sitcom 2, de sébastien monod

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Author: pedro-torres

Post on 11-Mar-2016

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Julia, Maxime, Betty et Gaël partagent la même maison à Ménilmontant. Ils sont jeunes, beaux et ils débordent de vitalité. Tous les quatre ont un travail, un toit et assez d’argent pour profiter des jours heureux. Seulement voilà, la vie n’est pas le long fleuve tranquille auquel ils aspirent. Il suffit parfois d’un grain de poussière pour que le mécanisme de ce drôle de manège qu’est l’existence s’emballe et transforme le paradis en enfer. Des beaux-parents qui débarquent afin d’organiser le mariage du fiston, des producteurs de cinéma porteurs de projets extravagants, un soupirant bien trop pressant, une ex qui refait sur face…

TRANSCRIPT

  • 2

  • 3Sbastien Monod

    Sitcom 2Isidore ou la grande illusion

    roman

  • 4Merci Nathalie Ponthieux et Pascale Moratti

    Conte de Fes o le Roi se laisse assoupir !Fort vierge o Peau-dne en pleurs va saccroupir !

    Tristan Corbire,Litanie du sommeil (Les Amours jaunes)

  • 5Les personnages principaux :

    Julia a rencontr lhomme de sa vie, Julien Lemarchand, qui nest autre que le frre jumeau de Gwen, tous deux frres de Gal, lun de ses colocataires qui est aussi vous suivez toujours ? son confident favori. Tout semble enfin

    sannoncer merveille pour la kinsithrapeute qui, dfaut daccumuler les bonnes nouvelles, ne collectionnait jusqu prsent que les dconvenues. Mais

    est-ce bien lui le prince charmant que Julia, petite fille, attendait ? Rien nest

    jamais simple dans la vie de Julia !

    La vie de Maxime a chang du tout au tout depuis quil a hrit de son patron, dcd le jour-mme de son embauche, la fois sa boutique et sa maison

    Mnilmontant quil partage avec Julia, Gal et Betty. Originaire du Sud, le

    jeune horloger na pas seulement trouv une vraie famille Paris, mais galement lamour. Lobjet de toute son affection est aussi sa colocataire, la jolie, la sexy

    Betty. Le trait sur son pass est dfinitivement tir. condition que son ex

    femme, devenue transsexuel, le laisse enfin tranquille

    Elle rvait de gloire, Betty nen a jamais t aussi proche. Jusqu prsent confine aux rles de jolies blondes dans les publicits, elle troque, non sans

    dplaisir, le petit contre le grand cran et joue maintenant les vedettes. Mais

    elle nen a pas pour autant fini avec les bimbos car pour son premier rle au

    cinma, cest Paris Hilton quelle doit incarner. Du succs du film dpendra sa

    future carrire. En attendant, elle gote aux joies dune relation stable dans les

    bras de Maxime.

    Gal ny croyait plus, il avait fini par se faire une raison, lamour, ce ntait vraisemblablement pas pour lui. Pourtant un homme la touch et ses caresses

    ont la fois soulag son dos et son cur. Cest du beau Georges Truong, collgue

    kin de Julia, que le jeune homme est tomb amoureux. Mais puisque les rves

    les plus fous finissent parfois par se raliser, peut-tre sa rdactrice en chef lui

    confiera-t-elle enfin le sujet qui le fera briller au firmament des journalistes ?

  • 6

  • 7Dans la pnombre de la chambre, on ne distinguait quun lit clair de faon intermittente par le non vert de la pharmacie voisine. Et sur ce lit gisait le corps dun homme. La couleur de la lumire donnait la peau une pleur mortifre. Pourtant, il tait en vie, bel et bien en vie. Des traces de sueur luisaient sur ses pec-toraux. Lhomme haletait comme sil venait de courir un marathon. Une minute plus tt, son rle avait fait trembler les murs de lim-meuble et peut-tre mme ceux des habitations avoisinantes.

    La musique qui mergea soudain de liPod branch la micro-chane sur la table de chevet lui fit relever la tte. Worrisome Heart de Melody Gardot. Il suivit du regard le corps gracile envelopp dans le drap humide, tendit une main comme pour tenter de le retenir, mais la silhouette avait dj gagn la salle de bains. Le vigoureux brouement qui suivit mit instantanment fin cette

    ambiance romantique. Ctait magique, murmura-t-il, en se couchant sur le ventre,

    la tte dans loreiller. Tu as des doigts de fe. Hein ? fit la voix fminine.

