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Six jourspour mourir

Pierre et Danièle Pierra à Saumur, le 14 mars 2008. FRANCK TOMPS POUR « LE MONDE »

Paul Pierra soutientsans réserve ChantalSébire. « Je suis pourqu’on la libère », dit-ilde cette mère defamille de 52 ans,atteinte d’unetumeur incurable auvisage, qui réclame

« le droit de mourir ». « Nous sommes encontact régulier, raconte-t-il. Comme elle,je me bats pour que l’exception d’euthana-sie soit autorisée. »

Ce combat pour faire reconnaître l’in-suffisance de la loi sur la fin de vie, adop-tée en 2005, Paul Pierra et son épouseDanièle le mènent en mémoire de leurfils. Ils lui ont fait une promesse sur sonlit de mort. C’était le 12 novembre 2006.Ce jour-là, ils se sont engagés à « tout fai-re pour que plus jamais des personnes meu-rent dans les mêmes conditions que lui ».

Hervé avait 28 ans. Il est décédéaprès huit ans de coma végétatif et sixjours d’agonie. C’était une des premiè-res fois que la loi Leonetti instituant undroit au « laisser mourir » était appli-quée. « Cauchemardesques, inhu-mains. » Paul Pierra n’a pas d’autresmots pour décrire les six derniers joursde vie d’Hervé. « Ce devait être le tempsdu deuil, de la préparation au départ,nous avait dit un spécialiste en soins pallia-tifs, ce fut le temps de l’horreur, du trauma-tisme pour toute une famille », témoigneDanièle.

Le 30 mai 1998, Hervé a voulu se sui-cider. Il s’est pendu chez ses parentsavec son ceinturon militaire à la barrefixe sur laquelle il faisait des exercices demusculation. Hervé était un jeune hom-me mal dans sa peau. Il avait interrom-pu ses études en terminale, ne savait pastrop ce qu’il voulait faire. Sa consomma-tion régulière de cannabis avait révéléune schizophrénie pour laquelle il avaitdû être hospitalisé pendant six mois. « Ilallait mieux. Il faisait son ser-vice militaire, avait repris lesport, était sorti major dupeloton d’élèves gradés et vou-lait devenir sergent », se sou-vient son père. Mais « il yavait un gros hic : les médica-ments qu’il prenait pour saschizophrénie l’avaient renduimpuissant. Nous l’avons supeu après sa tentative de suici-de, par sa petite copine avecqui il sortait depuis quatreans ».

C’est son père, alors capi-taine à la Brigade des sapeurs-pompiersde Paris, qui l’a découvert pendu. « Jel’ai décroché, j’ai fait un massage cardia-que, un bouche-à-bouche, puis mes collè-gues ont pratiqué un électrochoc. Son cœurest reparti, j’ai cru que je l’avais sauvé. »Mais l’anoxie du cerveau d’Hervé a été

trop longue. Le jeune homme est plongédans un coma végétatif irréversible.D’abord hospitalisé à Clamart, dans lesHauts-de-Seine, il est ensuite transférédans un centre de soins de long séjour àSaumur, dans le Maine-et-Loire, où sesparents ont un pavillon.

Commencent alors de longues annéesde « temps suspendu » dans ce « mouroir

où des personnes très âgéeserrent dans les couloirs »,témoigne Danièle. Hervéne quitte jamais son lit. Seu-le une sonde d’alimenta-tion le maintient en vie.Chaque après-midi, samère vient lui parler, le mas-ser, mettre son front contrele sien, décorer sa chambre,lui faire écouter ses musi-ques préférées. Elle espèreun signe, il n’y en aurajamais.

Deux fois par semaine,son père lui raconte les résultats spor-tifs. La tête du jeune homme est renver-sée en arrière. Son corps se recroquevilleau fil du temps. Ses pieds se tordent versl’intérieur, ses doigts se crispent, sesjambes se replient, son visage se méta-morphose. Hervé est régulièrement

secoué par de violentes expectorationsqui projettent ses sécrétions jusqu’auplafond et au mur de sa chambre.« L’idée de mettre fin à ses jours nous abien sûr effleurés, admet Danièle. Nousn’avions pas peur de la prison, mais noussavions que nous n’aurions pas pu survi-vre à ce geste. »

En septembre 2003 éclate l’affaireVincent Humbert, du nom de ce jeunehomme tétraplégique qui réclamait ledroit de mourir. Cette histoire ébranleles époux Pierra. Ils vont suivre dans lesmoindres détails les développements decette affaire, puis les travaux de la com-mission parlementaire sur la fin de vie etles débats lors du vote de la loi Leonetti.Ils adhèrent à l’Association pour le droitde mourir dans la dignité (ADMD) et àl’association Faut qu’on s’active, qui sou-tient la cause de Marie Humbert, lamère du jeune homme. « Nous avionsplein d’espoir pour la libération d’Her-vé », se rappelle son père.

Fin juin 2005, après la parution desdécrets de la loi Leonetti autorisant le« laisser mourir », la famille Pierradépose une requête auprès du méde-cin- chef du centre de long séjour deSaumur pour demander l’applicationde la loi pour leur fils. Débutent alors

quatorze mois de bataille avec les méde-cins.

Mal informée sur le contenu de la loi,traumatisée par la mise en examen dudocteur Frédéric Chaussoy, qui a aidéVincent Humbert à mourir, l’équipemédicale rejette la requête. Les soi-gnants considèrent que la sonde gastri-que relève d’un soin de confort et nond’un traitement. Pour eux, cesser l’ali-mentation s’assimilerait à une euthana-sie.

Les époux Pierra vont alors contactertoutes les instances et les personnalitéssusceptibles d’attester de la légitimité deleur demande. Des membres du centred’éthique clinique de l’hôpital Cochinviennent à Saumur. Ils concluent que lademande des parents est « légitime etrecevable ». Mais l’équipe médicale conti-nue de refuser de « débrancher » Hervé.

Le médecin-chef du centre de longséjour saisit même le procureur de laRépublique. Il lui dit être confronté à uncouple en détresse qui souhaite euthana-sier son fils. « Seul le directeur de l’hôpi-tal était de notre côté, raconte M. Pierra.Il nous a même suggéré d’aller en Suisse. »

Les parents adressent alors un dos-sier complet au procureur. Celui-ci pré-tend ne pas être compétent en matière

médicale et précise qu’en cas de refusd’application de la loi, le mieux est deprendre un avocat. Par le biais de sondéputé, la famille entre en contact avecle parlementaire UMP Jean Leonetti. Cedernier leur conseille – comme le pré-voit la loi – de prendre l’avis d’un méde-cin extérieur. Il les dirige vers RégisAubry, président du Comité national dudéveloppement des soins palliatifs.

« J’ai rencontré tout le monde », se sou-vient le docteur Aubry. « Hervé étaitdans une situation irréversible et sesparents dans une grande souffrance spiri-tuelle et existentielle. Il n’était pas illégiti-me d’arrêter l’alimentation, à conditiond’accompagner le jeune homme avec dessoins palliatifs et de permettre à la familleun accompagnement final dans le cal-me. » Au terme de son rapport, RégisAubry conclut que « l’application de laloi peut être une réponse à la situationd’Hervé ».

L’équipe médicale finit par accepter.Le protocole ne prévoit pas de sédation,car elle serait susceptible de prolonger lemaintien en vie. Le jour du retrait de lasonde d’alimentation est fixé au6 novembre 2006. Mais rien ne se passecomme prévu. Au deuxième jour, Hervése met à trembler. Ses tremblements nevont cesser de croître. « On nous disait,ce n’est rien, c’est comme de l’épilepsie. »Au quatrième jour, « nous avions l’im-pression qu’il était branché sur du courantélectrique », décrit M. Pierra. Les cin-quième et sixième jours, « son corps étaitcomme électrocuté, ses convulsions étaientsi violentes qu’il se décollait du lit, c’étaitinhumain ».

La médecine appelle cela des myoclo-nies. « Pourquoi ne lui a-t-on pas admi-nistré de sédatif ? On nous disait qu’Her-vé ne sentait rien, j’espère qu’on ne nous apas menti », s’interrogeront à jamais lesparents et les deux sœurs d’Hervé« dévastées » par cette fin de vie. Lejeune homme est décédé le 12 novem-bre. « Je ne peux rien affirmer, glisseM. Pierra, mais je crois que ce jour-làquelqu’un à l’hôpital a fait preuve d’hu-manité. »

Le docteur Aubry déplore laméthode : « Arrêter les traite-ments ne signifie pas arrêterles soins. » « On ne peut paslaisser un patient dans un telinconfort et une famille dans

un tel désarroi, considère Bernard Deva-lois, chef du service des soins palliatifsde l’hôpital de Puteaux, dans les Hauts-de-Seine, qui a déjà été confronté à descas comme celui d’Hervé. Entre les tergi-versations de l’équipe médicale et le mau-vais accompagnement, l’affaire Pierra estl’exemple typique d’une mauvaise applica-tion de la loi Leonetti. »

Les parents d’Hervé n’en démordentpas : « Affirmer qu’il existe une différenceentre, d’un côté, retirer une sonde d’alimen-tation et attendre la mort et de l’autre fai-re une piqûre qui évite le traumatisme et lasouffrance est d’une totale hypocrisie. »

Ces six jours, ou plus, « lorsqu’ils sepassent bien, ne sont pas de l’hypocrisie,répond le docteur Devalois, mais letemps de préparation à la séparation et audeuil ». Son confrère, le docteur Aubrydit « comprendre le militantisme desparents après ce qu’ils ont vécu ». Mais,d’expérience, il sait que « ceux qui ontvécu une euthanasie pour un proche pas-sent d’un sentiment de soulagement à unquestionnement qui entraîne des consé-quences psychologiques majeures ».

Régis Aubry a déposé un projetauprès du ministre de la santé, afin d’évi-ter les situations aussi dramatiques quecelle d’Hervé Pierra. La grande majoritédes médecins ignorent la loi Leonetti,aucun moyen n’a été donné pour sonapplication et aucun outil d’évaluationn’a été mis en place malgré les demandesincessantes de création d’un Observatoi-re des pratiques de fin de vie. « La situa-tion ne peut pas être pire qu’actuelle-ment », lâche M. Aubry.

Un livre, écrit par Gilles Antonowicz,l’avocat de Chantal Sébire, sortira le2 mai sur l’histoire Pierra. Il s’intitulera,Moi, Hervé Pierra, six jours pour mourir. a

Enquête

« Pourquoi ne luia-t-on pasadministréde sédatif ?On nous disaitqu’Hervéne sentait rien,j’espère qu’onne nousa pas menti »

Sandrine Blanchard

Ils avaient obtenule droit de laisser

mourir leur fils.Pendant six jours,ils ont assisté à sa

terrible agonie. Depuis,Paul et Danièle Pierra

s’insurgent contrel’hypocrisie de la loi

sur la fin de vie

18 0123Mercredi 19 mars 2008

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Lorsqu’il était étudiant à Scien-ces Po, à Paris, ChristopheBéchu travaillait déjà, en jeunehomme décidé, à sa carrière. Levendredi soir, alors que sescamarades allaient deviser dans

les bistrots, rêvaient de filer étudier àl’étranger, en plein boom des cursus Eras-mus, lui abandonnait la capitale et pre-nait studieusement le train pour sa villenatale d’Angers, puis rejoignait, quelqueskilomètres plus loin, le petit bourg d’A-vrillé, sa terre d’élection.

Ses 20ans à peine consommés, Christo-phe Béchu, fraîchement élu conseillermunicipal, partait battre sa campagneavec la ferveur de celui qui croit en sondestin. Le sien serait d’être un hommepolitique. C’était comme ça, une éviden-ce. Même si ses copains de Sciences Po luidisaient qu’« entrer en politique, c’étaitcomme vouloir faire carrière dans la sidé-rurgie ».

« Il rêvait déjà d’être président de laRépublique à 7 ans », assure l’un de sesopposants. Quinze ans ont passé, depuisses débuts, et Christophe Béchu n’a pastraîné en route. A seulement 35 ans, ilhonore, à Angers, son deuxième mandatde président du conseil général de Maine-et-Loire, en ayant été élu à ce poste à seule-

ment 29 ans, un record de précocité. Il estégalement eurodéputé, après avoir menéla liste de la majorité dans l’Ouest lors desélections européennes. Et, cerise sur legâteau, le voilà aussi tête de liste dans lesPays de la Loire, pour les prochaines élec-tions régionales.

Pour une fois, ce « boulimique de com-bats électoraux, qui se grise à l’adrénalinedes campagnes », tel que le définit le mai-re socialiste d’Angers, Jean-Claude Antoni-ni, n’avait guère envie de s’y coller. MaisRoselyne Bachelot, la ministre de la santé,longtemps pressentie pour être tête de lis-te, a renoncé, officiellement pour seconsacrer à plein-temps à la gestion de lapandémie de grippe A.

Xavier Bertrand, le secrétaire généralde l’UMP, a appelé Christophe Béchu finaoût pour lui dire de se tenir prêt. Puis, le17 septembre, alors qu’il continuait à traî-ner les pieds, évoquant sa vie de famille, ila été convoqué à l’Elysée. Trois quartsd’heure d’entrevue plus tard avec NicolasSarkozy, la mission était acceptée. « C’estle moment de savoir ce que tu veux fairedans la vie », lui a expliqué le chef del’Etat. « Lorsque le président vous ledemande, vous dites oui… », constateChristophe Béchu, tout étonné d’avoir puplacer quelques mots.

Pour la majorité, les Pays de la Loireseront, lors des élections de mars, un enjeuà part. La région est symbolique, car ellefut dirigée par François Fillon, le premierministre. En sus, ce fief est l’un des raresconsidérés comme réellement reprena-blesàl’opposition, dansuncontexte natio-nal où la droite craint un fiasco.

Pourquoi le nom de Christophe Béchus’est-il imposé comme une évidence ?« Tu es le plus à même de rassembler », luia dit Nicolas Sarkozy. Ancien de l’UDF, lecandidat plaît aux centristes. Voilà qui estutile, pour ramener dans le giron de lamajorité l’ancien ministre des finances,Jean Arthuis, qui menace de présenter sapropre liste. Il peut aussi séduire certainsmembres du MoDem, dont il est proche.« Catholique pratiquant », fils de diacre, ilest également compatible avec Philippede Villiers et Christine Boutin, influentsdans cette région.

Christophe Béchu joue volontiers deson côté vieille France. Fils de deux méde-

cins, issus d’une famille de notables ange-vins, marié à 23 ans, il a trois enfants. Il pré-cise, bon garçon, qu’il a « épousé les opi-nions politiques de ses parents », se félicitede « n’avoir jamais fait de crise de l’adoles-cence ». Il dit son « respect » pour Marc Laf-fineur, le vice-président de l’Assembléenationale et maire d’Avrillé, son mentor,qu’il continue d’avoir au téléphone deuxfois par semaine.

C’est le « gendre idéal », affirment encœur ses partisans, séduits, et ses oppo-sants, pour le railler. « J’assume », répondChristophe Béchu. Jusqu’à la caricature :lorsqu’il ne travaille pas, dit-il, il n’aimerien tant « que jouer aux Playmobil avecses enfants » ou « regarder des séries télévi-sées avec sa femme ».

