opération casablanca / lesoir-echos - casablanca en ligne de mire

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CULTURE 20 © DR © DR Jeudi 31 Mars 2011 Laurent Nègre, réalisateur suisse signe un nouveau long-métrage : Opération Casablanca . Comédie détonante autour d’un clandestin soucieux de s’en sortir dans la vieille Europe et dont le destin va être bouleversé. L’opus sera sur les écrans au Maroc le 13 avril 2011. Casablanca en ligne de mire INTERVIEW adapter et donc, d’adopter un autre discours. Nous avons besoin de dialo- gue. Tomber dans la réduction de la pen- sée est le fondement des régimes tota- litaires. Cela me fait penser au roman d’Orwell, « 1984 », dont le propos est toujours d’actualité. Comment êtes-vous venu au cinéma ? J’ ai suivi des études de lettres modernes qui ne m’intéressaient pas car je n’avais pas le droit d’aller trop tôt vers une fi- lière artistique. J’ai ensuite été pigiste et j’ai collaboré au Courrier, quotidien indépendant suisse et j’ai également fait du dessin de presse. Je me suis enfin di- rigé vers la filière cinéma de l’école des Beaux-Arts en Suisse, puis je suis allé à Barcelone pour faire de la photogra- phie. Que vous inspire la sortie casablancaise d’« Opération Casablanca »? C’est inespéré ! Il s’agit d’une pre- mière mondiale, c’est une chance doublée d’un honneur. Nous avons tourné à Casablanca, j’adore l’éner- gie de cette ville. J’y ai encore le sou- venir du casting, mes promenades noc- turnes, mes déjeuners et dîner dans un petit restaurant situé derrière le Palais de Justice, qui rassemblait une gale- rie de personnages, toutes catégories sociales confondues. marche pour s’inverser selon vous ? Oui, les gens sont fatigués et en ont assez d’être matraqués par cette réduc- tion entre le Nord et le Sud. Impossible aujourd’hui de ne pas tomber dans n’im- porte quel média sur les manifestations guerrières de l’Islam radical et les ré- ponses de plus en plus totalitaires des gouvernements occidentaux, submergés par des menaces et des attaques chaque jour plus déstabilisantes. Le vaste pu- blic du Nord comme du Sud et dont je fais partie, se retrouve pris en otage dans une spirale de ter- reur, sans jamais la moindre possibi- lité de respirer, de prendre du recul, d’essayer de se pencher sur les causes ou les ori- gines du délabre- ment idéologique et politique actuel. Si les pays arabes chan- gent de l’intérieur, l’Occident sera obliger de s’y Pourquoi avez-vous choisi la comédie pour ce second long-métrage ? L’intention de la comédie s’imposait car elle impliquait des ressorts avec lesquels on peut jouer comme les codes du film de guerre ou de pseudo-espionnage. Le personnage principal, ce suspect idéal, réunissait les caractéristiques d’un per- sonnage totalement décalé. Alors qu’il devrait incarner à la perfection un agent double, il est par excellence, l’anti-héros. Il endosse un costume trop grand pour lui, mais dans le contexte de ce film, les agents secrets et les flics y croient dur comme fer. « Opération Casablanca » est à la fois une comédie et une farce sur notre époque. Saadi, est broyé par le fondamentalisme et la para- noïa sécuritaire. Il est de plus, vul- nérable, clandestin, on ne lui de- mande son avis à aucun moment comme on ne nous demande pas le nôtre. La tendance est en Opération Casablanca tord le cou aux préjugés qui stigmatisent le portrait du jeune arabe, ennemi public n°1 associé à l’image du terroriste car il est mu- sulman. Comment est née l’idée de ce film ? Après les événements du 11 septembre 2011, un ami marocain et moi-même avions eu envie de nous exprimer au sujet de la dégradation des relations entre le Nord et le Sud. Une ques- tion revenait sans cesse à nos esprits : comment évoquer ce réel terrifiant avec distanciation en ayant recours à une idée comique ? Le personnage de Saadi (Tarik Bakhari ) s’est peu à peu dessiné car il correspondait d’emblée au type normal. Son histoire est celle de milliers d’autres en Europe, il travaille dans la clandestinité car son employeur qui lui a promis de le régulariser, ne le fera jamais et parce qu’il est arabe et qu’il va se retrouver, par un concours de circonstances, au mauvais endroit au mauvais moment, il est considéré comme un terroriste. Travailler aux côtés de Tarik Bakhari a été fantas- tique, il porte le film et a su apporter de la justesse à son rôle plein de dualité. PROPOS RECUEILLIS PAR FOUZIA MAROUF Laurent Nègre (ph.Carole Parodi) Yoshi Oïda pris en otage. Elodie Yung agent de charme dans le vif de l’action.

