réflexions sur les organisations religieuses aux États-unis

17
EHESS Réflexions sur les Organisations Religieuses aux États-Unis Author(s): Talcott Parsons Source: Archives de sociologie des religions, 2e Année, No. 3 (Jan. - Jun., 1957), pp. 21-36 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30119907 . Accessed: 10/06/2014 04:45 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sociologie des religions. http://www.jstor.org This content downloaded from 194.29.185.150 on Tue, 10 Jun 2014 04:45:12 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Upload: talcott-parsons

Post on 06-Jan-2017

212 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

EHESS

Réflexions sur les Organisations Religieuses aux États-UnisAuthor(s): Talcott ParsonsSource: Archives de sociologie des religions, 2e Année, No. 3 (Jan. - Jun., 1957), pp. 21-36Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30119907 .

Accessed: 10/06/2014 04:45

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at .http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp

.JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range ofcontent in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new formsof scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected].

.

EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sociologie desreligions.

http://www.jstor.org

This content downloaded from 194.29.185.150 on Tue, 10 Jun 2014 04:45:12 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

RIFLEXIONS SUR LES ORGANISATIONS RELIGIEUSES

AUX ITATS-UNIS

COMME en maint autre domaine, dbs le debut de leur histoire de

nation indipendante, les Etats-Unis ont prisenti, soit dans leur Constitution, soit dans d'autres domaines, un exemple assez nouveau et remarquable de relations entre religion organisde et socidtd. Au plan Constitutionnel, l'innovation frappante fut la rdpudiation de l'ancienne institution europdenne de

l'< Etablissement a par la siparation de l'Eglise et de l'Etat tant au niveau fiddral qu'au niveau de chaque Etat: c'est ainsi que la Constitution, non seulement excluait une dglise itablie g l'4chelon f6ddral, mais encore interdisait a chaque Etat d'en 4tablir une. Sur un plan non formel, l'innovation frappante fut d'accepter ce que l'on pourrait appeler un ( pluralisme dinominationnel n, c'est-A-dire, la coexistence, avec droits sociaux igaux, d'innombrables collectivitis religieuses ou 6 dglises > en competition, aucune cependant ne jouissant d'un soutien positif du gouvernement, bien qu'elles bindficient de certains privileges tels que des exemptions d'imp6ts (1). La libertd pour l'individu d'appartenir ou d'apporter son soutien $ l'un quelconque de ces groupes

, dinominationnels n impliquait aussi sa liberti de se soustraire a tous.

La citoyennetd ne supposait ni adhision i une croyance quelconque, ni soumission i l'autoriti ou & la pression d'aucune organisation religieuse. Pour autant que cela relevait de I'autoriti politique, la religion cessait d'8tre un objet d'(( intir&t public n et se trouvait relhgude dans le domaine des affaires privies. Dans ses grandes lignes, ce systhme s'est avird viable au cours des 170 ans de notre vie nationale, piriode suffisamment longue au train oii vont les choses. Aucun sympt6me ne laisse prisager actuelle- ment une rupture de cette tradition.

Ce schima contraste avec la tradition europdenne en gdndral, dont on peut affirmer que l'institution dominante fut celle de l'dglise dtablie. Bien que les pouvoirs politiques et religieux fussent distincts dans leur structure, il 4tait bien entendu que seule telle iglise pouvait Idgitimement

(1) Privilege partag6 par I'ensemble des organismes 4ducatifs ou charitables.

21

This content downloaded from 194.29.185.150 on Tue, 10 Jun 2014 04:45:12 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

ARCHIVES DE SOCIOLOGIE DES RELIGIONS

pr6tendre au monopole et aux privilbges de l'autoriti religieuse sur l'ensemble d'une socidtd politique donn6e, et qu'elle pouvait non moins I6gitimement faire appel a l'autoriti politique tant pour 4tayer ce monopole par des moyens de coercition physique, que pour s'assurer une base finan- cibre. Le prototype de cet ancien systhme est 6videmment l'Eglise Catho- lique d'avant la Riforme. C'est fondamentalement le m6me systhme qui dans ses grandes lignes fut adoptd par les principales Eglises Riform6es, luthdrienne et calviniste, et la plupart des pays europdens en ont retenu d'importants 6l!ments au cours de leur d6veloppement ult6rieur.

Bien entendu, ce schema a subi de profondes modifications au cours de l'histoire europdenne, depuis la R6forme. En fait, la rupture qui se manifeste par ce mouvement dans l'unit6 religieuse de la Chritient6 Occidentale, coincide avec la rupture de son uniti politique. Dij& I'unit6 du Saint Empire avait 6t6 gravement compromise par l'ind6pendance des monarchies anglaise et frangaise, mais, aprbs la R6forme, avec le schisme religieux qui s'insinue dans son ossature, l'< Empire ) ne fut plus gubre qu'une fiction. La formule Cujus regio, ejus religio elle-m6me se rivla instable, et de plus en plus, l'uniti religieuse sous une iglise 6tablie se disloqua l'intidrieur m6me de la communauti politique. La politique blisabithaine de tol6rance religieuse en Angleterre fut sans doute le premier pas notable sur cette voie. De nos jours, tous les Etats europ6ens de quelque importance (sauf L'Espagne) ont adopt6 la tolhrance religieuse au moins jusqu'd un certain degr6 - et quelques-uns, comme la France, out institu6 formellement une separation de l'Eglise et de L'Etat.

D'un autre c6t6 cependant, demeurent de nombreux vestiges du systhme ancien. La plupart des pays, tout en tolerant d'autres iglises, reconnaissent encore & l'une d'elle la position d'6glise 6tablie, ici l'Eglise Catholique, l l'Eglise Luth6rienne. L'Angleterre a sa propre Eglise Anglicane, L'Ecosse son Eglise Presbytirienne. On peut supposer que cela s'accompagne de privilbges, dans le domaine fiscal, scolaire, etc...

Mais, \ part ces privilhges hdgaux accordis aux collectivitis religieuses, on peut discerner encore d'autres vestiges de l'ancien 4tat de choses. L'un des plus notoires, aux yeux des Amiricains, c'est la tendance per- manente A constituer des partis politiques sur des bases religieuses. C'est en Grande-Bretagne que ce fait est le moins visible; et pourtant on pourrait allhguer que ]a rupture definitive avec l'Irlande vient essentielle- ment de 1, et que l'autonomisme religieux de l'Ecosse demeure un noyau de la rdaliti icossaise. Sur le Continent, toutefois, le fait est encore plus accus6 en divers pays, tels la France avec le M.R.P., la Hollande, la Belgique, 1'Italie, etc...

C'est en liaison 4troite avec ce fait qu'a surgi la tendance au < s6cu- larisme n (2) au sens

otd celui-ci d'une part implique opposition a ce qu'il

(2) a Secularism ,.

On adopte ici a dessein une traduction litt~rale: s s6cularisme n, pour respecter l'originalit6 de ce concept qui joue un si grand r61e non seulement dans l'6tude prbsente, mais dans toutes les etudes anglo-saxonnes analogues. Il s'agit bien entendu du d6pirissement du sacral dans le profane, de l'ecclhsiologique dans le sociologique, du clkrical dans le laic. Mais le mot frangais laicisme ne coincide pas exactement avec ce qu'il y a de complexe dans ce d6p6ris- sement. (N.D.T.).

