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1 L’empire de la beauté Par Mariama et Fatoumata Nous avons récemment fait la rencontre d’une petite fille âgée de dix ans qui nous racontait qu’elle s’était fait renvoyer de son cours de danse classique étant trop enrobée. Cela nous montre que pour entrer dans une école de danse classique nous ne devons pas simplement être souple et savoir bien danser, nous devons avoir un physique qui correspond. C’est dommage car une jeune fille ou un jeune homme “un peut fort” auraient pu apporter une autre vision de la danse, une nouvelle façon de danser . Parce- que danser en groupe c’est faire un mouvement ensemble, éventuellement synchronisé, mais qui nous est propre à la fois. Prenons l’exemple de la compétition qui s’est déroulée en Février dernier, réunissant les associations sportives de l’académie Toulousaine. Le groupe de danseurs du Lycée Marcelin-Berthelot constitué de jeunes gens de toute taille –des rond(e)s et des moins ronde(s), ont mis en valeur le thème de “la possession”. Ils nous ont raconté une histoire avec leurs corps et à travers leurs pas de danse. Ils n’ont pas tenté de jouer la carte de la beauté classique en développant des mouvements amples, aériens, dissimulant l’effort. Au contraire, ils ont privilégie l'expression de la souffrance (voir photo page suivante) et de la libération sur l’esthétique pure. Résultat: ils ne sont pas arrivés dans les trois premiers du classement. Le groupe qui est arrivé premier sont les jeunes filles présentes sur la photo en une. Ces jeunes filles sont fines, charmantes et légères. Elles font appel aux grands mouvements dynamiques traditionnellement associés à la beauté. Leur tenue très féminine (petit bustier à fleur) et leur accessoires (flûtes à champagne) sont conformes au stéréotypes de la beauté féminine. Ces atouts font que nous sommes fascinés, intrigués, attirés par elles car elles incarnent l’idée que l’ont se fait de la beauté. Nous pourrions donc penser que les critères pour juger un groupe de danse ne sont pas juste de voir des danseurs bien synchronisés raconter une histoire, de savoir si cette histoire concorde avec le thème, ou si c’est original. Nos c r i t è r e s d e j u g e m e n t s o n t principalement influencés par l’idée que nous nous faisons de la beauté. La beauté enferme les personnes dans un rôle social, tout particulièrement la femme . La beauté est une arme pour une femme, mais elle peut aussi la confiner à un rôle d’objet du désir. Une femme charmante est souvent cible des attentions des hommes et de la jalousie de ses concurrentes. Par contre les femmes de beauté ordinaire sont la plus part du temps rejeté par la société. Le recours à la chirurgie esthétique est un signe qui ne trompe pas de la tyrannie de la beauté. Mais la beauté ne s’arrête pas qu’au physique mince. Dans d’autre sociétés, comme la société africaine, une femme grosse est une femme belle. En Mauritanie par exemple, on oblige les femmes à se nourrir exagérément dés leur enfance, pour les rendre ronde. La-bas une femme mince est complexée, alors que dans la plupart des autres pays comme en Europe, une femme enrobée se sent mal dans son corps. La définition de la beauté n’a pas de sens propre elle est variable, et dépend des cultures et de la position sociale que nous occupons. LE CORPS DANSANT Sommaire L’empire de la beauté Editorial Le corps sous influence Olivia Grandville: interview Le langage du corps Berthelot-DISPO

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Rapport au corps, 2010 Danse

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Page 1: Réalisation berthelot 2010

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L’empire de la beautéPar Mariama et Fatoumata

Nous avons récemment fait la rencontre d’une petite fille âgée de dix ans qui nous racontait qu’elle s’était fait renvoyer de son cours de danse classique étant trop enrobée. Cela nous montre que pour entrer dans une école de danse classique nous ne devons pas simplement être souple et savoir bien danser, nous devons avoir un physique qui correspond. C’est dommage car une jeune fille ou un jeune homme “un peut fort” auraient pu apporter une autre vision de la danse, une nouvelle façon de danser . Parce-que danser en groupe c’est faire un mouvement ensemble, éventuellement synchronisé, mais qui nous est propre à la fois.

