sa talismans sigils

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1 TALISMANS & SIGILS Au début du Moyen Age, les talismans sont appelés simplement des imago, des « images », car ils sont censés tirer leur pouvoir magique de ce qu’ils représentent. Puis au XIIe siècle, l’auteur Hermann de Carinthie évoque, dans l’un de ses ouvrages, les thelesmatici, autrement dit les « faiseurs d’images magiques ». Le terme, qui vient du grec telesma, par le truchement du mot arabe tilsam et signifie une fois encore « image », est alors adopté en Occident. D’une façon générale, le talisman est un objet travaillé par l’homme dans le but d’y introduire des vertus magiques. Il peut être fabriqué de différentes matières, mais implique généralement l’emploi d'une pierre précieuse ou d'un métal, car outre l’image qu’il porte, son pouvoir dépend également de la matière dont il est fait. De nombreux talismans auront ainsi la forme d’une médaille, d’un anneau, d’une statuette, etc.

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    TALISMANS & SIGILS

    Au dbut du Moyen Age, les talismans sont appels simplement des imago, des images , car ils sont censs tirer leur pouvoir magique de ce quils reprsentent. Puis au XIIe sicle, lauteur Hermann de Carinthie voque, dans lun de ses ouvrages, les thelesmatici, autrement dit les faiseurs dimages magiques . Le terme, qui vient du grec telesma, par le truchement du mot arabe tilsam et signifie une fois encore image , est alors adopt en Occident.

    Dune faon gnrale, le talisman est un objet travaill par lhomme dans le but dy introduire des vertus magiques. Il peut tre fabriqu de diffrentes matires, mais implique gnralement lemploi d'une pierre prcieuse ou d'un mtal, car outre limage quil porte, son pouvoir dpend galement de la matire dont il est fait. De nombreux talismans auront ainsi la forme dune mdaille, dun anneau, dune statuette, etc.

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    1. La Magie Astrale

    Si l'Antiquit grco-latine connat de nombreuses formes de talismans, cest surtout dans le monde arabe que lOccident mdival va puiser son inspiration, car les Arabes ont dvelopp une magie essentiellement base sur le pouvoir des astres. Pour lOccident chrtien, ce parti-pris a un double avantage : les talismans plantaires, en tirant leurs vertus des proprits naturelles des plantes, ne doivent rien aux dmons et sont donc acceptables pour lglise ; dautre part, lastrologie, qui jouit lpoque dune grande estime, est considre comme une science srieuse .

    Par certaines images, graves sur un matriau choisi, un moment astrologiquement favorable, le magicien espre attirer linfluence bnfique des astres afin datteindre un but donn (protection contre les maladies, gains dargent, etc.). Ainsi, selon Cornlius Agrippa, le talisman de la plante Jupiter, grav sur une lame dargent procurera alors celui qui la porte le gain, les richesses, la faveur, l'amour, la paix et la concorde. Elle flchit les ennemis, confirme dans les honneurs et dans les dignits , et grave dans le corail cette table carte les malfices .

    partir du XIIIe sicle, la magie dite astrale va pntrer lhorizon occidental. Les premiers traits seront le De mineralibus dAlbert le Grand et lanonyme Speculum astronomiae. Ces pratiques feront videmment dbat parmi les rudits, mais ses adeptes parviendront chapper aux foudres de linquisition en insistant sur le fait que cette magie est naturelle et se distingue donc des invocations dmoniaques condamnes par lglise. La magie astrale gagnera ainsi une forme de lgitimit, au point quen 1301, Arnaud de Villeneuve offre au pape Boniface VIII un sceau l'image du Lion, afin de le soulager des douleurs dues son calcul rnal.

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    Extrait de Three Books of Philosophy, par Henry Cornlius Agrippa, comment par Donald Tyson, Llewellyn Publications, 2007

    Ds la fin du XIVe et, plus encore, aux sicles suivants, magiciens, astrologues, mais galement mdecins feront un grand usage de ces images astrologiques. cette poque, les diffrentes branches du savoir ne sont pas encore distinctes et reposent sur les mmes principes de comprhension du monde. Durant tout le Moyen ge, la Renaissance (et encore de nos jours en ce qui concerne la Magie), la philosophie occidentale sappuiera sur lide que lunivers est ordonn, harmonieux et quun rseau d'analogies relie le monde terrestre au monde cleste, ainsi que laffirme la clbre formule de la Table dmeraude tout ce qui est en haut est comme tout ce qui est en bas . Cette conception constituera longtemps en Occident la voie royale pour la comprhension de lunivers, au point daccaparer tous les domaines du savoir durant la bagatelle dune vingtaine de sicles.

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    Ainsi, toute matire est considre comme compose du mlange des quatre lments fondamentaux qui prsident galement aux quatre humeurs du corps humain ; le mouvement des plantes influence les vnements terrestres lchelle collective comme individuelle ; dune faon gnrale, des lois danalogie relient le microcosme (le corps humain) et le macrocosme (lunivers) ainsi que le ciel et la terre.

