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MUSIQUES HONGROISES DE TRANSYLVANIE Traditions du Gyimes et de la Grande Plaine HUNGARIAN MUSIC FROM TRANSYLVANIA Traditions of Gyimes and the Great Plain INEDIT Maison des Cultures du Monde

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W 260098 INEDIT/Maison des Cultures du Monde • 101, Bd Raspail 75006 Paris France • tél. 01 45 44 72 30 • fax 01 45 44 76 60 • www.mcm.asso.fr

MUSIQUES HONGROISES DE TRANSYLVANIETraditions du Gyimes et de la Grande Plaine

HUNGARIAN MUSICFROM TRANSYLVANIA

Traditions of Gyimes and the Great Plain

INEDITMaison des Cultures du Monde

Vous trouverez dans ce boitier un extrait du catalogue de Fonó Records, label hongrois qu'INEDIT a souhaité faire connaître à son public.

You will find in this box an excerpt of Fonó Records catalogue, a Hungarian label which INEDIT wishes to present to its listeners.

Ensemble de Magyarszovát / Magyarszovát ensemble

Collection fondée par Françoise Gründ et dirigée par Pierre BoisEnregistrements réalisés en 1997 et en 2000 au studio de la collection Utolsó Óra, Fonó Records(Budapest). Directeurs de collection : László Kelemen et Róbert Kerényi. Ingénieurs du son : TamásAsztalos, Géza Pénzes. Sélection des plages, montage numérique, notice : László Kelemen. Traduction :Dorothée Kovàcshàzy. Photos : Chérif Khaznadar et X (DR). Illustration de couverture, Françoise Gründ.Réalisation, Pierre Bois. © et OP 2001, Fonó Records et INEDIT/Maison des Cultures du Monde.

Cette production a bénéficié du concours de l'Institut Français de Budapest (direction, Robert Lacombe) et a étécoréalisée avec les éditions Fonó Records (direction, Sandor László) à l'occasion de la participation des artistesau cinquième Festival de l'Imaginaire (27 février – 6 avril 2001) organisé par la Maison des Cultures du Monde.

INEDIT est une marque déposée de la Maison des Cultures du Monde (direction, Chérif Khaznadar).

TRADITION DU GYIMES / TRADITION OF GYIMES

1. Danses de couple, rapide et lente / Pair dances, fast and slow ................................... 12’14”2. Complainte, hongroises lente et rapide / Lament, slow and fast Hungarian dances .... 11’47”3. Csárdás ........................................................................................................................... 10’04”

János Zerkula (1927), violon/violin • Regina Fikó Zerkula (1920), üto”gardon.

TRADITION DE LA GRANDE PLAINE / TRADITION OF THE GREAT PLAIN

4. Par une nuit sombre et sans étoiles / One dark starless night ...................................... 2’42”5. Accompagnement funèbre, chant de nuit de veille et danse tsigane

Funeral accompaniment, vigil night song and Gypsy dance ......................................... 4’46”6. Je croyais que tant que serait le monde… / I thought that as long as the world… ..... 4’08”7. Lente tsigane, danse tsigane, csárdás lent et rapide

Slow Gypsy, Gypsy dance, slow and fast csársás .......................................................... 19’47”

Mária Maneszes «Láli» (1924), chant/vocals (4, 6, 7).

Taraf de Magyarszovát / Magyarszovát Taraf : Andrei Csengeri «Árpi» (1948) & János Radák «Náci» (1943) : violons/violins (5, 7)Péter Kovács (1942) & János Botezán (1928) : altos à trois cordes / three-string violas (5, 7)Ioan Vintila «Endre» (1949), contrebasse/double bass (5, 7).

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En regardant la carte de l’Europe, onremarque à l’est une longue crête monta-

gneuse qui, telle une ébauche de coquille d’es-cargot, s'enroule sur elle-même. Ce colimaçonest formé par l’arête des Carpates et cache,dans sa partie arrondie, l’une des contrées lesplus riches et les plus diversifiées du folkloreeuropéen : la Transylvanie. Ce territoire atantôt fait partie de la Hongrie, tantôtconstitué une principauté autonome. La paixde Trianon, qui suivit la première guerre mon-diale, l’a attribué à la Roumanie, en reconnais-sance du rôle joué par cette dernière durant lapremière guerre mondiale et prenant ainsi actedu fait que la population transylvaine étaitdésormais majoritairement roumaine. C'estpourtant dans la diversité des origines de sapopulation que réside l’un des secrets de larichesse musicale de la Transylvanie.Aux trois nationalités historiques reconnuesdès le Moyen-Âge (les Hongrois, les Sicules, lesSaxons) s’ajoutèrent successivement lesRoumains, les Tatars, les Slovaques, les Juifs,les Tsiganes, les Arméniens. Chacun de cespeuples a, par ses apports successifs, contribuéau développement de la musique transylvaine.Le style, la saveur propres à cette musiquepopulaire ne peuvent se confondre ni avecceux de Hongrie ni avec ceux de la Roumanie

primitive (la région outre-carpatique), mêmes’ils sont incontestablement proches de ceuxde certaines contrées hongroises.Ce lien hongrois n’est pas un hasard : l'in-fluence de la magyarité, tout au long du der-nier millénaire, a été déterminante tant auplan politique qu'au niveau culturel. En effet,dans le bassin des Carpates, les courants cul-turels et les styles musicaux ont toujours cir-culé d’ouest en est, et donc à travers laHongrie. Preuve en est l’apparition tardive dustyle baroque à Kolozsvár 1. Dans l’architec-ture de cette ville, la Renaissance s’est ainsimaintenue pendant plus de cent ans après sadisparition en Occident en raison de l’occupa-tion turque qui a coupé la Hongrie en deux etisolé la Transylvanie de l’Occident.L’usage du violon et des instruments à cordesy apparaît dès le XVIIe siècle mais ne se géné-ralise qu’à partir de la deuxième moitié duXVIIIe siècle, période des Lumières et du Réveildes nations. Dès lors, les instruments à cordesévincent définitivement les instruments àvent (cornemuse, chalumeau) jusqu’alors cou-ramment utilisés dans la musique tradition-nelle transylvaine et le quatuor, composé surle modèle occidental de deux violons, d'un

MUSIQUE HONGROISE DE TRANSYLVANIETraditions populaires du Gyimes et de la Grande Plaine

