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45 La Météorologie - n° 55 - novembre 2006 Changement climatique Simulation du climat récent et futur par les modèles du CNRM et de l’IPSL Jean-Louis Dufresne (1) , D. Salas y Mélia (2) , S. Denvil (3) , S. Tyteca (2) , O. Arzel (4) , S. Bony (1) , P. Braconnot (5) , P. Brockmann (5) , P. Cadule (3) , A. Caubel (5) , F. Chauvin (2) , M. Déqué (2) , H. Douville (2) , L. Fairhead (1) , T. Fichefet (4) , M.-A. Foujols (3) , P. Friedlingstein (5) , J.-Y. Grandpeix (1) , J.-F. Guérémy (2) , F. Hourdin (1) , A. Idelkadi (1) , G. Krinner (6) , C. Levy (7) , G. Madec (7) , P. Marquet (2) , O. Marti (5) , I. Musat (1) , S. Planton (2) , J.-F. Royer (2) , D. Swingedouw (5) , A. Voldoire (2) (1) Laboratoire de météorologie dynamique (LMD-IPSL), CNRS-UPMC 4, place Jussieu - 75252 Paris Cedex 05 [email protected] (2) Météo-France - Centre national de recherches météorologiques (CNRM) Toulouse (3) Institut Pierre-Simon Laplace (IPSL) - CNRS-UPMC - Paris (4) Institut d’astronomie et de géophysique G. Lemaître Université catholique de Louvain - Louvain-la-Neuve - Belgique (5) Laboratoire des sciences du climat et de l’ environnement (LSCE-IPSL) CNRS-CEA - Gif-sur-Yvette (6) Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement (LGGE) CNRS-UJF - Saint-Martin-d’Hères (7) Laboratoire d’océanographie et climat (Locean-IPSL) - CNRS-UPMC - Paris Résumé Dans le cadre de la préparation du 4 e rapport du Groupe intergouverne- mental sur l’évolution du climat (Giec), qui doit paraître début 2007, les principales équipes de modélisa- tion de par le monde ont réalisé un important exercice coordonné de simulation de l’évolution du climat au cours des XX e et XXI e siècles. Nous pré- sentons ici les résultats obtenus par les modèles du CNRM et de l’IPSL, en évoquant les progrès réalisés depuis le précédent rapport du Giec. Nous replaçons également nos résul- tats par rapport à ceux des autres modèles, et indiquons les résultats qui sont communs à l’ensemble des modèles et ceux qui peuvent être dif- férents. Abstract Recent and futur climate change as simulated by the CNRM and IPSL models In support of the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC) that should appear in early 2007, modelling groups world-wide have performed a huge coordinated exer- cise of climate change runs for the 20th and 21st centuries. In this paper we present the results of the two French climate models, CNRM and IPSL. In particular we emphasise the progress made since the previous IPCC report and we identify which results are comparable among models and which strongly differ. Des premiers concepts aux modèles complexes Effet de serre et température de la Terre : les premières études Au début du XIX e siècle, Joseph Fourier formule les principes des lois physiques régissant la température de surface de la Terre (Fourier, 1827). Il établit que la température de surface s’ajuste pour équilibrer le bilan d’énergie à la surface et que ce bilan est dominé par deux phé- nomènes : l’absorption du rayonnement solaire – qui apporte de l’énergie – et les échanges par rayonnement infrarouge – qui contrôle les pertes d’énergie vers l’espace – (Bard, 2004 ; Pierrehumbert, 2004 ; Dufresne, 2006). Il en déduit que tout changement des conditions de sur- face peut entraîner un changement du cli- mat : « L’établissement et le progrès des sociétés humaines, l’action des forces naturelles peuvent changer nota- blement, et dans de vastes contrées, l’état de la surface du sol, la distribution des eaux et les grands mouvements de l’air. De tels effets sont propres à faire varier, dans le cours de plusieurs siè- cles, le degré de la chaleur moyenne ; car les expressions analytiques com- prennent des coefficients qui se rappor- tent à l’état superficiel et qui influent beaucoup sur la valeur de la tempéra- ture » (Fourier, 1890, p.113). De même, un changement de l’énergie solaire inci- dente peut changer le climat, ce qui inquiète Fourier et le conforte dans l’idée que l’espace a une température suffisamment élevée pour atténuer ces éventuels changements d’ensoleille- ment : « Dans cette hypothèse du froid absolu de l’espace, s’il est possible de la concevoir, tous les effets de la chaleur, tels que nous les observons à la surface du globe, seraient dus à la présence du Soleil. Les moindres variations de la distance de cet astre à la Terre occasion- neraient des changements très consi- dérables dans les températures, l’excentricité de l’orbite terrestre don- nerait naissance à diverses saisons » (Fourier, 1890, p.111).

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45La Météorologie - n° 55 - novembre 2006

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Simulation du climat récent et futurpar les modèles du CNRM et de l’IPSLJean-Louis Dufresne(1), D. Salas y Mélia(2), S. Denvil(3), S. Tyteca(2), O. Arzel(4), S. Bony(1), P. Braconnot(5), P. Brockmann(5), P. Cadule(3), A. Caubel(5), F. Chauvin(2), M. Déqué(2), H. Douville(2), L. Fairhead(1), T. Fichefet(4), M.-A. Foujols(3), P. Friedlingstein(5), J.-Y. Grandpeix(1), J.-F. Guérémy(2), F. Hourdin(1), A. Idelkadi(1), G. Krinner(6), C. Levy(7), G. Madec(7), P. Marquet(2), O. Marti(5), I. Musat(1), S. Planton(2), J.-F. Royer(2), D. Swingedouw(5), A. Voldoire(2)

(1) Laboratoire de météorologie dynamique (LMD-IPSL), CNRS-UPMC 4, place Jussieu - 75252 Paris Cedex [email protected]

(2) Météo-France - Centre national de recherches météorologiques (CNRM) Toulouse

(3) Institut Pierre-Simon Laplace (IPSL) - CNRS-UPMC - Paris(4) Institut d’astronomie et de géophysique G. Lemaître

Université catholique de Louvain - Louvain-la-Neuve - Belgique(5) Laboratoire des sciences du climat et de l’ environnement (LSCE-IPSL)

CNRS-CEA - Gif-sur-Yvette (6) Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement (LGGE)

CNRS-UJF - Saint-Martin-d’Hères (7) Laboratoire d’océanographie et climat (Locean-IPSL) - CNRS-UPMC - Paris

RésuméDans le cadre de la préparation du 4e rapport du Groupe intergouverne-mental sur l’évolution du climat(Giec), qui doit paraître début 2007,les principales équipes de modélisa-tion de par le monde ont réalisé unimportant exercice coordonné desimulation de l’évolution du climat aucours des XXe et XXIe siècles. Nous pré-sentons ici les résultats obtenus parles modèles du CNRM et de l’IPSL,en évoquant les progrès réalisésdepuis le précédent rapport du Giec.Nous replaçons également nos résul-tats par rapport à ceux des autresmodèles, et indiquons les résultats quisont communs à l’ensemble desmodèles et ceux qui peuvent être dif-férents.

AbstractRecent and futur climate change as simulated by the CNRM and IPSL models

In support of the Fourth AssessmentReport of the IntergovernmentalPanel on Climate Change (IPCC)that should appear in early 2007,modelling groups world-wide haveperformed a huge coordinated exer-cise of climate change runs for the20th and 21st centuries. In this paperwe present the results of the twoFrench climate models, CNRM andIPSL. In particular we emphasise theprogress made since the previousIPCC report and we identify whichresults are comparable among modelsand which strongly differ.

Des premiersconcepts aux modèlescomplexes

Effet de serre et température de la Terre :les premières études Au début du XIXe siècle, Joseph Fourierformule les principes des lois physiquesrégissant la température de surface de laTerre (Fourier, 1827). Il établit que latempérature de surface s’ajuste pouréquilibrer le bilan d’énergie à la surfaceet que ce bilan est dominé par deux phé-nomènes : l’absorption du rayonnementsolaire – qui apporte de l’énergie – et leséchanges par rayonnement infrarouge –qui contrôle les pertes d’énergie versl’espace – (Bard, 2004 ; Pierrehumbert,2004 ; Dufresne, 2006). Il en déduit quetout changement des conditions de sur-face peut entraîner un changement du cli-mat : « L’établissement et le progrès dessociétés humaines, l’action des forces naturelles peuvent changer nota-

blement, et dans de vastes contrées, l’état de la surface du sol, la distributiondes eaux et les grands mouvements del’air. De tels effets sont propres à fairevarier, dans le cours de plusieurs siè-cles, le degré de la chaleur moyenne ;car les expressions analytiques com-prennent des coefficients qui se rappor-tent à l’état superficiel et qui influentbeaucoup sur la valeur de la tempéra-ture » (Fourier, 1890, p.113). De même,un changement de l’énergie solaire inci-dente peut changer le climat, ce quiinquiète Fourier et le conforte dans l’idée que l’espace a une températuresuffisamment élevée pour atténuer ceséventuels changements d’ensoleille-ment : « Dans cette hypothèse du froidabsolu de l’espace, s’il est possible de laconcevoir, tous les effets de la chaleur,tels que nous les observons à la surfacedu globe, seraient dus à la présence duSoleil. Les moindres variations de ladistance de cet astre à la Terre occasion-neraient des changements très consi-dérables dans les températures,l’excentricité de l’orbite terrestre don-nerait naissance à diverses saisons »(Fourier, 1890, p.111).

