singapour - les 50 glorieuses

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Le Magazine 100% Red Dot du site lepetitjournal.com SINGAP ur o o N˚3 – FEV | AVRIL 2015 LES 50 GLORIEUSES 50

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Le Magazine 100 % Red Dot du site lepetitjournal.com – N˚3 Fev/Avril 2015

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Le Magazine 100% Red Dot du site lepetitjournal.com SINGAP uroo

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Edito

50 Années, 50 Glorieuses. La formule de Jean Fourastié n’a pas pris une ride pour décrire la fabu-leuse période de croissance et de transformation

qu’a connue Singapour depuis son indépendance. Petite Red Dot à l’extrémité de la péninsule malaise, la

cité-Etat, grâce à ses fondateurs et au premier chef, Lee Kuan Yew, qui, de 1959 à 1990, a été à la tête du pays, s’est inventé un destin autonome qu’elle n’avait pas souhaité. Elle a magistralement transformé l’essai, faisant de ses faiblesses un avantage, jouant à fond l’intégration dans le jeu mondial, planifiant tout et se réinventant sans cesse. A voir ce qu’elle est aujourd’hui, on peine à imaginer la réalité en 1965, et les difficultés auxquelles elle s’est trouvée confrontée en che-min. Singapour, en 2015, brille sur tous les fronts. Mais à l’instar des 30 glorieuses ailleurs, la cinquantaine marque le passage à une certaine maturité. Nul doute, comme le Premier ministre Lee Hsien Loong le mettait en perspective lors de ses vœux aux Singapouriens, que l’avenir de Singapour pour les 50 prochaines années s’annonce prometteur. Pour autant, la cité-Etat se trouve confrontée à de nombreux challenges. La

tentation était belle de célébrer à travers ce numéro les succès de Singapour, tout en empruntant certains chemins de traverse, en portant sur la cité-Etat un regard plein d’admiration et de

bienveillance, où l’on tente d’envisager, au-delà des réussites et des défis du moment, quel sera l’avenir de la Petite Red Dot au cours des prochains 20, 30 et même 50 ans. n

L’équipe de l’édition lepetitjournal.com/singapour www.lepetitjournal.com/singapour

50 Années, 50 Glorieuses

« … As from today… Singapore shall be forever a sovereign democracy and independent nation, founded upon the principles of liberty and justice and ever seeking the welfare and happiness of her people in a more just and equal society. » Lee Kuan Yew

Déclaration d’indépendance, 9 août 1965

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Sommaire

Numéro 3 Février | Avril 2015

3 Edito

6 Fil RougeLes évènements marquants des derniers mois sur lepetitjournal.com de Singapour

8 DossierLes 50 Glorieuses

30 Singapour Autrement30 • Les médias sociaux : acteurs clés de la formation de

l’opinion à Singapour32 • Singapour ne manque pas d’air…34 • Derrière les tours, un pays de traditions

36 Les Français à Singapour36 • 50 ans de présence française 38 • Singapour, l’endroit parfait pour monter une

entreprise40 • Heureux comme un expat à Singapour

44 Agenda, sélection de la rédactionEvénements à ne pas manquer

50 Escapade GourmandeSaveurs du monde, la Méditerranée à l’honneur

MCI (P) 120/04/2014Editeur Fil Rouge Pte. Ltd / Directeurs de la publication Bertrand Fouquoire, Elodie Imbert, Christine Leleux / Rédacteur en chef Bertrand Fouquoire / Rédacteur en chef Adjoint Anne Pouzargues / Rédaction Raphaëlle Choël, Bertrand Fouquoire, Anne Garrigue, Marien Guillé, Yvonne Guo, Maxime Pilon, Anne Pouzargues, Nathalie Swyngedauw, Danièle Weiler, Marion Zipfel / Agenda Nathalie Swyngedauw / Conception, Graphic Design Elodie Imbert / Publicité Christine Leleux / Impression IPrint ExpressCouverture : mosaïque © Carole Caliman ; photo principale (peinture murale) © Bertrand Fouquoire Photos remerciements spéciaux à Carole Caliman Tirage à 4000 exemplaires

SINGAP uroo

« What will the world be like in the next 50 years? No one can tell except to say that the speed of change is likely to be faster than in the last 50 years. »

Lee Kuan Yew – 2013

30 / Singapour Autrement

36 / Les Français à Singapour

8 / Dossier les 50 Glorieuses

46 Festival Singapour en France46 • Les événements clés48 • Khairuddin Hori, du SAM au Palais de Tokyo

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Fil Rouge

Quatrième édition, en décembre 2014, du Rendezvous With French Cinéma organisé par l’Institut Français, en partenariat avec l’Alliance Française et Unifrance. Invitée vedette, Juliette Binoche se plie avec simplicité et humour à la séance de questions-réponses du public, après la projection du documentaire que lui a consacré sa sœur.

Le réalisateur de Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu !, Philippe de Chauveron, est là aussi, de même qu’Audrey Dana, auteur de Sous les jupes des filles. Quand l’Al-liance Française se donne des airs de Palais des Festivals, ou invite les enfants à la plage pour Les vacances du petit Nicolas.

Le premier bébé né à Singapour en 2015 s’appelle Chloé Tham. La jeune Singapourienne est née juste après le premier coup de minuit. Une intuition qui lui vaut la célébrité et la reconnaissance des Singapouriens. Elle devient la première récipiendaire du SG50 Ju-bilee Baby Gift, une mallette conte-nant 8 cadeaux choisis minutieuse-ment au terme d’une consultation

publique, dans laquelle chacun aura pu exprimer ses fantasmes les plus exubérants : 20 000 votants, plus de 6 500 suggestions.

Sur le tapis rouge de la Petite Red Dot

Chloé, premier bébé du Jubilé

Index de la corruption : Singapour, 7ème en 2014

Deux jeunes Allemands arrêtés à Kuala Lumpur

Dans l’index international de la corruption 2014, établi par Trans-parency International, Singapour fait, sans surprise, partie des 10 pays les plus vertueux, avec une note globale de 84. Elle perd ce-pendant 2 points par rapport à 2013 et se positionne juste derrière la Suisse (6ème avec 86 pts). Le classe-ment est dominé, dans l’ordre, par le Danemark, la Nouvelle-Zélande

et la Finlande. La France pointe au 26ème rang avec 69 points. Le Gou-vernement réagit aussitôt : révision du Prevention of Corruption Act, augmentation de 20 % du nombre des agents en charge de la répres-sion de la corruption, et recours aux big data pour faire échec à la sophistication croissante des délits.

Nouvelle opération de vandalisme dans un dépôt SMRT en novembre. Les auteurs des graffitis, deux jeunes Allemands, étaient de passage à Singapour, en route vers l’Australie, via la Malaisie. Ils sont arrêtés par la police de Kuala Lumpur et extradés à Singapour. La cité-Etat ne badine ni avec la sécurité dont l’incident révèle les failles, ni avec les graffeurs. Les

intéressés, âgés de 21 ans, risquent la prison et des coups de canne. En 2010, un expatrié suisse avait été condamné pour un délit identique à 7 mois de prison et 3 coups de canne.

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Sébastien Teissier, chercheur en biologie moléculaire, travaille depuis 2006 à Singapour dans un laboratoire de recherche biomédi-cale. Il a été primé, en 2014, lors du Festival Polar de Cognac, une reconnaissance qui ne doit rien à ses activités scientifiques, mais à ses qualités littéraires. Sébastien Teissier est en effet l’auteur de romans policiers. Son

premier opus, X, généreusement nourri de références scientifiques, raconte les aventures de Lucas Moriani, agent de la police scienti-fique. Le deuxième et le troisième volet sont, paraît-il, déjà prêts. Vite, qu’on les publie !

Chef d’entreprise, présidente des conseillers du commerce extérieur de la France à Singapour, créatrice de la European Season Encore!… Jacky Deromedi, qui vit à Singa-pour depuis 20 ans, a multiplié les engagements. Elle vient de leur offrir un nouveau décor : celui du palais du Luxembourg à Paris. Elue Sénateur Représentant les Français Etablis Hors de France, elle milite

pour une pratique différente de la politique, capable de redonner la confiance et d’offrir des perspec-tives. « A Singapour, dit-elle, les projets du gouvernement se font à l’horizon 2030. Nous avons des leçons à apprendre de cette stabi-lité ».

L’ESSEC, dont le nouveau cam-pus à Singapour fut achevé en décembre 2014, vient d’annoncer le lancement du parcours Asie de son Global BBA Program, dont la première promotion devrait démarrer en septembre 2015. Le Global BBA Program est un cursus d’études en 4 ans débouchant sur un diplôme de Bachelor (Bachelor in Business Administration). Sa

particularité est qu’il offrira aux étudiants l’opportunité, dans le courant de leurs études, de suivre les cours à Singapour, en France et dans un troisième pays pendant la période d’échange international.

L’ESSEC lance le parcours Asie de son BBA

Elue Sénateur des Français établis hors de France

Scientifique français reconnu pour ses talents littéraires

Voeux 2015 : Lee Hsien Loong confiant

A l’occasion du passage à la nou-velle année, le Premier ministre de Singapour a formulé ses vœux aux Singapouriens. Au menu : le contexte international, les enjeux liés à la croissance, qui n’a été en 2014 que de 2,8 %, et la confiance en l’avenir. Un discours sobre et efficace, organisé en 4 parties (et 22 points) : contexte international ; économie ; couverture sociale-

développement-qualité de vie ; confiance en l’avenir. Message aux conseillers : « Nous ne devons jamais hypothéquer l’avenir de nos enfants pour financer notre confort présent ».

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Singapour a survécu !9 août 1965 – Des images en noir et blanc montrent Lee Kuan Yew commentant la partition d’avec la Malaisie lors d’une conférence de presse. Saisissants instantanés d’un leader submergé par l’émotion. A cet instant, l’avenir indépendant de la Petite Red Dot paraît très incertain.

Les Cinquante

Minutes historiques qui marquent le basculement du destin d’un homme et de toute une nation. Quelques semaines plus tard, d’autres images montrent un leader déterminé à réussir : « I am not here to play somebody else’s game. I have a few million people left to account for… Singapore will survive*p.11 ».

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Singapour a survécu, et de quelle manière ! En 1965, la jeune ré-publique indépendante ne peut

compter que sur sa situation géogra-phique avantageuse et l’héritage d’une tradition commerciale. Le pays manque de ressources naturelles. L’industrie est inexistante, handicapée par la pénurie de main-d’œuvre qualifiée et celle de véri-tables entrepreneurs industriels. La si-tuation des logements, où les gens vivent entassés, est déplorable. Le chômage touche 10 % de la population active.

50 ans plus tard, Singapour est de-venue l’un des pays les plus riches du

monde en termes de PIB par habitant (4 500 US$ en 1965 vs 52 052 US$ en 2013). La cité-Etat excelle dans de nombreux domaines : l’économie, mais aussi l’urbanisme, la santé, l’éduca-tion, le logement, l’environnement ou la culture. Et pourtant, le chemin n’a pas été sans embûches. Petit pays par sa taille, très exposé aux évolutions de son environnement international, la cité-Etat a « survécu » plusieurs fois : au trou d’air en 1985-1986, à la crise financière asiatique en 1997, à la mini- crise électronique en 2001, à l’épidé-mie de SRAS en 2003 et à la crise des subprimes en 2008-2009.

D’abord assurer la sécurité écono-mique et le confort de ses habitantsComment y est–elle parvenue ? Grâce à une démarche intransigeante sur deux aspects : l’harmonie des différentes communautés à l’intérieur de la socié-té et la lutte contre la corruption. Par une approche pragmatique, planifiée et volontariste, et par le primat donné à l’économique. L’enjeu dès les premières années est d’assurer la sécurité écono-mique et le confort de ses habitants. Il est considéré comme au moins aussi im-portant que les impératifs de Défense et de Sécurité. La croissance et son corol-laire, la productivité, resteront tout au

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Dossier

long de l’histoire récente de Singapour au cœur du discours politique, comme le composant essentiel d’un équilibre qui ne peut se passer du mouvement, le ferment du bien-être des Singapouriens et de l’unité du pays.

