sur de nouvelles phases oxyfluorees derivees du niobate de plomb: etudes cristallographique et...

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Mat. Res. Bull. Vol. 9, pp. 1589-1596, 1974. Pergamon Press, Inc. Printed in the United States. SUR DE NOUVELLES PHASES OXYFLUOREES DERIVEES DU NIOBATE DE PLOMB : ETUDES CRISTALLOGRAPHIQUE ET DIELECTRIQUE G. Campet, J. Claverie, M. P@rigord, J. Ravez, J. Portier et P. Hagenmuller Laboratoire de Chimie du Solide du C.N.R.S., Universit@ de Bordeaux I, 351, cours de la Lib@ration, 33405 Talence, France. (Received September 30, 1974i Communicated by P. Hagenmuller) ABSTRACT The solid solution PbZ_xNaxNbzO7_xFx obtained by substitution of oxygen by fluorine in the ferroelectric oxide PbzNbzO7 has the cubic pyrochlore structure for 0, 75 ,< x $ 1,85 and monoclinic de- formations of this structure for other values of x. The tempera- ture and frequency variations of the dielectric constant and of the dielectric losses have been studied. The high values of c' r have been attributed to a mechanism of ionic polarizability, and those of tan 6 to the mobility of the F ions. La miniaturisation des dispositifs est une des preoccu- pations majeures de l'industrie @lectronique. Si la plupart des composants (semi-conducteurs, r@sistances) peuvent ~tre obtenus avec des dimensions restreintes, il n'en est pas de m@me pour les condensateurs. Ces derniers font usage en effet de mat@riaux poss@dant des permittivit@s faibles ( ~ 5) tels que les papiers ou les polym~res et n@cessitent donc des surfaces ~lev6es pour atteindre des capacit~s convenables. Ii ~tait tentant dans ces conditions de faire appel ~ des mat@riaux inorganiques, et plus particuli~rement aux ferro@lectriques qui poss~dent au voisinage de la temperature de Curie des permittivit~s @lev@es sans que les pertes di~lectriques soient n@cessairement excessives. Les per- mittivit@s varient sensiblement cependant autour du point de Curie 1589

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Page 1: Sur de nouvelles phases oxyfluorees derivees du niobate de plomb: Etudes cristallographique et dielectrique

Mat. Res. Bull. Vol. 9, pp. 1589-1596, 1974. Pergamon Press, Inc. Printed in the United States.

SUR DE NOUVELLES PHASES OXYFLUOREES

DERIVEES DU NIOBATE DE PLOMB : ETUDES CRISTALLOGRAPHIQUE

ET DIELECTRIQUE

G. Campet, J. Claverie, M. P@rigord, J. Ravez, J. Portier et P. Hagenmuller

Laboratoire de Chimie du Solide du C.N.R.S., Universit@ de Bordeaux I,

351, cours de la Lib@ration, 33405 Talence, France.

(Received September 30, 1974i Communicated by P. Hagenmuller)

ABSTRACT The solid solution PbZ_xNaxNbzO7_xFx obtained by substitution of oxygen by fluorine in the ferroelectric oxide PbzNbzO7 has the cubic pyrochlore structure for 0, 75 ,< x $ 1,85 and monoclinic de- formations of this structure for other values of x. The tempera- ture and frequency variations of the dielectric constant and of the dielectric losses have been studied. The high values of c' r have been attributed to a mechanism of ionic polarizability, and those of tan 6 to the mobility of the F ions.

La miniaturisation des dispositifs est une des preoccu-

pations majeures de l'industrie @lectronique. Si la plupart des

composants (semi-conducteurs, r@sistances) peuvent ~tre obtenus

avec des dimensions restreintes, il n'en est pas de m@me pour les

condensateurs. Ces derniers font usage en effet de mat@riaux

poss@dant des permittivit@s faibles ( ~ 5) tels que les papiers

ou les polym~res et n@cessitent donc des surfaces ~lev6es pour

atteindre des capacit~s convenables. Ii ~tait tentant dans ces

conditions de faire appel ~ des mat@riaux inorganiques, et plus

particuli~rement aux ferro@lectriques qui poss~dent au voisinage

de la temperature de Curie des permittivit~s @lev@es sans que les

pertes di~lectriques soient n@cessairement excessives. Les per-

mittivit@s varient sensiblement cependant autour du point de Curie

1589

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1590 NEW OXYFLUORIDES Vol. 9, No. 12

Pour pallier ces inconv~nients on pouvait utiliser soit

des m~langes constitu~s d'un oxyde ferro~lectrique et d'un autre

mat~riau para~lectrique soit des phases pures d~rivant de l'oxyde

ferro~lectrique par diverses substitutions cationiques (i, 2).

