socio 2eme quadri

Upload: julian-andin-gregoire

Post on 22-Jul-2015

98 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

-

SOCIOLOGIE : DEUXIME PARTIE2me Quadrimestre

Facults Universitaires Saint-Louis

Syllabus (Volume 1)

ANNE 2011-2012 PROFESSEUR : Abraham Franssen

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Planning

-2-

PLAN DU COURS DE SOCIOLOGIE, 1 BAC DROIT QUADRIMESTRE 2 FVRIER 2012 MAI 2012Professeur : A. FRANSSEN

COURS 1 : INTRODUCTIONPrsentation des objectifs du cours et du contrat pdagogique ; Expos introductif : la sociologie comme tentative de rponse linquitude de la modernit lments de la dmarche sociologique mis en exergue : - Le travail sociologique comme articulation de paradigmes thoriques et de dmarches mthodologiques propos des phnomnes sociaux analyss - Le social sexplique par le social Matriau pdagogique : voir syllabus : Introduction

-

COURS 2 : THME 1 : LES PARADIGMES DE LA SOCIOLOGIEExpos : - Les paradigmes de la sociologie - Le concept de rapport social, relation dchange et relation de solidarit Matriau pdagogique syllabus Thme 1 : Les paradigmes de la sociologie . Matriau pdagogique complmentaire en annexe : Article de Franois Dubet : Conduites marginales des jeunes et classes sociales , Revue franaise de sociologie, XXVIII, 1987, 265-286) ; Rfrence bibliographique : Guy Bajoit, Pour une sociologie relationnelle, PUF, Paris, 1992, pp.19-69. Chapitre I : Les paradigmes de la sociologie ; Chapitre 2 : critique des thories du changement socialDISTINCTION, REPRODUCTION,

COURS 3 : THME 2 : LES CLASSES SOCIALES :TRANSFORMATION SOCIALE

-

Expos : Les concepts de P. Bourdieu : les capitaux, lhabitus, les champs La thorie de la distinction lments de la dmarche sociologique mis en exergue : - La rupture par rapport au sens commun - Le rel est relationnel - La dimension symbolique - Illustration :Reportage : Journal de classe, Les chapps illustration des concepts dhabitus, de classe sociale, de reproduction Matriau pdagogique : Voir Syllabus : Thme 2 : Bourdieu

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Planning

-3-

-

Rfrences bibliographiques complmentaires: 1 - Luc Van Campenhoudt, Introduction lanalyse des phnomnes sociaux, Paris, Dunod, 2001, chapitre 6 - pp.125 152, prsentation de P. Bourdieu, La distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Minuit, 1979. 2 - Luc Van Campenhoudt, chapitre 1 - pp.13 24, prsentation de R. Hoggaert, La culture du pauvre.

COURS 4 : THME 2 (SUITE): LES CLASSES SOCIALES : LA REPRODUCTION, LA DISTINCTION, LA TRANSFORMATION SOCIALEExpos : Actualisation de lanalyse de P. Bourdieu - Les ingalits dans une socit dindividu. - Matriau pdagogique : - Syllabus: Thme 2 - Rfrences bibliographiques: .- Bernard Lahire, La culture des individus, Editions La dcouverte, 2004

COURS 5 : THME 3 : CONTRLE SOCIAL ET DVIANCE. LAPPROCHE INTERACTIONISTE (E.GOFFMAN)Expos: Prsentation de lapproche interactionniste dE. Goffman, les concepts d institution totale , d adaptation secondaire , de carrire . - lment de la dmarche sociologique mis en exergue : le sociologue doit considrer toute manire de vivre comme normale et sense . Le sociologue doit comprendre tout univers social (la dimension comprhensive) indpendamment des dimensions normatives - Matriau pdagogique : - Syllabus : Les concepts et lapproche de Goffman - Rfrence bibliographique complmentaire: - E. Goffman, Asiles. tudes sur la condition sociale des malades mentaux, Les ditions de Minuit, Paris, 1968; - Chapitre 2, pp.3349, de Luc Van Campenhoudt, Introduction lanalyse des phnomnes sociaux, Paris, Dunod, 2001.

COURS 6 : THME 3 : CONTRLE SOCIAL ET DVIANCE. LAPPROCHE INTERACTIONISTE (H. BECKER)Expos : la dviance, la carrire dlinquante ; ltiquetage, les entrepreneurs de morale - lment de la dmarche sociologique mis en exergue : Limportance de la dconstruction des catgories officielles en recherche sociologique. - Matriau pdagogique : - Syllabus : Thme 3 : Becker, Outsiders. tudes de sociologie de la dviance - Rfrences bibliographiques: - H. Becker : Outsiders. tudes de sociologie de la dviance , Mtail 1985. - Chap. 3 de Luc Van Campenhoudt, Introduction lanalyse des phnomnes sociaux, Paris, Dunod, 2001, pp. 57-70 ;

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Planning

-4-

Cours 7 : Thme 3 : Contrle social et dviance.Les mtamorphoses de la question sociale (Robert Castel et Michel Foucault)Expos :- la dviance comme rapport social, le social-assistantiel, modle culturel et dispositif -La construction historique du social-assistantiel lment de la dmarche sociologique mise en exergue : historiciser les structures sociales - Matriau pdagogique : - Syllabus : Contrle social et dviance : Castel et Foucault - Rfrences bibliographiques: - Robert Castel, Les mtamorphoses de la question sociale, Paris, Fayard, 1995. - Michel Foucault, Histoire de la folie lge classique, Paris, Gallimard, 1972 - Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975.

Cours 8 : Thme 3 : Contrle social et dviance. Mtamorphoses de la question sociale : LEtat social actif- Expos : De lEtat providence lEtat social actif : les nouveaux modes de gestion de la prcarit et de la marginalit - Matriau pdagogique : Voir Syllabus - Rfrences bibliographiques- Article A. Franssen : Le sujet au cur de la nouvelle question sociale, La Revue Nouvelle, 1, janvier 2004 ; - LEtat social actif. Vers un changement de paradigme ? Vielle P., Pochet Ph., Cassiers I. (dir), voir Introduction et chapitre 1, de R. Boyer, pp. 13-58

COURS 9 : THME 4 : LANCIEN ET LE NOUVEL ESPRIT DU CAPITALISMEExpos:Le nouvel esprit du capitalisme Matriaux pdagogiques : voir syllabus, Volume 2 Rfrences bibliographiques M.Weber, thique protestante et esprit du capitalisme, Paris, Flamarion (2000), (1 re dition 1920) (voir prsentation ouvrage Luc van Campenhoudt) Luc Boltanski, Paris, et Eve Chiapello, Le Nouvel Esprit du Capitalisme, NRF Gallimard, (NRF essais), Paris, 1999.

COURS 10 : THME 4 : LANCIEN ET LE NOUVEL ESPRIT DU CAPITALISMEExpos: La thorie des mondes Elment de la dmarche sociologique : Faire ressortir la spcificit des situations concrtes construction des idaux types Matriaux pdagogiques : voir syllabus, Volume 2 Rfrences bibliographiques Luc Boltanski, Paris, et Eve Chiapello, Le Nouvel Esprit du Capitalisme, NRF Gallimard, (NRF essais), Paris, 1999.

Les notes des cours suivants feront lobjet dun syllabus complmentaireI bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Quest-ce que la sociologie ?

-5-

INTRODUCTION QUEST-CE QUE LA SOCIOLOGIE?- Expos: Le travail sociologique comme articulation de paradigmes thoriques et de dmarches mthodologiques propos des phnomnes sociaux analyss - lment de la dmarche sociologique mise en exergue : la spcificit du point de vue sociologique : expliquer le social par le social - Matriau pdagogique : voir syllabus

LA-

DMARCHE SOCIOLOGIQUE

:

THORIES, MTHODES ET PHNOMNES

SOCIAUX

1) LES PARADIGMES, LES DEMARCHES, LES OBJETS DE LA SOCIOLOGIE

Les paradigmes : Un paradigme est un cadre de rfrence , un univers interprtatif reposant sur un certains nombres de postulats (qui demeurent parfois implicites) au travers de laquelle les phnomnes sociaux seront abords et analyss Paradigmes => Thories => ConceptsUne position paradigmatique est une proposition de sens par rapport la ralit que lon sapprte observer et analyser ; Une thorie est le lieu de formulation systmatique des objets scientifiques. En tablissant des relations entre concepts, une thorie propose des rgles dinterprtation des faits ; Un concept est un lment du vocabulaire exprimant une ide gnrale et abstraite permettant de rassembler une diversit dobjets ;(les concepts ne prennet leur sens que dans le cadre de la thorie dans laquelle ils sinscrivent)

Les dmarches : les modes dapproche et de connaissance des phnomnes sociaux = les principes danalyse sociologique Dmarches = > Mthodes => Techniques (enqute, observation participante, entretiens semi-directifs..) Les objets : les diffrents terrains et phnomnes sociaux abords. A savoir tous : sociologie de lentreprise, du sport, des relations amoureuses, de la dviance, du droit, des mouvements sociaux, de la culture, etc. en restant conscient quen sciences humaines les objets sont galement sujets .

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Quest-ce que la sociologie ?

-6-

=> Le travail sociologique comme mise en relation dun paradigme (de thories, de concepts) et dune dmarche danalyse (de principes mthodologiques) propos de phnomnes sociauxSCHEMA LES TROIS POLES DUNE RECHERCHE EN SCIENCES SOCIALES THEORIE et CONCEPTS

Principes danalyse

Catgories analytiques intermdiaires

METHODE(S) et TECHNIQUES Stratgie de recherche

PHENOMENES SOCIAUX

! Et tout en noubliant pas que ce triangle, tout comme le chercheur, sinscrivent dans un contexte social, culturel, institutionnel. Non seulement le sociologue est lui-mme partie prenante du jeu social quil veut analyser, mais les thories et les mthodes quil met en oeuvre ne sont elles-mmes jamais totalement neutres . Do limportance davoir en permanence un retour rflexif : il ne sagit pas seulement dobserver les phnomnes sociaux, il sagit dans le mme temps de sobserver en train dobserver 2) LA SPCIFICIT DU POINT DE VUE SOCIOLOGIQUE

Rgle 1 : Le social sexplique par le social, tu expliqueras

Cest le principe fondateur de lexplication sociologique. Pour expliquer un phnomne social (un mariage, un divorce, un conflit, une manifestation, un licenciement, un acte dlinquant,....), lexplication sociologique cherche dgager un point de vue proprement social (le social sexplique par le social), cest--dire en la rfrant aux interactions et relations entre les acteurs.I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Quest-ce que la sociologie ?