1. Cluj en roumain, Klausenburg en allemand (NdT).

alto et d'un violoncelle (ou contrebasse), sedéveloppe et se maintient jusqu’au début duXXe siècle, avec différentes variantes locales.En général, les formations dépendent forte-ment de la richesse de la région. Dans les cam-pagnes aisées, la collectivité entretient unorchestre important, comprenant des instru-ments variés, contrairement aux autresvillages moins opulents.Le violon est le partenaire incontournable etl’instrument principal de ces orchestres.Dans les enregistrements de la région deGyimes, il a ceci de particulier qu’il possèdesous la corde de la une corde sympathique. Ilest accompagné d’un autre instrument particu-lier appelé en hongrois üto”gardon. Cet instru-ment au corps de violoncelle, accordé sur unenote (en général le ré aigu), autrefois fabriquéde façon artisanale et qui était utilisé dans toutle comitat de Csík 2 par les Sicules comme parles Roumains, donne la cadence aux danseurs.De nos jours il a été refoulé dans les valléesreculées des Carpates orientales, comme dansla région du Gyimes 3. Ses cordes sont frappéesavec une baguette, mais l’une d’entre elles estpincée avec la pulpe du doigt, ce qui la fait cla-quer sur la touche de l’instrument. Le deuxième orchestre que l’on peut entendredans ces enregistrements vient de la partiecentrale de Transylvanie, le Mezo”ség (GrandePlaine). C’est un orchestre qui utilise exclusi-

vement des instruments à cordes, deux vio-lons, deux altos conçus spécialement pourl’ensemble, et une contrebasse. Cette forma-tion instrumentale existe depuis les annéessoixante et la mode des divertissements àgrand effectif. Auparavant, deux instrumentsidentiques coexistaient rarement, le violon-celle (petite basse) suffisant la plupart dutemps à équilibrer le duo violon et alto. Lesviolons sont ici conformes à l’usage, et c’estsurtout l’alto qui mérite notre attention, caron en a modifié le jeu harmonique en rac-courcissant le cordier et y tendant trois cordesaccordées de façon particulière (sol - ré1- la). Autrefois tous les instruments étaient cordésen boyau, sauf la chanterelle du violon quiétait confectionnée dans du fil de téléphone,et la corde de sol qui était filetée de cuivre àl'instar des cordes de guitare. Fabriquées avecde la panse de taureau jusque dans les annéessoixante, les cordes artisanales ont été rem-placées par des cordes industrielles, plussonores et plus économiques. La panse de tau-reau n’est plus guère utilisée que pour lacontrebasse.Chaque instrument de l'orchestre, placé sous laconduite du violon, joue la mélodie à samanière : le violon dans l'aigu et dans un stylerichement ornementé, la contrebasse dans legrave et dans un style simple et isorythmiqueet, entre ces deux extrêmes, les deux altos quiaccompagnent la mélodie de leurs accordsmajeurs et de leurs mixturae. Cette musiquecomprend de nombreux éléments archaïques

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2. Cuic en roumain (NdT).3. Ghimes en roumain (NdT).

qui laissent à penser que l’on peut apprendre lavéritable ornementation baroque auprès dupremier violon d’un orchestre transylvain.L’accompagnement dans le mode majeur faitmieux ressortir la mélodie, évoquant en nousl’idéal médiéval de la sonorité majeure parfaite.La caractéristique principale de cette musiquede danse est le rythme accentué sur la pre-mière pulsation, et ce pour chaque instru-ment. Tout y est très sonore, il n’y a pas d’hé-sitation dans la dynamique. Chaque pièce estconstruite sur une succession de mélodieslibrement associées, l’orchestre improvisant àl’intérieur du cadre des règles de la danse. Onnotera également que le tempérament utilisé,antérieur au tempérament égal, sonne faux àune oreille occidentale moderne. Les notes,par rapport aux règles de l'acoustique, sont enpermanence tirées vers le haut, contribuantainsi à produire une musique plus «tendue».Cette manière de jouer est aussi celle de lamusique du Gyimes : il suffit d’écouter la voixinférieure du jeu de violon en doubles cordes.Si, à partir de ces deux notes, on imagine desaccords parfaits, ceux-ci sont majeurs, mêmelorsque les mélodies sont en mode mineur.Les deux formations instrumentales présen-tées sur ce disque sont représentatives de deuxterritoires transylvains, gardiens l’un commel’autre d’anciennes musiques populaires maisfort éloignées les unes des autres, à l'instar deleur distance géographique. Ces différences semanifestent non seulement dans la manièrede traiter les instruments, mais aussi dans

celle d’aborder les chants. La plupart desmélodies mélangent les deux styles vocauxhongrois, le plus récent et le plus ancien. Lestextes sont improvisés sur de vieilles mélodieshongroises et expriment en général l’humeurdu chanteur, ses joies ou plus fréquemmentencore ses peines. (C’est pourquoi ces enregis-trements comprennent plusieurs fois le mêmetexte, avec parfois des suites différentes.)Le chant alterne avec la déclamation et, dansde nombreux cas (par ex. dans la dernièreplage), des interjections ou des cris de joiependant les danses (csujjogatások) sont inté-grés au texte de la chanson. L’origine destextes est accessoire, car à côté des œuvrespopulaires, le chanteur intègre également desfragments de poésie savante ou des vers degrands poètes hongrois appris à l’école.

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Les musiques présentées dans ce disque sontradicalement différentes de celles qu’évoquele terme musique populaire hongroise pour l’au-diteur moyen d’Europe occidentale et mal-heureusement pour beaucoup de Hongrois.En effet, ceux-ci se réfèrent généralement à lamusique interprétée par les Tsiganes et quicomprend aussi bien des musiques de restau-rant (que les Hongrois qualifient sommaire-ment de musique tsigane) ou les musiques ins-trumentales villageoises : danses populaireshongroises, roumaines, saxonnes, juives, etc.,

