monod ephesiens
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THOTEX
Adolphe Monod
EXPLICATION
DE
LPTRE AUX PHSIENS
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site internet : theotex.org
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ISBN : 978-2-36260-027-2
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EXPLICATIONDE
LPTRE AUX PHSIENSPAR
Adolphe MONOD1867
Soleil dOrient 2005
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Il y a dj bien des annes, M. Adolphe Monod expliqua lptre aux
phsiens dans une suite de mditations familires. Aprs ces services, il
avait lhabitude de recueillir et dcrire lui-mme ce quil avait dit : cest
ainsi que se trouva compose lEXPLICATION DE LPTRE AUX PHSIENS
que nous publions aujourdhui.
Nous donnons ce travail, que M. Monod navait pu revoir lui-mme, tel
quil lavait laiss, et en conservant mme certains passages que le cours
des vnements accomplis lui aurait sans doute fait modifier (voyez cha-
pitre 6, 5-9), sil avait prsid lui-mme cette publication.
Rappelons ici le vu que lauteur exprimait lui-mme en abordant
cette tude : Veuille le Saint-Esprit, promis aux disciples du Nouveau
Testament, se servir de nous pour vous aider comprendre la pense de
lAptre, comme il sest servi de lAptre pour nous rvler la pense de
Christ !
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Introduction
Lptre aux phsiens embrasse, dans sa brivet, tout le champ de
la religion chrtienne. Elle en expose tour tour la doctrine et la morale,
avec tant de concision et de plnitude tout ensemble, qu peine pourrait-
on nommer quelque grande vrit ou quelque devoir essentiel qui ny ait
sa place marque ; outre qutant partage en deux parties gales, dont
lune est rserve la doctrine et lautre la morale, elle procde avec un
ordre et une mthode quon ne retrouve nulle part ailleurs, si ce nest dans
les grandes ptres aux Romains et aux Hbreux, qui sont moins des lettres
que des traits. On en peut dire autant de notre ptre ; et il y a lieu de pen-
ser, avec les interprtes les plus clairs, que, bien quadresse la seule
glise dphse, elle a t destine et communique par Tychique, qui en
fut le porteur, aux glises les plus considrables de cette partie de lAsie
Mineure dont phse tait la ville principale. Cette remarque expliquerait
comment lAptre soccupe moins ici des besoins, particuliers dune glise
dtermine que de lexposition gnrale de la vrit divine, et pourquoi
lon cherche peu prs 1 en vain dans cette ptre ces traits spciaux, ces
allusions individuelles, ces salutations personnelles que nous prsentent
la plupart des ptres de saint Paul, et que lon devait sattendre retrou-
ver dans une lettre adresse une glise aussi connue et aussi aime de
1. Nous disons peu prs, parce quil y a quelques endroits de notre ptre qui font ex-ception cette remarque, tels que Ephsiens 1.15-16, et 6.21. Ce dernier verset nous donne entendre que la prsence de Tychique devait suppler aux dtails qui manquaient dansles communications crites de lAptre.
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lui que ltait celle dphse.
Daprs ce que nous venons de dire, nous pouvons nous dispenser de
rechercher curieusement tout ce que lcriture ou la tradition nous ap-
prennent sur lglise dphse. Ces donnes, souvent prcieuses pour lin-
telligence des ptres, le seraient moins pour la ntre, puisquelle est si d-
pourvue dapplications spciales. Rappelons seulement que saint Paul vi-
sita phse une premire fois, et y jeta vraisemblablement les fondements
dune glise, lorsquil tait en chemin pour retourner Jrusalem, aprs
son premier sjour Corinthe (Actes 18.19-20) ; quil y retourna plus tard,
et y sjourna cette fois deux ans et trois mois, durant lesquels il rpandit
lvangile dans toute lAsie Mineure (Actes 19.10) ; que les fabricants de
temples de Diane, voyant leur industrie en pril par les progrs de lvan-
gile, excitrent contre Paul et ses compagnons une meute populaire, qui
pensa coter la vie notre Aptre ; que cest dphse quil crivit, vers la
mme poque, sa premire ptre aux Corinthiens (1Corinthiens 16.8-9) ;
que cest dphse quil fit venir Milet les pasteurs auxquels il adressa
cet admirable discours et quil prmunit si solennellement contre les mau-
vaises doctrines qui devaient se glisser au milieu deux aprs son dpart
(Actes 20.18 et suivants) ; enfin que cest lglise dphse que saint
Jean crivit lune des sept ptres de lApocalypse, dans un temps o cette
glise avait commenc dprouver la vrit de la prdiction de saint Paul
et avait rsist fidlement lhrsie naissante (Apocalypse 2.1-7).