-7-

Durkheim : Est social tout ce qui relve de la contrainte . Dans les rgles de la mthode sociologique, Durkheim dfinit les faits sociaux comme des manires de faire, dagir et de sentir extrieures lindividu et qui sont doues dun pouvoir de coercition en vertu duquel ils simposent lui (= approche explicative : les influences qui sexercent sur les individus) Weber : Est social tout ce qui relve du sens vis en rfrence autrui . Une action est humaine dans la mesure o les individus lui attribuent un sens subjectif ; elle est sociale dans la mesure o lindividu se rapporte au comportement dautrui pour orienter son propre comportement (= approche comprhensive : la signification que les individus donnent leurs comportements). Expliquer le social par le social, cest donc expliquer la conduite (les pratiques ou les reprsentations) dun acteur (individuel ou collectif) par les relations sociales que cet acteur social a eues, a ou compte avoir. Une explication sociologique se dmarque de la sorte des autres explications qui peuvent tre apportes : les explications naturelles ( cest dans la nature humaine ), les facteurs biologiques ( cest la glande thyrode qui dysfonctionne ), les explications psychologiques ( cest un caractriel ), non que ces autres registres dexplications ne puissent avoir leur pertinence intrinsque, mais ils ont souvent pour effet de masquer les dimensions proprement sociales des phnomnes abords, voire mme dtre utilises pour naturaliser et lgitimer un comportement ou un acteur social, ou au contraire pour le stigmatiser et le dcrdibiliser. => Implication : La sociologie peut dgager une comprhension qui ne concide pas ncessairement avec le sens que les individus donnent a leurs propres actions (Exemples : le choix des vacances, les explications de lchec scolaire) La sociologie se propose danalyser le lien social , cest--dire de comprendre et dexpliquer les comportements et les reprsentations des acteurs sociaux (individus, groupes, institutions) du fait quils vivent en socit et quils sinfluencent mutuellement, quil sagisse des interactions entre deux individus, des relations, directes ou indirectes (structurelles ou systmiques) entre individus, groupes et institutions, des rapports entre groupes sociaux et/ou institutions dans le cadre dune socit donne (de la micro-socit la socit-monde ). Cest donc lide de relation sociale, de rapport social, qui est au cur de lanalyse sociologique.

DROIT ET SOCIOLOGIE- Le droit traite de "phnomnes sociaux " (mariage, frquentation des cafs, sexualit, langue utilise, affaires conomiques, ) identiques ceux auxquels sintresse la sociologie. Cependant, le droit aborde ces phnomnes au dpart de cadres de rfrence strictement dfinis, formaliss avant la prise en compte de l'acte particulier. Ainsi un "crime" est un acte qui importe tout dabord au regard de sa dfinition pnale. Si cet acte se droule, le juriste vrifie d'abord s'il peut tre qualifi lgalement ou non de "crime". Bien sr, le cadre de rfrence volue en fonction des volutions lgislatives, de la jurisprudence, de nouvelles interprtations de lois existantes, mais, pour le juriste particulier, les catgories de pensesI bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Quest-ce que la sociologie ?

-8-

existent formellement avant le fait. Pour qu'un acte puisse relever du droit, il faut que des lois existent et l'aient qualifi. - Le sociologue sintresse aux mmes phnomnes que le juriste, mais son regard est diffrent : - il peut ainsi sintresser la gense de la loi : Quelle argumentation a t mise en uvre pour la promouvoir ? Par quels acteurs sociaux ( entrepreneurs de morale , au sens de H. Becker) a-t-elle t promue ? - il peut sintresser au systme de valeurs qui sous-tend la loi. La loi reflte le systme de valeurs d'une socit un moment donn et, plus prcisment, le systme de valeurs dominant de celle-ci. - il peut sintresser sa mise en uvre : Quels sont les effets de son application. On ne change pas (seulement une socit) par dcret . Que se passe-t-il lors de sa mise en uvre ? Qui favorise-t-elle ? - il peut sintresser au champ juridique. Qui sont les juristes ? Quelle est leur origine sociale et comment dfinir leur habitus ? Qui sont les justiciables, ? Quelles sont leurs attentes, leurs reprsentations et leurs stratgies lgard du champ juridique? - il peut sintresser aux diffrents acteurs du champ juridique et leur articulation : police, magistrats, mdias, victimes, : quelles sont les alliances qui stablissent et les conflits qui les opposent?

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Quest-ce que la sociologie ?

-9-

LA-

SOCIOLOGIE COMME TENTATIVE DE RPONSE LINQUITUDE DE LA

MODERNIT

:

LES PRES FONDATEURS

Expos: - Les pres fondateurs de la sociologie : Durkheim, Weber, Marx Elment de la dmarche sociologique mise en exergue : la sociologie comme tentative de rponse linquitude de la modernit (passage des socits traditionnelles aux socits modernes)

La sociologie comme tentative de rponse linquitude de la modernitCest linquitude qui est au cur de la dmarche des pres fondateurs de la sociologie : Tocqueville, Marx, Durkheim, Weber, Simmel. On retrouve dans leurs travaux le sentiment, dont nous ne nous sommes pas dpartis, dassister leffondrement dun monde ancien et lmergence dun monde nouveau, dtre les tmoins dune priode de basculement historique, caractrise par la crise du lien social et les mtamorphoses de la conscience collective et individuelle. Cest au regard de ce vertige que lon peut concevoir leffort titanesque dploy pour jeter des ponts par-dessus les fractures sociales, philosophiques, existentielles, sinon cres, du moins rendues explicites par la modernit triomphante. La sociologie des pres fondateurs s'est en effet largement construite en raction inquite l'mergence socio-historique de l'individualisation corrlative aux ruptures de l'ordre symbolique traditionnel, la nouvelle division sociale du travail induite par le capitalisme industriel, la prise en charge de la rgulation des changes sociaux par des systmes de plus en plus abstraits (entreprise, administration, tat, march, droit, argent, ...). Par consquent, le projet sociologique s'est rvl indissociable de la volont de dfinir le lien social, ce qui fait le social, le ciment d'une collectivit, contre tous les risques d'atomisme et d'anomie.

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Quest-ce que la sociologie ?

- 10 -

1.1. mile Durkheim (1858-1917): le sujet socialis/moralis L'individu devient l'objet d'une foi commune. Cet accroissement de la vie psychique n'affaiblit pas celui de la socit, elle ne fait que le transformer . mile Durkheim, De la division du travail social. 1893.

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Quest-ce que la sociologie ?

- 11 -

1.2. Max Weber (1864-1920): le sujet dsenchant

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Quest-ce que la sociologie ?

- 12 -

1.3. Marx (1818 1883) : le sujet producteur et alin Dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports dtermins, ncessaires, indpendants de leurs volonts, rapports de production qui correspondent un degr dtermin de dveloppement de leurs force productives matrielles. Les hommes sont dans la vie sociale dtermins par leur place non seulement dans les rapports de production, mais aussi par la reprsentation idologique qu'ils en ont . Karl Marx

Une transformation du rapport de la socit elle-mmeRobert Nisbet1 a ainsi bien montr comment la sociologie s'est constitue en raction inquite ce qui tait peru comme la dsagrgation du lien social associe la modernit, au passage des socits traditionnelles vers des socits industrielles, l'affaiblissement des anciennes formes de solidarit et d'appartenance, la dstructuration des identits collectives de type communautaire, et par ailleurs au dveloppement de l'individualisme et des formes impersonnelles de relations. Les couples conceptuels fondamentaux de la sociologie (communaut > Pour recueillir les donnes, Goffman procde par observation participante (mthode ethnographique : il sjourne plusieurs mois dans lhpital psychiatrique, observe, coute les conversations, relve les interactions au quotidien - Exigence thorique : La collecte scrupuleuse des donnes parcellaires ne suppose nulle adhsion au rel tel quil est navement vcu. Cette ethnologie pointilliste suppose la rfrence totalisante linstitution, dans la mesure o seule la connaissance des contraintes institutionnelles est susceptible de rendre intelligible cette poussire de comportement . Il sagit donc, en se rfrant un concept (celui d institution totalitaire ), de reconstruire la rationalit cache de ladaptation un univers cohrent, celui dun tablissement social qui en lgifrant autoritairement sur tous les domaines de la conduite de lintern, bise la souplesse des ajustements et lenchanement harmonieux des rles dans la vie normal et drobe toutes les initiatives leur sens autonome.

2.2. LES

CONCEPTS D INSTITUTION TOTALE, DADAPTATION SECONDAIRE ET

DE CARRIRE

Pour analyser les interactions au sein de lasile, Goffman a recours au concept de institution totale .Au-del des traits spcifiques et du mode dorganisation de telle ou telle institution et des diffrences apparentes entre elles (un hpital nest pas un couvent, ni une prison), Goffman dgage les traits structuraux qui caractrisent linstitution totale (tablissement spcialis dans le gardiennage des hommes et le contrle totalitaire de leur mode de vie) - Isolement par rapport au monde extrieur dans un espace clos - Promiscuit entre reclus - Prise en charge de lensemble des besoins de lindividus par ltablissement - Observance oblige dun rglement qui simmisce dans lintimit du sujet et programme tous les dtails de lexistence quotidienneI bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 3 Contrle social et dviance -Goffman -

55 -

- Irrversibilit des rles de membre du personnel et de pensionnaire - Rfrence constante une idologie consacre comme seul critre dapprciation de tous les aspects de la conduite => Le concept dinstitution totale procure donc le principe dune distanciation thorique grce laquelle on ne risque pas de confondre les fonctions objectives dune institutions avec les rationalisations que ses porte-paroles officiels en donnent (le mdecin parle de gurison, le pre-abb de salut, ladministrateur de prison de scurit, lofficier de discipline, le gardien de camp de concentration de discipline) = > A partir de ces catgories, lorganisation de la vie hospitalire apparat commande par un certain nombre de coupures et des oppositions proprement sociologiques (structurales et objectives) remplacent lopposition de la maladie et de la sant : - Premire coupure par rapport au monde extrieur, - Seconde coupure entre le personnel et les malades qui reprend au sein mme de linstitution lopposition entre le dedans le dehors : le personnel reprsente les normes, les mythes, les savoirs et les pouvoirs de la vie normale, tandis que le reclus est dfini par ses manques (non pouvoir, non savoir, dficiences, dviances) Goffman insiste sur les techniques de mortification et de dpersonnalisation mises en uvre dans les institutions totales pour dpouiller lindividu de sa personnalit antrieure, modifier limage quil avait de lui-mme et des autres, endosser un nouveau statut (position reconnue un individu dans un systme social donn) et se plier son nouveau rle (ensemble des droits et obligations lie au statut). Exemple : isolement, coupure, tonsure, changement de nom = > Linstitution saffirme donc par une srie de rites de passages, cest--dire de pratiques collectives, rptitives et codifies : runions rgulires, rassemblements, repas ftes, .. => Linstitution maintient son emprise au travers ltablissement dun systmes de microprivilges. A ct des interdictions et rglementations, le reclus peut disposer de certaines faveurs