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46 La Météorologie - n° 55 - novembre 2006

Cette hypothèse d’une température del’espace assez élevée est aujourd’huiabandonnée (elle est estimée à 3 K) etle rôle des changements d’ensoleille-ment sur les variations du climat nesera admis que dans la seconde moitiédu XXe siècle. J. Fourier évoque égale-ment le piégeage du rayonnementinfrarouge par l’atmosphère, ou effetde serre. « C’est ainsi que la tempéra-ture est augmentée par l’interpositionde l’atmosphère, parce que la chaleurtrouve moins d’obstacle pour pénétrerl’air, étant à l’état de lumière, qu’ellen’en trouve pour repasser dans l’airlorsqu’elle est convertie en chaleurobscure » (Fourier, 1890, p.106).

À partir de ces travaux fondateurs, denombreuses études ont été menées toutau long du XIXe et du XXe siècle (parexemple, Bard, 2004). Svante Arrhénius(1895) est le premier à avoir effective-ment calculé l’effet d’une augmentationou d’une diminution de la concentrationde CO2 sur les températures de surface.Il a aussi émis l’hypothèse que les varia-tions de concentration de gaz pouvaientjouer un rôle moteur dans les variationsclimatiques passées et futures. Mais lescalculs radiatifs réalisés par Arrhéniusétaient très imprécis (et se révèlentaujourd’hui faux). C’est seulementdepuis la fin des années 1980 que l’onsait calculer précisément les échangespar rayonnement à l’aide de codes detransfert radiatif et de bases de donnéesspectrales – pourvu que l’on spécifie lesdifférents constituants de l’atmosphèreet de la surface (gaz à effet de serre, nuages, aérosols, couverture neigeuse...).

On peut aussi calculer précisément l’ef-fet d’une perturbation particulière (telun changement de la concentration d’ungaz) sur le bilan énergétique de l’at-mosphère et de la surface en supposantque toutes les autres caractéristiques del’atmosphère et de la surface restentfixées. La grandeur que l’on calculeainsi s’appelle le forçage radiatif d’uneperturbation. À titre d’exemple, pour undoublement de la concentration de l’at-mosphère en CO2, on obtient un forçageradiatif à la tropopause, pour uneatmosphère « moyenne », idéalisée etsans nuages, de 5,48 ± 0,07 W.m-2

(Collins et al., 2006). Il reste une incer-titude, mais on voit qu’elle est assez faible. En moyenne, sur le globe et surl’année, et en tenant compte des nuages,on obtient un forçage radiatif au som-met de l’atmosphère de 3,7 ± 0,2 W.m-2.Comme on s’intéresse aux variationslentes du climat, ce calcul prend encompte l’ajustement en température dela stratosphère car il est très rapide.

L’étape suivante consiste à déterminerl’effet de ce forçage radiatif sur la tem-pérature de la Terre. Une solution trèssimple est de calculer l’impact sur lestempératures atmosphèriques et de lasurface en supposant que : – ce changement de température est lemême en tous points ;– il n’affecte que la loi d’émission durayonnement (ou loi d’émission ducorps noir), mais ne modifie aucunepropriété physique de l’atmosphère niaucun échange d’énergie autre que ceuxpar rayonnement infrarouge.

Ce calcul est assez précis car onconnaît la loi du corps noir et on saitcalculer les échanges radiatifs lorsquetoutes les propriétés radiativessont connues. Toujours avecl’exemple d’un doublement deCO2, on obtient un accroisse-ment de température de 1,2 ± 0,1 °C avec les hypothèsessimplificatrices ci-dessus.

L’utilisationde modèles de climatDans la réalité, dès que l’onchange le bilan d’énergie de lasurface et de l’atmosphère,toutes les variables climatiques(vent, humidité, nuages, pluie,couverture neigeuse...) sontmodif iées. Or ces variablesinfluencent fortement les pro-cessus de rayonnement et indui-sent des rétroactions. Uneperturbation (un changementdes gaz à effet de serre, la pré-sence d’aérosols dus à une érup-tion volcanique...) modif ie le bilanradiatif, ce qui modifie la température desurface, le climat (notamment la vapeurd’eau et les nuages), et en retour leséchanges radiatifs eux-mêmes. Ces rétro-actions sont dites positives lorsqu’ellesont pour effet d’amplifier les perturba-tions initiales, et dites négatives dans lecas contraire. Les premières études lesprenant en compte ont été effectuées à l’aide de modèles radiatifs-convectifsà une seule dimension verticale. Parexemple, Manabe et Wetherald (1967)ont montré qu’avec leur modèle, leréchauffement en surface dû à un double-ment du CO2 était de 1,3 °C lorsque l’hu-midité absolue de l’atmosphère restaitconstante, mais atteignait 2,4 °C lorsquel’humidité relative restait constante.

De nombreuses autres études ontconfirmé l’importance cruciale de cesmécanismes de rétroaction sur l’ampli-tude du réchauffement climatique et

leur forte dépendance à des processusphysiques complexes (et moins bienconnus que le transfert radiatif), tels quela turbulence, la convection, la formationde systèmes nuageux et de précipitations(par exemple, Ramanathan et Coakley,1978). Cependant, les modèles radiatifs-convectifs sont encore trop simples carils ne prennent pas en compte certainsphénomènes importants, comme lesmouvements d’air qui déterminent laredistribution d’énergie et de vapeurd’eau au sein de l’atmosphère. Il est alorsnécessaire d’introduire la dynamiqueatmosphérique et d’avoir recours à desmodèles tridimensionnels représentant lacirculation générale de l’atmosphère surl’ensemble du globe.

Les premières études de l’impact d’undoublement du CO2 avec ce type demodèle ont été effectuées dans lesannées 1970 au Geophysical FluidDynamics Laboratory, (GFDL, Prin-ceton, États-Unis) par S. Manabe et R.T.Wetherald (1975), avec un océan sanscirculation et de capacité thermiquenulle, permettant une mise en équilibrerapide. Mais l’océan joue lui-même unrôle important dans l’équilibre énergé-tique : on estime que le transport de cha-leur de l’équateur vers le pôle effectuépar les courants océaniques représenteun tiers environ du transport de chaleurpar la circulation atmosphérique. Desmodèles de circulation générale de l’océan ont alors été développés et cou-plés avec les modèles atmosphériques,en incluant également l’évolution de laglace de mer. On fabrique ainsi desmodèles numériques qui prennent encompte de façon cohérente les princi-paux phénomènes physiques régissant le

Le rapport de synthèse du Giec 2001. Les différents rapports etrésumés sont accessibles sur le site [www.ipcc.ch].

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47La Météorologie - n° 55 - novembre 2006

climat, et leurs interactions. Ce gain encohérence a pour contrepartie de rendreles modèles climatiques complexes,donc très difficiles à développer, à mettreau point et à évaluer.

Dès 1985, les conclusions de la confé-rence de Villach (Autriche) indiquaientque le réchauffement global provoquépar un doublement du CO2 serait com-pris entre 1,5 et 5,5 °C (Weart, 2003).Ce travail a été poursuivi par le Groupeintergouvernemental sur l’évolution duclimat (Giec, ou IPCC en anglais), qui arégulièrement publié des rapports desynthèse en 1990, 1995 et 2001.Certaines caractéristiques des change-ments climatiques simulés sont compa-rables quel que soit le modèle utilisé,mais d’autres sont très différentes. Lamodélisation des nuages est identifiéedepuis plusieurs années déjà commeune source majeure d’incertitude dansces estimations (Cess et al., 1990). Lesévolutions des surfaces continentales etde l’océan peuvent également être trèsdifférentes selon les modèles, et les rai-sons de ces différences restent encorelargement incomprises. Mais lors desprécédents rapports du Giec, et jus-qu’en 2005, peu de modèles avaientréalisé des simulations de changementclimatique, ces simulations n’étaientpas facilement comparables entre elleset elles n’avaient été analysées que parun nombre très réduit de personnes.

Les simulations pour le GiecPour essayer de comprendre l’origine deces différences et pouvoir évaluer lesmodèles par rapport au climat actuel età son évolution récente, le groupe detravail sur les modèles couplés (WGCMen anglais) du Programme mondial derecherche sur le climat (WCRP enanglais) a lancé en 2004, sous les auspi-ces du Giec, une très importante action.Celle-ci a pour but d’évaluer les mo-dèles climatiques actuels, de les compa-rer et d’étudier leurs réponses à desperturbations d’origine naturelle (acti-vité solaire, éruptions volcaniques...) ouanthropiques (émissions de CO2, d’aéro-sols...) (Meehl et al., 2005). Les équipes

de modélisation ont dû réaliser un cer-tain nombre de simulations selon unprotocole précis, et les données de cessimulations devaient être écrites selonun format standard afin d’encouragerau maximum les analyses croisées en-tre plusieurs modèles. Pour la premièrefois, un grand nombre de résultats desimulations du climat présent et deschangements climatiques futurs ont étémis à la disposition de toute la commu-nauté scientifique, et ce pour un grandnombre de modèles climatiques (unevingtaine environ).

Ces analyses ont servi de support à larédaction du 4e rapport du Giec qui doitparaître en 2007. Les deux modèles cli-matiques français, celui du Centrenational de recherches météorologiques(CNRM) et celui de l’Institut Pierre-Simon Laplace (IPSL), ont participé àcet exercice pour la première fois etnous présentons ici quelques résultats.Ceux-ci sont dans l’ensemble cohérentsavec les résultats obtenus par les autresmodèles. Par ailleurs, les différencesentres les deux modèles sont souventune bonne illustration des différencesles plus marquantes que l’on peut obte-nir avec un plus grand ensemble demodèles. Les simulations recomman-dées pour la préparation du 4e rapportdu Giec peuvent être regroupées en plu-sieurs catégories.