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que les musiciens tsiganes perpétuent depuisdes générations. Ces derniers possèdent enfin– trésor jalousement gardé – leur propremusique traditionnelle qu'ils réservent à l'inti-mité de leur communauté.Toutes ces musiques populaires sont à l'ori-gine d'une confusion dont Liszt lui-même fitles frais dans son étude Des Bohémiens et deleur musique en Hongrie (Bourdilliat, Paris,1859). Ses remarques sur le caractère tsiganedes musiques qu'il étudiait suscitèrent à sagrande surprise une vive indignation chez lesHongrois : des aristocrates hongrois, musi-ciens amateurs, en avaient composé la plusgrande part, ils les jouaient avec des musi-ciens tsiganes, mais n'admettaient pas qu’onles qualifiât de tsiganes.Comment ces musiques ont-elles été ainsiconfondues ? La musique populaire hongroiseprimitive, vieille de plusieurs milliers d’an-nées, que tant de personnes ont recherchée auXIXe siècle – à l’époque du Réveil des nations –mais que seul Bartók a retrouvée au début duXXe siècle, était une musique vocale à unevoix qui, avant l'arrivée des instruments àcordes, pouvait être interprétée sur des instru-ments à vent (flûte, cornemuse, chalumeau)ou à la vielle à roue. Vers la fin du XVIIIe siècle, les violonistes lesplus doués des ensembles, les premiers violons,commencent à jouer leurs propres composi-tions, et même à les noter ou à les faire trans-crire (Bihari, Lavotta). La tsiganisation – lamode du jeu avec les Tsiganes – se généralise

parallèlement au réveil national hongrois (lesLumières). On assiste alors au sein de la com-munauté tsigane à la naissance d'une casteprivilégiée qui perd peu à peu le contact avecsa propre musique populaire. Ces orchestrestsiganes sont fréquemment engagés au servicedes aristocrates, au même titre que des com-positeurs tels que Haydn ou Schubert.Parallèlement, les Habsbourg créent en 1715une armée régulière et se servent de lamusique comme tactique de recrutement. Ilscontribuent ainsi à la naissance d'un nouveaugenre fondé sur les musiques de danse mascu-line : le verbunkos 4, qui inspire nombre demusiciens, dont des Tsiganes. Le verbunkosdevient le socle d'une nouvelle musique tsiganequi est organisée, exploitée et rémunérée parles nobles et les bourgeois hongrois, et qui serépand en Hongrie et en Occident sous lenom de musique populaire hongroise et aural'influence que l'on sait sur des compositeurstels que Liszt ou Brahms.Après la découverte de la véritable musiquepopulaire hongroise, les disciples de BélaBartók vont s'acharner dans de nombreuxarticles à expliquer avec patience – et non sansexaspération – la différence entre ces deuxmusiques. Mais les folkloristes et les musiciens,étrangers et hongrois, opposent à ces thèsesincompréhension voire hostilité, les considé-rant comme une mise en cause de leurs proprestravaux, tandis que les spécialistes roumains ou

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4. Le terme dérive du verbe werben, recruter (NdT).

slovaques n’y voient que nationalisme et révi-sionnisme. Et force nous est donc de constaterque cette musique populaire n'est toujours pasreconnue par le grand public.Comme tous les militants, Bartók et Kodály selaissent parfois aller à l'exagération. Aujour-d’hui, avec le recul, exclure du corpus popu-laire hongrois, dans la recherche de la puresource ancestrale, les danses instrumentalesjouées par les Tsiganes apparaît comme uneerreur de compréhension et d’idéologie. Cestravaux ont cependant une valeur inestimablecar ils s'appuient sur le collectage et l'étude sys-tématique du chant populaire hongrois et sursa comparaison avec les chants populaires despays voisins avant leur disparition 5.Bartók et Kodály se sont donc peu intéressés àla musique populaire à cordes dans leurs tra-vaux. Leurs successeurs, réunis autour deLászló Lajtha, y ont en revanche remédié àpartir des années quarante grâce à un impor-tant travail de collectage 6.La danse et la musique populaire instrumen-tale, qui est par essence une musique de danse,a toujours été influencée par les modes.L'engouement pour le csárdás, par exemple,gagne les villages et les ensembles tsiganeslocaux soucieux d'être à la page, ce qui lui vautd'être appelé «danse tsigane» par les bergers quien soulignent ainsi le caractère étranger. Vers la

fin du XIXe siècle, nombre de chants populairesassez médiocres, de csárdás, de complaintes etde rengaines composés dans ce style nouveaupar des musiciens plus ou moins professionnels,sont reproduits à peu de frais par de petits édi-teurs (parfois en supplément d’un magazine demode) et diffusés dans tout le pays. Cet engoue-ment se propage dans toutes les couches de lapopulation et atteint les villages au début duXXe siècle. D’ailleurs dès 1907, dans sa collec-tion Le pays des Sicules, Bartók se plaint que lesthèmes d'opérettes à la mode évincent peu àpeu les chants traditionnels. Les musiciens devillages, imitant leurs collègues tsiganes de laville, intègrent aussi de nombreux csárdás dansleur répertoire, les adaptant à leur goût commeils l’avaient fait auparavant avec les autresdanses à la mode. De nos jours, lors de nocesvillageoises, ce sont ces mélanges de musiquesfolklorisées que l’on entend le plus fréquem-ment. Mais il n'est pas rare que vers la fin de lafête, telle une pépite, on entende un air diffé-rent, lié à d’autres rites. «Maintenant on joue enhongrois» s’écrient les musiciens. Cela fait biensûr référence au csárdás mais aussi à ces dansesbeaucoup plus anciennes, également appelées«hongroises» pour les différencier dans cetteTransylvanie plurinationale des danses étran-gères apportées par la mode. C’est le cas de lahongroise lente et rapide du Gyimes jouée parl’ensemble Zerkula (pl. 2), mais aussi de laDanse hongroise de Szovát dont beaucoup demélodies sont connues et dont deux d’entreelles peuvent être entendues sur la plage 6.

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5. À ce jour nul autre que le “nationaliste” hongroisBartók n’a collecté autant de chansons populairesroumaines.6. Voir par exemple la série de disques Pátria.