Un mix inédit de planification étatique et de libre concurrenceSur le terrain économique, le défi consis-tait à passer d’une activité de produits semi-finis à une exportation de produits finis, puis à monter en gamme vers des produits à forte valeur ajoutée. Singapour met en oeuvre une démarche agressive d’attraction des capitaux étrangers. L’in-térêt est double : les sociétés étrangères n’apportent pas seulement des capitaux et le savoir-faire mais aussi les mar-chés pour leurs produits. Pour mettre en scène son attractivité, Singapour ne lésine pas sur les moyens : qualité des infrastructures, aussi bien matérielles (port de Singapour, aéroport de Changi, réseau routier, aménagement de zones industrielles…) qu’immatérielles (stabi-lité politique, environnement juridique, finance, éducation, recherche, urba-nisme, culture…). Dans une hybridation unique de planification étatique et de libre concurrence, l’Etat, via sa Temasek Hol-dings, est à la manœuvre pour faire émer-ger des champions nationaux : Singapore Airlines, SMRT, CapitaLand, Keppel Corp, SingTel… Les institutions – URA, HDB, EDB, Alliance Tripartite… – sont créées les unes après les autres et toutes organisées autour d’un même objectif : mettre en place les conditions d’un dé-veloppement rapide et harmonieux de la cité-Etat.

Les défis de la maturitéAu moment de fêter son cinquantenaire, il est naturel que Singapour soit aussi confrontée aux défis de la maturité. Si la croissance reste au cœur du système, son rythme s’est ralenti et elle n’a plus la même signification pour une popula-tion singapourienne parvenue, globale-ment, à un très haut niveau de confort matériel. Restent les enjeux collatéraux,

En 1965, Singapour manque de tout. L’industrie est inexistante ; le chômage touche 10 % de la population active ; la situation du logement est déplorable

Deux exemples de la réussite de Singapour : l’aéroport de Changi et les HDB, 80 % des Singapouriens vivent dans ces derniers et parmi ceux-ci, 90 % sont propriétaires de leur logement

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ceux d’une population qui devrait conti-nuer de grandir, mais le fera davantage par le jeu de l’immigration que de la croissance naturelle. Une population de Singapouriens et Permanent Residents (PR) qui vieillit et dont la cohabitation avec les « travailleurs étrangers » est potentiellement génératrice de tensions. Ceux aussi d’inégalités croissantes entre les plus riches et ceux qui ont le moins profité du développement économique. Ceux encore d’une société devenue très matérialiste et individualiste et d’un questionnement des Singapouriens sur leur identité.

A plusieurs reprises, notamment lors de la publication d’un livre blanc sur la population qui formulait une hypothèse de 6,9 millions d’habitants en 2030, ou bien lors des élections en 2011, le pou-voir politique a été alerté publiquement des tensions que ces enjeux généraient parmi la population. En 2013, il a réagi en lançant « Our Singapore Conversation », une consultation publique dans laquelle il s’agissait rien moins que de dessiner une nouvelle feuille de route, pourquoi pas pour le prochain cinquantenaire.

Une feuille de route en 12 chapitresQu’ont dit les Singapouriens à cette occasion ? La synthèse des discussions a fait ressortir 12 axes de réflexions pour la société de demain : une société 1- Qui propose des définitions différentes du succès ; 2- Qui offre un rythme de vie plus épanouissant ; 3- Qui s’appuie sur une économie forte et dynamique ; 4- Qui entretient les valeurs de la famille ; 5- Où la vie est abordable ; 6- Où les gens peuvent vieillir avec dignité ; 7- Qui prend soin des plus désavanta-gés ; 8- Qui prend grand sens du vivre ensemble ; 9- Pour les Singapouriens ; 10- Où le gouvernement et la population ont une plus grande relation de colla-boration ; 11- Ancrée dans ses valeurs ; 12- Avec un gouvernement compétent et digne de confiance. n

Bertrand Fouquoire

(*) « Je ne suis pas là pour faire le jeu de qui que ce soit. J’ai encore quelques millions de personnes dont je suis responsable. Singapour survivra ».

Lee Kuan Yew, 1965

50 ans après l’indépendance, Singapour est confrontée aux défis de la maturité : démographie, inégalités, immigration. La famille est au coeur de la feuille de route de la cité-Etat pour le prochain cinquantenaire

Illustrations : « Jelly baby Family » par l’artiste Mauro Peruchetti. « Happy family of 5 » de Chua Boon Kee

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Dossier

Le bâtiment du Parlement actuelEn incrustation : Old parliament house a abrité les débats du parlement de 1965 à 1999Depuis 2004, le bâtiment rénové – The Arts House – accueille événements culturels et spectacles.

Le Système Politique : L’héritage de Westminster et des innovations

Après la Seconde Guerre mondiale, Singapour se voit accorder une autonomie de

plus en plus grande, débouchant en 1959 sur un gouvernement auto-nome. Quand elle devient indépen-dante en 1965, après l’échec de la Fédération de Malaisie, Singapour hérite des fondements politiques du système de Westminster, qu’elle va transformer progressivement en un modèle unique en son genre.

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Système de WestminsterLe système de Westminster est un sys-tème démocratique de gouvernement fondé sur celui qui existe au Royaume-Uni. Ce système définit une série de règles où le pouvoir principal est dé-tenu par le pouvoir législatif (régime parlementaire). Dans ce système, les membres du Parlement sont élus par le vote populaire. Le parti politique qui remporte le plus de suffrages voit son leader devenir chef du gouvernement suite à sa nomination par le chef de l’État (actuellement Tony Tan).

Le chef de l’État est théoriquement détenteur du pouvoir exécutif et de nombreux « pouvoirs de réserve », mais son rôle est souvent protocolaire. Le pouvoir exécutif est entre les mains du Cabinet, composé de ministres, membres du Parlement. Le système de Westminster peut être unicaméral ou bicaméral. A Singapour, au vu de la taille du pays, une seule chambre par-lementaire est suffisante.

Le Parlement est surtout un lieu de débats. C’est le Cabinet qui possède la réalité du pouvoir. Le Premier ministre

a le pouvoir de dissoudre le Parlement, et celui, de manière générale, de déclen-cher des élections à tout moment, dans un délai variable selon les pays (5 ans à Singapour).

La plupart des pays utilisant le sys-tème de Westminster l’ont codifié dans une constitution écrite. A Singapour, celle-ci a été adoptée en septembre 1963 et est entrée en vigueur le 9 août 1965.

3 originalités de Singapour Le système politique à Singapour a connu des évolutions majeures,

Répartition des membres et groupes poli-tiques en 2013

Depuis 2000, Singapour a son Speakers’ Corner à Hong Lim Park. Son utilisation, très règlementée, est réservée aux Singapouriens

Deux figures du parti d’opposition, le Wor-kers’ Party, au Parlement : Gerald Giam (depuis 2012) et Sylvia Lim (2006-2011)

MEMBRES GROUPES POLITIQUES

87 MPs PAP (80)

3 NCMPs WP (7+2 NCMPs)

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Dossier

qui sont autant d’innovations propres à la cité-Etat.

Première innovation en 1984, à l’ini-tiative de Lee Kuan Yew : les NCMPs (Non-Constituency Members of Parlia-ment) sont créés qui permettent de faire participer aux débats parlementaires des membres des partis d’opposition qui n’ont pas réussi à être élus. De 3 à l’origine, leur nombre est passé à 9 en 2010.

Deuxième innovation en 1991 : la mise en place des NMPs (Nominated Members of Parliament) par Goh Chock Tong. Les NMPs sont des membres de la société civile qui sont nommés par le gouvernement pour faire partie du parlement. Ils ont très peu de pouvoirs mais sont censés, de par leur expertise, apporter des informations sur la société et faire avancer les débats. Pour le parti au pouvoir, c’est un moyen de coopter les membres de l’élite. Leur mandat est passé en 2010 de 2 ans à 2 ans 1/2.

Troisième innovation, en 1988, avec la création des GRCs (Group Repre-sentation Constituencies). Les GRCs sont des circonscriptions électorales qui fournissent un groupe de sièges au Parlement. Elles se distinguent à ce titre des SMCs (Single Member Constituen-cies) qui n’en fournissent qu’un. Lors des élections législatives de 2011, on comptait 12 SMCs et 15 GRCs fournis-sant de 4 à 6 sièges par groupe. L’objec-tif des GRCs est de faire des économies d’échelle et de simplifier l’administra-tion. Leur taille varie à chaque élection et est connue à des dates variables avant le scrutin. En 2001, la date avait été annoncée une semaine avant le Nomi-nation Day. Elle a été donnée respec-tivement 7 semaines avant et 2 mois avant, en 2006 et en 2011. Une autre spécificité des GRCs tient au fait que les candidats doivent appartenir à une des minorités malaise, indienne ou eura-sienne afin d’assurer la représentation des minorités au parlement. n

Maxime Pilon et Danièle Weiler

A Singapour, c’est le People’s Action Party (PAP) qui est au pouvoir depuis 1959. Depuis cette date, le pays n’a connu que 3 Premier ministres :

Lee Kuan Yew (1959-1990)Goh Chok Tong (1990-2004)Lee Hsien Loong (depuis 2004)

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Dossier

La déesse croissance chevauchant la productivité

Tentation de la croissance douceDans les années 70, en France, alors que s’achevaient les 30 Glorieuses, le mouvement de la croissance douce avait occupé les débats. La France avait connu une croissance durable et soutenue, cer-tains s’interrogeaient sur le sens de cette croissance et sur la consommation en général. Dans des termes différents, un débat similaire existe à Singapour : quel sens y-a-t-il à maintenir un haut niveau de croissance, si celui-ci ne profite qu’à une partie des Singapouriens et s’il induit un flux constant de travailleurs étrangers, des prix de l’immobilier qui s’envolent et l’émergence de toutes les contraintes (trafic, pollution…) inhérentes aux méga-poles modernes ?

Entre la tentation d’une pause et le maintien de l’objectif de croissance, le débat a été tranché. En 2012, s’adressant à la « société économique de Singapour », le Premier ministre, Lee Hsien Loong, rappelle en quelques mots la réalité de la compétition avec d’autres grandes cités globales telles que Shanghai et Mumbai, et pose la question : « veut-on faire partie des cités globales ou rester là où nous sommes actuellement pendant que le monde va de l’avant ? » Une pause, fait-il valoir, aurait pour conséquence moins d’investissements, moins d’emplois de qualité, plus de chômage, et entraînerait une fuite des talents vers des places plus attractives. Dans cette hypothèse, les bas revenus seraient les plus touchés, comme ce fut le cas à chaque fois que l’écono-mie de Singapour a ralenti au cours de la dernière décennie.

6.9 millions d’habitants, pour quoi faire ?En 2013, la question du modèle idéal

En 2014, la croissance à Singapour a été de 2,8 %. Un chiffre médiocre dans un pays habitué,

depuis 1980, à un taux de crois-sance moyen de 6,8 %. Grippage ou contrôle ? Si la croissance a toujours été mise en avant comme la condition essentielle du mieux être pour tous, le social, au sens large, influe aujourd’hui sur le tempo.

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« A sustainable population for dynamic Singapore »

« Nous devons trouver le bon équi-libre. Si nous faisons trop peu pour relever le défi démographique, nous risquons de devenir une société qui vieillit rapidement, perdant sa vitalité et sa verve, les plus jeunes quittant le pays pour rechercher des opportunités ailleurs. Mais si nous accueillons trop d’immigrants et de travailleurs étrangers, nous allons affaiblir notre identité nationale et notre sentiment d’appartenance et aurons l’impression d’être à l’étroit dans notre propre maison ».

Extrait du livre blanc sur la population – 2013

de croissance refait surface avec le livre blanc sur la population et l’hypothèse de 6,9 millions d’habitants en 2030, dont 36 % d’étrangers (PR non compris) en 2030. En jeu cette fois : la nécessité – sociale – de maintenir, grâce à l’immigra-tion, un équilibre des générations dans un contexte de faible fécondité et de vieillis-sement de la population, et celle – écono-mique – de donner aux entreprises instal-lées à Singapour les moyens humains de supporter la croissance de leurs activités. Oui, mais 6,9 millions d’habitants, pour quoi faire ? s’étaient émus les Singapou-riens, inquiets des conséquences néga-tives d’une politique d’immigration trop ouverte sur leurs emplois, leur confort de vie et la société en général.

