementpourquetumettesaumondeConnor.

—Connor…murmuré-jeavecdifficulté.

—Oui,c’estlenomquenousluiavionschoisi.

—Unfils.

—Oui,excuse-moi,j’auraisdûteledireavant.Onaeuunfils.Aprèscela,tuassombrédansuneprofondedépression.Tupassaistesjournéesprostréedansmonvieuxfauteuil,leregarddanslevide,tesécouteursdans lesoreillesetcette foutuechansonqui tournaitenboucle.Tuneparlaisplus,nemangeais plus, ne bougeais même plus. Parfois tu t’endormais et te réveillais sans esquisser lemoindremouvement,seulestespaupièress’ouvraientetsefermaient.Çaadurédesjours,Jessieetmoiétionssiimpuissants,onn’arrivaitpasàtesortirdetaléthargie.Onarapidementétéobligésdeteposeruneperfusion,maisçanesuffisaitpas,turefusaistoujoursdetenourrir.Lejouroùtonfrèret’amisunesondenaso-gastrique,parcequ’iln’yavaitplusqueçacommesolution,tu…tuasétédans

lasalledebain,onabêtementpenséquetuvoulais te laver,quetuavaispeut-êtrereprisunpeudeforces,quetuallaisrevenirdanslemondedesvivants.Maisquandauboutdequelquesminutesonn’apasentendu lemoindrebruit,mêmepas l’eauquicoulait, j’aicommencéàm’inquiéter.On t’aappelée,maistunerépondaispas,alorsj’aifiniparenfoncerlaporteetont’aretrouvéeinconscientesur le sol. Tu… tu avais pris tout ce que tu avais trouvé dans l’armoire à pharmacie, et il y avaitvraimentbeaucoupdemédocsentousgenres.Etpourêtresûrederéussirtoncoup,tuavaisbalancétoutes les boîtes par la fenêtre, direct dans la Seine. Pas moyen de savoir ce que tu avais avalé.HeureusementqueJessieavaitdéjàcommencéàtransformerlapénicheenhôpitaldecampagne.Ilaréagitrèsviteett’aconduiteauxurgences.Onacrut’avoirperdue.J’aieutellementpeur.C’estpassétrès, trèsprès.Tuesrestéedanslecomapresqueunmoissuiteà ta tentativedesuicide.Enplusonn’avait aucune idée des séquelles, vu le cocktail que tu t’étais envoyé. Et puis un matin, tu t’esréveillée et…On ne sait pas exactement comment ni pourquoi, mais tu avais gommé la dernièreannéedetavie.Uneannéeentièrequiavaitdisparudetamémoire,tunetesouvenaispasd’avoirétéenceinte, ni d’aucun événement lié à la grossesse. Personne n’a pu l’expliquer, est-ce que c’était àcause desmédicaments, d’un choc quand tu as perdu connaissance, ou un blocage psychologique,maisentoutcastuavaistouteffacé.Lorsqu’onacompriscequ’ilsepassait,onenabeaucoupparlé,beaucouphésité,etonafinalementdécidédetelaisserignorercequiétaitarrivé.Maisaufonddetoi,il devait y avoir trop de choses qui, inconsciemment, devaient te rappeler des souvenirs tropdouloureux.Unbeaumatintum’asexpliquéquetuvoulaisretournerauxÉtats-Unis,quetuvoulaistournerunepage.Tunesavaismêmepasquellepagetuessayaisdetourner,maisçadevaitêtretropdurdecontinuerici.Et…jecraignaisquemaprésenceàtescôtésnesoitaussipéniblequetoutcequipouvaitévoquercepasséoublié,alorsj’aipréférétedirequejesouhaitaisresterettelaisserquitterParisseule.

Un abominable silence s’installe, il cherche certainement à me donner le temps d’assimiler lesinformationsqu’ilvientdemedivulguer,maisjenesuispassûredevouloirm’imprégnerdecettesouffrance.

—Qu’est-cequiestarrivé?

—Àquelsujet,moncœur?

—Lebébé.Pourquoiilest…mort?

—On ne sait pas vraiment, a priori il a dûmal se positionner et a fait pression sur le cordonombilical,cequiabloquésonapportenoxygène.

—Ilestoù?

Jemurmureàpeine,prononcerchaquemotestuneépreuve.

—IlaétéenterrédanslecaveaudemafamilleenÉcosse.Il…Onl’ainstalléprèsdemamère.