LES INTERPRÈTESNos informateurs font partie de cette anciennegénération dont l'enfance a baigné dans la plé-nitude d'une culture traditionnelle et d'unmode de vie paysan. La collectivisation et lesautres méfaits du socialisme ont nui à leurtransmission aux générations suivantes. Après1989, l’ouverture des frontières et l’invasion dela société de consommation occidentale et del’économie de marché en Transylvanie a portéle coup de grâce à cette culture qui a très rapi-dement été refoulée à la périphérie de lamémoire collective. La collection de chants traditionnels Utolsó óra 7

dont sont issus ces enregistrements a été crééepour proposer une alternative à ce funeste étatde choses et, dans l'hypothèse où cette culturedisparaîtrait un jour, conserver les matériauxnécessaires à la reconstruction de notre maisonou de celle de nos voisins. Pour l’instant, cetravail de collectage s’étend sur tout le bassindes Carpates et à toutes les nationalités quil’habitent. La collection comprend plus de1000 heures d’enregistrement et nous espéronsêtre en mesure de dire, à la fin de notretravail, que nous laissons à nos descendants laplus grande collection du XXe siècle.Le taraf de Magyarszovát 8 est un ensemblevillageois composé de musiciens tsiganes quiont consacré toute leur vie à accompagner lesévénements importants de la vie du village :

mariages, bals, funérailles, etc. Leur formationcorrespond au double ensemble classique :deux violons, deux altos à trois cordes, unecontrebasse. Ils interprètent dans un style trèsarchaïque la musique de la plaine transyl-vaine composée principalement de musiquesde danse. Il arrive également qu'ils se produi-sent pour les communautés roumaine et tsi-gane. Mária Maneszes «Láli», née Mária Tóth,est une paysanne de Szovát ; elle chante dansun style ancien, très ornementé, qui rappelleles origines asiatiques du peuple hongrois. Le duo János Zerkula et Regina Fikó esttypique de la région des Carpates orientales etplus particulièrement de la communauté desCsángós, Hongrois établis dans la vallée de laTatros 9. Cet ensemble se compose générale-ment d'un homme jouant du violon et de safemme qui l'accompagne au üto“gardon ; l'argentgagné lors de leurs prestations reste ainsi dans lafamille. Cette région se caractérise par un grandnombre de danses populaires (environ trente-deux) dont quelques unes ont été sélectionnéesici et présentées sous leur forme médiévale :danse lente puis danse rapide auxquelles peu-vent être ajoutées des complaintes chantéeselles aussi dans un style très archaïque.

LÁSZLÓ KELEMEN

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7. «La dernière heure», Éditions Fonó, Budapest.8. Suatu en roumain (NdT).

9. Trotus en roumain (NdT).

1. Danses de couple, rapide et lente.

2. Complainte du Gyimes, hongroise lenteet hongroise rapide.

Complainte :1) Chagrin, chagrin, que tu es lourd,

Tant de temps tu as passé dans mon cœur.

Dis-moi douleur où allerPour rester de toi éloignée.

Où que je demeureToujours là est la douleur.

Mon Dieu, pourquoi me maudis-tu ?Dieu très saint pourquoi me maudis-tu ?Et si je ne le méritais pas ?

Pourquoi me maudis-tu plus que d’autres ?Je n’étais pas plus coupable.

2) D’où tu es, je me fousMoi non plus je ne suis pas d’ici.

Car moi je viensDe là où l’étoile brille.Dis-moi, chagrin, où allerPour rester de toi éloigné.

Où que je demeure Toujours là est la douleur

Quand le chagrin a été distribué,Moi j’étais le premier.C’est à moi qu’on en a le plus donné.

Que la mort emporte mon cœurQuand il le trouvera de bonne humeur.

Hongroise lente :1) Si je pouvais avoir à nouveau vingt ans,

Les filles de tous côtés je regarderais.Je choisirais une vraie amoureuseQui patienterait ces trentes années.

Je tourne ma bague dans ma main droite,J’attends chez moi mon ancienne amoureuseCar avec elle je mène une existenceQue je ne changerai pas même pour sa Majesté.

2) Dans ma cour il y a une auge,Dedans y boivent trois cents moutons.Je suis le gardien de l’eau,L’amoureux d’une petite brunette.

Dans ma cour il y a deux poulets,L’un est un coq l’autre une poularde.Viens chez nous, ma mie, aux aguets,On en fera un bon souper.

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MUSIQUES DU GYIMESJános Zerkula (violon) et Regina Fikó (uto“gardon)

Viens chez nous, ma mie, ce soir,On en fera un bon souper.

3) Que ta mère aille au diable,Aime-moi et pas ta mère.Aime-moi, pas ta vieille mère.C’est moi qui ait embrassé tes joues rouges,Embrasse-moi, pas ta vieille mère.C’est moi qui ait embrassé ton visage ridé.

Douze, treize, quatorze,Dis-moi, ma mie, où t’en vas-tu ?Je cherche mon amoureux de l’été passéPour lui demander s’il m’aime vraiment.

Il y a treize volants à ma robeJe croyais me marier cet été.Mais je vois bien qu’il n’en sera rien.Douze, je peux en faire enlever.

Hongroise rapide :Le train s’en va, le train s’en va à Kanizsa.De Kanizsa, de Kanizsa à Kolozsvár.Il est mené par le machinisteQui dirige la locomotive, la locomotive.Si je meurs enterrez-moi dans une cave à vin.Sur ma tête plantez du raisin.Pour que tout le monde sache,Qu’ici repose un vagabond qui aimait le bon vin.

J’ai eu des amoureuses, j’en ai eu treize.Dix sont parties, il m’en restait trois.Deux m’ont trompé, il n’en restait qu’une.Celle-là, celle-là, c’est moi qui la trompe.

3. Csárdás.

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4. Par une nuit sombre et sans étoiles.Mária Maneszes, chant solo.

Par une nuit sombre et sans étoiles, par une nuitsombre et sans étoiles, j’ai traversé le pré fleuri.Là, j’ai vu une âme orpheline, elle a écouté ceque je disais.Je ne parle de rien que de mon ancienne amante.Je ne parle de rien que de mon ancien amour.Si j’avais su, si de Dieu j’avais suQue mon cœur se séparerait, que mon cœur seséparerait du tien,J’aurais donné cent florins en petite monnaiemais je ne t’aurais pas aimée.Forêts, champs, bois sauvages, forêts, champs,bois sauvage, cachez-moi.Cachez-moi parmi les bêtes sauvages, que jepleure avec les petits oiseaux, aïe aïe aïa…

5. Accompagnement funèbre, chant denuit de veille et danse tsigane.Taraf de Magyarszovát.

6. Je croyais que tant que le monde.Mária Maneszes, chant solo.

1) Je croyais que tant que serait le monde,Brûlerait la lueur de la bougie.

Mais je vois qu’elle se consume,Ma rose me tient rancune.Si elle me tient rancune, on se réconciliera,Quand la prunelle mûrira.Elle deviendra hâlée,Mon cœur aspire au doré.

Elle sera noire,Mon cœur aspire au blond.La blondeur vient de Dieu,Le brun c’est l’eau qui le drosse.