22

This content downloaded from 194.29.185.150 on Tue, 10 Jun 2014 04:45:12 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

ORGANISATIONS RELIGIEUSES AUX BTATS-UNIS

y a d'organisk dans une religion et d'autre part tend \ rev~tir des formes politiques ddpassant d'autres problimes plus particuliers. C'est ainsi que, pendant un si~ecle, la politique frangaise a regu de l'anticl~ricalisme une de ses principales polarisations. Dans l'ensemble, ce < s~cularisme poli- tique a dtd un Clment majeur dans la ligne politique des partis de gauche en Europe - encore une fois Grande-Bretagne except~e. - Dans le cas extreme du communisme, on pourrait dire que le but a 4t6 de susciter un < contre-dtablissement n en faisant du < sdcularisme a militant un dogme A appliquer rigidement, une fois le Parti adoss6 a l'autoritd gouvernementale.

On peut se demander si le manque d'attirance pour le << sicularisme , de la gauche europdenne, et notamment du communisme, tel qu'il est

constatd dans les pays anglo-saxons, et tout particuli~rement aux Etats- Unis, ne tient pas au fait pricisiment que dans ces pays toute polarisation d'un organisme politique par des perspectives religieuses s'avyre 6trangbre a leur mentalit6.

On comprend que la structure des institutions amiricaines at cet igard puisse apparaitre, a beaucoup d'Europdens, comme le stade final du processus de <cs~cularisation d'un heritage europden qui plonge ses racines dans l'unit6 du catholicisme m~didval. Comment affirmer qu'une religion demeure vivante, si, d'une part, on la voit s'dparpiller au point de rendre impossible le maintien de l'uniti religieuse d'une socidtd et d'imposer ]a tolerance pour une varidtd infinie de groupes dinomina- tionnels, et si, d'autre part, les gens ont si bien laissi faiblir leur attache- ment a leur religion, qu'ils se refusent ~ combattre par des moyens poli- tiques pour leurs convictions religieuses ?

A l'encontre de cette interpretation, je voudrais sugg~rer ceci: on a vu apparaitre aux Etats-Unis-meme si le phinomhne n'est pas encore arriv4 g pleine maturit6 - une nouvelle mani~re d'institutionnaliser les relations entre religion et socidt ; il s'agit d'une < s~cularisation , non pas dans le sens oi celle-ci viserait ~ Jliminer toute religion organisde du domaine de la vie sociale, mais bien plut6t dans le sens d'un effort pour reconsiddrer la place qui revient t cette religion dans ce domaine social. Le rdeent << riveil religieux a ambricain, dont on a beaucoup parl6, fournit un timoignage important a l'appui de cette these. On peut invoquer deux explications fondamentales de ce phinomene. La plus rdpandue, m~me parmi les intellectuels am~ricains, c'est qu'il ne s'agirait pas 1l d'un fait religieux & proprement parler, mais que ce phinomhne repose sur des facteurs extirieurs: tels que le fait de rdpondre aux besoins de voisinage et de s~curit6, done d'appartenance ~ un groupe, besoins rencontres dans les populations 6minemment mobiles des villes ambricaines de l'Age industriel, particulibrement dans les faubourgs rdeents. L'autre explication est que ce phinomhne rdpond a un nouvel dquilibre dans les relations entre les il6ments religieux et < s~culiers ,, de l'ddifice social. C'est B propos de cette seconde interpretation que je voudrais apporter quelques arguments.

23

This content downloaded from 194.29.185.150 on Tue, 10 Jun 2014 04:45:12 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

ARCHIVES DE SOCIOLOGIE DES RELIGIONS

Prdecddents historiques du systkme ameiricain.

On peut affirmer qu'au moment de la Rdevolution amiricaine, la reconnaissance d'une siparation entre l'Eglise et l'Etat 4tait une esphce de tour de force, dfi A deux facteurs principaux, absolument dtrangers A la place tenue par la religion dans la profondeur des structures sociales. L'un de ces facteurs tient A la situation politique cride par ]a diversit6 religieuse des 13 colonies. De toute ~vidence, les Puritains de la Nouvelle- Angleterre, les Catholiques du Maryland, les Quakers de Pennsylvanie, les Anglicans de Virginie et les Presbytiriens trbs rdpandus dans le Sud n'auraient pas accept6 que I'une quelconque de leurs dinominations regoive les privilhges d'une Jglise 6tablie. Ii leur fallait done accepter qu'aucune ne fut telle. D'autre part, parmi les (( Fondateurs de la Patrie ) dominait un groupe d'intellectuels du type de Thomas Jefferson, pro- fondiment influencd par le <( sicularisme ? de l'bre frangaise des (( lumieres ) au XVIIIe sicle.

L'apparition du nouveau systhme dans les institutions est le rdsultat d'une longue ivolution qui s'est confondue avec l'dvolution sociale d'en- semble, et dont I'dvdnement-clef a dtd une diffdrenciation de structure. Bien entendu, de temps A autre, des problbmes religieux se sont fait jour dans la vie politique ambricaine: ce fut le cas, par exemple, des divers mouvements anti-catholiques, depuis le ((Know Nothing Party n (Parti des Ignorants). Mais, du point de vue des structures, la siparation de l'Eglise et de l'Etat s'est rcvlde stable et n'a jamais 4td sdrieusement mise en question. Le domaine de l'dducation fournit un bon exemple du processus qui a donni A l'Eglise une structure autonome.

I1 faut se rendre compte qu'aux premiers jours de la Ripublique Amiricaine l'dducation du premier degrd n'6tait nullement considdrde comme charge publique. Les hautes classes privilhgides l'organisaient elles-m~mes A titre priv6, pour leurs propres enfants. Les premibres institutions d'enseignement se fondbrent au niveau de l'enseignement supirieur, et elles 4taient destindes A la formation des ministres des cultes. Alors m~me que d'autres groupes, distincts des futurs pasteurs, se mirent A frequenter les collbges, la direction de ceux-ci demeura A peu pros intigralement d'obddience confessionnelle.

Au ddbut, pendant I'Are coloniale, I'glise locale et l'autoritd publique s'associaient pour fournir les credits destinds A l'enseignement supirieur: tel fut le cas pour la fondation du Harvard College ou du King's College de New-York, celui qui devint plus tard Columbia University. Mais, aprbs l'acchs A I'Indipendance, la responsabilit6 retomba entibrement sur les groupes dinominationnels, jusque vers le milieu du XIXe sibcle, odi, dans les territoires de l'Ouest, on se mit A fonder de nombreuses Univer- sitis d'Etat. Ceci suivit immidiatement l'expansion de l'enseignement primaire et secondaire. Bien qu'aux Etats-Unis I'dducation se ddveloppit dbs lors sous les auspices du gouvernement, il faut noter que ce furent les collectivitis locales qui en assumbrent la responsabilit&. Encore actuel-

24

This content downloaded from 194.29.185.150 on Tue, 10 Jun 2014 04:45:12 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

ORGANISATIONS RELIGIEUSES AUX BTATS-UNIS

lement, le sch6ma demeure le m~me dans ses grandes lignes: les Etats n'assument qu'une part rdduite des frais, et, jusqu'& prdsent, le Gouver- nement Fiddral n'en assume pratiquement aucune. Les Etats-Unis sont probablement dans le monde le seul pays important A n'avoir pas de Ministere de l'Education Nationale.