Simulation de contrôleCette simulation a pour principal objec-tif de servir de référence aux autressimulations présentées ci-après et pourlesquelles on applique différentes per-turbations ou forçages. Par forçage, onentend une variation imposée de

quelques paramètres des modèles cli-matiques : la concentration des gaz àeffet de serre, la concentration des aéro-sols, l’intensité du rayonnement solaireincident... Dans les simulations pertur-bées, on impose à ces paramètres devarier dans le temps afin de reproduire,par exemple, des forçages naturels(éruptions volcaniques...) ou des for-çages dus aux activités humaines. Dansla simulation de contrôle, tous ces para-mètres sont maintenus constants à leurvaleur de l’époque préindustrielle,définie comme celle de 1860. Dans tousles cas, toutes les variables climatiquessont calculées par le modèle et il n’y aaucun rappel direct vers les observa-tions. La différence entre les résultatsdes simulations perturbées et de lasimulation de contrôle permet d’identi-fier l’effet des forçages sur le climat.Cette simulation de contrôle permetégalement de vérif ier la stabilité et l’équilibre énergétique du modèle. Eneffet, si aucune perturbation n’est appli-quée, le modèle doit atteindre un équili-bre énergétique (toute l’énergie solaireabsorbée doit être perdue par émis-sion de rayonnement infrarouge versl’espace) et le climat doit être quasi stable. Comme le climat est un systèmechaotique, qu’il varie en permanenced’une année sur l’autre, il faut considé-rer plusieurs dizaines d’années pourvérifier ces propriétés de stabilité etd’équilibre. Enfin, ces variations inter-annuelles autour du climat moyen d’équi-libre sont utilisées pour étudier lavariabilité interne du climat sur des lon-gues périodes de temps. Ainsi, la com-paraison des résultats de plusieurssimulations permet de vérifier si leursdifférences peuvent s’expliquer par lavariabilité interne ou si elles sont duesaux forçages.

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Figure 1 - Évolution des émissions dues aux activités humaines, pour les principaux gaz

ayant une influence sur le climat, dans les scénarios SRES-A2 (courbe noire),

SRES-A1B (courbe rouge) et SRES-B1 (courbe verte) du Giec. (Giec-2001)

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48 La Météorologie - n° 55 - novembre 2006

Figure 2 - Évolution de la concentration

des principaux gaz à effet de serre due

aux activités humaines, pour les scénarios SRES-A2,

SRES-A1B et SRES-B1du Giec. (Giec-2001)

Simulation de l’évolutionrécente du climatLa période couverte va de 1860 à nosjours. L’objectif est triple : – comparer l’évolution du climat simulépar les modèles à celle observée depuis140 ans ;– comparer les caractéristiques du cli-mat simulé à celles observées ces der-nières années ;– déterminer un état initial pour lessimulations de changement climatiquefuturs selon différents scénarios.

Ce dernier objectif introduit des diffi-cultés particulières. En effet, pour biensimuler l’évolution récente du climat, ilfaut considérer tous les forçages, aussibien naturels (éruptions volcaniques,variations de la constante solaire) queceux dus aux activités humaines (émis-sions de gaz à effet de serre, d’aéro-sols...). Mais ces forçages n’étant pasprévisibles, on ne sait pas comment lesprendre en compte pour le futur. Le for-çage volcanique est aléatoire et toujoursnégatif : une partie des poussières émi-ses lors des très grosses éruptions vol-caniques reste plusieurs mois dans labasse stratosphère. Elles réfléchissent lerayonnement solaire, ce qui tend àrefroidir la surface. Par conséquent,considérer le forçage volcanique pour leXXe siècle, mais pas pour le XXIe, intro-duit un biais, une erreur systématique.

Il y a alors deux types de solutions pos-sibles : prendre en compte les forçagesnaturels observés au XXe siècle et géné-rer de façon plus ou moins aléatoireceux pour le XXIe siècle, ou, aucontraire, ne les prendre en compte niau XXe ni au XXIe siècle. C’est cettedeuxième solution que nous avons choi-sie ici. Les simulations de 1860 à 2000sont réalisées en ne considérant que lesforçages dus aux activités humaines :accroissement des gaz à effet de serre etdes aérosols sulfatés. L’évolution de laconcentration des gaz à effet de serrebien mélangés dans l’atmosphère,comme le CO2 ou le CH4, est bienconnue. Elle est mesurée directementdans l’air depuis quelques dizainesd’années (depuis 1958 pour le CO2) etdans les bulles d’air renfermées dans lesglaciers pour les périodes antérieures.Contrairement aux gaz bien mélangés,la concentration des aérosols sulfatésest très variable dans l’espace et dans letemps. À partir des mesures réalisées endifférents sites, il n’est pas possibled’estimer directement la distributiongéographique des aérosols et leur évo-lution temporelle. Il faut recourir à unmodèle de chimie-transport, et nous

ont pour origine les émissions de SO2,nous utilisons les résultats de Pham etal. (2005) qui reposent sur le mêmemodèle de chimie-transport que pour leXXe siècle.

Simulations en réponse à des scénarios idéalisés Un des inconvénients des scénarios pré-cédents est la multiplicité des forçages àimposer aux modèles climatiques etleur variété. Ces forçages ne sont pastous pris en compte de la même façondans les modèles. Pour les climato-logues, il est donc intéressant de réaliserdes simulations en appliquant des for-çages très simples : ainsi, on peut fairedes comparaisons en se focalisant sur laréponse climatique des modèles. Dansces simulations idéalisées, la concentra-tion de CO2 augmente de 1 % par an,jusqu’à 2 fois ou 4 fois sa valeur initiale(celle de l’époque préindustrielle). Aveccet accroissement, la concentration deCO2 double en soixante-dix ans.

Simulations de stabilisation Dans ces simulations, les forçages,après avoir évolué selon différents scé-narios, sont maintenus constants et leclimat continue à évoluer du fait de son

avons utilisé les concentrations d’aéro-sols sulfatés calculées par Boucher etPham (2002) et recommandées par leGiec.

Simulations de l’évolutionfuture du climat Différents scénarios socio-économiquesd’évolution des activités humaines ontété établis dans le cadre du Giec. Ilscouvrent une période d’un siècle et per-mettent d’estimer les émissions desprincipaux gaz dont on sait qu’ils peu-vent influencer le climat (figure 1).Pour les simulations climatiques, troisscénarios ont été retenus : – le scénario SRES-A2 où les émissionsde CO2 continuent de croître jusqu’en2100 ; – le scénario SRES-A1B où les émis-sions de CO2 continuent de croître jus-qu’en 2050, puis décroissent ; – enfin le scénario SRES-B1 où lesémissions de CO2 sont presque stabili-sées dès l’année 2000, puis décroissentà partir de 2050.

Les émissions de CO2 ont principale-ment pour origine l’utilisation de com-bustibles fossiles (pétrole, charbon,gaz...) et les émissions de SO2 provien-nent du soufre présent dans ces com-bustibles. Pour des raisons sanitaires etde protection de l’environnement (leSO2 étant notamment à l’origine des« pluies acides »), lescombustibles sont deplus en plus épurésde leur soufre avantutilisation, d’où unecroissance des émis-sions de SO2 moinsrapide (ou une dimi-nution plus rapide)que celles du CO2

dans presque tous lesscénarios. À partirdes émissions desdifférents gaz, desmodèles représentantles cycles du carbone,du méthane, etc., cal-culent l’évolution deleur concentration(figure 2). Pour lesaérosols sulfatés qui

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49La Météorologie - n° 55 - novembre 2006

Tableau 1 - Résumé des caractéristiques générales des modèles climatiques du CNRM et de l’IPSL.

inertie thermique. Nous montreronsnotamment dans cet article des résultatspour un scénario dans lequel lesconcentrations des gaz à effet de serresont fixées aux valeurs de l’année 2000pendant tout le XXIe siècle.

La réalisation de ces scénarios néces-site de très importantes ressourcesinformatiques. Par exemple, pouraccomplir cet ensemble de simulations,il a fallu, avec les deux modèles fran-çais, environ 40 000 heures de calculsur supercalculateur (sur une périodede six à douze mois) et les résultatsgénérés occupent un espace mémoired’environ 40 téraoctets (To).

Afin d’avoir une vue la plus large etla plus complète possible sur le com-portement des modèles et sur leur validité, les équipes de modélisationsont également encouragées à réaliserdes simulations complémentaires, etnotamment :– des simulations sans modèle océa-nique et dans lesquelles le modèleatmosphérique est forcé par les tempé-ratures de surface de l’océan observées,sur la période 1979-2004 ;– des simulations dans lesquelles lemodèle océanique est remplacé par unmodèle calculant uniquement la tempé-rature de l’océan superficiel, mais pasla circulation océanique ;– des simulations avec le modèle clima-tique complet, mais pour simuler deschangements climatiques anciens : il y a6 000 ans (époque pendant laquelle desfresques avec des scènes de chasse ontété réalisées dans le Sahara) et il y a 21000 ans (fin de la dernière époque gla-ciaire, lorsque l’extension des ca-lottes de glace était maximale).

Ces simulations complémentaires neseront pas présentées ici.