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Page 1: Opération Casablanca / LeSoir-Echos - Casablanca en ligne de mire

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Jeudi 31 Mars 2011

Laurent Nègre, réalisateur suisse signe un nouveau long-métrage : Opération Casablanca. Comédie détonante autour d’un clandestin soucieux de s’en sortir dans la vieille Europe et dont le destin va être bouleversé. L’opus sera sur les écrans au Maroc le 13 avril 2011.

Casablanca en ligne de mire INTERVIEW

adapter et donc, d’adopter un autre discours. Nous avons besoin de dialo-gue. Tomber dans la réduction de la pen-sée est le fondement des régimes tota-litaires. Cela me fait penser au roman d’Orwell, « 1984 », dont le propos est toujours d’actualité.

Comment êtes-vous venu au cinéma ?J’ ai suivi des études de lettres modernes qui ne m’intéressaient pas car je n’avais pas le droit d’aller trop tôt vers une fi-lière artistique. J’ai ensuite été pigiste et j’ai collaboré au Courrier, quotidien indépendant suisse et j’ai également fait du dessin de presse. Je me suis enfin di-rigé vers la filière cinéma de l’école des Beaux-Arts en Suisse, puis je suis allé à Barcelone pour faire de la photogra-phie.

Que vous inspire la sortie casablancaise d’« Opération Casablanca »? C’est inespéré ! Il s’agit d’une pre-mière mondiale, c’est une chance doublée d’un honneur. Nous avons tourné à Casablanca, j’adore l’éner-gie de cette ville. J’y ai encore le sou-venir du casting, mes promenades noc-turnes, mes déjeuners et dîner dans un petit restaurant situé derrière le Palais de Justice, qui rassemblait une gale-rie de personnages, toutes catégories sociales confondues. ◆

marche pour s’inverser selon vous ?Oui, les gens sont fatigués et en ont assez d’être matraqués par cette réduc-tion entre le Nord et le Sud. Impossible aujourd’hui de ne pas tomber dans n’im-porte quel média sur les manifestations guerrières de l’Islam radical et les ré-ponses de plus en plus totalitaires des gouvernements occidentaux, submergés par des menaces et des attaques chaque jour plus déstabilisantes. Le vaste pu-blic du Nord comme du Sud et dont je fais partie, se retrouve pris en otage

dans une spirale de ter-reur, sans jamais la

moindre possibi-lité de respirer, de prendre du recul, d’essayer de se pencher sur les causes ou les ori-

gines du délabre-ment idéologique

et politique actuel. Si les pays arabes chan-

gent de l’intérieur, l’Occident sera

o b l i g e r de s’y

Pourquoi avez-vous choisi la comédie pour ce second long-métrage ?L’intention de la comédie s’imposait car elle impliquait des ressorts avec lesquels on peut jouer comme les codes du film de guerre ou de pseudo-espionnage. Le personnage principal, ce suspect idéal, réunissait les caractéristiques d’un per-sonnage totalement décalé. Alors qu’il devrait incarner à la perfection un agent double, il est par excellence, l’anti-héros. Il endosse un costume trop grand pour lui, mais dans le contexte de ce film, les agents secrets et les flics y croient dur comme fer. « Opération Casablanca » est à la fois une comédie et une farce sur notre époque. Saadi, est broyé par le fondamentalisme et la para-noïa sécuritaire. Il est de plus, vul-nérable, clandestin, on ne lui de-mande son avis à aucun moment comme on ne nous demande pas le nôtre.

La tendance est en

Opération Casablanca tord le cou aux préjugés qui stigmatisent le portrait du jeune arabe, ennemi public n°1 associé à l’image du terroriste car il est mu-sulman. Comment est née l’idée de ce film ?Après les événements du 11 septembre 2011, un ami marocain et moi-même avions eu envie de nous exprimer au sujet de la dégradation des relations entre le Nord et le Sud. Une ques-tion revenait sans cesse à nos esprits : comment évoquer ce réel terrifiant avec distanciation en ayant recours à une idée comique ? Le personnage de Saadi (Tarik Bakhari ) s’est peu à peu dessiné car il correspondait d’emblée au type normal. Son histoire est celle de milliers d’autres en Europe, il travaille dans la clandestinité car son employeur qui lui a promis de le régulariser, ne le fera jamais et parce qu’il est arabe et qu’il va se retrouver, par un concours de circonstances, au mauvais endroit au mauvais moment, il est considéré comme un terroriste. Travailler aux côtés de Tarik Bakhari a été fantas-tique, il porte le film et a su apporter de la justesse à son rôle plein de dualité.

p r o p o s r e c u e i l l i s p a r f o u z i a m a r o u f

Laurent Nègre (ph.Carole Parodi)

Yoshi Oïda pris en otage. Elodie Yung agent

de charme dans le vif de l’action.