On peut voir par 1& que, en un sens, l'Etat, en Europe, a hiritd de l'Eglise la fonction iducative. Aux Etats-Unis, I'dduction resta beaucoup plus longtemps sous contr6le religieux, mais, lorsqu'elle se sicularisa, elle passa en premiere instance aux mains d'organismes privds et secondaire- ment seulement A l'autoriti publique, et, m~me dans ce cas, demeura essentiellement dans ]e cadre local. Les Collges, et plus tard les Universitis, se sont gindralement muds de fondations religieuses en socidtis fiduciaires privies, n'ayant plus que de lointaines affiliations dinominationnelles. Les h8pitaux ont suivi une ivolution semblable. Dans ce dernier cas, pour un Amiricain, la difference est frappante avec ce qui se passe en Europe, oi0 l'infirmibre, la < soeur n, se laisse distinguer A peine du membre d'un ordre religieux. Dans ce domaine, on doit peut-6tre s'attendre A ce que l'Eglise Catholique ait une politique quelque peu ddcalde par rapport au reste de la socidtd ambricaine. Prenant avantage du cadre ambricain de toldrance religieuse, elle a, surtout depuis une ou deux gindrations, tenti d'itablir un systhme complet d'dducation religieuse grAce auquel l'enfant catholique, du moins dans le cas iddal, serait, de l'dcole primaire A I'Uni- versit6, 4lev4 exclusivement dans des institutions contr6l1es par son Eglise. Ce n'est 1 qu'un des aspects de la situation particulibre occupde par l'Eglise Catholique dans la socidtd amdricaine. Mais on peut se demander jusqu'A quel point celle-ci pourra conserver une politique A part, en prdsence d'un ensemble puissant de forces marchant dans une direction differrente.

Selon moi, comme je l'ai suggird, la place particulibre de la religion dans la socidtd ambricaine a pour clef une diffdrenciation structurelle. Lorsqu'une structure antirieurement peu diffdrencide vient A se diffdrencier en sous-systhmes plus spdcialisis, si un des nouveaux dldments structurels porte le m6me nom que l'ancienne structure, la nature des choses veut que, par comparaison avec celle-ci, ce nouvel ilhment semble avoir perdu certaines attributions, et peut-6tre, d'un certain point de vue, s'6tre affaibli. On peut illustrer ceci par un exemple extra-religieux. Ainsi, dans les socidtis paysannes, quand la grande masse de la population se consacrait A l'agriculture, la collectiviti familiale 6tait A la fois le principal agent social de production iconomique et le principal foyer iducatif de la premiere enfance, comme le foyer principal d'intimiti personnelle pour ses membres. Les socidtis industrielles modernes ont fait presque totalement perdre A la cellule familiale sa fonction de production 6cono- mique pour la transfirer aux usines, bureaux, etc... En ce sens, la famille a perdu des fonctions et atteint une plus grande spdcialisation comme agent social. La famille citadine moderne est visiblement diffirente de la famille paysanne; qu'elle soit meilleure ou pire, c'est une question d'opinion, mais cette opinion doit tenir compte du r61e different joud

25

This content downloaded from 194.29.185.150 on Tue, 10 Jun 2014 04:45:12 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

ARCHIVES DE SOCIOLOGIE DES RELIGIONS

par la famille dans la structure sociale d'ensemble, sans oublier qu'une organisation familiale de la production n'est pas capable d'assurer les m6mes avantages sociaux que l'organisation industrielle.

Pour juger du processus de differenciation, il est ndcessaire d'avoir A l'esprit un critbre pour ddfinir les fonctions ( primaires ,

de tel ou tel dliment de la structure sociale, celles qui marquent un stade de " riduc- tion ) qui ne saurait guire 6tre ddpassd. Les fonctions e secondaires n, par contre, sont celles qui peuvent, par suite du processus de differen- ciation, 6tre confides $ d'autres organismes. Dans le cas de la famille, qu'on vient de voir, je pense que ses fonctions primaires en tant que cellule sociale (sans considdrer par consequent ce qui concerne la santd physique) sont sa contribution au ddveloppement de la personnalith des enfants - ce que les sociologues appellent maintenant (( socialisation ) - et son r61e stabilisateur dans l'dquilibre personnel des adultes. Comme organisme social, la famille est avant tout un ensemble de micanismes agissant sur les bases structurelles de la motivation chez les individus qui la composent, 4tant entendu que ceux-ci ont a jouer un r6le social. Ne peut-on pas introduire un parallhlisme avec les fonctions primaires de la religion dans la socidtd ?

Dans l'itat actuel des connaissances sociologiques, ce domaine est moins stir que celui de la famille. Je voudrais pourtant souligner les fonctions sociales de la religion comme fonctions de r~gulation, B l'dgard de l'dquilibre des motifs qui lient I'individu aux valeurs de la societd, et a travers ces valeurs A l'dgard des r6les qu'il y joue. Et cela pour autant qu'il confronte ces r6les avec des interrogations sur son destin final d'etre conscient et sensible, et avec les fondements sur lesquels s'appuie la signification qu'a pour lui ce destin (au sens oi' Max Weber emploie l'expression (( problbmes de signification ,) (3). La religion, ainsi conque au point de vue de sa fonction sociale, est proche de la famille. Dans le cas de la famille, toutefois, on peut i mon avis qualifier de ( rigressifs les ilhments de rdgulation qu'elle introduit dans la motivation d'un individu - en ce sens qu'elle le rifbre A l'expirience de ses premieres annies, en particulier aux rapports familiaux qui sont ou qui furent le cadre de son ddveloppement.

La religion, au contraire, concerne essentiellement les phases adultes de la vie, ainsi que les a problbmes de signification ) impliquis par ce qu'il y a en elle de fondamentalement limitatif, y compris la finitude, et son terme: la mort. Il en dicoule des questions telles que: en dernibre analyse que suis-je ? Quelles sont les raisons de mon existence ? que signi- fient mes rapports avec autrui ? pourquoi dois-je mourir ? et qu'advient-il de moi g ma mort et aprbs ma mort ? Pour la religion, les problbmes cen- traux portent sur ]a signification pergue de l'existence sensible, la signi- fication du bonheur et de la souffrance, du bien et du mal (4).

(3) Concept utilis6 par Max Weber dans un sens pricis. Cf. en particulier (( Psychologie sociale des religions du monde

,, ch. xi, dans (( From Max Weber: Essays in Sociology

,. Traduit

et 6dith par Hans Gerth et C. Wright Mills. New-York, Oxford University Press, 1946. (4) Cf. TILLICH, The courage to be, pour une brlve mais excellente discussion de ces problmes

centraux.

