monod ephesiens

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T HÉOT E X Adolphe Monod EXPLICATION DE LÉPÎTRE AUX ÉPHÉSIENS

Author: koko

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  • THOTEX

    Adolphe Monod

    EXPLICATION

    DE

    LPTRE AUX PHSIENS

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    ISBN : 978-2-36260-027-2

  • EXPLICATIONDE

    LPTRE AUX PHSIENSPAR

    Adolphe MONOD1867

    Soleil dOrient 2005

  • Il y a dj bien des annes, M. Adolphe Monod expliqua lptre aux

    phsiens dans une suite de mditations familires. Aprs ces services, il

    avait lhabitude de recueillir et dcrire lui-mme ce quil avait dit : cest

    ainsi que se trouva compose lEXPLICATION DE LPTRE AUX PHSIENS

    que nous publions aujourdhui.

    Nous donnons ce travail, que M. Monod navait pu revoir lui-mme, tel

    quil lavait laiss, et en conservant mme certains passages que le cours

    des vnements accomplis lui aurait sans doute fait modifier (voyez cha-

    pitre 6, 5-9), sil avait prsid lui-mme cette publication.

    Rappelons ici le vu que lauteur exprimait lui-mme en abordant

    cette tude : Veuille le Saint-Esprit, promis aux disciples du Nouveau

    Testament, se servir de nous pour vous aider comprendre la pense de

    lAptre, comme il sest servi de lAptre pour nous rvler la pense de

    Christ !

    1

  • Introduction

    Lptre aux phsiens embrasse, dans sa brivet, tout le champ de

    la religion chrtienne. Elle en expose tour tour la doctrine et la morale,

    avec tant de concision et de plnitude tout ensemble, qu peine pourrait-

    on nommer quelque grande vrit ou quelque devoir essentiel qui ny ait

    sa place marque ; outre qutant partage en deux parties gales, dont

    lune est rserve la doctrine et lautre la morale, elle procde avec un

    ordre et une mthode quon ne retrouve nulle part ailleurs, si ce nest dans

    les grandes ptres aux Romains et aux Hbreux, qui sont moins des lettres

    que des traits. On en peut dire autant de notre ptre ; et il y a lieu de pen-

    ser, avec les interprtes les plus clairs, que, bien quadresse la seule

    glise dphse, elle a t destine et communique par Tychique, qui en

    fut le porteur, aux glises les plus considrables de cette partie de lAsie

    Mineure dont phse tait la ville principale. Cette remarque expliquerait

    comment lAptre soccupe moins ici des besoins, particuliers dune glise

    dtermine que de lexposition gnrale de la vrit divine, et pourquoi

    lon cherche peu prs 1 en vain dans cette ptre ces traits spciaux, ces

    allusions individuelles, ces salutations personnelles que nous prsentent

    la plupart des ptres de saint Paul, et que lon devait sattendre retrou-

    ver dans une lettre adresse une glise aussi connue et aussi aime de

    1. Nous disons peu prs, parce quil y a quelques endroits de notre ptre qui font ex-ception cette remarque, tels que Ephsiens 1.15-16, et 6.21. Ce dernier verset nous donne entendre que la prsence de Tychique devait suppler aux dtails qui manquaient dansles communications crites de lAptre.

    2

  • lui que ltait celle dphse.

    Daprs ce que nous venons de dire, nous pouvons nous dispenser de

    rechercher curieusement tout ce que lcriture ou la tradition nous ap-

    prennent sur lglise dphse. Ces donnes, souvent prcieuses pour lin-

    telligence des ptres, le seraient moins pour la ntre, puisquelle est si d-

    pourvue dapplications spciales. Rappelons seulement que saint Paul vi-

    sita phse une premire fois, et y jeta vraisemblablement les fondements

    dune glise, lorsquil tait en chemin pour retourner Jrusalem, aprs

    son premier sjour Corinthe (Actes 18.19-20) ; quil y retourna plus tard,

    et y sjourna cette fois deux ans et trois mois, durant lesquels il rpandit

    lvangile dans toute lAsie Mineure (Actes 19.10) ; que les fabricants de

    temples de Diane, voyant leur industrie en pril par les progrs de lvan-

    gile, excitrent contre Paul et ses compagnons une meute populaire, qui

    pensa coter la vie notre Aptre ; que cest dphse quil crivit, vers la

    mme poque, sa premire ptre aux Corinthiens (1Corinthiens 16.8-9) ;

    que cest dphse quil fit venir Milet les pasteurs auxquels il adressa

    cet admirable discours et quil prmunit si solennellement contre les mau-

    vaises doctrines qui devaient se glisser au milieu deux aprs son dpart

    (Actes 20.18 et suivants) ; enfin que cest lglise dphse que saint

    Jean crivit lune des sept ptres de lApocalypse, dans un temps o cette

    glise avait commenc dprouver la vrit de la prdiction de saint Paul

    et avait rsist fidlement lhrsie naissante (Apocalypse 2.1-7).

    En rapprochant avec soin les temps et les vnements, tels quils sont

    indiqus dans les Actes et dans les ptres, on reconnat que lptre aux

    Ephsiens a t crite de Rome durant le premier sjour de saint Paul dans

    cette ville, qui nous est rapport dans le dernier chapitre des Actes 2 ; et

    cette supposition est confirme et change presque en certitude par la tra-

    dition constante de lantiquit. De l les allusions ritres de lAptre

    son tat de captivit (3.1 ; 6.1 ; 6.19-20). Tychique, qui porta cette lettre

    2. Vers lan 62.

    3

  • phse (6.21), fut charg en mme temps de quelques autres lettres de

    saint Paul, et en particulier de son ptre aux Colossiens. Cette dernire

    circonstance est importante connatre pour lexplication de notre ptre.

    Car ces deux ptres, crites la mme poque, et des glises voisines

    lune de lautre, offrent entre elles une ressemblance frappante, tant pour

    les penses que pour lordre dans lequel elles sont prsentes. On peut

    considrer lptre aux Colossiens comme une sorte dextrait de lptre

    aux phsiens, mais un extrait modifi et adapt aux besoins spirituels de

    la petite communaut de Colosses. Il nous arrivera donc plus dune fois de

    citer lptre aux Colossiens et de nous en servir pour lclaircissement de

    la ntre ; bien que linterprtation de lptre aux Colossiens ait encore plus

    de lumire emprunter lptre aux phsiens, qui traite la plupart des

    matires avec plus dtendue. Il est intressant de voir comment elles re-

    oivent lune de lautre le mme genre de secours que se prtent entre eux

    les quatre vangiles, se compltant et sexpliquant mutuellement, tantt

    par leurs rapports et tantt par leurs diffrences mmes.

    Remarquons encore que saint Paul sadresse surtout dans notre ptre

    aux chrtiens sortis du paganisme. Il insiste singulirement sur la faveur

    que Dieu leur a faite en les choisissant du sein de la corruption universelle

    pour les associer son peuple lu et pour runir en Jsus-Christ les paens

    convertis et les juifs fidles. Ce dessein gnral, bien compris, jette beau-

    coup de jour sur les diverses parties de notre ptre. Cela dit, abordons, au

    nom du Seigneur, le saint livre que nous nous proposons dtudier. Voici

    quelle sera, dans cette tude, notre rgle fondamentale : chercher, avec tous

    les secours que Dieu place notre porte, la pense de lauteur sacr, qui

    est pour nous celle de Dieu mme ; et puis, cette pense trouve, la recevoir

    avec la simplicit dun enfant, et lexposer nos auditeurs avec la fidlit

    tremblante dun interprte du Saint-Esprit. Libert dans linvestigation

    du sens des critures, soumission ce sens une fois dcouvert, voil la

    base, non seulement de toute mditation salutaire des critures, mais en-

    4

  • core de toute exgse solide et de toute thologie digne de son nom.

    coutons sur ce sujet lun des plus savants thologiens contemporains

    de lAllemagne, Harless, dans la prface de son Commentaire sur lptre

    aux phsiens : Lglise protestante, dont je me flicite dtre serviteur

    et docteur avec une entire et libre conviction, a fix depuis trois sicles

    les principes daprs lesquels elle interprte la sainte criture. Selon elle,

    lcriture ne peut tre explique que par lcriture elle-mme ; cest d-

    couvrir le sens simple, clair et naturel du texte sacr que je me suis ap-

    pliqu partout. Sil mtait arriv parfois de dominer la Parole, au lieu de

    me laisser enseigner par elle, ce serait l une infraction individuelle et in-

    volontaire, au principe de mon glise, qui veut, avec lAptre, que toute

    autorit propre soit abattue, et qui ne connat sur la terre ni aucune autorit

    suprieure la Parole de Dieu, ni aucune sagesse capable de dominer la

    sagesse divine, ni aucune autre vertu dinterprtation que cette humble fi-

    dlit envers la rvlation de Dieu, qui sassied pour couter aux pieds du

    Matre et qui invite les hommes pntrer dans la profondeur des saints

    mystres. On reconnat ce beau langage un disciple de ce grand rfor-

    mateur qui a dit : Nous voulons demeurer jusquau bout coliers dans la

    sainte criture ; car nous ne sommes pas capables den sonder fond un

    seul mot ; nous nen obtenons que les prmices (Luther). A la distance qui

    nous spare de ces serviteurs minents du Seigneur, le mme esprit nous

    anime et nous prions Dieu de ne pas permettre que nous vous donnions ja-

    mais notre pense au lieu de la sienne. On nallume pas un flambeau (dit

    encore le thologien que nous avons cit tantt) pour clairer le soleil ; et

    il doit suffire celui qui veut annoncer la lumire au monde, de faire voir

    quil ne prche pas dans des antres et des trous souterrains ; mais quil est

    expos aux rayons de cette vritable lumire, qui ne slve pas de son

    sein, mais qui descend sur lui du ciel.

    Veuille le Saint-Esprit, promis aux disciples du Nouveau Testament,

    se servir de nous pour vous aider comprendre la pense de lAptre,

    5

  • comme il sest servi de lAptre pour nous rvler la pense de Christ !

    6

  • I. La salutation

    1.1-2

    1. Paul, aptre de Jsus-Christ, par la volont de Dieu, aux saints et fidles

    en Jsus-Christ qui sont phse 2. Grce et paix vous soient de la part de Dieu

    notre Pre et du Seigneur Jsus-Christ.

    Paul. . . ce nom, que lAptre se donne dans toutes ses ptres, de pr-

    frence son premier nom, Saul (ou Sal), rappelle la mission quil avait

    reue de Dieu auprs des paens. Car Sal tait un nom juif ; mais Paul tait

    un nom romain, que lAptre parat avoir pris pour se faire mieux venir de

    ses auditeurs, et en mmoire de la conversion du proconsul Sergius Paul,

    le premier fruit de sa premire mission.

    Aptre de Jsus-Christ, par la volont de Dieu. Ces mots servent tout en-

    semble tourner lattention des phsiens sur Jsus-Christ, dont Paul nest

    que lAptre (lenvoy Jean 3.30), et imprimer dans leur esprit lauto-

    rit divine de son ministre, puisque cest au nom de Jsus-Christ quil

    leur parle. En crivant certaines glises, auxquelles on avait inspir des

    doutes sur son apostolat, il stend sur cet article, quil se contente ici din-

    diquer. Il y consacre, en particulier, les deux premiers chapitres de son

    ptre aux Galates, qui font le tiers de toute lptre. Bien quentr dans

    lapostolat aprs la mort et lascension du Seigneur, saint Paul y avait t

    appel directement et par le Seigneur lui-mme. Jsus lui tait apparu tout

    exprs et lavait personnellement institu, sans intermdiaire humain, ce

    7

  • qui faisait quil tait aptre au mme titre que les douze tmoins de la

    rsurrection du Seigneur (Actes 1.22), non de la part des hommes, ni

    par un homme (cest--dire par le ministre dun homme), mais par

    Jsus-Christ et par Dieu le Pre qui le ressuscita des morts (Galates 1.1).