Buisson de roses sur la pente de la colline,Niche-toi sur mon épaule, ma colombe.Chuchote à mon oreille que tu m’aimes,Ah, que j’aime cela.

2) Ah, je partirais si je le pouvais,Si j’étais un oiseau libre,Toi, ma rose, tu es un oiseau libre,Et pourtant tu viens si peu me voir.

Si j'étais libre, tous les soirs je serais près de toi,À ta fenêtre, je roucoulerais,À ta fenêtre je roucoulerais.Ah, mon Dieu, quelle vie heureuse possèdeCelui qui vit sans chagrin.Moi j’aimerais vivre sans chagrin,Mais le chagrin ne peut vivre sans moi.

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MUSIQUES DE MAGYARSZOVÁTMária Maneszes (chant) et le Taraf de Magyarszovát.

Que celui qui ne veut pas vivre avec le chagrin,Aille habiter au paradis.Qu’il se fasse une maison aux cieuxCar là-bas nulle douleur ne pénètre.Douleur, douleur que tu es dure,Cela fait si longtemps que tu es dans mon cœur.Sors de mon cœur,Car j’en ai assez de ta fidélité.

Je t’ai aimée un moment,De mardi à mercredi.N’est-ce pas, ma mie, c’était long,Que tes poumons sèchent en toi.Je ne te maudis pas car telle n’est pas monhabitude,Que mon soupir soit châtié,Ainsi que mes larmes amères, la la la …

Que treize étagères de droguesNe suffisent pas à te guérir,Que treize chariots de paillePourrissent dans ton lit,Que tes enfants soient au nombre de neufEt que les neuf soient des garçons.Que le dixième soit une filleEt que celle-ci soit une telle salopeQue sa réputation se répande dans sept pays,aïe la la la…

7. Lente tsigane, danse tsigane, csárdás.Taraf de Magyarszovát et Mária Maneszes.

Lente tsigane :Chère mère pourquoi m’as-tu mise au monde ?Pourquoi ne m’as tu pas jetée dans l’eautrouble de la Tisza ?La Tisza m’aurait menée au Danube,Et je ne serais la maîtresse rejetée de personne.

Danse tsigane :(cris de joie)

Là-haut au sommet de la montagne,Là-haut vit mon amoureux.Il agite un mouchoir blanc,Il me fait signe de venir.Mais je n’irai pas là-bas,Car si j’y vais,Je serai sa maîtresse.

Allez, les gars,Comme vous vous branlez lentement,Je vais vous donner un coup de mainEt vous vous branlerez plus vigoureusement.

(chant)Ma mère m’a mauditQuand elle m’a mis au monde,Elle m’a souhaitéUne jeunesse malheureuse.

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Le temps est triste, aïe comme je suis tristeSur la terre sèche, même la fleur se fane.Moi aussi quand j’existais, j’existais.J’étais une fleur parmi les fleurs, eh la la la la.

Qu’il est mauvais le jardinier sur lequel je suistombé !Entre ses mains je me suis flétri, aïe la la la la.

Qu’est-ce qui souille les plumes du canard ?Qu’est-ce qui a fait grandir le ventre de ma mie ?Aïe la la la la.

Fugue :Ce n’est pas, ce n’est pas,Ce n’est pas ma faute.Mon amoureux m’a quittée,Ce n’est qu’une excuse.Je le serre dans mes bras, je l’embrasse,Je le tiens sur mon cœur.Je rentre à la maison tous les soirs,Parce que moi je l’aime.

(cris)À Debrecen on a crié au son du tambourDe ne plus vendre de carottesCar les filles en achètent pleinEt se les mettent entre les cuisses.

L’une d’elle a jugé la sienne trop fine,Elle s’est rendue chez le juge,«Monsieur le juge, rendez justiceCommandez-m’en une plus épaisse».

János Zerkula & Regina Fikó Zerkula

Taraf Magyarszovát & Mária Maneszes

Roumanie / RomaniaPlaine de Transylvanie et Carpates orientalesTransylvanian Plain and Eastern Carpathians

Looking at a map of Europe, we see to theEast a long mountain ridge which seems to

curl in on itself like a snail shell. This spiral isformed from the Carpathian ridge andconceals one of the richest areas in Europe interms of folk culture: Transylvania. At some points in history it belonged toHungary, at other times it was an autono-mous principality. The Trianon peace treatywhich followed the First World War gaveTransylvania to Romania in gratitude for therole which it played during the war and inrecognition of the fact that its populationwas at that time mostly Romanian. Never-theless, the musical richness of Transylvaniareflects the diversity and the various originsof its population.In addition to the three ethnic groups reco-gnised as of the Middle Ages (the Hungarians,the Szeklers and the Saxons) there cameRomanians, Tatars, Slovaks, Jews, Gypsies, andArmenians. Each of these peoples made theircontribution to the development of Transylva-nian music. The style and the specific flavourof this folk music are not the same as those ofHungary nor of historical Romania (the regionbeyond the Carpathians), even though it is ob-viously close to that of some regions ofHungary.

The Hungarian link is not a coincidence:throughout the last millennium the Magyarinfluence was a determining factor both poli-tically and culturally. In the Carpathian basin,cultural trends and musical styles have alwaysmoved from West to East, going throughHungary. One example is the late appearanceof the baroque style in Kolozsvár 1. Renais-sance style was maintained in the city's archi-tecture for more than one hundred years afteris disappearance in the West due to theTurkish occupation which cut Hungary in twoand isolated Transylvania from the West.The use of the violin and other string instru-ments appeared here as of the 17th century butwas not common until the second half of the18th century, with the Age of Enlightenmentand the Rise of Nations. At that time stringedinstruments took the dominant place fromwind instruments (bagpipes, chalumeaus)which until then had been the most com-monly used instruments in Transylvanianfolk music and the quartet, based on theWestern model with two violins, a viola and acello (or double bass), developed and conti-nued until the beginning of the 20th century,with various local variations. In general, the

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HUNGARIAN MUSIC FROM TRANSYLVANIAFolk traditions from Gyimes and the Great Plain