« Créer de bons emplois pour tous »En janvier 2015, lors de ses vœux aux Singapouriens, le Premier ministre fait à nouveau de la croissance un thème central de son allocution. Il en souligne l’importance : « pour créer de bons em-plois pour tous et bien gagner sa vie, de telle sorte que comme nation, nous puis-sions investir dans les hommes et dans notre futur ». Commentant le niveau de la croissance en 2014, il indique que sa relative faiblesse est en partie liée à la

volonté du gouvernement d’assurer les conditions d’une croissance durable, fon-dée sur les gains de productivité, y com-pris en restreignant le recours à la main d’œuvre étrangère. La déesse croissance reste essentielle pour pourvoir au confort de tous, écarter les fléaux du chômage ou de la stagnation des salaires, et financer l’amélioration de la protection sociale. Elle est cependant encadrée. Qualité de vie et questions de société sont désor-mais au centre des préoccupations. Les maîtres-mots sont productivité et effi-cacité. Un défi face auquel la cité-Etat a bien l’intention de briller, malgré les performances décevantes en 2013/2014, en investissant sur les compétences et sur les technologies appliquées à la « smart city ». n

Bertrand Fouquoire

Lee Hsien Loong aux Singapouriens en 2012 : « Veut-on faire partie des cités globales, telles que Shanghai ou Mumbai, ou rester là où nous sommes pendant que le monde va de l’avant »

Les chiffres clés de Singapour en 2014 (source : FMI)

Population : 4,47 millions d’hab (projection 2030 : 6,9 millions)PIB : 298 025 millions USD (France : 2 734 000 ; Suisse : 650 000)PIB/hab : 53 671 USD (France : 44 730)Taux de croissance : 2,8 % en 2014 (3,9 % en 2013 - projection 2015 : entre 2 et 4 %)Taux de chômage : 1,8 % (2013)

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inquante ans…

Années 60-70

Années 80

1973, ancien National Stadium of Singapore Premiers dollars émis en 1967, la série ‘Orchid’

10 mars 1965 Explosion du MacDonald House par des terroristes indonésiens

7 août 1965 Singapour et la Malaisie signent un accord de sépa-ration

1967 Instauration du Service National (2ans 1/2) pour tous les Singapouriens âgés de 18 ans

21 septembre 1965 Singapour devient le 117ème membre de l’ONU12 juin 1967 Emission du 1er dollar singapourien8 août 1967 Singapour est membre fondateur de l’ASEAN1968 Création du CPF, Housing scheme permettant aux

Singapouriens d’utiliser l’épargne CPF pour acheter un logement HDB

31 mai 1969 Emeutes raciales15 septembre 1972 Inauguration de la première statue du Merlion, à

l’embouchure de la Singapore River1973 Construction du National Stadium

1981 Entrée en fonctionnement de l’aéroport international de Changi, construit sur le site du camp japonais Changi

29 janvier 1983 7 morts dans un accident du Singapore Cable Car, heurté par une plateforme pétrolière panaméenne (Eniwetok)

1984 Création des Non-Constituancy Members of Parliament2 au 4 décembre 1985

Pour la première fois dans toute l’histoire de Singa-pour (et la seule à ce jour), la Bourse de Singapour (SES, aujourd’hui SGX) ferme pendant 3 jours après l'effondrement de Pan-Electric Industries

1987 Première ligne de métro (MRT - Mass Rapid Transit) reliant Yio Chu Kang à Toa Payoh

1985, crash historique de la bourse de Singapour

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en quelques dates

1965, Singapour devient membre de l’ONU1967, Singapour est membre fondateur de l’ASEAN

1981, début de la construction de Changi International Airport ; les 2/3 de Changi Air Base sont acquis en 1975 par le gouvernement singapourien pour la construction de l’aéroport actuel (Ci-dessus, Changi T3 en 2015)

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Dossier

Années 906 juillet 1990 Mise en service de la East West Line du MRT22 novembre 1990 Achèvement du Terminal 2 à Changi28 novembre 1990 Goh Chok Tong devient le 2ème Premier ministre de

Singapour26-27 mars 1991 Détournement de l’avion Singapore Airlines Flight

117 par un commando pakistanais ; intervention des forces spéciales de Singapour ; tous les preneurs d’otages sont tués, ces derniers sont libérés

5 mai 1994 Un adolescent américain, Michael P Fay, est condamné à des coups de canne pour vandalisme

1999 Singapour passe en récession dans le contexte de la crise asiatique

2000 +1er septembre 2000 Ouverture du Speakers’ Corner à Hong Lim Park2001 à 2003 Récession27 décembre 2001 Singapour touchée par l’ouragan Vamei (rare : 1 fois

tous les 100-400 ans)2002 Achèvement de l’Esplanade

Singapore Duck race – 123 000 canards en plastique font la course ; le vainqueur entre au musée

Avril 2003 Singapour affectée par le SRAS29 octobre 2003 Ouverture de Biopolis12 août 2004 Lee Hsien Loong devient le 3ème Premier ministre de

Singapour18 avril 2005 Accord pour légaliser le jeu et autoriser la construc-

tion de deux « Casino Resorts »21 mars 2008 Le terroriste de Jemiah Islamiah Mas Selamat

s’échappe de prisonSeptembre 2008 Singapour en récession dans le cadre de la crise des

subprimes2010 Achèvement de Marina Bay Sands7 mai 2011 Le PAP cède son siège de Aljunied au Workers’ Party2012 Achèvement de Gardens By the Bay16 février 2013 Plus de 3000 Singapouriens protestent contre le livre

blanc sur la population au Speakers’ Corner13 décembre 2013 Emeute à Little India2014 Achèvement du Sports Hub

La condamnation de l’adolescent américain Michael P Fay à des coups de canne pour des faits de vol de panneaux routiers avait suscité beaucoup d’émotion aux Etats-Unis et entraîné l’intervention de Bill Clinton

En haut, l’Esplanade, achevée en 2002, est un lieu de culture pour tous les publicsEn bas, dans l’oeil du cyclone : photo de l’ouragan Vamei qui a frappé Singapour en 2001

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Ouverture de la ligne East West du MRT en 1990 ; à droite, la station EunosLa première rame de métro avait été inaugurée en 1987

Toujours en développement, l’aéroport de Changi inaugure en 2008 son troisième terminal Nouvelle icône du Singapour touristique, Marina Bays Sands, à cette époque, est encore en constructionCelle-ci s’est achevée en 2010

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Dossier

Des bonnes notes au bien-être

L’éducation, fer de lance de la société singapourienne

De l’école maternelle à l’uni-versité, l’éducation est un des piliers de la société sin-

gapourienne. Le système éducatif est contrôlé par le Ministère de l’édu-cation, qui s’occupe notamment de distribuer les fonds aux écoles publiques : près de 20 % du budget de l’Etat y est destiné. Tout est fait pour que les élèves singapouriens soient parmi les plus compétitifs du monde.

Le système éducatif commence par l’école maternelle et l’école primaire. Dès le secondaire, les

élèves sont amenés à s’orienter vers des classes classiques et académiques, ou vers des classes plus techniques. La classe intégrée conditionne ensuite les études supérieures, qui se répartissent entre des cursus à l’université, dans les écoles polytechniques ou dans les Junior College.

De bons résultats…Singapour est, depuis une dizaine d’années, l’un des pays où les élèves obtiennent les meilleurs résultats. Cette année encore, le pays ne déroge pas à la règle : lundi 5 janvier 2015, les élèves singapouriens ont obtenu les meilleurs résultats du baccalauréat international (IB) en Asie-Pacifique. Sur les 2 000 élèves à avoir passé l’IB, 66 ont obtenu le score maximal de 45 points.

Cette réussite des étudiants peut s’ex-pliquer par la centralisation de l’éduca-tion. A Singapour, le curriculum scolaire est strictement défini par l’Etat, et les écoles reproduisent le modèle hiérar-chique traditionnel de la société. David Hogan, professeur à l’Université du Queensland en Australie, a étudié le système éducatif singapourien. Pour lui, « le système éducatif à Singapour se concentre principalement sur la trans-mission du curriculum national et sur les performances aux examens. Et cela est clairement réussi, puisque le système génère de bons résultats à tous les exa-mens nationaux et internationaux ».

… mais peu de place à la créativitéCependant, l’éducation singapourienne

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a également ses limites. Le système strict et les examens fréquents sont souvent à l’origine de stress, et laissent peu de place à la créativité. Quelques voix issues du gouvernement invitent à réformer l’éducation. Dans une tribune publiée dans le Straits Times en octobre 2013, Laurence Lien, membre du Par-lement, incite à assouplir et élargir le système éducatif : « Aujourd’hui, Sin-gapour se concentre surtout sur l’excel-lence académique. Pourtant, avoir de bons résultats aux examens ne permet pas forcément de former des étudiants épanouis et motivés ». Pour Monsieur Lien, qui est une grande figure de la défense des droits sociaux à Singapour, il est important de recentrer l’école sur l’enfant. « La philosophie de l’école doit être centrée sur le bien-être de l’en-fant », dit-il, « et les examens doivent avoir pour but de mettre en avant la pro-gression de l’élève, et non pas d’être un élément de comparaison et de compéti-tion avec les autres élèves ».

Quel avenir pour l’école singapourienne ?Quelques initiatives ont été mises en place à Singapour pour ouvrir l’école

à la créativité et combattre le stress. Ainsi, dès 2004, le Premier ministre Lee Hsien Loong a lancé la campagne Teach Less, Learn More, qui appelait les professeurs à s’éloigner du curriculum national pour leur permettre de prendre plus d’initiatives et de proposer des acti-vités culturelles et créatives en marge de l’enseignement traditionnel. Plus de 10 ans après, quels en sont les résultats ? Selon le National Institute of Education, les curriculum ont été réduits de 10 à 20 % depuis 2004, et davantage de place a été laissée aux activités extra-scolaires. Tout cela sans que les résultats aux examens nationaux aient baissé.

S’il reste sûrement du chemin à par-courir pour permettre aux étudiants de tous âges de s’épanouir personnellement et intellectuellement, Singapour reste toutefois un bon exemple d’un système éducatif performant. En mettant l’école et les professeurs au centre de la société et en allouant à l’éducation un budget et des moyens suffisants, Singapour a définitivement choisi le chemin d’une société apaisée et performante. n

Anne Pouzargues

En haut – Sous les palmiers, le savoir : NUS Faculty of Engineering

A droite – Graffiti à Haji Lane, par le groupe singapourien ZNCPas assez créatifs, les jeunes Singapouriens ? Trop d’examens, trop de stress, l’école se recentre sur plus d’initiatives et d’activités culturelles

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Dossier

Quand « Fun is a serious business », 50 ans de construction de la marque Singapour

En 50 ans, Singapour s’est his-sée au rang des nations les plus développées.

Longtemps étiquetée comme une ville d’affaires autoritaire, efficace, sérieuse mais ennuyeuse, elle soigne son image pour devenir une ville glo-bale, dynamique, branchée et même artiste. Décryptage d’une campagne de com-munication bien orchestrée.

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Texte de Maxime Pilon et Danièle Weiler

240 pages, 270 illustrationsOuvrage disponible chez Kinokuniya

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Dossier

« C’est du marketing »En 1960, lors d’une conférence, le père fondateur et Premier ministre de Singa-pour, Lee Kuan Yew, évoque son ambi-tion de faire de la cité-Etat une destination majeure du tourisme. Comment un pays sans culture, sans site touristique, sans hôtel, sans infrastructure, lui demande un journaliste, peut-il prétendre à deve-nir une destination touristique ? Réponse de Lee Kuan Yew : « Perception. Il ne s’agit pas de ce qui existe mais de ce que les gens pensent qu’il existe ici. C’est du marketing ». Une anecdote qui illustre à quel point la construction de la « marque Singapour » a très vite été perçue comme essentielle. La Singapore Girl et les chewing-gumsPour mettre en place le développement économique du pays en 1965, il faut le rendre attractif. La question de l’image de Singapour est donc cruciale. Le pays développe les infrastructures, s’impose comme une destination stable et connaît une formidable croissance. Partout on vante le miracle économique. Des marques fortes comme Singapore Air-lines et la Singapore Girl, habillée par Pierre Balmain, deviennent des icônes de Singapour à l’étranger.

Cependant, si l’image de Singapour est associée à la réussite économique, elle l’est aussi à un régime musclé et… à l’in-terdiction de mâcher du chewing-gum.

Singapour doit devenir « fun »Dans les années 1990, le Premier mi-nistre, Goh ChokTong, tente de palier ce déficit d’image. « Fun is a serious busi-ness » aurait dit George Yeo, l’un des personnages clés du cabinet du Premier ministre. Le ton est donné. Singapour doit devenir « fun ». Dans la palette du gou-vernement, il y a le tourisme, les sports et la culture.

Dans le tourisme, Singapour se lance dans le développement tous azimuts de parcs d’attractions, d’hôtels de luxe et de

Dans l’esprit des gens, Singapour est associé au charme de la Singapore Girl, à la modernité du Sports Hub, mais aussi… à l’interdiction du chewing-gum

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resorts intégrés avec les casinos à Marina Bay Sands et Sentosa. Aujourd’hui, le poids du secteur représente 6,5 % du PIB.