Description desmodèles climatiquesLes modèles climatiques présentent denombreuses similitudes avec les mo-dèles de prévision météorologique ; ilsreposent sur des formulations et desméthodes de calcul proches, et partagentun certain nombre d’outils logiciels.Néanmoins, la première préoccupationdes modèles de prévision est de« coller » au plus près avec l’état réel del’atmosphère, à un instant donné. À cettefin, de très importants travaux ont pourobjectif d’utiliser au mieux le maximumd’observations (par exemple, Rabier etal., 2000). Par rapport aux modèles deprévision, une spécificité essentielle desmodèles climatiques est de ne pas êtredu tout rappelés vers des observations.Le système climatique évolue totale-ment librement. Il reçoit de l’énergiesous forme de rayonnement solaire et enperd sous forme de rayonnement infra-rouge émis vers l’espace. Le climatsimulé (vent, température, etc.) est lerésultat de cet ajustement entre énergiereçue et énergie perdue. La conservationde l’énergie, et de façon plus généraleles échanges d’énergie, sont donc fonda-mentaux pour un modèle climatique, etleur modélisation est la première préoc-cupation des climatologues.

Pour pouvoir assurer cette cohérenceénergétique, les modèles climatiquesprennent en compte, avec des degrésd’approximation divers, l’ensemble desmilieux intervenant dans le cycle énergé-tique et le cycle de l’eau (atmosphère,surface continentale, océan, glace demer, glaciers et calotte polaire) ainsi queles échanges entre ces milieux (échangede chaleur, évaporation, précipitations,écoulement par les rivières, fonte desglaciers...). En France, deux modèles

climatiques ont été développés, par leCNRM et par l’IPSL. Ils diffèrent princi-palement par la composante atmosphé-rique. Le modèle CNRM-CM3 utilise« Arpège-Climat », une version dumodèle de prévision météorologique deMétéo-France spécifiquement adaptéepour les études climatiques. La compo-sante atmosphérique du modèle del’IPSL est « LMDZ », modèle spécifi-quement développé pour les études duclimat terrestre et des atmosphères pla-nétaires (Mars, Titan, Vénus...). La struc-ture générale des deux modèles,CNRM-CM3 (Salas y Mélia et al., 2005)et IPSL-CM4 (Marti et al., 2005), est lamême (tableau 1). Le modèle atmosphé-rique est couplé, d’une part, à un modèlede surface continentale qui inclut unereprésentation de la végétation et, d’autrepart, avec un modèle océanique qui gèreaussi l’évolution de la glace de mer. Dupoint de vue technique, le couplageatmosphère-océan se fait une fois parjour au travers du coupleur Oasis (Valckeet al., 2004) développé au Cerfacs, alorsque le modèle de surface continentale estcouplé directement à l’atmosphère, àchaque pas de temps, notamment en rai-son de la nécessité de décrire explicite-ment le cycle diurne, c’est-à-dire lesvariations d’ensoleillement, de tempéra-ture et autres paramètres au cours de lajournée.

Comme nous l’avons expliqué, le climatsimulé par les modèles est le résultat del’ajustement entre l’énergie reçue et l’énergie perdue par la Terre, ajustementqui dépend de la façon dont les différentséchanges de chaleur et de masse sontreprésentés. En particulier, une erreur surles flux de chaleur à la surface des conti-nents ou des océans se traduit directe-ment par un écart entre la température desurface simulée et celle observée. Il y aencore quelques années, ces erreurs sur

CNRM-CM3Arpège-Climat V4

(Déqué et al., 1994)1,9°x1,9° (T63)45

Isba

(Mahfouf et al., 1995)

OPA

(Madec et al., 1998)2°x2° (avec raffinement près de l’équateur)31

Gelato

(Salas y Mélia, 2002)

IPSL-CM4LMDZ-4(Hourdin et al., 2006)2,5°x3,75°19

Orchidée

(Krinner et al., 2005)

Orca

(Madec et al., 1998)2°x2° (avec raffinement près de l’équateur)31

LIM

(Fichefet et Maqueda, 1997)

Atmosphère

RéférenceRésolution horizontale (en degrés de latitude et longitude)

Nombre de niveaux verticaux

Surface-végétation

RéférenceRésolution horizontale identique à celle de l’atmosphère

Océan

RéférenceRésolution horizontale (en degrés de latitude et longitude)

Nombre de niveaux verticaux

Glace de mer

RéférenceRésolution horizontale identique à celle de l’océan

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50 La Météorologie - n° 55 - novembre 2006

les flux étaient telles que des correctionsad hoc des flux de chaleur, d’eau ou detension de vent à l’interface air-merétaient appliquées à de très nombreuxmodèles climatiques afin d’éviter que lestempératures de surface simulées ne s’é-loignent trop de celles observées (Giec,2001). Nous n’appliquons pas ces correc-tions de flux (de même que la majoritédes modèles climatiques actuels) et l’é-cart entre les températures de surfacesimulées et observées sera un indicateurde l’erreur sur les valeurs calculées desflux. Même sans ces corrections, lesrésultats des modèles sont dans l’ensem-ble nettement meilleurs aujourd’hui qu’ily a cinq ans, ce qui est une bonne illustra-tion des progrès réalisés.

Caractéristiquesgénérales des simulations réalisées

Stabilité des simulations de contrôlePour la simulation de contrôle (commepour toute simulation), il faut tout d’a-bord déf inir un état initial de l’at-mosphère et de l’océan. La procédured’initialisation que nous avons retenueest la même pour les deux modèles cli-matiques. L’état initial de l’atmosphèreet de l’océan correspond à un état duclimat actuel déduit des observations.Les concentrations des gaz à effet deserre et des aérosols sont prescrites àleur valeurs à l’époque préindustrielle(année 1860). Une simulation estensuite réalisée pendant plusieurs dizai-nes d’années jusqu’à ce que le climatsimulé tende vers un état d’équilibre,dans lequel le système climatique reçoitautant d’énergie du soleil qu’il en perdsous forme de rayonnement infrarougeet où les températures de surfacedemeurent à peu près stables. Lorsquel’on considère que la simulation a effec-tivement atteint cet état de quasi-équili-bre (ou qu’elle en est très proche), onchoisit de façon arbitraire un jour parti-culier comme état initial de la simula-tion de contrôle. Cette simulation aensuite été prolongée pendant 500 ans,en maintenant les paramètres de forçage(gaz à effet de serre, aérosols...) tou-jours constants, à leur valeur préindus-trielle. Nous avons pu vérifier que leclimat était bien stable : par exemple, latempérature moyenne de surface de la

Terre varie pendant les 500 ans d’envi-ron 0,2 °C pour le modèle de l’IPSL etde 0,5 °C pour le modèle du CNRM.

Évolution du forçage radiatifNous avons vu précédemment que le for-çage radiatif est une grandeur qui permetde caractériser l’effet d’une perturbationsur l’équilibre énergétique de la Terre, àclimat fixé. Pour ce calcul, on utilise uni-quement un modèle radiatif et non lemodèle climatique complet. Sur la figure3, sont représentées les évolutions duforçage radiatif total dû aux activitéshumaines, ainsi que la contribution desdifférents gaz ou des aérosols sulfatés àce forçage. Ces forçages sont calculés enprenant comme référence les concentra-tions des gaz en 1860 et en considérantque toutes les caractéristiques de l’at-mosphère et de la surface restent inchan-gées par rapport à l’époque pré-industrielle. Les gaz à effet de serre pro-duisent un forçage positif, ce qui contri-bue à augmenter la température desurface de la Terre, alors que les aérosolssulfatés produisent un forçage négatif,qui induit un refroidissement. L’aug-mentation progressive du forçage à partirde 1860 est bien visible sur cette figure,augmentation qui s’accélère dans lesannées 1960. Pour le scénario SRES-A2,l’augmentation actuelle continue jus-

qu’en 2100, alors que, pour lescénario SRES-B1, cette aug-mentation diminue progressi-vement et le forçage radiatifest stabilisé vers la fin du siè-cle. Le forçage radiatif totalaugmente principalement àcause de l’augmentation de laconcentration en CO2, maisaussi en méthane (CH4), donton pense toutefois aujour-d’hui avoir surestimé le rôle.À partir des années 1960, lacontribution d’autres gaz,dont notamment les CFC(connus sous le nom de

Fréon) et leurs remplaçants, les HFC,apparaît clairement. Plusieurs de ces gazn’existaient pas avant leur introductionpar l’homme. L’amplitude(1) du forçagedes aérosols sulfatés suit à peu prèsl’augmentation du CO2 de 1860 jusquevers les années 1980-2000. À partir desannées 2020-2040, selon les scénarios,l’amplitude de ce forçage stagne, puisdécroît. C’est surtout à cause de la dimi-nution des émissions de SO2. Jusquevers les années 1980, l’amplitude du for-çage radiatif des aérosols sulfatés estégale à environ un tiers de celle des gazà effet de serre. En d’autres termes, cesaérosols ont réduit de 0,5 °C l’accroisse-ment de température dû à l’effet de serre(Dufresne et al., 2005). Cet effet deréduction diminue fortement par lasuite, pour devenir négligeable à la findu siècle.

Évolution de la températuremoyenne de surfaceNous avons réalisé des simulations avecles modèles climatiques en augmentantprogressivement la concentration des gazà effet de serre et des aérosols depuis 140 ans (1860-2000), ainsi que pour les

Figure 3 - Évolution du forçage radiatiftotal (tirets mauves) dû aux activitéshumaines et contribution des différentsgaz à effet de serre et des aérosolssulfatés à ce forçage. Les gaz « autres »sont notamment les CFC (dits « Fréon »)et leurs remplaçants, les HFC. De 1860 à 2000, l’évolutiondes différents constituants reposesur des observations directes ou des inventaires d’émission. À partir de 2000, l’évolution correspondau scénario SRES-B1 (dit « faible » ) à gauche et au scénarios SRES-A2 (dit « fort ») à droite. Les forçages (en W.m-2) sont calculés par le modèlede l’IPSL et par rapport à l’année 1860.