Mais le sourire du Père Peinard et lesbouclettes de l’angelot cachent des dentsbien acérées. Le maire d’Angers a fait l’ex-périence de son talent manœuvrier, en2008, lorsque le jeune homme a tenté dele renverser. « C’est passé très près, racon-te Jean-Claude Antonini, dans un contex-te qui n’était pas favorable du tout à l’UMPau niveau national. Il a rallié à sa causemon prédécesseur [de 1977 à 1998], JeanMonnier, un ancien socialiste. Ça a faillifaire basculer le scrutin. »

Roselyne Bachelot livre cette analy-se : « Christophe Béchu est terriblementangevin. On n’est pas dans un pays oùl’on aime le combat politique violent,même si l’on se poignarde sous les tentu-res… » Et la ministre de la santé de se rap-peler, encore épatée, la visite, en 2004,du jeune homme à son domicile : « Il

m’a expliqué point par point commentil allait prendre la présidence du conseilgénéral, par un jeu d’alliances, alorsqu’il y avait un autre candidat dans lamajorité… »

Ce tour de force fut sa rampe de lance-ment. Les régionales l’emmèneront-elles plus haut ? « Ça fait vingt ans que jesuis dans la politique et je peux vous direque Béchu, c’est un type brillant, un ora-teur. C’est le TGV Atlantique, et il peutprendre la voie dans les deux sens, versNantes [où est installé le conseilrégional] et vers Paris », s’enthousiasme

Franck Louvrier, fidèle conseiller deNicolas Sarkozy, qui sera, sur la liste del’Angevin, l’œil du maître.

Est-ce la promesse d’un maroquinministériel ? Solidement installé dans saprovince, Christophe Béchu n’a pas devrai réseau parisien. Il entretient des rap-ports courtois avec François Fillon, en voi-sin, mais n’est pas un proche. « Avec Nico-las Sarkozy, il vient de se trouver un men-tor », balaie Franck Louvrier. En 2008,Christophe Béchu avait pourtant refuséla venue du président de la Républiquelors de la campagne pour la prise d’An-gers, de peur d’apparaître trop à droite, enterre centriste. Ce qui ne l’empêche pas,sur cette ligne de crête qu’empruntent lesadeptes du consensus à large spectre, dedire le plus grand bien du chef de l’Etat.

Jean-Claude Antonini raconte cetteanecdote, pour souligner la capacitéd’adaptation de Christophe Béchu. « Jeme souviens d’une réunion avec des jeu-nes entrepreneurs : je leur ai raconté cequ’Angers pouvait faire pour eux ; lui leura simplement parlé d’eux, en leur expli-quant qu’il comptait sur eux. Il a été bienplus applaudi… » La médaille de ce talentde séducteur, selon lui, a son revers : « Ilchange au gré du vent. » Roselyne Bache-lot dénonce une critique facile. « C’est unhomme de synthèse », préfère-t-elle dire.

A l’hôtel du département de Maine-et-Loire, une ancienne abbaye, ChristopheBéchu occupe le bureau du Père abbé. Onl’imagine volontiers un brin jésuite. p

Pierre Jaxel-Truer

Photo Franck Tomps pour « Le Monde »

Parcours

1974Naissance à Angers(Maine-et-Loire).

1995Elu conseiller municipalà Avrillé (Maine-et-Loire).

2004Devient présidentdu conseil généralde Maine-et-Loire.

2008Echoue de peu dans sa tentativede devenir maire d’Angers.

2009Conduit la liste de la majoritédans l’Ouest aux élections européennes;il est élu eurodéputé.

2010Tête de liste de la majoritéen Pays de la Loire, pour les électionsrégionalesde mars.

A 35ans, Christophe Béchu est un jeune homme politiquepressé.Présidentdu conseil généralde Maine-et-Loire,député européen, il va menerla listede la majoritéenPays de la Loire. Sousl’œil attentif de l’Elysée

Le gendre idéal de l’UMP

Culture

Jean-PaulBelmondoLe comédien français s’est vu remettreun prix pour l’ensemble de sa carrière parl’Association des critiques de cinéma deLos Angeles (Lafca), dans le cadre d’unhommage rendu à la Nouvelle Vague fran-çaise, dont « Bébel », qui a aujourd’hui76 ans, fut l’une des vedettes avec sesrôles dans A bout de souffle ou Pierrot lefou. D’autres Français ont également étérécompensés cette année: YolandeMoreau Meilleure Actrice pour Séraphine,Olivier Assayas Prix du meilleur filmétranger pour L’Heure d’été, Agnès VardaPrix du documentaire pour Les Plagesd’Agnès.Jack Lang a été élu président de l’Associa-tion pour le développement du CentrePompidou (ADCP), fondée en 1976 à l’ini-tiative d’Edouard Balladur, avec le soutiende Claude Pompidou, la veuve du prési-dent français.

SportWilliam Servat, 32 ans, le talonneur duStade toulousain et du Quinze de France,s’est vu remettre, le 18 janvier, l’« oscar durugby», décerné par le journal Midi olym-pique. «La Bûche» (son surnom à Toulou-se) a fait un retour remarqué en2007-2008, après une opération d’unehernie cervicale qui l’avait éloigné des ter-rains.

ImmobilierJean-FrançoisVitoux, 47 ans, ENA, mem-bre du directoire de la Société nationaleimmobilière (SNI), est nommé présidentdu directoire du groupe DomusVi, sociétéde gestion de résidences médicalisées.

Etats-Unis

MichelleObamaL’épouse du président américain a faitson entrée au Musée Madame Tussauds deLondres, à l’occasion du premier anniver-saire de l’investiture de Barack Obama.Une statue de cire de la first lady a pris pla-ce auprès de celle du 44e président des Etats-Unis, installée le 20 janvier 2009 dans unereconstitution du fameux bureau Ovale, lebureau présidentiel à la Maison Blanche.Barack Obama a également une statue decire au Musée Grévin à Paris.Alain Mabanckou, écrivain haïtien quiréside en Californie, Prix Renaudot en2006, dénonce sur son blog (blackba-zar.blogspot.com) l’animateur de radioaméricain ultraconservateur Rush Lim-baugh, qui demanda aux Américains dene pas faire de dons pour Haïti, au prétex-te que le président Obama se sert de lacatastrophe pour redorer son imageauprès des minorités du pays (Le Mondedu 20 janvier).

DonationJuan Ignacio Balada Llabrés, un richeEspagnol, mort en novembre 2009, a crééla surprise en léguant sa fortune à lafamille royale d’Espagne. La volonté dudéfunt, selon le testament révélé par sonnotaire, est que l’héritage, dont le mon-tant n’a pas été dévoilé, soit consacrépour moitié par le prince Felipe, héritierdu trône d’Espagne, à la création d’une« fondation abordant des sujets d’intérêtgénéral».

InstitutionsVéronique Malbec, 51 ans, est promuedirectrice des services judiciaires auministère de la justice.Thibaud Vergé vient d’être nommé cheféconomiste de l’Autorité de la concurren-ce, composé d’une demi-douzaine d’éco-nomistes. Il remplace Philippe Choné, quirejoint l’Ensae pour préparer l’installa-tion de cette école sur le futur campus deSaclay.Joachim Soëtard, 39 ans, cadre d’Ipsos etenseignant à Sciences Po, a rejoint l’Agen-ce nationale des services à la personnecomme directeur de la communication.

EuropeMichel Petite, du cabinet d’avocats Clif-ford Chance, a été nommé président ducomité d’éthique de la Commission euro-péenne, après en avoir dirigé le servicejuridique.

Courriel : [email protected]

«Lorsqueleprésidentvous le demande,vous dites oui…»

Elles&ils Pascal Galinier

DécryptagesPortrait20 0123Jeudi 21 janvier 2010

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EnPays delaLoire, des jeunesde plusen plusà lapeine pour trouverdu travail

A près une baisse inattendueen juin (–18600), le nombredes chômeurs est reparti à la

hausse en juillet, selon les statisti-ques publiées, mercredi 26 août,par Pôle emploi et la Dares. En unmois, les inscriptions à Pôle emploidans la catégorie A – les sansemploi tenus à des actes positifs derecherche– ont augmenté de 0,4%(+10700) pour s’établir à 2535200.Si l’on y ajoute les 1132 900 deman-deursd’emploiexerçantuneactivi-té réduite, en hausse de 33 300, laFrance comptait, fin juillet,3 668 100 chômeurs et plus de3,8millions avec les DOM.

Quel que soit l’indicateur rete-nu, ici la seule catégorie A, un pre-mierconstats’impose:l’augmenta-tion du chômage ralentit. On esttrès loin des chiffres spectaculairesde hausse, 80 000 à 100 000 chô-meurs de plus par mois, enregis-trés à la fin de l’année 2008 et aupremier semestre 2009.

Ilest encoretrop tôt pour se pro-noncer sur le caractère, durable ouprovisoire, de cette accalmie :« Malgré le ralentissement des per-tes d’emplois depuis plusieursmois, la tendance à la dégradationdu marché du travail n’est pas ter-minée. Elle devrait se poursuivrependant encore quelques trimes-tres », a prévenu la ministre del’économie, de l’industrie et del’emploi, Christine Lagarde dansun communiqué rendu public,mercredi, en fin d’après-midi.Dans sa note de conjoncture dejuin,l’Insee aprévu untaux dechô-mage de 10,1% en France métropo-litaine à la fin de l’année (10,5 %avec les DOM).

En juillet, ce sont d’abord lesseniors(50 ansetplus)quiontsouf-fert de la détérioration du marchédu travail. Ils étaient 606 000 ins-crits à Pôle emploi fin juillet(+ 1,7 %). Viennent ensuite les25-49 ans : le nombre des deman-deurs d’emploi dans cette tranched’âges’estaccrude1,1%pourdépas-ser les 2,4millions.

En revanche, chez les moins de25 ans, le chômage, qui touchait628 200 personnes, a reculé de0,4 %. Il s’agit du deuxième moisconsécutif de baisse du chômage

des jeunes. Le gouvernement yvoit « un signe encourageant » et,bien sûr, les effets de sa politique :recrutement de 320 000 appren-tis et versement d’une prime de

1 000 euros pour chaque jeune demoins de 26 ans embauché encontrat de professionnalisationjusqu’en juin 2010.

Dans ce domaine, toutefois, il

est trop tôt pour crier victoire.D’abord parce qu’en un an, le chô-mage des jeunes est celui qui a leplus augmenté (+ 28 % en don-nées brutes et + 28,9 % en donnéescorrigées). Ensuite parce que lesdifficultés sont probablementencore devant eux : plusieurs cen-taines de milliers de jeunes sortisdu système scolaire vont se pré-senter sur le marché du travail àl’automne. C’est à partir des statis-tiques de septembre, publiées finoctobre, que l’on commencera àavoir une idée précise des consé-quences de la récession sur leurinsertion professionnelle.

Contrats aidésLes premiers indices ne sont

pas bons. Selon l’Association pourl’emploi des cadres (APEC), quipubliera une enquête exhaustivesur le sujet début octobre, la situa-tion des jeunes diplômés est deve-nue « fort délicate ». D’après unenote trimestrielle datée du troisiè-me trimestre, « 34 % des entrepri-ses qui recrutent leur offrent desopportunités, contre 43 % un anplus tôt à la même période, et 48 %il y a deux ans ». Le choix des possi-bles est donc en train de se res-

treindre pour les jeunes diplô-més. L’évolution de l’emploi cesquarante dernières années ensei-gne que, dans ce cas, les jeunespeu ou pas qualifiés connaissentdes difficultés d’insertion encoreplus grandes.

Le gouvernement ne l’ignorepas. Vendredi 28août, Mme Lagardeet le secrétaire d’Etat à l’emploi,Laurent Wauquiez, réunissent auministère l’ensemble des acteursde l’emploi pour vérifier leur degréde mobilisation et la montée enchargedes différentsoutilsde luttecontre le chômage. Dans un entre-tien aux Echos de jeudi, M. Wau-quiez propose que l’on étudie « laprolongation de l’exonération tota-le de charges sur les embauchesdans les entreprises de moins de dixsalariés en 2010 ». « Nous devonscontinuer à donner ce signal auxemployeurs tant que la sortie de cri-se n’est pas assurée », ajoute-t-il.

Le secrétaire d’Etat précise aussique le nombre des contrats aidéssera adapté à la conjoncture et que,pour le chômage partiel, le plafondannuel d’heures va passer en sep-tembre à 1 000 pour toutes lesentreprises. p

Claire Guélaud

Reportage

NantesEnvoyé spécial

Cela fait maintenant un anqu’Alexandre Lebreton, 20 ans,cherche du travail. Et le jeune Nan-tais ne cache pas que la crise éco-nomique « l’inquiète un peu ».Avec un « niveau première », uneexpérience en alternance qui s’estvite révélée « désastreuse, parceque le maître d’apprentissage m’apris en grippe », Alexandre est unpeu « juste » en termes de qualifi-cation. Il cherche un emploi enmagasinage-logistique et, « àl’ANPE, beaucoup d’offres deman-dent un niveau IV [baccalauréat],alors que je n’ai qu’un niveau V[CAP]». Pour le moment, sa recher-che est vaine. Mais Alexandre neperd pas espoir. « Le domainedans lequel je cherche n’est pastrop touché », veut-il croire.

Dans les Pays de la Loire, les jeu-nes sont de plus en plus nom-breux à vivre ces difficultés. Larégion détient un «titre » dontelle se serait bien passée: celui dela plus forte progression du chô-mage des jeunes en un an. Dejuillet2008 à juillet2009, ils sont49,4 % de plus pour la seule caté-gorie A (actes positifs de recher-che d’emploi, sans emploi) et41,4% de plus si l’on ajoute lescatégories B et C (actes positifs derecherche d’emploi et en activitéréduite). C’est bien plus que lamoyenne française : 31,5% (A) et28 % (A, B, C).

A la mission locale NantesMétropole, Thierry Colombert, ledirecteur, constate que ses servi-ces ont accueilli « 15 % de jeunes enplus sur un an », mais précise que

« c’est comparable aux autres mis-sions locales en France ». Plusinquiétant, « on commence à voirarriver des jeunes qualifiés », ajou-te-t-il. M. Colombert fait égale-ment état d’« une fréquence de laviolence verbale qui augmente.Cela reste très minoritaire, maiscela montre une certaine forme dedésespoir».

De tout cela, Didier Brassart estévidemment bien conscient. Res-ponsable de la direction régionaledu travail, de l’emploi et de la for-mation professionnelle, l’antenneministérielle, il est le premier àvoir les courbes s’inverser. Pourautant, il tient à relativiser la situa-tion. «La région, attractive et dyna-mique, bénéficie d’une démogra-

phie tonique. Il y a beaucoup dejeunes dans les Pays de la Loire»,relève-t-il. Et si les courbes aug-mentent si fortement, c’est parceque la région recourt beaucoup àl’intérim des jeunes, très exposéen cas de crise.

M.Brassart souligne parailleurs que, jusqu’à présent, larégion bénéficiait d’un taux de

chômage global particulièrementbas, avec début 2008, 5,8 % dedemandeurs d’emploi contre7,2 % en France. Et cela est tou-jours vrai. En juillet, alors que letaux de chômage repartait à lahausse en France, les Pays de laLoire enregistraient un deuxièmemois consécutif de baisse.

Au Medef local, on souligne

que « la situation locale est trèscontrastée». « En matière d’em-ploi, Nantes reste plus dynamiqueque le reste de la région », expliqueStéphane Lepron, salarié duMedef. Ailleurs, « il y a beaucoupde sous-traitance avec une main-d’œuvre peu qualifiée, donc fragi-le, poursuit-il. Les secteurs indus-triels que l’on trouve ici, aéronauti-que, chantiers navals, automobile,sont touchés par la crise. »

«Génération sacrifiée»Face à la hausse du chômage, la

direction régionale défend lesmesures du plan jeunes décidéesen avril par le gouvernement(développement de l’alternance,contrats aidés…). Le Medef s’apprê-te, quant à lui, à « solliciter lesentreprises» sur l’idée qu’elles doi-vent « préparer la reprise ». La mis-sion locale assiste les jeunes lesplus exposés.