    Je disais que jai trouv ce moment merveilleux. Excuse-moi, Gwen, je nentends rien avec le bruit de

    leau !

  • 8 Ctait bon, je disais, hurla-t-il. Ah Tes un pote, toi.Gwen devina la moue sur le joli visage mille fois caress quelques

    minutes auparavant. Eh zut ! se dit-il, en faisant une grimace nerve.

    Tu es divine. Jaimerais te revoirElle rapparut en contre-jour dans le chambranle de la porte,

    moiti dmaquille, comme entoure dune aura, un effet accen-tu par la lumire de la salle de bains.

    Cest dj beaucoup mieux, rpondit Julia, en lui adressant un clin dil.

    Tu sais, je suis un grand sentimental. Cest dailleurs ce qui me diffrencie de mon jumeau.

    Aprs avoir essay lun et lautre, cest exactement la conclu-sion que je me suis faite ! lana-t-elle en riant avant dajouter, devant lair choqu du jeune homme : Je plaisante, bien sr !

    ***

    La pluie battait le sol, laprs-midi tait triste et annonait un hiver dprimant. La valse des parapluies avait dbut et les pas sarrtaient rarement devant lhorlogerie de Maxime. lintrieur pourtant il faisait une chaleur rconfortante qui maculait la vitrine dune fine pellicule de condensation. Radio Classique tenait

    compagnie au commerant assis derrire son comptoir et dont les paupires commenaient sabaisser. La clochette de la porte dentre le fit tressauter. Un vieil homme aid dune canne en bois

    pntra et se dirigea vers le prsentoir des montres gousset. Son visage tait grave et sur sa peau perlaient des gouttes de pluie, moins que ce ne ft de transpiration. Son souffle lent et bruyant

  • 9trahissait des bronches encombres. Sa marche vers les montres dura une ternit. Maxime sapprocha de lui et, ainsi quil avait lhabitude de le faire, lana un tonitruant : Que puis-je pour votre bonheur ? Le vieillard, qui ne lavait pas entendu arriver, tressaillit si fort que lhorloger crut quil allait faire une attaque. Mais il se reprit et sourit au jeune homme.

    Je cherche une montre qui a de la valeur. Et qui marche ? plaisanta Maxime. Vous vendez des montres qui marchent ? demanda lhomme,

    trs surpris.Maxime se dit que la blague navait pas t comprise. Mieux

    valait aller lessentiel. Jai ce modle, l, qui a appartenu un neveu de Georges

    Clemenceau. Georges Clemenceau ? Oui, lhomme politique. Georges Clemenceau fut Prsident

    du Conseil en Cessez de me prendre pour un idiot, jeune homme, je sais

    parfaitement qui est Georges Clemenceau ! soffusqua le vieux mon-sieur, tout en dnouant un pais cache-nez qui lui serrait le cou.

    PardonnezDes toussotements interrompirent la conversation, suivis de

    soubresauts et de hoquets. Et puis, tout coup, le visage sembla enfler et le corps se raidit avant de seffondrer sur le parquet du

    magasin. Monsieur ! Monsieur ! hurla Maxime, effray.La sirne du vhicule des Urgences pntra dans le magasin

    et en fit trembler la fois les murs et son propritaire. Livide,

    Maxime vit sloigner le vieillard sur un brancard et se souvint davoir vcu la mme scne quelques mois plus tt. Lme dIsidore

  • 10

    Lautery, lancien patron, navait quitt ni les lieux ni le cur du jeune homme.

    ***

    Betty, le nez coll la vitre, tait en extase. Expos comme un objet de collection dans ce que la jeune femme considrait comme un haut lieu de la culture la boutique Vuitton des Champs-lyses , se tenait le sac de ses rves : un sac Mahina L gris l-phant de mille huit cents euros. Ctait la couleur parfaite, celle qui irait avec le ravissant blush essay dix minutes auparavant chez Marionnaud et la jolie meraude que Maxime venait de lui offrir. Le regard insistant dune vendeuse lincita sloigner de limmense glace, dsormais macule de traces de rouge lvres.

    Elle continua remonter lavenue et rencontra une colonne Morris sur laquelle safficheraient bientt sa blondeur et sa svel-tesse. La vie de Paris ntait pas encore sorti en salles, mais son nom, lui, commenait circuler dans les mdias. Son rve tait dap-paratre sur autant de couvertures que la riche hritire quelle venait dincarner.