    Comme si ce nom daptre de Jsus-Christ ne suffisait pas encore, saint

    Paul ajoute quil lest par la volont de Dieu ; tant il tient constater quil ne

    sest point ingr de lui-mme dans le ministre quil exerce. Cest que ce

    point est galement ncessaire pour lui-mme et pour ses lecteurs ; pour

    lui, afin quil parle avec foi ; pour eux, afin quils lcoutent avec foi. Quel

    est le pasteur chrtien qui puisse lire ces mots, par la volont de Dieu, sans

    une sorte de sainte jalousie ? Quon est fort quand on peut sassurer que

    ce quon fait, ce quon dit, on le fait et on le dit pour obir un comman-

    dement du Seigneur ! Quon se trouverait heureux davoir, comme saint

    Paul, des caractres manifestes pour tout le monde, dune vocation divine !

    Mes chers frres dans le ministre, ne perdons pas courage. Dieu voit ce

    besoin que nous prouvons de nous sentir faisant sa volont, et il est fi-

    dle pour y rpondre. Il est juste que lvidence des signes de vocation se

    proportionne limportance de la vocation elle-mme ; et cette interven-

    tion visible du Seigneur, qui tait ncessaire pour les docteurs inspirs de

    lglise universelle, nous navons pas le droit dy prtendre. Mais, comme

    ces pasteurs dphse que saint Paul nhsitait pas appeler tablis par

    le Saint-Esprit sur leur troupeau (Actes 20.26), bien quil ny et eu rien

    de surnaturel et dextraordinaire dans leur institution, nous avons aussi

    nos signes auxquels nous pourrons reconnatre si le Seigneur nous appelle

    ou non au ministre de la Parole. Cherchons-les, non dans cette prtendue

    succession apostolique que limagination des hommes a rve et quelle sub-

    stitue imprudemment la vocation de Dieu ; mais dans lordre de lglise,

    dans les indications des vnements, dans les dispositions de notre es-

    prit, et surtout dans le secret de la prire. Oui, prions beaucoup, prions

    ardemment pour tre conduits du Seigneur ; puis, sil veut nous employer

    comme serviteurs de sa Parole, il nous le fera clairement connatre, et il

    8

  • saura le faire connatre aussi la conscience de ceux auprs desquels il

    nous envoie.

    Aux saints et fidles en Jsus-Christ qui sont phse. Les chrtiens dphse

    sont saints, parce quils appartiennent cette race lue (1Pierre 2.9),

    pour laquelle le Seigneur sest donn lui-mme afin de la racheter de

    toute iniquit, et de se purifier un peuple particulier, zl pour les bonnes

    uvres (Tite 2.14), et dont lancienne conomie nous offre un type visible

    dans ce peuple saint lternel quil stait choisi dentre tous les peuples

    de la terre (Deutronome 7.6). Les chrtiens sont des hommes mis part,

    spars du monde, et rservs pour le service de Jsus-Christ et pour la

    gloire de Dieu, selon ce qui est crit : Je me suis form ce peuple-ci ; ils ra-

    conteront ma louange (sae 43.21). Cette sparation, cette conscration

    se fait la fois extrieurement, par ladmission dans lglise, et intrieure-

    ment par la conversion du cur. Que dautres cherchent leurs saints parmi

    les morts, nous cherchons les ntres parmi les vivants ; point de saint au

    ciel, qui nait commenc par ltre sur la terre. Ils sont fidles (ce qui si-

    gnifie en cet endroit croyants, ainsi que dans Jean 20.28 ; Galates 3.9, etc.),

    parce quils possdent la foi en Jsus-Christ, qui est le principe de leur

    saintet. Ils nont pu devenir saints que parce quils ont t fidles, comme

    ils ne peuvent tre vraiment fidles sans devenir saints ; deux caractres

    insparables dont la runion forme une dfinition complte de lenfant de

    Dieu. Enfin, ils sont en Jsus-Christ, parce quils sont unis lui de telle sorte

    quil demeure en eux et eux en lui. De l tout ce qui les distingue davec

    le reste des hommes. Cest en Jsus-Christ seul quils sont saints ; en Jsus-

    Christ seul quils sont fidles ; en Jsus-Christ seul que leur me a la vie,

    le mouvement et ltre.

    Grce et paix vous soient. Cette salutation, que lon retrouve, avec de l-

    gres diffrences presque dans toutes les ptres, tant de saint Paul que

    des autres aptres, tait une formule usite gnralement de leur temps,

    et o ils navaient fait dautre changement que celui que commandait les-

    9

  • prit vanglique. Les Grecs et les Romains avaient coutume de commencer

    ainsi leurs lettres : Un tel un tel, salut ; et les Juifs se saluaient en ces

    termes : Paix te soit (Juges 20.20, etc.). Par ce salut, et par cette paix,

    on entendait la sant et des jours prospres. Les aptres ont maintenu la

    forme de la salutation reue, mais en y substituant aux souhaits que dicte

    lamiti du monde, ceux quinspire la foi et la charit de Christ. Exemple

    mditer. Le chrtien doit se sparer du sicle par lesprit qui lanime,

    et non sur des formes insignifiantes ; ces formes vides que nous fournit

    la bienveillance du monde, ne les brisez pas ; mais remplissez-les avec

    cette charit sans hypocrisie que vous avez apprise de votre Matre.

    Sparez-vous (2Corinthiens 6.17), mais ne vous singularisez pas. Ne

    dtournez pas sur un mot, sur un geste, sur un habit, sur une convenance

    sociale, lattention que rclame de la part des hommes leur salut et la gloire

    de Dieu. Ninnovez quautant que lvangile le commande, et ntonnez

    le monde que par votre saintet.

    La grce et la paix, que lAptre souhaite aux phsiens, marquent som-

    mairement toutes les bndictions attaches la foi vanglique, avec cette

    diffrence que le premier de ces deux mots indique le principe de ces b-

    ndictions, qui est en Dieu, au lieu que le second en indique le rsultat,

    qui se fait sentir dans le cur de lhomme. Saint Paul souhaite en pre-

    mier lieu aux phsiens, la grce, cest--dire, cette bonne disposition de

    Dieu, toute libre et gratuite, qui le porte dabord nous pardonner nos

    pchs en Jsus-Christ, et puis nous accorder encore, en lui, avec cette

    dlivrance capitale, toutes les autres dlivrances qui en dpendent et qui

    en dcoulent ; elles sont numres dans le Psaume 32, et dans le commen-

    cement du Psaume 103, o le pardon est nomm avant tout le reste : La

    premire faveur que Dieu accorde un pcheur, cest de lui remettre ses

    pchs (Luther). Il leur souhaite en second lieu la paix, cest--dire cette

    heureuse disposition dune me chrtienne, qui se rjouit dabord de ce

    que Dieu lui a remis ses pchs, et puis de ce quil la console, la guide, la

    10

  • sanctifie, la fortifie, et accomplit tout pour elle (Psaume 57.2). Ce nest

    donc pas sans dessein que lAptre nomme la grce avant la paix : Dieu

    commence et lhomme rpond ; lun et lautre sont ncessaires ; mais la

    premire place est Dieu. Lordre que suit saint Paul dans cette salutation

    est celui quil a galement adopt en dveloppant ces deux bndictions

    vangliques dans son ptre aux Romains. Les quatre premiers chapitres

    de cette ptre sont pour la grce ; le cinquime souvre par la paix : tant

    donc justifis par la foi, nous avons la paix avec Dieu, par notre Seigneur

    Jsus-Christ. A ces deux souhaits saint Paul en ajoute un troisime, la

    misricorde, quil intercale entre les deux autres, en crivant Timothe et

    Tite. Il entend alors par la misricorde, ce quil entend ici par la grce, et

    par la grce lorigine commune, cache plus profondment encore en Dieu,

    et de sa misricorde et de notre paix. Saint Jude, son tour, souhaite aux

    chrtiens la misricorde, la paix et lamour. La misricorde est pour lui ce

    quest la grce pour notre aptre ; et lamour complte le tableau des b-

    ndictions vangliques, en joignant la grce, expose dans les quatre

    premiers chapitres de lptre aux Romains, et la paix, expose dans le

    cinquime, cet amour saint, principe de la sanctification chrtienne, expos

    dans les chapitres 6, 7 et 8. La grce engendre la paix, et la paix lamour

    qui est le mobile de la vraie obissance.

    De la part de Dieu notre Pre et du Seigneur Jsus-Christ. Qui lirait ces

    paroles tant de fois rptes de saint Paul et oserait dire que Jsus-Christ

    nest pas Dieu ? Quel autre que Dieu, quel homme, quelle crature pour-

    rait tre, dans le langage si jaloux du Saint-Esprit, associ partout Dieu

    comme principe de toutes les grces divines : Moi et le Pre sommes un.

    Si vous navez vu cela, lecteur, vous navez rien vu.

    11

  • II. Laction de grces

    1.3-14.

    3. Bni soit le Dieu et Pre de notre Seigneur Jsus-Christ, qui nous a bnis, de

    toute bndiction spirituelle, dans les lieux clestes, en Christ ; 4. selon quil nous

    avait lus en lui, avant la fondation du monde, afin que nous fussions saints et

    irrprhensibles devant lui, dans lamour ; 5. nous ayant prdestins ladoption,

    par Jsus-Christ, pour soi-mme, selon le bon plaisir de sa volont ; 6. la louange

    de la gloire de sa grce, par laquelle il nous a reus en grce dans le bien-aim ;

    7. en qui nous avons la rdemption par son sang, la rmission des offenses, selon

    les richesses de sa grce ; 8. laquelle il a fait abonder en nous, en toute sagesse

    et intelligence ; 9. nous ayant donn connatre le mystre de sa volont (selon

    son bon plaisir, quil stait propos en soi-mme, 10. pour la dispensation de

    la plnitude des temps), savoir de runir toutes choses en Christ, et celles qui

    sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre ; 11. en lui, en qui aussi nous

    avons t faits hritiers, ayant t prdestins, selon le dessein arrt de Celui qui

    opre toutes choses selon le conseil de sa volont, 12. pour que nous fussions la

    louange de sa gloire, ceux qui ont auparavant espr en Christ ; 13. en qui vous

    tes aussi, ayant entendu la parole de la vrit, lvangile de votre salut ; en qui

    aussi, ayant cru, vous avez t scells par le Saint-Esprit de la promesse, 14. qui

    est larrhe de notre hritage, pour la rdemption de lacquisition, la louange de

    sa gloire.

    1) Laction de grces pour les lus en gnral. 1.3-10.

    12

  • Bni soit Dieu. Cest en louant Dieu que saint Paul commence toutes

    ses ptres, lexception de Galates, 1Timothe et Tite, o un objet spcial,

    proccupant la pense de lAptre, a pris la place quil rserve habituel-

    lement laction de grces. Quoi que nous entreprenions, commenons-le

    aussi par laction de grces ; Nattendons pas quelle soit provoque par

    quelque bienfait particulier : le don permanent de la vie ternelle ne nous

    suffit-il pas ? Grces Dieu pour son don ineffable ! (2Corinthiens 9.15.)