Grand prix F1, avec Jennifer LopezCôté sports, la cité-Etat rentre, en 2008, dans le club très fermé des organisateurs de grands prix F1, avec une course qui, différenciation oblige, se déroule la nuit, accompagnée de force paillettes, concerts et soirées, et la participation de stars populaires comme Jennifer Lopez. En juin 2104, Singapour fait encore dans le gigantisme – image toujours – avec

l’inauguration du Sports Hub.

Dans le domaine de la culture, Singa-pour investit des moyens colossaux. 10 millions de dollars sont investis pour convertir d’anciens baraquements de l’armée britannique des années 1930 en un complexe, Gillman Barracks, qui regroupe depuis 2012 plusieurs galeries d’art. En 2010, Singapour fait appel à Lorenzo Rudolf, ancien directeur d’Art Basel, pour organiser une grande foire d’art à Singapour. Un an après, Art Stage démarre, avec l’ambition de faire de Singapour une place qui compte dans le monde de l’art. Les projets, les foires et les festivals se multiplient. Quand la National Gallery ouvrira ses portes fin 2015, après 4 ans de travaux, elle s’impo-sera, avec ses 64 000 m2, soit l’équivalent du musée d’Orsay, comme le plus grand musée d’art moderne d’Asie du Sud-Est.

« Aujourd’hui, les principales com-posantes de la marque Singapour sont les suivantes : une nation cosmopo-lite, ouverte au monde, un refuge de stabilité au cœur de l’Asie » explique Koh Buch Song, l’auteur de Brand Singapore. « Je pense que pour les 50 prochaines années, la formule restera la même, avec quelques variations, en fonction des défis à venir ». n

Marion Zipfel

« Aujourd’hui, les principales composantes de la marque Singapour sont les suivantes : une nation cosmopolite, ouverte au monde, un refuge de stabilité au coeur de l’Asie »Photo du haut – Les an-ciennes casernes de Gillman Barracks abritent désormais des galeries d’Art

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Dossier

Quel était le statut du théâtre à Singapour

quand vous avez débuté ?

Le théâtre est resté longtemps une pratique d’amateurs. Cela a commencé à changer à la fin des années 70 avec le cinéma, la télévision, lorsqu’on a pris conscience du potentiel éco-nomique de la culture. Avant, la seule manière qu’avait un artiste de vivre de son art était d’enseigner. Etudier la musique n’était qu’une question d’inté-rêt personnel. On ne pouvait songer en faire son métier. Jusqu’à sa mort, mon père

« Unique en son genre, le curriculum de l’Intercultural Theatre Institute mixe théâtre asiatique, théâtre occidental et théâtre anglais »

SASITHARAN Multiculturalisme,

terreau pour les arts

Homme de théâtre, Sasitharan a multiplié les casquettes au cours

de sa carrière. Il est actuelle-ment Directeur de l’Intercultu-ral Theatre Institute, une école qui fait de l’hybridation cultu-relle le terreau de sa formation au théâtre.

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m’a demandé : mais pourquoi ne fais-tu pas un réel travail ? C’est difficile pour les gens de comprendre ce que nous faisons. J’ai eu la chance de me trouver au coeur de cette trans-formation, riche d’une dizaine d’années d’expérience dans le théâtre.

Qu’est-ce qui vous a amené à fonder l’ITI ?J’ai fondé l’Intercultural Theatre Institute en 2000 avec mon ami Kuo Pao Kun, qui dirigeait à cette époque la Practice Performing Arts School. Il voulait arrêter, mais cela signifiait que les jeunes comédiens n’auraient pas de solution alternative à Singa-pour. Ensemble, nous avons créé un nouveau curriculum, sur 3 ans, qui mixe théâtre asiatique, théâtre occidental et théâtre anglais. Cela n’existe nulle part ailleurs en Asie. Au début, les participants venaient essentiellement de Singapour et de Malaisie. Puis ils sont venus de Chine, de Hong Kong ou du Japon. Puis de Pologne, Mexique, Argentine…

Pourquoi l’avoir créé à Singa-pour ?C’est l’un des meilleurs en-droits au monde pour accueillir cette démarche interculturelle parce que les Singapouriens ont l’habitude des différences.

Quand nous avons présenté ITI au Japon, les Japonais n’étaient pas intéressés par autre chose que le théâtre japonais. La chance de Singa-pour, c’est d’être une nation jeune. Elle n’est pas encombrée par une civilisation multimil-lénaire. Singapour a sa propre façon d’être asiatique. Elle est caractérisée par la pluralité des cultures. Le théâtre est dans la rue avec l’opéra chinois. Il y a la présence des religions avec leurs rituels, sur lesquels on s’est beaucoup appuyé dans la phase de construction de la nation. Les Singapouriens sont élevés dans le respect des autres cultures. Mon goût pour l’interculturalité vient de ce background.

Comment caractériser votre démarche ?Il s’agit de donner l’occasion de toucher du doigt les diffé-rences culturelles dans le cadre d’interactions positives. C’est difficile de se débarrasser de sa propre culture. Quand les élèves font du Tai Chi, qu’ils travaillent sur leurs muscles ou leur respiration, ils s’aper-çoivent que tout le monde a un corps… On s’aperçoit aussi que le besoin de traduction va bien au-delà des mots. On peut jouer Shakespeare en chinois. Quand ils le font, les comédiens finissent par s’ouvrir, par voir

les choses différemment.

Qui sont les participants ?Les comédiens ont entre 25 et 35 ans. Le plus âgé en a 40. Ils vivent en ville dans des HDB. Ils veulent faire du théâtre d’une manière différente. Un étudiant philippin, par exemple, originaire d’un petit village de la région de Mindanao, travaille désormais avec différentes communautés en utilisant le théâtre pour résoudre les conflits. C’est d’ailleurs ce que nous leur conseillons : après les études, il faut retourner à votre communauté.

Quel soutien avez–vous de Singapour ?Les subsides du National Arts Council représentent 20 à 25 % du budget de l’école. Le reste est financé par le sponsoring, les donations et des rentrées propres. Au début, le Natio-nal Arts Council n’était pas intéressé. Ses responsables ont été convaincus quand ils ont constaté la qualité des résul-tats. Yeo Yann Yann, qui joue la mère dans ILO ILO, le film d’Anthony Chen, a reçu un Gol-den Horse Award à Hong Kong. Quand on obtient ce type de reconnaissance, c’est plus facile d’expliquer ce que l’on fait. n

Propos recueillis par Bertrand Fouquoire

« On peut jouer Shakespeare en chinois. Quand ils le font, les comé-diens finissent par s’ouvrir, par voir les choses différem-ment »

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Singapour Autrement

La croissance des mé-dias sociaux à Singa-pour a contribué à la

diversité du débat public en offrant aux Singapouriens des lieux de rencontre et de discussion. Le gouver-

nement y avance avec pré-caution, dans le cadre d’un processus de négociation avec les internautes, laissant un plus grand espace pour commenter, et parfois criti-quer ses politiques.

Les médias sociaux :Acteurs clés de la formation del’opinion à Singapour

« Why you say you tell me you dowan tur kua when you DIDN’T say you dowan tur kua? »La première fois que les médias sociaux ont joué un rôle majeur sur le terrain politique, comme l’a raconté Cherian George, expert du domaine, remonte à 2006. Sur son blog, Alex Au avait juxtaposé la photo iconique d’un meeting du Workers’ Party, juste avant les élec-

tions législatives, avec celle d’un meeting du PAP, où peu de gens étaient présents. Un autre bloggeur, mrbrown, avait réalisé une série de podcasts satiriques. Dans un podcast, il racontait l’histoire d’un homme qui avait com-mandé du Tur Kwa (foie de cochon) dans son Bak Chor Mee (nouilles de porc) et qui en faisait le reproche au vendeur des nouilles. Une allusion directe au candi-

dat James Gomez qui avait oublié un formulaire lors de son inscription électorale et avait reproché aux fonc-tionnaires de l’avoir perdu. Dans un autre podcast, « The Stall Next Door », en 2011, il mettait en scène le client d’un hawker qui hésitait entre le kiosque du Bak Chor Mee, que sa famille fréquentait depuis 1959 (année de l’arri-vée du PAP au pouvoir), et de nouveaux stands, dont celui

du porridge Teochew (allu-sion au Secrétaire général du Workers’ Party). Pink dot vs White shirtLa tendance des grands médias à privilégier des dis-cours s’accordant avec les récits gouvernementaux ont poussé les activistes à se tour-ner vers les médias sociaux. En 2009, les militants contre la peine de mort lancent une campagne autour de l’histoire

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Un podcast saty-rique de mrbrown était une allusion à James Gomez (photo à gauche)

En 2014, la mani-festation Pink Dot (photo ci-dessus) a été suivie d’une contre-manifesta-tion Wear Wnite

de Yong Vui Kong, un Ma-laisien de Sabah condamné à mort pour avoir trafiqué de l’héroïne à l’âge de 18 ans. La campagne finit par attirer l’attention du grand public et celle du Ministre des Affaires Etrangères malaisien. En 2013, après la révision des lois sur la peine de mort pour les trafiquants de drogue, Yong voit sa peine commuée en prison à perpétuité. Dans d’autres cas, Internet est le lieu où s’affrontent les acti-vistes. En 2014, en réponse à la manifestation « Pink Dot », organisée par la com-munauté LGBT, les milieux conservateurs créent le mou-vement « Wear White » pour « défendre le mariage » et protester contre le « déclin des valeurs de la famille ». Les deux mouvements uti-lisent largement les médias sociaux, particulièrement Fa-cebook, pour gagner le sou-tien du public. Dans d’autres cas encore, Internet sert à faire justice. Le propriétaire d’un magasin de téléphones

portables à Sim Lim Square avait vendu des fausses assu-rances d’iPhone. Des vidéos circulaient, qui montraient, l’une, un touriste vietnamien obligé de supplier à genoux le vendeur de le rembour-ser, l’autre, une touriste chinoise, qui avait reçu un remboursement de 1 010 S$ en petites pièces. Des inter-nautes décident de se ven-ger. Ils mettent en ligne des informations personnelles du vendeur, tels que son numéro de téléphone, des photos en petite tenue, et des détails sur ses pratiques commer-ciales douteuses. L’intéressé doit fermer son magasin. Les internautes lancent une campagne de crowdfunding pour rembourser le touriste vietnamien.

Un demi-million de Likes pour la page Facebook du Premier ministreSi les politiques singapou-riens ne sont venus que tardi-vement aux médias sociaux, certains en sont devenus de

grands utilisateurs. C’est le cas du Premier ministre Lee Hsien Loong. Avec presque un demi-million de Likes sur Facebook, ses commentaires de l’actualité, les photos de ses déplacements mais aussi les séances de chat font le bonheur des internautes. La stratégie de diplomatie de selfies a fait des émules parmi les membres du gou-vernement. Ils ont tiré les leçons des élections de 2011 où les voix de leurs détrac-teurs avaient dominé l’espace virtuel. La croissance des médias sociaux a contribué à la diversité du débat public en offrant aux Singapouriens des lieux de rencontre et de discussion. A travers un pro-cessus de négociation avec les internautes, le gouverne-ment singapourien gère les affaires en laissant au peuple un plus grand espace pour commenter, voire parfois critiquer, ses politiques. n

Yvonne Guo

Le Premier ministre de Singapour est un utilisateur averti des nouvelles technologies. Suivant son exemple, les membres du gouvernement se lancent sur Facebook

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Singapour Autrement

Singapour ne manque pas d’air…

Car, Condo, Cash, Credit Card… Et si le cinquième C va-

lait pour… Climatisation ?

Le sujet retient peu l’at-tention des Singapouriens, mais il revient en boucle

sur les blogs d’expatriés ou de voyageurs « fraî-chement » débarqués. Car l’air conditionné, installé presque partout, fonctionne souvent à pleine puissance, rafraîchissant certes, mais parfois à l’excès.

Sueurs Froides Que serait Singapour sans aircon ? Imaginez des shophouses dont les murs ne seraient pas recouverts de générateurs d’aération. Imaginez les spectateurs du Sports Hub dont la place ne serait pas climatisée. Imaginez les nuits torrides où dormir serait un combat de toutes les gouttes. Imaginez les journées

« effet de serre » au bureau, les trajets en métro chargés d’odeurs de pointe, les malls à chaleur ambiante, les taxis façon sauna …

Le réveil sonne. Vous éteignez l’aircon de la chambre en vous levant, pour allumer celle du salon. En sortant de l’appartement, la chaleur vous happe, l’humidité vous assaille, vous êtes déjà en

eau lorsque vous attrapez le métro ou le taxi. Suit un long parcours du transpirant entre les escalators, les ascenseurs, les couloirs du métro… Toute une journée parfois sans sortir dehors. Surtout ne pas prendre l’air, pour éviter un chaud et froid. Imaginez-vous, arrivant à un rendez-vous important vêtu de votre chemise de soie dégoulinante de sueur.