26

This content downloaded from 194.29.185.150 on Tue, 10 Jun 2014 04:45:12 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

ORGANISATIONS RELIGIEUSES AUX ATATS-UNIS

La religion comporte toujours un ildment de connaissance essentielle (c'est-8-dire philosophique), mais, ainsi que l'a soutenu Durkheim, elle porte l'accent moins sur la connaissance que sur I'action. La question est de savoir, itant donna mon entendement et ses limites, ce que sont mes stimulants fondamentaux dans la vie. Bien entendu, I'influence d'autrui et les diverses implications de mes relations de solidaritc avec les autres, jouent un trbs grand r6le: je pourrais affirmer qu'en dernibre analyse la religion est une affaire personnelle, une question que l'individu se pose au plus profond de lui-m&me A propos de sa propre nature et de ses raisons d'etre. Ceci itant, il faudrait consid~rer comme empirique le problhme de la nature constructive de la religion au point de vue social: il est impossible A r6soudre par une diduction ~ partir des caract~ristiques d'ensemble de la religion elle-m~me.

La Religion et le processus de di/ffrenciation sociale.

Ainsi, A mon sens, la religion a subi un processus de diffdrenciation sociale comparable a celui qui a affect6 la famille; aux Etats-Unis, elle a atteint un stade particulibrement avanc6, susceptible ou non de servir de module B d'autres socidtis. C'est un fait bien 4tabli que les socidtds primitives et bien d'autres civilisations non-occidentales ne connaissent pas une distinction structurelle nettement tranchie entre les aspects religieux et les aspects sdculiers d'une socidtd : il n'existe pas d'(( Eglise > sous la forme d'une organisation distincte riellement diff~rencide. De ce point de vue, la distinction fondamentale existant entre l'Eglise et l'Etat, dbs les origines de la Chritienti occidentale, peut 6tre regardde comme un grand pas dans le processus de la diffPrenciation de la socidtd dans son ensemble.

Cette diffdrenciation faisait ddji de la religion un ilhment plus sp6- cialisi que dans la plupart des autres civilisations. Mais A la suite de la Renaissance et de la Riforme, une evolution s'est produite dont la ten- dance a dtd de porter plus loin encore la diff~renciation. Les phases de cette evolution, et les modalitis exactes qui en ont rdsultd, ont pris des aspects divers dans les diffdrents pays. Les dicrire toutes et les comparer entre elles ddpasserait le cadre de cet article: sans parler du manque de place, cette trche exigerait dans l'dtude historique un niveau technique qui n'est pas de mon ressort. Je me contenterai done de mettre en lumibre quelques aspects du problhme dans le cas de l'Amirique, ainsi que leurs consequences sur la socidtd ambricaine.

Le point essentiel A souligner sans doute, c'est qu'en dipit de sa solide armature le gouvernement f~ddral 4tabli pour la nouvelle rdpublique fut, plus qu'aucun autre gouvernement europden, semble-t-il, enfermd dans un systhme de limitations constitutionnelles de l'autoriti gouver- nementale. Grace i l'isolement relatif des Etats-Unis par rapport g la politique europdenne (isolement dfi ? la distance d'une part, et d'autre part A la Paix Britannique), nos institutions purent se cristalliser dans le cadre de la Constitution sans qu'aucune pression brutale et insoutenable tentat de briser ces limitations. Dks lors et naturellement, comme le

27

This content downloaded from 194.29.185.150 on Tue, 10 Jun 2014 04:45:12 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

ARCHIVES DE SOCIOLOGIE DES RELIGIONS

principe de la sdparation de l'Eglise et de L'Etat 4tait inscrit dans la Constitution, une tradition gindrale s'ktablit selon laquelle les problbmes religieux n'itaient pas un champ propre a l'action politique. Ainsi, consequence fondamentale de tout schema, lorsque sonna l'heure d'une initiative gouvernementale en matiere d'dducation, principalement comme je l'ai dit B l'dchelon local, on pouvait tenir pour a peu pros certain qu'aucune icole subventionnie ne servirait les intir~ts ou ne subirait l'influence d'une quelconque d~nomination religieuse.

Tout ceci, cela va sans dire, est t la base d'une originaliti des tra- ditions religieuses elles-mbmes. Si diverses fussent-elles, elles ont subi, pour l'essentiel, l'influence de I'(( aile gauche , du protestantisme euro- pien, anglais en particulier, oi la tradition de l'Eglise Etablie ~tait la plus faible. Il est vrai que la Nouvelle-Angleterre a connu ~ l'origine une Eglise Congrigationaliste 4tablie, mais, au moment de la Rlvolution, I'institution tombait en disuitude et la tolhrance religieuse 4tait pratique- ment reconnue. L'arrivie dans les colonies, B la seconde gindration, de Gouverneurs Royaux, avait renforc cette tendance: on craignait en effet qu'en cas d'Etablissement solide, ce soit l'Eglise Anglicane qui soit imposde par les autorit~s britanniques. Des la fin du XVIIIe sidcle, des groupes, comme les Quakers, diverses sectes issues des Congrigationalistes, les Baptistes et, prenant leur essor ?t cette piriode cruciale, les M~thodistes avaient atteint de fortes positions. Tous 4taient des groupes qui, au nom de principes religieux, refusaient d'adosser la religion \ une autoriti politique; il est probable que, sans leur relative vigueur, le syst~me ambricain n'au- rait pas survicu. En outre il faut noter qu'il 4tait ddji solidement incrust6 avant qu'existit une minorit6 catholique influente.

Autre fait important: le grand mouvement pionnier a la conquate de terres vierges s'inspira du pluralisme religieux inaugurd dans les 13 colonies. Si bien qu'aucun des grands ivinements politiques qui ont divis4 le pays, surtout en matibre iconomique et en matiRre de limites territo- riales, n'a pu ~tre 4troitement identifiP avec une division religieuse. Une exception importante cependant: la concentration de la population catholique, au tournant du si&cle dernier, dans les villes du Nord et de l'Est. Mais, pour diverses raisons, les catholiques n'~taient pas en mesure de dominer politiquement un bloc rigional coherent, et le particularisme du Sud 4tait suffisant pour privenir toute coalition stable des Protestants du Sud et de l'Ouest, dirigde contre l'influence catholique en tant que telle. Au total, en dipit de flambles 4pisodiques de problhmatique religieuse, lesquelles ont pu influencer les objectifs et la ligne de conduite de certaines collectivitis locales, tenir la religion t l'dcart de la politique est devenu dans l'ensemble une des constantes de la vie sociale ambricaine.

Des contextes ofi s'est manifestie la diffdrenciation affectant la religion, ]e second peut-6tre par ordre d'importance est celui des relations avec les activitis culturelles, et par suite avec l'organisation de la vie intellectuelle et les professions libirales. Ceci provient, pour une part comme nous l'avons notd, de la Separation de l'Eglise et de l'Etat, et du fait que la prise en charge de l'6ducation par un gouvernement, m~me local,

28

This content downloaded from 194.29.185.150 on Tue, 10 Jun 2014 04:45:12 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

ORGANISATIONS RELIGIEUSES AUX iTATS-UNIS

ne peut comporter aucun appui officiel aux d6nominations religieuses sur ce plan (5). Le m6me principe doit naturellement s'appliquer aux Uni- versitis d'Etat comme aux icoles primaires et secondaires sous contr6le local.