    Bni soit le Dieu et Pre de notre Seigneur Jsus-Christ qui nous a bnis ;

    saint Jean dit dans le mme esprit : Nous laimons, parce quil nous a ai-

    ms le premier.

    Le Dieu et Pre de notre Seigneur Jsus-Christ. On peut traduire aussi :

    Dieu, qui est le Pre, etc. ainsi que lont fait nos versions. Mais la traduc-

    tion que nous avons suivie, avec la version de Lausanne 1839, nous parat

    prfrable tant ici que dans Romains 15.6 ; 2Corinthiens 11.31 ; 1Pierre 1.3,

    etc. Dieu nest pas seulement le Pre de Jsus-Christ, il est en mme temps

    son Dieu, qui la envoy, qui la conduit, qui la exauc, qui la ressuscit,

    qui la fait asseoir sa droite. Je monte vers mon Pre et votre Pre, et

    vers mon Dieu et votre Dieu (Jean 20.17). Ce rapport du Pre au Fils est

    important considrer pour nous. Car, Jsus-Christ tant le reprsentant

    et la tte de lglise, cest parce que Dieu est le Dieu de Jsus-Christ quil

    est aussi notre Dieu, comme cest parce quil est le Pre de Jsus-Christ

    quil est aussi notre Pre. Que si lon demande comment Dieu peut tre

    le Dieu de Jsus-Christ, qui est Dieu lui-mme, nous pourrions rpondre

    que Jsus-Christ est considr alors dans sa nature humaine ; mais nous

    aimons mieux rpondre que cest l le mystre de pit ; mystre rap-

    pel, mais non expliqu, dans Psaume 45.8 (cit par saint Paul, Hbreux

    1.9) : O Dieu, ton Dieu ta oint dune huile de joie au-dessus de tes sem-

    blables ; ce qui nest pas plus tonnant que 2Timothe 1.18 : Le Seigneur

    lui fasse trouver misricorde auprs du Seigneur, ou Daniel 9.17-19 et

    Psaume 110.1.

    13

  • Dans les lieux clestes en Christ. Dieu nous a bnis en Christ, lus en

    Christ, sauvs en Christ ; ce nest pas seulement par Christ, cest en Christ,

    en la personne duquel Dieu nous contemple, comme des membres de son

    corps, faisant partie de son tre, et revtus de sa justice. Aussi saint Paul

    souhaite dtre trouv en Christ (Philippiens 2.9). Ceci nous explique

    comment nous pouvons tre bnis dans les lieux clestes, bien que

    nous ne soyons pas au ciel. Christ y est, et cela suffit. Que dis-je ? Nous y

    sommes, dans sa personne : Il nous a fait revivre avec le Christ, et il nous

    a ressuscits et fait asseoir dans les lieux clestes en Jsus-Christ (Voyez

    2.5-6 rapproch de 1.20). Cest galement parce que nous avons t lus

    en Christ que nous avons pu ltre avant la fondation du monde, bien

    qualors nous ne vcussions pas. Christ vivait, et cela suffit. Aussi bien ni

    cette difficult de lieu, ni cette difficult de temps, ngale la difficult de

    principe, la difficult essentielle de notre salut, celle qui tient ce que les

    hommes qui Dieu veut donner la vie ternelle sont des pcheurs qui en

    sont indignes par leurs uvres. Comment pouvons-nous tre justes de-

    vant Dieu, nayant pas fait les uvres ? mme rponse : cest que nous

    sommes justes en Christ. Nous navons pas fait les uvres ; mais Christ

    les a faites, et cela suffit. Cest la doctrine de notre aptre, Romains 10.5-8 :

    notre salut, impraticable selon la loi, parce que nous en serions alors char-

    gs nous-mmes, est praticable selon la foi, parce que cest Christ alors qui

    laccomplit. Tout cela est runi dans 2Timothe 1.9 1.

    Pour tre (ou tre) saints et irrprhensibles devant lui, dans lamour. Ces

    mots peuvent se rapporter notre sanctification, ou notre justification.

    Dans le premier cas, lamour dont il est ici question, cest lamour dans

    lhomme, et la pense de lAptre serait celle-ci : Pour que nous marchions

    devant Dieu dans cette vie sainte dont lamour est le principe ; dans le se-

    cond, cest lamour en Dieu, et la pense est alors : Pour que nous soyons

    1. Nous recommandons aux lecteurs de chercher les endroits des critures indiqusdans notre commentaire ; de notre ct, nous nous souviendrons que ce qui importe, cestde choisir les citations, et non de les multiplier.

    14

  • rputs saints, aux yeux de Dieu, par un effet de son amour. La premire

    de ces interprtations, ne serait pas, selon Harless, dans lesprit du Nou-

    veau Testament : On ny trouve pas un seul endroit, dit-il, o une saintet

    sans tache devant Dieu soit reprsente comme le but de llection. Quoi

    quil en soit, nous nous dcidons pour la seconde, soit parce quelle sac-

    corde mieux avec la pense gnrale de notre texte, o lAptre sest pro-

    pos de relever la grce de Dieu, et non la saintet personnelle du croyant ;

    soit parce quelle convient seule au passage correspondant de lptre aux

    Colossiens, 1.22. Les mots dans lamour sont employs dune manire sem-

    blable dans phsiens 3.18, expliqu par le verset suivant.

    Par Jsus-Christ, pour soi-mme, ou en vue de soi-mme. Dans toute luvre

    du salut, Dieu est le but, et Jsus-Christ le chemin. Nous allons au Pre par,

    le Fils (Jean 14.6 ; 1Corinthiens 8.6 : traduisez duquel sont toutes choses, et

    nous pour lui).

    Selon le bon plaisir de sa volont. Le mot que nous rendons par bon plai-

    sir, peut indiquer soit la souveraine libert, soit la bienveillance, soit enfin

    lune et lautre la fois, ces deux choses tant troitement unies en Dieu,

    qui est amour. Cest de cette dernire manire que nous lentendons,

    tant ici que dans Philippiens 2.13.

    Il nous a reus en grce dans le bien-aim. Autre est lamour que Dieu

    a pour son Fils, autre celui quil a pour nous. Lui, seul aimable en soi,

    est essentiellement le bien-aim ; nous, hassables en nous-mmes, nous

    sommes reus en grce cause du bien-aim, et dans le bien-aim ; et si

    nous sommes appels bien-aims notre tour (phsiens 5.1, etc.) cest

    parce que Dieu nous voit en son Fils. Le mot que nous traduisons reus

    en grce, est le mme dont lange se sert en saluant Marie (Luc 1.28).

    En toute sagesse et intelligence. Il sagit ici, non de la sagesse et de lintel-

    ligence que Dieu fait paratre, mais de la sagesse et de lintelligence quil

    communique ses enfants. On peut sen assurer par Colossiens 1.9, outre

    15

  • que le mot rendu par intelligence aurait quelque chose dtrange, appliqu

    Dieu. La sagesse diffre de lintelligence, en ce que la premire est plus

    tendue, la seconde plus restreinte ; la premire est plus spcialement une

    qualit du cur, la seconde une facult de lesprit. La premire se montre

    surtout dans la conduite, la seconde dans les discours. Rapprochez Luc

    2.40 de 47, o il faut traduire : de son intelligence et de ses rponses,

    cest--dire de lintelligence qui paraissait dans ses rponses.

    Selon son bon plaisir quil stait propos en soi-mme pour la dispensation

    de la plnitude des temps ; cest--dire, selon la rsolution que Dieu avait

    forme, par devers soi, en vue de la dispensation vanglique, qui de-

    vait avoir lieu quand les temps seraient accomplis. La mme pense est

    exprime, et en partie dans les mmes termes, Galates 4.2-5, avec cette

    lgre diffrence que le temps, dans lptre aux Galates, marque le cours

    des temps, qui sachve par le nombre, des annes, tandis que les temps

    dans notre ptre (plus exactement les occasions, car le mot grec nest pas le

    mme dans les deux cas) marquent les poques successives par lesquelles

    se dveloppe le plan divin, et qui lui servent de points darrt ou de de-

    grs. Ces poques avaient t indiques par les prophtes de lAncien Tes-

    tament ; et il fallait que la partie de la prophtie qui appartenait lan-

    cienne conomie et t accomplie, avant que le Fils de Dieu pt venir au

    monde et fonder la dispensation vanglique. Mais quel tait lobjet de

    cette dispensation nouvelle, et ce mystre de la volont de Dieu, cest-

    -dire cette volont quil avait tenue cache jusquau temps marqu ? Le

    voici expliqu dans la suite de notre verset :

    Runir toutes choses en Christ, et celles qui sont dans les cieux et celles qui

    sont sur la terre. Le terme de loriginal que nous rendons par runir, si-

    gnifie littralement rcapituler, ou rassembler sous une mme tte. Dieu

    veut rassembler sous Christ, comme sous une tte commune, non seule-

    ment toutes les choses qui sont sur la terre, mais encore toutes celles qui

    sont dans le ciel. Ce nest pas assez que le Fils de Dieu glorifi reoive

    16

  • pour son hritage les nations, et pour sa possession les bouts de la terre

    (Psaume 2.8) ; il faut quil domine sur lunivers tout entier. Toute puis-

    sance lui est donne dans le ciel, et sur la terre (Matthieu 28.18), et toutes

    choses doivent lui tre assujetties, jusqu ce que vienne la fin des temps

    o le Fils lui-mme doit tre assujetti celui qui lui a assujetti toutes

    choses, afin que Dieu soit tout en tous (1Corinthiens 15.28). Aussi Jsus-

    Christ, qui ne reoit ordinairement le nom de tte que par rapport

    lglise qui est son corps (phsiens 1.22), est-il appel une fois aussi

    la tte de toute principaut et puissance, et cela dans cette ptre aux

    Colossiens qui a tant de points communs avec la ntre. (Colossiens 2.10 ;

    voyez encore 1.16-18.)