    Elle passa alors devant son restaurant prfr, le Fouquets, dans lequel elle avait mis les pieds une fois pour prendre un caf. Cest sa grande surprise que Jude Law, le beau, le talen-tueux, le si sexy Jude Law larrta pour lui demander du feu. Et cest l quelle se maudit de navoir jamais su ranger son sac main. Ce nest pas grave, au revoir ! fit-il en slanant vers

    une ptasse moule dans un slim encore plus seyant que le sien ! De rage, elle balana son sac au sol et remarqua le regard tonn du bel acteur amricain aux yeux verts qui revint vers elle pour laider ramasser ses affaires. Quand elle osa le dvisager, elle ne

  • 11

    vit quun nabot aux cheveux luisant de gel. Ah ! toi, toujours la tte dans les toiles ! lui aurait dit son frre en riant. Elle reprit sa route vers lArc de Triomphe afin de prendre le mtro et de rentrer

    chez elle. Mais avant, petit passage clair au Publicis Drugstore, non pas pour une ultime sance de shopping, mais pour utiliser les toilettes. En passant devant la librairie, son regard se figea sur

    son visage la une du dernier Cosmo. Encore un rve ! Ma pau-vre fille se dit-elle en gagnant les WC. Pourtant, alors quelle

    rejoignait la sortie, elle eut la plus agrable surprise de sa vie : ce ntait pas une de ses sempiternelles rveries, non, ctait bel et bien elle, l, en couverture de son magazine prfr !

    ***

    Gal avait littralement la tte plonge dans lcran de son ordinateur ; ses doigts enfonaient les touches du clavier avec une vitesse redoutable ; il tait concentr sur ce qui allait tre larticle de sa carrire journalistique. Ctait pour chaque article la mme effervescence, le mme engouement. Il peaufinait un sujet sur les

    mal logs de la Villa Paris. Et ce fut ce moment quune tornade fit irruption dans le mtre carr qui faisait office de bureau : Gwen,

    le frre quil naurait jamais aim avoir. Je suis le plus heureux des hommes ! cria-t-il, en pleine

    danse de Saint-Guy. Gwen, je te prviens : si tu me dranges au boulot pour man-

    noncer que tu es papa, tu as la vie sauve. Pour tout autre sujet, je ttripe sur-le-champ !

    Cest mieux que a !! Je crains le pire, se contenta de dire Gal, en retournant

    ses crits.

  • 12

    Je suis amoureux ! Mais jespre bien, tu es mari !Un silence sinstalla. Non pas un silence gn, mais un silence

    dindignation, comme si le frre cadet avait une case en moins ou quil faisait exprs de ne pas comprendre. Lan reprit :

    Je suis a-mou-reux. Oui, cest bon, ce mot fait partie de mon vocabulaire

    courant. Elle est tout ce que jaime : fminine et jolie, brune, un corps

    de rve En plus, elle ne fait pas ses trente piges ! On a pass la nuit ensemble dans lappart dun pote.

    Pauvre Emmanuelle Compare Emmanuelle, cette fille est une bombe, elle fait

    lamour comme une desse. Faut dire quelle a lhabitude des massages. Je nte remercierai jamais assez de me lavoir prsen-te ! Elle a des seins

    Ne me dis pas que cest Julia ? Ben oui. Une vraie furie, elle ma pris Gwen, tais-toi ! Je ten supplie, tais-toi !

    ***

    Il y avait fort longtemps que Julia navait pas pass une nuit entire dans les bras dun homme. Longtemps quelle navait pas quitt une chambre aux aurores, encore toute parfume damour.

    Lair du petit matin tait frais. Cinq heures, Paris sveillait. Les employs de la Ville dbarrassaient le sol des dtritus de la nuit. Plus rien ne subsistait aprs le passage des camions verts, plus de traces, que des souvenirs. Julia avait limpression davoir

  • 13

    rajeunie, elle tait une adolescente qui avait fait le mur et qui reve-nait, fautive, chez elle. Pourtant, elle navait rien se reprocher et aucune permission demander, elle tait libre, cruellement libre depuis quelle stait fait larguer par cet enfoir de Julien. Il avait pris le large, normal pour un cabotin voile et vapeur ! Il avait suffi dune rencontre, un type peu avare en compliments, et ll-gant Julien Lemarchand, insatiable Narcisse des temps modernes, sen tait gargaris en oublier Julia.