    Pour agir sur le monde, les magiciens sappuient en premier lieu sur cette ide que le semblable attire et agit sur le semblable - ce quon appelle le principe de sympathie . De ce principe, sera dduite la doctrine des correspondances voulant qu chaque corps cleste soient associes certaines qualits, mais galement un ou des mtaux, des couleurs, des nombres, etc. Pour confectionner un talisman permettant dattirer linfluence de la plante dsire, loprateur devra utiliser le mtal, les images, les couleurs, les encens, considrs comme tant en affinit avec cette plante.

    2. Les Langues Magiques

    La Renaissance sera la grande poque de la talismanique avec des auteurs toujours fameux tels que Marsile Ficin, Cornelius Agrippa, ou Paracelse. Entre temps, lOccident sest enrichi de nouveaux apports culturels. Les rudits byzantins fuyants les Turcs ont emport dans leurs valises manuscrits grecs, arabes et hbreux ; ainsi, le Corpus Hermeticum, collections de textes alchimiques et mystiques attribus au mythique Herms Trismgiste, sera redcouvert et traduit en latin par Marsile Ficin en 1463 ; la mme poque, dans le sud de lEurope, les savants juifs ont runi les principaux textes de ce qui sera connu sous le nom de kabbale hbraque .

    Lapproche hermtique du monde, permettant dappliquer un mme modle tous les phnomnes, physiques, magiques, mdicaux,

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    chimiques, etc., a pour consquence que les savoirs peuvent non seulement tre rconcilis au sein dune mme culture, mais galement dune culture une autre. Le matre mot ne sera donc pas uniquement harmonie , mais galement syncrtisme . Ainsi, le plus clbre des mages de la Renaissance, Cornlius Agrippa dveloppera un systme mlant kabbale hbraque, astrologie arabe, gomancie, chiromancie, etc. Il introduit notamment dans la talismanique les carrs magiques connus des Arabes et des Indiens. Ces carrs sont des grilles de nombres dont la somme des colonnes, des lignes et des diagonales est identique.

    Carr magique de Saturne par Cornlius Agrippa

    Agrippa va associer ces carrs aux plantes de faon dterminer 7 Sceaux plantaires, puis il se servira des correspondances entre les lettres hbraques et les nombres pour crire dans chaque carr le nom des esprits angliques correspondants et en dduire ainsi des Signatures Angliques pouvant tre utilises dans des talismans.

    Sceaux et Signatures Angliques par Cornlius Agrippa

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    De la Kabbale hbraque vient en effet lide que certaines langues sont susceptibles de renfermer lessence de lobjet nomm, quen connaissant le nom dun objet, on obtient un certain contrle sur cet objet. La langue hbraque est rpute possder ce pouvoir, mais galement des nombreux alphabets magiques que lon trouve dans les grimoires.

    Quelques-uns sont inspirs de lhbreu, dautres utilisent des signes astrologiques ou gomantiques, certains enfin demeurent dorigine mystrieuse comme le Thbain encore utilis de nos jours dans la tradition de la Wicca.

    Alphabet Thbain

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    3. La compagne des dmons

    Cest ainsi quAgrippa dAubign appelle Catherine de Mdicis dans son pome Les Tragiques. La reine qui ordonna le massacre des protestants tait en effet passionne par les sciences occultes. Elle avait ses astrologues attitrs quelle consultait avant chaque dcision importante, des personnages devenus clbres : Michel de Nostredame, plus connu sous le nom de Nostradamus , et Cosme Ruggieri qui fut ml plusieurs affaires de philtres et denvotements.

    Lun des plus clbres talismans de lhistoire, conserv au Cabinet des mdailles de la Bibliothque nationale, appartenait Catherine de Mdicis. C'est une mdaille ovale dont les symboles sont directement inspirs de luvre dAgrippa, La Philosophie Occulte. On y reconnat diverses signatures angliques, des reprsentations figures des astres sous des formes humaines et animales, ainsi que des formules conjuratoires.

    Le talisman de Catherine de Mdicis

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    Cette mdaille, probablement confectionne vers 1550, ne cessa dintriguer les historiens. Lauteur pourrait en tre Fernel, astronome devenu mdecin du roi, en raison de la mention Freineil sur le talisman. Les figures astrales reprsentes sont celles de Jupiter et de Vnus, auxquelles sadjoignent dautres symboles comme ceux du Soleil et du Taureau. La majorit des historiens pense que la figure de Jupiter symbolisait Henri II, celle de Vnus, la reine, et que cette mdaille tait destine accrotre linfluence de Catherine de Mdicis sur le roi. Elle laurait, parat-il, porte jusqu sa mort. Pour une explication dtaille, voir louvrage de Pierre Bhar : Les Langues Occultes de la Renaissance, Desjonqures, 1996.