(1) On appellera « amplitude » du forçage savaleur absolue.

8

7

6

5

4

3

2

1

0

-1

-2Fo

rçage

radia

tif (W

/m2 )

Força

ge ra

diatif

(W/m

2 )

20C3M

20C3M

1880 1920 1960 2000 2040 2080

AutresN2OCH4TotalCO2Aérosols

SRESB1

SRESA2

8

7

6

5

4

3

2

1

0

-1

-2

AutresN2OCH4TotalCO2Aérosols

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51La Météorologie - n° 55 - novembre 2006

Figure 5 - Moyenne zonale de la température (°C) de l’air près de la surface, sur la période 1960-1989,

observée (en noir), et simulée par les modèles du CNRM (en rouge) et de l’IPSL (en vert).

En haut, moyenne annuelle. En bas, amplitude du cycle saisonnier. (Observations :

compilation CRU, Jones et Moberg, 2003)

Climatologie des modèlesL’analyse du climat modélisé et lacomparaison aux observations est uneétape très importante pour asseoir lacrédibilité des modèles. Ce travailreprésente une fraction importante del’activité des climatologues qui analy-sent, non seulement l’état moyen,mais, aussi les variabilités à différenteséchelles de temps (de quelques jours àquelques dizaines d’années) ou encoreles variations du climat passé. Voiciquelques caractéristiques du climatmoyen simulé par les modèles. Saufindication contraire, les comparaisonssont réalisées sur la période 1960-1989.

Rayonnement solaire et températureEn moyenne annuelle, lerayonnement solaire incidentest plus élevé aux basses latitu-des (régions équatoriales ettropicales) qu’aux hautes lati-tudes, ce qui est à l’origine dela différence de températureentre l’équateur et les pôles.En l’absence de circulationatmosphérique et océanique,ce seul facteur « solaire »induirait une différence de

température équateur-pôles de 85 °C(James, 1995). Mais toute différence detempérature induit une circulation de l’at-mosphère et de l’océan, circulation quitransporte de l’énergie et donc modifie lestempératures. Ainsi, la différence de tem-pérature entre l’équateur et les pôles est lemoteur des circulations atmosphériques etocéaniques, mais est en même tempscontrôlée par ces circulations, qui tendentà la réduire. Elle est également influencéepar la présence de nuages, de surfaces trèsréfléchissantes (neiges, glaciers), degrands massifs montagneux... Les modè-les simulent bien ce fort contraste équa-teur-pôle : la température simulée varie de25 °C à l’équateur à -20 °C au pôle Nordet -40 °C au pôle Sud, comme dans lesobservations (figure 5, haut). En moyennesur tout le globe et sur toute l’année, latempérature simulée de l’air à la surface

de la Terre est assez proche decelle observée : elle est tropfroide de 0,5 °C et 0,7 °C,respectivement, pour le mo-dèle du CNRM et celui del’IPSL. Sur la figure 6, nousavons représenté la distribu-tion géographique de la diffé-rence entre ces deux tem-pératures, pour bien faire res-sortir les défauts des modèles.Pour le CNRM, il y a un biaisfroid relativement uniforme,un peu plus prononcé surl’Afrique, avec un biais chauddans le sud de l’océan Austral.Pour l’IPSL, la températuresimulée est proche de celleobservée dans les régionséquatoriales et subtropicales,avec un fort biais froid dans lesmoyennes latitudes, notam-ment dans l’hémisphère Nord.

Le cycle saisonnierLa variation annuelle durayonnement solaire est, endehors du cycle diurne, laplus forte « perturbation »

Figure 4 - Évolution de la température (°C) moyenne de surface du globe observée (en noir,

de 1860 à 2004), et simulée par les modèles du CNRM (en rouge) et de l’IPSL (en vert).

Après l’an 2000, on utilise, soit le scénario SRES-A2(trait continu), soit le scénario SRES-B1 (trait avec

cercle), ou bien on maintient la concentration de CO2

constante (trait avec triangle). La droite horizontale en trait pointillé correspond à la température en 2000.

Les observations sont celles compilées par le Climatic Research Unit (CRU )

au Royaume-Uni. (Jones et Moberg, 2003)

2050

19.0

18.0

17.0

16.0

15.0

14.0

13.019001860 1950 2000 2100

20.

0.

20.

40.

80°S 40°S 0° 40°N 80°N

40.

30.

20.

10.

0.80°S 40°S 0° 40°N 80°N

100 prochaines années selon différentsscénarios. L’état initial de l’atmosphère etde l’océan est le même que celui de lasimulation de contrôle. La figure 4 pré-sente l’évolution de la température del’air à la surface de la Terre, en moyenneglobale, de 1860 à 2100. Nous verrons ci-après que les modèles sont trop froids de0,5 °C et 0,7 °C respectivement pour lemodèle du CNRM et celui de l’IPSL. Surla figure 4, nous avons corrigé de leursbiais les températures simulées, de sorteque les moyennes globales de chacun desmodèles et des observations soient iden-tiques sur la période récente (1970-2000).Sur la période 1860-2000, les deuxmodèles simulent bien un accroissementde la température moyenne du globe,comme dans les observations. Toutefois,celui-ci est surestimé, surtout pour leCNRM. Une comparaison plus préciseavec les observations nécessiterait deprendre en compte les forçages naturels(constante solaire, éruptions volca-niques...) et de réaliser un ensemble desimulations pour étudier la façon dontl’évolution du climat au XXe siècledépend de l’état initial de l’océan. Ce tra-vail est actuellement en cours. Pour lesdeux modèles, l’accroissement de tempé-rature depuis les années 1960 est biensimulé, ce qui est important, car c’estdepuis cette période que les perturba-tions dues aux activités humaines sontparticulièrement fortes. Entre 2000 et2100, les deux modèles donnent unaccroissement de température quasiidentique pour le scénario SRES-A2(fortes émissions) : 3,5 °C par rapport àla température d’aujourd’hui, et 4,5 à 5 °C par rapport à celle de 1860. Pour lescénario SRES-B1, avec des émissionsplus faibles, l’accroissement de tempéra-ture est réduit de moitié environ. Pour lescénario où l’on maintient la concentra-tion de CO2 constante à sa valeur d’au-jourd’hui, la température continue àcroître très légèrement, du fait de l’iner-tie thermique du système (figure 4).

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52 La Météorologie - n° 55 - novembre 2006

énergétique à laquelle est soumise la sur-face de la Terre. Pour décrire l’amplitudedu cycle saisonnier de température del’air en surface, nous utiliserons ici sim-plement la différence entre la tempéra-ture moyenne du mois le plus chaud etcelle du mois le plus froid. La distribu-tion de ce cycle saisonnier est représen-tée, soit directement (figure 7), soit enmoyenne zonale (figure 5, bas).

On remarque que :• Le cycle saisonnier est plus fort auxhautes qu’aux basses latitudes. Cela apour origine l’amplitude saisonnière durayonnement solaire incident au som-met de l’atmosphère, qui est beaucoupplus forte aux hautes latitudes (où lerayonnement incident journalier variede 0 à 500 W.m-2 au cours de l’année)qu’à l’équateur (où ce rayonnementvarie de 380 à 440 W.m-2).• L’amplitude saisonnière des tempéra-tures est plus élevée au-dessus des

continents qu’au-dessus des océans. Laraison principale en est l’inertie ther-mique de la surface, qui est beaucoupplus faible sur continent que sur océan.

Sur les continents de l’hémisphèreNord, aux moyennes et hautes latitudes,l’amplitude saisonnière est plus faiblesur la façade ouest que sur la façade està cause de la circulation atmosphé-rique : la circulation étant principale-ment dirigée d’ouest en est dans cesrégions, elle propage au-dessus desfaçades ouest des continents l’effet del’inertie thermique des océans. Cescaractéristiques générales sont bienreproduites par les modèles (figure 7).On pourra néanmoins remarquer desdifférences, comme un cycle saisonnier

trop fort pour les deux modèles au-dessus du Sahara, trop faible dans lenord-est de l’océan Pacifique pour lemodèle IPSL-CM4, et trop fort dans l’océan Austral pour le modèle CNRM-CM3. Dans la bande de latitude 60° S-40° S, le modèle du CNRM a unetempérature proche des observations pen-dant l’hiver austral, mais environ 3 °Cplus élevée pendant l’été (décembre àfévrier).

Les précipitationsLa formation des précipitations fait inter-venir de très nombreux processus, la plu-part étant de toute petite échelle. Leur

Figure 6 - Différence (°C) entre la températureannuelle de l’air près de la surface simulée par les modèles et celle observée, en moyenne sur la période 1960-1989. En haut, modèle CNRM-CM3, en bas modèle IPSL-CM4. (Observations : compilation CRU, Jones et Moberg, 2003)

Figure 7 - Distribution géographique de l’amplitude (°C)du cycle saisonnier de la température de l’air en surface,

simulée par le modèle IPSL-CM4 (à gauche), CNRM-CM3 (au milieu) et observée (à droite).

(Observations : compilation CRU, Jones et Moberg, 2003)

80°N

40°N

40°S

10

6

4

2

-2

-4

-6

-10100°W 0° 100°E

80°N

40°N

40°S

10

6

4

2

-2

-4

-6

-10100°W 0° 100°E

0 2.5 5 7.5 10 15 20 25 30 40 70

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53La Météorologie - n° 55 - novembre 2006

Figure 8 - Distribution géographique des précipitations

moyennes annuelles (mm/j) simulées par le modèle IPSL-CM4 (à gauche),

CNRM-CM3 (au milieu) et observées (à droite).