Jesouffre,etsurtoutjeculpabilisedenepasmesouvenirdecetenfantquimériteraitquejepleuresadisparition. J’ai beau essayerde fouiller les tréfondsdemamémoire, rienne fait échoau récitqu’ilvientdeterminer.

Je suis maintenant assise, le regard dans le vide, incapable de savoir comment réagir. Owens’accroupitenfacedemoi,maislorsqu’iltentedeposersesmainssurlesmiennesdansungestequicherchecertainementàêtreréconfortant,jelesretirevivement.

—T’inquiètepas,çaira,ons’ensortira,ensemble.Jet’aideraiàterappeler.

—Non,c’estfini.

—Maisnon,nedispasça,onyarrivera.

—Jevaispartir.

—Tuveuxrentreràlapéniche?

—JevaisquitterlaFrance.

—Jet’enprie,dispasça,tuessouslechoc,etc’estnormal,laisse-toidutempsavantdeprendreunetelledécision.

Jemelève,chancellelégèrement,maisquandilessaiedemestabiliserjelerepousse.Jesaisismontéléphoneetmemetsenmodepilotageautomatique.Jesaiscequejedoisfaire.Jeluitourneledosetmedirigeverslabaievitréepourpassermonappel.

—BonsoirMaria.Désolée il est tard,mais j’ai besoin de vous. Il faudrait que vous alliez à lapéniche,Owenvousyattendraetvousdonneramesaffaires.Vousrécupéreztoutcequim’appartientet vous préparezmes bagages. Je pars.Vous pourrez proposermon appartement à la location dèsdemain.

—Pasdeproblème,jememetsenroutetoutdesuite,merépond-elle.

Jeraccroche,labouleauventre.Jesuisentraindeprendreunedécisionquiseraunvraitournantdansmavie,etjenesuispassûred’êtreassezfortepourl’assumer.

—Anouk,jet’enprie,nefaispasça.Tuasbesoind’unsuivimédical.AttendsaumoinsleretourdeJessie,ilchercheunvol,ilseralàd’iciquelquesheures.

—Ceseratroptard.Demande-luideresteroùilest,dis-jed’unevoixatone.

—Laisse-nousnousoccuperdetoi,penseàp’titbout.

Ilprendmonpoignetentre sesdoigtset lemaintient fermementquand j’essaiedeme libérer. Jeremarqueducoindel’œilDimitriquiserapprochepournousobserver.

—Tuimaginesquejenepourraispasm’occuperdemagrossesse?!Demonbébé?!Quejeneferaispastoutcequ’ilfautpourqu’ilaillebien?

Jelefustigedemonregardleplusnoiravantdecontinuersuruntonplusrésolu.

—Tu crois que tu peux exiger quoi que ce soit ? Tu as perdu ce droit, alors…Ne réagis pascommeAnton,acceptedesortirdemavie.Cettefoisc’estmoiquitedemandedemelaisserpartir.

Monvisageferméetdéterminélepousseàrelâchersaprise.

—Tudevraist’enaller,Mariarisquedet’attendre.

—Anoukjet’enprie,neréagispasainsi.Jesaisquec’étaituneerreur,unetrèsgrosseerreur,maisondoitpouvoirarrangerleschoses.

Lestrémolosdanssavoixmedéchireraientlecœursijepouvaisencoreressentirquelquechose.Jenel’avaisjamaisvusivulnérable,maisjen’aipluslaforcenilecouragedesurmontercetobstacleenétantàsescôtés.Ilm’amenti,trahie,etjen’arriveraiplusjamaisàleregarderdanslesyeuxetàavoirconfianceenlui.

Jerécupèremonsacausoletavancepéniblementverslaporte.

—Anouk,s’ilteplaît.Resteunpetitpeu,onvadiscuter,intervientDimitri.

—Dimi…jeledévisage,attendrie, jusqu’àcequejemesouviennequeluiaussiaprispartàcecomplot…Iln’yaplusrienàdire.

Jen’arrivemêmepasàleuradresserdesaurevoirdécents.

Jesorsdel’immeubleetjesenslepoidsd’unregardsurmoi.JelèvelesyeuxendirectiondelabaievitréequelquesétagesplushautetdistingueOwen,lesépaulesaffaissées,dansuneposturequi

transpirelechagrinetl’abattement.Dimitris’approchedelui,poseunemainsursondos,ettousdeuxm’observentm’éloigner.