Comment travailler, comment penser dans un bureau qui serait une étuve ?

Les appareils tournent sans cesse. Ce sont les coulisses dans lesquelles on met la fraîcheur en boîte. Il règne dans certains bâtiments un froid polaire et on supporte avec bonheur une petite laine au cinéma. A Singapour, l’air conditionné est une

L’homme qui faisait du froid : Willis H Carrier, inventeur de la climatisation moderne

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institution. La réussite même de la cité-Etat est d’abord le résultat de sa capacité à contrôler le climat pour permettre un mode de vie équilibré : moins tropical, plus tempéré. Lorsqu’un journaliste du Wall Street Journal lui demande en 1999 ce qu’il considère comme l’invention la plus importante du XXème siècle, Lee Kuan Yew répond : « L’humble air conditionné a changé les vies des personnes dans les régions tropicales. Avant l’air conditionné, la concentration mentale et, avec elle, la qualité du travail, se détérioraient au fur et à mesure que le jour devenait de plus en plus chaud et humide. Historiquement, les civilisations avancées ont fleuri dans des climats plus tempérés. Maintenant, les styles de vie sont devenus comparables à ceux des zones tempérées et la civilisation dans les zones tropicales n’est plus à la traîne. »

Des chiffres et de l’air Dans les années 80, moins de 20 % des logements étaient équipés d’aircon, aujourd’hui c’est près de 4 foyers sur 5 ! Oubliées la ventilation naturelle, les Black&White aux larges espaces ouverts. Pour les grosses infrastructures, les codes de construction imposent désormais que certains espaces soient entièrement climatisés. Les hôpitaux, les buildings, les grands malls, les administrations, les musées sont tous équipés de tuyaux d’eau glacée (entre 8 et 14 degrés) et de ventilateurs. Le liquide comprimé s’échappe dans la chaleur ambiante. Parfois, l’air froid est généré

durant la nuit puis stocké dans des grands bacs pour être utilisé durant la journée. Tout se calcule. Des millions sont en jeu. Environ la moitié de l’électricité consommée à Singapour passe dans l’air conditionné. Mais les Singapouriens apprécient tellement de devoir porter un gilet…

Garder la tête froideLa climatisation inspire sociologues, journalistes et poètes. Pour le sociologue Chua Beng Huat, « L’évasion à travers l’air conditionné [serait] une façon de s’évader de [notre] passé de pays pauvre » ? Cherian George, l’auteur de The Air-conditioned Nation, invite à « penser à Singapour comme la nation air conditionné.

Une société comprenant un mélange unique de confort et de contrôle central, où les gens maîtrisent leur environnement mais au prix de leur autonomie individuelle et au risque de l’impermanence». De même que l’air conditionné requiert une infrastructure et une maintenance importantes, poursuit l’intéressé, de même « le modèle de développement de Singapour emporte une approche systémique en matière de management économique. Elle exige d’importantes infrastructures, requiert une planification fine des besoins et un management constant ».

« La nation climatisée »Aujourd’hui, Singapour semble prête à donner de l’air à tous ses citoyens… même à

ceux qui n’en manquent pas ! L’avenir sera climatisé ou ne le sera pas. Singapour, une fois encore, devra démontrer sa capacité à résoudre les paradoxes : l’ultra-fraîcheur au moment où le réchauffement climatique implique qu’on économise l’énergie. Singapour a les moyens d’y parvenir. Au United World College, qui est un haut lieu mondial de la climatisation solaire, des experts de l’AIE (Agence Internationale de l’Energie) planchent sur la climatisation solaire à travers le programme SHC (Solar Heating and Cooling). Une manière pour les experts de démontrer qu’il ne faut pas être frileux, mais innover en la matière. n

Marien Guillé

Esthétique contestable des climatiseurs à l’arrière des bâtimentsLee Kuan Yew : « L’air condi-tionné a changé les vies des personnes dans les régions tropicales… »

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Singapour Autrement

Derrière les tours, un pays de Traditions

A Singapour, on vit constam-ment au rythme des événe-ments et des fêtes tradition-

nels qui se succèdent toute l’année. Le mélange des ethnies et la mixité culturelle font de la cité-Etat un pays culturellement riche, qui sait mettre en valeur chacune de ses cultures et

permettre à toutes de s’exprimer. Croyances, superstitions et rituels font partie intégrante du paysage culturel singapourien. En cette période de Nouvel An Chinois, où la ville entière s’habille de rouge, ces traditions sont plus que jamais visibles.

Au-delà des tours du quartier des af-faires et des buildings modernes de la Marina, Singapour a su conserver et entretenir des traditions anciennes qui constituent son identité.

D’un quartier à l’autre, la diversité culturelle saute aux yeuxSingapour est un melting pot où se côtoient des dizaines de nationalités. D’après une analyse du Pew Research Center, Singapour est le pays du monde ayant la plus grande diversité religieuse. Les majorités chinoise, principalement bouddhiste et taoïste, et malaise, surtout musulmane, ont depuis longtemps imprimé leurs empreintes culturelles sur le territoire singapourien.

Passer d’un quartier à l’autre, de Chinatown à Kampong Glam, le quartier traditionnel malais, ou par Geylang, l’ancien quartier rouge, et Orchard road, la principale artère commerçante, permet de se rendre compte de cette diversité culturelle. Si Singapour est une jeune nation, sa longue histoire coloniale et commerciale est toujours visible, et l’âme et le mode de vie des premiers pêcheurs peuvent toujours être ressentis.

Des grilles aux fenêtres pour se protéger des espritsBaladez-vous dans des magasins de sous-vêtements à l’approche du Nouvel An Chinois : les vitrines n’exposent presque que des pièces rouges ! C’est qu’il est de mauvais augure de ne pas commencer l’année en portant du rouge. Même les grandes enseignes internationales prennent compte de cette tradition en période de Nouvel An.

Regardez les portes et les fenêtres des appartements : beaucoup sont fermées par des grilles, non pas pour empêcher les voleurs, mais pour se protéger des mauvais esprits qui pourraient vouloir entrer dans le logement.

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Sentez l’odeur âcre de la fumée et des bâtons d’encens : la communauté bouddhiste prie et brûle des papiers à prières et de l’encens dans les rues, particulièrement lors de la Fête des fantômes, qui a lieu chaque année entre les mois d’août et de septembre.

Loin des tours et de l’image ultra-moderne que l’on se fait parfois du pays, la spécificité de Singapour est peut-être aussi et surtout d’avoir su préserver ses traditions, et d’avoir réussi à en faire un atout… touristique.

Authentique ou exagérée ?Dans son article «Culture and the state: Manufacturing traditions for tourism», Wai-Teng Leong, chercheur à l’Université de Californie à San Diego, écrit que Singapour a encouragé, voire exagéré, cette culture traditionnelle, pour attirer les touristes et en faire un élément économique. « Dans les jeunes nations, une culture nationale est créée et projetée à l’international. L’image principale du tourisme à Singapour est la diversité ethnique des “traditions” : le mode de vie, la nourriture, la religion, les rituels et les mœurs de certains groupes sont publicisés pour augmenter

le potentiel touristique. Les politiques de tourisme national ont d’importantes conséquences sur la manière dont les différentes cultures sont vécues. »

Dans un pays où la compétitivité et l’attractivité internationale sont les maîtres mots de la société, difficile de démêler le vrai du faux. Pourtant, un habitant qui brûle de l’encens dans la cage d’escalier d’un immeuble, ou une lumière qui brille toute la nuit dans le petit temple familial semble nous montrer que Singapour n’est pas qu’une carte postale. Derrière le vernis, une véritable histoire et une vraie culture, encore empreinte de traditions et de superstitions, sont là : il suffit de savoir les regarder. n

Anne Pouzargues

Présence des religions dans la villeA droite, le « Gate Guardians » Buddha au Tooth Relic TempleEn dessous, le Temple taoïste Goh Chor Tua Pek Kong (Balestier road)

Trois visages de la diversité : célébration de Thaipusam, un mariage malais du côté d’Arab Street, des vaches à Little India lors du Pongal Festival

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Les Français à Singapour

50 ans de présence française

Lorsque Singapour de-vient indépendante le 9 août 1965, c’est une

nouvelle ère qui commence, avec des transformations pri-mordiales pour la cité-Etat. Dans ce contexte, la présence de la communauté française va également évoluer et se consolider, passant de 225 à plus de 15 000 personnes (Inscrits au Consulat, 12 000) entre 1967 et 2014.

Les services diplomatiques Dès 1965, le consul général Edouard Hutt est nommé chargé d’affaires puis devient le premier ambassadeur de France à Singapour. Progressivement, les services du poste diplomatique se renforcent (toujours installé dans les deux maisons du 5 et 7 Gallop road). En juillet 1990, le gouvernement singapou-rien réquisitionne les lieux. L’ambassade s’installe en 1999 dans son bâtiment actuel de Cluny road.

Essor des entreprises françaisesL’expansion économique que connaît Singapour attire de nombreuses entre-prises françaises dont le nombre double, en moyenne, tous les 5 ans. Afin d’aider ces nouvelles compagnies à s’implanter, des hommes d’affaires français créent, en 1979, la French Business Association (FBA). Devenue FCCS (French Cham-ber of Commerce of Singapore), l’ins-titution compte aujourd’hui près de 600 entreprises membres, dans des domaines variés : bâtiment, infrastructures rou-tières, transport, industries mécaniques, sidérurgie, énergie, chimie, banques et assurances, ainsi que le secteur de la mode et des cosmétiques ou les techno-logies de pointe.

Le développement de l’Alliance FrançaiseL’Alliance Française, ouverte depuis 1949, loue en 1965 une grande maison sur Scotts road. Celle-ci devient très vite trop petite pour accueillir les nombreux Singapouriens qui veulent apprendre le français. En 1978, la Flagstaff House, au 4 Draycott Park, est inaugurée. 16 salles de classe y sont aménagées ainsi

Le Lycée Français de Singapour a déménagé en 1982 à Bukit Tinggi, pour contenir les effectifs croissants qui ne pouvaient plus être reçus à l’Alliance Française

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qu’une salle d’exposition dans le hall. Outre les cours, la vie culturelle est mise en avant, au profit des Singapouriens et de la communauté française, avec des festivals de cinéma, des expositions, des soirées et un magazine, Le Lien. Le 17 octobre 1995, l’immeuble sur Sarkies road est inauguré.

Une école française Grâce à l’ouverture économique de Singapour, la communauté française s’étoffe. Des couples, souvent jeunes, s’installent, et l’idée d’une école germe. En 1968, une vingtaine d’enfants est scolarisée de la maternelle au CM2, dans une classe unique située dans les locaux de l’Alliance Française. Dès 1974, l’école peut accueillir, dans un bâtiment préfabriqué, des classes du primaire et une classe de 6ème. Chaque année une nouvelle classe de collège ouvre et, en 1978, 2 élèves sont admis en 2nde. En 1980, 150 élèves se retrouvent dans les

locaux bien trop exigus de Draycott road. La communauté française conti-nue de s’agrandir et s’organise. En 1982, les travaux d’un vrai lycée commencent sur Bukit Tinggi. En 1985, le LFS ouvre ses portes et les premiers candidats au baccalauréat se présentent en 1986. Les effectifs triplent au cours des années suivantes. En 2000, le lycée s’installe à Ang Mo Kio et devient un lieu clé de la vie communautaire.

Naissance de l’Association Française de Singapour Un an après l’indépendance de Singa-pour, l’Association Française de Malai-sie associe Singapour, mais en 1974, la section de Singapour décide de prendre son indépendance sous le nom de AFS. Elle s’organise pour accueillir les nou-veaux Français et crée Le Guide des Français de Singapour en 1976. Au cours des années suivantes, de plus en plus de bénévoles font vivre l’associa-

tion avec des visites de la ville, des acti-vités pour les enfants, et la publication La Gazette voit le jour en 1987.