1. Cluj in Romanian, Klausenburg in German.

groups depended on the wealth of theirregions. In wealthy areas, the communitycould support a large orchestra with variedinstruments, while poorer villages could not.The violin is the key instrument in theseorchestras. In the recordings from the region ofGyimes 3, it has a sympathetic string under-neath the A string. It is accompanied by ano-ther special instrument called üto”gardon inHungarian. This instrument with the body of acello is tuned to one note (in general the highD). It used to be made by artisans and was usedthroughout the comitat of Csik 2 by the Szeklersand the Romanians. It gives the rhythm to thedancers. Nowadays it is found only in valleysdeep in the Eastern Carpathians, for examplein the region of Gyimes. Its strings are struckwith a stick, but one of the strings is pinchedwith the soft part of the fingers, making it slapthe fingerboard of the instrument. The second orchestra which can be heard onthese recordings comes from the central part ofTransylvania, the Mezo”ség (Great Plain). Thisorchestra uses only stringed instruments, twoviolins, two violas designed specially for theensemble, and a double bass. This instrumentalgroup was founded in the 1960's at a timewhen parties for large groups of people cameinto fashion. Before, two identical instrumentsrarely coexisted; the cello (small bass) wasusually sufficient to strike a balance with the

violin and viola duo. The violins here are stan-dard, it is the viola which is unusual because itsstring configuration was altered by shorteningthe tail piece and putting on three stringstuned in a special way (G-D1-A). All the instruments used to be stringed with gutexcept for the E-string of the violin which wasmade of telephone wire, and the G-string whichwas threaded with copper as for guitar strings.The strings were hand-made from bull gut untilthe 1960's, but were replaced with more sono-rous and cheaper industrial strings. Bull gut isnow hardly used except for the double bass.Each instrument of the orchestra, led by theviolin, plays the melody in its own way: theviolin in the high register and in a richly orna-mented style, the double bass in the low registerand in a simple and isorythmic style. Betweenthese two extremes, the two violas accompanythe melody with their major chords and mix-turae. This music includes many archaic fea-tures which suggest that real baroque ornamen-tation could be learned from the first violin of aTransylvanian orchestra. The accompanimentin major emphasises the melody, reminding usof the medieval ideal of perfect major sonority.The main characteristic of this dance music isthe rhythm accented on the first beat for all ins-truments. The music is very sonorous and thereis no dynamic hesitation. Each piece is built ona sequence of freely associated melodies, theorchestra improvising according to the rules ofthe dance. The temperament, which predatesthe equal temperament, sounds out of tune to

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2. Cuic in Romanian.3. Ghimes in Romanian.

modern Western ears: the notes, with respect tothe rules of acoustics, tend to be sharp, givingthe music a “tense” feel. This style of playing isalso heard in the music of Gyimes and can beobserved in the lower voice of the double stopviolin playing. If we imagine perfect chordsbased on these two notes, they are major, evenwhen the melodies are in minor.The two instrumental groups presented on thisCD are representative of two Transylvanianregions, both guardians of ancient folk musictraditions but differing strongly from eachother as they are distant geographically. Thesedifferences appear in the playing of instru-ments and also in singing. Most of the melo-dies mix the two Hungarian vocal styles, themost recent and the older. The texts are impro-vised on old Hungarian melodies and generallyexpress the mood of the singer, his joy or, morefrequently, his woes. (That is why these recor-dings sometimes have the same text appearingseveral times with different continuations.)The song alternates with declamations and, inmany cases (e.g. the last track), interjections orcries of joy during the dances (csujjogatások)which are included within the text of thesong. The origin of the texts is of secondaryimportance. Along with folk lyrics, the singermay also include fragments of literary poetryor lines of poetry from the great Hungarianclassics which they studied in school.

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The music presented on this CD differs stri-kingly from that which the term Hungarianfolk music would evoke for the average listenerin Western Europe and, unfortunately, formany Hungarians. This term generally refersto music played by Gypsies and which includesrestaurant music (which the Hungarians simplycall gypsy music) or instrumental village music:Hungarian, Romanian, Saxon, Jewish folkdances, etc., which Gypsy musicians havebeen playing for generations. These Gypsymusicians also know their own folk musicwhich is treated as a jealously protected trea-sure reserved for their own community.It was these folk musics which caused themisunderstanding of which Liszt himself isrevealed to be a victim in his study DesBohémiens et de leur musique en Hongrie 4

(Bourdilliat, Paris, 1859). His comments onthe Gypsy nature of the music which he stu-died aroused considerable indignation amongHungarians, much to his surprise. Hungarianaristocrats – amateur musicians – had writtenmost of these pieces and played them withGypsy musicians, but didn't want themreferred to as Gypsy music.How did these musical styles come to beconfused in this way? The original Hungarianfolk music, with several thousand years of his-tory, was sought by many people during the19th century but was rediscovered by Bartókonly at the beginning of the 20th century. It was

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4. The Gypsies and their music in Hungary.

monophonic vocal music which, before thearrival of string instruments, could be playedon wind instruments or on the hurdy-gurdy. Towards the end of the 18th century, the mostgifted violinists of the ensembles, the first vio-lins, began to play their own compositionsand even to notate them or have them trans-cribed (Bihari, Lavotta). Gypsyisation – thefashion of playing with the Gypsies – deve-loped at the same time as the revival ofHungarian nationalism (the Age ofEnlightenment). This led to the formationwithin the Gypsy community of a privilegedcaste which gradually lost touch with its ownfolk music. The gypsy orchestras were fre-quently hired by aristocrats, as were compo-sers such as Haydn or Schubert.In 1715 the Habsburgs established a standingarmy and used music as a recruiting tactic.They thereby contributed to the developmentof a new genre based on male dance music:the verbunkos 5, which inspired many musi-cians, including Gypsies. The verbunkosbecame the basis of a new gypsy music whichwas used and paid for by Hungarian noblesand middle-class, and which spread inHungary and in the West under the nameHungarian folk music, influencing composerssuch as Liszt and Brahms.After the discovery of real Hungarian folkmusic, the followers of Béla Bartók turned out

many articles to explain with patience – andsometimes exasperation – the difference bet-ween these two types of music. But musicolo-gists and musicians, both Hungarian andforeign, reacted to these theses with incom-prehension or even hostility, seeing them aschallenges to their own work, whileRomanian and Slovakian specialists saw themark of nationalism and revisionism. Wemust also recognise that this folk music is stillnot acknowledged by the general public.Like all activists, Bartók and Kodály some-times went a bit too far. Today, with hind-sight, excluding instrumental dances playedby Gypsies from the sphere of Hungarian folkculture in order to seek its pure ancestralsource seems misguided and ideological. Thiswork was invaluable however because it wasbased on the systematic collection and studyof Hungarian folk song and their comparisonwith folk songs of neighbouring countriesbefore their disappearance 6.Bartók and Kodály thus did not focus on folkmusic for string instruments in their work.Their successors, led by László Lajtha, reme-died this with substantial collection workstarting in the 1940's 7.Instrumental folk dance and music, which isessentially dance music, has always movedwith the fashions. The passion for the csárdás,

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6. To this day, no one has collected more Romanianfolk songs that the Hungarian “nationalist” Bartók.7. See for example the Pátria record series.