Les adaptations secondaires .- Toute conduite est susceptible dune lecture selon diffrentes grilles dinterprtation. Par exemple la pratique frquente dans les hpitaux psychiatriques de fouiller les ordures la recherche de quelque dchet utilisable, ou le refus de parler aux autres malades ou au personnel, ou ces nombreux petits scandales qui dtriorent le statut du malade au sein de lasile et retardent frquemment sa sortie, etc. Il existe videmment une ou plusieurs versions mdicales pour interprter chacune de ces conduites comme autant de symptmes dun tat pathologique. - Mais ces conduites que lon observe aussi dans les camps de concentrations, les prisons, chez certains militaires ou religieux - peuvent galement sinterprter sociologiquement par rfrence aux conditions dexistence amnages par linstitution, avec, entre autres, la situation de pnurie dans laquelle se trouve plac le malade, la ncessit quil prouve de se dfendre conte limage dgradante de lui-mme que lui renvoie lhpital, sa peur de se voir relguer, la sortie, dans une situation dancien malade pire encore peut-tre que celle de malade dans un milieu protg. A la limite, de tels comportements peuvent reprsenter le mode dadaptation le plus rationnel compte tenu de lensemble des conditions objectives et symboliques du milieu dans lequel il sexerce.I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 3 Contrle social et dviance -Goffman -

56 -

- Dfinition de ladaptation secondaire : toute disposition habituelle permettant lindividu dutiliser des moyens dfendus ou de parvenir des fins illicites (ou les deux la fois) et de tourner ainsi les prtentions de lorganisation relatives ce quil devrait faire ou recevoir, et partant ce quil devrait tre. Les adaptations secondaires reprsentent pour lindividu le moyen de scarter du rle et du personnage que linstitution lui assigne Ce processus dadaptation constitue un compromis entre, dune part, un engagement et attachement minimum vis--vis de linstitution, et dautre part, un dtachement et une distanciation son gard. - ADAPTATION SECONDAIRE INTEGREES, qui attnuent les tensions dans linstitution totale >< ADAPTATION SECONDAIRE dsintgrantes qui contribuent attiser les tensions et mettre en pril la stabilit de l insitution

Le concept de carrire .- Le concept de carrire permet Goffman du processus de transformation de la manire dont le reclus se reprsente les autres et lui-mme et se reconstruit progressivement un nouvel univers adquat au contexte de linstitution - Goffman sintresse particulirement aux aspects moraux de la carrire, cest--dire au cycle des modifications qui interviennent du fait de cette carrire et aux modifications des repsentations de lui-mme et des autres - Goffman distingue trois phases dans la carrire de malade mental - pr-hospitaliation o le futut reclus se sent progressivement mis lcart du mnde ordinaire - phase dhosipitalisaton o il se fait et sadapte profressivement son nouvel environnement - phase post-insitutionnalisation Le concept de carrire peut sappliquer de faon constructive toutes les expriences sociales dune certaine dure dans des cadres insitutionnels fortement structurs. Par ex : la carrire de ltudiant universitaire dfinie comme lensemble des modifications durables et communes lensemble des tudiants, mme si elles affectent sparment chacun deux

Rgle 6 : Toute manire de vivre comme normale et sense, tu considreras .

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 3 Contrle social et dviance Becker -

57

Thme 3 : Contrle social et dviance.

H. Becker, Outsiders. Etudes de sociologie de la dviance 1) Introduire aux concepts proposs par linteractionnisme symbolique (en particulier par H. Becker) pour comprendre les phnomnes de dviance : la dviance la carrire dlinquante ltiquetage les entrepreneurs de morale

2) Elments de la dmarche sociologique proposs : saffranchir des catgories de pense institues enjeux moraux et sociologie

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 3 Contrle social et dviance Becker -

58

1) Principaux concepts et propositions thoriques de Becker sur la dviance1.1. DFINITIONS DE LA DVIANCE : DES DFINITIONS COMMUNES LA DFINITION INTERACTIONNISTEa) Explications communes de la dviance (= cart par rapport aux normes) Le sens commun dfinit le dviant par ses caractristiques intrinsques, personnelles (psychologiques, problmes relationnels, sociologiques etc. ) Dfinition statistique : dviant = ce qui scarte de la moyenne, du plus commun Pathologisation de la dviance : intrinsquement mauvaise , manifestation dun mal, dune maladie. Ex : dviance comme produit dune maladie mentale (intrieur du dviant, pas processus sociaux) Dfinition sociologique fonctionnaliste : la dviance est un processus symptomatique de dsorganisation sociale, dune dysfonction . Mais cette quest-ce qui est fonctionnel ou pas dans une socit ? Qui dit que tel comportement est fonctionnel ? = questions de nature foncirement politique ! ! Conception sociologique : la dviance est un dfaut dobissance aux normes du groupe : OK, mais nglige certains problmes : des normes de quel groupe parle-t-on (socits plurielles) ? Or les individus appartiennent plusieurs groupes Bref, les approches classiques tendent : - naturaliser les normes ; - travailler uniquement sur le caractre substantiellement dviant de certains actes ou de certains individus ; - se dsintresser du processus de dsignation, de qualification de dviant par les groupes sociaux b)Dfinition et conception de Becker : La dviance ne tient pas la nature intrinsque de lacte ou dans les caractristiques du dviant, elle est une consquence de lapplication, par des acteurs sociaux, de normes et de sanctions un transgresseur ( tiquetage ) La dviance doit donc tre analyse comme un processus de cration sociale, de construction sociale : Certains groupes sociaux crent la dviance en instituant des normes dont la transgression constitue la dviance, en appliquant les normes des individus tiquets comme dviants

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 3 Contrle social et dviance Becker -

59

Tous les groupes sociaux nont pas le pouvoir de cration ou dimposition de normes : cette capacit est lie la position sociale et au pouvoir (critres de classe sociale, de race, de genre ) La dviance est donc la consquence de ltiquettage de certains individus, de leur dsignation comme dviants par certains acteurs qui leur appliquent ltiquette de transgresseur et donc dviant ; La dviance est non pas une proprit du comportement lui-mme, mais un produit de linteraction, de la transaction entre une personne qui commet un acte et celles qui ragissent cet acte . Autrement dit : la dviance nest pas une qualit substantielle simple mais le produit dun processus qui inclut la raction des autres ces conduites. Il faut dsubstantialiser le dviant : tous ne partagent pas une nature dlinquante a priori, car son dsigns dviants au cours dun processus social les individus tiquets dviants nont pas tous transgresss, et il peut y avoir des transgresseurs non dsigns comme dviants Bref : - la dviance est cre travers la raction des gens certains comportements, dsigns comme dviants - les normes, que cette dsignation contribue reproduire ou crer, ne sont ni videntes et naturelles, ni ncessairement partages par tous les acteurs dune socit : elles font lobjet de dsaccords, voire de conflits, de luttes sociales cest l un processus politique.

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 3 Contrle social et dviance Becker -

60

1.2. LES NOTIONS DE CARRIRE DVIANTE ET DTIQUETAGE Pour analyser la gense et la stabilisation du comportement dviant, Becker a recours au concept de carrire dviante : = squence temporelle (tapes) o les caractristiques de lidentit dviante vont se dvelopper chez lindividu. Rappel : le concept de carrire (Goffman) : suite des passages dune position sociale lautre par rapport un phnomne social tudi, impliquant transformations au niveau de lidentit et du rapport aux autres. Les tapes de la carrire dviante : 1) La premire transgression : Quest-ce qui amne quelquun commettre une premire transgression ? 2) Lapprentissage de la culture dviante Hypothse : les motivations dviantes durables ne prexistent pas au premier passage lacte mais vont se construire dans linteraction avec les dviants et avec les acteurs dautres groupes. 3) Etape de ltiquetage, de la dsignation sociale comme dviant 4) Etape 4 : lentre dans un groupe dviant organis

1.3. LAPPLICATION DES NORMES ET LES ENTREPRENEURS DEMORALE

La dfinition et lapplication des normes est un processus social, qui requiert linitiative et laction de certains acteurs sociaux prcis : a) Les entrepreneurs de morale : personnes / groupes sociaux qui entreprennent une croisade morale pour rformer les murs et faire passer dans lopinion publique lide que tel comportement est dviant

b) Les acteurs spcialiss chargs de lapplication des normes (second type dentrepreneur de morale (policiers, )

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 3 Contrle social et dviance Becker -

61

II. Quelques lments sur le paradigme de linteractionnisme symbolique selon BeckerChoisir de dfinir la dviance non pas comme proprit du comportement ou de la personne elle mme , mais comme le rsultat dune interaction entre une personne qui commet un acte dsign comme dviant et dautres personnes qui le dsignent comme tel et ragissent cet acte est caractristiques dune perspective interactionniste symbolique . Cela suppose de : Prendre en compte de la perspective des acteurs concerns commencer par les dviants eux-mmes de manire reconstruire la manire dont ils construisent des interprtations en situation ; Prendre en compte ces interactions entre tous les acteurs concerns, toutes les parties impliques de prs ou de loin dans le phnomne, y compris les dominants , ceux qui construisent les catgories officielles ;

Examiner la manire dont ces interprtations se recomposent au fil des interactions(dialectique entre interprtations et interaction (postulat de linteractionnisme).

III. Elments de la dmarche en sciences sociales Le travail sociologique se dploie dans un espace intellectuel qui nest ni vierge ni neutre, qui est dj socialement construit par des catgories institues Le sociologue doit tre capable de dconstruire et de saffranchir de ces catgories institues, de les dconstruire ; Les catgories de pense institues sont dcelables dans : - le choix des mots officiels que certains acteurs emploient pour construire une catgorie sociale - les procdures de recueil et dorganisation / slection dinformations sur le phnomne social stigmatis - reprises par les catgories des experts qui les lgitiment ; - ces catgories institues sincarnent grce une institutionnalisation ( agents , structures et routines qui les actualisent et organisent) Toute la ralit sociale sorganisant alors autour de ces catgories (notion de construction sociale de la ralit , il est trs difficile au chercheur de sen affranchir. Pour dconstruire ces catgories, il faut bousculer lordre tabli, les dfinitions socialement admises Il faut la fois diffrencier et articuler le niveau de lanalyse sociologique et le niveau de la prise de position morale.