    Mais il y a une autre pense dans notre texte, et une pense bien int-

    ressante, mais que lcriture ne fait quindiquer ; imitons sa rserve. Cest

    comme Rdempteur que Jsus-Christ apparat ici ; cest aussi comme R-

    dempteur quil doit voir toutes les choses de lunivers rassembles sous

    sa puissance. Les effets de la rdemption ne sont donc pas borns notre

    petit globe ; elle doit exercer sur tout lunivers une influence immense et

    mystrieuse, que nous dcouvrons, sans pouvoir la dfinir exactement,

    dans un petit nombre de passages de lcriture. Jen citerai trois, presque

    sans rflexions. Le premier est celui qui rpond notre texte dans lptre

    aux Colossiens : En lui toute la plnitude a bien voulu habiter, et par lui

    rconcilier toutes choses soi, ayant fait la paix par le sang de sa croix,

    tant les choses qui sont sur la terre, que celles qui sont au ciel (Colossiens

    1.19-20) ; o nous voyons luvre de rconciliation opre par Jsus-Christ

    entre Dieu et nous, tendre ses bienfaits tout le monde, et rtablir entre

    les diverses parties de la cration, jusqualors disperses, une harmonie

    nouvelle dont le centre et lme sont en Jsus-Christ. Nous tirons notre se-

    conde citation de Romains 8.19-21 : Car le vif dsir de la cration attend la

    rvlation du Fils de Dieu. Car la cration fut soumise la vanit, non vo-

    lontairement, mais cause de celui qui ly soumit, avec lesprance que la

    17

  • cration elle-mme sera aussi libre de lesclavage de la corruption, pour

    avoir part la libert des enfants de Dieu. Car nous savons que toute la

    cration la fois soupire, et quelle est en travail jusqu maintenant. L

    toute la cration nous est reprsente comme intresse la rdemption, et

    en devant la fin recueillir le fruit. Enfin, dans le songe de Jacob, rapport

    dans Gense 28.12, et expliqu par Jsus-Christ, Jean 1.51, le Seigneur est

    figur sous lemblme dune chelle qui touche la terre par le pied et au

    ciel par le sommet, et qui forme de lune lautre un chemin nouveau par

    lequel montent et descendent les anges de Dieu. La communication entre

    le ciel et la terre ; rompue par le pch, est rtablie en Jsus-Christ, et les

    saints anges sapprochent maintenant avec amour des enfants de Dieu, et

    servent en leur faveur (Hbreux 1.14), tandis que nous ne leur eussions

    offert quun spectacle repoussant, si Jsus-Christ net t le pch du

    monde. Nallons pas plus loin ; craignons dtre plus clairs que lcri-

    ture. Mais que cette chappe quelle nous laisse entrevoir de ce grand

    mystre, nous fasse mieux comprendre la place qui appartient lincar-

    nation du Fils de Dieu, et son uvre expiatoire, non seulement dans

    les destines de lhumanit, mais dans tout lordre de cet univers. Tout

    y a particip aux suites de notre chute ; tout aussi doit participer celles

    de notre rtablissement, auquel se rattache un rtablissement de toutes

    choses (Actes 3.21) en Jsus-Christ. Parce quil sest abaiss lui-mme

    et sest rendu obissant jusqu la mort et la mort de la croix Dieu la

    souverainement lev, et lui a donn un nom qui est au-dessus de tout

    nom ; afin quau nom de Jsus tout genou se ploie, tant de ceux qui sont

    aux cieux, que de ceux qui sont sur la terre et au-dessous de la terre ; et

    que toute langue confesse que Jsus-Christ est le Seigneur, la gloire de

    Dieu le Pre (Philippiens 2.8-11).

    2) Laction de grces pour chacune des deux familles dlus en parti-

    culier. 1.11-14

    En lui, en qui aussi nous avons t faits hritiers, ayant t prdestins, selon

    18

  • le dessein arrt de celui qui opre toutes choses selon le conseil de sa volont.

    Jusquici lAptre a parl au nom de tous les chrtiens, quils eussent t

    juifs ou gentils avant leur conversion. Mais le voici qui nous fait dmler

    dans ce peuple lu, deux peuples dabord distincts, et qui, bien quunis

    maintenant de foi en celui qui est leur paix (phsiens 2.14), diffrent

    cependant dorigine et de position : les chrtiens qui avaient commenc

    par tre juifs, et ceux qui avaient commenc par tre gentils. Tandis que le

    nous de saint Paul, jusquau verset 11, est un nous gnral, qui les renferme

    les uns et les autres, il rserve, partir de ce verset, le nous pour les anciens

    Juifs, auxquels il appartient lui-mme, et le vous pour les anciens Gentils,

    auxquels il crit. Il soccupe des premiers dans les versets 11 et 12 ; des

    seconds, dans les versets 13 et 14. Seulement, dans le verset 14, il revient

    au nous gnral, en parlant de lhritage venir, commun aux uns et aux

    autres. Cette distinction est importante considrer : car cest une des clefs

    de notre ptre, adresse des Gentils convertis, par un de ces Juifs conver-

    tis qui leur ont port lvangile. Nous verrons ce sujet repris et dvelopp

    plus tard, surtout dans les chapitres 2 et 3 ; ici, il nest quindiqu.

    En lui, cest--dire en Christ. Cette rptition a pour but de faire mieux

    comprendre que cest Jsus-Christ que se rapportent ces mots : en qui

    nous avons t faits hritiers, et peut-tre aussi de sparer davantage davec

    ce qui prcde les versets 11 et suivants, o une pense nouvelle doit tre

    introduite.

    Nous avons t faits hritiers, nous Juifs, qui avons cru en Jsus-Christ,

    et qui avons t ainsi appels lhritage. Autrefois, les Isralites avaient

    reu en hritage le pays de Canaan ; mais ce ntait l quun type visible

    de cet hritage cleste qui leur devait choir en Jsus-Christ, et que notre

    aptre appelle, dans le passage correspondant de son ptre aux Colos-

    siens, lhritage des saints dans la lumire, auquel le Pre nous fait

    participer en nous dlivrant de la puissance des tnbres, et nous trans-

    portant au royaume de son Fils bien-aim (Colossiens 1.12-13).

    19

  • Ayant t prdestins, etc. Il sagit ici de la prdestination spciale des

    Juifs. Celui qui a prdestin tous les croyants, en gnral, la vie ternelle,

    a galement prdestin les Juifs convertis leur position spciale, ainsi que

    les Gentils convertis la leur. Dans le dtail comme dans lensemble, pour

    le genre humain, pour les peuples, pour les familles, pour les individus,

    tout saccomplit selon le conseil de la volont souveraine de Dieu ; de

    lui seul procde toute grce, lui seul toute gloire doit retourner.

    Afin que nous fussions, la louange de sa gloire, ceux qui ont espr aupa-

    ravant en Christ. Nous suivons ici une interprtation qui scarte un peu

    de nos versions reues, mais qui est prfre par les meilleurs commenta-

    teurs. Les mots : la louange de sa gloire, forment une proposition incidente

    et dtache, ainsi que dans le verset 14, et que dans le verset 6, ce qui donne

    tout ce morceau quelque chose de plus symtrique et de plus complet.

    La vocation gnrale des croyants, la vocation spciale des Juifs, et la vo-

    cation spciale des Gentils ont toutes trois la mme fin : la louange de la

    gloire de Dieu.

    Espr auparavant en Christ, ou espr davance en Christ. La version or-

    dinaire : espr les premiers en Christ, ne rend pas exactement la pense

    de lAptre. Ce nest pas seulement une diffrence de temps qui spare le

    Juif du Gentil ; cest une diffrence de position. Le Juif na pas seulement

    lavantage davoir entendu lvangile, de la bouche du Seigneur ou de ses

    aptres, quelques annes avant le Gentil ; avantage quun Gentil a pu avoir

    galement sur un autre Gentil, par exemple lhabitant dAntioche (Actes

    11.20) sur lhabitant dAthnes ou de Corinthe (Actes 17.15 ; 18.1). Le pri-

    vilge du Juif est tout autrement considrable. Bien des sicles avant que

    le Christ vnt au monde et quil ft prch aux Gentils, le Juif, averti par

    la prophtie, a espr en lui ; lAptre choisit cette expression, parce quelle

    est propre aux choses futures, tandis quen parlant des Gentils, il dit quils

    ont cru. Le mme aptre crit ailleurs ces Gentils qui ont cru : Vous qui

    tiez autrefois Gentils tiez en ce temps-l hors de Christ (ou sans Christ)

    20

  • spars de la rpublique dIsral et trangers aux alliances de la promesse,

    nayant point desprance et sans Dieu dans le monde (phsiens 2.11-

    12). Mais le Juif croyant sexprime ainsi : Nous avons trouv celui duquel

    ont crit Mose dans la loi, et les prophtes (Jean 1.45). Cest de cette es-

    prance qui caractrise le Juif que parle saint Paul, devant le Juif Agrippa

    (Actes 26.6-7) ; et cest par cette attitude diffrente du Juif et du Gentil

    lgard de lvangile que sexplique Matthieu 10.6 ; 15.24 ; Actes 13.46, etc.

    Que ceci nous instruise estimer le Juif. Comprenons ce quil est devant

    Dieu et ce quil a fait pour nous. Les prophtes ont t juifs ; les aptres ont

    t juifs ; Jsus-Christ a t juif. Manquerions-nous dardeur pour rendre

    aux Juifs cet vangile auquel ils ont eu part avant nous, et que nous avons

    reu deux ? (Jean 4.22.) Mditez le chapitre 11 de lptre aux Romains, et

    plus spcialement les versets 28 32.

    En qui vous tes aussi. Vous, Gentils, qui avez t admis votre tour

    lhritage de la vie ternelle. Nul ne le savait mieux que saint Paul, qui

    avait t envoy de Dieu auprs des Gentils, tout exprs pour ouvrir

    leurs yeux, pour les convertir des tnbres la lumire et de la puissance

    de Satan Dieu ; afin quils reussent la rmission des pchs, et une part

    (littralement lhritage ; cest le mme mot qui est employ dans phsiens

    1.11 et Colossiens 1.12) entre ceux qui sont sanctifis par la foi en Dieu

    (Actes 26.18).

    Dans ces deux versets, lAptre marque les quatre degrs du dvelop-

    pement spirituel des Gentils convertis auxquels il sadresse. Ce dvelop-

    pement nest pas particulier aux Gentils ; sauf le point de dpart, il leur

    est commun avec les Juifs. Mais lAptre entre dans un plus grand dtail

    en parlant des Gentils, tant ici que dans le reste de lptre, parce que cest

    essentiellement eux et pour eux quil crit ; ce qui concerne les Juifs nest

    que rappel en passant pour mieux expliquer la position des Gentils.

    Ayant entendu. Premier degr. Il fallait commencer par entendre. Car

    comment croiraient-ils, sans entendre ? et comment entendront-ils, sans

    21

  • quelquun qui prche ? La foi vient de loue, et loue par la Parole de

    Dieu (Romains 10.14, 17). Ce quils ont entendu, cest la parole de la

    vrit, lvangile de leur salut, de ce salut qui est mis dsormais la

    porte du Gentil, aprs avoir t longtemps le privilge exclusif du Juif

    (Colossiens 1.5, 6 ; Actes 11.18), la vrit, le salut, les deux trsors dont

    lhumanit a t toujours en recherche, et quelle na jamais trouvs quen

    Jsus-Christ, malgr ses prodigieux efforts.

    Ayant cru. Second degr. Comment croire sans entendre ? disions-nous.

    Mais aussi, quoi bon entendre si lon ne croit ? A tous ceux qui lont

    reu, il leur a donn le droit dtre faits enfants de Dieu, savoir ceux qui

    croient en son nom (Jean 1.12). Les mots en qui se rapportent Jsus-

    Christ, qui nous devons encore, outre toutes les grces dj mentionnes,

    le don du Saint-Esprit. Cest comme sil y avait : En qui aussi vous avez

    t scells, ayant cru, par le Saint-Esprit de la promesse.

    Vous avez t scells par le Saint-Esprit de la promesse, cest--dire, qui avait

    t promis (Galates 3.14) par les prophtes juifs (Actes 2.16). Troisime

    degr. Qui croit en Jsus reoit le Saint-Esprit (Galates 4.6) : Parce que

    vous tes fils, Dieu a envoy dans vos curs le Saint-Esprit, criant Abba,

    Pre ! Scells. Comme un homme marque un papier de son sceau pour

    que nul ne puisse douter quil lui appartienne, ainsi Dieu a marqu Jsus

    de son sceau (Jean 6.27), afin que chacun le reconnaisse pour son Fils ;

    et il marque galement de son sceau ceux qui croient en Jsus, afin que

    chacun les reconnaisse pour ses enfants. Il a scell Jsus, en lui donnant

    lEsprit sans mesure (Jean 3.34) ; il scelle les croyants, en leur donnant

    de son Esprit (1Jean 4.13). Mais en mme temps que la prsence du

    Saint-Esprit en nous est, pour le pass, un tmoignage de notre adoption

    en Jsus-Christ, elle est aussi, pour lavenir, un gage de notre hritage fu-

    tur, et un commencement de jouissance, tel que le comporte notre condi-

    tion actuelle, et qui nous rpond que le reste viendra en son temps. Cest

    pour cela que lAptre appelle encore le Saint-Esprit les arrhes de notre hri-

    22

  • tage, comme il len appelle ailleurs les prmices (Romains 8.23). Celui

    qui nous affermit avec vous en Christ et qui nous a oints 2, cest Dieu, qui

    aussi nous a scells et nous a donn les arrhes de lEsprit dans nos curs

    (2Corinthiens 1.21-22).