Dans les deux cas on obtient une stabilit~ convenable de e' et r

tg 6.

La substitution de l'oxyg~ne par le fluor dans un mat~-

riau ferro~lectrique peut conduire ~ des r~sultats analogues

(3, 4). C'est dans cette optique que nous avons envisag~ la syn-

th~se et l'~tude des propri~t~s di~lectriques des phases de compo-

sition Pb2_xNaxNb207_xFx (0 ~ x{ 2) dans lesquelles nous substi-

tuons simultan~ment l'oxyg~ne par le fluor et le plomb par le

sodium dans l'oxyde ferro~lectrique Pb2Nb207 (T C = 15 K).

M~thodes exp~rimentales

Synth~se

Les mat~riaux ont ~t~ prepares soit ~ partir des oxydes

PbO et Nb205 et du fluorure NaF ; soit ~ partir de l'oxyde Pb2Nb207

et de l'oxyfluorure Na2Nb205F2 . Les m~langes de d~part sont chauf-

f~s ~ 950°C sous argon, en tubes scell~s d'or pendant 8 heures,

puis tremp~s. Les produits se pr~sentent sous forme de poudre

bien cristallis~e dont la couleur varie du blanc au jaune.

Preparation des ~chantillons

Les ~chantillons destines aux mesures di~lectriques se

pr~sentent sous forme de pastilles circulaires de 13 mm de diam~-

tre et de 2 mm d'~paisseur obtenues par compactage sous une pres-

sion de 5 tonnes par cm 2, puis par frittage ~ 950°C sous argon, en

tube scell~ d'or pendant 15 h. Les pastilles obtenues sont dures,

non poreuses et de compacit~ sup~rieure ~ 85 %.

Etude radiocristallographique

L'analyse des diagrammes de diffraction X des phases

obtenues montre l'existence de solutions solides continues entre

l'oxyde Pb2Nb207 et l'oxyfluorure Na2Nb205F 2. La figure 1 sch~ma-

tise les r~sultats obtenus :

- pour 0 4 x < 0,75 on observe une phase mono-

clinique isotype de Pb2Nb207 (5) dont les distances r~ticulaires

ne varient pas sensiblement.

- pour 1,85 < x ~ 2 la phase obtenue est monocli-

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Vol. 9, No. tZ NEW OXYFLUORIDES t591

nique, isotype de

Na2Nb205F 2 qui comporte

@galement une d@forma-

tion monoclinique de la

structure pyrochlore (6).

- pour

0,75 ~ x ~ 1,85 appara~t

une phase pyrochlore

cubique dont le param~- o

tre varie de I0,521~0,002A 0

pour x=0,75 & I0,481~0,002A

pour x = 1,85 comme le

montre la figure 2.

Etude di~lectrique :

R@sultats

La figure

3 repr~sente les va-

riations de la per-

mittivit@ en fonction

de la temperature et de

la fr~quence. On cons-

tate, & temp@rature et

fr~quence donn@es, que

pour des valeurs de x

comprises entre 0 et

' aug- 0,20 environ ~r

mente avec le taux de

fluor (Fig. 4). Le ph@-

nom6ne inverse est ob-

serv@ pour des taux

sup~rieurs. Les pertes

di61ectriques, tout

10

~=0

111 I

2'0

, = 075

10 210

x = 1 , 8 5

222

, I 240

30 4'0 5b ~ 2 ~

222 , 622 ool °, _ >

30 40 50 60 28

222

1111 3111400 331 33~5141)~ 05316221

lb 2'0 30 4'o 50 ~ 2

FIG. 1 Diagrammes de diffraction X des phases

NaxNb207 x F • Pb2-x - x

10,520

10,500

10,48C

O,5 1 1,5

FIG. 2 Evolution en fonction de x du param@tre

en restant faibles des phases Pb 2 xNaxNb207_x F ; -- X

augmentent avec le taux

de fluor (Fig. 5). La figure 6 montre que, lorsque ce taux est

important ( x ~ 0,20), les pertes di~lectriques augmentent d'une

part: lorsque la temperature croit, la fr@quence @tant fix~e,

d'autre part lorsque la fr@quence diminue, ~ temp@rature constante

Page 4: Sur de nouvelles phases oxyfluorees derivees du niobate de plomb: Etudes cristallographique et dielectrique

