contribution à l'étude de la formation de la forstérite

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1 Bull. SOC. Chim. Belg., 62, pp. 347-357, 4 fig., 1953 1 Contribution ii 1’Ctude de la formation de la Forsthrite par L. DEGUELDRE (Bruxelles) R$suM$. -- La formation de la forstkrite par rkaction B 1’Ctat solicle entre la d i c e et la magnksie est ktudike au moyen de plusieurs techniques experimentales. La combina ison de I’analyse thermique differentielle et la diffrac- tion des rayons X (radiogrammes de poudres) s’avkre particulibrement fructueuse. Contrairenient aux conclusions cle publications anterieures, les rksultats expkrinientaux niontrent que la magnesie, par diffusion dans la silice, forme d’abord du inetasilicate de magnesium. La forsterite n’apparait qu’en second lieu. Les schkmas rkactionnels proposks dkcoulent de cette constatation. INTRODUCTIOK 4 1. BUT ET INTER&T DU TRAVAIL Le but de ce travail est d’etudier les reactions a l’etat solide entre la silice et la magnesie, lors de la formation de l’orthosilicate SiO,Mg,, appele forsterite. La recherche presente un inter& theorique : en effet, elle entre dans le cadre d’une serie de travaux diriges par le Professeur W. DE KEYSER. Le but de ceux-ci est d’apporter des donnees originales ou simplement plus precises sur les oxydes refractaires fon- damentaux, leurs reactions et les composes qui en resultent. La recherche presente un interkt pratique. Depuis vingt ans h peine, la forsterite connait certaines applications industrielles comme materiau rkfractaire de qualite. Ceci est assez normal, car la courbe dilatometrique du materiau ne presente pas d’anomalie et sa temperature de fusion est voisine de 19000 C.

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1 Bull. SOC. Chim. Belg., 62, pp. 347-357, 4 fig., 1953 1

Contribution ii 1’Ctude de la formation de la Forsthrite

par

L. DEGUELDRE (Bruxelles)

R$suM$. -- La formation de la forstkrite par rkaction B 1’Ctat solicle entre la d i ce et la magnksie est ktudike au moyen de plusieurs techniques experimentales.

La combina ison de I’analyse thermique differentielle et la diffrac- tion des rayons X (radiogrammes de poudres) s’avkre particulibrement fructueuse.

Contrairenient aux conclusions cle publications anterieures, les rksultats expkrinientaux niontrent que la magnesie, par diffusion dans la silice, forme d’abord du inetasilicate de magnesium. La forsterite n’apparait qu’en second lieu.

Les schkmas rkactionnels proposks dkcoulent de cette constatation.

INTRODUCTIOK

4 1. BUT ET INTER&T DU TRAVAIL

Le but de ce travail est d’etudier les reactions a l’etat solide entre la silice et la magnesie, lors de la formation de l’orthosilicate SiO,Mg,, appele forsterite.

La recherche presente un inter& theorique : en effet, elle entre dans le cadre d’une serie de travaux diriges par le Professeur W. DE KEYSER.

Le but de ceux-ci est d’apporter des donnees originales ou simplement plus precises sur les oxydes refractaires fon- damentaux, leurs reactions et les composes qui en resultent.

La recherche presente un interkt pratique. Depuis vingt ans h peine, la forsterite connait certaines applications industrielles comme materiau rkfractaire de qualite. Ceci est assez normal, car la courbe dilatometrique du materiau ne presente pas d’anomalie et sa temperature de fusion est voisine de 19000 C.

348 L. DEGUELDRE

9 2. TRAVAUX ANTERIEURS

JANDER et WUHRER (l) se sont preoccupks de la marche de la reaction. Leur methode d’investigation est l’analyse chimique. Elle est basee sur la dissolution selective par HCl dilue.

11s sont arrives a la conclusion suivante : (( Quel que soit le rapport stoechiometrique, c’est toujours l’orthosilicate qui se forme d’abord. C’est seulement par reaction secon- daire de la silice avec l’orthosilicate que le metasilicate se forme a son tour. )I

KOUTATELADZE ct LOUTSENKO ( 2), en utilisant princi- palement la methode analytique de JANDER et WUHRER aboutissent a la meme conslusion.

3. TECHNIQUES E X P ~ R I M E X T A L E S

Les principales methodes utilisees au cows de cette recherche soiit :

l o L a diffraction rles rayons S

I1 s’agit plus specialement de la methode des diagrammes de poudres. L’emploi d’un spectrometre Norelco a compteur de Geiger nous a permis d’elaborer une methode de determi- nation quantitative de la magnesie non combinee.

20 L’analyse thermigue rliffirentielle

electroniques. Les courbes sont enregistrees a l’aide de potentiometres

30 L’analyse chimiqize d’aprks JANDER et WUHRER

nation de la magnesie lihre. L’application de cette methode se limite a la determi-

(l) W. JANDER et J . WUIIRER, 2. anorg. u. allgem. Chem., 226,

(2) K.S. KOUTATELADZE et V.I. LOUTEENKO, Ogneoupory, 14, 499-

225-47, 1936.

508, 1949.

FORMATION DE LA FORSTERITE 349

PARTIE EXPERIMENTALE

Elle comporte 1’Btude isoclirone de 700° a 1200oC dc la reaction a 1’Btat solide dans un melange 1Si0, + 20% (composition de la forstbrite). Les produits obtenus sont BtudiCs par les techniques prkcitkes. Les resultat‘s permettent de determiner le processus rkactionnel.

3 1. PREPARATION DES ECHANTILLONS

Les matikres premikres sont la silice ainorphe de grande puretk et la magnCsie Ikgkre calcink. Les melanges sont effectubs de deux fapons :

10 mkcaniquement (ou par voie sitche) ; 20 par agitation en suspension aqueuse (ou par voie humide). Dans les deux cas, toutes les pdcautions sont prises pour obtenir

le de@ d’homog6nBitB le plus Blevb. Le traitement thermique due 21 heures aux temperatures de 700, 800, 900, 1O00, 1100 et 12000 C.

3 2. EXAMENS QUALITATIFS P.4R RAYONS x L’Btude des donnbes de la littkrature (3) (4) (s) relatives aux

diagrammes D-S des produits pouvant se trouver dans les Cchantillons montre :

10 que les raies observks peuvent appartenir a la magnksie (OMg libre), a la cristobalite B.T. (par transformation de la silice amorphe non combink) a la clinoenstatite (forme stable basse tempkrature du mBtasilicate artificiel) et a la forsterite.

20 que les raies principales de ces constituants n’interfitrent pas.

Le cliche ci-aprks (fig. 1) reproduit les diagrammes (enregistres dans les m&mes conditions) des termes de la serie des melanges prepares par voie humide (CuK,= 1,5418A).

Choisissons une raie specifique de chacune des substances identifiees. Traduisons la variation d’intensite (en unites arbitraires) de chacune de ces raies en fonction de la temp& rature de cuisson.

Pour les deux types de melanges, l’evolution de la constitution peut alors se resumer par les graphiques ci-joints (fig. 2).

(3) A.S.T.M., X-ray diffraction data cards, 1950. (4) C.B. CLARK, J . A w . Ceram. Soc., 29, 25-80, 1946. (&) W.R. FOSTER, J . A m . Ceram, SOC., 34, 255-9, 1951.

350 L. DEGUELDRE

Fig. 1. - Diagranimes D-S des Cchantillons obtenus par cuisson de 21 heures n 700, 800, 900, 1000, 1100 et 12000 C de fractions du melange 2 OMg + 1 SiO,, prkpare en presence d’eau.

Ces graphiques n’ont qu’une valeur qualitative. 11s mon- trent cependant bien que la quantite de metalisicate forme reste toujours tres faible et que, pratiquement, la diminution de la teneur en OMg, en fonction de la temperature, va de pair avec la formation presque exclusive d’orthosilicate SiO,Mg,. I1 suffirait donc, pour chiffrer le progres de la reaction de suivre quantitativement la variation de la teneur en OMg.

3 3. DETERMINATION QUANTITATIVE DE LA MAGNESIE LlBRE

Nous avons procede a cette determination en utilisant paralldement deux methodes independantes :

FORMATION DE LA FORSTERITE 35 I

6 -

--- Me!langet 7 S i ~ : Z O M g - (voie seche)

3 -

700 800 900 1000 1100 1200 -OC

I P

I I / Si03Mg.

I 7K ebo 9bo Id00 d o 12b0 oc

Fig. 2. - Graphiques rksumant 1'6volution de la constitution des deux types de mblanges.

10 la methode chimique selon les indications de JANDER et WUHRER ;

20 une methode physique utilisant les radiogrammes de poudres. Le principe est celui decrit dam des publications anterieures (6) (7.

Les resultats enregistres se resument dans le cliche ci-joint (fig. 3).

Nous soulignerons : l o la grande difference entre les deux types de melanges; 20 la bonne concordance entre les resultats obtenus par

deux methodes aussi differentes.

(s) W.L. De KEYRER, Silicates industriels, 16, 296-99, 1951. (') W.L. De KEYSER et I,. DEOUELDRE, Bull. Soc. Chiwb. belg.,

59, 400-71, 19-50.

352 L. DEGUELDRE

lo,asn, OMg libre [Melanges lSiOZ:r?OMg.(voie sbche.)]

45

30

25

%OMg.libre M&mges 1S;02: 20flg. (voie humide.)

---- rnithode chimique

par Irs rayons X -

-. *-------Q,

Fig. 8. - DCtermination quantitative de la magndsie libre par rayons X et par analyse chimique.

S 4. CAUSES DE LA DIFFERENCE DE LA REACTIVITE DANS LES

DEUX TYPES DE MELANGES

La mise en suspension de OMg a au moins eu pour consequence, l’hydratation et la formation de (H0)2Mg. Le diagramme du melange prepark de cette fagon montre effectivement toutes les raies de (HO),Mg.

Seulement, le mPme melange chauffe a 450OC - c’est- A-dire a une temperature supkrieure a la temperature de deshydratation de (HO),Mg - fournit un diagramme D-S comportant toutes les raies de OMg.

Ainsi, a partir de 400-4500 C, les deux types de melanges

FORMATION DE LA FORSTERITE 353

semblent retrouver la mCme composition, a savoir 2 OMg + 1 SiO,.

La premiere idee susceptible de fournir l’explication recherchee est alors la suivante : (( La magnesie provenant de la d4shydratation de (HO),Mg est plus finement divisee et par consequent plus reactive. ))

S’il en est ainsi, le m@me resultat peut @tre obtenu en preparant les melanges a partir de (HO),Mg ou de C0,Mg.

Les six melanges suivants ont kte prepares :

a) 2 OMg+l SO, par agitation dans l’acktone [Ac - OMg] b) 2 (HO),Mg+ 1 SiO, )) )) )) [Ac -(HO),Mgl c) 2 C0,Mg + 1 SiO, )) )) )) [Ac - COSMg]

e) 2 (HO),Mg+l SiO, )) )) )) IE -(HO),Mgl f ) 2 CO,Mg+l SiO, )) )) )) [E - CO3Mgl

d) 2 OMgfl SiO, par agitation dans l’eau [E - OMg]

L’agitation dans l’acetone remplace le melange purement mecanique et vise l’obtention d’une homogeneit6 du mtlme ordre que celle donnee par l’agitation en milieu aqueux.

Ces six melanges ont Cte calcines a 7000 pendant 21 heures, puis examines aux rayons X dans les mtlmes con- ditions.

Seul, le rne‘lange E-OMg prbenfe des raies de forste‘rite en plus des raies de OMg.

Les raisons de la plus grande reactivite du melange E-OMg ne sont donc pas dues i~ une magnesie plus fine et par consequent plus reactive produite par la decomposition de (HO),Mg ou de C03Mg en presence de la silice.

L’analyse thermique differentielle va nous indiquer les causes recherchees.

$ 5. ANALYSE THERMIQUE DIFFERESTIELLE DES S I X MELAN-

GES : Xc-OMg, Ac-(HO),Mg, Ac-CO,Mg, E-OMg, E-(HO),Mg et E-C0,Mg

Si on fait abstraction des efforts endothermiques qui

l o que tous les kchantillons presentent le meme effet se situent avant 550OC, on constate :

exothermique debutant a 520 O C .

354 L. DEUGELDRE

20 que l’echantillon E-OMg est le seul a presenter deux effets exothermiques.

Nous illustrerons cette difference par le cliche ci-dessous (fig. 4) : il groupe les courhes des kchantillons E-OMg et. Ac-( HO),Mg.

h l .. 0 P

In 0, .- 4

> a

Fig. 4. - Courbes d’analyse thermique diffkrentielle des melanges Ac - (HO), Mg et E - OMg.

Considerons toujours ces courbes. Nous sommes frappes par la difference d’amplitude de I’effet endothermique dii a la deshydratation de (HO),Mg (vers 4000 C). Ces effets devraient &re du mPme ordre si la mise en suspension aqueuse de 2 OMg + 1 SiO, a pour seule consequence l’hydratation de la magnesie.

FORMATION DE LA FORSTERITE 355

D’autres faits experimen taux indiquent qu‘il se passe

Ainsi par exemple, il y a egalement disproportion : l o entre les raies de (HO),Mg dans les radiogrammes de

poudres des melanges E-OMg et Ac-(HO),Mg; 20 entre les raies de OMg dans les diagrammes D-S des

mgmes melanges calcines a 450OC. Diverses autres considerations nous amenent a emettre

l’hypothkse de la formation prealable - dans le seul cas de E-OMg - d’un ou plusieurs silicates hydrates de magne- sic a l’etat amorphe.

Cette hypothese est confirmee par l’etude des produits obtenus par chauffage en autoclave 5 1250 et a 1500 d’une suspension aqueuse du melange E-OMg. On peut observer que la formation de silicate hydrate devient plus importante. Toutelois, les bandes diffuses relewees dans les diagrammes D-S permettent tout au plus de penser qu’il pourrait s’agir de l’antigorite 3 OMg. 2 SiO,. 2 H,O et du talc 3 OMg. 4 SO,, H,O, tout au debut de leur formation.

autre chose.

5 6. ETUL)E D E S EFFETS EXOTMERMIQUES OBSERVES DANS

LES COURBES D’ANALYSE TI-IERMIQUE DIFFERENTIELLE

l o Cns general : un seul ellet exothermique uers S2Oo C Ides rayons X caractkrisent l’ktat du melange immedia-

tement avant le phenomene exothermique par un diagramme comportant uniquemeiit les raies de OMg et la bande diffuse de la silice amorphe.

Par contre, le diagramme caractkrisant la constitution du melange immediatement apres l’effet exothermique, revele en outre les raies principales de la clinoenstatite.

L’efiet exothermique marque donc le debut de la reac- tion entre SiO, e t OMg avec formation de metasilicate.

20 Cas pcrrtic.ulier : les d e w effets ezothermiques du mdange

La meme methode d’investigation (caractkrisation par des diagrammes de rayons X de la constitution du melange avant e t apres chaque phknomene) nous permet d’attrihuer le premier effet a la formation de forsterite e t le second effet

E-OMg

356 L. DEGUELDRE

a la formation de clinoenstatite. Cet ordre n’est dii qu’a la presence de silicates amorphes hydrates.

7. LA REACTION A LA SURFACE DE CONTACT SILICE-MAGNESIE

Diverses experiences ont etC entreprises pour suivre le processus reactionnel.

Bornons-nous a signaler qu’elles ont montre que c’est la magnksie qui diffuse dans la silice avec formation de meta- silicate, puis de forstdrite.

CONCLUSIONS

I. ETABLISSEMENT DU PROCESSUS REACTIONNEL

Tous les resultats experimentaux conduisent a la con- clusion diametralement opposee a celle de JANDER et WUHRER: c’esf le me‘tasilicate qui se forme d’abord.

L’experience nous permet de proposer le mecanisme suivant :

OMg diffuse dans la silice et forme une pellicule de metasilicate d’abord amorphe puis cristallise.

Ensuite, la magnesie - continuant a diffuser a travers cette pellicule - conduit a la formation d’orthosilicate. La quantite d’orthosilicate augmente progressivement de la peripherie de chaque grain de d i ce en direction du centre. Au fur et a mesure de la formation de nouvelles quantites d’orthosilicate, la pellicule de metasilicate progresse en direc- tion du centre du grain.

I1 est logique de penser que l’epaisseur de cette couche de metasilicate, separant la silice de l’orthosilicate forme, ne varie pas beaucoup. Dans ce cas, la quantite de meta- silicate doit diminuer au fur et a mesure que la distance de cette zone de metasilicate au centre du grain de silice va en decroissant. Ceci est effectivement verifi6 par les radio- grammes de poudres.

Aussi, en opposition avec le schema decrit par JAR’DER nous proposons les schemas ci-dessous :

W. JANDER, Angm. Chem., 49, 879-82, 1936.

FORMATION DE LA FORSTERITE 357

l o En prksence d’un excds de OMg

I SiO, t

OMg 1 SiO, - G g l ISiO, -f OMg( I T f

Si0,Mg Si04Mg, Si0,Mg

Si0,Mg

20 En prisence d’un exc3s de SiO, -~ OMg I SiO, - OMgl ISiO, - OMgl SiO,Mg, I

t t Si0,Mg Si0,Mg

ISiO,

--+ SiO,Mg,l ISiO, + I Si0,Mg I SiO, + Si0,MgI SiO, f

Si0,Mg SiOiMg,

2. CAS PARTICULIER DU MELANGE E-OMg

I1 peut &re interessant comme point de depart d’une etude de la formation des silicates hydrates.

Dans le domaine pratique, cette particularite pourrait &re utilisee dans la preparation d’un liant pour matdriaux refractaires A base de forstdrite.

3. VALEUR DES DETERMINATIONS QUANTITATIVES BASEES

SUR L’UTILISATION DES RAYONS X

Parmi d’autres resultats interessants releves au cows de ce travail, nous desirons attirer l’attention sur la bonne concordance existant entre les resultats donnes par l’analyse chimique et les rayons X.

L’utilisation parallele d’une mCthode chimique satis- faisante prouve la possibilite d’elaborer, sur des bases tota- lement independantes, une methode quantitative d’une va- leur certaine.

Semblable demonstration peut contribuer a relever for- tement le credit accorde a la determination quantitative par rayons X, dans les cas oil cette methode est la seule appli- cable.

UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES Lnborafoire de Chimie Industrielle

Comnmnique‘ h la Socidti Chimique de Belgique b 1 4 juillet 1953.