    La reine Catherine de Mdicis (1519 1589)

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    4. Les Sigils

    La fin du dix-neuvime sicle fut une nouvelle priode charnire pour la magie. Tandis que lOccident entrait dans lre industrielle, lmergence de disciplines telles que lanthropologie ou la psychanalyse ouvrait la voie de nouvelles explorations de lhumain. Dans le mme temps, le climat gnral dindustrialisation et le positivisme conduisirent un nombre croissant de personnes se rfugier dans le merveilleux et la spiritualit. Des socits secrtes, telles que la Golden Dawn, apparurent dans toute lEurope ; lOccident redcouvrit lInde, les spiritualits orientales ; cest galement lpoque qui vit la naissance du spiritisme, de lhypnose, puis de la parapsychologie.

    Une fois de plus, syncrtisme fut le matre mot de ce renouveau. Lsotrisme du XIXe sicle puisa abondamment dans le pass pour crer de vastes synthses, dont certaines furent brillantes et inspires ; cependant dans la majorit des cas, cette manie daddition des savoirs eut plutt comme consquence un alourdissement des savoirs puisque le moindre rituel requerrait de longues annes tudes des langues anciennes, de la Kabbale, de lalchimie, de lastrologie, etc. Sans oublier qu force de recopier les anciennes figures, par mconnaissance des langages utiliss, mais galement parce que notre faon de percevoir le monde a radicalement chang depuis la Renaissance, les talismans finirent par se truffer derreurs.

    Par exemple, la figure ci-dessous, extraite du Formulaire de haute magie de Pierre Vincenti Piobb est fausse. Au centre se trouvent les lettres hbraques Yod, He Dalet, H , ce qui ne renvoie aucun terme hbreu existant. la place, devraient se trouver les quatre lettres du nom divin Yod H Vau H . La majorit des autres termes de ce talisman est tout aussi incorrecte. Lauteur semble ignorer que des lettres

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    hbraques mal calligraphies sont mortes ou agissent contre sens de ce qui est dsir :

    Talisman de la Lune selon P. Piobb

    partir de ce constat, un auteur et peintre du nom dAustin Osman Spare conut, dans les annes 1920, une technique base sur la symbolique personnelle de chaque praticien. Son opinion tait que pour que la magie soit rellement efficace, chaque individu devait dvelopper son propre langage symbolique et crer ses talismans avec le matriel porte de main, autrement dit son propre inconscient. Il inventa donc de nouvelles techniques et son propre alphabet magique usage personnel.

    En 1913, fut publi louvrage majeur de Spare, Le Livre du Plaisir dans lequel sont exposs les principes de sa doctrine magique. Ne sy trouve aucun rite ni systme moral ou religieux, aucun corpus de savoirs

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    ancestraux apprendre par cur, mais des techniques permettant de projeter sa volont dans le rel grce des supports picturaux, les sigils .

    Au contraire de la magie traditionnelle, la sigillisation ne requiert aucune connaissance occulte pralable. Il sagit simplement dinscrire une intention magique dans un glyphe, un dessin ou un son, puis de lactiver et le laisser agir. Le talisman est conu comme un catalyseur du dsir qui agit sur linconscient de loprateur. Le premier ouvrage franais consacr au sujet est sorti en 2010 aux ditions Bussire : Les Sigils, la magie du XXIe sicle, par Spartakus FreeMann et Soror D.S.

    Cette nouvelle approche de la talismanique connat, lheure actuelle, un grand succs dans le monde anglo-saxon, sans pour autant clipser totalement les talismans traditionnels qui restent utiliss dans toutes les traditions magiques, de la Wicca aux adeptes des runes, en passant par la magie crmonielle.

    Runes lies dans un but talismanique

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    Bibliographie slective :

    Histoire de la philosophie occulte, Alexandrian, Payot, 1994.

    Les Langues Occultes de la Renaissance, Pierre Bhar, Editions Desjonqures, 1996.

    Les Sigils, la magie du XXIe sicle, par Spartakus FreeMann et Soror D.S., Bussire, 2010 : http://www2.esoblogs.net/6128/les-sigils-la-magie-du-xxieme-siecle/

    Les Talismans , Spartakus FreeMann, sur le site EzoOccult :

    http://www2.esoblogs.net/5277/les-talismans/

    Agrippa et les carrs plantaires , Spartakus FreeMann, sur le site EzoOccult :

    http://www2.esoblogs.net/3378/agrippa-et-les-carres-planetaires/

    Formulaire de haute magie, Pierre Vincenti Piobb, Dangles, 1982.

    La Philosophie Occulte, 3 tomes, de Henri-Corneille Agrippa, Editions Traditionnelles, 2000.

    Melmothia, 2010.

    http://www.paranormalnews.fr/