Les observations proviennent du Global Precipitation Climatology Project

(GPCP). (Adler et al., 2003)

La glace de merL’extension et les caractéristiques de laglace de mer étaient très mal simuléesdans la précédente génération de modèlesclimatiques : par exemple, certains modè-les ne prévoyaient pratiquement pas deglace de mer autour du continentAntarctique, même en hiver austral, et enArctique le cycle saisonnier de la glaceétait souvent beaucoup trop faible (Giec,2001). De ce point de vue, la générationactuelle de modèles, et notamment lesdeux modèles français, est de bienmeilleure qualité (Arzel et al., 2006). EnArctique, le cycle saisonnier est bienreproduit au premier ordre (figure 9 a, c).

En hiver, tout le bassin arctique est cou-vert de glace. Dans le Pacifique Nord, etnotamment en mer d’Okhotsk, le modèledu CNRM tend à surestimer l’extensionde la glace de mer. Ce biais est essentiel-lement dû au fait que la dépression aléou-tienne est centrée trop à l’ouest duPacifique Nord dans le modèle : les ventsmodélisés dans cette région entraînent laglace trop loin des côtes. En revanche, lemodèle de l’IPSL sous-estime l’étenduede glace dans cette même région. En merdu Labrador, entre le Canada et leGroenland, il y a trop de glace dans lemodèle de l’IPSL. Ce défaut semble dû àun apport d’eau douce vers la surfaceocéanique trop important dans cetterégion : les eaux de l’océan superficielsont trop peu salées, donc trop peu densespour permettre le déclenchement de laconvection océanique (Swingedouw etal., 2006) qui a deux effets : – elle crée des remontées compensatoi-res d’eaux sous-jacentes plus chaudesque celles de la surface, ce qui apportede la chaleur vers la surface de l’océanet limite l’extension de la glace de mer ;– elle alimente la circulation océaniqueprofonde et contribue à la circulationthermohaline.

En absence de convection, l’extensionde la glace de mer devient trop impor-tante et la circulation de l’océan profond devient trop faible, deux carac-téristiques que nous constatons dans lemodèle de l’IPSL. À l’inverse, le climattrop froid et sec simulé en mer duLabrador par CNRM-CM3 conduit àune densification des eaux océaniquesde surface, une convection trop intenseet une sous-estimation de la couverturede glace. L’épaisseur de la glace simu-lée en Arctique est réaliste (environ 2 et4 m pour la période 1960-1989, respec-tivement, pour le modèle du CNRM etcelui de l’IPSL), même si les estima-tions parcellaires dont l’on dispose indi-quent que 3 m serait une valeur plusexacte pour cette période. La produc-tion thermodynamique de glace de mer,essentiellement pilotée par les condi-tions atmosphériques dans cette région,paraît donc correctement modélisée. Enrevanche, la structure des vents sembleresponsable d’erreurs dans le calcul de la répartition de la banquise enArctique : les observations indiquentque l’épaisseur de glace n’excède géné-ralement pas 1 m au nord de la Sibérie,pour atteindre plus de 5 m au nord duGroenland et de l’archipel Canadien.Or, dans le modèle de l’IPSL, les gla-ces les plus épaisses se situent plutôt enArctique central, tandis que celui duCNRM simule des glaces d’épaisseurrelativement uniforme en Arctique.

modélisation dans les modèles clima-tiques planétaires nécessite de nombreu-ses approximations, et les précipitationsdemeurent une des grandeurs que lesmodèles ont le plus de difficulté à simu-ler correctement. De façon très générale,les pluies sont les plus abondantes dansles régions équatoriales, au-dessus desocéans. Le maximum des précipitationsse trouve dans la zone de convergenceintertropicale (ZCIT), zone qui cor-respond à la branche ascendante de la cir-culation de Hadley-Walker et qui sedéplace en fonction des saisons. Enmoyenne annuelle, les observations (fi-gure 8) donnent un maximum vers 10° N,indiquant que cette zone de convergencereste principalement localiséedans l’hémisphère Nord, pourdes raisons qui ne sont d’ailleurspas encore bien comprises. Lesdeux modèles ont, en revanche,deux maxima situés de part etd’autre de l’équateur, défaut quiest partagé par de nombreux au-tres modèles climatiques. Dansla ceinture subtropicale, vers 30°nord et sud, on voit clairementque les précipitations sont trèsfaibles, notamment à l’est desbassins océaniques et sur lescontinents. Ces régions sont deszones de hautes pressions et cor-respondent aux branches des-cendantes de la cellule deHadley-Walker. Ces minima deprécipitations sont bien repré-sentés dans le modèle de l’IPSL,mais ont une surface trop réduitedans celui du CNRM. Auxmoyennes latitudes, on retrouvedes maxima de précipitationsau-dessus des océans, dans desrégions qui correspondent aux« routes des dépressions », c’est-à-dire au passage des coups devent d’ouest qui ont lieu princi-palement en hiver. Ces maximasont assez bien simulés par lesdeux modèles. Les pluies surl’Inde et l’Afrique de l’Ouestsont régies par les régimes demousson. Le modèle du CNRMsimule correctement ces précipi-tations alors que celui de l’IPSLles sous-estime. Il sous-estimeégalement les pluies au centre del’Amérique du Sud.

20108 976543210

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54 La Météorologie - n° 55 - novembre 2006

Figure 9 - Fraction de glace de mer, en moyenne pour les mois de mars en Arctique (à gauche) et de septembre en Antarctique (à droite), sur la période 1960-1989, correspondant à l’extension maximale de glace pour les deux régions. (a), (d) : modèle IPSL-CM4 ; (b), (e) : modèle CNRM-CM3 ; (c), (f) : climatologie HadISST, établie à partir d’analyses de données de couverture de glace de mer. (Rayner et al., 2003)

Autour du continent Antarctique, lecycle saisonnier de la glace de mer estbeaucoup plus important que dans l’hé-misphère Nord. En septembre, à la finde l’hiver austral, la glace de mer atteintson extension maximale (18 millions dekm2) et encercle tout le continent. Sonépaisseur, de 1 m environ près du conti-nent, décroît progressivement lorsquel’on s’en éloigne. Cette glace de merdisparaît presque totalement durant l’étéaustral : il n’en demeure qu’en mer de

Ross et de Weddell, et son extension nedépasse pas alors 4 millions de km2, soit1/5e environ de sa valeur maximale (fi-gure 9 f). Les deux modèles climatiques(contrairement aux versions précéden-tes) simulent correctement ce cycle sai-sonnier, particulièrement pendantl’hiver (figure 9 d, e). Au cours de l’été,l’extension de la banquise reste trop fai-ble, particulièrement dans le modèle duCNRM, mais l’impact climatique de cebiais reste limité.

Variabilité interannuelleNous ne présenterons pas ici commentces modèles climatiques simulent lavariabilité naturelle interannuelle.Signalons seulement que, par rapportaux modèles utilisés dans le précédentrapport du Giec, les caractéristiquesgénérales des principaux modes de va-riabilité (El Niño, oscillation Nord-Atlantique...) sont dans l’ensemblenettement mieux représentées.

Simulation des évolutions futuresdu climatÀ partir de l’année 2000, plusieurssimulations ont été réalisées avec desconcentrations de gaz à effet de serre etdes aérosols sulfatés qui varient suivantles différents scénarios évoqués aupara-vant. Nous avons vu que la températuremoyenne de surface de la Terre évoluaittrès différemment selon ces scénarios(figure 4). En voici les résultats.

Distribution géographique des changements de températureLa distribution géographique de l’ac-croissement de température est à peu prèssimilaire pour les différents scénarios, etnous l’avons tracée, figure 10, pour lescénario SRES-A2. On retrouve desrésultats maintenant classiques : l’ac-croissement de température est plus élevésur les continents que sur les océans, et ilest particulièrement fort dans les hauteslatitudes de l’hémisphère Nord.

Dans les régions tropicales, ce résultats’explique en partie par les différencesdans l’évaporation. Sur l’océan, laquantité d’eau disponible pour l’éva-poration n’est pas limitée, alorsqu’elle l’est sur les continents par lecontenu en eau du sol, lui-même lié àla quantité totale de précipitations.

0.15

0.15

0.15

0.15

0.15

0.15

0.15

0.5

0.5

0.5

0.5

0.5

0.5

0.8

0.8

0.8

0.8

0.8

0.80.8

0.8

0.8

0.9

0.9

0.9

0.90.8

0.9

0.9

0.9

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55La Météorologie - n° 55 - novembre 2006

été, ce qui réduit la réflexionpar la surface du rayonne-ment solaire, augmente laquantité de rayonnementabsorbé et tend à amplifierl’augmentation initiale de latempérature. Dans les ré-gions où l’épaisseur de laglace de mer diminue, voireoù cette glace disparaît, latempérature de l’air aug-mente fortement, car la glacede mer n’isole plus l’air del’océan, dont la températurede la surface est plus élevéeque celle de la glace. Enfin,une dernière cause allantdans le même sens est l’aug-mentation du transport devapeur d’eau vers les hauteslatitudes nord par la circula-tion atmosphérique.