Comme je l'ai not6, I'enseignement supirieur aux Etats-Unis 4tait A l'origine sous ]e contr6le principal des dinominations religieuses. Comment s'est faite la < sdcularisation " ? Il me parait probable que les facteurs d~ci- sifs sont A chercher dans le transfert A l'Universiti de l'importance pri- mitivement accordie au Collhge. Ce transfert 6tait A son tour impliqud par l'importance stratigique immensiment accrue des professions sicu- libres, en particulier des professions A caractere scientifique. Il n'est pas sans intir~t de noter que les modules adoptis pour ce ddveloppement 4taient, pour leurs grandes lignes, empruntis aux Universitis d'Etat du continent europden. D'une part, dans la conjoncture am~ricaine, pour que les institutions d'enseignement sup~rieur privies puissent conserver leur position, certaines d'entre elles devaient se muer en Universitis. Mais d'autre part, si, comme Universitis, dans un pays religieusement diversifid comme l'Amirique, elles devaient pourvoir fondamentalement A ]a formation de l'ensemble du corps professionnel de la nation - avocats, mddecins, inginieurs, savants, administrateurs et m~me enseignants, aussi bien que ministres du culte - il leur 4tait impossible de mener la chose A bien aussi longtemps qu'elles demeureraient organisations dinominationnelles au sens strict et traditionnel du terme. Par dessus tout et particulibrement les universitis aspirant A une audience nationale plut6t que locale ne pouvaient pas faire du loyalisme dinominationnel le principal critbre de recrutement pour les corps de professeurs, non plus que pour les corps d'dtudiants. En tout cas, quel que soit le m~canisme social envisage, soit collkges et universitis subventionnis par les credits publics (itablissements d'Etat ou itablissements municipaux), soit sec- teur privY, ]e systeme ambricain d'enseignement sup~rieur est actuellement solidement < sicularisi dans la majoritd de ses orientations. Une seule exception notable: le systhme iducatif contrll6 par l'Eglise Catholique. Celle-ci reprisente une minoriti influente, mais rien ne porte A croire que son systhme puisse servir de module pour un renversement de cette ten- dance absolument fondamentale, A supposer mime qu'il puisse lui-mime, A ]ongue ichiance, survivre contre le courant.

Pour la religion, la sdcularisation de l'enseignement en Amirique comporte une consequence cruciale. C'est que les principaux moyens mis en zeuvre pour &valuer ou inculquer la culture intellectuelle ne sont pas et ne peuvent pas Stre contr6h1s par des corps religieux organisis. Ily a

(5) Le cas du Canada, en particulier la province de Quebec, illustre bien comment la com- binaison d'dlIments rigionaux, ethniques et religieux en blocs politiquement solides peut aboutir A des rdsultats diff&rents. Malgrd la tolbrance religieuse, l'enseignement, subventionni il est vrai par les credits publics, est confib respectivement au contr6le religieux des Catholiques et des Protestants, les parents ayant la libertA de choisir l'6cole oi ils veulent envoyer leurs enfants. Que ce syst~me ait 4th accept~ par la majorit6 britanmique (qui btait naturellement une minorite g Quebec) s'explique en partie du fait que les Anglicans sont beaucoup plus nombreux qu'aux Etats-Tinis, et sont beaucoup plus sympathiques au principe de l'Eglise Etablie.

29

This content downloaded from 194.29.185.150 on Tue, 10 Jun 2014 04:45:12 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

ARCHIVES DE SOCIOLOGIE DES RELIGIONS

longtemps que le contr6le effectif du ddveloppement de la science a dchapp6 partout aux organismes religieux - et les tentatives d'organisations semi- religieuses telles que le Parti communiste pour restaurer un tel contr6le ne semblent pas, a longue dchdance, devoir 6tre couronndes de succhs. Mais l'dtat de choses qui existe en Amirique a une signification beaucoup plus lointaine, en particulier & deux points de vue d'importance vitale. La premiere est l'extension des mithodes et des thdories scientifiques au domaine du comportement humain: ddveloppement qui se produit g l'dchelle mondiale, mais qui, cependant, a 6td beaucoup plus loin aux Etats-Unis que partout ailleurs.

La consdquence inivitable de ce ddveloppement est, d'une part, l'introduction de rbgles scientifiques areligieuses dans de nombreux domaines traditionnellement considdrds comme des spheres privilhgides de la religion (par exemple certains aspects de la moralitd); d'autre part, la sdcularisation de la philosophie et des humanitds. Quelque sdrieuse que soit la connaissance que prend le philosophe laic (lequel peut Stre, naturellement, membre pratiquant d'une denomination religieuse) des positions historiques et contemporaines de la religion sur les problkmes qu'il se pose, sa responsabiliti professionnelle ne peut 6tre difinie en dernibre analyse comme la ddfense de la position officielle d'un corps religieux quelconque, mais elle est une responsabilit ((< de recherche de la vdritd a telle qu'il la pergoit B la lumiere des traditions gindrales du savoir rationnel. Dans toute hypothbse contraire, aucune universitd amiricaine moderne et responsable ne pourrait se l'attacher.

Finalement on peut encore se rifdrer au fait que les droits, dans le systhme ambricain, sont clairement institutionnalisis selon une orien- tation ? dominante siculibre. I1l n'y a nulle obligation, ni pour le citoyen, au sens strictement politique du terme, ni pour l'homme social, de parti- ciper B - ou d'etre contr61h par - une quelconque organisation reli- gieuse. Aprbs le domaine de la politique et de l'dducation, ce fait est peut-Stre des plus importants dans les questions qui touchent a la famille. Dans son effort pour garder un contr6le sur les diverses spheres de la vie sociale autres que celle de la religion au sens strict du terme, une des tendances les plus tenaces des corps religieux a dtd de tenter de prescrire les conditions du mariage, du divorce et des multiples et diverses respon- sabilitis des parents vis-&-vis des enfants, en particulier celles concernant I'dducation. Bien scir - comme les citoyens d'autres pays - l'Amdricain qui viole les rigles de son iglise en ces matibres peut avoir des ennuis avec les autoritis de cette 4glise. Mais le point essentiel est que ni ses droits politiques de citoyen, ni sa situation sociale fondamentale de bon Amiricain ne sont conditionnis par son alignement sur les rkgles, en ces matibres, d'un quelconque corps religieux particulier. Un minimum de formalitis est dtabli par l'autorit6 politique - par exemple en ce qui constitue la Idgalitd du mariage ou du divorce -. Au delk, c'est affaire d'une opinion sociale composde d'dldments religieux divers. En termes religieux, il semble que ce soit une espbce de plus petit commun dinomi- nateur qui gouverne. Si un groupe tente d'imposer des normes en disaccord

80

This content downloaded from 194.29.185.150 on Tue, 10 Jun 2014 04:45:12 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

ORGANISATIONS RELIGIEUSES AUX BTATS-UNIS

avec cette attitude commune, la personne en question peut, au prix de conflits avec son propre groupe, conserver un standing social gindral satisfaisant, si sa conduite ne fait pas l'objet d'une rdprobation g~ndrale de la part des membres des autres groupes (6).