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 3 Contrle social et dviance Becker -

62

Rgle 7 : Pour comprendre, de jugements de valeur tu tabstiendras Dans la comprhension dun phnomne social, il est important de distinguer le registre de lanalyse de celui du jugement de valeurs ou du jugement thique.

Rgle 8 : Des catgories de pense institues, tu taffranchiras Comme le montre Goffman dans son tude du comportement des fous (en prenant distance par rapport aux catgories institues du discours mdical), comme le montre Becker dans son approche des phnomnes de dviance (en prenant distance par rapport aux catgories officielles, lgales et policires, voire en sinterrogeant su la manire dont ces catgories contribuent construire la dviance), comme le montre Bourdieu dans son analyse de lchec scolaire (en prenant distance par rapport au discours de linstitution scolaire qui se proclame neutre et impartiale tout en lgitimant de facto lhabitus (codes culturels, schmes de penses) des classes sociales favorises et en exerant, souvent de manire inconsciente, une violence symbolique lgard des jeunes qui ne partagent pas spontanment ces codes, il est important, au moment de lanalyse, de dconstruire les catgories officielles et institues.

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 3 Contrle social et dviance (Castel et Foucault)

- 63 -

Les mtamorphoses de la question sociale(Robert Castel et Michel Foucault) Expos :- la dviance comme rapport social, le social-assistantiel, modle culturel et dispositif -La construction historique du social-assistantiel : illustration partir de Castel et de Foucault : la pauvret, la folie, la prison Elments de la dmarche sociologique mise en exergue : historiciser les structures sociales Matriau pdagogique : - Syllabus Castel et Foucault

Thme 3 : Contrle social et dviance

-

1 - Objectifs partir de R. Castel, Les mtamorphoses de la question sociale, et de M. Foucault, Histoire de la folie lge classique , Surveiller et punir : naissance de la prison , introduire une rflexion sur la construction sociale et historique de la dviance (marginalit, pauvret, folie, pathologie) et de son traitement Aprs le point du vue micro-sociologique (analyse des interactions selon Goffman) et le point de vue mso-sociologique (laction des groupes sociaux comme entrepreneurs de morale (Becker), adopter un regard macro-sociologique (les variations des dfinitions et mode de traitement de la dviance en fonction des contextes sociaux et culturels). lment de la dmarche sociologique : limportance dhistoriciser les structures sociales

2 Par rapport aux paradigmes- Lapproche de Michel Foucault comme mise en uvre dune lecture en terme de domination et de pouvoir ( Eux ). De manire plus radicale que chez Pierre Bourdieu pris ici comme expression emblmatique dun certain sociologisme visant montrer en quoi les individus sont socialiss linsu de leur plein gr -, Michel Foucault montre la contingence historique de tout discours sur le sujet, ainsi que, au travers des pratiques sociales, les mcanismes de pouvoir par lesquels le sujet, en particulier le sujet moderne, est effectivement constitu.Quil explore les figures complmentaires du mme (en dgageant l pistm qui dfinit la normalit dune poque) ou de l autre ( en voquant la gense de la dfinition et des modes de traitement des figures de laltrit sociale que sont le fou, le prisonnier, le malade), quil se centre sur lordre des discours ou davantage sur celui des pratiques de construction et de gestion du dsordre social, que sa dmarche soit qualifie de quasi structuraliste (en traitant les discours non comme des interprtations qui appellent dautres commentaires, mais comme des noncs considrs en eux-mmes comme phnomnes formant systme ou dhermneutique (au sens dune interprtation des pratiques sociales), quil prenne pour terrain danalyse la folie , la prison , la clinique , la sexualit , le projet de Michel Foucault vise une mise jour, en rupture avec la naturalit apparente des discours et des pratiques ( le fou est soign parce quil est fou ), deI bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 3 Contrle social et dviance (Castel et Foucault)

- 64 -

larchologie du savoir et de la gnalogie du pouvoir constitutives du sujet moderne en Occident. - Lapproche de Robert Castel comme mise en uvre dune lecture en terme de conflit (paradigme du nous ).Robert Castel montre bien que le dveloppement du socialassistanciel doit tre compris comme le rsultat de laction transformatrice de la socit sur elle-mme, dans la dynamique conflictuelle des rapports entre les groupes sociaux. au regard des transformations structurelles et culturelles de lorganisation du travail, plus prcisment au regard des diffrentes tapes de la structuration du salariat : de la lente dissolution des liens dallgeance fodale et communautaires qui librent une force de travail pour le capitalisme naissant lmergence de la question sociale au sein des masses laborieuses au 19me, auquel rpondra le projet de lEtat social. Autant de mouvements historiques qui correspondent un tat des conflits et des compromis entre des acteurs sociaux (lEglise, la bourgeoisie marchande, lEtat, le mouvement ouvrier, les nouveaux mouvements sociaux pour la priode contemporaine).

3 - lment de la dmarche sociologique : limportance dhistoriciser les structures sociales- une ralit sociale , comme une institution (lasile, le mariage, la loi pnale, lEtat, le march) ou un problme social (la dlinquance, la folie) ne tombe pas du ciel , mais n a pris sa forme actuelle quau terme dun long processus historique de construction sociale ; - Historiciser les structures sociales, cest se demander, par exemple, comment une socit en est venue enfermer ses malades mentaux ? Comment on en est venu considrer les usagers de drogues comme des dviants ? Comment une conomie de march a-t-elle pu voir le jour ? ; - Par structures, il faut entendre aussi bien les structures sociales (institution, mode dorganisation, habitat, Etat) que les structures psychiques. Nos comportements les plus quotidiens et les plus intimes, nos schmes de pense sont aussi des constructions historiques. Voir ce propos les travaux de Norbert Elias sur La civilisation des murs ou comment un ensemble de dispositions ont t progressivement tablies et diffuses, le cas chant par la force, pour constituer un habitus gnral (ensemble de dispositions influences par le milieu social et la culture), mme si, comme le montre Bourdieu, chaque classe sociale lassimile sa manire, en fonction de ses conditions sociales spcifiques.

Rgle 9 : Les phnomnes sociaux, tu historiciseras

Le prsent porte une charge, un poids qui vient du pass, et quil faut ractualiser aujourdhui pour comprendre ses enjeux actuels. Analyser une pratique contemporaine, cest la saisir partir du socle historique qui la constitu ; cest sefforcer de comprendre sa structure actuelle partir de ses transformations antrieures. Le pass ne se rpte pas dans le prsent, mais le prsent joue, et invente, partir du legs du pass (Castel, 1994)

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 3 Contrle social et dviance (Castel et Foucault)

- 65 -

Plan de lexpos

I - Trois principes danalyse 1 La dviance nest pas une situation, cest un rapport social 2 La dviance fait lobjet dune construction et dune intervention sociale. = > Le concept de social-assistanciel (Robert Castel) => les concepts de modle culturel et didologie => les concepts dspitm et de dispositif chez Michel Foucault 3 Ce traitement vise construire un type de sujet => Le concept d image du sujet II - Fil socio-historiqueII.1. - DE LA LGENDE VANGLIQUE DU MOYEN-GE LENFERMEMENT DISCIPLINAIRES DES TEMPS MODERNES

A - La socit mdivale : fodalit et sacralisation de la pauvret B - Bas Moyen-ge et Renaissance : dissolution des rapports sociaux fodaux et avnement du capitalisme C Lge classique (17 me): lenfermement disciplinaire de pauvres, insoumis, criminels, vagabonds, fous.. D A partir de fin du 18 me : un enfermement spcialisII.2 - LA QUESTION SOCIALE LIEE A LINDUSTRIALISATION ET LE DEVELOPPEMENT DE LETAT SOCIAL

A - Linvention du social et le dveloppement de lEtat- providence B - Le modle culturel de la Raison et du Progrs

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 3 Contrle social et dviance (Castel et Foucault)

- 66 -

Dfintions des concepts = > Le concept de social-assitantiel chez Robert Castel On peut dfinir, sur base des travaux de Robert Castel24 le secteur socialassistantiel ,comme lagencement des pratiques, relevant dune action publique ou nonmarchande de la socit sur elle-mme, et mises en oeuvre par des oprateurs mandats, poursuivant une vise intgrative, protective ou rparatrice lgard de publics considrs comme dficitaires et bnficiaires . Plus prcisment, Robert Castel caractrise le social-assistantiel au del des configurations historiques concrtes au travers lesquelles il sest dploy, par un certain nombre de caractristiques formelles : - Premirement, cest une construction densemble de pratiques fonction protectrice ou intgrative. Cest dire que le social-assistantiel rsulte dune intervention dlibre de la socit sur elle-mme, la diffrence des institutions qui existent de par la tradition ou la coutume. On peut parler ce propos de sociabilit secondaire, puisquil sagit de systmes relationnels dcals par rapport aux groupes dappartenance familiaux, de voisinage, de travail. Cest partir de ce dcalage, de ce dcrochage que des montages de plus en plus complexes vont se dployer, donnant en charge des structures de prise en charge assistantielle de plus en plus sophistiques ; - Deuximement, ces pratiques prsentent toujours au moins une bauche de spcialisation, noyau dune professionnalisation future. La dlimitation dune sphre dintervention sociale suscite lmergence dun personnel spcialis. Ce nest pas nimporte qui, nimporte comment, nimporte o qui a la charge de ce type de problmes, mais des individus ou des groupes au moins partiellement mandats pour ce faire et reprs comme tels. Ainsi certains ordres religieux sont dj considrs, ds le moyen-ge, comme des fonctionnaires du social ; - Troisimement, sbauche une technicisation. Mme en labsence de formation spcifique, le mandat est contrant dvaluer les situations sur lesquelles il doit intervenir ou non, de slectionner ceux qui mritent les secours, de construire des catgories pour guider son action. Sa pratique ne doit pas tre confondue avec celle dun membre ordinaire de la communaut. Il ny a pas de pratique sociale sans noyau de connaissances de la population concerne et sur les manire de les prendre en charge ou de les exclure de la prise en charge ; - Quatrimement, la question de la localisation se pose demble, fait apparatre un clivage entre pratiques intra et extra institutionnelles. Par rapport un accroc de la sociabilit primaire, se pose toujours la question de lintervention in situ , dans le milieu de vie ou dans un site institutionnel spcialis ; - Cinquimement, cette intervention se met en oeuvre selon des critres. Au sein des populations sans ressources, certains seront rejets et dautres pris en charge. Deux critres simposent : lappartenance la communaut de rfrence et linaptitude au travail (indigent invalide >< valide non travailleur). Ces conditions formelles dessinent les conditions de possibilit dun champ assistantiel : spcialisation, professionnalisation, institutionnalisation, discrimination des populations prendre en charge