Dans la région, chacun sait quela rentrée pourrait être redouta-ble. Sans trop oser le dire, parcequ’ils sont condamnés à l’optimis-me. Les jeunes qui entreront surle marché du travail en septem-bre seront à la peine. Et si l’amélio-ration n’intervenait qu’au prin-temps 2010, comme le pensentcertains, ils risquent de constituerune « génération sacrifiée ».

Malgré tout, certains jeunesNantais trouvent du travail. C’estle cas de Stéphanie Moussu etd’Aurélia Berger, diplômées enjuin de l’école de management deNantes, Audencia. Mais elles ontdû faire des concessions. Stépha-nie fera de l’audit plutôt que de lafinance et Aurélia travaillera àParis plutôt qu’à Nantes. En atten-dant des jours meilleurs. p

Benoît Floc’h

En France, le chômage des jeu-nes de moins de 25 ans atteint22,3%, contre une moyenne de8,3% dans l’Europe des Vingt-Sept, indiquaient, en juin, les der-nières statistiques d’Eurostat.En un an, le chômage au sein decette classe d’âge s’est accru de3,7% sur cette zone. Une aug-mentation qui affecte différem-ment les pays et en épargne unseul : la Bulgarie.Les Etats baltes sont ceux quiconnaissent les courbes les plusvertigineuses, aggravant destaux de non-emploi moyens deplus de 20%. Ainsi, en Lettonie,

le pourcentage de jeunes sanstravail a augmenté de 17,2% surla période, en Lettonie de16,5%, en Estonie de 14,1% eten Lituanie de 14,1%.Si l’Allemagne tire son épingledu jeu, avec une hausse limitée à0,3% qui amène le pays à10,5% de jeunes sans travail, cesont les Pays-Bas qui connais-sent la situation la moins défavo-rable, avec un total de 6% de jeu-nes chômeurs.En revanche, l’Espagne doit fai-re face à un taux élevé, avec untiers (33,6%) de ses moins de25 ans sans emploi.

En juillet, le chômage estreparti à lahausseMalgré un ralentissement par rapport au début de l’année, le gouvernement s’attend à des mois difficiles

France

Cinq millions de jeunes chômeurs en Europe

AQUITAINE

MIDI-PYRÉNÉES

CORSE

RHÔNE-ALPESAUVERGNE

BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ

ALSACE

LORRAINE

CENTRE

ÎLE-DE-FRANCE

BASSE-NORMANDIE

HAUTE-NORMANDIE

PICARDIE

NORD-PAS-DE-CALAIS

CHAMPAGNE-ARDENNE

PAYS DE LA LOIRE

POITOU-CHARENTES

BRETAGNE

LIMOUSIN

PROVENCE-ALPES-CÔTE D'AZUR

LANGUEDOC-ROUSSILLON

GUADELOUPE

GUYANE

MARTINIQUE

LA RÉUNION

Le chômage des jeunes a augmenté de 28 % en un anLe chômage des jeunes a augmenté de 28 % en un an

de 38 à 42

POURCENTAGE DE HAUSSE DU NOMBRE DE DEMANDEURS D’EMPLOI DE MOINS DE 25 ANS SUR UNAN

de juillet 2008 à juillet 2009,données brutes

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE DEMANDEURS D’EMPLOI DEPUIS 2003, en milliers

de 31 à 37,9

de 26 à 30,9

de 19 à 25,9

Moins de 13,5

SOURCE : PÔLE EMPLOI, DARES

20,9

38,4

34,7

23,3

28,9

29,5

28,725,9

32,0

31,9

29,841,4

25,227,3

23,5

26,0

26,9

25,6

39,0

8,6

10,2

1,2

13,5

38,5

27,7

19,1

Ensemble Moins de 25 ans

3 500

4 000

3 000

2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009(31 juillet) (31 juillet)

3 668,1

500

600

700

800

400

2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009

628,2

Paul Marcelin, électricien, et Amandine Lebrun, équipière en restauration, devant la mission locale de Nantes,mercredi26août. FRANCK TOMPS POUR « LE MONDE »

8 0123Vendredi 28 août 2009

Page 7: Publications Presse Quotidienne

Presse Quotidienne

Page 8: Publications Presse Quotidienne

Parcours

1958 Naissance à Chicago(Etats-Unis).

1984 Recruté parles Cleveland Cavaliers (NBA).

1988 Transféréaux Philadelphia Sixers (NBA).

1994 Recruté parMontpellier-Basket (Pro A).

1995 Meilleur marqueur de Pro A(25,5 points de moyenne).

2000 Rejoint La Séguinière Saint-Louis Basket (Maine-et-Loire).

2007 Devient vigileà l’Intermarchéde Saint-André-de-la-Marche.

Un basketteur américainà Cholet, passe encore.Un basketteur améri-cain à La Séguinière,petite commune de

3600 habitants située à 5 km de lasous-préfecture du Maine-et-Loire,l’affaire est déjà moins banale. Elletourne même à l’insolite quand onapprend que ledit basketteur ajoué pendant dix saisons en NBA,la prestigieuse ligue américaine,soitàdesannées-lumièreducham-pionnat de Nationale 3 au seinduquel il évolue actuellement, enpur amateur bien sûr.

Ron Anderson est une énigme àplusieurs inconnues. Il a 50ans, unâge canonique sous les paniers. Ilexerce également un métier plutôtcommun, n’ayant rien à voir entout cas avec le basket, alors qu’il aamassé suffisamment d’argentdans sa carrière pour ne plus avoirà travailler. Son job? Vigile à l’Inter-marché de Saint-André-de-la-Mar-che, 2 700 habitants, une autrecommune de la région choletaise.Ron Anderson, 2,01m, 100kg, 49 depointure, ou l’histoire – véridique –d’une intégration impensable.

Par où commencer ? Par l’année2000 peut-être. Sa seizième saisonprofessionnelle vient de s’acheverà Angers. Ce sera la dernière. Avant,Ron Anderson a donc joué pendantdix ans en NBA (Cleveland, Phila-delphie, New Jersey, Washington),avant de terminer sa carrière en

Europe, principalement en France(Montpellier, Le Mans, Tours,Angers). Le jeune retraité part alorss’installer à Cholet où vit son amieCorinne, infirmière, rencontréequand il jouait auMans.

Peu de temps après, on vientfrapper à sa porte. La présidente duclub de La Séguinière a eu vent deson arrivée dans la région. Quel-ques minutes suffiront pourconclure l’affaire, sur le principedu donnant-donnant : d’un côté,un club ayant quelques ambitionsrégionales; de l’autre, un joueur nepouvant,desonpropreaveu,«ima-giner [sa] vie sans basket».

Evidemment, au début, lecontraste est important. En NBA,Ron Anderson a croisé le cheminde vedettes planétaires ayant pournom Michael Jordan, Magic John-son, Larry Bird, Kareem Abdul-Jab-bar ou encore Charles Barkley, qu’ilcôtoya aux Philadelphia Sixers etqui disait de lui qu’il était son«meilleur coéquipier». En Nationa-le 3 (l’équivalent du 5e échelonnational), leséquipesadversess’ap-pellent Montaigu, Saint-Laurent-de-la-Plaine, Bressuire, Fougères…

La salle de l’Arceau, à La Ségui-nière, n’a de gradins que d’un seulcôté du terrain et contient 450pla-ces.Aprèslesmatches, ily aleritueldu coteaux-du-layon offert auxjoueurs et aux adversaires. Il y aaussi les sandwiches de Mauricet-te, qui sont tellement savoureux

que l’équipe en emporte un cartonentier à chaque match à l’exté-rieur. Il y a enfin – ou plutôt « il yavait » – Georges, le fidèle suppor-teur qui encourageait Ron en scan-dant son vrai prénom : « AllezRonald ! Allez ! » Très affecté parson décès il y a quelques mois, Rona demandé aux dirigeants du clubqu’on laisse vide, à jamais, la chaisesur laquelle Georges s’asseyaitdans la salle.

La requête sera acceptée. Querefuserait-on à Ron Anderson, staret mascotte de tous les Zignérois(nom donné aux habitants de LaSéguinière) ? Ses coéquipiers ont

beau avoir 25 ans de moyenned’âge et courir comme des lapins, illui arrive encore de terminermeilleurmarqueurdumatch,com-me récemment lors du derbycontre Jubaudière-Jallais où il a ins-crit 39 points, à peu de chose prèsce qu’il réalisa un jour de play offcontre les Boston Celtics de LarryBird. « Je l’ai trouvé plus fort cettesaison que les saisons précédentes.C’est comme s’il avait retrouvé unedeuxième jeunesse», constate Lau-rent Verron, l’actuel président duclub. Lequel voit en lui un exem-ple. « A chaque fois qu’on a besoinde quelqu’un pour intervenir dans

une école ou remettre une médaille,il est le premier à se proposer, pour-suit-il. Ron a toujours le sourire,même avec les arbitres pour leurexpliquer qu’ils se trompent. Pourlui, “les problèmes n’existent pas”.C’est d’ailleurs sa devise.»

Cetoptimisme inoxydabletrou-ve son origine dans les replis d’uneenfance à Chicago, au sein d’unefamille de six enfants (mère aufoyer, père salarié de la société demessagerie UPS), qu’il quittera parles hasards d’une rencontre. Ron a17ansquand il sefaitrepérersur unterrain par un lycéen de Santa Bar-bara en vacances à Chicago. Quatre

joursplustard, il poseses valisesenCaliforniepourypoursuivresasco-larité, tout en jouant activementau basket.

Il rejoint l’université de Fresnodeux ans plus tard, avant d’êtrerecruté par les Cleveland Cavaliersen 1984. Suivront 664 rencontresde NBA. Dix saisons de matches aucouteau, de salles surchauffées, dedéplacements incessants… Uneépoque dorée dont l’homme parleassez peu désormais, préférantdécrire la motivation qui continuede l’habiter. « Même si je joueaujourd’hui uniquement pour leplaisir, faire le maximum à chaque

match est pour moi un devoir. Si tudonnes tout ce que tu as, la défaiteseraplus facileà accepter »,martèlecelui qui, chaque veille de match,visionne scrupuleusement les cas-settes vidéo que s’échangent lesclubs afin d’observer les futursadversaires.

Le basket n’est toutefois pastout chez lui. Sa vie est égalementlargement occupée par sa filleAngie, née à Cholet il y a six ans. Il ya aussi ce fils de 19 ans, Ron Junior,issud’unpremiermariage,appren-ti basketteur à l’université deSouth Florida, et avec qui il arenoué en 2008, après cinq ans desilence. La pêche, pratiquée dansles rivières et étangs à brochets dela région, occupe également unegrande place dans son quotidien.

Il y a enfin ce métier inattendu,trouvé il y a deux ans, pour éviterde«traîneràlamaisonsansrienfai-re », explique-t-il. A Intermarché,Ron Anderson n’a de vigile que lenom. « Il s’est adapté à la clientèlemajoritairement rurale de notremagasin, raconte le directeur,Fabien Bouyer. Il aide les gens àcharger leurs courses dans la voitu-re, range les caddies sur le parking,transporte les tables de jardin et lesbouteilles de gaz… Et toujours avecla même gentillesse. »

Le géant a fait de la relativité unart de vivre. Des Français, il ditaimer la convivialité et les bonsvins, mais trouve qu’ils « stressentpour des petites choses » et qu’unrien les rend « jaloux ». Vivre dansun autre pays lui aurait tout aussibien convenu. Changer de nationa-lité n’est pas une idée qui le tra-vaille. Et se poser des questionssans fin encore moins. A propos dequestions sans fin, celle consistantàsavoirquandilraccrocheradéfini-tivement des paniers est loin del’angoisser.

Il y a quelques mois, son prési-dent luidemandait s’il reprendraitune licence à la rentrée. « Laurent,je rêve de basket la nuit, et j’ai malnulle part, répondait-il. Pourquoiveux-tu que j’arrête? »p

Frédéric Potet

Photo Franck Tomps

pour « Le Monde »

Prochain article Eduardo Manet

«Je rêvede basket la nuit,et j’ai mal nullepart. Pourquoiveux-tuque j’arrête?»

Portraitsd’été

5/6a Ils ontchoisi laFrance Le basketteur américain Ron Andersonaconnu le plus haut niveau ausein de la prestigieuseNBA. A 50ans, il jouetoujours, mais à…Saint-André-de-la-Marche, dans le Maine-et-Loire.Et,pour ne pas«traînerà la maison sans rien faire», il est vigile

Le basketteurdes champs

16 0123Samedi 22 août 2009

Page 9: Publications Presse Quotidienne

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Page 10: Publications Presse Quotidienne

Ludovic Le Roux, patron-pêcheur à La Turballe, en Loire-Atlantique. FRANCK TOMPS POUR « LE MONDE »

La Turballe (Loire-Atlantique)Envoyé spécial

Il « aime passionnément » sonmétier et entend ne pas le lâcher.Ludovic Le Roux est armateur duCintharth et du Marilude, deuxchalutiers d’une vingtaine demètres, à La Turballe (Loire-Atlan-tique). « Je suis la quatrième géné-ration à prendre la mer dans lafamille, indique le patron-pêcheurde 37 ans. Pour moi, c’était naturel.J’ai commencé à 15 ans à faire lessaisons. A 20 ans, je me suis lancécomme marin. Pour la liberté, lerapport à la nature. »

Malgré l’attachement aumétier, la question de déposer lesarmes s’est déjà posée. Notam-ment quand Bruxelles a ordonnéla fermeture de la pêche à l’an-chois en 2005.

« L’Europe, je suis pour, martèleLudovic Le Roux. La gestion desquotas, on sait que c’est nécessairepour préserver les ressources, etc’est à l’Europe de le faire. Seule-ment, il faut un minimum de

concertation avec les profession-nels. A mon avis, on aurait pu évi-ter la fermeture complète de l’an-chois. Ce qui est terrible, c’estqu’une décision-couperet commecelle-là est capable de laminer uneéconomie en un rien de temps. »

Malgré les crises à répétition, ilse dit convaincu que sa profes-sion a un avenir. « On peut gagnercorrectement sa vie en pêchant,assure t-il. Seulement, il faut lesmêmes règles pour tous. En 2005,un rapport européen indiquaitque les Espagnols dépassaient allé-grement les quotas qui leurétaient alloués mais aucune péna-lité ne leur a été infligée. »

« Prenez aussi la question dutraitement social. On voit despêcheurs irlandais employer desétrangers pour 400 euros parmois. Tant que de telles pratiquesauront cours, il ne faudra pass’étonner que le poisson paraisseplus cher chez nous ! C’est sur cessujets que l’Europe doit agir »,ajoute-t-il. p

Y. G.

Reportage

La Turballe, Le Croisic,Mouzillon (Loire-Atlantique)Envoyé spécial

B ien sûr que j’irai voter auxeuropéennes, annonceXavier Timbo. Je suis pour

l’Europe. Et puis la politique de la

chaise vide, il n’y a rien de pire. » A51 ans, ce patron pêcheur de La Tur-balle (Loire-Atlantique), ancienvice-président du comité local despêches, a régulièrement croisé leferavecBruxelles.Ilavéculaferme-ture de la pêche à l’anchois en 2005pour cause de pénurie de ressour-ces. Un vrai coup de massue pour« son »port,spécialisédans cepois-son. La Turballe, qui pointait à lasixième place au niveau national,« a dérouillé » : 15 000 tonnes depoisson par an, 6 000 aujourd’huiet17millionsd’eurosdechiffred’af-faires pour 80 bateaux.