Le modele religieux amiricain

Vu en ces termes, il est ivident qu'eu igard aux vieux idiaux du christianisme occidental, la religion organis~e a beaucoup perdu en Amirique. D'abord, elle a perdu l'argument de base qui pouvait justifier sa revendication t l'unification religieuse, ffit-ce dans les limites d'une socidtd politiquement organisde. Le droit simultand au pluralisme religieux et A l'orientation (( sculibre n, ce qui n'est pas ndcessairement le droit de combattre la religion (sauf dans certaines limites) est un droit institution- nalisi fondamental de la socidtd ambricaine. La religion organisde a perdu le droit de revendiquer le soutien de l'Etat pour maintenir obligatoirement l'uniformiti ou m~me pour obtenir un concours fiscal, que ce soit au profit d'une seule iglise dtablie, ou au profit d'un corps religieux quelconque. Elle a perdu le droit de contrbler les lignes essentielles de la politique culturelle et, par dessus tout peut-atre, le droit de prescrire et de 14gitimer le cadre de la culture intellectuelle sdculibre, et plus spdcialement de la culture philosophique. Elle a perdu le droit de rigir effectivement par ses prescriptions certains domaines vitaux de morale priv~e, et plus sp6cialement ceux qui ont trait au mariage et aux relations familiales. A-t-elle done tout perdu ? Mon propre point de vue est qu'en definitive, il lui reste beaucoup.

Ernst Troeltsch, dans son ouvrage classique sur l'Enseignement social des Eglises chritiennes, soutient que, dans l'histoire de la chr&- tienti occidentale, il y a eu seulement trois versions de la conception d'une Socidtd Chritienne, celle dans laquelle les valeurs de la religion chritienne pouvaient 6tre considdries comme fournissant un cadre essentiel au systhme des valeurs de la socidtd toute entibre: ces trois cas furent le catholicisme, ]e luthdranisme et le calvinisme. Chacun et tous impliquent la conception d'une Eglise Etablie unique comme moyen d'accomplir et de symboliser cette orientation chritienne fondamentale de la socidt6 globale. Trceltsch considdrait que les ((sectes

,, en ne reconnaissant pas

la validitd religieuse d'une iglise 4tablie, avaient en rdaliti abandonni entibrement I'iddal de la Socidtd Chritienne.

A l'encontre de cette position de Trceltsch, j'aimerais montrer qu'au sein de la socidtd ambricaine, dans ses grandes lignes, s'est ddveloppde la conception d'un christianisme institutionnalis6 qui, tout en se situant dans le prolongement de la grande tradition de la Socidtd Chritienne, diffPre cependant de ses versions antirieures par les aspects fondamentaux ivoquis ci-dessus.

(6) Ce plus petit commun dbnominateur des normes morales institutionalisbes doit 6tre distingub avec soin du comportement deviant, lequel est amend i prendre une place assez en vue dans une soci~tk complexe. Ce d~nominateur commun est dbfini par le consensus d'une opinion responsable et en gEndral n'acquidsce pas ? l'extr~misme du laxisme moral.

81

This content downloaded from 194.29.185.150 on Tue, 10 Jun 2014 04:45:12 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

ARCHIVES DE SOCIOLOGIE DES RELIGIONS

A l'appui de cette affirmation, on peut alliguer d'abord le fait que les valeurs de la soci~td ambricaine contemporaine ont des racines fonda- mentalement religieuses, surtout dans les traditions que Max Weber (7) appelle traditions ( du protestantisme asctique n, et que ces valeurs n'ont pas subi de changement fondamental au cours de notre histoire nationale. Les inormes changements qui n'ont pas manqu6 d'intervenir ne cons- tituent pas des changements fondamentaux de valeur, mais des change- ments dans la structure de ]a socidtd dans laquelle ces valeurs sont main- tenues et accomplies (8). Par lA, je vise surtout: I'adhision inaltarde A des valeurs e d'activisme instrumental ); la subordination des besoins personnels de l'individu A une ( tAche , objective, tAche A laquelle il est prisumi vouer toutes ses inergies; I'assujettissement des actions de tous A des types universels de jugement. Corr4lativement, on voit l'importance qu'il y a A universaliser ]es conditions essentielles d'un accomplissement effectif par l'dgalisation tant des droits civils que du droit d'accder A la culture et A la santa. On doit particulierement remarquer que le passage d'une rf~frence originairement transcendentale A une r~firence surtout terrestre ne s'est pas opir6 comme une phase de sdcularisation mais, ainsi que Weber le souligne avec insistance, h l'intdrieur m~me de la tradi- tion hautement dynamique du protestantisme asctique. C'est la conception du royaume de Dieu sur terre qui fut le principal foyer de la morale calviniste.

La ( s~cularisation a surtout pris la forme de la diff~renciation, si bien que ce Royaume n'est plus envisag6 comme domin~ uniquement par des considerations religieuses, mais il y a une sphere s~culibre autonome de ( socidt6 bonne

,, laquelle ne se contente pas forecment de reflkter les activitis et les obligations de l'homme en tant que membre d'dglise. Mais cette socidt6 bonne peut encore 6tre interprdtie comme (( l'oeuvre de Dieu ) dans un sens analogue d'ailleurs A celui selon lequel la nature physique a toujours it6 interprdtie A l'intirieur de la dite tradition.

Cette nouvelle forme a sectaire n, ou mieux a dinominationnelle ),

prise par l'organisation religieuse elle-m~me, ayant pris rang dans le d6veloppement gindral introduit par le protestantisme, a d~s lors pouss6 plus loin I'dvolution A l'intirieur de celui-ci. La note dominante en est l'intimiti et le tote A tote personnel qui, dans l'individu, president A sa foi, et A son rapport avec l'idde qu'il a de la divinit6. Plus cette tendance se ddveloppe, plus Apre s'avdre la risistance des traditions ant~rieures sur deux points fondamentaux: d'abord, besoin de recourir au bras s~culier pour faire sanctionner par des mesures de coercition, y compris physique, les question de foi religieuse; ensuite besoin de requ6rir une entremise humaine susceptible de monopoliser tout accs religieusement l6gitime aux biens religieux. Cette position nouvelle met certes claire- ment en question tout ce qui entendrait se pr6valoir d'un droit d'exclusiviti

(7) The protestant Ethic and the Spirit of Capitalism. (8) Cette affirmation implique l'emploi du concept de (( valeurs ) dans un sens sociologique

technique qui diffbre peut-$tre des sens courants. Dans certaines acceptions de ce terme, n'im- porte quelle modification significative dans le comportement concret est, par definition, indi- catrice de changement dans les valeurs.

82

This content downloaded from 194.29.185.150 on Tue, 10 Jun 2014 04:45:12 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

ORGANISATIONS RELIGIEUSES AUX ATATS-UNIS

B une autorit6 rivilde mais meme dans le courant principal de la tradition antirieure c'est 1l une consequence qui a iti clairement reconnue et acceptie. Cette position implique que le corps religieux doit &tre une association pleinement volontaire et que la contrainte en ces matieres est contraire a ce qu'il y a de plus fondamental dans l'esprit de la religion elle-m~me (9).

