passe d'abord ton certif!

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GRANDE DISTRIBUTION Regard d’expert par Bertrand GUÉLY ©FFANG-DREAMSTIME.COM 26 vegetable.fr • n o 335 / juillet-août 2016  Une démarche de certification est structurante, valorisante, permet de sortir de l’anonymat et est un excellent “team builder”. J e ne suis pas fan des papiers à en-tête qui ressemblent à la poitrine d’un des derniers vétérans de Stalingrad. La mul- tiplicité des certifications et autres labels a plongé l’ensemble de notre filière dans un magma qui empêche bien souvent le déten- teur de la plus exigeante d’en tirer une quin- tessence pourtant a priori méritée. Certaines enseignes ont même surenchéri en bâtissant leurs certifications « maison ». Même si cela fait sens, force est de constater que l’impact purement commercial, je veux dire par là la capacité à vendre plus et plus cher, est discu- table et certains vieux loups de terre grognent parfois, en tortillant leur béret, que les certi- fications ne servent à rien. Mon propos n’est pas de dresser un panorama forcément partial mais nous allons voir que, même si tout n’est pas rose, elles obligent à être bons et, dans ce sens, sont parfaitement vertueuses. L’intérêt d’une démarche de certification 1 er  intérêt : Une démarche de certification est structurante. Process, groupes de travail, étapes obligatoires, procédures à mettre en place, archivage documentaire, échantillothèque, audits externes, plans de progrès, communi- cation interne (certaines démarches imposent entre autres la tenue de réunions régulières) et externe... Tous ces ingrédients sont forcément bénéfiques pour qui les accepte et tout particu- lièrement pour certaines exploitations agricoles familiales où la mémoire entre générations est véhiculée par quelques personnes clés pas for- cément friandes des « porte-malettes et de la paperasse de Bruxelles »... Si on considère la mise en place d’une démarche de certification sous le bon angle, on y trouvera la formation multi-public la plus concrète qui soit. 2 e  intérêt : Obtenir une certification permet de sortir un peu de l’anonymat. 3 e  intérêt : La course à la certification est un excellent team builder. Elle permet normale- ment de resserrer les liens entre les différents départements d’une entreprise qui œuvrent pour un objectif commun. Il est d’ailleurs amu- sant de constater que les réfractaires du début sont souvent ceux qui se prennent le plus au SE STRUCTURER, SORTIR DE L’ANONYMAT, SOUDER SON ÉQUIPE, VALORISER... Passe d’abord ton certif !

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Page 1: Passe d'abord ton certif!

GRANDE DISTRIBUTION Regard d’expert

par Bertrand GUÉLY

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DREA

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IME.

COM

QUAND VOUS VOYEZ CE NOUVEAU LOGO, VOUS AVEZ ENTRE LES MAINS UN EMBALLAGE EN CARTON ONDULÉ CERTIFIÉ, DE GRANDE QUALITÉ.

VOUS POUVEZ AVOIR TOUTE CONFIANCE.26 • vegetable.fr • no 335 / juillet-août 2016

Avantages et limites de la certification

 Une démarche de certification

est structurante, valorisante,

permet de sortir de l’anonymat et

est un excellent “team builder”.”

Je ne suis pas fan des papiers à en-tête qui ressemblent à la poitrine d’un des derniers vétérans de Stalingrad. La mul-tiplicité des certifications et autres labels a plongé l’ensemble de notre filière dans

un magma qui empêche bien souvent le déten-teur de la plus exigeante d’en tirer une quin-tessence pourtant a priori méritée. Certaines enseignes ont même surenchéri en bâtissant leurs certifications « maison ». Même si cela fait sens, force est de constater que l’impact purement commercial, je veux dire par là la capacité à vendre plus et plus cher, est discu-table et certains vieux loups de terre grognent parfois, en tortillant leur béret, que les certi-fications ne servent à rien. Mon propos n’est pas de dresser un panorama forcément partial mais nous allons voir que, même si tout n’est pas rose, elles obligent à être bons et, dans ce sens, sont parfaitement vertueuses.

L’intérêt d’une démarche de certification

1er intérêt : Une démarche de certification est structurante. Process, groupes de travail, étapes obligatoires, procédures à mettre en place, archivage documentaire, échantillothèque, audits externes, plans de progrès, communi-cation interne (certaines démarches imposent entre autres la tenue de réunions régulières) et externe... Tous ces ingrédients sont forcément bénéfiques pour qui les accepte et tout particu-lièrement pour certaines exploitations agricoles familiales où la mémoire entre générations est véhiculée par quelques personnes clés pas for-cément friandes des « porte-malettes et de la paperasse de Bruxelles »... Si on considère la mise en place d’une démarche de certification sous le bon angle, on y trouvera la formation multi-public la plus concrète qui soit.

2e intérêt : Obtenir une certification permet de sortir un peu de l’anonymat.

3e intérêt : La course à la certification est un excellent team builder. Elle permet normale-ment de resserrer les liens entre les différents départements d’une entreprise qui œuvrent pour un objectif commun. Il est d’ailleurs amu-sant de constater que les réfractaires du début sont souvent ceux qui se prennent le plus au

SE STRUCTURER, SORTIR DE L’ANONYMAT, SOUDER SON ÉQUIPE, VALORISER...

Passe d’abord ton certif !

Page 2: Passe d'abord ton certif!

GRANDE DISTRIBUTION Regard d’expert

par Bertrand GUÉLY

©FF

ANG-

DREA

MST

IME.

COM

QUAND VOUS VOYEZ CE NOUVEAU LOGO, VOUS AVEZ ENTRE LES MAINS UN EMBALLAGE EN CARTON ONDULÉ CERTIFIÉ, DE GRANDE QUALITÉ.