Sa vision de l’Europe ? « Bruxel-lesfaitde la politique de gros, pasdutravail de dentellière. Un bateau, cen’est pas que le folklore pour lesgens qui viennent en été. C’est uneentreprise, avec six ou sept marins àbord. Et une place en mer, c’est troisemplois à terre. Alors il faut arrêter

la casse pour pérenniser ce qui resteune vraie économie locale. »

Dans le port voisin du Croisic,Hugues Autret, président du comi-té régional des pêches des Pays dela Loire, se « pose franchement laquestion » de savoir s’il se rendradans l’isoloir le 7 juin. « Je ne trouvepas mon compte dans cette Europe-là, fulmine-t-il. Pour moi, l’Europe,c’est l’Europe humaniste. Là, on nevoit que la question économique etle désastre qui va avec. »

Pour M. Autret, les règles euro-péennes sont « pipées ». « La réduc-tion de l’effort de pêche est surtoutportée par la France, soutient-il. Lapêche est devenue quantité négli-geable dans notre PIB. Contraire-ment à l’Espagne qui, ducoup, réali-se un important travail de lobbyingà Bruxelles. »

Dans cette région ouest,M. Autret a un point commun avec

Loïc Bauthamy, l’un des 4 000chefs d’exploitations laitièresrecensées en Loire-Atlantique. Leurvision cauchemardesque de l’Euro-peestincarnée parMariann FischerBoel, commissaire européen char-gédel’agriculture.« Enavril, j’aitou-chéle mêmesalaire qu’à mesdébutsdans le métier en 1982 », rapporte,écœuré, M. Bauthamy. « Les quotaslaitiers sont indispensables pourmaintenir un prix correct. Mme Fis-cherBoelparledecontinueràlesrele-ver, voire de les supprimer. Si ce pro-gramme est suivi, on va prendre lebouillon et on ne se relèvera pas. »

« C’est génial »La déprime et l’hostilité à l’Euro-

pe n’ont pas cours chez les produc-teurs de muscadet. Du moins pasde prime abord. Joël Fargeau,43 ans, président du syndicat dedéfense des appellations d’origine

contrôlée du muscadet : « L’euro,franchement, c’est génial. Cela aapporté plus de clarté dans leséchanges. La volonté de mettre enplacedesappellationsd’originepro-tégée au sein de l’Union européen-ne, c’est aussi une très bonne cho-se. » Mais M. Fargeau, qui exploite30 hectares à Mouzillon, ne versepas non plus dans l’angélisme. Cequipèse surles viticulteurs, rappel-le-t-il,c’est« lamenacedelibéralisa-tion des droits de plantation devignes à l’horizon 2012. Si ça passe,on risque de se retrouver avec d’in-nombrables pieds de vigne plantéspar des industriels qui inonderontensuite le marché avec des produitsbon marché ».

Lapolémiqueautourduvin rosécoupé est une « autre aberration »,observe M. Fargeau. « Face à de tel-les propositions, on ne devient paseurosceptique, on est juste euro-

énervé, poursuit-il. Ce qui estrageant, c’est la dépense d’énergiequ’il faut déployer pour contrer cesprojets. Ce débat nous concernetous, même nous, producteurs demuscadet. Car si on accepte que lerosé soit obtenu en mélangeant unvin rouge avec du blanc, alors onautorisera inéluctablement l’ad-jonction d’aromates dans des vinspour les rendre plus fruités, oumême le rajout d’édulcorants. »

Pour tous ces professionnels, lescommissaires européens donnentl’impression« d’êtredansunmicro-cosme.Ilyaungrosproblèmed’éloi-gnement et un manque de connais-sancedelaréalitéduterrain »,pour-suit M. Fargeau. « Pour nous, l’Euro-pe, c’est une étoile, conclut XavierTimbo, à La Turballe. Ça brille maisc’est loin. Et c’est parfois déconnectéde la planète Terre. » p

Yan Gauchard

Les élections européennes

Ludovic Le Roux veut les« mêmes règles pour tous »

Hubert Védrine,son regard sur les élections européennes

Cette semaine

Samedi 30 mai daté dimanche 31 mai - lundi 1er juin dans 0123

L’ entretien du

week-end

Alors que le conflit sur la baissedu prix du lait mobilise les pro-ducteurs depuis quinze jours, àcoups d’occupations de laiterieset d’hypermarchés, leur négocia-tion avec les industriels s’est sol-dée par un échec, jeudi 28 mai.Les deux camps, qui s’étaientréunis en présence des média-teurs nommés par le gouverne-ment, n’ont pas trouvé d’accordsur un prix annuel moyen pour2009. Les producteurs récla-maient 305 euros la tonne ; lestransformateurs en ont proposé267. Puis les producteurs ontaccepté de descendre à 290,mais les industriels n’ont pas sui-vi. Mardi 2 juin, ils se retrouve-ront pour une « réunion de la der-nière chance », selon les termesdes producteurs, qui appellentleur base à ne pas relâcher lapression d’ici là.Invité d’Europe 1, François Fillons’est voulu rassurant, vendredi29 mai, estimant les parties« assez proches » d’un accord.« Le gouvernement met une pres-sion maximale sur cette négocia-tion », et « n’acceptera jamais »la production à perte, a indiquéle premier ministre.

Dans l’Ouest, « l’Europe, c’est comme une étoile, ça brille mais c’est loin… »Chez les pêcheurs, les producteurs de lait ou les viticulteurs, la critique est unanime : Bruxelles ignore les réalités du terrain

Salles mal remplies, thèmes survolés : l’UMP est à la peineLe parti majoritaire a du mal à mobiliser. Jean-François Copé, patron des députés, estime qu’à moins de 25 %, « ce serait inquiétant »

Echec des négociationssur le prix du lait

Paysde la

Loire

Bretagne

Poitou-Charentes

Circonscription Ouest 9 députés

Europe

LilleEnvoyée spéciale

E st-ce le signe d’un reflux ouplus simplement du désinté-rêt des Français pour le scru-

tin du 7 juin ? L’UMP, qui tenaitmeetingàLillejeudi 28 mai,n’a pasfait recette, malgré ses velléités demobiliser. Dans la ville de MartineAubry, l’ambiance n’y était pas etl’assistance paraissait clairseméedans ce Zenith surdimensionné.

Pour se rassurer, l’équipe decampagne s’est souvenue queNicolas Sarkozy n’avait pas lui nonplus réussi à réchauffer cette salle.Pourtant les organisateurs avaientfait venir des militants de tous lesdépartements de cette région. « Ilsont parfois fait cinq heures de car »,areconnu unmembre delacampa-gne. Xavier Bertrand, le secrétairegénéral de l’UMP, arrivé tôt dans la

journée pour rencontrer des res-taurateurs et faire le service aprèsvente de l’abaissement de la TVA à5,5 %, avait indiqué qu’il voulaitjusqu’au 7 juin « monter en régi-me ». « A Nice, j’avais prévu unejauge de 600 personnes, je l’ai por-té à 2 000. Nous sommes dans unelogique d’effet d’entraînement »,s’était-il félicité.

La campagne de l’UMP connaîtquelques ratés. Peut-être en raisond’une direction tricéphale et d’uneorganisation pas suffisammentunifiée. Confié à Michel Barnier,l’animateur national, et à FranckRiester, son directeur de la campa-gne, elle doit aussi compter avecM. Bertrand, le patron de l’UMPqui dispose de ses propres équipes.Celles-ciont repris l’ensemblede lacommunication, l’élaboration destracts et des outils de campagne,jugés trop défaillants.

L’UMP s’est appuyé sur le com-municant Christophe Lambert,membre de la cellule stratégiquedu parti. Il a ainsi conçu le clip de lacampagne officielle : on y voitXavier Bertrand vanter l’Europesarkozienne, puis selon le principedu « lipdub », s’exprimer à traversdes dizaines de visages. Les com-mentaires sur le net ne se sont pasfait attendre : « pensée unique »,« totalitarisme »...

« Pas facile »Letrio aparfois du mal à secoor-

donner et à dépasser les difficultésliéesau modedescrutinqui,enins-tituant huit eurorégions, ne facili-te pas la cohésion et la lisibilité.Censé rapprocher le député euro-péen du citoyen, il dilue le débat,ajoute des intérférences locales àla campagne. Suivre les candidatsn’est pas tâche facile. Le parti a

choisi dans les grandes villes deprovince des salles éloignées descentres-villes, obligeant les ora-teurs à jongler avec les horairesdes TGV ou des avions.

A Nancy, le 14 mai, pour attraperle dernier TGV situé à 50 kilomè-tres du meeting, l’équipe d’organi-sation de la campagne et la presseavaient dû quitter la salle avantmême que le premier ministre aitcommencé son discours !

Mais les aléas de la campagnetiennent aussi à la schizophréniedans laquelle M. Sarkozy a enferméson ministre de l’agriculture. Enl’obligeant à rester jusqu’au scru-tin du 7 juin au gouvernementpour éviter un remaniement, lechef de l’Etat a contraint le candi-dat. Michel Barnier ne peut, com-me il le voudrait, se consacrer à lacampagne, obligé qu’il est de gérerla crise laitière.

Cette situation est rude pourlui: il avaitdéjàdûaccepter dequit-ter sa région Sud-Est pour l’Ile-de-France. Devançant les critiques deparachutage, le parti avait habillésa venue en lui confiant le rôled’animateur national. Mais pourassumer pleinement sa tâche,M. Barnier avait demandé à êtrelibéré de son ministère un moisavant le scrutin. En vain.

Manque de coordination ? ALille, une partie de l’équipe avaitannoncé un meeting centré surl’immigration. Une autre, une réu-nion axée sur l’emploi. Finale-ment,lesdeuxthèmesontété…sur-volés.Le formatdes meetings choi-si par M. Bertrand ne porte pas auxsujets de fond. Rythmées par unjeu de questions-réponses télégui-dées, les réunions font intervenirpléthore de candidats et ministres.Résultat : leur intervention est

limitée à quatre minutes ! Jeudi28 mai, cinq membres du gouver-nement : Bruno Le Maire, Jean-Louis Borloo, Valérie Létard, EricWoerth,MichelBarnierse sont suc-cédé au micro, dans une ambianceglaciale, au côté de DominiqueRiquet, tête de liste dans le Nord-Ouest, Xavier Bertrand et sonadjoint, Marc- Philippe Daubresse.

« La campagne n’est pas facile.Elle ne l’est jamais », a expliqué auxmilitants Michel Barnier, qui avaitencore une fois rencontré les agri-culteurs de la région avant la réu-nion. Adversaire résolu de M. Ber-trand, Jean-François Copé, lepatron des députés UMP, en dépla-cement à Lyon, a fixé à son parti unobjectif minimal de 25 % pour cesélections. « Si nous faisons moins,ce sera inquiétant », a-t-il averti.Une jolie peau de banane. p

Sophie Landrin

10 0123Samedi 30 mai 2009

Page 11: Publications Presse Quotidienne

Presse Quotidienne

Page 12: Publications Presse Quotidienne

Le PS du Limousin bloque la liste d’Henri Weber pour les européennesLa circonscription Centre est la seule à ne pas avoir ratifié le choix des candidats définis par le conseil national pour le scrutin du 7 juin

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coups de cœur

Les blocages persistentAPRÈS plus de cinq semaines deconflit, un tiers des sites universi-taires étaient toujours plus oumoins perturbés, jeudi 12 mars.

Selon le décompte du collectifSauvons l’université, 48 établisse-ments sur les 85 du pays sont blo-qués totalement, partiellementou impliqués dans « Le printempsdes chaises », opération consis-tant à déplacer les sièges pourempêcher la tenue des cours. Leministère de l’enseignement supé-rieur faisait quant à lui état de « 35sites bloqués ou perturbés à desdegrés divers », précisant que seu-les les universités Montpellier-IIIet Rennes-II étaient « totalementbloquées ». L’UNEF, principal syn-dicat étudiant, évoquait, lui, « 22universités totalement ou partielle-ment bloquées, voire ferméesadministrativement ». Le mouve-ment se caractérise par une mobi-lisation diffuse et mouvante, etdes signes de radicalisation. Jeudi,à Montpellier-II, les personnels

rejoints par les étudiants ont votéen assemblée générale le blocagede l’université à partir de lundi16 mars. Ils ont demandé à la prési-dente de l’université de suspen-dre les activités de lundi à jeudi,date de la deuxième journée natio-nale inter-professionnelle demanifestations.

Le même jour, à l’inverse, l’uni-versité de Toulouse-II Le Mirail,fermée depuis mardi 10 mars, à lasuite d’incidents, a été rouvertejeudi matin.

D’autres formes de protesta-tion ont été adoptées, comme àAix-Marseille-I. Une centaine d’en-seignants-chercheurs ont en effetremis, jeudi 12 mars, des lettres dedémission de leurs fonctionsadministratives au président.Cela devrait avoir « dans quelquessemaines un impact sérieux sur lefonctionnement administratif desuniversités », a déclaré un porte-parole des chercheurs.p

B. F. et C. Ro

Entretien

JEAN-FRANÇOIS MÉLA, profes-seur émérite à l’université deParis-XIII, est l’auteur du blogJFM’s blog, consacré à l’universitéet à la recherche.Le fossé est-il en train de se creu-ser entre le sarkozysme et le« monde du savoir » ?

C’est une évidence. Le fameuxdiscours de Nicolas Sarkozy du22 janvier, où la recherche publi-que a été mise en accusation, a étépour beaucoup dans l’explosionde la révolte, et surtout dans lefait que des scientifiques recon-nus, jusque-là, modérés dansleurs critiques, s’y soient associés.Il s’est créé une situation extrême-ment malsaine où les désaccordsont pris une tournure politiquequi dépasse le contenu des réfor-mes proprement dites, parce quele président leur a donné un éclai-rage inquiétant. Du coup, les réfor-mes dont certaines avaient été

souhaitées dans le passé ont ten-dance à être rejetées en bloc. Lesarkozysme n’a pas de relais dansle « monde du savoir ». La droiteuniversitaire est traditionnelle-ment plus réactionnaire quemoderniste, et elle ne soutientpas la réforme, n’hésitant pas, defaçon assez étonnante, à faire cau-se commune avec les « gauchis-tes ».Cette colère vous semble-t-elleréellement dirigée contre unpouvoir précis, ou exprime-t-elleun désaccord plus vaste ?

La composante proprementpolitique de la révolte est incon-testable, et contribue à son carac-tère exacerbé. Il ne faut pas mini-miser la protestation contre lessuppressions d’emplois. Mais leconflit actuel est aussi l’expres-sion des contradictions présentesdans les transformations encours. Il y a d’abord la volonté poli-tique de piloter de façon tropdirecte la recherche vue comme

un moteur de l’économie. Il y al’introduction de techniquesmanagériales et d’indicateurs deperformance, abusivement trans-posés du monde de l’entreprise àcelui des laboratoires et des uni-versités. Il y a une défiancevis-à-vis de l’autonomie des uni-versités – pourtant essentielle –parce qu’elle met trop l’accent surl’autorité managériale auxdépens de la communauté acadé-mique. Il est incontestable que le« contrat » entre l’université et lasociété est en train de changer etque ceci est source de tensions.Est-il légitime que la sociétédemande des comptes à des uni-versitaires ou des chercheurs ?