    Pour la rdemption de lacquisition. Quatrime degr, qui est encore ve-

    nir, tandis que les trois premiers sont passs. Lacquisition, cest le peuple

    de Dieu, quil sest acquis pour lui appartenir en propre, dabord sous

    lAncien Testament (Exode 19.5 ; Deutronome 7.6, etc.), et puis, plus sp-

    cialement sous le Nouveau, layant rachet par le sang de son Fils ; le

    peuple acquis, comme lappelle saint Pierre, (1Pierre 2.9) ou le peuple

    particulier, comme lappelle ailleurs notre aptre (Tite 2.14). Par la r-

    demption de ce peuple, il faut entendre ici le dveloppement futur et com-

    plet de la vie que Dieu nous a donne en Jsus-Christ, et que nous ne pos-

    sdons ici-bas que partiellement, et plus en esprance quen jouissance.

    Il faut rapprocher de notre texte Romains 8.23-25, o saint Paul appelle

    cette dlivrance finale la rdemption de notre corps, parce quelle sera

    le renouvellement de tout notre tre, mme physique. Un corps nouveau

    (1Corinthiens 15.42-43), avec de nouveaux cieux et une nouvelle terre, o

    la justice habite (2Pierre 3.13) : que lAptre est bien en droit dajouter,

    pour la troisime fois en douze versets : la louange de sa gloire !

    Jetons un coup dil en arrire sur la doctrine de ces douze versets.

    Mais nous disons mal : cest moins de la doctrine que de lamour. LAptre

    ne sest pas propos de dvelopper la doctrine du salut ; mais ce salut ar-

    rache de sa bouche lexpression, dirai-je ? ou lexclamation dun amour

    qui brise toutes les formes du langage humain. Tout ceci nest autre chose

    quune doxologie prolonge, formant une seule priode, o les penses se

    pressent de telle sorte quil ne reste pas dintervalle pour ces points dar-

    rt que les hommes ont coutume de mettre dans leur langage, ne fut-ce

    2. Entre ce mot et le nom de Christ, qui signifie oint, il y a un rapport, qui est perdudans la traduction.

    23

  • que pour respirer. Que cest bien joindre lexemple lenseignement ! Car,

    tandis quil nous avertit par trois fois que tout a t fait la louange de

    la gloire de la grce de Dieu, que fait-il autre chose que de clbrer cette

    gloire, de labondance dun cur qui dborde de gratitude ? Suivons son

    exemple, en lisant ce quil a crit : pas de discussions dogmatiques, mais

    de lamour. Jen appelle tout cur chrtien. Ne faut-il pas tout attribuer

    la grce, une grce toute gratuite, sous peine ou de dchirer cette page de

    lvangile, ou de la charger de notes et dexplications jusqu la rendre illi-

    sible ? Cherchez ici luvre de lhomme, que dis-je ? cherchez-y lhomme

    lui-mme. A peine ly dcouvrez-vous, relgu dans un coin du tableau,

    cach sous un pronom cart ; vous pourriez presque croire que ce nest

    pas de lui quil sagit. La grande affaire de notre salut se traite entre le Pre

    et le Fils, en dehors de nous, au-dessus de nous, avant nous ; dans un lieu

    o nous ne sommes pas encore, et dans un temps o nous ntions point.

    Le langage de lAptre stend perte de vue dans tous les sens ; il monte

    jusquau plus haut des cieux, il recule jusquavant la fondation du monde,

    et ne peut jamais trouver de mesure assez hors de mesure pour cette grce

    qui nous a sauvs. Qui a pu apprendre un homme parler de la sorte ?

    Lhomme, ne pouvant partir que du point o il est, prend invitablement

    lhomme pour centre. Mais sortir ainsi hors de lhomme, et voir les choses

    en Dieu, cela ne peut tre donn que par lEsprit de Dieu. Il nappartient

    qu la Bible de planer de la sorte sur le monde moral, comme elle fait

    ailleurs sur le monde physique, et cen serait assez pour dmontrer son

    inspiration. Je ne connais rien comparer avec notre texte, si ce nest ce

    commencement de la Gense, o Mose se place au-dessus de lhomme

    et avant lhomme, pour contempler la cration de lhomme, en Dieu qui

    la rsout avec soi-mme, peu prs comme saint Paul contemple ici la

    nouvelle cration des croyants dans le Pre donnant les siens au Fils (Jean

    17.2,6). Pourquoi nous a-t-il bnis en Christ ? parce quil nous a lus en lui.

    Pourquoi nous a-t-il lus ? parce quil nous a prdestins ladoption par

    Christ ; et pourquoi nous a-t-il prdestins ? Par le bon plaisir de sa vo-

    24

  • lont, voil le principe ; et pour la louange de la gloire de sa grce, voil la

    fin. Entre cette grce et cette gloire, que lhomme est petit ! mais en mme

    temps quil est grand ! Quil est petit, puisquil disparat tout entier dans

    la grce de Jsus-Christ et dans la gloire de Dieu ! Mais quil est grand,

    puisquil a paru digne de servir la gloire de Dieu et de payer le sang de

    Jsus-Christ ! Il est dans un sens le centre de ce tableau, o il napparat,

    dans un autre sens, que comme une sorte de hors-duvre ; ainsi que dans

    le rcit de la cration, il tient la fois la dernire place, puisquil est nomm

    tout la fin, et la premire, puisque cest pour lui que tout cela est crit.

    Et pourtant, ne loublions pas, et saint Paul prend soin de nous le rap-

    peler mme en cet endroit, cette grce toute gratuite nest que pour ceux

    qui souvrent pour la recevoir (verset 13). Tout vient de Dieu, et lhomme

    nen a pas moins quelque chose faire. Cest au nom de ceux qui croient

    que laptre rend grces. Cest ceux qui croient qui sont prdestins, qui

    sont lus, qui sont bnis, qui sont reus en grce, qui sont faits hritiers,

    qui sont scells du Saint-Esprit, qui sont rservs pour la rdemption fi-

    nale. Lecteur, avez-vous cru ? En tes-vous bien sr ?

    25

  • III. Premire prire de lAptre

    pour les phsiens

    1.15 2.10.

    LAptre prie pour les phsiens, et la suite dides laquelle cette

    prire donne lieu dure jusquau chapitre 2, verset 10. Tout cela ne forme

    quun seul dveloppement, et mme, jusquau verset 7 du chapitre 2, quune

    seule de ces longues priodes qui caractrisent le langage de saint Paul.

    On y distingue ces trois parties : LAptre demande que Dieu donne aux

    phsiens lintelligence pour le bien connatre, et plus spcialement pour

    connatre sa puissance (1.15-19) ; puissance quil a dj dploye, dabord

    en Jsus-Christ mort, quand il la ressuscit et fait asseoir sa droite (1.19-

    23), et ensuite dans les phsiens morts spirituellement, quand il les a res-

    suscits et fait asseoir dans les lieux clestes avec Jsus-Christ (2.1-10).

    1. LAptre demande que Dieu donne aux phsiens lin-

    telligence pour le bien connatre, et plus spcialement pour

    connatre sa puissance. 1.15-19.

    15. Cest pourquoi, moi aussi, ayant appris quelle est parmi vous la foi au

    Seigneur Jsus et lamour pour tous les saints, 16. je ne cesse de rendre grces

    pour vous, en faisant mention de vous dans mes prires ; 17. afin que le Dieu de

    26

  • notre Seigneur Jsus-Christ, le Pre de la gloire, vous donne un esprit de sagesse

    et de rvlation, dans sa connaissance ; 18. les yeux de votre cur tant illumins

    pour savoir quelle est lesprance de sa vocation, et quelle est la richesse de la

    gloire de son hritage dans les saints, 19. et quelle est la surabondante grandeur

    de sa puissance envers nous qui croyons, selon lefficace du pouvoir de sa force.

    Moi aussi, etc. Je joins mes prires celles que vous prsentez vous-

    mmes Dieu pour votre accroissement dans la grce.

    Ayant appris : plusieurs annes staient coules depuis que saint Paul

    avait t phse. Heureuse lglise laquelle saint Paul, parlant par lEs-

    prit de Dieu, peut dire : Ayant appris quelle est parmi vous la foi et lamour,

    ces deux dispositions qui rsument tout lvangile ! Combien en est-il, de

    nos jours, et sans aller chercher bien loin, auxquelles il aurait sujet de dire

    plutt : Ayant appris quelle est parmi vous lignorance de lvangile, lin-

    crdulit, la froideur et les divisions ! De telles glises ne sauraient sap-

    pliquer la prire qui va suivre, quelles ne soient parvenues dabord la

    foi et la charit. Il faut commencer par le commencement, et les degrs

    de la vie spirituelle veulent tre franchis et non sauts.

    Je ne cesse de rendre grces pour vous, faisant mention de vous dans mes

    prires, afin que, etc. ; cest--dire, comme le montre le verset correspon-

    dant de lptre aux Colossiens (1.9) : priant pour vous et demandant que

    Dieu vous donne, etc. Le mot grec rendu ici par afin que est le mme qui

    est rendu par que dans Colossiens 1.9. Le langage elliptique de saint Paul

    dans notre texte, o les mots et demandant sont sous-entendus, nous ins-

    truit combien laction de grces et la requte sont troitement unies dans

    lesprit de lAptre. La premire est chez lui le fondement de la seconde,

    non seulement ici, mais habituellement. Nous avons dj fait remarquer

    que presque toutes ses ptres dbutent par laction de grces ; nous pou-

    vons ajouter que cette action de grces y est presque toujours suivie im-

    mdiatement dune requte. Ce que les disciples de Jsus-Christ ont dj

    reu excite lAptre demander Dieu pour eux tout ce qui leur manque

    27

  • encore. Ainsi, sans parler de lptre aux Colossiens, Romains 1.8, avec 9 et

    10 ; Philippiens 1.3, avec 4 et 9 ; 2Thessaloniciens 1.3, avec 11 et 12, etc. Ce

    trait de la correspondance de saint Paul est profondment vanglique : il

    tient la gratuit parfaite du don de Dieu, qui nous prvient en bn-

    dictions de bien (Psaume 21.4), et qui donne celui qui a (Matthieu

    13.12) grce pour grce (Jean 1.16) 1. Commenons toujours par rendre

    grces, pour ce que nous avons reu, nous qui avons reu la vie ternelle ;

    mais, loin de nous contenter jamais de ltat auquel nous sommes parve-

    nus, ny voyons quun degr pour nous lever plus haut. Ainsi le veut

    une juste reconnaissance, unie une sainte ambition. Cette belle union est

    bien marque dans 1Thessaloniciens 3.9-10 : Quelles actions de grces ne

    pouvons-nous pas rendre Dieu votre sujet, pour toute la joie dont nous

    nous rjouissons cause de vous devant notre Dieu, priant nuit et jour sur-

    abondamment pour voir votre visage et rparer ce qui manque votre foi !