1592 NEW OXYFLUORIDES Vol. 9, No. 12

2 0 0

100

i" = 1 k H z ~;"

~ , = 0 , 2 0 2 0 C , :g~O x = 0 ,40

~ x .0.10 x = 0,60 x: 0,05 x = 1,00 x = O

x :1,50 1 0 0

, ~ x = 2 , 0 0

t = 2 0 ° C

_ ~ = 0 2 0

"~ ° x = 0140 • " ~ ~- o x =0,10

x : 0,60 x : 0,05

o, "- ~ x : O

~ : 1,50

- - - 6 1 6 o - - ' ' " 102 103 104 f ( H z )

FIG. 3

Discussion

L'6volution

des pertes di61ectri-

ques s'explique vrai-

semblablement par une

conductivit~ ionique.

Les faibles pertes

observ~es pour l'oxyde

permettent d'~liminer

la conduction par les

ions Nb 5+, Pb 2+ ou O2?

Ii est difficile alors

de pr~ciser si la con-

ductivit6 observ6e est

due aux ions Na + ou F-

Variation de la permittivit~ en fonction de I1 semble logique ce- la temp6rature et de la fr6quence pour les

~ r '

2 0 0

1 0 0

phases Pb2_xNaxNb207_xF x .

iO~o% l O~

r = l k H z t = 2 0 ° C

" o \

\

\ k

XO

0 1 2 l

FIG. 4 Exemple de variation de la permit-

tivit~ en fonction de x.

pendant de penser que

le fluor poss~de dans

cette structure une

mobilit6 plus grande

que celle du sodium ;

il est bien connu en

effet que la mobilit~ d'un ion

est favoris6e par l'existence

d'un nombre important de posi-

tions ~quivalentes (7).

Les valeurs

assez ~lev~es des permittivit6s

mesur~es, pour des valeurs de

x comprises entre 0 et 1 peu-

vent r~sulter soit de la pola-

risabilit~ ~lectronique soit

de la polarisabilit~ ionique soit encore de la polarisabilit~ di-

polaire. La polarisabilit~ ~lectronique r~sulte du d~placement

~lastique du nuage ~lectronique des atomes sous l'action d'un

champ ~lectrique de telle sorte que son centre ne coincide plus

avec celui du noyau. La contribution de la polarisabilit6 ~lec-

tronique ~ la permittivit~ est 6gale au carr~ de l'indice de

Page 5: Sur de nouvelles phases oxyfluorees derivees du niobate de plomb: Etudes cristallographique et dielectrique

Vol. 9, No. IZ NEW OXYFLUORIDES 1593

r@fraction aux fr6quences

optiques ; celui-ci est de

l'ordre de 2,2 dans ces mat@-

riaux tandis que la permit-

tivit@ est nettement sup@-

rieure ~ i00. La polarisa-

bilit@ @lectronique n'est

donc pas directement respon-

sable des valeurs @lev@es de

r La polarisabilit@

dipolaire provient de l'orien-

ration dans le champ 61ectri-

que d'atomes ou de groupements

d'atomes ayant un moment dipo-

laire permanent. Or cette

orientation engendrerait des

pertes importantes, ce qui

n'est pas le cas des mat@-

riaux @tudi@s (8). La polari-

sabilit6 dipolaire ne suffit

pas non plus dans ces condi-

tions ~ expliquer les valeurs

de -' r

Nous sommes donc ame-

n@s & proposer un m6canisme de

polarisabilit@ ionique , c'est-

~-dire de d6placement elasti-

que d'un ion sous l'effet du

champ @lectrique. Iine semble

pas que les ions Nb 5+ puissent

6tre responsables de cette

t98

0,02

0,01

F= lkHz t = 20°C

/ . . o

/ /

t

. . . ( 9 - - __ - ~ 9 ~

o" / t

!