Posée de façon aussi générale,la réponse ne peut être que oui.Mais qu’entend-on par « deman-der des comptes » ? S’il s’agit dedemander aux chercheurs desinformations de plus en plusdétaillées et de plus en plus quan-tifiées, il n’est pas sûr que cela

améliore leur productivité scienti-fique ; cela peut favoriser des stra-tégies de conformisme qui semanifestent tout particulière-ment lorsqu’il s’agit de program-mes de recherche finalisés. Il fautsavoir ce qu’il est important d’éva-luer et de contrôler. Dans un uni-vers où la motivation intrinsèqueest essentielle, et où l’autonomiedans le travail est une valeur posi-tive, au-delà d’un certain niveaude contrôle on envoie à l’agent unmessage de défiance qui nuit à laperformance. Le principal contrô-le devrait porter sur le processusde sélection et de formation deschercheurs et des enseignants-chercheurs. Le pouvoir politiquepeut légitimement fixer degrands objectifs, mais les disposi-tifs de contrôle doivent être misen œuvre par la communautéscientifique, et les critères doi-vent être souples et évolutifs.p

Propos recueillis par

Catherine Rollot

A gauche : des étudiants veulent faire cesser les cours de droit, en présence du doyen (devant la porte). A droite, un bâtiment occupé de la faculté de lettres . FRANCK TOMPS POUR « LE MONDE »

« M. Sarkozy a donné aux réformes un éclairage inquiétant »

L e vent de fronde contre les lis-tes européennes établies parla direction du PS n’a vérita-

blement soufflé que sur le Limou-sin. A un peu plus de 80 % des suf-frages, l’ensemble des adhérentssocialistes ont ratifié jeudi 12 marsles choix issus cu conseil nationaldu28 février. Concentrée pour l’es-sentiel sur trois départements, lacontestation estnéanmoins parve-nue à remettre en cause les candi-datures établies pour la granderégion Centre.

Ce résultat imputable aux troisdépartements de la Haute-Vienne,la Corrèze et la Creuse. Ceux-ci sesont fortement mobilisés (plus de60 % de participation soit vingtpoints de plus que la moyennenationale) et ont massivementrepoussé (plus de 80 % de votescontre) la proposition qui leur était

faite. La région administrative duCentre ainsi que l’Auvergne n’ontpucompenser levoteduLimousin.Cettevieilleterresocialisteparticu-lièrement attachée à son autono-mie, n’a pas apprécié le « parachu-tage » en tête de liste du députéeuropéen sortant Henri Weber. Ceproche de Laurent Fabius n’avaitpu être reconduit dans le Nord-Ouest en raison de la forte présen-ce de proches de Martine Aubry ensituation éligible dans cette région.

Dans le Limousin, le refus de ladirection d’avaliser, compte tenudes règles de non-cumul des man-dats, la candidature de Jean-PaulDenanot, président de la région, airrité le PS local. « L’aspect territo-rial de la constitution des listes a étésous-estimé, assure Marie-FrancePerol-Dumont, députée et prési-dente du conseil général de la Hau-

te-Vienne. Nous avions alerté laRue de Solferino qu’il ne s’agissaitpas d’une grogne des “barons” maisbien d’une révolte des militants ».Derrière la fronde limousine, cer-tains voient aussi l’influence deFrançois Hollande, président duconseil général de Corrèze, et dontles amis, très influents dans larégion Limousin, estiment avoirété insuffisamment représentésau plan national.

Equilibre complexeDès la semaine prochaine,

Mme Aubry recevra les responsa-bles des fédérations du Grand-Cen-tre. La marge de négociation appa-raît étroite dans cette circonscrip-tion qui s’étend de Dreux (Eure-et-Loir) à Saint-Flour (Cantal) où le PSne peut espérer que deux élus. Lesreprésentants du Limousin reven-

diquentquelestroispremièrespla-ces de la liste soient occupées pardesreprésentantsdestroisrégions.La direction n’a pas l’intention deretirer la candidature de M. Weberafin de ne pas remettre en causel’équilibrecomplexenégociénatio-nalement par les quatre courantsissus du congrès de Reims.

Seuls deux autres départe-ments (l’Ille-et-Vilaine et la Côte-d’Or) ont voté contre les candidatsqui leur étaient présentés sans par-venir à compromettre l’issue duscrutin dans les grandes régionsOuest et Est. Gérard Collomb, quiavaitprislancéunepétitionhostileàladirectionduPS,n’apasconvain-cu les adhérents lyonnais de s’op-poser à la liste qui leur étaitsoumise. Conséquence de ces que-relles, la direction mise en placeparMartine Aubrya enregistréjeu-

di la démission de Mireille Le Cor-re, secrétaire nationale à la santé.Elue de l’Yonne, cette proche deBenoit Hamon conteste les condi-tions d’élaboration de la liste dansla région Grand-Est. André Vallini,

avait quitté le 12 janvier sesfonctions de responsable des ques-tions de justice au PS en raisond’un conflit avec la première secré-taire.p

Jean-Michel Normand

France

Reportage

NantesEnvoyé spécial

L e graffiti s’étale sur la façadede la faculté de droit. « Aristo-te, on sait où t’habites ». Celui

qui est ainsi ouvertement menacén’est pas le philosophe grec, maisun étudiant en licence de droit àl’université de Nantes, AristoteToussaint. Le jeune homme, qui neniepassonappartenanceàl’UMP,atoujours clamé son opposition aublocage de l’université depuis sixsemaines. Visiblement, cela neplaît pas à tout le monde.

C’est en tout cas un signe specta-culaire de radicalisation sur le cam-

pus nantais. L’université, forte de34 000 étudiants, est l’une des plusmobilisées contre les réformes del’enseignement supérieur. Descours ont été interrompus depuisle début du mouvement, commeen droit.

Aujourd’hui,lessignesdecrispa-tionse multiplient.« Depuisquinzejours, constate le doyen, GillesDumont, lesrisquesdetroublesvien-nentdes bloqueurs comme des anti-bloqueurs. » Luiqui, dès les premiè-res journées de grève, avait décidéd’arrêter les cours car les étudiantsmobilisés« menaçaientdetoutsac-cager », a pris la décision inverselundi 9 mars : « Il y avaient des bat-tesdebase-ballquitraînaient,et [lesantibloqueurs] menaçaient d’aller

faire le ménage », explique-t-il.La reprise a été décidée dans la

confusion générale. Le vote à bulle-tin secret a été empêché par les blo-queurs, emmenés par SUD-Etu-diant, l’UNEF et d’autres organisa-tionsdegauche.Brouhaha,bouscu-lades,évacuation, le doyen finit parproposer un vote à main levée.« Sur les 1 500 étudiants présents, ily a eu 15 voix contre, raconte-t-il. Lareprise des cours permet aussi dereprendrelamobilisation,car leblo-cusrenvoie lesgens chezeux, isole etdivise. Le blocus est sarkozyste. »

Un argument que les étudiantsmobilisés n’entendent pas. Par « cevote aberrant et antidémocrati-que » dit-on à SUD, la fac de droitaffaiblit un mouvement jusque-là

« inter-UFR ». Jeudi 12 au matin,après un nouveau feu de cageotsimprovisé sur le campus, une cen-taine d’entre eux emmenés parSUD et l’UNEF ont donc débarquéchez le doyen de droit et exigé queles cours soient « suspendus » lun-di 16, lors de la prochaine AG.

« Blocage et sabotage »Ils venaient de l’UFR Lettres et

scienceshumaines, àdeuxpasde lafac de droit. Là aussi, la plupart descours sont arrêtés. Mais le bâti-ment n’est occupé, nuits compri-ses, que depuis trois jours, autresigne de radicalisation. Le hall esttapissé de banderoles qui récla-ment « Blocage et sabotage » ouproclament :« Enfantsducapitalis-

me, c’est à nous de le détruire ». Undrapeaunoirflotteaumilieudel’es-calier principal. « Depuis le débutdu mouvement, c’est le bâtimentd’en face qui était occupé pendantla journée », explique Joseph Pau-tet, étudiant en histoire, non syndi-qué mais « impliqué sincèrement ».Dans les dernières heures, « il y a eudes tags et du matériel abîmé. Cen’est pas acceptable. Et nous avonsaidéà nettoyer ». « L’occupation »adû déménager.

Les dégradations, Yves Lecointe,lesredoute.« Çaauncoût »,rappel-le le président de l’université. En2007, lors du mouvement contre laloi sur l’autonomie des universités,elles ont représenté « l’équivalentde trois postes d’enseignant-cher-

cheur, soit 150 000 euros ». En ter-mes d’image, c’est aussi l’universi-té qui « paie l’addition, car celadécrédibilise notre travail », ajou-te-t-il. Sans parler des étudiants« les plus fragiles » qui ne peuventse permettre de perdre une année.

« On trouvera un moyen de nepas léser les étudiants. On a encorede la souplesse pour les examens »,assure Hervé Lelourec, secrétairelocalduSnesup(FSU),principalsyn-dicatdusupérieur.Selonlui,siradi-calisation il y a, « elle est provoquéepar une autre, celle d’un gouverne-ment qui propose de détruire toutce à quoi l’on croit ». Il se dit prêt àbloquer l’université, « si cela al’aval du plus grand nombre ».p

Benoît Floc’h

Universités : des signes de radicalisationSur le campus de Nantes, parmi les plus mobilisés, partisans et adversaires du blocage s’affrontent

90123Samedi 14 mars 2009

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Presse Quotidienne

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Famillesric-rac

Comment calculer son niveau de vie

LE NIVEAU de vie d’un ménage se calcu-le en fonction des rentrées d’argent maisaussi selon le nombre d’enfants à char-ge. Il faut diviser le revenu net mensuel– en incluant les prestations sociales,mais en retranchant l’impôt sur le reve-nu, la taxe d’habitation et les éventuellespensions alimentaires – par un coeffi-cient qui prend en compte ce qu’onappelle le nombre « d’unités de consom-mation ». Le premier adulte comptepour 1, le deuxième pour 0,5. Les enfantsde plus de 14 ans comptent pour 0,5 cha-

cun et ceux de moins de 14 ans pour0,3 chacun. Au terme de ce calcul, leniveau de vie des classes moyennes sesituent entre environ 1 380 et1 980 euros par mois.

Une nuance toutefois : à cause de lacherté des loyers, les résidents de Parisintra-muros et de certaines grandesagglomérations comme Lyon ou Bor-deaux (mais pas Marseille ou Lille) doi-vent disposer d’environ 10 % de revenusde plus que le reste des Français pouravoir droit au label « classes moyennes ».

Ils n’osent pas vraiment se plain-dre. Se reprennent dès qu’ilss’épanchent : « Il y a plus mal-heureux que nous ! » Ils ont « lachance » de ne pas être au chô-mage, le« luxe »depouvoirpar-tir en vacances.Eux, les « classesmoyennes », pas « très riches »,mais pas « pauvres » non plus,

pas malheureux donc, a priori.Etpourtant, elless’interrogent.Aujour-

d’hui, les « classes moyennes » s’inquiè-tent. De leur niveau de vie, en particulier,qu’elles sentent menacé. Notamment encettepériodede crise.Parceque le chôma-ge les guette comme les autres. Et parcequ’elles redoutent la pression fiscale quipourrait résulter ducoût duplan derelan-ce. La journée d’action prévue, le 29 jan-vier, à l’appel de nombreux syndicats, estentre autres organisée sur ce thème.

Depuis plusieurs années déjà, leniveau de vie des classes moyennes, com-me les autres, est fragilisé par l’explosiondes dépenses dites « normatives ». Lelieu de résidence souvent éloigné du lieu

de travail augmente les factures d’essen-ce. Le travail implique de posséder deuxvoitures. En cas de séparation conjugale,les dépenses pour chaque conjoint aug-mententd’environ30 %.Maisplus récem-ment, se sont aussi ajoutés Internet, lecâble, le téléphone portable… Tout ce quicompose au final ce que l’on appelle leniveau de vie.

Et c’est la progression de ce dernier,beaucoup plus rapide que celle du pou-voir d’achat en fin de compte, qui engen-dreaujourd’hui lesentiment de précarisa-tion. Parce qu’après avoir augmenté de3 % à 5 % par an jusqu’en 1978, le pouvoird’achat a depuis rarement atteint les 1 %par an. Comme l’analyse Denis Clerc,conseiller de la rédaction du magazineAlternatives économiques et spécialiste dusujet : « Jusque-là, en vingt-cinq ansde car-rière, un salarié pouvait se retourner derriè-re lui et voir le chemin parcouru. » Uncadre moyen pouvait passer cadre supé-rieur. Aujourd’hui, il faut « trois généra-tions » pour parcourir le même chemin.

Historiquement, selon Denis Clerc, les

classesmoyennes –ou les « classes média-nes », comme il préfère les appeler – n’ontjamais été « à l’aise ». Elles ont toujourseu ce complexe du « et nous et nous etnous ». Avant, « l’un de leurs principauxobjectifs était de rattraper le niveau de vie deceux juste au-dessus d’eux ». Mais leralentissement de la hausse du pouvoird’achat, associé à la stagnation des salai-res, et, à partir des années 1990, la mise enplaced’aides pour les plusmodestes (allo-cation logement, prime pour l’emploi…)ou les plus aisés récemment (bouclier fis-cal) ont rendu plus difficile cet objectif devie.

N’estpas classe moyenne qui veut, tou-tefois. Car il existe un syndrome, en Fran-ce. Il n’est pas grave. Mais il est répandu.Les sociologues le connaissent bien :beaucoup de Français se croient classemoyenne. « Dans la moyenne », quoi. Leconcept est vaste, regroupe des réalitéshétérogènes, mais il n’en existe pas moinscertains critères.

Lesclassesmoyennes, ce sontprincipa-lement les ouvriers et employés qualifiés,les professions intermédiaires – certainsemployés de commerce par exemple – lesfonctionnaires, les instituteurs, les poli-ciers, les postiers… Soit environ 40 % desFrançais. Mais les classes moyennes ce nesont ni les artisans, ni les commerçants,ni les professions libérales.

Même si ces derniers voient aussi leurpouvoir d’achat entamé, ils sont proprié-tairesde leuroutil de productionet appar-tiennent,au sens sociologiquedu terme, àla « petite bourgeoisie ». De même, lescadres de grandes entreprises, les profes-seurs d’université, les journalistes pari-siens, sont considérés comme apparte-nant aux couches dites « supérieures ».

LeMondeadonc recueillides témoigna-ges de familles appartenant aux classesmoyennes. Aux vraies classes moyennes.

Famille De West

E lle a un accent belge élégant.Des manières qui trahissent uneéducation « comme il faut ».Mais dans sa maisonnette

mitoyenne d’un lotissement de Nantes, à33 ans, Claire De West (son nom dejeune fille), fine silhouette blonde, faitbien partie des classes moyennes. Elleest au sommet de la tranche, à la limitedes classes aisées, mais « classe moyen-ne » malgré tout.

Son mari, du même âge qu’elle, et quitient à garder l’anonymat, est ingénieurà EDF. Elle a aussi des jumeaux, nés en2006. A eux quatre, ils disposent d’envi-ron 3 700 euros par mois. Un quotidienjoyeux, avec des promenades le week-end sur les bords de l’Erdre, à cinq minu-tes de la maison, des vacances avec lecomité d’entreprise ou chez les copains.

Claire De West n’a pas de travail, elleen cherche. En 2003, elle a quitté son jobd’assistante marketing en souhaitant seréorienter dans la conception de sitesInternet. C’était à Lyon, là où elle a ren-contré son mari. Depuis, malgré son bac+ 5, elle a « enchaîné les boulots précai-res » où elle était souvent surqualifiée. Sagrossesse n’a pas aidé. Et aujourd’hui, sielle réussissait à décrocher un emploiconvenable, ils gagneraient en aisance.Mais la crise est là, et pour l’heure, sesdémarches restent vaines.