    Elle lui en voulait, bien sr, mais surtout elle se maudissait de ne pas avoir cout les mises en garde. Elle avait voulu ten-ter laventure. Toutefois, elle sinterdisait de le regretter, car elle avait pass un merveilleux t. Si la priorit du sublime garon tait son apparence, il navait pas manqu pour autant de consi-drations et de gentillesses son gard. Elle stait sentie femme en compagnie de Julien, lui-mme trs dlicat, presque fminin dans sa faon de vivre lamour. Dailleurs, ctait bien la premire fois quelle rencontrait un homme qui passait deux fois plus de temps quelle dans la salle de bains. Adepte du shopping et des belles fringues, il tait infatigable tel point que Julia, les pieds enfls par des heures de lche-vitrines, devait le supplier pour

    rentrer la maison !Elle lui en voulait, le fait tait avr et il lui tait difficile de ne

    pas tablir un lien avec le prsent : coucher avec le frre de son ex ne cacherait-il pas un mauvais dessein ?

    Une lgre brume enveloppait Mnilmontant. Plus que quelques mtres avant la rue des Envierges et cette douce maison blottie dans la petite cit baptise la Villa Faucheur, son havre de paix. Non, Julia ntait pas de ces femmes qui agissaient par intrt. Elle tait plutt de celles qui agissaient par dsespoir.

  • 14

    ***

    Maxime baissa la grille qui grina et lui donna la chair de poule. Tellement perturb par le tragique vnement, il ne songea pas mettre un petit panneau afin de prvenir ses clients. Clmence, qui

    guettait ses alles et venues, fut peine de le voir dans cet tat. Elle avait appris aimer ses petites manies de clibataire endurci , ainsi quelle le qualifiait alors quelle ne connaissait rien de sa vie

    prive. Elle lui rendait visite une fois par jour. Parfois elle arri-vait avec deux cents grammes de chouquettes quils dvoraient comme des affams. Elle samusait de le voir chaque fois poser une serviette en papier sous le sachet, afin de ne pas salir le pr-sentoir , disait-il. Aprs la dgustation, il passait laspirateur por-table quelle lui avait offert pour son anniversaire afin de faire

    disparatre les miettes, les horribles miettes, mais il ny en avait jamais beaucoup tant le jeune homme mangeait avec prcaution au-dessus de la serviette.

    Clmence avait la conviction que son amour tait partag, mais que lhorloger tait trop timide pour lavouer. Clmence avait soixante-quinze ans, toutefois elle avait les mmes yeux rieurs quune jeune fille de vingt ans. Maxime, de son ct, la consid-rait comme une parente loigne dont la compagnie ntait pas dplaisante. Ses visites lui donnaient loccasion de stopper le tic-tac inexorablement rptitif qui constituait son environnement ; elles permettaient de faire une coupure. Ces instants avec elle taient comme une rcration.

    En quittant sa boutique, rue de Bellechasse, la tte protge par une charpe, les mains enfoncs dans son caban bleu marine, le jeune homme ne vit pas les rideaux de son appartement bou-ger, il ne vit pas le petit coucou de la main de la vieille femme, il

  • 15

    navait quune envie : prendre un bain bien chaud et souvrir une bonne bouteille de bordeaux.

    ***

    Betty venait tout juste de rentrer quand linterphone retentit. Ctait ainsi quelle sobstinait nommer la petite cloche que les visiteurs devaient actionner afin de se faire annoncer. La jeune

    femme sortit son poudrier et se tapota les joues dj bien colores. En sortant dans la courette qui menait au portail, elle finit de retoucher

    sa coiffure et rajusta son bustier. Une copine de casting lui avait conseill dtre en toute occasion irrprochable : les impressions se faisant au premier coup dil, il tait hors de question dapparatre sous un jour mdiocre, mme pour rpondre au facteur.

    Le visiteur tait un homme denviron trente ans au visage fin,

    bien habill. Probablement un proche dun de ses colocataires car elle ne le connaissait pas.

    Je suis Flicien, un membre de la famille de Maxime. Je sup-pose quil ne vous a jamais parl de moi.

    Betty, pousse par le got du mlodrame et dsireuse den savoir davantage sur son bien-aim, dcida de faire confiance

    linconnu. Elle remarqua de suite une fort jolie (et srement trs coteuse) bague son annulaire ; ce dtail la conforta dans lide quune mauvaise personne ne pouvait porter un si beau bijou.

    La jeune femme linvita sasseoir sur le divan et lui proposa un caf ou un th.

    Maxime nest pas trs bavard, lana-t-elle en disparais-sant dans la cuisine. Je nai encore rencontr aucun membre de sa famille. croire quil nen a pas.