    Laction de grces, a dit un homme de Dieu, est la clef de lvangile.

    Afin que le Dieu de notre Seigneur Jsus-Christ, etc. Le verset 15 ayant

    rappel loccasion de la prire de lAptre, ltat de lglise dphse, et le

    verset 16, en ayant indiqu le fondement, laction de grces, les versets 17-

    19 en exposent lobjet. Le verset 17 le fait connatre sommairement ; puis les

    deux versets suivants le reprennent pour le dvelopper. Car les mots : un

    esprit de sagesse et de rvlation, correspondent ceux-ci : en clairant

    les yeux de votre cur, et les mots : dans sa connaissance, ceux-

    ci : pour que vous sachiez quelle est lesprance de sa vocation, etc.

    Mais dabord quel est le Dieu qui lAptre demande cette grce pour les

    phsiens ? Il le dcrit en termes choisis avec cette proprit dexpression

    qui caractrise le langage des critures, quoique cache sous un air de

    simplicit et dabandon.

    Le Dieu de notre Seigneur Jsus-Christ, le Pre de la gloire. Le Dieu quil

    prie de se faire mieux connatre aux phsiens, lAptre le dfinit, non

    1. Et non grce sur grce, comme lont rendu dautres versions.

    28

  • par des traits gnraux qui pourraient convenir galement ailleurs, mais

    tel quil souhaite de le voir connu des phsiens, pour leur accroissement

    spirituel.

    Il lappelle dabord le Dieu de notre Seigneur Jsus-Christ. Ce nom, que

    nous avons expliqu dans une note sur le verset 3 de notre chapitre, est

    bien plac la tte de cette prire. Car cest le Dieu de Jsus-Christ que

    les phsiens doivent apprendre mieux connatre ; et comment dailleurs

    ce Dieu qui leur a donn son Fils, pour Seigneur et Christ, ne serait-il

    pas dispos leur donner toutes choses avec lui, et notamment le Saint-

    Esprit que le Pre avait promis denvoyer au nom du Fils ? Mais saint Paul

    avait encore une autre raison plus spciale pour donner ce nom Dieu

    dans cet endroit. Il voulait par l rappeler aux phsiens que le Dieu qui

    devait dployer sa puissance sur eux, tait celui qui lavait dploye avec

    tant dclat en Jsus-Christ, en le ressuscitant dentre les morts. (Voyez

    verset 20 et suivants.)

    Il lappelle ensuite le Pre de la gloire, ou, daprs une traduction moins

    littrale, mais plus conforme au gnie de notre langue, le Pre de gloire.

    Rapprochez de ce nom dautres noms semblables donns Dieu ou son

    Christ : le Dieu de gloire (Actes 7.2), le Roi de gloire (Psaume 24.7),

    le Seigneur de gloire (1Corinthiens 2.8), le Pre des compassions et le

    Dieu de toute consolation (2Corinthiens 1.3), le Pre dternit (sae

    9.5). Ces titres sont parmi ces nombreuses expressions de lcriture dont

    la signification peut mieux se sentir que sanalyser ; les penses divines se

    trouvent ltroit dans le langage de lhomme, et il faut que lEsprit de

    Dieu achve de nous les faire comprendre par cette intelligence la fois

    plus large et plus dlie qui est rserve au cur. En nous reprsentant

    Dieu comme le Pre de gloire, lAptre nous rappelle la fois, sa misri-

    corde et sa gloire infinie. Dieu est le Pre de Jsus-Christ et de ceux qui

    croient en Jsus-Christ, et tout ensemble il est celui en qui toute gloire r-

    side et de qui toute gloire procde. Quoi de plus propre faire comprendre

    29

  • aux phsiens combien la grce de ce Dieu tait excellente, et plus spcia-

    lement combien tait magnifique lhritage quil destinait ses enfants !

    Ainsi lun des deux noms que saint Paul donne Dieu devait prparer

    lesprit de ses lecteurs ce quil avait dire sur la gloire de lhritage de

    Dieu dans ses saints, et lautre ce quil avait dire sur la puissance

    de Dieu envers ceux qui croient, qui sont les deux choses sur lesquelles

    il voulait fixer surtout lattention des phsiens.

    Vous donne un esprit de sagesse et de rvlation. On peut traduire encore :

    lEsprit de sagesse et de rvlation, cest--dire le Saint-Esprit ; et cest ainsi

    que traduisent Harless et les meilleurs commentateurs. Il nest pas dou-

    teux que lintelligence que lAptre demande pour les phsiens ne doive

    tre produite dans les curs par le Saint-Esprit. Le terme de loriginal que

    nous rendons par un esprit le donne entendre ; car il marque, non une

    disposition quelconque, comme le mot esprit en franais, mais une dispo-

    sition souffle den haut 2. De plus, le passage parallle de lptre aux Co-

    lossiens (1.9) le dit clairement : Nous ne cessons de prier pour vous, et

    de demander que vous soyez remplis de la connaissance de sa volont,

    en toute sagesse et intelligence spirituelle , cest--dire communique

    lesprit de lhomme par lEsprit de Dieu. Mais, tandis que la traduction

    adopte par Harless attire directement lattention sur lagent divin, celle

    que nous avons suivie lattire sur limpression quil opre dans le cur ;

    ou, selon une locution allemande, dont nous demandons la permission de

    nous servir quelquefois, pour abrger, la premire voit ici le ct objectif de

    la grce demande, la seconde son ct subjectif. Ce qui nous dcide pour la

    seconde, cest dabord quelle nous parat plus rigoureusement conforme

    loriginal, o le mot esprit nest pas prcd de larticle ; ensuite, et sur-

    2. Cela est vrai mme dans Romains 11.8, o lesprit dassoupissement est reprsentcomme donn de Dieu, par un jugement spirituel. Ce passage offre un contraste completavec le ntre : L, un esprit dassoupissement, des yeux pour ne point voir ; ici, unesprit de sagesse et de rvlation, des yeux clairs pour savoir, etc. Nouvelle prsomp-tion, ce nous semble, en faveur de la traduction que nous avons ; suivie.

    30

  • tout, quelle se rapporte plus exactement au commencement du verset 18 :

    Les yeux de votre cur tant clairs, o lAptre explique lui-mme

    ce quil entend par esprit de sagesse et de rvlation, et lexplique sub-

    jectivement plutt quobjectivement.

    Cet esprit de sagesse et de rvlation que lAptre demande pour les ph-

    siens, cest cette intelligence, communique par le Saint-Esprit, qui les ren-

    dra capables, dabord, de bien comprendre les choses que Dieu leur a dj

    fait connatre, voil la sagesse ; ensuite, de pntrer plus avant et de rece-

    voir constamment des lumires nouvelles, voil la rvlation. Ce dernier

    mot tonne cette place : nous aurions dit plutt un esprit de dcouverte

    quun esprit de rvlation, parce que lhomme dcouvre, quand Dieu rvle.

    Mais il ne faut pas oublier que lune et lautre langue originale des cri-

    tures se piquent beaucoup moins que la ntre dune exactitude logique,

    surtout quand aucune quivoque nest craindre. Un mot correspondant

    dcouverte naurait dailleurs pas eu lavantage de rappeler, comme le fait

    vivement celui de rvlation, que des lumires nouvelles ne peuvent nous

    arriver que par de nouvelles leons du Saint-Esprit. Au reste, si saint Paul

    dit un esprit de rvlation, au lieu dun esprit de dcouverte par rvlation,

    cette ellipse nest pas plus forte que celle dont sest servi Simon lorsquil

    appelle Jsus-Christ une lumire pour la rvlation des Gentils (version

    littrale, Lausanne 1839), cest--dire, videmment, pour lillumination des

    31

  • Gentils par rvlation (Luc 2.32) 3.

    Dans sa connaissance ; on demande si ces mots signifient par la connais-

    sance de Dieu, ou pour la connaissance de Dieu. Ce serait plutt le second

    que le premier, comme lindiquent ces mots du verset suivant : pour

    savoir etc. ; mais ce nest proprement ni lun ni lautre. La pense de

    lAptre est indique dune faon gnrale dans le verset 17, avant de rece-

    voir la prcision et le dveloppement avec lesquels elle reparat au verset

    18. Nos versions reues lont assez bien rendue, pour le sens : en ce qui

    regarde sa connaissance ; mais cest moins l traduire que paraphraser.

    Lintelligence spirituelle et la connaissance de Dieu nous sont prsentes

    ici comme marchant lune avec lautre ; aussi lAptre na-t-il pas craint

    de renverser lordre des ides dans Colossiens 1.9, o il souhaite ses lec-

    teurs la connaissance de Dieu dans la sagesse, comme il leur souhaite ici la

    sagesse dans la connaissance de Dieu. Ici, lesprit de sagesse sexerce dans la

    contemplation de Dieu ; l, la contemplation de Dieu se fait dans un esprit

    de sagesse.

    Quoi quil en soit, lide dominante de lAptre dans notre texte, et lob-

    jet final de sa prire, cest laccroissement des Ephsiens dans la connais-

    sance de Dieu. Voil le but ; lesprit de sagesse et de rvlation est le

    moyen. Connatre Dieu, le vrai Dieu, le Dieu de Jsus-Christ, cest la vie

    3. Si lon pouvait donner au mot rendu par rvlation le sens de dcouverte (rvler si-gnifie proprement ter le voile, dcouvrir), lesprit de rvlation serait cet esprit qui faitque nous contemplons les choses sans voile, telles quelles sont. Il correspondrait alors cette expression de lAptre : Contemplant la gloire du Seigneur visage dcouvert (2Corinthiens 3.18), et ces yeux clairs quil souhaite aux Ephsiens dans le verset18. Cette explication du mot rvlation ne saurait tre admise daprs Harless ; elle au-rait cependant pour elle le langage des Septante, que les aptres ont tant imit, et quiont rendu ainsi le psaume 119.18 : Dcouvre mes yeux (pour rvle mes yeux), et jecontemplerai les merveilles de ta loi. Cest ainsi que Robinson, dans son Dictionnairedu Nouveau Testament, explique notre passage : un esprit de rvlation, cest--dire, unesprit capable de sonder et de contempler sans voile les choses profondes de Dieu. Aufond, la pense demeure la mme ; car, si nous contemplons les choses sans voile, ce nestpas nous qui avons enlev le voile, cest lEsprit de Dieu. Nous nous rangerions volon-tiers cette interprtation, surtout cause de son rapport troit avec le commencementdu verset 18.