Les lieux de convivialitéDans les années 1970, la petite com-munauté française aime se retrouver au Swiss Club ou au Hollandse Club pour pratiquer des activités sportives et pas-ser les fins de semaine en famille. Plus tard, quelques bonnes tables, comme la brasserie du Marco Polo, le restaurant de Boniface Bidou ou le Saxophone, première brasserie Al Fresco près de Center Point, sont des points de rendez-vous des Français. A l’heure actuelle, où la communauté française dépasse les douze mille personnes, elle apprécie particulièrement les quartiers de Seran-goon et d’Ang Mo Kio en raison de la proximité du lycée. n

Danièle Weiler et Maxime Pilon

L’Alliance Fran-çaise à Draycott road, qui abritaient également les premiers élèves de l’école françaiseLe guide «So Chic» FCCS promeut ce que la marque France fait de mieux dans le domaine du luxe, de l’art de vivre et de la gastronomie à SingapourLe Hollandse Club, l’un des lieux où ai-ment à se retrouver les Français dans les années 70

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Les Français à Singapour

Comment fonctionne Alpha-nova ?Serge : L’idée d’Alphanova, c’est d’aider les Français qui veulent monter leur entreprise à Singa-pour, ou qui veulent agrandir leur entreprise en s’installant à Singa-pour. Moi, je suis basé en France, Sacha et Norris à Singapour, et on essaye donc d’être un lien entre les deux pays. On est un service d’expansion d’entreprises.Norris : Notre avantage, c’est qu’on connaît vraiment bien Sin-gapour et l’Asie. A nous trois, en plus du français et de l’anglais, on parle thaï, indonésien, japonais, mandarin, malais…c’est un avan-tage pour pouvoir aider au mieux les entreprises.Serge : On est particulièrement spécialisé dans les entreprises high-tech. Notre premier projet est AppSculptor, une boîte spé-cialisée dans la création d’appli-cations.

Comment est née votre société Alphanova ?Sacha : Au départ, Norris et moi avions créé Wisdom Vibes, une boîte d’applications pour smart-phones spécialisée dans les jeux, basée en Australie. On faisait tout le travail seuls, ça nous prenait beaucoup de temps. Norris : Ensuite on a décidé de revenir à Singapour, on a créé Al-phanova avec Serge et, avec notre premier projet AppSculptor, on a pu continuer dans le domaine des applications.

Sacha Beraud et Norris Capsié, fon-dateurs de Alpha-noval Pte. Ltd. avec un 3ème associé, Serge Beraud

Singapour, l’endroit parfaitpour monter une entreprise

Ils connaissent Singapour et l’Asie comme leur poche. Serge Beraud, Sacha Be-

raud et Norris Capsié, en Asie depuis plus d’une quinzaine d’années, ont monté en sep-tembre 2014 une start-up qui

aide les entrepreneurs français à venir s’installer à Singapour. Ils nous parlent de leur entre-prise Alphanova, des liens entre la France et Singapour et du développement du marché de l’high-tech.

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Serge : Maintenant Alphanova est inscrite à la Chambre de Commerce Française à Singa-pour, c’est bien pour développer notre réseau.

Quels sont les avantages à créer une société à Singapour ?Serge : Tout est très facile. Il nous a fallu une demi journée pour remplir les papiers, et le jour même la société était créée. Il y a très peu de contraintes, les frais ne sont pas énormes et il n’y a aucune charge sociale – seule-ment des frais d’enregistrement. Il y a aussi des déductions de taxes la première année. Sin-gapour fait beaucoup de choses pour aider les jeunes entreprises et les auto-entrepreneurs. Et puis il y a aussi d’énormes avantages géographiques : on est vraiment au cœur de l’Asie, avec un accès aux marchés chinois, malais, thaï, indonésien… il y a un grand dy-namisme. C’est l’endroit parfait pour monter une entreprise.

Et les inconvénients ?Serge : Pour l’instant, on n’en

voit aucun ! La seule contrainte pour les entreprises concerne les embauches. Il y a des quo-tas, qui permettent de favoriser l’embauche des Singapouriens. Singapour réduit les quotas de travailleurs étrangers dans les entreprises.Sacha : En même temps, il y a beaucoup de talents locaux. Donc cet inconvénient n’en est pas vraiment un.

Que conseilleriez-vous aux Français qui veulent venir s’installer à Singapour et mon-

ter leur propre entreprise ? Serge : J’ai dit que c’était facile de monter une boîte à Singapour, mais c’est surtout facile quand on a déjà des contacts sur place, quand on a déjà un réseau. Je leur conseillerais de bien se renseigner avant, notamment sur les aspects légaux, et d’essayer d’établir des contacts avec des gens déjà sur place. Et de ne pas hésiter à se lancer, il y a beaucoup d’oppor-tunités ici !

Propos recueillis par Anne Pouzargues

Le connaissez-vous ? Maneki-neko est le chat porte-bonheur dans les affaires

Le réseau, un must pour faire des affaires à Singapour

Moins facile à gérer, le système de quotas mis en place par le MOM (Ministry of Man-power – bâtiment en haut à droite) pour favoriser l’emploi des Singa-pouriens

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Heureux comme un expat à Singapour

I l y a un an, Rodolphe Lameyse, sa femme et leurs 3 enfants, quittaient Paris pour Singapour. « Nous cher-

chions un environnement économique porteur où l’on parle anglais et où l’on trouve de bonnes infrastructures » ex-plique t-il. Pour les aventuriers du busi-ness, l’attractivité de la cité-Etat n’est pas nouvelle. Thales est présente depuis 40 ans, ST Micro y a débuté ses opéra-tions en 1969. La localisation de Singa-pour, l’efficacité de ses infrastructures et sa fiscalité généreuse ont toujours attiré les grands sièges des entreprises étrangères. Aujourd’hui, plus de 600 entreprises françaises y sont implan-tées. « C’est mathématique, affirme Laurence Beau, Premier Conseiller à l’Ambassade de France. La présence de ces grandes entreprises françaises crée des opportunités d’emplois pour les Français ».

Les entrepreneurs eux aussi plébis-citent Singapour. N’est-elle pas la ville où il est le plus facile de faire des af-faires selon un classement de la Banque Mondiale ? « En 2014, on a aidé 120 en-treprises dans leur développement com-mercial sur Singapour et la région », explique Carine Lespayandel, direc-trice de la FCCS (French Chamber of Commerce of Singapore), dont le nombre de membres a triplé en 10 ans.

Qualité de vie : sous le soleil, la crois-sance !L’attractivité de Singapour, c’est aussi la qualité de vie. C’est l’une des villes les plus sûres au monde. Une ville (– jardin) qui, malgré sa forte densité

Expatriés, chefs d’entreprises, étudiants, ils sont près de 15 000 Français installés à

Singapour. Un chiffre qui a doublé en seulement 5 ans. Mais pourquoi Singapour fait-elle tourner les têtes de nos compatriotes ?

Les Français à Singapour

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En ligne Actualités Agenda culturel Vie Pratique

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Les Français à Singapour

urbaine, dispose de nombreux parcs et réserves. Si la ville connaît de ré-guliers épisodes de haze à cause des feux de forêts en Indonésie, elle jouit le reste du temps d’une bonne qualité de l’air. Un argument qui compte pour les familles. Il y a 5 ou 10 ans, les Français se ruaient en Chine. En rai-son de la pollution, certains préfèrent désormais Singapour. « J’ai habité 13 ans en Chine, explique Damien Ferté, fondateur d’Expatmedicare. Nous nous sommes installés à Singapour car nous voulions un environnement plus sain pour notre jeune fils. »

Un hub pour l’éducation et la rechercheSingapour attire écoles et universi-tés du monde entier. Les écoles fran-çaises s’y développent, multipliant les échanges et les doubles diplômes avec les universités singapouriennes. Après l’INSEAD en 2001, sont arrivées l’ES-SEC en 2005, l’EDHEC... « L’augmen-tation du nombre d’étudiants est une composante nouvelle de l’évolution de la population française » constate Laurence Beau. Pour Eléonore Cail-lou, étudiante à l’ESSEC, le choix de Singapour s’est imposé. « Notre génération doit connaître le marché asiatique et les enjeux principaux.

Singapour, c’est vraiment la porte sur l’Asie-Pacifique ».

Opportunités mais pas eldoradoLa moitié des 500 personnes ayant contacté la FCCS en 2014 aurait trouvé un poste. Pour autant, souligne Rodolphe Lameyse, créateur d’une société d’organisation de conférences, « si vous n’avez pas du tout d’expé-rience en Asie, ce sera plus difficile ». « On parle souvent du dynamisme de l’Asie, mais on ne devient pas milliar-daire et on ne trouve pas un emploi en claquant des doigts. » Le coût de la vie est aussi largement supérieur à celui des autres villes d’Asie du Sud-Est. Singa-pour serait même la ville la plus chère au monde, selon The Economist Intel-ligence Unit en 2014.

« Vous pouvez faire des économies sur le logement ou sur la nourriture mais pas sur les frais de santé ou de scola-rité si vous avez des enfants, explique Laurence Beau, qui insiste sur la néces-sité de préparer cette expérience. On voit trop de familles qui arrivent avec l’impression que tout est facile. Nous voulons simplement éviter les désen-chantements. » n

Marion Zipfel

Aussi attractive soit-elle, Singapour n’est pas un eldoradoEn 2014, les Conseillers du Commerce Exté-rieur de la France ont publié un rapport qui décrit la réalité de l’emploi et ses difficultés en Asie du Sud-Est ; ils y invitent les candidats à ne pas limiter leurs recherches à Singapour

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Agenda ~ Sélection de la rédaction

14 au 28 février

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Sing Jazz 2015Festival de Jazz avec la participa-tion de nombreux artistes interna-tionaux• Marina Bay Sands

07 GalaLes institutions françaises de Singapour célèbrent les 50 ans de Singapour• Marina Bay Sands, 19h00

15Organisée par la Croix Rouge, une grande vente de charité avec la participation de nombreuses communautés internationales, dont la FranceSpectacles, jeux, dégustation des cuisines du monde…• Ngee Ann City/Civic Plaza, 10h00

0514

TitoudaoUn grand classique du théâtre sin-gapourien qui ravit des générations entières depuis des années• Drama Centre Theatre

15 Ciné-Kid : Ma maman est en Amérique...Un dimanche par mois, à l’Alliance Française, un goûter à 16h00 et une projection à 16h30

1er au 15 mars

International Bazaar 2015

1617

Les Contes d’HoffmannOpéra apéro : actes 1 et 2 le 16.Actes 3 et 4 suivis d’un apéro le 17• Alliance Française, 20h00

18 CNY countdown partyBien démarrer l’année de la chèvre !• New Bridge road, 21h30

14 Valentine’s concertSouvenir de Florence, TchaikovskySingapore Symphony Orchestra• Victoria concert Hall, 16h00

20 Istana, Open HouseA l’occasion de certains jours fériés, le palais présidentiel ouvre ses portes au public• 8h30 à 18h00

19 Great World CabaretComédies, danses, acrobaties… des artistes singapouriens dont Mark Lee, Hossan Leong, Sebastian Tan, Judee Tan. Jusqu’au 17 marsProduction Dream Academy• Resorts World Sentosa

2728

Chingay ParadeExtraordinaire parade de rue, d’au-tant plus spectaculaire cette année pour le cinquantenaire de Singapour• F1 Pit Building, 20h00

1314

Future Music Festival AsiaMusique électronique et RnB, pre-mière édition à Singapour (Avicii, The Prodigy, Sigma, Fatboy Slim, Afrojack, Example…)• Changi Exhibition Centre

14 SG50 Concert Series in the ParkUne série de concerts gratuits dans les parcs nationaux tout au long de l’année pour célébrer le cinquante-naire de Singapour• Bishan-Ang Mo Kio Park,16h30

1013

Maison et Objet AsiaLe salon de la « mode maison », atmosphère créative et sophistiquée• Convention Center, Marina Bay Sands

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Scannez pour parcourir l’Agenda en temps réel

16 au 31 mars

21 Beauty and the beastComédie musicale adaptée de ce grand classique de Walt Disney, jusqu’au 12 avril• Marina Bay Sands Theatre

21 Adventures in the magical kingdomConcert pour les enfants : les grands airs familiers des Walt Disney inter-prétés par le Singapore Symphony Orchestra• Victoria Concert Hall

1722

Semaine de la francophonieDe nombreux évènements organisés à l’Alliance Française de Singapour, films, concerts (notamment Hossan Leong)…

21 Dauntless Spirit 2015Concert annuel du Singapore Youth Chinese Orchestra et du Singapore Chinese Orchestra• SCO Concert Hall

2730

La vie en roseUn répertoire d’Edith Piaf interprété par des artistes singapouriens et internationauxUne production Sing’theatre• Victoria Theatre