VOUS POUVEZ AVOIR TOUTE CONFIANCE.

COMPLEXIFICATION

« Le certificateur m’a tuer ! »Nouveau principe d’Archimède : toute démarche de certification plongée dans un environnement de consultants subit une pression du haut vers le bas et en ressort irrémédiablement compliquée. Ces soi-disant spécialistes ont en commun avec les informaticiens ou les espagnols la capacité à rendre tout compliqué, long et coûteux. Choisissez bien si vous souhaitez vous faire accompagner...

en bref

Avantages et limites de la certification

NOUVEAU !

www.vegetable.fr/blogs/guely

Retrouvez l’humeur de Bertrand Guely sur son végéblog :

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Le mois prochain : Refaire du business avec la Russie

jeu à la fin. Passer des « encore de la paperasse ! » à « alors, qu’est ce qu’il a dit l’auditeur ? » est jouissif.

4e intérêt : une certification obtenue permet normalement de mieux valoriser, et ce de plu-sieurs manières :– Il ne se passe pas un mois sans qu’un client

n’annonce que telle ou telle certification sera désormais un pré-requis à tout référencement et ce à telle échéance. Hors, seuls les produc-teurs professionnels et spécialistes d’une espèce sont a priori capables d’y accéder rapi-dement. Ce qui veut dire moins de concur-rents type traders généralistes, fossoyeurs de valeur. Seuls les athlètes qui peuvent faire les minima vont aux Jeux Olympiques...

– La démarche rentre tellement dans le détail de tout ce qu’il faut mettre en place pour l’obtenir qu’il est très simple après de travail-ler à livre ouvert avec les clients. Le coût de chaque étape et son acceptation deviennent en ce sens presque incontournables.

– Le réflexe de payer plus cher « pour de la marque », même s’il est encore balbutiant en F&L, existe tout de même. À ce titre, attention à ne pas casser un des rares leviers créateurs de valeur aujourd’hui : il est de la responsabi-lité de tous les acteurs de la filière de faire la chasse aux démarches bidon.

Bien sûr, cette valorisation ne vaut que si les vendeurs font correctement leur travail pour expliquer en quoi le produit est différent.

5 conseils au démarrage d’une démarche

1 On regarde –  voire on admire – quelqu’un qui porte discrètement la rosette. On sourit poli-ment en voyant quelqu’un qui arbore une foul-titude de décorations. Même si chaque enseigne est à date plus ou moins sensible à telle ou telle approche et qu’un seul référent par thématique tarde à émerger, ne partez pas tous azimuts sous peine de voir votre plaquette ressembler au bombardement publicitaire qu’on nous inflige à chaque mi-temps de l’Euro.

2 Avant toute prise de parole, formez vos vendeurs à l’explication de la démarche. N’hésitez pas à former des binômes fonctionnels avec vos qualiticiens car il n’y a rien de pire que le « alors, on est..., ça veut dire traçabilité... tout ça ! ». Pre-nez des rendez-vous dédiés entièrement à la seule présentation de la démarche : aujourd’hui, je n’ai rien à vous vendre mais je veux vous expli-quer pourquoi vous allez m’acheter plus demain.

3 Si la mise en place d’une certification est liée au risque de perdre un client, elle ne se dis-cute pas, il faut cependant faire le tri entre les certifications reconnues et les caprices d’en-fant. Ne pas céder aux effets de mode en se ris-quant sur le bizarre... Je suis certain que cha-cun d’entre nous peut aujourd’hui citer des démarches incontournables il y a quelques années et tombées depuis dans l’oubli...

4 À ce titre, tenez-vous régulièrement à la page des grandes tendances de la consommation moderne car ce sont elles qui seront demain le socle des nouvelles démarches de certification. Ainsi, les dérives du « produire à tout prix » ont engendré le bio et le commerce équitable, puis, plus globalement le cadre complet de la RSE. On peut aussi penser qu’une démarche recon-nue du plus grand nombre vienne un jour sup-planter la multitude de logos à destination des locavores. Encore faudra-t-il se mettre d’accord sur la distance maximale, sur le rôle de barrière ou pas d’une frontière...

5 Si convaincre l’ensemble du personnel est indispensable, l’apport de sang neuf pour le déploiement d’une démarche fonctionne aussi. Plus que de coûteux consultants qui, comme des avocats spécialistes du droit matrimonial arrivent à faire passer l’ex pour un monstre, miser sur de jeunes diplômés dont la candeur et la foi inébran-lable sauront abattre les freins de la réticence... À nouvelle démarche nouveau visage...

S’armer de patience !« So what ? »

C’est un peu comme l’enfant qui a travaillé pendant des semaines sur un cendrier en coquillages pour voir son père le fourrer négligemment dans le tiroir de son bureau, ça rappelle le diplômé de fac exhibant crânement un bac + 16 de psychologie spécialisation gestion des conflits familiaux : énormément d’efforts pour que les premiers à qui tout ça est destiné en fassent finalement assez peu cas. Ne soyez pas frustré si on ne vous déroule pas le tapis rouge à la première évocation, cela prend du temps.

« J’aurai une médaille ? »

Pour les gens de ma génération (je me refuse encore pour quelque temps à dire les vieux... !), vous vous souvenez sans doute de Satanas et de son chien Diabolo, prêt à tout, et surtout à n’importe quoi, aux commandes de son vieux biplan, pour recevoir une nouvelle décoration. Les français sont un peu comme ça : à défaut de savoir gagner des guerres seuls, ils sont aussi friands de distinctions en tous genres que la cagole de bijoux fantaisies ou le hooligan britannique de crânes russes. Attention à l’overdose...