Le pluralisme dinominationnel est une suite quasi-immediate de cette double diffdrenciation vis-&-vis de la tradition antirieure. Si a aucune entremise d'ordre humain n'appartient le droit de pritendre au monopole de la l1gitimit6 religieuse, pas plus que le droit de faire valoir cette I~gitimiti par la force, alors il n'y a aucune raison pour ricuser la hdgitimiti d'un pluralisme concurrentiel au moins en ceci que plusieurs groupes sont susceptibles d'avoir chacun un acces suffisant g la viriti pour donner raison A leurs adhdrents de (( rendre & Dieu le culte qui est le leur >. Que si un tel pluralisme dinominationnel doit 6tre institutionnalis6 et devenir le systhme religieux d'une socidtd, alors certaines conditions doivent Stre rdunies. Les deux plus fondamentales sont: d'abord la ddfi- nition des limites g l'intirieur desquelles une telle association religieuse peut se privaloir lgitimement d'etre une ((dinomination ); ensuite le rbglement de leur coexistence competitive en terme de respect et de sympathie riciproques. Un troisieme probl!me fondamental concerne la maniere d'itablir la ligne de ddmarcation entre les domaines ldgitimes de l'activiti religieuse et les institutions fondamentalement (( scularises dont on a ddj& parld.

Eu igard g la premibre question, le module ambricain n'a probable- ment pas atteint sa pleine cristallisation, mais ses grandes lignes paraissent claires. La !agitimit6 d'une dinomination est difinie par ]ui en termes plut6t larges, laissant place A une libre compitition. Toutes les principales diffdrenciations historiques du Christianisme s'y trouvent incluses - mais aussi maintenant les principaux courants du Judaisme. De m~me, bon nombre de cultes populaires d'un caractere plus ou moins fantaisiste - bien que valables aux yeux d'une couche d'opinion fagonnie par une culture supirieure - sont encore l'objet d'une m~me toldrance, dans la mesure otf ils ne deviennent pas une source de perturbation trop grande. De m~me, des groupes (Timoins de Jdhovah) qui s'dcartent avec Apretd de ce que la socidtd considbre comme un loyalisme normal, s'ils ne sont

(9) Un bon exemple de la difference entre composantes religieuses et non religieuses qui 6taient mUlies jadis est la discrimination de plus en plus poussbe, 6vidente aux Etats-Unis, entre psychiatrie et ce qui est appel6 (( pastoral counselling ) (r6les du ministre d'un culte comme psychologue-conseil). Le point le plus essentiel est la naissance d'une tradition professionnelle laique pour les traitements des troubles de la personnalit4. Les blhments impliquis dans ces troubles comprennent de nombreux caractZres qui dans d'autres soci~tis ont it4 traitis dans un contexte religieux ou magique. La limite n'est pas encore absolument nette mais il est remarqua- ble qu'il y a quelques annies une forte attaque de la Psychanalyse par I'dvC;que catholique Fulton Sheen a 4td contrecarrie par un groupe de psychanalistes catholiques, et, qu'aprbs cela, I'6v~que n'a pas poursuivi ses attaques. Comme l'Eglise catholique est, en cette matibre comme d'autres egards, le corps religieux le plus conservateur, il est significatif qu'elle ne mhne pas une attaque g~ndralisbe contre la psychiatrie. R~cemment, le Pape s'est prononce avec circonspection pour la reconnaissance d'un domaine limite dans lequel la psychiatrie s'est trouvb ddfinie comme 14gitime.

33 3

This content downloaded from 194.29.185.150 on Tue, 10 Jun 2014 04:45:12 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

ARCHIVES DE SOCIOLOGIE DES RELIGIONS

gubre approuvis sont ndanmoins kgalement toldrds. Il n'y a m~me aucune obstruction B ce que soient admis des groupes entibrement 4trangers aux principales traditions occidentales, encore que ceux-ci ne semblent pas avoir pris pied s6rieusement.

Le noyau central de la tradition est sans aucun doute un complexe de croyance en Dieu de type judio-chritien. L'inclusion du Judaisme n'a rien d'ctonnant si on remarque que des positions thdologiques simi- laires se sont ddveloppies avec l'Unitarisme & l'intirieur m~me de la tradition protestante. Pour autant, on peut dire que le Judaisme - du moins pour le groupe qui s'est dissocid de ce qu'une orthodoxie juive peut representer de siparatisme dans le milieu social gindral - prdsente des problhmes d'intigration moindres que n'en prdsente l'Eglise Catholique et les viritables (( fondamentalistes >. Il y a 6videmment de nombreux degris d'intigration et de nombreux groupes marginaux. Mais il y a, en gindral, comme on l'a notd, une croyance en Dieu, un thdisme qui est m6me reconnu politiquement, comme en timoigne, par exemple, I'ins- cription sur les pieces de monnaie: " In God We Trust ) (En Dieu, nous avons foi). Mieux, ]es sessions du Congrbs sont ouvertes rigulibrement par des pribres dites par des ministres des cultes protestant, catholique ou juif, et des aum6niers de ces trois croyances sont privus dans l'Armie.

Il est encore plus essentiel de reconnaitre que le (( scularisme n, au sens d'un refus de se lier & une organisation religieuse quelconque, est clairement reconnu comme Ilgitime. La signification centrale de ceci, je pense, riside dans la relation de la religion avec les principales traditions culturelles et intellectuelles de la socidtd. La reconnaissance des droits B I'orientation ( sdculibre a signifie que dans la confrontation avec les pro- blhmes fondamentaux de (( signification n, confrontations oi les membres d'une socidt6 se retrouvent tant au titre individuel qu'au titre de leurs appartenances collectives, l'individu n'est pas li6 rigidement au cadre d'une tradition particuli~re de croyances. Individus et groupes sont libres de difinir leurs positions d'une manibre qui reprisente des differences explicites avec n'importe quels apports dinominationnels de la tradition religieuse.

Il me semble que cette position - garantie de I'orientation (( scu- liire

, - est particulibrement importante pour diterminer les conditions

dans lesquelles, en divers domaines auxquels la religion a historiquement itd intimement mal!e, des modules a predominance siculibre ont itd promus & une position d'une haute importance stratigique pour la socidtd. Les racines profondes & la fois de la religion et de ces institutions (( scu- libres a sont si intimement entralacies, dans l'histoire et dans la psycho- logie courante, que si, & l'un quelconque des intir~ts engages, venait & atre confir6 un monopole de juridiction, ce serait introduire une dan- gereuse rupture dans l'dquilibre acquis entre la sphere religieuse et la sphere siculibre de cette ( socidtd bonne >. Je pense ici particulibrement & deux domaines: celui de la culture intellectuelle avec son versant phi- losophique; celui des attitudes & l'Fgard d'une longue liste de questions de ( morale ).