24

Robert CASTEL, Les mtamorphoses de la question sociale ; Paris,Fayard, 1995

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 3 Contrle social et dviance (Castel et Foucault)

- 67 -

=> Les concepts de modle culturel et didologie - Ce social-assistantiel et les institutions concrtes qui lincarnent sont situs dans un ensemble social et culturel, dans une socit traverse par le jeu de rapports sociaux conflictuels, entre groupes sociaux, entre classes sociales ; - Les relations entre classes et groupes participent dun modle culturel, c--d de principes de lgitimits et de sens ( image de la crativit, historicit ) qui orientent laction de la socit sur elle-mme. Le modle culturel constitue en quelque sorte la toile de fond imaginaire dune socit, il donne sens aux pratiques sociales, il oriente laction historique. Comme reprsentation du rapport dune socit elle-mme, le modle culturel est un ensemble de finalits qui dominent la socit toute entire, dterminant les conceptions du bon, du bien, du beau, du juste, du lgitime. - Il faut distinguer modle culturel et idologie : alors que le modle culturel appartient une socit, les idologies constituent les systmes de reprsentations et de lgitimations particuliers diffrents groupes sociaux. Le modle culturel nest pas rductible lidologie dominante ; - On peut pointer le lien entre modles culturels, idologies et paradigmes scientifiques. Les thories scientifiques (mdicales, scientifiques, criminologiques) et les modles interprtatifs qui servent de rfrence aux pratiques dintervention sociale voluent ainsi en fonction du contexte culturel - Remarque : Parlant de modle culturel, il faut se garder de tout ramener un modle unique. Nous sommes au contraire dans des socits caractrises par une complexification croissante (division en champs semi-autonomes (Durkheim, Weber, Bourdieu) construisant ses propres critres de lgitimation). De mme, les pratiques dintervention sociale ne sont pas dtermines par un modle unique, mais sy affrontent une pluralit de modles interprtatifs (d(idologies, de paradigmes). Ainsi, les conduites dlinquantes ont fait et font lobjet dune diversit de modles interprtatifs, lis au dveloppement des sciences humaines (thories psycho-pathologiques, sociologiques, criminologiques, mdicales ) qui justifient leur tour diffrentes mthodologies et pratiques dintervention (systmique, daction communautaire, comportementaliste). => les concepts dspitm et de dispositif chez Michel Foucault25 La notion despistm chez Michel Foucault Plutt que de modle culturel, Michel Foucault parle quant lui dpistm propre une configuration historique. La notion d'pistm, dsigne, au niveau structural, les rgularits discursives, la couche de savoir constituant et historique , la configuration souterraine qui dlimite ce qu'une poque peut - ou ne peut pas - penser, ce qu'il est possible de dire et de voir, le dicible et le visible. C'est dans cette grille du savoir une poque donne que viennent se loger les formes diverses de la connaissance empirique 26 et que vont tre dtermines les pratiques. Michel Foucault distingue ainsi trois grands moments dans la pense occidentale, chacun dfini par une pistm spcifique : la Renaissance, rgie par un principe de ressemblance (lesVoir FOUCAULT M., - Les Mots et les choses, Paris, Gallimard, Bibl. des sciences humaines , 1966 - Histoire de la Folie l'ge classique, Paris, Gallimard, 1972. - Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, Bibl. des Histoires , 1975. 26 Voir Michel FOUCAULT, Les Mots et les choses, Paris, Gallimard, Bibl. des sciences humaines , 1966, p. 13.25

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 3 Contrle social et dviance (Castel et Foucault)

- 68 -

choses ont leur signature , que le langage vient redoubler par le commentaire ou l'interprtation); l'Age classique au 17me sicle, voyant apparatre la reprsentation; et la modernit, qui se dgage au 19me sicle tant dfinie comme l'Age de l'homme . Se situant au seuil de discontinuit entre l'Age classique et la modernit, Foucault analyse en particulier comment les disciplines qui tudient le travail (l'analyse des richesses), la vie (l'histoire naturelle) et le langage (la grammaire gnrale), vont se transformer et inclure la figure de l'homme qui travaille (l'conomie politique), de l'homme qui vit (la biologie), de l'homme qui parle (la philologie). Pour Michel Foucault, lhomme nest quune invention rcente qui na pas deux sicles, une figure appele disparatre de notre savoir, ds que ce dernier aura trouv une nouvelle forme. En traquant dans les manuels mdicaux, dans les dits royaux et rglements, dans les traits grammaticaux et les thories conomiques, les permanences et les volutions du regard port sur lhomme, Michel Foucault cherche ainsi montrer la manire dont les catgories qui peuvent nous apparatre les plus naturelles (Lhomme, le fou, le dlinquant) sont entirement constitues par une pratique discursive relie un socle pistmique. Dans Les Mots et les choses, Foucault essaye de reprer quel moment est apparue l'interrogation sur l'homme, la fois sujet et objet des sciences humaines. Une telle tude devant viter de faire une histoire des ides ou des disciplines, pour s'efforcer d'isoler le "systme de savoir", le socle archologique, l'a priori historique qui a rendu possible la constitution des sciences de l'homme. Alors que la sociologie dploie ses concepts, ses catgorisations, ses facteurs explicatifs lintrieur dune configuration sociale donne et gnralement sur base dun dcoupage disciplinaire pr-constitu quelle raffirme sans linterroger -, cest au socle pistmique et au rapport avec le pouvoir qui rendent possibles le discours des sciences humaines que sintresse Michel Foucault, en dmontant les fondements pistmologiques, idologiques, historiques, structuraux, des philosophies du sujet et plus gnralement de la position humaniste (De Descartes aux Droits de lHomme aujourdhui reproclams horizon indpassable de notre temps). Le concept de dispositif chez Michel Foucault Si l pistm permet de dgager l archologie du savoir, le concept de dispositif propos par Foucault vise cerner la gnalogie du pouvoir. Ainsi dans ses analyses relatives LHistoire de la Folie (1961) et de celle de la prison (1975), Foucault envisage la constitution de l'individu moderne en tant que sujet et en tant qu'objet (tendances l'objectivation et pratiques de subjectivation). Plus question ici de se limiter une analyse des formations discursives permettant la production de l'individu en tant que figure spcifique de l'pistm moderne. C'est dans les pratiques - et en particulier dans les pratiques de pouvoir que Foucault va aller chercher l'origine de l'individu moderne: rituels mticuleux (du confessionnal au Panoptique...) ou technologies politiques , exerces de manire privilgie sur le corps humain. Les rapports de pouvoir oprent sur le corps une prise immdiate; ils l'investissent, le marquent, le dressent, le supplicient, l'astreignent des travaux, l'obligent des crmonies, exigent de lui des signes 27.

Michel FOUCAULT, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, Bibl. des Histoires , 1975, p. 30.27

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 3 Contrle social et dviance (Castel et Foucault)

- 69 -

"Le dispositif se distingue de l'pistm, essentiellement parce qu'il englobe aussi bien les pratiques non discursives que les pratiques discursives. Le dispositif est rsolument htrogne, il inclut les discours, les institutions, les dispositions architecturales, les rglements, les lois, les mesures administratives, les noncs scientifiques, les propositions philosophiques, la moralit, la philanthropie, etc.. A partir de ces composantes disparates, il s'agit d'tablir un ensemble flexible de relations et de les fondre dans un seul appareil afin d'isoler un problme historique bien particulier. Cet appareil rassemble le pouvoir et le savoir dans une grille d'analyse spcifique" 28. Archologie du savoir dune part, gnalogie du pouvoir dautre part, apparaissent bien comme complmentaires. Si dans un premier temps, Foucault a sembl donner la primaut lordre du discours comme principe unificateur du systme global de pratiques 29, dans un second temps, il se dfendra de toute relation univoque de causalit de lun lautre. Cest en termes darticulation quil faut concevoir le lien entre pratiques discursives et pratiques non discursives. Ainsi, lpistm moderne porte en lui la clture de lasile, tout comme lordonnancement de la grammaire gnrale vhicule la structure de lcole, ou encore lconomie politique circonscrit le cercle de lusine. Dautre part, ce sont les transformations institutionnelles portes par les pratiques de pouvoir qui favorisent les modifications du regard et le dcoupage/spcialisation des savoirs.

28

DREYFUS H., et Paul RABINOW P., Michel Foucault. Un parcours philosophique, Paris, Gallimard 1984 (tr. fr.), Folio-Essai, 1992. 29 Idem., p. 100. I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 3 Contrle social et dviance (LEtat social actif)

- 70 -

Thme 3 : Contrle social et dviance (suite) Les mtamorphoses de la question sociale : LEtat social actif- Plan de lexpos : De lEtat providence lEtat social actif : les nouveaux modes de gestion de la prcarit et de la marginalit- Mtamorphose de la question sociale - Emergence de nouveaux dispositifs - Succession et superposition des conceptions du travail social

1 Le contexte dmergence- LEtat social actif ou la recherche de la troisime voie - L asphyxie et l impuissance de lEtat social providence traditionnel

2- Un nouveau rfrentiel : objectifs de lEtat social actif 3 - LEtat social actif comme idologie 4 - Les mesures prises 5. Les dispositifs de gestion des prcarits5.1. Les diffrents terrains 5.2. Caractristiques transversales des dispositifs L autonomie du sujet comme principe de lgitimit Lindividualisation de lintervention sociale Le projet comme vecteur identitaire de la transformation de soi Une logique contractuelle et une rgulation normative post-disciplinaire De la socialisation la subjectivation La transformation des modes daction publique : de linstitution au dispositif

6- Les nouveaux mtiers du social Conclusion Une nouvelle fabrique du sujet

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 3 Contrle social et dviance (LEtat social actif)