5. This term is derived from the verb werben, torecruit.

for example, swept villages and local Gypsyensembles who wanted to be up to date withthe latest trends, leading to its being called“Gypsy dance” by shepherds who thus indi-cated its foreign nature. Toward the end of the19th century, many mediocre folk songs,csárdás, laments and refrains composed inthis new style by more or less professionalmusicians were printed at low cost by smallpublishers (sometimes as supplements to afashion magazine) and distributed through-out the country. This fad spread through allclasses of the population and reached the vil-lages at the beginning of the 20th century. In1907, in his collection The Country of theSzeklers, Bartók complained that themes fromfashionable operettas were gradually repla-cing folk songs. Village musicians, imitatingtheir urban Gypsy colleagues, included manycsárdás in their repertoires, adapting them totheir tastes as they had done in the past forother fashionable dances. Nowadays, at vil-lage weddings, it is most often these mixturesof folk-influenced musics which are heard.But it is not uncommon, towards the end ofthe party, to hear some different tune, linkedto other rites. “Now we will play in Hungarian”say the musicians. This may refer to csárdás ofcourse, but also to much older dances whichare also considered “Hungarian” to distin-guish them in this multi-ethnic Transylvaniafrom foreign dances which arrived with thefashions. This is the case for the Slow and fastHungarian dance from Gyimes played by the

Zerkula ensemble (track 2), but also theHungarian dance from Szovát for which manymelodies are known, two of which can beheard on track 6 of the CD.

THE PERFORMERSOur informants are from this older generationwhich grew up in the fullness of traditionalculture and the rural way of life.Collectivisation and the other errors of socia-lism hindered the transmission to theyounger generations. After 1989, the openingof the borders and the invasion of Westernconsumer society and the market economyinto Transylvania came as a death blow to thisculture, which rapidly withdrew to the peri-phery of the collective memory.The folk song collection Utolsó óra 8 whichthese recordings come from was created tooffer an alternative to this disastrous state ofaffairs and, in the event that this culturemight one day disappear, to preserve thematerials needed for the reconstruction of ourhouse or that of our neighbours. For themoment, this collecting work extends throu-ghout the Carpathian basin and includes allethnic groups inhabiting the region. The col-lection includes more than 1000 hours ofrecordings and we hope that, at the end of ourwork, we can claim to have left our descen-dants the largest collection of the twentiethcentury.

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8. “The last hour”, Fonó Records, Budapest.

The Magyarszovát 9 taraf is the Gypsy bandof the village. Throughout their lives they haveperformed for their community at major vil-lage events (weddings, balls, funerals, etc.).They are a "classical" double band (two violins,two three-stringed violas, one double bass).They perform music of the TransylvanianPlain, especially dance music, in avery archaic way. The group'ssinger is an old peasantwoman whose voicedelights us with a veryancient Asian style ofsinging from the timeswhen the Hungarianswere there.

János Zerkula and Regina Fikó are a couple ofmusicians from the Eastern Carpathian moun-tains. In the valley of the Tatros River10 therelives the Csángós, a Hungarian ethnic groupwho use unusual instrumentation for theirmusic. The husband plays the fiddle and the

wife the üto”gardon, a percussive, cello-likeinstrument. The region has many

folk dances (about 32) of whichwe have selected just a few,

arranged regularly in themedieval form of pair

dances (slow and faster),and also laments, alsoperformed in a veryarchaic style.

LÁSZLÓ KELEMEN

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9. Suatu in Romanian. 10. Trotus in Romanian.

1. Pair dances, fast and slow.

2. Lament from Gyimes, slow and fastHungarian dances.

Lament :1) O sorrow, sorrow, how heavy you are,

You have been in my heart for so long.

Tell me, my troubles, where to go,To get away from you.

Wherever I am,My pain is always with me.

O God, why do you curse me,O most holy God, why do you curse me,Do I deserve it?

Why am I cursed more than others,I was no more guilty.

2) I don't care where you come from,I am not from around here either.

I come from the placeWhere the star shines.Tell me, my troubles, where to go,To get away from you.

Wherever I amMy pain is always with me.

When the sorrows were distributed I was first in line, I was the one who received the most.

May death take my heart When it finds it in a good mood.

Slow Hungarian1) If I could be twenty years old again,

I would watch all of the girls.I would choose one who was really in love, Who would wait for thirty years.

I turn my ring in my right hand,I wait at home for my belovedBecause with her I have such a life That I would not change it even for her Majesty.

2) In my courtyard there is a trough,Three hundred sheep drink there.I am the guardian of the water,The beloved of a little brunette.

In my courtyard there are two chickens One is a rooster, the other a fatted henCome to our house, my beloved, on the watchWe will make a good supper.

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MUSIC OF GYIMESJános Zerkula (violin) and Regina Fikó (uto“gardon)

Come to our house, my beloved, this eveningWe will make a good supper.

3) May your mother go to hell,Love me, and not your mother.Love me, not your old mother.I was the one who kissed your red cheeks. Kiss me, not your old mother.I was the one who kissed your wrinkled face.

Twelve, thirteen, fourteen,Tell me, my beloved, where are you going?I am looking for my beloved of last summerTo ask him whether he really loves me.

My dress has thirteen flounces,I thought I would get married this summer.But I see that it won't happen.Twelve, I can have them removed.

Fast HungarianThe train is leaving, the train is leaving for Kanizsa.From Kanizsa, from Kanizsa to Kolozsvár.It is run by the driver Who runs the locomotive, the locomotive.

If I die, bury me in a wine cellar.Plant grapes on my head.So that everyone knows,Here lies a vagabond who liked good wine.

I had lovers, I had thirteen of them.Ten left, I was left with three.Two cheated on me, only one remained.But her, it was I who cheated on her.

3. Csárdás.

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MUSIC OF MAGYARSZOVÁTMária Maneszes (vocals) and Magyarszovát Taraf.