    32

  • ternelle (Jean 17.3). Dieu est si excellent et si aimable, que lhomme na-

    turel nest tranger la vie de Dieu que par lignorance o il est de

    Dieu (phsiens 4.18), et que nul ne peut le contempler tel quil est sans

    se sentir aim de lui et sans laimer son tour ; deux choses qui consti-

    tuent la vie spirituelle : Nous laimons parce quil nous a aims le pre-

    mier (1Jean 4.19). La philosophie, prenant ncessairement lhomme pour

    centre, lui a dit : Connais-toi ; mais la parole inspire, pouvant seule par-

    tir de Dieu, a seule aussi pu dire : Connais Dieu ; et cette connaissance

    renferme, avec lunique connaissance salutaire de nous-mmes et de notre

    misre, celle de lunique remde capable de la rparer 4. Par une raison

    semblable, crotre dans la connaissance de Dieu, qui est le principe de la

    vie spirituelle, cest crotre dans la vie spirituelle elle-mme. Voulez-vous

    avancer en lumire, en amour, en ferveur, en saintet ? entrez plus avant

    dans la connaissance de Dieu ; pntrez dans la pense du Seigneur, et, si

    lon peut ainsi parler, dans son cur et dans son commerce intime. Cest

    l la rcompense rserve lhomme qui mdite jour et nuit les critures,

    et cest pour cela aussi quelles nous ont t donnes. De l cette belle

    parole dOse : Nous connatrons lEternel, et nous continuerons de le

    connatre ; littralement : Nous connatrons, nous poursuivrons pour

    connatre, lternel (Ose 6.3). La connaissance de Dieu est la fois le

    point de dpart, le moyen et la fin de tout dveloppement spirituel. Ces

    trois degrs sont indiqus dans notre texte pour le lecteur rflchi ; mais

    ils le sont en termes encore plus clairs dans le premier chapitre de lptre

    aux Colossiens. Parce que les Colossiens ont connu la grce de Dieu en

    vrit (verset 6), lAptre prie quils soient remplis de la connaissance

    de sa volont, en toute sagesse et intelligence spirituelle (verset 9), afin

    quils marchent dune manire digne du Seigneur, portant du fruit en

    toute bonne uvre et croissant dans la connaissance de Dieu (v. 10).

    Les yeux de votre cur tant illumins. Le mot tant, que nous sommes

    4. Pascal

    33

  • obligs dajouter en franais pour tre compris, fausse un peu la construc-

    tion du texte original ; mais on sen carterait encore plus en traduisant,

    avec nos versions reues ou avec Lausanne 1839 : Quil illumine les yeux,

    etc. Nous trouvons une construction tout fait analogue dans Romains

    11.8 : Dieu leur a donn un esprit dassoupissement, des yeux pour ne

    point voir, etc. ; et nous regrettons que notre inexorable idiome nous in-

    terdise de traduire ici : Quil vous donne un esprit de sagesse et de r-

    vlation, des yeux du cur illumins, etc., pour montrer que les yeux

    illumins dpendent, comme rgime, du verbe donner, exactement comme

    lesprit de sagesse et de rvlation. Les yeux illumins sont plus que les yeux ou-

    verts (Actes 26.18). Les phsiens avaient dj eu les yeux ouverts, lors-

    quils staient convertis des tnbres la lumire. Mais aujourdhui

    quils sont dans la lumire, lAptre demande Dieu que cette lumire

    qui les environne claire si vivement leurs yeux quils puissent contempler

    sans voile, visage dcouvert (2Corinthiens 3.18), avec des yeux des-

    sills (littralement dpouills de leur voile, Psaumes 119.18), les choses

    de Dieu, telles quelles sont en Dieu.

    Les yeux de votre cur. Nous suivons, avec Harless, Olshausen, etc.,

    une leon qui scarte lgrement du texte suivi par nos versions reues,

    mais qui est dcidment prfrable. Le choix de cette expression tonne

    dabord, et cest probablement ce qui a dtermin certains manuscrits

    y substituer cette autre expression plus facile comprendre, et dailleurs

    emprunte au chapitre 4, verset 18 : les yeux de votre entendement. Mais

    ce choix renferme une instruction importante : cest que lintelligence que

    saint Paul demande pour les phsiens est une intelligence qui a son sige

    non dans la pense, mais dans ce fond intime de notre me que lcri-

    ture appelle le cur. Cest du cur que procdent les sources de la vie

    (Proverbes 4.23). Cest par le cur quil faut comprendre pour se conver-

    tir (Jean 12.40). Cest du cur quil faut croire pour tre justifi (Romains

    10.10). Cest aussi par le cur quil faut crotre dans la connaissance salu-

    34

  • taire de Dieu.

    Afin que vous sachiez quelle est lesprance de sa vocation, etc. Quon nou-

    blie pas que ces mots et ceux qui suivent jusqu la fin du verset 19, cor-

    respondent ceux-ci : la connaissance de Dieu, comme les mots : Les

    yeux de votre cur tant clairs correspondent ceux-ci : un esprit de

    sagesse et de rvlation. Cette connaissance de Dieu que lAptre a com-

    menc par souhaiter aux phsiens en termes gnraux, la voici reprise et

    dveloppe dans les parties essentielles dont elle se compose. Saint Paul

    en indique trois. Mais en les comparant attentivement, et en rapprochant

    de notre passage 1Pierre 1.3-5, o la mme pense est expose avec les

    mmes termes essentiels (lesprance, au verset 3 ; lhritage, au verset 4 ;

    et la puissance de Dieu, au verset 5), et vraisemblablement avec lintention

    de rappeler notre texte et de lclaircir (2Pierre 3.15-16), on se convaincra,

    nous le pensons, de la vrit dune observation de Harless : cest que les

    deux dernires choses mentionnes par lAptre, la gloire de lhritage de

    Dieu, et sa puissance envers les croyants ne sont que des subdivisions de

    lesprance de sa vocation, qui est indique la premire, et plus brivement 5.

    Il est question de llection, au temps pass uniquement ; de la vocation,

    au pass et au prsent ; du salut, au pass, au prsent et au futur. Mais ici,

    le mot vocation se trouve employ dans un sens moins prcis, et marque,

    en gnral, toute luvre de grce que Dieu accomplit en faveur des lus

    et que lAptre a dveloppe dans les versets 3 14 de notre chapitre.

    Ce mot pouvait dautant mieux servir rsumer ainsi toute luvre de la

    grce, que la vocation en forme comme le milieu et le centre. Lesprance

    5. La vocation de Dieu, cest--dire dont Dieu nous appelle, est cet acte de sa grce, quisuit llection, et qui prcde la conversion, et par lequel il appelle ses lus, par la parolede la vrit (phsiens 1.13), la possession du salut quil leur a destin (2Timothe 1.9 ;Romains 8.27-29). Dans le premier de ces deux passages, le dveloppement de lAptreva si lon ose ainsi parler, en reculant : Dieu nous a sauvs, parce quil nous avait appels,et appels parce quil nous avait lus. Dans le second le mme ordre est indiqu, mais ensens inverse, et avec de nouveaux degrs intermdiaires.

    35

  • de cette vocation 6, cest lesprance qui se rattache cette vocation, et qui

    est le partage de ceux qui sont ainsi appels de Dieu. Cest peu prs ce

    quon appellerait, dans le style religieux du jour, les privilges de la voca-

    tion divine. Mais le mot esprance a ce double avantage quil indique une

    bndiction future (Romains 8.24) quon attend par la foi, et la ferme assu-

    rance avec laquelle on lattend (Romains 5.5).

    Cette esprance de la vocation de Dieu est la premire chose dont saint

    Paul souhaite lintelligence aux phsiens ; et cest aussi la premire que

    mentionne saint Pierre (1Pierre 1.3). Bni soit le Dieu et Pre de notre

    Seigneur Jsus-Christ, qui, selon son abondante misricorde, nous a rg-

    nrs pour une esprance vivante par la rsurrection de Jsus-Christ dentre

    les morts. Ce que lAptre demande ici pour ses frres, il la reu lui-

    mme le premier ; car comment aurait-il pu crire la premire moiti de

    notre chapitre, sil navait compris profondment la grandeur de la grce

    que Dieu a faite ses enfants ? Nous pourrons nous flatter davoir connu

    comme lui quelle est lesprance de la vocation de Dieu, quand, au lieu de

    trouver dans les versets 3 14 de notre chapitre une hauteur et une fer-

    veur de sentiment o nous pouvons peine atteindre assez pour lex-

    pliquer, nous y verrons lexpression spontane dun amour et dune re-

    connaissance qui dbordent dans notre cur, comme dans celui d saint

    Aptre.

    Pour que nous puissions jouir ainsi de lesprance de notre vocation, deux

    choses sont ncessaires. La premire, que nous connaissions quelle est la

    richesse de la gloire de lhritage de Dieu dans les saints, pour nous rjouir dans

    lattente de cette gloire, malgr notre misre prsente ; lautre, que nous

    connaissions quelle est la surabondante grandeur de la puissance de Dieu envers

    nous qui croyons, pour ne pas douter que la possession de cette gloire ne

    nous soit assure, malgr notre infirmit prsente, ou, comme sexprime

    6. Le mot esprance est pris ici dans son acception objective. Il sagit, non du sentiment,mais de son objet. Il en est de mme dans Colossiens 1.5 ; Tite 2.13, etc.

    36

  • saint Pierre, par une antithse aussi solide quingnieuse, il faut que nous

    connaissions le prix de lhritage qui est gard dans les cieux pour nous, et

    la force de la puissance de Dieu par laquelle nous sommes nous-mmes

    gards par la foi pour le salut.

    La richesse de la gloire de son hritage dans les saints. Lhritage de Dieu,

    cest--dire que Dieu rserve ses lus (Romains 8.17-18), est appel un

    hritage dans les saints 7, pour marquer que le sige en est intrieur et la na-

    ture spirituelle (Luc 17.21 : Le royaume de Dieu est au dedans de vous ) ;

    ce qui sert en mme temps nous faire entendre que la possession de cet

    hritage peut commencer ds ici-bas, au moins en germe, par les arrhes

    du Saint-Esprit (versets 11 et 14). Au lieu de la gloire de cet hritage, nous

    aurions dit probablement la flicit. Mais le mot gloire, dont lcriture se

    sert presque lexclusion de lautre, outre quil est plus grand, est sur-

    tout moins goste : il attire lattention sur Dieu, au lieu que le mot flicit

    lattirerait sur nous-mmes. Il sagit dun hritage recevoir de Dieu et

    partager avec Jsus-Christ : cette pense, ce nest pas de jouir quil est

    question pour lAptre, cest dtre glorifi, nous dans le Seigneur et le Sei-

    gneur en nous (2Thessaloniciens 1.12). Mais, comme si cette expression de

    gloire ne lui suffisait pas encore, il ajoute : richesse de cette gloire. Lemploi

    que le Nouveau Testament fait de ce mot est intressant observer : plus il

    slve au-dessus de la richesse convoite par le monde, plus il retient fer-

    mement lexpression de cette convoitise pour le sanctifier en lappliquant

    aux biens vraiment dsirables (Romains 2.4 ; 9.23 ; 11.33 ; 2Pierre 1.11 ; lit-

    tralement vous sera richement accorde, etc.). De quoi nous rendrait

    capables lintelligence relle, et la contemplation constante, de cette gloire

    de lhritage de Dieu dans les saints ? Jsus-Christ lui-mme nous lap-

    prend par son exemple, Hbreux 12.2 (traduisons, avec Lausanne 1839 :

    en change de la joie qui lui tait propose, comme le prix rserv au

    vainqueur, au terme de la course) ; voyez encore Hbreux 10.34.

    7. Harless lentend dune autre manire : parmi les saints, cest--dire qui doit tre dis-tribu parmi les saints. Il rapproche de notre passage Actes 20.32 ; 26.18.