En revanche, aux environsdu Groenland, on peutremarquer que la tempéra-ture de l’air près de la sur-face n’augmente que trèsfaiblement, voire diminue.Cette tendance est particuliè-rement aff irmée pour lemodèle du CNRM quisimule un léger refroidisse-ment de la surface océaniqueet une extension hivernale dela banquise plus forte qu’ac-tuellement en mer du Labra-dor. Pourquoi ? Parce que,dans ces régions, la densitéde l’eau de mer diminue ensurface à cause de l’augmen-tation des températures oudes précipitations. Par consé-quent, les eaux de surface nesont plus suffisamment den-ses pour plonger vers l’océanprofond, limitant la remontéecompensatoire d’eaux sous-jacentes plus chaudes quecelles de la surface. Ce phé-nomène est parfois impro-prement qualifié d’ « arrêt duGulf Stream ». Il s’agit enfait d’une réduction de laconvection océanique et dela dérive Nord-Atlantiqueassociée, et non pas d’unarrêt total de ce fameux cou-rant marin, généré avant toutpar les vents. Cette réductiona un effet sur la températurequi dépend des modèles, à lafois en termes d’amplitude etd’extension géographique,mais qui reste dans tous lescas très limité. Elle modulelocalement le réchauffement

Figure 10 - Différence de la température (°C) de l’air

à la surface de la Terre entre la fin et le début du xxe siècle,

simulé par les modèles de l’IPSL (en haut)

et du CNRM (en bas), en considérant le scénario SRES-A2pour l’évolution des concentrations

des gaz à effet de serre.

Figure 11 - Idem, figure 10, mais pour les précipitations (en mm/j).

L’évaporation refroidit la sur-face : le refroidissement n’estdonc pas limité sur les océans,alors qu’il l’est sur les conti-nents. Pour le scénario SRES-A2, les deux modèlessimulent en 2100 une aug-mentation du refroidissementpar évaporation plus forte surocéan que sur continent. Pourle CNRM, cette augmentationest en moyenne de 5,5 W.m-2

sur océan et 2,8 W.m-2 surcontinent ; pour l’IPSL, elleest de 9,8 W.m-2 sur océan et 0,2 W.m-2 sur continent.D’autres phénomènes, tels leschangements de couverturenuageuse ou de circulation,jouent également un rôle dansle différentiel de réchauffe-ment océan-continent.

Aux moyennes et hautes lati-tudes, la faible augmentationde la température de l’océanest en partie due à son inertiethermique. Cela est particu-lièrement vrai dans l’hé-misphère Sud, où, les ventsétant très forts, l’agitation del’océan est élevée et la tem-pérature homogène sur uneépaisseur assez grande del’océan. Pour que la tempéra-ture de la surface de l’océanaugmente, il faut doncréchauffer une masse d’eauimportante.

Dans les hautes latitudes del’hémisphère Nord, l’aug-mentation importante de latempérature est partiellementdue à ce que l’on appelle larétroaction « albédo-tempé-rature ». Lorsque la tempéra-ture augmente, il y a unediminution importante del’enneigement et de l’exten-sion de la glace de mer en

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climatique, mais il n’en reste pas moinsque le réchauffement demeure importantsur tous les continents de l’hémisphèreNord, notamment sur l’Europe.

Évolution des précipitationsDans leur ensemble, les modèles clima-tiques prévoient – mais avec une fortedispersion – une augmentation du totaldes précipitations avec la température(Giec, 2001). Pour le scénario SRES-A2, le modèle du CNRM simule unaccroissement moyen de 5 % en 2100 etcelui de l’IPSL de 8 %. Mais ces chan-gements des précipitations sont accom-pagnés d’une très forte variabilitéinterannuelle et sont loin d’être homo-gènes dans l’espace : dans certainesrégions, les précipitations augmentent,alors que dans d’autres elles diminuent(figure 11).

En moyennes zonales, les précipitationsont tendance à augmenter partout, saufdans les régions subtropicales (vers 30°N et 30 °S) où elles diminuent, et cedans les deux modèles. Emori et Brown(2005) ont montré que l’augmentationgénérale des précipitations était due àl’augmentation du contenu en vapeur

d’eau de l’atmosphère, tandis que leurdiminution dans les régions subtropi-cales était due à une modification de lacirculation atmosphérique.

En Europe, les deux modèles françaisdonnent une augmentation des précipi-tations dans le Nord et, à l’opposé, unassèchement autour du bassin méditer-ranéen. Ces résultats sont égalementobtenus par de nombreux autres modè-les, la limite entre des deux zonesvariant d’un modèle à l’autre et laFrance métropolitaine se situant à lacharnière.

Sur d’autres régions, les deux modèlespeuvent donner des résultats très diffé-rents, comme par exemple au-dessus del’Amérique du Sud, de l’Afrique del’Ouest et de l’ouest de l’Inde, où il y adiminution des précipitations dans lemodèle de l’IPSL et augmentation danscelui du CNRM. Si l’on considère unplus grand ensemble de modèles clima-tiques, on obtient également des résul-tats très contrastés dans ces troisrégions, qui sont des régions de mous-son (Giec, 2001). De façon générale, leschangements de précipitations surcontinent restent très incertains (y com-pris au niveau du signe), même enmoyenne annuelle, en raison d’incerti-

tudes majeures au niveau de la repré-sentation de différents processus(Douville et al., 2006). Actuellement,on ne dispose pas de critère solide per-mettant de définir quels résultats sontplus crédibles que d’autres. Une despistes de travail est de rechercher lesliens éventuels entre les mécanismesrégissant les variations de précipitationsaux échelles de temps interannuelles etcelles à plus grande échelle de temps.

Évolution des tempêtes Dans le contexte d’un changement cli-matique, les caractéristiques des dépres-sions aux moyennes latitudes (enparticulier celles qui atteignent les côtesbretonnes) sont susceptibles de changerpour deux raisons : la première est unemodification du gradient de températureéquateur-pôle, gradient qui tend à dimi-nuer près de la surface mais qui a ten-dance à augmenter en altitude. Laseconde est une augmentation de laquantité totale de vapeur d’eau dans l’at-mosphère, donc de la quantité de vapeurd’eau qui peut être condensée et ainsidégager de la chaleur latente. Déjà, dansle précédent rapport du Giec, en 2001, ilétait mentionné que le nombre total dedépressions pouvait diminuer, alors que

Figure 12 - Fraction de glace de mer, en moyenne pour le mois de septembre (extension minimale) en Arctique, simulée par les modèles IPSL-CM4 (haut) et CNRM-CM3(bas). (a), (d) : période 1960-1989 ; (b), (e) : 2070-2099, scénario SRES-B1; (c), (f) : 2070-2099, scénario SRES-A2.

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le nombre de fortes dépressions (outempêtes) pouvait augmenter. À l’aidede diagnostics simples établis sur le gradient de pression en surface, enmoyenne quotidienne, Lambert et Fyfe(2006) ont montré récemment que cettedouble tendance se retrouvait avec tousles modèles qu’ils avaient pu analyser,parmi ceux utilisés pour le prochain rap-port du Giec. C’est le cas, en particulier,des deux modèles français, et ce dans lesdeux hémisphères. Pour le scénarioSRES-A2, cette décroissance est, pourles deux modèles, de 10 % environ en2100 dans l’hémisphère Sud, un peumoins dans l’hémisphère Nord. Pour lesdépressions les plus intenses, le modèleIPSL-CM4 simule un accroissement deleur nombre de 20 % dans l’hémisphèreNord et de 70 % dans l’hémisphère Sud,deux valeurs proches des moyennes desmodèles. Par contre, CNRM-CM3simule un faible accroissement du nom-bre d’événements intenses, surtout dansl’hémisphère Sud. Lambert et Fyfe(2006) ont également montré quepresque tous les modèles simulaient unemodif ication de la fréquence desdépressions dès le milieu du XXe siècle.Le modèle CNRM-CM3 est l’un desmodèles faisant exception, probable-ment à cause d’une légère dérive dans lasimulation de contrôle.

Évolution de la glace de merL’extension de glace de mer simulée enhiver par les deux modèles ne diminueque légèrement, car les conditions favo-rables à la congélation de la surfaceocéanique persistent : peu ou pas derayonnement solaire, températures, cer-tes plus élevées, mais toujours nettementnégatives. En revanche, le réchauffementdes températures atmosphériques et océa-niques affecte fortement la productionannuelle nette de glace. Ainsi, dans unegrande partie de l’Arctique, elle devienttrop mince pour persister au cours del’été. Les modèles de l’IPSL (figure 12,haut) et du CNRM (figure 12, bas) ontévalué cette déplétion estivale pour la findu XXIe siècle, et indiquent qu’elle devraitêtre d’autant plus marquée que les émis-sions de gaz à effet de serre sont intenses.Il apparaît, en particulier, que la glace demer arctique pourrait disparaître totale-ment en été, comme le simule le modèledu CNRM pour la période 2070-2099,dans le cas du scénario SRES-A2 (le plus« pessimiste »). En Antarctique, l’exten-sion maximale de la glace de mer estréduite de 25 % environ et les deuxmodèles simulent une fonte de glace plusrapide au printemps et en été à la fin duXXIe siècle qu’à l’époque actuelle.

Évolutionde la température estivaleen France métropolitaine

Même si les modèles climatiques n’ontpas une résolution suffisante pour décrirecorrectement le climat partout en Francemétropolitaine, nous avons voulu regar-der comment il simulait une grandeur climatique telle que la températuremoyenne estivale (de juin à août), et com-ment son évolution pouvait être interpré-tée. En moyenne sur la France et sur lestrois mois d’été, la température peutvarier de plusieurs degrés Celsius d’uneannée à l’autre (figure 13).Cette variabilité interan-nuelle est présente dansles observations et assezbien reproduite par lesmodèles, en la surestimantlégèrement : sur la pé-riode 1880-2002, l’écarttype est de 0,9 °C pour lesobservations et d’environ1,2 °C pour les deuxmodèles. Cette figure estl’occasion de rappeler queces simulations clima-tiques ne permettent pasde comparer modèles etobservations pour uneannée particulière. Lesmodèles simulent des étés« caniculaires », mais n’é-tant contraints par aucuneobservation météorolo-gique, il n’y a aucune rai-son pour qu’ils simulentla canicule d’une annéeprécise, comme parexemple 2003, si cesextrêmes sont seulementle fait de la variabiliténaturelle. Les comparai-sons entre modèles cli-matiques et observationsne peuvent être que sta-tistiques.