Elle ne se plaint pas. Sûrement pas.Elle peut toujours s’offrir les servicesd’une femme de ménage. Le couples’autorise « deux restos par mois entre 15et 20 euros le menu », en amoureux. Ellepeut faire ses courses à l’Intermarché« sans trop regarder ». Et tous les troismois, comme ils sont très famille, ils ren-dent visite à ses parents en Belgique ou àses beaux-parents, à Lyon.

Mais une fois déduites toutes les char-ges incontournables, le remboursementde la maison, de la voiture, les assuran-ces, les courses, restent environ600 euros par mois. Que ce soit pourpayer le coiffeur, les cigarettes, les tim-bres, les frais bancaires. Plutôt maigre,en cas de coup dur : « Si une de nos deuxvoitures nous lâche par exemple, je saisqu’on ne la réparera pas, je ferai à pied »,explique-t-elle. Quant à l’épargne, diffici-le d’en faire. Ils ont seulement quelquesactions en Bourse.

Alors, pour maintenir la marge, ClaireDe West court les bons plans. Elle revendsure-Bay tout ce qu’elle peut : leschauffe-

biberons, les poussettes… Elle anime elle-même le cours de gym de ses garçonsavec d’autres parents. Fait des échangesde garde d’enfants avec les voisines dulotissement. Son mari, lui, économisedès qu’il le peut ses forfaits déplacement.

Pour la maison aussi, murs blancs ettoit d’ardoises sur deux étages, avec jardi-net et balançoires, ils ont fait à l’écono-mie. Ce n’est pas la « maison de sesrêves », mais c’est seulement grâce àl’aide de ses parents qu’ils ont pu ache-ter.

Pour l’améliorer, elle aurait aimé ladécorer à sa guise. Mettre du parquetdans le salon à la place du carrelage froidqui résonne. Changer totalement la cuisi-ne un peu rustique. Ils ont finalementbien mis du parquet, mais seulementdans une chambre. Ils ont changé lesmeubles de la cuisine, mais uniquementla moitié. Et ils vont « poser le papierpeint ».

Elle est fille de fonctionnaire, lui filsd’un ancien haut responsable de chezHewlett-Packard, et ils n’ont pas de senti-ment de « déclassement » social, assu-re-t-elle. Juste un peu d’agacementquand, il y a quelques semaines, des amisbelges, plus aisés qu’elle, se sont permisde faire des remarques sur ses « fenêtresen plastique et l’absence de cache-radia-teur ». A la rentrée prochaine, elle aime-rait mettre ses jumeaux à l’école privée.

40 % des Françaisappartiennent

à la classe moyenne.Leur principaleinterrogation :

comment maintenirleur niveau de vie,déjà menacé avant

la crise économique ?

Elise Vincent

Enquête

Revenu disponible3 732 euros par mois.Deux enfants à charge de moinsde 14 ans (coefficient 2,1) soit unniveau de vie de 1 777 euros par mois.Rentrées d’argentSalaire sur 13 mois : 3 741 euros.Prestations sociales : 180 euros.Dépenses mensuellesLogement : 1 442 euros (rembourse-ments de prêts).Eau : 23 euros.EDF : 10 euros.Transports : 122 euros (tickets bus+ remboursement voiture).Essence : 50 euros.Assurances : 104 euros (2 voitures,habitation).Impôts : 189 euros (impôt sur le revenu,taxe d’habitation, taxe foncière).Téléphone, Internet, Canal+ : 78 euros.Education (crèche) : 284 euros.Activités enfants : 7 euros.Femme de ménage : 65 euros.Nourriture : 842 euros.

Chez les De West,Nantes (Loire-Atlantique)

A Nantes, Claire De West et sa famille courent les bons plans (son mari n’a pas souhaité montrer son visage) . FRANCK TOMPS POUR « LE MONDE »

16 0123Dimanche 25 - Lundi 26 janvier 2009

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Presse Quotidienne

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NANTES

ENVOYÉE SPÉCIALE

Zenius Expérience, saison III ?Ce n’est pas une énième émis-sion de télé-réalité, encoremoins une série télévisée. Justeune expérience tentée par qua-

tre Nantais triés sur le volet. Leur mis-sion ? Ne pas prendre leur voiture pen-dant près de huit semaines et utiliser tousles transports en commun, du tram aubus en passant par les services de véloBicloo et d’auto-partage Marguerite.

A l’origine de cette opération, qui adébuté le 15 septembre, Jérôme Guienne,lepatrondeLocEco,unpetit loueurdevoi-tures qui propose des forfaits de location.« Aujourd’hui, dans le centre de Nantes,tous les moyens sont mis en œuvre pour sepasser de la voiture, affirme M. Guienne.La location, c’est du pouvoir d’achat en plus.Ce qui manque, c’est le déclic, comme pourles fumeurs. » La saison II a été couronnéede succès. Selon lui, « les quatre candidatsse sont tous séparés de la deuxième voiture dela famille ». Loc Eco, qui espère bien récu-

pérer des clients, prête au « cobaye » quile souhaite un véhicule le week-end.Cyrille Guérin, sapeur-pompier :« Avant, je pensais “voiture” »

Ce sapeur-pompier, marié et père dedeux enfants – 3 ans et demi et 13 mois –utilisait sa Xsara Picasso pour un oui oupourunnon.Il fautdirequela familleGué-rin habite à Sainte-Luce-sur-Loire, à envi-ron dix kilomètres du centrede Nantes. Aufil des jours, Cyrille s’est aperçu qu’elle nelui manquait pas du tout. Une révélationpour cet « accro » qui passait deux heurespar jour dans sa voiture. « Au-delà d’unkilomètre, je la prenais », avoue-t-il.Depuis, si, parfois, il lui arrive de devoirpédaler pendant une demi-heure sous lapluieà6heuresdumatinpourrejoindresacaserne, il dit avoir pris goût aux solutionsalternatives de transport. Et il met unpointd’honneuràsedébrouiller toutseul :« C’est pas toujours facile ! Ce soir, j’ai unefête, loin de chez moi. Des copains m’ont pro-posé de venir me chercher, j’ai refusé. » Sacandidature à la Zenius Expérience a étémotivée par des questions écologiques

mais aussi économiques. Le couple possè-de deux voitures mais l’une des deux restele plus souvent en stationnement. Il réflé-chit sérieusement à la vendre. Même s’ilreconnaît qu’avec deux petits enfants,c’est parfois « un peu galère » de ne pasavoir de voiture. « Si j’avais une station“Marguerite” en bas de chez moi, je ne réflé-chirai même plus », assure-t-il.Cécile Baudry, salariée dans unebanque : « J’étais intoxiquée ! »

Lorsqu’elle habitait à Paris, cette futu-re maman de 30 ans, salariée dans unebanque, se déplaçait en transports encommun. « J’en avais marre, reconnaît-elle. Alors quand je suis revenue à Nantes,en 2004, je me suis rachetée une voiture. »Depuis, il n’y a pas eu une seule journéeoù elle ne l’a pas prise alors qu’elle tra-vaille à moins de quatre kilomètres dechez elle. « J’étais totalement intoxiquée !Alors que franchement, habitant dans lecentre, c’est vraiment facile de se passer devoiture », reconnaît Cécile. Aujourd’hui,elle pratique le covoiturage le matin. Et lesoir, elle prend le bus. Au début de l’expé-

rience, elle a connu quelques ratés. « Unjour, j’ai oublié ma carte de bus. Je suisretournée chez moi. Résultat je l’ai raté etperdu 15 minutes. J’avais une course à faire,qui m’a pris un peu plus de temps et j’ai dûattendre 22 minutes le bus d’après. Jem’étais levée 40 minutes avant pour arriverplus tôt à mon travail et je suis arrivée à lamêmeheure… » Son conjoint possède aus-si une voiture. Avec l’arrivée d’un bébédans quelques mois, le couple réfléchitsérieusement à se séparer d’une des deux.Edouard Goin, réalisateur de télévi-sion : « Je vends mon véhicule ! »

Ce jeune réalisateur de télévision tra-vaille à un quart d’heure à pied de chez lui.Quant à la nourrice de sa fille, elle habitedans sa rue. Et pourtant. « Je prenais mavoiture tout le temps. Le moteur n’avaitmême pas le temps de chauffer ! », avoueEdouard, 30 ans. Le couple va avoir undeuxième enfant dans les jours qui vien-nentetpensaitchangersaSeatAltea,ache-tée neuve il y a trois ans, pour une voitureplus spacieuse. Mais avec la Zenius Expé-rience, Edouard a eu le déclic. « Après dix

jours de sevrage, je n’éprouvais aucun symp-tôme de manque ! », lance-t-il. Pour faireses courses, il va plus souvent au petitsupermarché en bas de chez lui. « Et on amême investi dans une carafe filtrante pourneplus acheter depacks d’eau ! » Edouardafait marcher sa calculette et mis en venteson véhicule. « Je vais prendre un abonne-ment de 50 jours. Ma voiture me coûte4 000 euros, décote comprise. Avec monabonnement, je vais économiser 2 000 euros.En période de crise, ce n’est pas rien. »Eric Cabanas, journaliste et artistepeintre : « La liberté, ça a un prix »

« En participant à cette expérience, je vou-lais optimiser ce que je fais déjà », racon-te-t-il.A50ans,cejournalisteetartistepein-tre se définit comme un citadin « type ».Dans la semaine, il ne prend pas sa voiture.Il utilise le tram, le bus, Bicloo et parcourtdes kilomètres à pied. Mais il a quandmêmerachetérécemmentunevoitured’oc-casion. « Même si elle dort pratiquementtout le temps au parking, la voiture, c’est laliberté. Et la liberté, ça a un prix ! » a

Nathalie Brafman

Depuis le 15 septembre, quatre habitants de l’agglomération nantaise tentent de relever le défide la « Zenius Expérience » : utiliser, au lieu de leur véhicule, tous les transports en commun

Huit semaines sans voiture

Page trois

Après un mois passé à utiliser les transports en commun, les services de vélo et d’autopartage, Cyrille, qui passait deux heures par jour au volant, s’est aperçu que son véhicule ne lui manquait plus du tout. FRANCK TOPMS POUR « LE MONDE »

LA MOROSITÉ ambiante sembles’être arrêtée aux portes du Mon-dial de l’automobile. En pleine cri-se financière et alors que la réces-sion se profile, le salon de Paris,qui a fermé ses portes le 19 octo-bre, a attiré un nombre record devisiteurs (1,433 million). Côtémodèle, ce sont les véhicules pro-pres et les petites voitures qui ontsuscité le plus de curiosité.

Le président de cette manifesta-tion, Louis Schweitzer, s’est félicitédu nombre de contacts commer-ciaux généré, « beaucoup plus élevéqu’il y a deux ans ». Selon le Comi-té des constructeurs françaisd’automobiles (CCFA), les com-mandes fermes sont relativementrares – une centaine par jour surun total compris entre 6 000 et15 000 ventes. Le Mondial est plu-tôt un lieu de contacts commer-ciaux. Peugeot et BMW avaientd’ailleurs décidé de ne pas prendrede commandes cette année. « Il y adeux ans, on avait vendu seulement150 véhicules et il y a quatre ans 120,explique Vincent Salimon, direc-teur des ventes. En revanche, nousavons terminé le salon avec12 000 contacts, dont 5 000devraient déboucher sur un achat àcourt terme. » Selon le CCFA, lesgrands constructeurs ont enregis-tré près de 1 000 contacts par jour.« C’est un tiers de plus qu’en 2006.C’est un bon indicateur du moral »,indique son porte-parole.

En règle générale, le Mondialdope les ventes des deux derniers

mois. Ce qui, dans un contexteeuropéen marqué par la chutedes ventes (– 8,2 % en septembreaprès plus de 15 % en août),devrait remonter le moral desconstructeurs.

Moral au beau fixeChez Renault, les contacts com-

merciaux se sont élevés à 1 400 parjour contre 800 en 2006. Leconstructeur, qui espère relancerses ventes après l’échec de la Lagu-na, présentait sa nouvelle Mégane,un véhicule qui a longtemps été lalocomotive commerciale du grou-pe. « 30 % des contacts pris sont liésà la Mégane et au coupé, alors qu’el-les ne sont pas encore disponiblesdans le réseau. Les commandes fer-mes tous véhicules confondus ontaugmenté de 10 % à 1 000 », se féli-cite Renault. Chez Citroën, le nom-bre de réservations est supérieur à1 000, c’est deux fois plus qu’en2006, et Peugeot revendique2 000 propositions commercialeset la prise de 15 000 contacts.

Le moral semble aussi au beaufixe chez Toyota. Après une année2008 médiocre, le constructeurnippon s’attend déjà à une année2009 « très positive » grâce aurenouvellement d’un certain nom-bre de ses modèles et de la com-mercialisation de nouveaux. « Les500 IQ [sa mini-voiture de quatreplaces] qui seront livrés pour Noëlsont déjà préréservées », indi-que-t-on. a

N. Bn

Le Nobelanti-

Bush

P A U L K R U G M A N

P R I X N O B E L D ’ É C O N O M I E 2 0 0 8 Flammarion

« Une révélation, tant il éclaire le malaise de l’Amérique »

L’Expansion

« Un récit passionnant »Le Monde des livres

« Un précieux décryptage » Les Echos

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Record d’affluenceau Mondial de l’auto

0123Mardi 21 octobre 2008 3

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Presse Quotidienne

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CHOLET (Maine-et-Loire)

ENVOYÉE SPÉCIALE

Il aperçoit parfois le visage de sonpère sur l’écrande lawebcam instal-léedans le salonmais il lui faut cher-cher loin ses « vrais » souvenirs :Mamadou, 5 ans, a vu son père pour

la dernière fois le 27 janvier 2006.« Ce jour-là, les policiers ont sonné à

7 heures du matin, raconte sa mère,Kadiatou Diakité.Oumar a ouvert la por-te, j’étais en train de préparer Mamadoupour l’école. Nous avons tout de suite com-pris qu’ils venaient pour l’expulser.Oumar a mis un pull, il a été autorisé àprendre une brosse à dents et du dentifrice,et ils l’ont emmené. Mamadou avait 2 anset demi, il pleurait, il s’accrochait à sonpère. »

Depuis ce jour, Kadiatou Diakité etMamadou, qui vivent àCholet (Maine-et-Loire), n’ont jamais revu Oumar. Letemps a passé, Mamadou a grandi, maisKadiatouDiakité n’a pas oublié ce jour dejanvier où elle a vu son compagnon pourla dernière fois.« J’ai à peine pu lui parleravant son départ, soupire-t-elle. Il est restédeux jours au centre du Mesnil-Amelot, oùun étranger qui était retenu à ses côtés lui aprêté une carte téléphonique. On a puéchanger quelques mots mais il a été expul-sé le lendemain vers Bamako, sans que jesois prévenue. Il a été chassé sans bagages,comme unmalpropre, comme un bandit. »

Désormais sans ressourcesKadiatou Diakité et Oumar Diallo, qui

sont tous deux originaires du Mali, sesont rencontrés en 2002, dans le Maine-et-Loire. Elle suit alors un troisième cyclede droit public à l’université d’Angers, ilest inscrit à la faculté de Cholet. En 2003,peu avant la naissance de Mamadou, ilss’installent dans le logement étudiantd’Oumar, à Cholet. Kadiatou Diakité etOumar Diallo sont alors en situationrégulière sur le territoire français : ils ontquitté Bamako avec un visa étudiant et ilssont titulaires d’un titre de séjour.