2831

Swan LakeLe ballet de Saint-Pétersbourg, pour la première fois à Singapour, nous présente ce classique de Tchaikovski• Marina Bay Sands Theatre

1416

George and the music boxUne production Bellepoque, sur fond de Fables de La Fontaine et la musique d’Offenbach • Esplanade Recital Studio

1er au 30 avril A partir du 1er mai

31 Pink MartiniRétro, latino, classique, sans oublier le célèbre single « je ne veux pas travailler »…• Esplanade Theatre, 20h00

14 Voilah !Festival français à Singapour : évè-nements culturels, scientifiques et gastronomiques, jusqu’au 21 juin

22 The Studios: Fifty50 représentations théâtrales en 5 semaines pour fêter les 50 ans de Singapour. L’occasion de revenir sur 5 décennies de théâtre singapou-rien. Jusqu’au 10 mai• Esplanade Theatre studio

1718

Björn AgainLa planète disco d’ABBA, musique, chorégraphie, costumes étincelants et paillettes…• Marina Bay Sands Theatre

2224

Le Malade ImaginaireDernière comédie écrite par Molière, présentée par la comédie de la Mansonnière• Alliance Française, 20h00

Au moment de la mise sous presse, certaines datesne sont pas encore définitives

L’actualisation sera faite sur lepetitjournal.com

2629

SavourFestival annuel d’art culinaire• F1 Pit Building

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Festival Singapour en France

Festival Singapour en FranceLes évènements clés

DES EXPOSITIONS

Archipel secret, au Palais de Tokyo à Pa-ris, ouverture le 26 mars 2015. 35 artistes ont été invités à refléter l’essence de la région, « ses multiples formes et dimen-sions esthétiques, culturelles et pratiques intellectuelles, héritées d’une histoire de confrontations au commerce, aux systèmes de croyances, aux dynasties aristocratiques et aux incursions coloniales ». Le curateur de l’exposition, Khairuddin Hori, a été récemment nommé directeur artistique adjoint du Palais de Tokyo. Il est aussi le curateur de l’exposition Open Sea à Lyon.

Art Paris Art Fair. Singapour et l’Asie du Sud-Est sont à l’honneur, du 26 au 29 mars 2015. Un événement qui réunit pendant 4 jours, dans le décor inspirant du Grand Palais, quelque 140 galeries de 20 pays. Une plateforme d’une dizaine de galeries singapouriennes montrera la diversité des talents en provenance de Sin-gapour et de la région : Art Plural Gallery, Art Seasons Gallery, Chan Hampe Gal-leries, Element Art Space, Intersections, iPreciation, Sundaram Tagore Gallery, et Yeo Workshop.

Open Sea, au Musée d’art contemporain de Lyon, du 14 avril au 12 juillet 2015. L’exposition, présente la création d’Asie du Sud-Est à travers les œuvres de 30 artistes. Art Garden, à Lille, à la Gare Saint-Sau-veur, avec une quinzaine d’oeuvres de la jeune scène artistique de Singapour. Pré-sentée par le National Heritage Board et Lille3000, l’exposition plonge le public dans une ambiance chargée de créatures fantastiques et l’invite à entrer dans ce

Pendant trois mois, du 26 mars au 30 juin, Singapour va tenir le pavé de Paris et de plu-

sieurs autres villes françaises parmi lesquelles Lille, Lyon et Nantes, mais aussi Toulouse, La Rochelle, Tours et Bordeaux… Une occasion en or pour faire découvrir en France les créations d’artistes représentant Singapour dans le domaine de la peinture, de la sculpture, de la photographie, des arts vivants – théâtre et danse –, de la musique… On vous invite à suivre le festival au fil de l’eau, sur lepetitjour-nal.com édition de Singapour, et à en parler à vos parents et amis.

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Paris, Lyon, Lille... Trois des nom-breuses villes de France qui mettront en scène Le Festival Singapour en France 2015, organisé par le National Heritage Board et l’Institut Français A suivre sur lepetitjournal.com/Sin-gapour

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jardin, ludique et mystérieux à la fois.

1000 Singapour, exposition sur le design et l’architecture, à la Cité de l’Architecture et du patrimoine à Paris, par le DesignSin-gapore Council.

50 ans de cinéma singapourien depuis 1965. Une rétrospective par le National Museum of Singapore et la Singapore Film Commission à la Cinémathèque fran-çaise à Paris.

Festival Made in Asia, à Toulouse. Edition Singapour, à partir du 26 mars. DES CONCERTS

Musique Nanyin ancienne, au Théâtre des Bouffes du Nord à Paris, à La Comète à Châlons-en-Champagne et dans Le Lieu Unique à Nantes. L’association musi-cale Siong Leng participe activement à la renaissance du Nanyin, une musique tra-ditionnelle du sud-est de la Chine. Siong Leng confronte le Nanyin à la création d’aujourd’hui à travers des collaborations avec des compagnies de danse contempo-raine, des vidéastes ou en créant un spec-

tacle avec des musiciens indiens.Musique classique à la Cité de la Musique à Paris. Un soliste de pipa (instrument de musique chinois à 4 cordes), du Singapore Chinese Orchestra, joue avec l’Orchestre de Bretagne, dont le directeur musical est, depuis 2011, le Singapourien Darrell Ang.

DES SPECTACLES

The Incredible Adventure of Border-Crossers, au Palais de Tokyo. Un spectacle de 6 heures mis en scène par Ong Keng Sen, le directeur du Singapore International Festival of Arts. La pièce explore l’identité singapourienne.

Akalika7, du 8 au 11 avril 2015 au Tar-mac à Paris. Akalika est le nom d’artiste du peintre Gilbert Cam dont les lavis géants sur papier représentent des silhouettes humaines mutilées. Accompagné de six danseurs, le chorégraphe d’Olé Kham-chanla donne corps et gestes aux peintures du premier.

Butterfly, en mars et juin 2015. Spectacle de mimes de Ramesh Meyyappan au Théâtre International Visuel de Paris. La

pièce utilise des marionnettes pour racon-ter l’histoire de Butterfly, une fabricante de cerf-volants anéantie par le départ de son amant. Accablée de douleur, elle s’invente une vie imaginaire…

Lear Dreaming, au Théâtre des Abbesses à Paris, par la compagnie singapourienne TheatreWorks. La mise en scène est si-gnée Ong Keng Sen. Une interprétation de l’œuvre de Shakespeare qui offre de rap-procher les époques, de se prêter à toutes les cultures, d’Occident en Orient, des plus traditionnelles aux plus contemporaines.

Between, par le chorégraphe Christina Chan et Frontier Danceland, au Centre Chorégraphique National de Tours.

MAIS AUSSI

Une multitude d’initiatives et spectacles, ré-sultat d’un appel à projets qui s’est déroulé, en France et à Singapour, entre novembre et janvier. A noter encore : un évènement sur la « Singapore street food », le 17 juin, sur les Berges de la Seine. n

Bertrand Fouquoire

Seront présents au festival, de gauche à droite : Intervention and Steeple from the series Spurious Landscapes, de Sherman Ong (deux photos en haut à gauche), artiste malais qui vit et travaille à Singapour, présenté par Art Plural Gallery ; Aka-lika7, présenté par Frontier Dance-land Ltd, et June Lee Yu Juan, jeune artiste singapourienne, présentée par Intersections

© June Lee Yu Juan, courtesy of Intersections

© Justin Koh

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Festival Singapour en France

Khairuddin Hori,du SAM au Palais de Tokyo

Festival Singapour en France

Pourquoi Jean de Loisy, président du Palais de Tokyo, est-il allé vous cher-cher ? On se rencontrait régulièrement. Je partageais mes projets avec lui et nous riions beaucoup. Cela faisait un an qu’il me proposait le poste mais un jour il m’a fait rencontrer le directeur général et j’ai compris que c’était sérieux. Quand je lui ai demandé : « pourquoi moi ? », il m’a répondu que, contrairement à beaucoup de jeunes commissaires d’exposition, j’avais compris que l’art contempo-rain n’existait pas et que la seule chose qui existait, c’était la vie. Beaucoup de jeunes commissaires d’exposition cherchent à tout prix à s’intégrer, à adopter la panoplie, à jouer le rôle. Pas moi. Je n’ai jamais voulu être artiste ou commissaire d’exposition. J’ai choisi cette voie parce que cela me permettait de m’engager dans la science, l’histoire, la politique, la religion, de satisfaire ma curiosité. Ma mission dans la vie, c’est tout simplement d’être une meil-leure personne. Adolescent, je ne savais même pas que les écoles d’art existaient. Je viens d’un milieu très populaire ma-lais, ou plus exactement originaire de l’île de Baewan à 150 km au nord de Surabaya en Indonésie. Malais est un terme trop général, qui recouvre des populations très différentes. Ma mère, qui n’est jamais allée à l’école, ne parlait pas le malais avant d’épouser mon père. Je pense que cette question d’identité est essentielle.

Comment êtes-vous devenu artiste et commissaire d’exposition ?A l’origine, j’accompagnais ma sœur qui aimait le théâtre, puis j’ai suivi un

Le Singapourien Khairuddin Hori est depuis l’automne 2014 le nouveau directeur ad-

joint de la programmation artistique du Palais de Tokyo. Une fantastique opportunité pour ce jeune homme de 40 ans, au sourire plein d’optimisme. Spécialiste de l’art contemporain

d’Asie du Sud-Est, il a été senior curator au Singapore Art Museum de 2010 à 2013, avant de prendre la tête du département de programmation artistique du National Heritage Board (NHB) de Singapour. Il répond à nos questions dans un café en bord de Seine.

Palais de Tokyo à Paris et Khairuddin Hori

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ami d’enfance qui m’a fait entrer dans une compagnie de théâtre traditionnel malais, Ekametra, que j’ai fini par diri-ger. Dans les années 90, je fréquentais The Substation, le premier centre d’art indépendant à Singapour, créé par Kuo Pao Kun, qui fut un temps prisonnier politique, ou The Artist Village. Il y avait une véritable effervescence. J’ai organisé des performances. Puis j’ai voulu me former à l’art et me suis inscrit à une école très sérieuse, la NAFA*. J’ai aussi beaucoup appris sur le tas.

Les artistes d’Asie du Sud-Est sont-ils connus en France ? Non, à l’exception de quelques grands noms. J’organise d’ailleurs une expo-sition, « L’Archipel Secret », au Palais de Tokyo du 27 mars au 17 mai dans le cadre du Festival Singapour en France, où quasiment tous les artistes d’Asie du Sud que je présente sont inconnus. Mais Paris, que j’apprécie beaucoup, est en train de s’ouvrir à notre partie du monde, plus que Londres ou Berlin. L’écono-mie n’est pas bonne mais l’expérience est passionnante, même si je perds un tiers de mon salaire. Les artistes français que je rencontre viennent de partout et la France les accueille. Je trouve cela très positif et je n’ai constaté aucun racisme à mon égard.

Pouvez-vous nous parler de cette grande exposition ? C’est une exposition financée par le NHB de Singapour. J’ai choisi de faire venir 35 artistes avec des œuvres presque toutes inédites. Mon idée est de sortir de la notion d’Asie du Sud, un concept imposé de l’extérieur, pour revenir à la notion d’Archipel. Nous sommes le plus grand archipel du monde – mais nous l’avons oublié. Depuis toujours, aucune frontière ne nous sépare. Nous parta-geons constamment des connaissances. Nous créons, voyageons librement, nous nous influençons les uns les autres. Ma vision est tout, sauf raciste. C’est un point de vue géologique, culturel. Dans cette exposition, vous verrez des objets

qui pourraient venir de n’importe quel pays de la zone, à l’antipode de l’expo-sition « Open Sea » que j’organise aussi au musée d’art contemporain de Lyon (à partir du 16 avril), qui présente des artistes de la région mieux connus, dont l’identité nationale est très marquée.

Comment comparez-vous la scène ar-tistique française et singapourienne ? J’ai une excellente équipe de 21 per-sonnes. J’apprécie que mes collabo-rateurs prennent des risques et soient ouverts à l’international, même s’ils doivent faire attention aux dépenses. Le Palais de Tokyo est une institution très connue. Tout le monde veut travailler avec nous. Singapour cherche encore les grands noms, des marques, et veut que les choses arrivent tout de suite, avec suc-cès et argent à la clé. Dans la zone, le marché tue l’art. Dans les années 90, les artistes ne cherchaient pas immédiate-

ment à être vendus aux enchères dès la sortie de l’école. Aujourd’hui, un jeune artiste termine ses études et deux mois plus tard, ses œuvres sont déjà vendues aux enchères. C’est de la folie. Le circuit passe par Hong Kong et Singapour. Le danger, c’est de ne pas pouvoir résister aux diktats des collectionneurs. D’au-tant que la profession d’artiste n’est pas encore considérée comme sérieuse à Singapour.