I

0 1 2 x

FIG. 5 Variation de tg 6 en fonction de x

des phases Pb2_xNaxNb207_xFx .

t98 F = 1 kHz

0,02

0,01

t9~! x : 2.00 x : 150

x : l ,O0 -0.60 0,02

x =0,40

x :0,20 0,01

~ , :0,I0 / _ _ ~ x = 0,05

5 "0 ' - - " 6 100 t('C)

t = 2 0 °C

~ ~ ~ = 2,00

, 100 • ; Q 6 o x

: 0,40

x Q2O

w. 0.i0 x : 0.07 x : O

i

-102 - 10~0 ~ 104 [(H~z)

FIG. 6 Variation de tg 6 en fonction de la temp@rature et de la fr6quence des

phases Pb2_xNaxNb207_xFx . polarisation. En effet pour les

solutions solides Ca2_xNaxNb207_xF x (0,90 ~ x ~ 1,90 ) et

Sr2_xNaxNb207_xFx (0,94 ~ x $ 1,84) de structure pyrochlore les

con~tantes di61ectriques sont toujours inf6rieures ~ 50 pour

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1594 M E W OXYFLUORIDES Vol. 9, No. IZ

une temperature de 20°C et une fr~quence de ikHz. En revanche le

niobate de plomb poss~de une permittivit~ de l'ordre de 140. Ii

semble donc que les ions Pb 2+ soient responsables de la polarisa-

bilit~ ionique. On sait en fait que le doublet 6s 2 est facilement

d~formable. Sous l'effet d'un champ ~iectrique ia d~formation du

doublet conduit ~ une r~partition dissym~trique de la densit~

~lectronique ; le cation Pb 2+ poss~de alorS un moment dipolaire

instantan~ qui est fonction du champ. Les anions situ~s au voisi-

nage de ces dip61es instantan~s vont subir une interaction ~lec-

trostatique plus grande que ceux qui en sont plus ~loign~s ; cer-

taines positions anioniques pourront devenir privil~gi~es par rap-

port ~ d'autres, situation qui favoriserait l'apparition de dip61es

ioniques qui disparaitraient avec le champ ~lectrique qui leur

aurait donn~ naissance. L'alignement de ces dip61es se ferait

selon un m~canisme d~j~ expos~ (9), faisant intervenir la cova-

lence des liaisons m~tal-oxyg~ne, qui serait ainsi responsable

de la valeur ~lev~e de la permittivit~.

La permittivit~ des phases ~tudi~es varie d'autre part

consid~rablement avec la composition. Elle est sup~rieure ~ 200

pour les valeurs de x voisines de 0,20. Cette ~volution de la

permittivit~ a d~j~ ~t~ observ~e dans de nombreuses phases oxy-

fluor~es (3 4) L'augmentation de £' pour les faibles valeurs de ' " r

m

x est donc tr~s probablement due ~ la presence des ions F Cette

influence disparait d~s que le taux en fluor est suffisant pour

perturber les couplages dip61e-dip61e. On a vu que ces derniers

sont favoris~s par la covalence de la liaison m~tal-anion, or celle

ci diminue lorsque l'oxyg~ne est remplac~ par le fluor.

Conclusions

Les mat~riaux obtenus pr~sentent donc des propri~t~s

particuli~rement int~ressantes :

- La phase Pb0,95Na0,05Nb206,95F0,05 est le mat~riau

pur qui poss~de les meilleures performances di~lectriques actuel-

lement connueso

- Leur point de fusion plus faible que celui des oxydes

correspondants permet d'obtenir ~ temperature mod~r~e des c~ra-

miques de haute qualitY.

- Ces mat~riaux constitu~s d'une phase pure peuvent

~tre ais~ment d~pos~s en couches minces en vue de la fabrication

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Vol. 9, No. IZ NEW OXYFLUORIDES 1595

de condensateurs miniaturis@s (i0)

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I0. Brevet Anvar, N. 73373 (Octobre 1973).

La D.G.R.S.T. a apport@ son aide mat@rielle ~ ce travail (contrat C.C.M. 72.7.0524 et 72.7.0525).