Mais Oumar Diallo commence à tra-vailler pour faire vivre sa famille et, le21 février 2005, la préfecture du Maine-et-Loire lui refuse le renouvellement deson titre de séjour étudiant. « Il a alorstéléphoné pour savoir s’il pouvait changerde statut, raconte Michel Le Cler, le res-ponsable du comité de soutien à OumarDiallo. Une dame, à la préfecture, lui arépondu qu’il lui fallait trouver un

emploi, de préférence en contrat à duréeindéterminée [CDI]. »

Le 30 avril 2005, Oumar Diallo signeun CDI à l’usine d’Heuliez de Cerizay(Deux-Sèvres), mais la procédure suitson cours : le 17 novembre 2005, il faitl’objet d’un arrêté de reconduite à la fron-tière. Deux mois plus tard, il est expulsé.

Depuis le départ de son compagnon,Kadiatou Diakité vit seule avec son filsdans une cité de Cholet. Elle a perdu son

titre de séjour étudiant en arrêtant ses étu-des et elle est désormais sans ressources.« Elle n’a pas le droit de travailler et elle neveut pas tricher, poursuit Michel Le Cler.Elle a adressé une demande d’aide à lamai-rie de Cholet pour la cantine, mais elle a étérefusée. » Son loyer – 350 euros par mois– et une partie de ses courses sont payéespar le comité de soutien. « Je vais aussiaux Restos du cœur, soupire-t-elle. C’estdur, je ne sais pas tendre la main. »

Lorsde l’expulsionde sonpère,Mama-dou, qui a aujourd’hui 5 ans, a traverséunepériodedifficile.« C’était un petit gar-çon très bien intégré qui prenait beaucoupde plaisir à venir à l’école, raconte Marie-AlineBoyer, l’anciennedirectrice de l’éco-le maternelle du quartier. Sa vie a basculédu jour au lendemain : il était stressé, ilavait du mal à comprendre pourquoi sonpère avait disparu, il sentait beaucoup dedésespoir autour de lui. C’est un petit gar-

çon volontaire, qui s’accroche, qui a fait duchemin depuis cette époque, mais, aujour-d’hui encore, on sent chez lui une inquiétu-de qui l’empêche de s’épanouir comme unautre enfant. »

Mamadou a accroché des photos deson père dans sa chambre et il lui envoierégulièrement des dessins à Bamako,mais il n’accepte toujours pas son absen-ce. « A l’école, il invente des histoires, pour-suit Kadiatou Diakité. Il dit que son papava l’amener au parc, qu’il l’accompagnesouvent au cinéma. Il l’adorait, il ne l’avaitjamais quitté pendant plus d’une journée.Après l’expulsion, c’était comme si quelquechose s’était cassé : il faisait de grosses colè-res, il refusait tout ce qu’on lui proposait, ilétait révolté. »

« La peur au ventre »Malgré la circulaire Sarkozy sur les

parents d’enfants scolarisés dejuin 2005, KadiatouDiakité, qui est deve-nue – bien malgré elle – l’un des symbo-les des sans- papiers de Cholet, n’a pasété régularisée. Elle vit aujourd’hui ter-rée dans sa cité : elle ne quitte pas la villede peur de subir un contrôle.« Nous som-mes enfermés ici depuis deux ans et demi,poursuit-elle. Le mercredi et le samedi, unmembre du comité de soutien emmèneMamadou à la patinoire, mais nous sor-tons le moins possible – de toute façon, jen’ai pas d’argent pour nous payer le bus.Quand je vais au magasin, j’ai la peur auventre. »

Kadiatou Diakité n’envisage pas pourautant de retourner au Mali : elle a faitdes études supérieures et quitté Bamakopour s’éloigner d’un père polygame quis’apprêtait à la marier et elle ne souhaitepas renouer avec les traditions familialesmaliennes. « Je suis venue ici contre l’avisde mon père, en me débrouillant toute seu-le, parce que j’avais envie d’avoir un peu deliberté », résume-t-elle. Malgré son abat-tement, Kadiatou Diakité attend tou-jours une régularisation. « Je ne veux pasrentrer au Mali et vivre comme ma mère avécu, conclut-elle. J’aimerais tellementque Mamadou aille à l’école ici, en France,et qu’il ait une bonne éducation. »a

Anne Chemin

Entré légalement en France comme étudiant, Oumar Diallo a été renvoyé au Mali quand il s’estmis à travailler pour faire vivre sa compagne et leur bébé. La webcam est devenue leur seul lien

Le père expulsé, la famille brisée

Page trois Sans-papiers

Originaires du Mali, Oumar Dialloet Kadiatou Diakité se sont rencontrés,en 2002, dans le Maine-et-Loire.ABOUCAR TRAORE (PHOTO DU HAUT) ET FRANCK TOMPS

POUR « LE MONDE » (PHOTO DU BAS)

BAMAKO

ENVOYÉSPÉCIALPour rencontrer Oumar Diallo àBamako, il faut s’engager dans une peti-te rue de terre, traverser une rivière assé-chée, laisser à gauche la bâtisse rouge deMadame Sy – « Location chaises, tables,marmites et accessoires » – et longer deuxterrains vagues. Le père deMamadou vitici, dans unemaison grise, derrière unportail rose qu’il ouvre d’un air gêné.

Avec sa cour carrée, la maison est plu-tôt agréable, mais Oumar y semblemal àl’aise. Son père habite au fond à droite,sa mère à gauche, les deux autres extré-mités sont occupées par la deuxième etla troisième épouse de son père. «Mamère était la première, c’est avec elle quemon père a vécu ses années de galère,raconte-t-il. Il aurait dû s’occuper de sesenfants, nous porter de l’affection, maiscela a été le contraire. »

Depuis son retour à Bamako, OumarDiallo est sans emploi : il donne descoups demain à un ami qui installe dessystèmes informatiques dans des entre-prises, mais, pour l’instant, ce travailn’est pas rémunéré. « En France, jegagnais ma vie, j’avais un poste à respon-sabilité, et l’entreprise me payait même descours de perfectionnement, raconte-t-il.Ici, ces compétences sont inutiles. AuMali,ce ne sont pas des diplômes qu’il faut, maisdes relations haut placées. »

Sans argent, OumarDiallo n’a guère lechoix : il lui faut vivre dans lamaison deson père, au côté des coépouses de celui-ci et de ses autres enfants. Tant qu’il vitlà, il ne peut imaginer faire venir sa fem-me et son fils.« Je ne veux pas que Kadia-tou etMamadou vivent dans une situation

intenable alors que je ne gagne pasma vie,soupire-t-il.EnFrance, c’était mon salairequi payait tout. Ici, je suis impuissant. »

Il lui est difficile de vivre auMali maisil ne peut revenir en France : lorsque lecomité de soutien est venu le voir àBamako, en mai 2006, rendez-vous a étépris avec le consul de France afin dedéposer une demande de visa, mais laprocédure n’a jamais abouti. « Le consulnous a demandé de constituer un dossiercomplet, mais la réponse a été négative.J’ai appris plus tard qu’il ne l’avait mêmepas envoyé à Paris. Je n’ai jamais obtenude second rendez-vous. »

A Bamako, Oumar Diallo vit dans uncul-de-sac, comme suspendu dans l’espa-ce et le temps. Il avait l’espoir de revenirun jour auMali, fortune faite, pour s’ins-taller avec sa femme, son fils et sa mère,qu’il rêvait d’arracher à unmari polyga-me, mais l’expulsion amis fin à son rêve.Il n’a pas vu grandir son fils. « Je lui don-nais toute l’affection que je n’ai pas eue,murmure-t-il.On était tellement liés. Ilme réclame encore tout le temps. »

Aujourd’hui, Oumar Diallo n’a plusde forces. « En France, j’avais un boulotstable, j’étais apprécié par tout le monde,je faisais le maximum pour le bonheur dema famille. Je ne sais pas ce que j’ai fait demal pour que tout s’acharne contre moi.Tout ce que j’ai évité ici, on me l’a faitlà-bas. L’injustice que je fuyais ici, auMali, m’a poursuivi là-bas. »

Son dernier espoir est la régularisa-tion en France de sa femme et de sonfils. « Qu’on ne s’acharne pas sur eux !Mon enfant a le droit d’être traité commetous les autres enfants de France. »a

SergeMichel

Bamako, ou la fin du rêved’Oumar Diallo

0123Mercredi 9 juillet 2008 3

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Presse Quotidienne

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Lorsque Cloé Briand estarrivée à l’Institut natio-nal du sport et de l’éduca-tion physique (Insep), lapépinière où grandis-

sent, dans le bois de Vincennes, àParis, les meilleurs espoirs sportifsfrançais, elle ne doutait de rien.Alors âgée de 13 ans, elle avaitconsigné son ambition sur unefiche distribuée à cet effet : deuxmédailles d’or aux Jeux olympi-ques de Pékin, en août 2008. Pasmoins. Ce rêve d’enfant n’aura pasrésisté à l’adolescence. Elle aaujourd’hui 16 ans et ne sera pasdu voyage en Chine.

Sa déception s’est transforméeen un combat familial. Elle neconcourra pas à Pékin, certes, maisl’hommequ’elle et ses parents tien-nent pour responsable de cet échecrisque lui aussi de rester à Paris.Yves Kieffer, l’entraîneur national,accusé d’user de méthodes d’en-traînement abusives, a demandé,pris dans la polémique, à être« momentanément » déchargé deses fonctions, dans l’attente desrésultats, mi-février, d’une enquê-te diligentée par le ministère de lasanté, de la jeunesse et des sports,à la suite d’une plainte des parentsde Cloé. Mercredi6 février, Yves Kieffer ade nouveau été entendupar les inspecteurs géné-raux du ministère.

Et voilà toute la gym-nastique féminine fran-çaise en crise, à six moisde l’échéance olympi-que. D’un côté, une ath-lète et sa famille qui par-lentd’« insultes etdehar-cèlement moral », et quiont entamé une procé-dure judiciaire à Nantes pourdemander des dommages et inté-rêts. De l’autre, un entraîneur, sou-tenu par le président de la Fédéra-tion française de gymnastique(FFG), Jacques Rey, qui estimesimplement avoir fait son travail,où l’exigence est le corollaire duhaut niveau.

Comment en est-on arrivé là ?Au départ, l’histoire de CloéBriand se fond dans celle d’ungroupe de jeunes filles, créé à larentrée 2005 et intitulé sobrement« Collectif Pékin 2008 ». La FFGs’était rendu compte qu’une géné-ration d’exception, avec, entreautres, Emilie Le Pennec (cham-pionne olympique aux barres asy-métriques en 2004), MarineDebauve (championne d’Europeau concours général en 2005) –qui tente actuellement un retouraprès un an et demi de retraite – etIsabelle Severino (médaillée debronze aux barres asymétriquesaux championnats du monde en

1996 et championne d’Europe ausol en 2005) risquait de passer lamain. Et que la relève n’était passuffisante. Six fillettes de 12 et13 ans ont donc été sélectionnéesparmi les volontaires, après destests dans les meilleurs clubs etpôles d’entraînement nationaux etrégionaux.

Peinant techniquement, de sonpropre aveu, Cloé Briand n’a pastrouvé ses marques dans les gran-des bâtisses du bois de Vincennes.En décembre 2006, elle a quitté legroupe. Direction le pôle espoir deToulon. Ses parents, Laurence etRaphaël,alors conscientsdesesdif-ficultés, disent avoir cherché « uneapproche psychologique différente ».Dusur-mesure pour leur fille, qu’ilsont toujours suivie de très près.

Le fil n’était pas encore totale-ment rompu : la jeune fille, grâce àune avalanche de blessures, a étérepêchée pour le stage préparatoi-re final aux Mondiaux, disputés enaoût 2007. Selon Yves Kieffer, c’estsa non-sélection, finalement, pourcette compétition, qui serait à l’ori-gine de la campagne de ses parentscontre les méthodes d’entraîne-ment des cadres fédéraux. Cloé, desurcroît, s’est vu refuser, en dépit

de demandes familiales,unretourà l’Insep,qu’el-le voyait, dit-elle, « com-me un passage obligépour aller aux Jeux ».

Deux versions, désor-mais, s’opposent : ce quirelève pour Yves Kieffer–qui a participé à la quê-te de huit des douzemédailles internationa-les glanées en gymnasti-que par la Francedepuis1979 – de métho-

des normales a été vécu par Cloécomme d’insupportables humilia-tions. « Yves Kieffer me faisait peur.J’avais l’angoisse d’aller à l’entraîne-ment, de ne pas y arriver du premiercoup. C’était trop militaire et tropfroid », explique-t-elle aujourd’huidans la grande demeure familialede La Baule. Son père, Raphaël,quia dirigéune entreprise en Flori-de pendant sept ans avant de larevendre pour prendre la têted’une société de courtage, et samère, Laurence, directrice d’uneécole de commerce, ont décidé demener le combat, en utilisantnotamment Internet commemédia.La FFG, agacée par ces atta-ques, a porté plainte. L’engrenageétait enclenché.

La gymnastique offre un terreauparticulièrementpropice à ce genred’affaire. Le soupçon de mal-traitance n’est jamais loin. Leschampionnes, souvent à peine ado-lescentes, s’astreignent à des séan-ces d’entraînement si dures qu’el-

lespeuventchoquer.L’objectif justi-fie-t-il que l’on se plie à pareille dis-cipline ? Isabelle Severino, 27 ans,défend l’entraîneurnational sous lahoulette duquel elle s’entraînedepuis quinze ans. « Yves Kieffer estsanguin et très exigeant. Il a parfoisdes mots durs qu’il faut replacer dansleur contexte. Dans notre sport, une

seconde d’inattention, 2 kilos en trop,peuvent conduire à un accident gra-ve, voireau fauteuil roulant. C’est sondevoir d’entraîneur que de rappelerles règles. Il ne s’agit pas d’humilia-tions », explique-t-elle. Retraitée en1999, elle est revenue à la compéti-tion en 2003.

De son côté, la famille Briand

s’estime porte-parole de beaucoupde jeunes filles qui auraient vécudes histoires semblables. « Lesentraîneurs n’acceptent pas ce quiremet en cause leur pouvoir, affirmela mère. Les parents ne sont pas lesbienvenus dans leur système où il estindispensable d’ériger des garde-fous, comme dans la vraie vie. »

Cette curée est-elle un procès dusportdehautniveau,etdesonimpi-toyable logique de sélection ? C’estce que semble penser Yves Kieffer,qui souligne qu’il n’a travaillé queponctuellement avec Cloé, qui s’en-traînait avec son adjoint, Eric Bes-son. Pour les entraîneurs commepourladirectiontechniquenationa-le, le « Collectif Pékin 2008 »n’était pas un très bon cru. SelonCloé Briand, Yves Kieffer ne seserait pas privé de s’en agacerouvertement – et souvent.

Dans les couloirs de l’Insep, lescommentaires à l’égard de la jeunefille sont pourtant aussi impitoya-bles que la compétition : « Ellen’avait pas le niveau technique, ni leprofil psychologique, d’une athlète dehaut niveau », y entend-on. CloéBriandreconnaît ses lacunes,qu’el-le n’est « jamais parvenue à effa-cer », parce qu’elle a « commencétard la gymnastique ». Mais elleimpute son absence de progrès auclimat terrorisant dans lequel elle adû évoluer.