**

Uneheuredéjàquejepatientedanslesalonpremièreclassedel’aéroport.Leréveilaétédifficile,lafauteaupeudesommeildontj’aibénéficiécettenuit.Aprèsavoirregagnémonappartement,j’airapidement rassemblémesaffairesetorganisémondépart.QuandMariaest revenue,elle semblaittrèscontrariée.Jenesaispassic’estmadécisiondem’enallerous’ils’estpasséquelquechoseavecOwenquil’aaffectéedelasorte, jen’aipasdemandé.Elleafinidebouclermesbagagespourmelaisser l’opportunitédeme reposer avantdeprendremonvol.Malheureusement, les images et lesmots échangés quelques heures plus tôt tournaient sans cesse dansmon esprit qui ne pouvait plustrouverlesommeil.

Cematin,jemesuislevéeàl’aube,et j’aiprisuntaxi,sansunmessagepourMaria.Jen’aiplusenviedeparler,àquiquecesoit.

Je suis désormais occupée à mettre des filtres sur mes appels entrants. Déjà soixante-sept enabsence.Je lesai toussuppriméssanschercheràsavoirdequi ilsprovenaient.Jeneveuxpasvoirleursnomsapparaître, inutilede remuer lecouteaudans laplaie, jeparset les laisse tousderrièremoi.

—Madame, le vol à destination d’Édimbourg est prêt à décoller, vous devez rejoindre la ported’embarquementmaintenant.

—Merci,j’yvais.

Fin

Remerciements

Par où commencer, je dois tellement demerci à tant de personnes et je ne veux surtout oublieraucundevous.

Avanttout,ungrand,trèsgrand,immense,MERCIàmaTwiny,lamienne,rienqu’àmoi,matwindecœur,cellesansquiriendetoutcelan’auraitétépossible,cellequim’asupportée(danstouslessens du terme), celle qui y a cru pourmoi quand j’étais incapable de le faire, qui ne s’est jamaisplaintequand jepassaismon tempsàgrogner (si vouspensezm’avoirdéjà entenduemeplaindre,croyez-moi, vous n’avez rien vu, elle seule connaît la bête qui sommeille en moi). Les mots nesuffiraientpasàdiretoutcequejeressenspourtoi,alorspensejusteàcesquatrepetiteslettres,notredevise.

Sanslesnommerjeremercieraibiensûrmesenfants,monmari,mafamille,mesamisquiontétélàpourmoietquim’ontsoutenuesansmêmes’enrendrecompte.Merciàvoustous.

Etpuisilyatouteslesbellesrencontresdemesdébuts,maCricri,jetedoisd’êtreentêtedeliste,tuasétédecellesquiontposélesyeuxenpremiersurmontexteetquionteulagentillessed’inviterd’autreslecteursàtesuivre,lepremiermaillond’unechaînequis’allongechaquejour.Merci(Hé!J’tevois,arrêtedepleurer!).

Etpuis ilya lescopines, lesbelles rencontres,maAmy(oui jedisma, je suisun toutpetitpeupossessive), qui a été d’une aide très précieuse. Ma Coralie qui a un tout petit peu enduré monadorablecaractère.

Etparcequejesuisfièred’apparteniràlacommunautéWattpad,jemedoisderemercierceuxquiont contribué à mes débuts, qui ont voté, commenté et partagé. Je citerai entre autre Mellany5,kikat2000,Cesnini,KaidhyDolo,Dracksy,valhairie, saratoune287,LaureGoulencourt,Marie_Chro,Filipa171204, Claire621, moilui, jutaill, dreea_izedi, noorzr, Bambs19, DeborahMontoy,ElodieMilnik,Jessvillain,Vivibuell,MariFaouzi,BrigitteBecker…ettouslesautres.Mercid’avoireula gentillesse de liremon histoire, d’avoir cru enmoi et de nous avoir portés, Sur le fil et moi,jusqu’ici.

Jen’oubliepastouteslesbellesrencontresquiontsuivicettepremièreétapeetquiontprispartàcettefolleaventure,Lana,SandraLouis,Elvina,JulieCambier,NathalieChayrigues…

Jeremercieévidemmentmamaisond’éditionquiaeulecourage(oulafolie)decroireenmoi,etsurtoutàmasupercorrectrice,France.

Whaou!Sivousavezlujusque-làvousêtesuncoriace,bravoàvous.

Tantqu’onyestjeremerciel’inventeurdesbonbonsscoubidou,descarambarsetdestablettesdechocolatsansquijen’auraispastrouvél’énergied’écrireceslivres.

Unénormemerciàtous,etquisait…peut-êtreàtrèsbientôt.

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Aurora

{1}NdE:«nebougepas»

{2}NdE:Inoubliable

{3}NdE:LesFunérailles

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