- 71 -

SchmasSchma 1- Les conceptions du travail social Ainsi, ce "personnage sans nom" dont s'"occupe" le travailleur social peut tre dfini de plusieurs manires, et les finalits du travail social dpendent de l'image que l'on s'en fait : La marginalit est ... contre laquelle l'individu ne peut pas faire grand chose (emprise faible) ... en partie, due des 1. Est-ce l'inadapt social, causes individuelles le mal socialis, qu'il faut parfois enfermer et soigner et (s'il est irrcuprable), mais qui doit, si possible tre rduqu, resocialis, rintgr la vie sociale normale ? AS = agent de contrle en partie, un produit du fonctionnement du systme 3. Est-ce la victime du systme (chmage, exclusion), qui a droit au bnfice de la solidarit collective institue, et marginalis contre sa volont, et qui il faut donc remettre son d ? AS = garant des droits et devoirs ... contre laquelle l'individu peut agir seul ou avec les autres (emprise forte) 2. Est-ce l'individu dmuni de moyens, mais qui pourrait s'en sortir seul s'il voulait, et si on l'y aidait un peu, et qu'il faut donc la fois aider en le mettant au pied du mur, en lui proposant des contrats, tout en le contrlant pour ne pas qu'il en profite trop ? AS = manager social 4. Est-ce l'exploit, le prcaris, mais qui peut s'en sortir si on l'aide prendre conscience de sa situation, s'organiser et se mobiliser dans la lutte sociale, ngocier et imposer ses droits ? AS = militant solidaire

Ces diffrentes conceptions se sont cristallises dans des institutions qui, en fonction de leur histoire propre et du contexte idologique dans lequel elles ont surgi, seront plutt proches de lune ou de lautre. Ainsi, certaines maisons daccueil seront davantage les hritires des dpts de mendicit. Entre le travail ralis par des associations comme Lutte Solidarit Travail ou ATD Quart Monde, et lactivit des CPAS, il y a bien diffrentes conceptions du travail social en jeu qui peuvent tre complmentaires ou contradictoires entre elles. Ces diffrentes conceptions du travail vont dailleurs se reflter dans la manire de nommer l'usager : le "pauvre", l'"assist social", le "citoyen", la "personne", l'"ayant-droit" "le client", le "bnficiaire", l exclu et de caractriser la relation : aide, rencontre, solidarit, assistance, contrat...

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 3 Contrle social et dviance (LEtat social actif)

- 72 CHANGEMENTS

SCHEMA 2 : LESA,STRUCTURELS

COMME RESULTAT DE LA CONJONCTION DE

Chmage/ concurrence internationale/rv. technologique

Nouvel environnement

Dsquilibres financiers des Etats providences

Perception dune crise de lEtat providence

Invention de lESA

Inefficacit organisationnelle Commuanut pistmologique internationale (tableau de R. Boyer, in LEtat social actif. Vers un changement de paradigme ? Vielle P., Pochet Ph., Cassiers I. (dir), voir Introduction et chapitre 1, de R. Boyer, pp. 13-58)

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 3 Contrle social et dviance (LEtat social actif)

- 73 -

Schma 3 : Les changements de couverture sociale : une vue synoptique (tableau de R. Boyer, in LEtat social actif. Vers un changement de paradigme ? Vielle P., Pochet Ph., Cassiers I. (dir), voir Introduction et chapitre 1, de R. Boyer, pp. 13-58

Etat providence 1. Vision - Reconnaissance dune responsabilit sociale - Vocation universaliste - Figure du travailleur face aux risques sociaux 2. Objectifs -Concilier solidarit sociale et efficacit conomique - Compenser les limites du march 3. Moyens - Indemnisation et transferts montaires - Structuration par catgorie professionnelle - Action centralise au niveau national - Redistribution anonyme universaliste et inconditionnelle 4. Lorigine des - Phnomnes macrorisques conomiques et imperfections u march 5. Le contexte - Une croissance forte et relativement rgulire selon un paradigme productif tabli

Etat social actif - Naturalisation des mcanismes de production du risque social - Dlimitation des populations cibles - Le travailleur est lentrepreneur de soi - Grer efficacement le budget social - Adapter les individus aux signaux du march - Intgration des individus sur le march du travail - Individualisation des interventions - Territorialisation et dcentralisation - Action personnalise, cible et conditionnelle - Consquence dincitations microconomiques perverses - Changements rapides et imprvus de la conjoncture et incertitude sur le paradigme productif

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 4 Le nouvel esprit du capitalisme

- 74 -

Thme 4Lancien et le nouvel esprit du capitalisme

M.Weber, Ethique protestante et esprit du capitalisme et Luc Boltanski, Paris, Flamarion(2000), (1 re dition 1920)

Luc Boltanski et Eve Chiapello, Le Nouvel Esprit du Capitalisme, NRF Gallimard,essais), Paris, 1999.

(NRF

(Rappel du cours du premier quadrimestre, voir chapitre 7 de louvrage de Luc Van Campenhoudt, Introduction lanalyse des phnomnes sociaux, Dunod,Paris, 2001)

Lancien esprit du capitalisme

MAX WEBER

Sociologue allemand (1864-1920), formation en droit, conomie politique, histoire et philosophie, diplomate 1 La recherche de rfrence Ethique protestante et esprit du capitalisme 2 Quen reste til ? De lthique protestante lthique du travail de la socit industrielle

1- Recherche de rfrence : WEBER (M.), Lthique protestante et lesprit du capitalisme,1920. Comment se fait-il quon en soit venu, tel moment delpoque moderne, considrer comme honorables des activits lucratives, telles que le commerce et la banque, alors mme quelles avaient t rprouves et honnies durant des sicles parce quon y voyait lincarnation de la cupidit, de lamour du gain et de lavarice ?

1.1 Les sources religieuses de la rationalisation conomique.La religion soppose-t-elle la modernit ? En constitue-t-elle un frein ? Certains exemples portent le penser. Pourtant, cest clairer de manire plus fine les liens complexes entre les reprsentations religieuses du monde et le dveloppement de la modernit que Weber va contribuer.

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 4 Le nouvel esprit du capitalisme

- 75 -

Partant du constat du paralllisme entre le dveloppement du capitalisme et celui du protestantisme, Weber formule son hypothse centrale : certaines croyances religieuses, en particulier, le protestantisme, ont pu jouer un rle dterminant dans lmergence dune mentalit, dun ethos conomique proprice au dveloppement du capitalisme. Pour Weber, les ides religieuses ne sont ni le simple reflet du systme conomique (au contraire de Marx dont lapproche matrialiste historique lui fait considrer la religion comme tant le reflet, la superstructure dune infrastructure conomique), ni leur cause univoque. Cest en termes dinfluences rciproques et daffinits lectives que Weber analyse les liens entre certains aspects du protestantisme et certains aspects de la mentalit capitaliste. Pour vrifier son hypothse, Weber sintresse non seulement aux intentions subjectives (doctrine) mais galement aux effets non intentionnels des positions religieuses (comportements) des rformateurs protestants.

1. 2 Le type idal de lesprit du capitalisme.Weber cerne lesprit du capitalisme en se rfrent un texte de Benjamin Franklin. Celui-ci ne se contentait pas denseigner le sens des affaires, ncessaire la prosprit conomique ; il cherchait inculquer ses lecteurs des principes de comportements, une vritable discipline de vie, un ethos. Le type idal de lesprit du capitalisme est caractris par quatre traits : - Chacun a le devoir daccrotre son capital. Faire du profit est une fin en soi et non plus un moyen pour dautres fins. - Ce devoir saccomplit dans lexercice dune profession. Le travail est un but en lui-mme. - La poursuite du profit par le travail doit procder dune dmarche rationnelle et rigoureuse, particulirement dans le contrle des dpenses et linvestissement de largent. -Ne retirer de sa richesse que la satisfaction davoir fait son devoir. Le seul usage acceptable de sa fortune est donc de la rinvestir. Une fois cette spcificit de lesprit du capitalisme tablie, il est plus facile de saisir en quoi et dans quelle mesure il prsente des affinits lectives avec lthique protestante.

1.3 . Le type idal de lthique protestante.

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 4 Le nouvel esprit du capitalisme

- 76 -

- Martin LUTHER (1483 1546) Le salut ne dpend pas des uvres, mais seulement de la foi (contre les indulgences de lEglise catholique au travers desquelles il serait possible dacheter son salut par des prires ou par laumne) ; Opposition la vie monastique extra-mondaine ; Dcide par dcret divin, la position professionnelle de chacun doit tre assume dans le monde Le protestantisme introduit une nouvelle conception du travail avec le concept de beruf . Lactivit professionnelle prend une forte signification religieuse, comme la forme la plus haute que puisse revtir lactivit morale de lhomme. Le temps est prcieux, infiniment, car chaque heure perdue est soustraite au travail qui concourt la gloire de Dieu

-

Le calvinisme (Jean CALVIN 1509 - 1564) avec le dogme de la prdestination constitue une tape importante dans le dveloppement dune thique favorable aux conduites capitalistes. Si lindividu ne peut modifier la dcision divine, il peut acqurir la conviction intime dtre parmi les lus travers un travail acharn, la vie austre et le succs professionnels. Volont de Dieu et conduite rationnelle et mthodique de vie concide. Le calvinisme consacre la fin de lantagonisme entre vie spirituelle et vie conomique. Lasctisme devient intra-mondain, la foi et le salut deviennent des affaires individuelles. Travail productif sans relche, asctisme puritain, individualisme constituent donc les principaux traits caractristique du type idal de lthique protestante distingus par Weber.