Prenons l’exemple de la compétition qui s’est déroulée en Février dernier, réunissant les associations sportives de l’académie Toulousaine. Le groupe de danseurs du Lycée Marcelin-Berthelot constitué de jeunes gens de toute taille –des rond(e)s et des moins ronde(s), ont mis en valeur le thème de “la possession”. Ils nous ont raconté une histoire avec leurs corps et à travers leurs pas de danse. Ils n’ont pas tenté de jouer la carte de la beauté classique

en développant des mouvements amples, aériens, dissimulant l’effort. Au contraire, ils ont privilégie l'expression de la souffrance (voir photo page suivante) et de la libération sur l’esthétique pure. Résultat: ils ne sont pas arrivés dans les trois premiers du classement. Le groupe qui est arrivé premier sont les jeunes filles présentes sur la photo en une. Ces jeunes filles sont fines, charmantes et légères. Elles font appel aux grands mouvements dynamiques traditionnellement associés à la beauté. Leur tenue très féminine (petit bustier à fleur) et leur accessoires (flûtes à champagne) sont conformes au stéréotypes de la beauté féminine. Ces atouts font que nous sommes fascinés, intrigués, attirés par elles car elles incarnent l’idée que l’ont se fait de la beauté.

Nous pourrions donc penser que les critères pour juger un groupe de danse ne sont pas juste de voir des danseurs bien synchronisés raconter une histoire, de savoir si cette histoire concorde avec le thème, ou si c’est original. Nos c r i t è r e s d e j u g e m e n t s o n t principalement influencés par l’idée que nous nous faisons de la beauté.

La beauté enferme les personnes dans un rôle social, tout particulièrement la femme . La beauté est une arme pour une femme, mais elle peut aussi la confiner à un rôle d’objet du désir. Une femme charmante est souvent cible des attentions des hommes et de la jalousie de ses concurrentes. Par contre les femmes de beauté ordinaire sont la plus part du temps rejeté par la société. Le recours à la chirurgie esthétique est un signe qui ne trompe pas de la tyrannie de la beauté.

Mais la beauté ne s’arrête pas qu’au physique mince. Dans d’autre sociétés, comme la société africaine, une femme grosse est une femme belle. En Mauritanie par exemple, on oblige les femmes à se nourrir exagérément dés leur enfance, pour les rendre ronde. L a - b a s u n e f e m m e m i n c e e s t complexée, alors que dans la plupart des autres pays comme en Europe, une femme enrobée se sent mal dans son corps. La définition de la beauté n’a pas de sens propre elle est variable, et dépend des cultures et de la position sociale que nous occupons.

LE CORPS DANSANT

Sommaire

L’empire de la beauté

Editorial

Le corps sous influence

Olivia Grandville: interview

Le langage du corps

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Dans le groupe de danseurs de Berthelot, tous les danseurs (sauf un) sont d’or igine étrangère et majoritairement africaine. Il y a peu de garçons, 3 sur 13 danseurs seulement. Après avoir mené une brève enquête il se trouve qu’ils sont tous engagés dans une filière technologique ou bien économique et sociale. Le choix de danse a-t-il un rapport avec des goûts associés à l’origine sociale?La danse a longtemps été figée dans l’idée qu’elle ne peut être pratiquée que par les filles. En effet un homme qui exerce de la danse classique par exemple, pouvait être considéré comme efféminé car cela montre le corps sous des forme délicates et peu viriles. Par conséquent, les hommes qui dansent, s'efforcent constamment à réaliser des figures toujours plus complexes et spectaculaires les unes que les autres ; des figures spécifiées et surdéveloppées qui demandent beaucoup de force et de ce fait certifie une certaine puissance. Ainsi ils ont conçu des danses stéréotypées telles que le Breakdance où ils peuvent s’affirmer sans être jugés.Il se peut que le style de danse soit influencé par les différentes origines de chaque individu. Manifestement la danse est formée de certains éléments culturels ; en effet une personne d’une ascendance africaine va tenter de

s’exprimer à travers une danse plus libre. Où le corps n’est pas soumis à des conventions où il ne pourrait pas s’exprimer pleinement, mais de préférence une danse établie sur de courts enchaînements où son mouvement est inaccoutumé et suit les notes d’une musique très rythmée plutôt que lente ; qui entraîne les danseurs à bouger leurs corps spontanément et sans retenue.Le style de danse dépend de la classe sociale de la personne, de ses revenus. La danse est un moyen pour les ‘‘pauvres‘’ de s’exprimer c’est donc une façon de se démarquer des ‘’riches’’, ce qui est pour eux un espoir de changement. Ainsi, le film ‘’Billy Elliot’’, raconte l’aventure complexe d’un personnage venu d’un milieu défavorisé, et qui suit des cours de danse classique auxquels assistent des personnes fortunées, qui n’ont donc pas les mêmes principes que lui. Ce film montre bien le contraste de deux milieux opposés, caractérisés par des moyens et des goûts différents. Si le corps subit effectivement l’influence de la société, comment juger objectivement la qualité d’un spectacle de danse par exemple? N’y a-t-il pas des cultures ou des sociétés, ou même des groupes sociaux où le corps est plus libre que dans d’autres?