    37

  • Et quelle est la surabondante grandeur de sa puissance envers nous qui croyons,

    selon lefficace du pouvoir de sa force. Le prix est magnifique. Reste savoir si

    nous pouvons latteindre. Nous nen avons pas la force en nous-mmes ;

    mais cette force est en Dieu, pleinement suffisante, surabondante comme

    le langage par lequel lAptre semble sefforcer vainement de la dcrire :

    cela doit nous suffire. Pour nous qui croyons, et qui avons t rendus par la

    foi participants de la nature divine (2Pierre 1.4), la question nest pas :

    Que pouvons-nous ? mais, que peut Dieu ? Toutes choses sont possibles

    celui qui croit (Marc 9.23), parce que rien nest impossible Dieu

    (Luc 1.37). Les derniers mots : Selon lefficace du pouvoir de sa force, se rap-

    portent, non au mot croyons, que nous avons, par cette raison, spar de

    ce qui suit par une virgule, mais lensemble de la phrase : La surabon-

    dante grandeur de sa puissance, selon lefficace, etc. Dans cette accu-

    mulation dexpressions semblables, il faut voir avant tout labondance du

    sentiment qui remplit le cur de lAptre ; mais il faut discerner aussi les

    nuances qui les distinguent les unes des autres. Lefficace est la puissance

    dans son opration ; le pouvoir, la puissance dans son essence ; et la force, la

    puissance dans son principe ; ou, selon une image aussi juste que belle de

    Calvin, la premire est le fruit, la seconde larbre et la troisime la racine.

    Des trois choses que lAptre prie Dieu de rvler aux phsiens, celle

    quil a surtout cur de leur voir bien connatre, cest la puissance de

    Dieu envers ceux qui croient. Car, tandis quil ne fait quindiquer les deux

    autres, il sarrte sur celle-ci, et va montrer comment elle a t dj d-

    ploye, dabord en Jsus-Christ, et ensuite en ses membres. Cest que rien

    nest plus ncessaire connatre pour nous, ni tout ensemble plus diffi-

    cile croire, que cette puissance de Dieu envers nous. sae rsume toute

    luvre de notre salut en ce seul mot le bras de lternel, cest--dire

    sa puissance, et il explique toute lincrdulit des hommes par la difficult

    quils prouvent croire cette puissance : Qui a cru notre prdication,

    et qui le bras de lternel a-t-il t rvl ? (53.1) Le Psalmiste dit dans le

    38

  • mme esprit : Dieu a une fois parl, et jai ou cela deux fois ; que la force

    est Dieu (Psaumes 67.11). Il est vrai quil ajoute : Et cest toi, Sei-

    gneur, quappartient la gratuit ; mais cette gratuit de Dieu, lAptre la

    expose avec abondance dans la premire moiti de notre chapitre. Dieu

    est bon et Dieu est puissant, il veut et il peut : deux petits articles, qui

    renferment tout ce qui peut consoler une me. Heureux qui les croit relle-

    ment !

    2. Cette puissance de Dieu a t dploye premirement en

    Christ. 1.20-23.

    20. Laquelle il a dploye en Christ en le ressuscitant des morts, et il la fait

    asseoir sa droite, dans les lieux clestes, 21. au-dessus de toute principaut, et

    autorit, et puissance, et domination, et au-dessus de tout nom qui se nomme,

    non seulement dans ce sicle, mais aussi dans celui qui est venir ; et il a assu-

    jetti toutes choses sous ses pieds, 22. et il la tabli pour tte, au-dessus de toutes

    choses, pour lglise, 23. qui est son corps, la plnitude de celui qui remplit toutes

    choses en tous.

    Il a dploye. Le terme grec, qui signifie littralement a mis en uvre (le

    mme que nous avons traduit oprer au verset 11), correspond au substan-

    tif du verset 19 que nous avons rendu par efficace (littralement la mise

    en uvre). La puissance divine, jusque-l cache en Dieu, sest rendue vi-

    sible, a pass de ltat de principe celui daction, dabord dans la rsur-

    rection de Christ, ensuite dans la rsurrection (spirituelle) de ses membres,

    de telle sorte que la vue et lexprience viennent en aide la foi pour nous

    persuader la puissance de Dieu envers nous.

    En Christ, mais pour nous, qui croyons en lui. La tte rpond pour les

    membres. Le but de lAptre nest pas tant dexalter la rsurrection de

    Christ en soi, que de montrer par ce que Dieu a fait en Christ ce quil peut

    faire en nous. Cest pour cela que, dans les derniers versets de notre cha-

    39

  • pitre, il revient de la tte au corps, de Christ lglise, et stend ensuite,

    dans le chapitre 2, sur la puissance de Dieu dploye dans les croyants.

    En le ressuscitant des morts. Notez bien ce mot morts. Cest l quest la

    principale force du raisonnement de lAptre. Christ tait mort, et Dieu

    la ressuscit. Vous tiez morts (2.1, 5), et Dieu vous a ressuscits avec lui.

    Une puissance qui a triomph de la mort, de quoi ne serait-elle pas ca-

    pable ? La mort, cette maldiction invitable du pch, est, pour lcriture,

    non seulement une grande force, mais le type mme de la force (Cantique

    8.6) ; et les cordeaux du spulcre, les lacs de la mort (Psaumes 18.5-6 ;

    Psaume 116.3 ; Actes 2.24) sont de tous les liens le plus difficile dtacher.

    Ce qui rend le diable tout-puissant, dans la nature, cest quil a le pou-

    voir de la mort (Hbreux 2.14) ; ce qui rend Christ tout-puissant, dans la

    grce, cest quil a les clefs des enfers et de la mort (Apocalypse 1.18).

    Lennemi qui sera dtruit le dernier, cest la mort (1Corinthiens 15.26).

    Dieu seul est plus fort que la mort ; il est, selon Ose, une peste pour la

    mort, et une destruction pour le spulcre (13.14). Voil la puissance que

    lAptre nous fait admirer dans la rsurrection de Jsus-Christ. Elle se-

    rait dj admirable dans la rsurrection dun homme ordinaire. Quauriez-

    vous prouv si vous eussiez t prsent quand Jsus-Christ pronona ces

    paroles : Lazare, sors dehors ! et que vous eussiez vu Lazare, mort de-

    puis quatre jours, se lever, en secouant ces bandes qui lui liaient les mains

    et les pieds (Jean 11.43-44), faibles emblmes du plus fort de tous les

    liens. Les langues humaines, qui ont un mot propre pour lide de crer,

    nen ont pas pour celle de ressusciter. Les termes du Nouveau Testament

    que nous rendons de la sorte signifient ou rveiller, comme on rveille un

    homme endormi, ou relever, comme on relve un homme couch ; ce der-

    nier sens est celui du mot latin ressuscitare, qui a pass dans notre langue.

    Ressusciter est, en effet, un acte de puissance plus merveilleux, sil est pos-

    sible, que crer ; parce quil y a dans le premier un obstacle vaincu, qui

    nest pas dans lautre. Triompher de la mort, cest plus que de se substituer

    40

  • au nant. La cration est une manation ; la rsurrection est une victoire.

    Par lune, la vie est communique ; par lautre, la vie est communique

    et tout ensemble la mort vaincue. Mais il y a quelque chose de plus dans

    la rsurrection de Christ que dans celle de Lazare ou dun autre homme.

    La mort a d avoir un caractre particulier quand elle sest attaque au

    Prince de la vie ; et son empire devait tre dautant plus souverain que

    sa victoire avait t plus incroyable. Jsus-Christ, qui a t le mpris,

    et non pas seulement un mpris, a t aussi le mort, et non pas seule-

    ment un mort. Tout ce qui se passe dans sa personne, sy passe, sil est

    permis dainsi parler, la plus haute puissance. Sans doute les puissances

    de lenfer nont jamais mieux gard aucune de leurs proies que celle-ci,

    qui leur rpondait de toutes les autres ; et lon peut voir une image de

    leur vigilance dans les prcautions infinies des meurtriers de Jsus-Christ

    pour empcher laccomplissement de la prophtie qui annonait sa rsur-

    rection. Mais tout leffort runi de lenfer et de la terre ne sert qu faire

    clater avec plus de splendeur la puissance de Dieu, lorsquil le ressus-

    cite, ayant dli les liens de la mort, parce quil ntait pas possible quil

    ft retenu par elle (Actes 11.24) ; et quil lui donne sujet de tenir ce ma-

    gnifique langage : Je vis, et jai t mort, et voici, je suis vivant au sicle

    des sicles (Apocalypse 1.18). Pour entrer dans la pense de notre aptre,

    il faut savoir slever au-dessus de la foi de catchisme. Croire que Dieu a

    ressuscit Jsus-Christ, voir dans cette rsurrection une preuve de sa mis-

    sion divine, un gage de notre rsurrection future, un type de notre rsur-

    rection spirituelle, ce nest pas l ce que lAptre veut de nous. Il veut que

    nous contemplions avec surprise, avec adoration, Dieu ressuscitant Jsus-

    Christ dentre les morts, et que, sentant toute notre incrdulit confondue

    par ce spectacle, nous apprenions nous crier : Quelle merveille ! quelle

    puissance ! Que na pas fait Dieu en Jsus-Christ ? que ne peut-il pas faire

    en nous qui croyons ?

    Et il la fait asseoir. Tous les commentateurs saccordent dire que le

    41

  • changement de temps quon remarque dans loriginal, et que nous avons

    cru devoir conserver dans la traduction, ne doit sexpliquer que par la li-

    bert de la construction grecque, et que le sens est le mme que si lAptre

    et dit : Quil a dploye en Christ en le ressuscitant des morts et en le fai-

    sant asseoir, etc. Mais nous pensons que ce changement tient une nuance

    dlicate qui a chapp leur attention. Dabord, cest essentiellement sur la

    rsurrection de Jsus-Christ que saint Paul veut fixer les regards de ses lec-

    teurs. Le rveiller (cest le sens propre du terme grec) quand il tait mort,

    cest la grande marque de puissance que Dieu a donne ; et auprs de cela,

    ctait peu de chose que de llever, une fois ressuscit, et de le faire as-

    seoir sa droite. Aussi, dans lendroit correspondant du second chapitre,

    en parlant de la puissance de Dieu dploye dans les croyants, lAptre

    commence par dire quils taient morts, et que Dieu les a fait revivre avec

    Christ (2.5) ; ce nest que plus tard, et sous forme de dveloppement, quil

    ajoute quil les a fait asseoir ensemble dans les lieux clestes en Christ.

    Ensuite, et surtout, il y a cette diffrence entre Jsus-Christ ressuscit des

    morts et Jsus-Christ transport la droite de Dieu, que le premier est un

    fait dexprience, qui a t vu, tandis que le second est un objet de foi, qui

    est invisible. Or, lAptre, voulant appeler ici lexprience et la vue au se-

    cours de la foi, pouvait bien dire : Cette puissance de Dieu, que je le prie

    de vous faire connatre, il la dj dploye, devant les yeux des hommes,

    en ressuscitant Christ dentre les morts ; mais il ne pouvait pas dire dans,

    le mme sens : Il la dploye en le faisant asseoir sa droite. Il rappelle

    lun de ces faits, et rvle lautre ; de l lemploi du participe pour le pre-

    mier, et du prtrit pour le second. Peut-tre une tude approfondie du

    texte sacr ferait-elle dcouvrir quelque nuance semblable dans plusieurs

    endroits o lordre des penses flchit sans cause apparente, ce qui arrive

    assez souvent dans les crits de saint Paul.

    A sa droite. En faisant asseoir quelquun sa main droite, et surtout sur

    son trne, un monarque llevait au plus haut degr de gloire, et parta-

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  • geait avec lui lhonneur de la puissance souveraine. Voyez la place donne

    Bathschba (1Rois 2.19) ; la prire de la mre des fils de Zbde (Mat-

    thieu 20.21) ; et surtout la prophtie relative au Messie (Psa