84

This content downloaded from 194.29.185.150 on Tue, 10 Jun 2014 04:45:12 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

ORGANISATIONS RELIGIEUSES AUX ITATS-UNIS

De ce point de vue, orientations religieuses et sdculibres peuvent aussi, dans une grande mesure, $tre consid~rdes comme constituant des aspects diffirents du mbme systkme d'orientation vers les " problemes de significations >. En effet, la lgitimit6 de la ( s~cularisation D semble aller de pair avec l'abandon d'un dogme appuyd sur la force. Mais, surtout,

l'importance de ]a s~cularisation rdside dans la difinition des limites entre le domaine religieux et la socidt6 siculibre. De m~me que, dans une socidtd politique ddmocratique, la d~finition des limites de l'autorit6 gouvernementale hdgitime ne peut etre le monopole des fonctionnaires du gouvernement, dans une socit6 (( religieuse libdrale ~, la ditermination des limites du domaine 14gitime de la religion organisle n'est pas laissde aux seuls tenants de celle-ci. Ces derniers doivent ,tre confrontes avec les interlocuteurs dont la position prdsente certains antagonismes avec la leur. C'est ma conviction que la sicularisation de l'dducation et du contr6le de certaines questions morales - sdcularisation que je considere comme essentielle A la structure de ce que la conception ambricaine ddsigne comme une (( bonne socidtd n - n'aurait pas eu lieu sans l'influence d'dl&- ments voulant resister ? ce qu'il y a de global dans la pesanteur d'une religion 4tablie. Mais si l'dquilibre religieux-siculier doit se ddvelopper dans un systhme social bien intigrd, l'opposition sdculibre A l'influence religieuse ne doit pas Stre illimitie. Et je crois qu'il est juste de dire qu'en gros, aux Etats-Unis (et en Grande-Bretagne), a privalu une juste compd- tition plut6t qu'X un 4tat de guerre ,.

II doit y avoir, et il y a, des a rbgles du jeu >. Pour le ~ siculier n, ses concitoyens engages religieusement ne sont pas au ban de la socidt : ce sont des braves gens qui different de lui sur ces points - et bien sfir vice-versa. Le " sdcularisme a peut 6tre d~fini comme une sorte ( d'opposition loyale n au point de vue religieux. Chaque c6td a des intir~ts A protiger qui sont vitaux non seulement pour ses partisans mais aussi pour la socidt6 toute entibre. Aucune tendance, ? elle seule, ne peut lgitimement espirer influencer exclusivement le cours des ivinements. La prdsence de I'autre (( parti ) peut servir de frein aux extr~mistes de part et d'autre: si une dinomination particulibre tente de faire aboutir des revendications exagdrdes, par exemple dans la voie d'un contr6le dinominationnel de l'dducation publique, on peut se fier aux dinominations plus moddries pour dinoncer le fait que de telles exagdrations amhnent de l'eau au moulin sdculier - car de telles revendica- tions risquent d'6tre identifides a la (( religion ) en tant que telle. De l'autre c6td, l'extrimisme des asiculiers qui entendent combattre par trop agressivement toute religion tend g se trouver frein6 par l'influence moddratrice igalement sdculibre de ceux qui souligneront que, si telle position extrimiste est forcie (par exemple: exigence des ceremonies d'un mariage civil, exigence prisumant que le mariage religieux n'est pas !dgalement valable), elle tendra A discrdditer tout s~cularisme et fournira aux ( religionistes a un avantage indu.

Vu sous cet angle, I'dquilibre religieux-siculier dans la soci6t6 ambricaine est analogue A celui des partis politiques dans un systhme biparti. La preponderance change de temps en temps - tout r~cemment, il semble que ce soit au profit de la religion - mais le systeme tend &

85

This content downloaded from 194.29.185.150 on Tue, 10 Jun 2014 04:45:12 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

ARCHIVES DE SOCIOLOGIE DES RELIGIONS

garantir qu'aucun des deux partis ne gagnera un ascendant tel qu'il serait capable de supprimer I'autre, et d'ailleurs, au niveau fondamental des jugements de valeur, la plupart des bons citoyens de chaque parti n'ont aucunement l'intention de supprimer le parti adverse. On doit dire que la religion en est arriv4 au point odi elle est Igalement ddfinie comme une (( bonne chose )) mais non l'unique bonne chose, et cc qu'elle a de (( bon )) s'est vu assigner un domaine assez nettement ditermin6 (10).

Ce que j'ai surtout voulu ddmontrer dans cet article, c'est que la constitution religieuse de la socidt6 ambricaine est essentiellement dans le sillage de la grande tradition occidentale de la socidtd bitie sur des valeurs chr~tiennes, une (( socidt chritienne dans le sens oi Troeltsch entend cette expression. Compar~e avec ses formes plus anciennes, la religion semble, en cc cas, avoir perdu beaucoup de terrain. Mais il me semble que ces pertes sont surtout la consequence d'une diff~renciation structurelle de la socidt6 et non une perte de vigueur des valeurs religieuses elles-m6mes.

La concession la plus importante fut faite par l'Eglise Catholique mididvale elle-meme, a savoir que la socidt6 ne devait pas 6tre une simple cthdocratie mais que le bras s~culier devait 6tre effectivement indipendant, responsable directement devant Dieu, et non simplement devant l'Eglise organisde. A cet igard, la question de base est celle des limites de l'indd- pendance de la (( socidt6 bonne ), siculibre. Dans le cas ambricain, elles se sont riv6hles tres difftrentes des limites envisagles par les thdoriciens midihvaux, et elles sont bien plus larges; mais ces th~oriciens n'envisa- geaient pas la socidt6 moderne.

Le systhme ambricain est loin d'8tre pleinement intigrd. II doit se ddbattre contre des blhments tres importants qui sont ancris dans les modules antirieurs de l'organisation religieuse, en particulier le Pro- testantisme fondamentaliste et l'Eglise Catholique, I'un et l'autre 4mettant des revendications qui sont anormales A l'intirieur du cadre ambricain preponderant. Ce systhme doit igalement se ddbattre contre la prolif&- ration des religions exotiques, depuis les ((Holly Rollers ,, jusqu'aux (( inspirationnalistes ), comme Norman Vincent Peale. Il doit se ddbattre enfin contre certains aspects du (( scularisme , qui, pour un grand nombre de gens religieux, semblent devoir 6tre ivacuds d'une socidtd lide aux choses religieuses. A tout prendre, je pense toutefois que la tendance principale s'oriente vers une intigration plus poussde de ces trois blcments dans un systhme viable qui peut 6tre vital pour une socidt6 plus vaste. Sous cet aspect, comme a d'autres points de vue vitaux, la socidt6 ambri- caine est essentiellement un rejeton de son hiritage europden, et non une (( curiosite ) exotique.

Talcott PARsoNs.

Universitd de Harvard.

(10) Pour la comprehension et I'importance de cet 6quilibre entre religion et s~cularisme, et son analogie avec un systhme bipartiste, je suis particulibrement redevable aux suggestions du Dr. Robert N. Bellah de l'TJniversitk Mac Gill.

36

This content downloaded from 194.29.185.150 on Tue, 10 Jun 2014 04:45:12 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions