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Un rapport de DESS sur le Modele social EuropeenTRANSCRIPT

DESS MI 08/01/2004
CULTURE D'AFFAIRES
EUROPEENNES
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d’HERBAIS Alexis, LESCROART Vincent, GRECO Ophélie, SOUBIGOU AntoinM. Guy Carron de la Carrière

Culture d'affaires Européennes DESS MI
Introduction ………………………………………………………………...2
1. Les Grandes lignes du modèle social européen vues de l’Etranger ………………………….3
1.1 Les éléments d’une citoyenneté sociale ……………………………………………………...3
1.2 Une législation du travail contraignante …………………………………………………….3
1.3 L’importance de la sphère publique ………………………………………………………....4
2. Analyse des grandes lignes: Les éléments d’un modèle social européen …………………….5
2.1 Les textes européens et le cadre institutionnel ……………………………………………...5
2.1.1. les textes fondateurs de l’Union Européenne ……………………………………………5
2.1.2. Les avancées de Lisbonne …………………………………………………………………6
2.1.3. Les limites ……………………………………………………………………………………6
2.2 Les caractéristiques du modèle social européen ……………………………………………6
2.2.1. Une volonté interventionniste des Etats ………………………………………………...7
2.2.2.Le dialogue et la concertation sociale …………………………………………………….8
2.3. Un modèle social européen hétérogène ……………………………………………………..9
3. Le modèle social dans la perspective de l'élargissement …………………………………….10
3.1 De grandes disparités entre les pays candidats et les Etats membres ……………………10
3.2 Des difficultés de mise en place du modèle social européen ……………………………...11
Conclusion …………………………………………………………………..13
Bibliographie ……………………………………………………………….14
Annexes ……………………………………………………………….…….15
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Culture d'affaires Européennes DESS MI
Introduction
On entend par " modèle social européen " une certaine idée de l'homme, de sa liberté, de sa dignité,
de ses droits. Un modèle social ancré dans notre histoire commune et fondé sur une tradition de
négociation collective, une protection contre les aléas de l'existence, un Etat garant de la cohésion sociale.
Il repose sur l'action concertée des partenaires économiques et sociaux et sur un ensemble de législations
sociales qui complètent l'économie de marché tout en créant un cadre de solidarité.
Doit-on envisager une spécificité européenne dans les rapports des individus avec la société et
l'entreprise? Cette spécificité peut-elle être considérée comme un pilier de la construction européenne?
En admettant cette spécificité doit-on la considérer comme une opportunité ou un ensemble de contraintes
notamment dans les domaines de la compétition économique?
Le modèle social européen constitue pour les uns le bouc émissaire de toutes les difficultés que
connaît l'Europe : il coûterait trop cher; il constituerait un obstacle sérieux à la croissance économique et à
l'emploi. D'autres présentent au contraire ce modèle comme le bouclier protecteur de tous les droits
péniblement acquis au cours des ans pour les travailleurs ; ils rappellent que les politiques ne doivent pas
se laisser dominer par le marché, qu'elles doivent avoir des dimensions sociales et humaines, et pas
seulement économique.
Dans une première partie nous proposons d'évoquer un aperçu des opinions Outre- Atlantique quant
à notre modèle social. Puis dans une seconde partie nous définirons plus précisément le contenu de ce
modèle et les enjeux posés par l'élargissement de l'union européenne à 25 membres.
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1. Les Grandes lignes du modèle social européen vues de l’Etranger.
"Un grand nombre de raisons ont été avancées pour illustrer une image négative de l'Europe. Les
européens accordent plus d'importance aux loisirs qu'au travail. L'omnipotence de la législation sociale,
le manque d'entreprenariat , la tiédeur et le manque d'audace des managers européens dans un contexte
d'instabilité économique et financière qui caractérisent ce début de siècle."1
Afin d’envisager l’existence, ou non, d’un modèle européen, nous proposons d’étudier l’analyse
qu’on peut en donner Outre-Atlantique. La difficulté, voire la gageure, consiste dans le fait que ce modèle,
s’il existe, ne laisse pas indifférent. Entre les sarcasmes de la presse ultraconservatrices et les louanges
qu’il a pu susciter de la part de certains membres de l’administration Clinton, nous avons préféré baser
notre propos sur une contribution américaine aux travaux de l’OCDE sur la question…
1.1 Les éléments d’une citoyenneté sociale
Ce qui est profondément ressenti est tout d’abord une acception très différente du terme
« citoyenneté ». Les américains relèvent que la notion même de citoyenneté est indissociable de la notion
de « social ». A telle enseigne qu’ils parlent pour l’Europe (Essentiellement les 15 moins l’Angleterre et
l’Irlande) de Social Citizenship. Or, la notion anglo-saxonne de citoyenneté relève plus d’une forme de
contrat entre l’individu et la nation alors que dans notre définition courante, on entendra par citoyenneté la
place de l’individu dans son environnement sociétal. Sans prétendre expliciter plus avant la notion,
précisons que la construction européenne s’est plutôt effectuée au centre (Sociale Démocratie et
Démocratie Chrétienne) dans un soucis évident d’apaiser les tensions tant sur le plan politique que social
qui existaient par le passé et qui peuvent en partie expliquer les antagonismes et les conflits de la première
partie du XXème siècle.
Du point de vue américain, les éléments de cette citoyenneté sociale seraient principalement une
législation du travail contraignante et l’importance de la sphère publique.
1.2 Une législation du travail contraignante
On l’a vu plus haut, il existe une sorte d’image d’Epinal véhiculée Outre-atlantique faisant de l’Europe
une sorte de monde hédoniste dans lequel la valeur « travail » serait vidée de sa substance…
1 Jonathan Fenby, The Observer, 1/9/2003
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"Dans les années 80, les Etats-Unis et l'Europe ont commencé à diverger. Les normes américaines en
matière de temps de travail ont changé de telle sorte que la moyenne annuelle du temps de travail aux
Etats-Unis dépasse l'Europe de près de 350 heures soit 9 à 10 semaines de plus"2
En fait, les observateurs sérieux balayent ces idées reçues mais relèvent toutefois le caractère
extrêmement lourd de la législation sur le travail. Cependant, et notamment dans les milieux progressistes
américains, l'exemple européen suscite parfois l'admiration.
"La croissance de la France approche les 3% alors que son taux de chômage passe sous la barre des 10%
en dépit d'un gouvernement socialiste qui a mis en place la semaine des 35 heures. La Finlande est
devenu leader dans le secteur de la téléphonie mobile en dépit d'un fort taux de prélèvements obligatoires
pour les ménages et une législation du travail très contraignante. La Hollande a toujours une politique
sociale très généreuse, bien qu'ils aient réduit la fiscalité des entreprises et adoucit les contraintes des lois
sur le travail."3
De plus, les différents mécanismes de participation des salariés à la marche de l’entreprise par le
biais des syndicats a tendance à « épouvanter » les américains qui parlent aussi de citoyenneté
économique à ce propos. Cette législation aurait pour effet de porter atteinte au fondement même du
management, de la gouvernance d’entreprise : La flexibilité.
Flexibilité de l’emploi tout d’abord ainsi que celle du temps de travail. Cette atteinte à la flexibilité
expliquerait le « manque de réactivité » de l’économie européenne, ainsi que ses performances moindres
que celles des Etats-Unis.
1.3. L’importance de la sphère publique
En quelques mots, les américains reprochent à notre modèle social d’avoir engendré une sorte de
« monstre tentaculaire » : les services publics.
Ils dénoncent l’émergence en Europe d’une sphère publique dont la principale préoccupation ne serait plus
le bien commun mais la préservation des intérêts d’une caste anti-productive, autiste et catégorielle.
Cette caractéristique du modèle social européen ne semble pas seulement reconnue Outre-atlantique car la
lutte contre celle-ci constitue un cheval de bataille pour bien des politiciens de la « vieille Europe ».
2 David Brooks, The New York Times, 25/11/2003 3 Jeaffrey L Beatty 10/10/1999 European welfare states
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2. Analyse des grandes lignes: Les éléments d’un modèle social européen
Ainsi que nous venons de le voir, il semble qu’un modèle social européen existe : le seul fait qu’il
soit critiqué, voire qu’il nous soit envié dans certains cas l’atteste.
L’objet de cette partie est de décrire ce modèle et d’en dégager les principales caractéristiques.
Nous examinerons par la suite quels sont les enjeux et les répercussions sur ce modèle de l’élargissement
de l’Europe à 25 pays.
Le modèle social européen tire son existence d’une volonté commune des Etats membres, volonté
affichée dans les principaux textes et accords de l’Union. Il est caractérisé par un ensemble de mesures et
de pratiques mises en œuvre dans chaque Etat. Le droit européen reflète par conséquent un modèle social
européen.
2.1 Les textes européens et le cadre institutionnel
2.1.1. Les textes fondateurs de l’Union Européenne
La plupart des textes et traités originels contiennent des dispositions à caractère social et se
préoccupent du bien être des pays membres. On retrouve de telles dispositions dans les traités de Rome de
1957 (art.117 et 118) ou encore dans le traité de Maastricht de 1992. La Charte Communautaire des Droits
Fondamentaux des Travailleurs de 1989 (déclaration solennelle de 11 chefs d’Etat, le gouvernement
britannique refusant de s’y associer) est devenu une référence en matière sociale. Elle établit des droits
dans 12 domaines dont l’emploi et la rémunération, l’amélioration des conditions de travail, la protection
sociale, les négociations collectives, la formation professionnelle, l’égalité du traitement entre hommes et
femmes, l’information et la consultation des travailleurs ou encore la protection de la santé et de la
sécurité dans le milieu de travail.
Le Traité d’Amsterdam de 1998 confirme dans son préambule l’attachement de l’Union aux droits
fondamentaux tels qu’ils sont définis dans la charte de 1989 et se pose en « accoucheur de l’Europe de
l’emploi », le traité de Maastricht ayant avant lui dessiné les contours d’une Europe sociale.
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2.1.2. Les avancées de Lisbonne
Le sommet de Lisbonne en 2000 a inventé un nouvel outil particulier adapté aux domaines où les
Etats ont la responsabilité première : la méthode de coordination. Les Etats s’engagent autour d’objectifs
communs (moderniser le modèle social européen en investissant dans les ressources humaines et en luttant
contre l’exclusion sociale) qu’ils mettent en œuvre conformément à leurs institutions et à leurs pratiques
propres. Les résultats de chacun sont ensuite évalués collectivement et les « meilleures pratiques »
permettent ainsi d’enrichir l’action des autres. Après Lisbonne, cette forme de coordination s’est étendue
du seul domaine de l’emploi à la lutte contre l’exclusion et à la réforme des retraites.
2.1.3. Les limites
Du point de vue des textes le Traité d’Amsterdam donne de larges possibilités d’initiative à la
Commission et aux institutions communautaires. Mais on assiste régulièrement à un décalage entre les
intentions sociales affichées et la réalité des moyens mis en œuvre. La Charte des Droits fondamentaux de
1989 par exemple n’a aucune force contraignante. Autre exemple, l’Agenda Social défini après Lisbonne
n’a aucune force contraignante car la politique sociale demeure du domaine et de la compétence des
politiques nationales (art. 29 de l’Agenda). Par ailleurs, des objectifs quantifiés de réduction du taux de
chômage ne sont pas fixés ni dans l’Agenda, ni dans les Lignes Directrices de l’Emploi de 2001. On peut
donc en conclure que la politique sociale et de l’emploi est encore conduite par les Etats, malgré une
volonté évidente d’harmonisation à l’échelle de l’Union ce qui semble être en décalage avec les ambitions
affichées…
2.2. Les caractéristiques du modèle social européen
A la question « existe t-il un modèle européen des relations sociales dans l’entreprise ? » le
commissaire européen aux affaires sociales répond par l’affirmative. Le dialogue social et la qualité des
relations industrielles sont au centre de ce modèle. Celui-ci se caractérise par une protection sociale de
qualité, l’investissement dans l’éducation et les qualifications ainsi que par les réformes destinées à
améliorer le dynamisme de l’économie.
Mais il est clair que ce modèle social européen, même s’il est enraciné dans l’histoire du continent
européen n’est pas uniforme et homogène, il s’appuie notamment sur des traditions nationales propres à
chaque pays, ces traditions sont solidement ancrées.
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2.2.1. Une volonté interventionniste des Etats
On dit souvent que si on veut faire la preuve de l’existence d’un modèle social européen, il suffit de
voyager. Les Etats membres ont en matière sociale des caractéristiques communes qui les distinguent des
autres régions du monde : le rôle important du dialogue social que nous examinerons plus en détail, des
partenaires sociaux organisés (avec un syndicalisme européen puissant et des patronats engagés), des
systèmes étendus de protection sociale qui garantissent la cohésion sociale, des dispositifs visant à réduire
les inégalités, et enfin des services publics performants, l’ensemble se traduisant par des taux de
prélèvement obligatoire élevés, de 45% en moyenne pour l’Union Européenne contre 33.3% aux Etats
Unis et 30.8% au Japon4.
L’Europe possède un régime élaboré de sécurité sociale, y compris le cas échéant, l’octroi d’un revenu
minimum garanti ainsi que d’autres protections du travail (RMI et SMIC en France, caisses de vieillesse,
de maladie, familiales…). Ce système de sécurité sociale repose dans de nombreux pays sur le modèle de
l’Etat providence : la répartition des revenus (plus ou moins importante selon les Etats) est pratiquée dans
les pays de l’Union. Aux Etats Unis, ce système de l’Etat providence a été délaissé au profit d’un système
plus individualiste basé davantage sur la capitalisation des revenus que sur la répartition. Les salariés
souscrivent des assurances privées très coûteuses et placent leur épargne sur les marchés financiers (les
fameux fonds de pension investis dans le monde entier).
De plus, de nombreux pays européens possèdent des services publics à finalité sociale (éducation,
santé, transports), dont la responsabilité, estime t-on doit rester entre les mains de l’Etat, même si leur
gestion s’apparente davantage à une gestion privée (exemple d’EDF ou de la SNCF en France).
La volonté interventionniste des Etats Européens s’est souvent affichée, notamment pour intervenir
activement en matière industrielle, économique et sociale (les 35 heures en France, la fixation de normes
communes en matière de durée du travail en Europe qui ne peut excéder 48h hebdomadaires…) , pour la
recherche d’un consensus avec les partenaires sociaux dans l’élaboration et la mise en œuvre des réformes
(réforme des retraites négociée en Suède ou en France avec les syndicats et les représentants du patronat).
A l’inverse, aux Etats Unis, l’approche pour résoudre les problèmes de travail et d’emploi apparaît
beaucoup moins interventionniste, elle laisse davantage de place à l’initiative individuelle. L’accent est
mis sur la liberté et la responsabilité des agents économiques plutôt que sur le pouvoir politique au niveau
de l’Etat ou au niveau fédéral. Au plan législatif, on insiste davantage sur l’égalité de chances et de
traitement que sur une certaine égalisation des revenus. Aux Etats Unis, on a toujours privilégié la
4 Données de 2003. Maximum Suède 57.2%, France 49.6%, Allemagne 44.6%, RU 40% et minimum en Irlande avec 32.8%
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négociation collective d’entreprise par rapport à la loi. En Europe en revanche, on attend de son
gouvernement, de son administration et de la loi, une assistance pour l’amélioration des conditions de vie
et de travail. Au Japon, la haute administration de l’Etat joue un rôle très actif, mais ses préoccupations se
focalisent avant tout sur la croissance et le développement économique, la question sociale est secondaire
(même si ce système tend à évoluer au grès des crises économiques majeures).
2.2.2. Le dialogue et la concertation sociale
La régulation sociale en Europe est fondée sur la concertation bi ou tripartite (Etat, syndicats et
représentants du patronat) à différents niveaux, mais spécialement au niveau national (professionnel ou
interprofessionnel). Certes, d’autres régions du monde et notamment l’Amérique latine ou l’Afrique ont
connu et connaissent des accords tripartites, mais aucune région n’a utilisé autant le dialogue tripartite,
formel ou informel.
Les négociations sur l’emploi notamment peuvent avoir des effets très bénéfiques : elles soulignent
toujours la dimension sociale et finalement humaine des relations professionnelles. Elles créent également
un environnement favorable à l’amélioration de la situation économique générale et à la croissance (c’est
le cas aux Pays Bas avec les accords de Wassenaar, en novembre 1982 qui constituent toujours la base de
la stratégie sociale). Actuellement en Europe, les gouvernements n’ont jamais autant cherché à signer des
accords tripartites pour mobiliser chacun sur le thème de l’emploi. Parfois, en cas d’échecs répétés des
négociations, c’est le gouvernement qui légifère (la France a légiféré sur les 35 heures faute d’avoir
obtenu l’accord des partenaires sociaux).
Pourtant différents types de négociations coexistent en Europe, de nouveaux modes de dialogue social
sont apparus.
En Italie par exemple, la réussite de l’Emilie-Romagne et de la Vénétie -où les petites entreprises
jouent un rôle clé- repose sur le fait que les gouvernements régionaux ont favorisé le dialogue à l’échelon
régional ou local. En Emilie-Romagne, les 3 syndicats les plus importants de la région et les 4 principales
associations d’employeurs représentant des entreprises artisanales (moins de 20 salariés) ont conclu dès
1983 un certain nombre d’accords relatifs au développement de ces entreprises. Les gouvernements
locaux ont en outre fourni certains biens collectifs qui ont allégé les coûts des entreprises. Autre exemple
italien plus récent : celui des conventions sur les horaires dans la cité (i tempi della città) afin de mieux
coordonner les heures d’ouverture des services publics, des commerces et de bureaux, les rythmes des
transports publics et le temps de travail. Ces accords sont conclus par des syndicats, des associations de
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commerçants ou de quartier, des organisations d’employeurs et les autorités de plusieurs villes italiennes.
Ces arrangements ont été ensuite consacrés par une loi (loi n° 240 de 1990).
En Irlande, la pratique d’accords collectifs au sommet (non contraignants) est très développée.
L’accord signé en 1994 a ajouté une nouvelle dimension au tripartisme : il contient un engagement formel
de la part du gouvernement et des partenaires sociaux de stimuler les initiatives locales et celles des petites
communautés en faveur du maintien et de la création d’emplois.
En Belgique, des initiatives sont menées en vue de la création d’emplois au niveau local à travers des
organisations tripartites appelées agences locales pour l’emploi.
Ces exemples illustrent le fait que les Etats en Europe n’ont peut-être jamais été aussi actifs dans les
négociations économiques et sociales.
2..3 Un modèle social européen hétérogène
De nombreux auteurs sont convaincus que l’espace social du travail européen est loin de constituer un
ensemble homogène : la production du travailleur par l’éducation et la formation, son utilisation dans les
processus productifs (durée du travail, mobilité professionnelle), l’insertion et la promotion sociale (rôle
des diplômes) et les relations professionnelles sont des domaines qui relèvent de la responsabilité
exclusive des Etats. Il en va de même pour toutes les législations sociales qui sont toujours élaborées à
l’échelon national, même si des normes européennes commencent à apparaître. L’Europe semble partagée
entre 2 modèles : le modèle anglo-saxon (GB, Irlande) dont les normes sociales sont proches des normes
US et du Canada et le modèle Rhénan (France, Allemagne notamment) où l’Etat joue toujours un rôle
prépondérant dans la régulation économique et sociale.
Quelques exemples montrent que le modèle social européen n’est pas homogène. La durée du temps
de travail par exemple : la durée conventionnelle hebdomadaire moyenne des temps de travail par pays en
2002 était de 38.2 heures. En France elle est de 35 H, en Grande Bretagne elle est de 37.2 H, 39 H en
Irlande et 40 H en Grèce.
Les règles de protection sociale des salariés sont également très différentes selon les pays ; Prenons
l’exemple des congés de maternité en Europe : la durée de ces congés varie entre 14 semaines en Irlande
et 28 semaines pour le Danemark. 9 pays de l’UE accordent des congés de paternité dont la durée est
également très variable : 14 jours au Danemark, 3 semaines en France, 4 semaines en Norvège et 3 mois
en Islande. Les allocations de maternité varient également. Par exemple, en cas d’adoption, le Danemark,
la France et l’Espagne versent des allocations aux parents, pas les pays Bas.
De manière générale, il en va de même pour l’ensemble des systèmes de sécurité sociale (cf. annexes
1 et 2). Certains pays ont une faible protection sociale (GB, Irlande) alors que d’autres ont opté pour un
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système de protection très développé plus coûteux (comme la France, l’Allemagne ou la Suède) qui repose
sur la perception de recettes fiscales et sociales plus importantes (cf. annexe 3). Idem pour les services
publics : l’Irlande ou la Grande Bretagne ont des services publics peu développés (la vétusté des hôpitaux
et des chemins de fer de nos voisins d’outre Manche ou l’état de délabrement de certaines routes
irlandaises non financées par des fonds européens l’attestent) ; d’autres pays ont un secteur public plus
important (parfois trop important aux yeux de la Commission). C’est le cas de la France notamment qui
dispose de grosses entreprises publiques (SNCF, La Poste, EDF…) afin d’assurer un service public de
qualité au nom de l’intérêt général et du bien être de la population. L’enseignement public est la norme
(Universités financées par les recettes fiscales de même que l’ensemble des systèmes de santé financés par
l’ensemble des cotisations sociales).
3. Le modèle social dans la perspective de l'élargissement
Le futur élargissement de l'Union Européenne aux pays d'Europe centrale et orientale a fait naître
une série d'attente et de craintes concernant l'avenir de l'Europe et de son modèle économique et social.
3.1 De grandes disparités entre les pays candidats et les Etats membres
L'élargissement de l'Union Européenne n'est pas une nouveauté, ce qui est nouveau c'est d'une part,
le nombre élevé de pays candidats (dix pays) et d'autre part, le fait que ce soit des pays dont le niveau de
développement économique et social dans de nombreux domaines est largement inférieur à celui des pays
jusqu'ici accueillis au sein de l'Union (sauf Chypre, Malte et la Slovénie qui sont des pays faiblement
agricoles et relativement riches), en effet le niveau de vie est fortement supérieur en Europe de l'Ouest
qu'à l'Est, les salaires y sont quatre fois inférieurs et l'ensemble des pays candidats ne représente que 7%
du PIB de l'Union européenne.
Toutes les vagues d'élargissement ont rendu encore plus complexe la définition de normes sociales
communes, l'entrée de nouveaux pays ne faisant qu'accroître la diversité des régimes de protection. Depuis
le traité d'Amsterdam, entré en vigueur en 1999, il existe une base légale communautaire en matière de
politique sociale. Les autorités européennes s'efforcent régulièrement de rappeler "l'objectif de
convergence des protections sociales dans le respect de la diversité des systèmes nationaux". Entre les
pays candidats et le reste de l'Union européenne, c'est en effet dans le domaine social que la distance qui
reste à parcourir est la plus importante.
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Dans le domaine de la protection sociale, les PECO sont plus tournés vers le modèle américain
prôné par les institutions internationales, que vers le modèle social européen. Ils ont mis en place des
systèmes de protection sociale extrêmement libéralisée et conformes aux prescriptions du FMI, qui les
éloignent encore plus du modèle social européen.
Les normes sociales des pays de l'Est sont peu exigeantes et un manque d'investissement social en
Europe centrale et Europe de l'Est sera nuisible tant à la cohésion sociale qu'au progrès économique
européen. En effet on ne pourra pas réussir l'élargissement sans une application effective de l'acquis
communautaire, pour que les joueurs respectent les mêmes règles sur le terrain. De plus, de nombreux
pays membres de l'Union européenne ont peur de l'immigration ainsi que du dumping social à grande
échelle en provenance de pays tels que la Pologne, la Hongrie ou encore la République Tchèque. Les
entrepreneurs recherchent des conditions plus avantageuses et libérales (au sujet du temps de travail, des
contrats de travail et du dialogue social) ainsi certains craignent que le système de l'Est s'étende. Les
quinze Etats membres de l'Union pourraient réagir à cette menace en imposant de nouvelles normes
sociales. En fait, la peur des délocalisations vers les pays à bas salaires s'est avérée non fondée lors des
précédents élargissements, notamment à l'Espagne et la Grèce.
3.2 Des difficultés de mise en place du modèle social européen
Il n'est pas facile d'harmoniser des politiques sociales qui résultent de traditions de relations sociales
différentes selon les pays, et d'une organisation particulière des droits sociaux ainsi que des grandes
différences dans le financement et dans les niveaux de protection sociale. Nous avons vu précédemment
les caractéristiques communes des pays européens tant au niveau des pratiques que de la législation
sociale. Cependant la situation sociale et budgétaire ne tranche pas beaucoup avec celle de la plupart des
pays membres: vieillissement démographique, tensions sur les comptes sociaux, chômage élevé etc. Ainsi
au-delà de leur diversité, les systèmes de protection sociales sont confrontés à des problèmes analogues,
mais la fragilité actuelle des systèmes sociaux des PECO lié à la spécificité de la transition peut constituer
une divergence potentielle dont la réduction passera par un renforcement de la cohésion des politiques
sociales européennes.
La commission européenne ne sous-estime pas les obstacles que les pays candidats doivent
surmonter pour restructurer leurs économies, se conformer aux règles et normes européennes et réformer
leurs institutions en conséquence. Les efforts que doivent fournir les candidats pour transformer leurs
économies et pour adhérer au marché intérieur ainsi qu'à l'union monétaire, doivent se focaliser sur la lutte
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contre l'inflation et sur la stabilité monétaire; or l'adoption de telles mesures se fait bien souvent au
détriment des dépenses sociales, de la protection sociale et des services sociaux; les pays se trouvent en
effet confrontés à d'important déficits de financement. Il apparaît que la politique sociale ait été considérée
comme un luxe pour des pays qui ont adopté une économie de marché. Les pays candidats se sont engagés
à instaurer l'acquis communautaire dans le domaine social, cependant le choc de la transition du passage
d'une économie centralisée à une économie de marché peut conduire à une chute du niveau social pour
certains citoyens, à l'exclusion d'une partie de la population (augmentation du chômage) ainsi qu'à une
mise à l'écart des enjeux sociaux et égalitaires en faveur des priorités économiques.
Pour que l'élargissement n'entraîne pas la dilution au lieu de l'approfondissement du modèle social
européen, il faut accentuer les efforts pour que se mettent en place les acteurs du dialogue social et les
institutions nécessaires à la mise en œuvre effective de l'acquis communautaire et de son contrôle.
L'Europe n'a aucunement vocation à imposer un système de protection sociale uniforme, sa finalité est
plutôt de faire converger les systèmes de chaque pays vers un "modèle social européen" et à tirer les
législations sociales vers le haut pour les améliorer. Le but étant de former un socle commun qui s'impose
à tous les Etats membres.
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Conclusion
Emploi, protection sociale, qualité du travail, formation, démocratie sociale, développement durable
sont au cœur des préoccupations des promoteurs de la construction de l'Union européenne.
Davantage qu'une émanation de la politique de l'Union européenne, le modèle social européen
constitue un patrimoine commun aux peuples de l'Europe en matière d'emploi et de travail. Ce concept
traduit une triple réalité : une régulation sociale fondée sur la concertation ; un régime élaboré de
protection sociale et l'existence de services publics à finalité sociale, ainsi qu'un interventionnisme actif de
l'Etat en matières industrielle, économique et sociale.
Ce modèle social distingue l'Europe des autres régions du monde et fonde une identité européenne
véritable. Si ce modèle doit faire face à des critiques et à des difficultés, l'évolution semble davantage aller
dans le sens de son adaptation que dans celui de sa disparition. Malgré tout on peut craindre que
l'élargissement de l'Union ne tire vers le bas les normes sociales pour aboutir à un plus petit dénominateur
commun.
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Journaux et publications
European Welfare States, Jeffrey L. Beatty 10/10/1999
Jonathan Fenby, Japan’s lesson for Europe, The Observer, 01/09/2003
Claus Heinisch, European Integration and the welfare state, University of Pittsburgh 09/2002
David Brooks, Refuting the Cynics, New York Times, 26/11/2003
James Wickham, The end of the European social model: before it began? National forum on
Europe OCDE 30/01/2002
Servais Jean-Michel, Quelques reflections sur un modèle social européen
Sites web
www.forumgc.org
www.lexpansion.com
www.humanite.presse.fr
www.euronet.be
www.jeunes-europeens.org

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ANNEXES (source : EUROSTAT)
Annexe 1 : Revenu moyen en cas de chômage (en % du PIB par habitant)
Les résultats montrent que l’indemnisation moyenne du chômage se répartit principalement entre 30 et 50%. Les dépenses moyennes par bénéficiaire en Irlande, au Portugal et au Royaume Uni étaient inférieures à 30% du PIB par habitant, alors qu’au Danemark, en Allemagne et en Autriche, elle dépassait les 50%. Cependant, ces chiffres n’englobent pas toutes les prestations auxquelles un chômeur peut avoir droit (allocations au logement qui constituent un important moyen de soutien dans certains pays, surtout au Royaume Uni).

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Le modèle social européen 08/01/2004 16
Annexe2 : les allocations de maternité (en % du PIB par habitant)
Les allocations versées par naissance représentent plus de 60% du PIB en 1999 pour la Finlande ou la Suède, moins de 10% au royaume Uni, en Irlande ou au Portugal.
Annexe 3 : les sources de financement de la protection sociale
La part « gouvernement général » correspond aux impôts divers, aux recettes fiscales. Le Danemark et l’Irlande financent leur système de protection sociale avec l’impôt principalement. La France, l’Allemagne ou la Belgique ont davantage recours aux cotisations (patronales ou salariales).