Le corps sous influencePar Shaima

Violence gratuite ou libératrice?

La sensation de violence est d’autant plus forte que les danseuses au second plan paraissent incarner l’indifférence

EditorialViolence du corps, violence sociale

Pour comprendre les pouvoirs du corps (pouvoir de séduire, dʼexprimer des émotions, dʼexercer la violence par exemple), nous avons décidé de suivre les danseurs du lycée Berthelot lors dʼune compétition où ils présentaient leur création intitulée “Possession”. Nous avons pris des photos des spectacles, et au retour, les questions ont surgit comme une évidence de la contemplation des images: Pourquoi le spectacle «Possession» a-t-il été si mal noté par le jury? Le corps est-il sous influence sociale? Quʼexprime-t-il? Que penser de la mise en scène de la violence? Nous avons eu le privilège de faire la rencontre dʼune personne venue du CDC (Centre de la Danse

Contemporaine) afin de nous faire part de sa culture et de son savoir sur lʼhistoire de la danse. Ensuite nous avons assisté a un spectacle de danse contemporaine qui a contribué à notre réflexion et pas mal remis en cause nos idées initiales! Nous avons mené une interview auprès de la chorégraphe Olivia Grandville. Enfin nous avons eu le témoignage de plusieurs danseuses du groupe de danse de Berthelot qui ont par la suite eu lʼenvie de rejoindre le projet DISPO et réfléchir ainsi sur leur propre expérience.On a réalisé un véritable travail dʼéquipe pour que ce projet aboutisse et nous vous invitons à le découvrir. Bonne lecture!B

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DISPO: Qui êtes-vous ?

Olivia Grandville: Moi je suis une danseuse. Je n’ai jamais fait un autre métier. J’ai une formation de danseuse classique. Cela fait quinze ans que je fais des pièces, en même temps je suis toujours interprète pour d’autres gens, j’enseigne aussi, et je fais de l’improvisation (avec ou sans musiciens). La danse, c’est la seule chose que je sais faire, je n’ai pas d’autre métier.

DISPO: Qu’est-ce qui vous plaît dans la danse?

Olivia Grandville: Il y a des choses qui me plaisent et des choses qui me déplaisent. Ce qui est intéressant, c’est qu’à la fois elle contient tout, puisque, comme la danse part du corps, on peut parler tous les langages. On peut parler de tous les domaines à partir du corps, et c’est pour cela que j’aime la danse. Et aussi c’est un plaisir physique de danser !

DISPO: Qu’est-ce qui vous déplaît dans la danse?

Olivia Grandville: Et je déteste aussi la danse parce que je trouve que la danse est aussi extrêmement bête, très vite c’est bête car elle formate les corps et quand on formate les corps on formate aussi les esprits. La danse, comme tout ce qui embrigade le corps, cela peut être très dangereux. Parce que par exemple, moi je n’aime quand tous les gens font tous le même mouvement en même temps, parce que pour moi c’est comme un défilé militaire. Vous en faites, vous les filles, de la danse ? Qu’est ce que vous faites ?

DISPO: Des défilés militaires! (rires)

Olivia Granville: Moi j’aime pas, parce que je viens de là : qu’est ce qu’un corps de ballet ? C’est une vision très monarchique de la société et de la danse. Le corps de ballet est un décor vivant et au devant de ce décor, une étoile s’adresse au prince, au roi. Moi cette hiérarchie là et cette hiérarchie dans le corps ne me plaît pas. Il a fallu attendre la danse post-moderne, venue des États-Unis, pour que l’on danse avec de petits mouvements, et pas seulement avec de grands mouvements spectaculaires qui cherchent à faire de l’effet sur le public. Parce que faire de l’effet sur un public, c’est le faire taire. C’est le mettre dans un état d’admiration où il a juste à recevoir ces choses formidables que lui croit ne pas pouvoir faire. Alors que nous, dans la danse contemporaine, nous nous disons que chacun peut aller trouver son endroit artistique, son endroit de créativité.

DISPO: Dans le spectacle, vous faites n’importe quoi?

Olivia Grandville: En effet, il y a des choses improvisées, mais la pièce, elle-même et tout le spectacle sont extrêmement écrits. Là aussi, il y a une

différence entre écrire le mouvement au geste près, c'est à dire, “elle, elle va passer par là et il y en

DISPO: Un danseur qui arrive nu sur scène, est-ce que ce n'est pas choquant ou vulgaire ?

Olivia Grandville: La vulgarité c’est un grand sujet parce que, moi je trouve qu’on est dans une société extrêmement vulgaire mais vraiment, qui déborde de vulgarité. Je trouve justement, qu’il y a une confusion en ce moment entre, qu’est ce que c’est que la vulgarité et qu’est que c’est finalement la nature. Parce que la vulgarité c’est ce qu’on prête à la nudité, c’est ce qu’on prête à l’amour, c’est ce qu’on prête au sexe, c’est ça la vulgarité ! C’est comment est ce que l’on regarde quelque chose c’est pas la chose en elle même.