1.4 . Les affinits lectives entre le protestantisme et le capitalisme.Les deux types idaux ainsi labors, les affinits lectives entre thique protestante et esprit du capitalisme apparaissent avec nettet. Considrons dabord les effets du Calvinisme et notons que chaque effet implique un ensemble de comportements qui sen suivent : - Lgitimation de la qute infinie du profit (regard ngativement par le catholiscisme). Cette qute est en effet une manire de rendre hommage Dieu. Loin dtre coup de la sphre religieuse, le travail sans relche est la forme suprme dasctisme et de confirmation de llection du croyant. - Laffinit lective centrale deffectue dans le processus de rationalisation de lexistence. La conduite rationnelle sur le plan conomique correspond une

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 4 Le nouvel esprit du capitalisme

- 77 -

conduite vertueuse sur le plan de la foi. Cest par ce biais que le protestantisme a pu favoriser ce point lessor du capitalisme. - La combinaison de ces deux traits produit des effets conomiques considrables, favorables au dveloppement de lconomie. On voit quavec le protestantisme nat lethos du capitalisme et non le capitalisme lui-mme qui serait vraisemblablement n sans lui. En analysant, de manire comprhensive, laffinit lective entre lthique protestante et lesprit du capitalisme, Weber examine le moment dunit et de basculement du rapport des individus au social, de lexprience subjective moderne. Moment dunit au sens o, dans le lien entre thique protestante et lesprit du capitalisme, la conduite rationnelle et mthodique reste informe par une conscience thique. La caractristique centrale du rapport moderne au monde - la rationalisation instrumentale des conduites - est ici encore relie une rfrence aux valeurs, de nature religieuse. Comme le relve Danilo Martucelli, il sagit dun des moments daccord fort entre les dimensions objectives et subjectives de laction, qui nintervient qu lissue des anciennes correspondances reposant sur la tradition. Lexemplarit de ce moment provient du fait quil parvient assurer un lien entre les significations objectives incorpores dans un monde dsenchant et une thique personnelle charge de sens 30. Moment de basculement aussi, au sens o il opre la conversion et la transition dun tat de conscience un autre. Lthique protestante est sas de sortie de la religion et dentre dans lesprit du capitalisme : encore transcendante (cest-dire faisant rfrence des valeurs et des principes mta-sociaux), elle est dj intra-mondaine (cest--dire oriente vers laction dans la socit). Lenchantement des rfrences religieuses une fois disparu, il ne restera que la cage de fer de la rationalit instrumentale. Une fois les rfrences sublimantes aux valeurs estompes, il ne subsistera que la routine de la raison formelle et instrumentale. => Chez Max Weber : lesprit du capitalisme renvoie lensemble des motifs thiques qui, bien qutrangers dans leur finalit la logique du capitalisme, inspirent les entrepreneurs dans leurs actions favorables laccumulation du capital. Compte tenu du caractre singulier, voire transgressif, des modes de comportement exig par le capitalisme par rapport aux formes de vie attestes dans la plupart des socits humaines, il fut amen dfendre lide selon laquelle lmergence du capitalisme avait suppos linstauration dun nouveau rapport moral des hommes leur travail, dtermin sur le mode de la vocation,

30

Danilo MARTUCELLI, Sociologies de la modernit, Paris, Ed. Gallimard, 1999, p. 201.

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 4 Le nouvel esprit du capitalisme

- 78 -

de faon ce que, indpendamment de son intrt et de ses qualits intrinsques, on puisse sy adonner avec fermet et rgularit Selon W., cest avec la Rforme que simpose la croyance selon laquelle le devoir saccompli dabord par lexercice dun mtier dans le monde, dans les activits temporelles, par opposition la vie religieuse hors du monde, que privilgiait lthos catholique. Cest cette nouvelle conception qui aurait permis de contourner, lore du capitalisme, la question des finalits de leffort au travail (lenrichissement sans fin) et par l de surmonter le problme dengagement que posaient les nouvelles pratiques conomiques. La conception du travail comme Beruf vocation religieuse qui demande saccomplir offrait un point dappui normatif aux marchands et aux entrepreneurs du capitalisme naissant et leur donnait de bonnes raisons une motivation psychologique - de sadonner sans relche et consciencieusement leur tche, dentreprendre la rationalisation implacable de leurs affaires, indissociablement lie la recherche dun profit maximum, et de poursuivre le gain, signe de russite dans laccomplissement de la vocation. Elle les servait galement dans la mesure o les ouvriers, pntrs de la mme ide, se montraient dociles, durs, la tche, et convaincus que lhomme doit accomplir son devoir l o la providence la plac ne cherchaient pas questionner la situation qui leur ait faite.

2 - De lthique protestante lthique du travail de la socit industrielleQue reste-t-il de lthique protestante ? Ds le 19 me sicle, l'thique du travail a progressivement perdu sa rfrence aux idaux originels pour se transformer en "cage d'acier". Comme l'indique Max Weber : "Si le puritain voulait tre un homme besogneux, nous sommes forcs de l'tre"31. L'exercice de la raison se limite souvent "tre raisonnable" et l'"idal" s'estompe "le normal". Progressivement, aprs la seconde guerre mondiale, la "cage d'acier" de la socit industrielle est devenue plus confortable. Les congs pays, la scurit d'existence avec la mise en place de la scurit sociale, l'lvation du niveau de vie et le dveloppement de la socit de consommation en ont rendu les barreaux moins serrs tout en maintenant le cadre dominant. Ce modle a aussi connu tout au long du 20 me sicle (et d'une manire croissante depuis une trentaine d'annes) des remises en question, mais d'une certaine manire celles-ci restaient extrieures, "marginales", prophtiques, mais sans emprises immdiates sur l'exprience vcue du plus grand nombre.31

Max WEBER, L'thique protestante et l'esprit du capitalisme, Paris, Plon, 1964, p. 245

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 4 Le nouvel esprit du capitalisme

- 79 -

On peut caractriser ce modle par la centralit qu'il accorde au travail considr comme un vritable devoir. L'"thique du travail" de la socit industrielle est caractrise par sa discipline temporelle, sa dominance du futur sur le prsent, la dfinition du bien comme tant ce qui est rationnel (et du bon comme tant ce qui est raisonnable), la dfinition des identits sur une base socio-professionnelle. Au del de son importance fonctionnelle, le travail est considr comme le lieu privilgi de l'accomplissement des idaux de raison et de progrs. Le "sujet" de la socit industrielle, c'est le travailleur. C'est par le travail que l'individu contribue la socit, en obtenant en retour de ses efforts, une juste rcompense. Le modle culturel de la socit industrielle reconnat l'individu comme tre moral autonome, mais dtermine les voies lgitimes de sa ralisation dans le respect de la raison sociale ("il s'agit d'tre rationnel, ou au moins, raisonnable"). L thique du travail demeure aujourdhui une source de normativit, mais une source paradoxale, devenue largement impraticable ou indsirable.. Ds lors, comment le capitalisme parvient-il se lgitimer aujourdhui ?

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 4 Le nouvel esprit du capitalisme

- 80 -

Le nouvel esprit du capitalisme

Luc Boltanski et Eve Chiapello, Le Nouvel Esprit du Capitalisme, NRF Gallimard,essais), Paris, 1999.

(NRF

1 Le propos du nouvel esprit du capitalisme 2 Les dfinitions 3 - La mthode 4 La thorie des mondes 4.1. Les six cits a. Les preuves 5 - Le nouvel esprit du capitalisme 5.1. Les trois esprits du capitalisme 5.2. Comparaison de la littrature du mangement des annes 60 et des annes 90 5.3. Lmergence dune nouvelle configuration idologique : la cit par projet 6 -Les transformations du capitalisme et le dsarmement de la critique 6.1. Les critiques sociale et artiste 6.2. Les transformations du capitalisme en raction aux critiques 6.3. Le contournement de la critique sociale 6.4.. La rcupration de la critique artiste

La rdaction de cette partie du syllabus a grandement profit du sminaire Nouvel esprit du capitalisme organis par le centre dEtudes Sociologiques des facults Saint Louis et des contributions apportes dans ce cadre par JeanPierre Delchambre, Thomas Prilleux, Yves Cartuyvels, Luc Van Campenhoudt,..

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 4 Le nouvel esprit du capitalisme

- 81 -

1 Le propos du nouvel esprit du capitalismeLvolution du capitalisme depuis Marx et Weber sest opre dans un processus de renonciation aux justifications religieuses conjugues lconomie du march. - Comment Le capitalisme parvient-il encore se justifier dans sa configuration actuelle ? Dautant plus quil a t confront des critiques importantes ? - Quelle nouvelle idologie est susceptible de soutenir les ingalits sociales quil produit ? Comment expliquer les difficults de la critique ? Dans leur ouvrage, Boltanski et Chiapello sattachent : - Dfinir les concepts centraux de "critique" et "d'esprit" du capitalisme afin de comprendre la dialectique tablie entre ces deux concepts. - Clarifier les relations entre le capitalisme et ses critiques. - Caractriser le nouvel esprit du capitalisme en construisant le modle de la Cit par projet - Comprendre l'affaiblissement de la critique de l'esprit du capitalisme au cours de ces quinze dernires annes.

2 Les dfinitions1 - Le capitalisme : exigence daccumulation illimite du capital par des moyens formellement pacifiques 2- Lesprit du capitalisme est cet ensemble de croyances associes lordre capitaliste qui contribuent justifier cet ordre et soutenir, en les lgitimant, les modes daction et les dispositions qui sont cohrents avec lui ; lidologie qui justifie lengagement dans le capitalisme . Pour Boltanski et Chiapello, comme pour Max Weber, le capitalisme a besoin de justifications. Il ne simpose pas seulement par la contrainte. Pour se maintenir et se dvelopper, il a besoin dapporter des rponses en terme dexcitation ( il doit tre source denthousiasme ), de bien tre social (garantie de scurit), de bien commun (gage de justice). Il doit la fois apporter des justifications individuelles (en quoi une personne trouve des motifs de sy engager), et des justifications gnrales (en quoi lengagement dans lentreprise capitaliste sert le bien commun)

3 - La mthodeI bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 4 Le nouvel esprit du capitalisme

- 82 -

Boltanski et Chiapello tentent dapporter des rponses en restant fidles Max Weber en reprenant lide qu chaque poque de son dveloppement, le capitalisme a besoin de justification idologique. Pour dgager le type idal du nouvel esprit du capitalisme , ils analysent des textes de littrature du management datant des annes 60 et des annes 90 destins aux cadres et aux ingnieurs, en cherchant systmatiquement en dgager

:

-

les proccupations exprimes les solutions quils proposes les reprsentations des rponses du pass les arguments avancs

Leur hypothse de travail est en effet que le discours du management, qui se veut la fois formel et historique, global et situ, qui mle prceptes gnraux et exemples concrets constitue aujourdhui la forme par excellence dans laquelle lesprit du capitalisme se trouve incorpor

4 Le cadre thorique : La typologie des citsPour caractriser le nouvel esprit du capitalisme , Boltanski et Chiapello font rfrence la typologie des mondes (ou des cits) propose et mise en oeuvre par Luc Boltanski et Laurent Thvenot dans des ouvrages prcdents32 En laborant une typologie des diffrentes cits, Boltanski et Thvenot vise rendre compte du travail de justification (rfrences aux valeurs, construction des arguments mobiliss) auxquelles se livrent les acteurs lorsquils veulent manifester leur dsaccord sans recourir la violence, au cours d' preuves ou de conflits, qu'ils soient professionnels ou politiques. Les sociologues sintressent donc ici aux oprations de justifications mises en uvre par les acteurs, considrs comme dots de comptences rflexives et argumentatives, dans des contextes particuliers ou gnraux. Luc Boltanski et Laurent Thvenot tablissent ainsi les diffrentes cits , au sein et entre lesquelles les individus tablissent leurs justifications ds lors quils sont confronts, dans la vie ordinaire, une situation de conflit ou dinjustice, et quils cherchent se justifier et lgitimer leur point de vue. Une cit reprsente un modle de socit juste caractris par une certaine conception du bien commun et de son partage suivant un ordre de grandeur lgitime entre les personnes et entre leurs actions. Chacune des cits identifies constitue un registre de justification partag, auquel les individus se rfrent pour rguler leur discorde, car ils sont dans un processus de32

Luc BOLTANSKI, L'Amour et la Justice comme comptences, Ed. Mtaili, Paris, 1990 ; Luc BOLTANSKI et Laurent THEVENOT, De la justification. Les conomies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1991.

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 4 Le nouvel esprit du capitalisme

- 83 -

justification et dvaluation permanente par rapport aux autres. Entre le brouhaha des situation particulires et la dfinition consensuelle du bien commun, prend donc place un travail incessant dajustement qui vise construire des principes lgitimes de justice permettant la coordination de laction. Dit plus simplement, Boltanski et Thvenot cherche comprendre comment les individus et les groupes sociaux se mettent daccord , quels sont les arguments quils mobilisent, les principes de justice auxquels ils se rfrent. - Luc Boltanski et Laurent Thvenot tablissent les types -idaux des diffrentes cits partir de textes classiques de la philosophie politique, utiliss en tant quuvre de grammairiens du lien politique et proposant diffrents modles de lordre lgitime dans la cit. Sur base de ces textes philosophiques, Boltanski et Thvenot dfinissent six grands principes de lgitimit ou "cits" contenus dans ces ensembles thoriques : l'inspiration dans la Cit de Dieu de Saint Augustin [Cit inspire], le principe domestique dans la Politique de Bossuet [Cit domestique], la gloire et le crdit d'opinion dans le Lviathan de Hobbes [Cit de renom], la volont gnrale dans le Contrat social de Rousseau [Cit civique], la richesse dans Richesse des nations de Adam Smith [Cit marchande] et l'efficacit industrielle dans le Systme industriel de Saint-Simon [Cit industrielle]. - En cela (et contrairement Bourdieu qui cherche tablir une rupture avec le sens commun et qui considre que les individus sont prisonniers de leur habitus), Boltanski et Thvenot reconnaissent la capacit rflexive des individus, refusant la rupture radicale entre, dune part, le discours des sciences sociales et dautre part, le discours des individus. Luc Boltanski et Laurent Thvenot relvent au contraire leur grande proximit, les traitant de manire quivalente, la fois (i) parce que les laborations savantes des sciences humaines constituent gnralement une systmatisation du savoir ordinaire, lui-mme demble rflexif, (ii) quelles rpondent elles-mmes aux logiques de justification mises en uvre dans le discours ordinaire , (iii) quelles peuvent tre traites comme des modles de comptences des acteurs et, finalement, (iiii) dans la mesure o les rfrences thoriques constituent des modles de rfrences diffuss socialement et appropris rflexivement par les acteurs.

ILLUSTRATION PRSENTE AU COURS : UNE DISCUSSION CONSEIL DADMINISTRATION DUNE ASSOCIATION - Prsentation des 6 cits- Boltanski et Thvenot distinguent six types de cit :I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

DANS

LE

Thme 4 Le nouvel esprit du capitalisme

- 84 -

Type de cit La cit industrielle La cit domestique La La La La cit inspire cit civique cit du renom cit marchande

Critre central de justification (principe dargumentation) Efficacit et comptence Hirarchie des dpendances interpersonnelles La saintet ou gnie artistique Le bien commun Lopinion des autre Succs financier

-

-

-

-

-

La cit industrielle. La cit industrielle repose sur lefficacit des tres, leur productivit, leur capacit rpondre utilement aux besoins et sintgrer dans les rouages dune organisation. Cest la cit dans laquelle trouvent place les objets techniques et les mthodes scientifiques. Les experts y sont les vritables juges. La cit domestique. La grandeur domestique apparat chaque fois que la recherche de ce qui est juste met laccent sur les relations personnelles entre les gens. La personne est dfinie par son appartenance une ligne ; elle est un maillon dans la grande chane des tres . Dans cette cit, la grandeur des gens dpend de leur position hirarchique dans une chane de dpendances personnelles. La cit inspire. Dans une justification par la grandeur inspire, cest lintensit de lexprience personnelle qui assure la valeur de laction. Parmi les actes relevant de la cit inspire, on peut citer celui de lartiste qui ne fait pas de lestime du public le principe mme de la valeur de son uvre. L inspir sait reconnatre et accueillir ce qui est mystrieux et original ; il est laise dans les situations informelles. Il accepte de prendre des risques et de tout remettre en question. La cit civique. Dans la cit civique, les personnes accdent la grandeur en sacrifiant leurs intrts personnels pour servir des causes qui les dpassent. Laction est pertinente lorsquelle participe dune dmarche collective qui donne sens aux conduites des individus et les justifie. La loi est lexpression de lintrt gnral. La cit du renom. Dans la cit du renom, la grandeur dune personne est indpendante de lestime quelle a delle-mme. Elle dpend exclusivement de lopinion des autres, de la notorit quelle a pu acqurir. La cit marchande. La cit marchande est peuple dindividus cherchant satisfaire des intrts, tour tour clients, concurrents, acheteurs ou vendeurs. Dans cette cit, la grandeur des personnes est directement lie

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 4 Le nouvel esprit du capitalisme

- 85 -

leur richesse. La russite personnelle sexprime frquemment au travers du vocabulaire de la comptition. - Chaque cit peut tre caractrise partir dune srie de critres communs (principe de la construction dune typologie) 1 Le critre centrale de justification 2 Le type dinformation pertinente 3 Les objets concerns 4 Le mode de relation privilgi 5 La capacit des personnes, distinguant les grands et les petits dans chacune des cits. Dans le cadre de chacune des cits, certains individus (ou certains acteurs collectifs) sont dfinis comme ayant beaucoup de valeur, beaucoup de lgitimit, tandis que dautres en ont peu. Boltanski et Thvenot dsignent ces acteurs respectivement par les termes de grands et de petits Marchande Mode dvaluation (grandeur) Information pertinente Objets concerns Mode relation Capacit des personnes Prix Industrielle Performance Efficacit Mesurable Statistique Domestique Rputation Civique Intrt gnral Inspire Originalit Du renom Diffusion dans lopinion Croyance

Montaire

Oral Anecdote Capital spcifique Patrimoine Confiance Autorit

Rglementaire Loi Solidarit

Singulier

Biens et Objets services techniques marchands Mthodes Echange Lien de fonctionnelPouvoir dachat

Corps, tre Signe investi dmotions Passion Communication Notorit

Comptence

Capacit Crativit reprsenter lintrt gnral

- Il faut viter dtablir une adquation entre les cits et les sphres plus concrtes, plus reprables de la vie en socit (ce quoi pourrait conduire certaines des appellations choisies par les auteurs) : ainsi, le monde domestique ne sidentifie pas la sphre familiale, le monde industriel ne sidentifie pas la sphre des entreprises, etc, mme si on peu admettre que, suivant les sphres considres, la rfrence tel(s) monde(s) sera plus importante que la rfrence tel(s) autre. - Selon des situations historiques et sociales concrtes les cits peuvent sentrecroiser. - Les preuves

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 4 Le nouvel esprit du capitalisme

- 86 -

Epreuve = toujours preuve de force, un vnement au cours duquel des individus (ou des acteurs collectifs) en se mesurant, rvlent ce dont ils sont capables, ltoffe dont ils sont faits. Une preuve peut tre dite lgitime si et seulement si elle est preuve de quelque chose (et non indtermine), cest-dire si et seulement si ce qui est mis lpreuve a fait lobjet dun travail pralable didentification et de qualification. Epreuve de grandeur = moment dvaluation qui se solde par un jugement sur la grandeur respective des individus engags, confrant une place dans un classement, sur base dune chelle de valeur (un principe dquivalence) commune. Issue = changement dtat des protagonistes, accord sur la distribution de ce qui a valeur entre eux ; laccord sur le rsultat de lvaluation suppose un accord sur le principe dvaluation . Ce classement justifi (entre les grands et les petits ) est toujours provisoire. -On peut dfinir une socit (ou un tat de socit) par la nature des preuves quelle se donne et au travers desquelles seffectue la slection sociale des personnes, et par les conflits qui portent sur le caractre plus ou moins juste de ces preuves. Au regard des diffrentes preuves de la vie sociale, le rle de la critique est identifier les preuves qui importent et qui sont lgitimes. On peut de ce point de vue distinguer - la critique rformiste qui vise pousser les protagonistes clarifier leurs principes sous-jacents de justice et de jugement pour transformer une preuve de force en preuve de grandeur . Lobjectif de la critique est alors damliorer la justice de lpreuve. Les preuves institues (lection, concours, preuves sportives) sont le rsultat dun tel travail en justice. - La critique radicale qui met en cause de faon radicale lpreuve elle-mme,. non pas pour corriger les conditions de lpreuve, mais la supprimer pour la remplacer par une autre. Cest la validit de lpreuve elle-mme qui est conteste, au nom de principes qui relvent dune autre cit

5 - Le nouvel esprit du capitalisme 5.1. Les trois esprits du capitalisme Boltanski et Chiapello distinguent, non pas deux, mais trois esprits du capitalisme, s'tant succds depuis la premire rvolution industrielle. Tous articulent un triple souci : (1) l'autonomie (et son corollaire, la stimulation des individus), (2) la scurit, (3) le bien commun.

I bac Droit - Sociologie Quadrimestre II A. Franssen

Thme 4 Le nouvel esprit du capitalisme

- 87 -

Le premier " esprit ", celui des fondateurs du capitalisme moderne, s'appuie sur la figure du bourgeois, la fois (1) entrepreneur de risques et (2) calculateur avis et avide qui amasse toujours plus qu'il ne dpense (ce qui fournit son initiative une ncessaire dimension scuritaire). (3) Il est l'acteur du progrs conomique et social, mancipateur (vis--vis des contraintes qui pesaient sur les socits traditionnelles) et conservateur (de l'ordre bourgeois) la fois. Le premier esprit du capitalisme correspond l'entreprise familiale de la fin du XIXe sicle. Il est centr sur la personne du bourgeois entrepreneur et les valeurs bourge