Les caniculesDans les observations, le côté excep-tionnel de l’été 2003 ressort très claire-ment. Nous allons prendre cette valeur,qui est exceptionnelle au regard du cli-mat du siècle dernier, pour illustrer cequi pourrait se passer au XXIe siècle.Dans le scénario A2, la températuremoyenne des étés croît fortement, et, àla f in du siècle, la température depresque tous les étés simulés dépassecelle de l’été 2003, c’est-à-dire que l’été2003 serait un été « froid » ! La tempé-rature moyenne des étés atteint celle de

2003 vers 2070-2080 pour les deuxmodèles. Pour le scénario B1, la tempé-rature des étés croît également, maisbeaucoup plus faiblement. À la fin dusiècle, la température moyenne des étésreste inférieure à celle de 2003. Un étéde type 2003 n’est plus exceptionnel,mais correspond néanmoins à un éténettement plus chaud que la moyenne.Il ne faut pas considérer ces chiffrescomme des valeurs exactes, mais plutôtcomme une illustration concrète du faitque les changements climatiques futurspourraient être très importants, et qu’ilssont aussi très dépendants de nos émis-sions futures en gaz à effet de serre.

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Figure 13 - Évolution de la température moyenne (°C) durant les trois moisd’été (juin à août) en France métropolitaine ; observée (étoiles noires, de1880 à 2005), et simulée par les modèle du CNRM (en rouge) et de l’IPSL(en vert). Après l’an 2000, on utilise, soit le scénario SRES-A2 (courbes duhaut), soit le scénario SRES-B1 (courbes du bas). L’été 2003 est bien visi-ble. (Les observations proviennent de Météo-France)

Cette évolution des températures esti-vales nous offre la possibilité d’illustrerplus concrètement comment les effetsd’un changement climatique globalpourraient se traduire à l’échelle régio-nale. En effet, nous sommes couram-ment soumis à des changements detempérature de plusieurs degrés, parexemple en France métropolitaine de 10à 15 °C entre le jour et la nuit, ou entrel’été et l’hiver. Et si nous et notre envi-ronnement subissons sans difficulté etsans dommage ces variations, pourquoidevrait-on s’inquiéter de changements

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58 La Météorologie - n° 55 - novembre 2006

de 3 à 4 °C sur des constantes de tempsbeaucoup plus longues, de l’ordre dusiècle ? Les observations nous indi-quent que la température moyenne desétés « très chauds » (1976, 1983...) nedépasse la température moyenne clima-tologique que de 2 °C environ, et quecelle de l’été de 2003 ne l’a dépasséeque de 4 °C. Et pourtant, pendant cetété 2003, il était évident que nos équipements (centrales électriques,transports en commun...), nos maisons,nos bâtiments, nos infrastructures, nosvilles, notre environnement, tous lesécosystèmes, étaient totalement inadap-tés à de telles conditions climatiques.Même si la température moyenne nepermet évidemment pas de décrire lacomplexité réelle d’un été chaud oucaniculaire (cf. Rousseau, 2005, commeexemple d’analyse plus fine de la cani-cule 2003), il nous semble pertinentd’utiliser cet exemple pour montrerqu’une élévation de température de« quelques degrés seulement » cor-respond très concrètement à des chan-gements très importants de notre cadrede vie et de l’environnement de tous lesécosystèmes.

L’échelle régionaleSignalons enfin que la communautéfrançaise (Cerfacs, CNRM, IPSL,LGGE...) a entrepris des travaux pourdévelopper des méthodes de régionali-sation afin d’estimer les changementsclimatiques à des échelles plus fines.

Discussion et conclusionDès le XIXe siècle, lorsque les scienti-fiques comprirent que la température desurface de la Terre résultait de l’équili-bre entre l’énergie reçue et celle perdue,ils en déduisirent que toute modifi-cation de l’une de ces quantités se tra-duirait par un changement de la tempé-rature de surface, et donc du climat. Enmême temps le rayonnement solaireétait identifié comme étant la principalesource d’énergie, et le rayonnementinfrarouge le principal mode d’échangepar lequel la Terre et son atmosphèreperdaient l’énergie vers l’espace. Il fallut néanmoins attendre le milieu duXXe siècle pour calculer correctementces échanges par rayonnement infra-rouge et comprendre leurs interactionsavec les autres modes d’échange(convection, etc.). Aujourd’hui, l’effetde l’accroissement de la concentrationdes gaz sur l’effet de serre est bien

quantifié. Les recherches portent plutôtsur l’étude des phénomènes qui peuventamplifier ou atténuer ce phénomène,sur l’évaluation des impacts concretsque pourrait avoir cette augmentation(notamment sur les pluies et la disponi-bilité en eau, l’évolution des glaciers, leniveau de la mer...) et sur l’éventualitéde changements brutaux et dramatiquesdu climat. Ainsi, la question scienti-fique n’est plus de savoir si la tempéra-ture de la Terre va augmenter du fait desactivités humaines, mais plutôt d’éva-luer de combien elle va augmenter, etavec quelles conséquences, notammentsur le cycle hydrologique.

Depuis le précédent rapport du Giec, en2001, les modèles climatiques ontgagné en cohérence et représentent lesphénomènes de façon plus complète. Ilssimulent de façon assez réaliste unemultitude de caractéristiques du climatactuel ainsi que l’évolution observée dela température moyenne de la Terredepuis plus de 100 ans. Les deux modè-les français, dont nous avons présentéici rapidement les résultats, sont repré-sentatifs à la fois des caractéristiquesgénérales de ces modèles, mais aussi deleurs différences.

Pour les changements climatiquesfuturs, plusieurs résultats sont considé-rés comme robustes car ils se retrouventdans les différents modèles et ont desexplications théoriques. Ce sont notam-ment la distribution géographique del’accroissement de température (celui-ci étant plus élevé sur les continents quesur les océans, très fort en régionArctique), la répartition par bandes delatitude des changements de précipita-tions (augmentation près de l’équateuret aux hautes latitudes, diminution dansles régions subtropicales), l’augmenta-tion de l’intensité des tempêtes auxmoyennes latitudes ou le retrait de laglace de mer dans les régions polaires.

À côté de ces résultats robustes, desquestions importantes demeurent trèsouvertes. Pour une perturbation donnée,tel un doublement de CO2, quel se-ra l’accroissement de températuremoyenne ? 2 ou 4,5 °C ? Quels serontles changements de précipitations auxéchelles régionales ? Quelles seront lesconséquences concrètes de cet accrois-sement de température en termes d’évé-nements extrêmes, de cyclones,d’enneigement, de débit des rivières,d’intensité des orages... ? Les modèlesclimatiques nous donnent des indica-tions, mais elles peuvent être contradic-toires et il est parfois difficile d’établirleur fiabilité. De façon générale, nous

savons aujourd’hui évaluer le climatsimulé par les modèles par rapport auxobservations, mais nous ne disposonspas de méthodologie pour évaluer leschangements du climat en réponse àdifférentes perturbations, à différentsforçages. Par exemple, il est nécessaireque l’accroissement de températureobservé depuis un siècle soit biensimulé par les modèles, mais cettecontrainte n’est pas suffisante pour per-mettre des prévisions fiables des chan-gements climatiques futurs. D’autrespistes sont également explorées, commel’étude détaillée des variations interan-nuelles du climat ou l’étude des climatspassés.

Est-il encore temps d’agir ? Le climatne va-t-il pas de toute façon continuer àchanger du fait de nos émissions pas-sées de gaz à effet de serre ? Les modè-les nous indiquent effectivement que leclimat de la Terre va continuer à seréchauffer dans le futur, même si lesconcentrations des gaz à effet de serresont stabilisées à leur valeurs actuelles(ce qui nécessiterait un arrêt quasi totaldes émissions anthropiques). Mais cesmodèles nous disent aussi que, selon lescénario d’émission de gaz à effet deserre choisi, l’amplitude du réchauffe-ment sera très différente, et que, plus onréduit tardivement nos émissions, plusl’effet d’inertie du climat est important.L’accroissement de température pour lescénario « fort » (SRES-A2), pourlequel les émissions continuent de croî-tre pendant tout le siècle, est deux foisplus élevé que pour un scénario (SRES-B1) pour lequel elles croissent lente-ment jusqu’en 2050, puis décroissent.Ainsi, des changements climatiquessont effectivement en cours, mais leuramplitude et leur sévérité dépendrontavant tout des actions qui seront ou nonentreprises, de la rapidité et de l’éten-due de leur mise en œuvre.

RemerciementsCes simulations ont été réalisées sousl’impulsion de la Mies (Mission inter-ministérielle sur l’effet de serre), avec lesoutien du CEA (Commissariat à l’énergie atomique), du CNRM (Centrenational de recherches météorolo-giques) et du CNRS (Centre national dela recherche scientifique) et grâce àleurs centres de calcul (respectivementle CCRT, le centre de calcul de Météo-France et l’Idris). Ce travail a égalementété soutenu financièrement par le projetMC2 du ministère de la Recherche etpar le projet Ensembles de la Commis-sion européenne.

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