Pensez-vous que, de Paris, vous gar-derez une influence sur la scène sin-gapourienne ? Quand j’ai été nommé, des jeunes étu-diants de l’Université des Beaux-Arts de Lasalle sont venus me serrer la main en me disant que le fait qu’une personne entièrement éduquée à Singapour arrive à un tel poste, les inspirait. n

Propos recueillis par Anne Garrigue

Andrée Weshler, Française, et Angie Seah, artiste singapourienne, sont parmi la trentaine d’artistes qui figurent dans l’exposition ‘L’Archi-pel Secret’, organi-sée par Khairuddin Hori de mars à mai 2015

(*) NAFA - Nanyang Academy of Fine Arts

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Saveurs du monde, la Méditerranée à l’honneurParce qu’il n’y a rien de tel que l’éclectisme culinaire, nous avons choisi de sélectionner quelques tables internationales, avec une légère dominante euro-péenne et italienne pour cette escapade gastronomique. A vos agendas et à vos fourchettes, voici quelques suggestions pour vos prochaines sorties gour-mandes.

Saint Pierre, l’excellence à l’air marinVoici l’unique restaurant Relais & Châteaux de Singapour. Aux com-mandes de cet établissement qui n’a plus ses preuves à faire, un chef belge, Emmanuel Stroobant, qui revisite les classiques de la cuisine française, en lui apportant une touche unique de

modernité. Le bœuf aux carottes est cuit 48h et accompagné de fanes de carottes et d’un gratin de cèpes ; divi-nement fondant, l’agneau est associé à la menthe et au cumin, le risotto (au comté accompagné d’anguille et d’our-sins, ou de champignons de saison) est subtil et parfaitement croquant, et le cocktail de crevettes joue avec les tex-

tures et les saveurs. Autres délices de la maison : le sashimi de poisson hamachi aux oursins ou le foie gras du maître. En dessert, passage obligé par la case « gâteau au chocolat sans farine », ou par les rafraîchissants fruits d’été ac-compagnés de glace au yaourt, de fine meringue et d’éclats d’amandes salées. Outre l’option à la carte, un menu dé-couverte de 10 plats (148 S$) est pro-posé pour les gourmets aventuriers, et la version 5 plats (128 S$) pour ceux qui désirent tester les recettes signatures du chef. Attablés devant les yachts et les voiliers de la Marina de Sentosa, voici une escapade unique pour se ré-galer les papilles autant que les yeux.

Picotin, bistro européen al frescoAmbiance détendue pour cette table perdue d’East Coast qui semble attirer une clientèle de quartier fidèle. Et pour

Escapade Gourmande

Gattopardo

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cause, le service est accueillant, et les portions très généreuses. On se désaltère d’un cocktail rafraîchissant à base de ly-chee et de menthe fraîche (8 S$), et on explore le menu : filet de bar sur risotto parfumé au citron et au thym, émul-sion de parmesan (32 S$), pantagrué-lique assiette de travers de porc au miel (30 S$), et délicieuse salade d’asperges et jambon de parme (20 S$). La tomate-mozza est un classique savoureux à tes-ter sans modération (18 S$). En dessert, la mousse au chocolat est crémeuse et fondante (13 S$), la tarte au citron (13 S$) juste parfaite et le pavlova archi-gourmand (12 S$).

Don Antonio, l’Italie dans une shophouseAux fourneaux l’Italien Antonio, en salle son adorable épouse singapou-rienne Germaine qui ont fait de cette

shophouse une nouvelle adresse ita-lienne de qualité, sans prétention, mais avec beaucoup de cœur. Au menu, leur plat signature, un porc aux herbes et pistaches confit pendant 4 heures et sa petite sauce balsamique, huile d’olive, truffe et thym, un pur régal croustil-lant et fondant à la fois (Porchetta ar-rotolata, 36 S$). Mais ce sont surtout les pizzas qui font la renommée de la maison, comme la réconfortante Pizza bianca (24 S$) au bacon, basilic, truffe et crème de mozzarella, une pure mer-veille. Autre coup de cœur, des lasagnes de poireaux à la truffe (Lasagna porro & tartufo nero 26 S$). Oui, ici la truffe est bel et bien à l’honneur ! En dessert, on choisit un tiramisu classique ou son homologue au limoncello (10 S$). En semaine, un menu déjeuner à 18 S$ est offert avec une pizza ou des pâtes du jour et une boisson. Il y a aussi les

« Tuesday Pizza » (28 S$ pour une pizza et une bière) et une « Pasta Night » tous les mercredis (pâtes et verre de vin pour 28 S$). Ici, pas de service charge mais comme l’accueil est chaleureux et im-peccable, on glisse avec plaisir son bil-let dans le bocal et on revient en fidèle.

Gattopardo, fine dining à l’italienneVoici l’unique table sicilienne de Sin-gapour, et pour beaucoup, une des meilleures adresses italiennes de la ville. Comble du raffinement dans cette charmante rue peuplée de shophouses, ici on déguste un Capesante, de divines Saint-Jacques d’Hokkaido (34 S$) justes saisies à point, un poulpe glacé (34 S$) tout simplement merveilleux ou encore une omelette au caviar (42 S$) d’une rare subtilité. La maison propose également une pasta carbonara dés-tructurée au jambon espagnol Jabugo

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avec un œuf cuit sous-vide (39 S$). En dessert le cannolo à la pistache (16 S$) est à la fois croquant et crémeux. Menu déjeuner à partir de 36 S$ pour 3 plats. Les amoureux apprécieront de dîner sur le balcon et d’ainsi profiter de l’am-biance de rue, tout en se délectant de ces saveurs sublimées.

Cicheti, bistro italien de quartierLes aficionados de pizzas et de cuisine italienne stylée seront ravis de cette adresse sympathique qui semble avoir conquis les habitants du quartier. Une déco avec de vieux appareils photos, des tables en bois et quelques tabourets en acier. Ici, le fourneau à pizza est d’ori-gine et la cuisine ouverte permet de pro-fiter du spectacle de la préparation des plats. Au menu : un bar en croûte de sel à partager (38 S$), de grosses crevettes à l’ail (11 S$), une salade burrata-pros-ciutto aux poires braisées, quelques as-perges fraîches ou une pizza Margherita di Bufala (20 S$) fidèle à la tradition. Les becs fins termineront par une panna-cotta aux fruits rouges ou un réconfor-tant fondant au chocolat à la fleur de sel (12,5 S$). Ambiance conviviale, amicale et familiale pour un lieu plein de vie.

Pelican, fruits de mer d’Australie et du MaineAu cœur du CBD, le long de Collyer Quay, voici de quoi s’offrir un dépay-sement inattendu. On prend place sur le deck au bord de l’eau ou dans le cozy restaurant intérieur et on s’offre entre amis un généreux plateau de fruits de mer à partager (homard, crabe, cre-vettes, moules, coques, huîtres –128 S$)) agrémenté d’un original pain chaud aux algues. On complète par des amuses- bouches savoureux comme le black peppered candied bacon (14 S$), de succulents Old fashioned crab cakes (22 S$) ou un réconfortant baked snap-per pie (38 S$). En dessert, on craque pour le sublime lemon meringue mess, un pur instant de bonheur (14 S$), pour le rafraîchissant piña colada chipwich (sorbet coco ananas dans un sandwich

de biscuit sablé) (14 S$) ou pour le double chocolate Whoopie pie (16 S$), présenté façon macaron gourmand. Une ambiance décontractée de va-cances dans un cadre raffiné pour les amateurs des produits de la mer.

A.T.O.S, esprit tapas Voici un nouveau bar à tapas fusion dans le quartier d’Orchard. Une déco colorée pour ce lieu qui joue les ma-riages asiatiques : carpaccio de poulpe aux agrumes, tatakis de saumon enrobés de nouilles soba, rouleaux de canard, mini-burger de Chili Crab, boulettes de Chicken Rice à la coriandre, d’agneau, et de crevettes aux herbes thaï, huîtres chaudes frites… En dessert, les saveurs locales sont sublimées avec des bei-gnets de durian au Gula Melaka (sucre de palme) ou un plus classique flan à la pistache et coco. Les entrées sont à 9 S$, les plats à 12 S$ et les desserts à 8 S$, et le tout est à partager entre amis. Côté boisson, les cocktails (12 S$) explorent les saveurs du monde : le Dragon Breath marie le fruit du dra-gon au rhum, le Yuzu Kazu joue avec l’agrume japonais et le Cachaca, tan-dis que Mango Halia rend hommage au gin, au gingembre et à la mangue épicée. Un voyage en Asie entre amis pour célébrer les saveurs du monde. PISCO, latino à gogoAmbiance latino détendue pour cette table familiale de Sentosa. Au menu, des brochettes (bar, travers de porc, bœuf, entre 12 et 21 S$), des Ceviche fondants (coup de cœur pour les Conchas Borrachas : Saint-Jacques marinées dans une sauce aux fruits de la passion et chili, 15 S$). La salade Passion aux poires, noix, grenade et vinaigrette aux fruits de la passion (15 S$) est acidulée et gourmande. On complète par une agréable soupe de crème de crevettes (14 S$) et on ar-rose le repas d’un cocktail Pisco Sour. Après quelques churros trempés dans du chocolat fondu (9 S$), on repart à la conquête de la décadente Sentosa.

Escapade Gourmande

Saint Pierre

A.T.O.S

Jiang Nan Chun

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Les AdressesSaint Pierre 31 Ocean Way, #01-15 Quayside

Isle (Sentosa) HP 6438 0887

Picotin Express (East Coast) 1 Figaro St HP 6445 5590

Don Antonio Pizza Bar 2 Jalan Klapa HP 6293 6548

Gattopardo Ristorante di Mare 34 Tras St HP 9325 8843

Cicheti 52 Kandahar St HP 6292 5012

The Pelican Seafood Bar & Grill 1 Fullerton Rd HP 6438 0400

A.T.O.S 25 Scotts Rd, Lobby Level, Royal Plaza HP 6589 7799

PISCO South American Kitchen & Bar

26 Sentosa Gateway, The Forum, Level 1 HP 6795 4720

Jiang-Nan Chun 190 Orchard Blvd, Four Seasons Hotel HP 6831 7220

Mrs Pho 349 Beach Rd HP 6292 0018

Jiang-Nan Chun, raffinement à la cantonaiseLa cuisine cantonaise dans sa plus fi-dèle tradition. Ici, on se régale d’une corbeille de dim sum (coup de cœur pour les crevettes-légumes et Saint-Jacques), de « double-boiled soups », ces soupes traditionnelles cuites en deux fois, nécessitant plus de 6 heures de préparation. Mention particulière pour celle au poulet, poisson, champi-gnons blanc, et poire pochée. Le bœuf est d’une rare tendresse, saisi à point, et servi avec des petits oignons et une déli-cate citronnelle braisée. Les nouilles de poissons sont originales et aromatiques et le dessert à la mangue et au tapioca un pur moment de bonheur. Un menu à 48 S$ composé de 5 plats (soupe, dim sum, plats, riz et dessert) permet de découvrir cette cuisine raffinée saine et riche en saveurs. Il paraît qu’on peut s’autoriser à cueillir quelques brins dans le petit jardin d’herbes aroma-tiques du rez-de-chaussée, histoire de prolonger cette parenthèse bien-être. Mrs Pho, cantine vietnamienne bobo-chicLes bonnes soupes aromatiques viet-namiennes et la cuisine telle que l’on aime : fraîche, verte et riche en saveurs. Dans cette cantine coup de cœur de Bu-gis à deux pas d’Haji Lane, on savoure l’exotisme subtil. Au programme : rou-

leaux de printemps (3,50 S$), salades variées, et délicieuses soupes : mention particulière pour la pho bo tai (7,90 S$) au bœuf, le stew beef noodles (7,90 S$) et pour le bun canh cua au crabe et cre-vettes (9,90 S$). On complète par un smoothie avocat-coco (4,50 S$) ou un délicieux yaourt Mrs Pho (1,50 S$) et le tour est joué. Une adorable adresse très

bon marché, ambiance colorée et ani-mée pour ce lieu qui ne désemplit pas. n

Raphaëlle Choël

Escapade Gourmande

Mrs Pho Don Antonio Pizza Bar

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