DISPO: C’est choquant quand même...

Olivia Grandville: Est ce que tu a regardé ce qui était écrit sur le carton que portait la personne nue?

DISPO: Non, j’ai pas eu le temps.

Olivia Grandville: “T’as fermé les yeux tout de suite, t’as fait comme dans le train fantôme... Il y avait écrit «Strip tease à rebours». En fait de vulgarité le strip tease à rebours, c’est quelqu’un qui vient se rhabiller et non pas se déshabiller. D’abord le strip tease c’est quand même plutôt les femmes, donc là déjà c’est quand même un homme. Et en plus il est à rebours donc au lieu de se déshabiller, il se rhabille.

DISPO: La danse a-t-elle changé le rapport à votre corps?

Olivia Grandville: Non car je suis tombée dedans tellement tôt que je ne sais même pas quel était mon rapport au corps avant de danser! Mais il faudrait faire une éducation au corps, quotidienne, dès le plus jeune âge, parce que le manque d’éducation au corps, le manque de toucher favorise la parole violente...

«Le manque d’éducation au corps, le manque de toucher favorise la parole violente»Interview d’Olivia Grandville

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Le corps dispose de nombreuses capacités dont celle de s’exprimer. S’exprimer avec son corps est un langage presque universel. D’ailleurs le simple fait de poser son doigt sur ses lèvres a une signification, il signifie “silence” et ce dans pratiquement tous les pays du monde. Parler avec son corps c’est apprivoiser ses sensations corporelles et les mettre dans un geste.

La danse est composée de signes. Elle devient un code et pratiquement un langage. En utilisant notre corps, nous communiquons autrement. Comme dit la chorégraphe Olivia Grandville “On peut parler de tous les domaines avec le corps”. Et aller parfois au delà de ce qu’on aurait pu dire avec la parole.

Quand nous dansons nous exprimons nos émotions . Nous écoutons l’envie de bouger, nous nous renouons avec notre créativité . Nous apprenons à mobiliser toutes les parties de notre corps, c’est à dire nos muscles, nos articulations mais encore nos organes. Ils sont tous mobilisés pour les investir dans un geste dansé . Le mouvement que l’on veut effectuer prend alors forme .

Le corps est certes un moyen de s’exprimer mais il est d’abord un moyen de ressentir. En effet car lorsque nous ressentons quelque chose , un sentiment quelconque nous l’exprimons par l'intermédiaire du corps. On peut dire que le corps est un langage d'émotion à lui seul. Pour donner un exemple concret : la douleur. C’est le fait que notre corps reçoit un traumatisme. Dés le moment où on le ressent, on l’exprime à travers des larmes ou des cris. Sentir et exprimer ne font qu’un. La signification s’invente dans le geste.

La danse contemporaine permet de découvrir de nouvelles potentialités du corps. D'où l’originalité de la danse contemporaine, qui ne conçoit pas le corps comme un moyen d’expression mais comme un moyen d’invention.

Nous avons été plutôt choquées de voir un homme nu débouler au milieu du public! Cela nous a semblé une marque d’irrespect pour nos valeurs et nos coutumes, jusqu’à ce que nos comprenions l’idée du “Strip-tease à l’envers” (ou une personne se rhabille).

Les messages sont parfois incompris dans la danse contemporaine. Nous observons des mouvements mais nous ne pouvons pas traduire ce que ils veulent transmettre. Dans le spectacle d’ Olivia Grandville, au début, on voit un homme faire des gestes, sauter, bouger ! Pourquoi ? On ne sait pas ! C’est comme si vous parliez avec un malentendant e t que vous essay iez de communiquer avec lui sans avoir étudié le langage des signes.

Les messages sont parfois incompris parce que nous ne voulons pas les comprendre, comme dans la séduction par exemple, quand un homme fait des avances a une femme, alors que corps de la femme le repousse mais qu’il persiste. L’homme ne veut pas entendre le message de la femme car il écoute prioritairement les envies et les sensations de son corps (un thème hélas plutôt d’actualité avec l’affaire DSK). Si l’on veut vraiment communiquer avec le corps, il faut être deux à le vouloir. L’artiste et son public par exemple, ou bien simplement deux personnes qui se tiennent par la main.

Le langage du corpsEntre partage et incompréhensionPar Marie Ange et Mama

Le code et l’invention Des significations codées, mais aussi des émotions (ici le repli sur soi) exprimées de manière originale

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