4. One dark starless night.Solo song, Mária Maneszes.

One dark starless night, one dark starlessnight, I crossed the meadow in flower.There I saw an orphan soul, who listened towhat I said.I speak of nothing but my former lover.I speak of nothing but my former love. If I had known, if from God I had known,That my heart would be separated, that myheart would be separated from yours,I would have given one hundred florins insmall change but I wouldn't have loved you.Forests, fields, wild woods, forests, fields, wildwoods, hide meHide me among the wild beasts, so that I cancry with the little birds, aie aie aia…

5. Funeral accompaniment, vigil nightsong and Gypsy dance.Magyarszovát Taraf.

6. I thought that as long as the world…Solo song, Mária Maneszes.

1) I believed that as long as the world would exist,The candle light would burn.

But I see that it is being consumed,My rose holds a grudge.If she holds a grudge, we will be reconciled,When the sloe ripens.It will become sunburnt,My heart is longing for gold.

She will be black,My heart is longing for blond.Fairness comes from God,The water stirs the brown.

O rose bush on the slope of the hill,Nestle into my shoulder, my dove.Whisper in my ear that you love me,Ah, how I like that.

2) Ah, I would leave if I could,If I were free as a bird,You, my rose, you are a free bird,And yet you come to me so rarely.

If I were freeI would be close to you every evening.To your window, I would come cooing,To your window I would come cooing.O God, what a happy life has he,Who lives without sorrows. I would like to live without sorrow But sorrow cannot live without me.

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May he who doesn't want to live with sorrow,Go live in paradise.Let him have his house in heaven,There, there is no pain.O pain, pain, how hard you are,You have been in my heart for so long.Leave my heart,I have had enough of your faithfulness.

I loved you for a moment,From Tuesday to Wednesday.Isn't that right, my dear, it was a long time,May your lungs dry up within you.I don't curse you because that is not my way,May my sigh be punished,And my bitter tears, la la la…

May thirteen pharmacy shelves Be too little to cure you,May thirteen carts of straw Rot in your bed, May you have nine children All nine boys.And may the tenth be a girlAnd may she be such a whoreThat her reputation is known in seven countries,aie la la la…

7. Slow Gypsy, Gypsy dance, csárdás.Magyarszovát Taraf and Mária Maneszes.

Slow Gypsy:Mother, why did you bring me into the world?Why didn't you throw me into the murkywaters of the Tisza?The Tisza would have taken me to the Danube,I would be no one's rejected mistress.

Gypsy dance:(cries of joy)

Up there on the mountain top My beloved lives up there.He is waving a white handkerchief,He is drawing me there.But I won't go there,If I go there,I would be his mistress.

Come on boys,You are shaking it slowly,I am coming, I will help you,You will shake it more vigorously

(song)My mother cursed meWhen she gave birth to meShe wanted that I never be happyIn my young years.

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The weather is sad, I am sad, oh how sad I am,On dry earth, even the flower fades.I too, when I existed, I existed.Among the flowers, I was a flower, eh la la la.

What a bad gardener I foundIn his hands I withered, aie la la.What makes the duck's feathers muddy?What makes my beloved's belly grow? Aie la la.

Fugue:It is not, it is not,It is not my fault.My beloved left me,It is just an excuse.I hold him in my arms, I kiss himI hold him in my heart.I go home every evening,Because I love him.

(cries)In Debrecen it was said to the sound of the drum That carrots should no longer be soldBecause the girls are buying them up And putting them between their thighs.

One thought that hers was too thin,And she went to the judge:“O judge, let justice be doneOrder me a thicker one.”

W 260098 INEDIT/Maison des Cultures du Monde • 101, Bd Raspail 75006 Paris France • tél. 01 45 44 72 30 • fax 01 45 44 76 60 • www.mcm.asso.fr

MUSIQUES HONGROISES DE TRANSYLVANIETraditions du Gyimes et de la Grande Plaine

HUNGARIAN MUSICFROM TRANSYLVANIA

Traditions of Gyimes and the Great Plain

INEDITMaison des Cultures du Monde

Vous trouverez dans ce boitier un extrait du catalogue de Fonó Records, label hongrois qu'INEDIT a souhaité faire connaître à son public.

You will find in this box an excerpt of Fonó Records catalogue, a Hungarian label which INEDIT wishes to present to its listeners.

Ensemble de Magyarszovát / Magyarszovát ensemble

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INEDITMaison des Cultures du Monde

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Catalogue disponible sur demande / Ask for the catalogueMaison des Cultures du Monde • 101 Bd Raspail, 75006 Paris • Francetél. +33 (0)1 45 44 72 30 • fax +33 (0)1 45 44 76 60et sur internet / and on internet : www.mcm.asso.fre-mail : [email protected]

W 260098 AD 090

distribution NAÏVE-AUVIDIS

OP 2001

FONÓ RECORDS • INEDIT/MCM

Made in France

MUSIQUES HONGROISES DE TRANSYLVANIEHUNGARIAN MUSIC FROM TRANSYLVANIATRADITION DU GYIMES / TRADITION OF GYIMES1. Danses de couple rapide et lente / Pair dances, fast and slow ....12’14”2. Complainte, danses hongroises / Lament, Hungarian dances ....11’47”3. Csárdás ........................................................................................10’04”

János Zerkula, violon/violin • Regina Zerkula, üto”gardon.

TRADITION DE LA GRANDE PLAINE / TRADITION OF THE GREAT PLAIN4. Par une nuit sombre et sans étoiles / One dark starless night .....2’42”5. Accompagnement funèbre, chant de nuit de veille et danse tsigane

Funeral accompaniment, vigil night song and Gypsy dance .......4’46”6. Je croyais que tant que serait le monde…

I thought that as long as the world… .........................................4’08”7. Lente tsigane, danse tsigane, csárdás

Slow Gypsy, Gypsy dance, csársás ..............................................19’47”Mária Maneszes “Láli”, chant/vocals.Taraf de Magyarszovát / Magyarszovát Taraf : János Radák “Náci”,violon/violin • Andrei Csengeri “Árpi”, violon/violin • János Botezán, alto àtrois cordes/three-stringed viola • Péter Kovács, alto à trois cordes/three-stringed viola) • Ioan Vintila “Endre”, contrebasse/double bass.

Enregistrements de la collection Utolsó Óra © Fonó RecordsRecordings taken from the Utolsó Óra series © Fonó Records Total : 65’33”

Collection fondée parSeries founded byFrançoise Gründ

dirigée par / headed byPierre Bois