La jeune gymnaste est retour-née à La Baule en septembre, com-me simple lycéenne. C’est alorsque ses parents ont saisi le ministè-re des sports. Le dossier embarras-se d’autant plus la fédération qu’el-le n’est pas épargnée par les querel-les internes. Les relations distanteset les divergences de vues entreYves Kieffer, entraîneur nationaldepuis fin 2000, et son directeurtechnique national (DTN), Jean-Claude Jacquetin, en place depuisvingt-deux ans, ne sont un secretpour personne.

« On a fait un très mauvais cas-ting en 2005 en prenant des filles quin’avaient pas le niveau et quin’étaient pas prêtes psychologique-ment, reconnaît le DTN. Les gensviennent comme des consomma-teurs, car être pensionnaire à l’Insepou dans un pôle n’est pas gratuit. Engym, on reste dans un système trèsdirectif, à contre-courant des tendan-ces actuelles. Il faut qu’on s’ouvre. Sij’avais été tenu au courant de lasituation en temps réel, l’affaire CloéBriand n’aurait jamais existé. »

Pour Yves Kieffer, le sport dehaut niveau ne peut être unedémarche de consommation. « Onn’achète pas une médaille », résu-me-t-il. Lui-même risque de seretrouver au centre d’un marchan-dage : sa démission contre l’arrêtde la procédure ouverte par lesBriand. Mercredi 23 janvier, laDTN a informé les gymnastesd’Yves Kieffer que leur entraîneurne reviendrait pas. Cloé Briandcontinue la gym dans son club,« pour le plaisir ». Le haut niveau,elle « n’imaginait pas que c’étaitaussi dur ». a

Patricia Jolly

La gymnaste Cloé Briand n’a pas été retenue pour les Jeux olympiques de Pékin. Ses parentsaccusent l’entraîneur national, Yves Kieffer, de « harcèlement ». Une enquête est en cours

Le revers de la course à la médaille

CLAIRE CARRIER, ANCIEN MÉDECIN DU SPORT À L’INSEP

« Les parents ne peuvent exercer le contrôle »

Page trois Sports

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« C’estson devoird’entraîneurque de rappelerles règles.Il ne s’agit pasd’humiliations »

Isabelle Severino,gymnaste entraînéepar Yves Kieffer

Cloé Briand. FRANCK TOMPS POUR « LE MONDE »

PSYCHIATRE et médecin dusport au département médical del’Institut national du sport et del’éducation physique (Insep)entre 1989 et 2000, Claire Car-rier a aussi écrit un ouvrage inti-tulé Le Champion, sa vie, sa mort,psychanalyse de l’exploit.Quelle place existe-t-il pour lafamille d’athlètes mineurs ausein d’institutions sportivesdédiées au haut niveau, dansdes sports où une maturité pré-coce est exigée ?

Il n’y a pas d’âge pour la perfor-mance sportive. En confiant à cesinstitutions leur enfant mineur,les parents doivent être conscientsqu’ils le dirigent vers un projet quichange le cours de l’éducationnaturelle qu’ils avaient prévu pourlui. L’échelle de la progression àtrès haut niveau est avant toutcommandée et évaluée par le mon-de sportif. Par conséquent, lesparents doivent accepter que laperformance, le résultat sportifleur échappent. L’entraîneur vaforcément désynchroniser ce

qu’ont fait les parents. Ce proces-sus de déprogrammation, repro-grammation et évaluation est de laresponsabilité et de l’expertise del’entraîneur. Depuis leur place, lesparents ne peuvent exercer decontrôle.Comment les parents peuvent-ils se positionner par rapport àl’entraîneur de leur enfant ?

Ils doivent soutenir leur enfantpour que, dans cette déprogram-mation du naturel, l’enfant ne se« casse » pas. Un entraîneur detrès haut niveau a besoin d’unregard supportant et confortantdes parents pour affûter à chaqueinstant un juste rapport risque-sécurité. Ils ne doivent pas entreren rivalité avec lui sur son travail,mais rassurer l’enfant afin qu’ilose son extrême. Celui-ci ira aumaximum (voire à l’extrême) deses compétences aidé par l’entraî-neur et soutenu par ses parents. Ilfaut tout au long de la carrièreune confiance et un respect réci-proque absolus pour que l’enfantne soit surtout pas un otage : dans

ces circonstances, les accidents lesplus graves surviennent. Mieuxvaut alors tout arrêter. La compéti-tion est réservée au sportif.Parents et staff technique, sportif,médical sont entre eux dans unprincipe de coopération.Est-il possible d’entraîner à hautniveau sans être autoritaire ?

L’autorité chez un entraîneurde haut niveau est naturelle. Sonexpérience fait autorité. C’est saforce. C’est pour elle qu’on lechoisit. Encore faut-il qu’il puis-se l’exercer en plénitude sans larésoudre à une peau de chagrin :les décisions arbitraires. Sa mis-sion est d’amener son sportif ausommet de son art. Et c’est unelongue histoire. Si des mots durssont prononcés pour stimuler ouréveiller, d’autres, bienveillants,sont dits aussi. On ne peut retirerles mots de leur contexte. Sinon,ils risquent de ne dire que cequ’on veut leur faire dire… Etdans ce hors-sujet, l’enfant estnégligé : c’est le pire. a

Propos recueillis par P. Jo.

0123Vendredi 8 février 2008 3

Page 21: Publications Presse Quotidienne

Presse Quotidienne

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Dans le milieu agrico-le, Bruno Parmen-tier est peut-être leplus optimiste detous. Ce soir-là, ledirecteur généralde l’Ecole supérieu-re d’agriculture(ESA) d’Angers

explique à un parterre d’anciens élèvesingénieurs qu’il hésite à changer le nomde l’établissement. Il voulait en retirer laréférence à l’agriculture, comme l’ontfait ses concurrents. Mais l’idée ne luiparaît plus d’actualité.

Cet ingénieur des Mines, arrivé dansle Maine-et-Loire en 2003, raconte lesassemblées générales de coopératives tel-les qu’il les a vécues ces dernièresannées : « Le contexte était désespérant.Moi, je disais aux agriculteurs, tenez bon,vous allez reprendre la main. » Il faudranourrir 9 milliards d’humains en 2050,la production de biocarburants explose,on aura plus que jamais besoin des pay-sans, leur dit-il.

On y est. Depuis un an, lescours du maïs, de l’orge, dulait, se sont envolés. Celui dublé a doublé. Entre Cholet etAngers, dans les fermes desMauges, les signes d’amélio-ration alimentent les conver-sations. Entre agriculteurs,on parle des fournisseurs dematériel agricole qui se frot-tent les mains devant leretour des investissements, des fabri-cants de tanks à lait ou de robots de traitequi croulent sous les commandes… Onévoque la possibilité de cultiver lajachère cette saison, d’augmenter la pro-duction de lait en dépassant ses quotas.Tout un symbole : l’instauration de cesoutils de maîtrise de la production avaitdésespéré l’agriculture française.

C’est la première fois que Pascal Gal-lard, éleveur à Saint-Florent-le-Vieil,jolie bourgade des bords de Loire, a unestabulation pleine. Une quarantaine de

vaches à traire matin et soir. Il a gardé, àLa Rielle, sa ferme, les bêtes les plusâgées, qu’il comptait envoyer à l’abattoir.« L’augmentation des quotas, cela nousdonne confiance en l’avenir », confie-t-il.« C’est une nouvelle liberté », estime safemme Cécile. Quand son mari s’est lan-cé, en 1984, en pleine mise en place desquotas, il avait fallu diminuer le cheptel.Le couple se réjouit à la perspective de laprochaine paye : elle sera en hausse de37 % par rapport à celle de janvier 2007.

« Depuis dix ans, dans les réunions,j’avais pris l’habitude d’annoncer des bais-ses de prix, aujourd’hui on voit que lemieux est possible », résume, toutcontent, Jean-François Cesbron, le prési-dent de la chambre d’agriculture du Mai-ne-et-Loire. Les revenus sont prévus à lahausse en 2007, de 12 % en général, et de

98 % pour les céréaliers.Mais une question tarau-

de tout le monde : ce nou-veau contexte ne sera-t-ilque positif ? « J’ai l’impres-sion que les prix actuels sontpolitiques, ils vont servir àsupprimer les aides. Remar-quez, s’ils restent hauts, ça neme gêne pas, c’est plus valori-sant de ne pas vivre de subven-

tions », estime Philippe Gallard, un cou-sin de Pascal associé à trois autres agri-culteurs dans un groupement agricoled’exploitation en commun (GAEC) oùl’on pratique l’agriculture intensive.Dans le préfabriqué rudimentaire quisert de bureau, la conversation tourneautour de l’avenir de la politique agricolecommune, la PAC, de l’éventuel démantè-lement des outils de régulation si les prixagricoles restent élevés.

Dans cette « petite Bretagne » où lesfermes sont restées nombreuses, on n’ar-

rive pas à se réjouir. Les interrogationsdominent, interdisant l’euphorie. Alorsqu’on ne frôle pas encore la pénurie,pourquoi une telle flambée ? « C’est révol-tant que personne n’ait imaginé ce quiallait se passer, s’énerve Jacques Cora-boeuf, tout jeune retraité. On demande deproduire plus, mais les vaches, y en a plus,et on peut pas les inventer. » « Les bureau-crates devraient avoir un peu de bon senspaysan. Dans nos fermes, on fait des réser-ves de céréales et de fourrages l’été pour pas-ser l’hiver. Il ne s’agit pas d’avoir des mon-tagnes de beurre, mais ne serait-ce que dequoi tenir un an », estime Pascal Gallard.

Ces agriculteurs sont amers. Ils voientavant tout que la hausse des prix descéréales a eu pour conséquence directede « plomber les élevages », qui en sont

gros consommateurs. Pour Anne-MariePoupard, 35 ans, éleveuse de lapins, lesurcoût en grains s’est élevé en 2007 à15 000 euros, pour Philippe Gallard etses associés, qui produisent comme elledes lapins mais aussi des porcs, à75 000 euros. Tout le monde ici imagineque les élevages porcins les plus fragilesvont disparaître. Dans ce secteur, les chu-tes des revenus sont estimées à 60 %pour 2007.

Même si les experts prévoient que lesprix devraient s’ancrer à des niveauxdurablement élevés, ces producteursconstatent pour l’instant que ceux de lapoudre de lait et du beurre redescendent.Alors spontanément, c’est plus de l’éven-tualité d’un « retournement de situation »que d’une nouvelle donne agricole donton débat.

A l’Ecole supérieure d’agricultured’Angers, les quelques jeunes qui se des-tinent au métier d’agriculteur veulentpourtant y croire : la demande croissan-te des pays émergents, Chine au premierrang, pourrait bien donner un nouveausouffle au métier. Ils savent leurs aînésplus pessimistes. « Il faut comprendrenos parents, ils ont l’expérience des années1980 où on leur a dit d’arrêter de produi-re, explique Vincent Bournaison, futuringénieur.

Si l’actuelle hausse des cours ne suffitpas à remonter un moral depuis long-temps en berne, c’est que le malaise desagriculteurs, largement décrit par lessociologues, n’est pas seulement écono-mique, mais aussi social et identitaire.Les crises sanitaires, la prise de conscien-ce environnementale, et la perte de poidsdans la société ont marqué la profession.« Les étudiants n’entraient plus à l’ESAdans l’optique de nourrir les gens, mais desauver la planète », explique Bruno Par-

mentier, qui attend un retour de balan-cier. « On se demandait, tout comme lapopulation d’ailleurs, si les agriculteurspouvaient encore être utiles », reconnaîtJean-François Cesbron, le président de lachambre d’agriculture.

La jeune Mélanie voit aujourd’hui sonpère et sa mère, éleveurs laitiers, « enfinrécompensés de leurs efforts ». A côté d’el-le, Romain renchérit : « Ça met du bau-me au cœur, le secteur redevient porteur. »Ces étudiants du cursus « agricadre » del’ESA ont tous les deux 20 ans, et leurspropos résument deux décennies de mal-être du monde agricole. « Au collège, je tri-chais sur mes fiches d’orientation. J’inscri-vais “puéricultrice” », explique la jeunefemme. De cette époque, elle n’a gardéaucune amie. Romain, lui, se souvient dece jour, alors qu’il était en seconde, oùune prof a lâché devant la classe qu’il par-tait en lycée agricole : « J’ai vu le méprisdans les yeux de tous. »

« Mon père m’aidera à m’installer,mais il me verrait mieux banquier… au Cré-dit agricole », sourit Pierre Gavard, filsd’éleveurs de la Manche. « Le mien ne sefait pas à l’idée que je revienne à l’exploita-tion. L’an dernier, il avait décidé de toutvendre et de se reconvertir, je l’en ai dissua-dé », raconte Fabien, dont le père estcéréalier et viticulteur dans le Cher. Lejeune homme pense que les marchés luidonnent aujourd’hui raison. Le père deFlorian Bourdeloup, lui, disait que celane serait pas rentable à temps complet.« Cela pourrait changer », estime son fils.

C’est sûr, une image restaurée leurfaciliterait la tâche. Et notamment pourtrouver l’âme sœur. « Il faut tout miserpendant les études », plaisantent les étu-diants. Le sujet est tabou. Pascal Gallardcompte une dizaine d’agriculteurs céliba-taires dans son canton. Plutôt des quadra-génaires. Cela n’empêchera pas NicolasCadiou, 28 ans, de s’installer en avrildans les Mauges, sans compagne, en tantqu’associé d’un GAEC. Aujourd’hui,Internet et les études longues estompentles fossés culturels, jugent les jeunes, étu-diants ou déjà paysans. « C’est toujoursun peu un frein pour les filles, surtout cellesdes villes », concède néanmoins Nicolas.

Ils égrènent, dans la conversation,les qualificatifs peu amènes dontils savent les agriculteurs affu-blés : « bouseux », « cul-ter-reux », « pollueurs », « profi-teurs », etc. Les reportages, les

émissions de télé-réalité et le cinéma ontvéhiculé des clichés qui ont fait souffrir,quelle que soit la génération. « Le moralrevient parce que l’on sent que le regard desautres pourrait changer. C’est lui qui a ren-du triste », explique Cécile Gallard. L’éle-veuse est persuadée que si les agricul-teurs avaient davantage mis en avant lecôté positif de leur métier, il y auraitmoins de désintérêt. « C’est peut-être plusfacile pour moi de dire cela, car je ne suispas issue du milieu », s’excuse-t-elle.

« C’est un milieu qui se plaint beau-coup et fournit une image négative de lui-même. On le perçoit donc comme conserva-teur, alors qu’il s’est sans cesse adapté auxchangements », affirme Roger Le Guen,sociologue à l’ESA. Sonne l’heure de larevanche, mais elle reste fragile. « On vapeut-être pouvoir vivre de notre métier,résume Benoît Lavier, céréalier, l’un desanciens élèves du sociologue, mais lemoral reste conditionné à notre réconcilia-tion avec la société. » Et là, plane unemenace : les consommateurs, touchéspar les hausses de prix, risquent dedésigner la profession commeresponsable. a

Les cours s’envolent,les quotas laitierssont moinscontraignants.Les agriculteursfiniront-ils par avoirle moral ? Reportagedans le Maine-et-Loire,à la veille du Salonde l’agriculture

Reportage

« C’est plusvalorisantde ne pas vivrede subventions »

Philippe Gallardagriculteur

Pour la première fois,Pascal et Cécile Gallard,éleveurs à Saint-Florent-le-Vieil,dans le Maine-et-Loire,ont une stabulation pleine.En 1984, lorsque Pascal s’est lancé,il avait fallu diminuer le cheptel.FRANCK TOMPS POUR « LE MONDE »

Laetitia Clavreul

Le bonheurest presque

dans le pré

0123Samedi 23 février 2008 21