En rapprochant avec soin les temps et les vnements, tels quils sont
indiqus dans les Actes et dans les ptres, on reconnat que lptre aux
Ephsiens a t crite de Rome durant le premier sjour de saint Paul dans
cette ville, qui nous est rapport dans le dernier chapitre des Actes 2 ; et
cette supposition est confirme et change presque en certitude par la tra-
dition constante de lantiquit. De l les allusions ritres de lAptre
son tat de captivit (3.1 ; 6.1 ; 6.19-20). Tychique, qui porta cette lettre
2. Vers lan 62.
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phse (6.21), fut charg en mme temps de quelques autres lettres de
saint Paul, et en particulier de son ptre aux Colossiens. Cette dernire
circonstance est importante connatre pour lexplication de notre ptre.
Car ces deux ptres, crites la mme poque, et des glises voisines
lune de lautre, offrent entre elles une ressemblance frappante, tant pour
les penses que pour lordre dans lequel elles sont prsentes. On peut
considrer lptre aux Colossiens comme une sorte dextrait de lptre
aux phsiens, mais un extrait modifi et adapt aux besoins spirituels de
la petite communaut de Colosses. Il nous arrivera donc plus dune fois de
citer lptre aux Colossiens et de nous en servir pour lclaircissement de
la ntre ; bien que linterprtation de lptre aux Colossiens ait encore plus
de lumire emprunter lptre aux phsiens, qui traite la plupart des
matires avec plus dtendue. Il est intressant de voir comment elles re-
oivent lune de lautre le mme genre de secours que se prtent entre eux
les quatre vangiles, se compltant et sexpliquant mutuellement, tantt
par leurs rapports et tantt par leurs diffrences mmes.
Remarquons encore que saint Paul sadresse surtout dans notre ptre
aux chrtiens sortis du paganisme. Il insiste singulirement sur la faveur
que Dieu leur a faite en les choisissant du sein de la corruption universelle
pour les associer son peuple lu et pour runir en Jsus-Christ les paens
convertis et les juifs fidles. Ce dessein gnral, bien compris, jette beau-
coup de jour sur les diverses parties de notre ptre. Cela dit, abordons, au
nom du Seigneur, le saint livre que nous nous proposons dtudier. Voici
quelle sera, dans cette tude, notre rgle fondamentale : chercher, avec tous
les secours que Dieu place notre porte, la pense de lauteur sacr, qui
est pour nous celle de Dieu mme ; et puis, cette pense trouve, la recevoir
avec la simplicit dun enfant, et lexposer nos auditeurs avec la fidlit
tremblante dun interprte du Saint-Esprit. Libert dans linvestigation
du sens des critures, soumission ce sens une fois dcouvert, voil la
base, non seulement de toute mditation salutaire des critures, mais en-
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core de toute exgse solide et de toute thologie digne de son nom.
coutons sur ce sujet lun des plus savants thologiens contemporains
de lAllemagne, Harless, dans la prface de son Commentaire sur lptre
aux phsiens : Lglise protestante, dont je me flicite dtre serviteur
et docteur avec une entire et libre conviction, a fix depuis trois sicles
les principes daprs lesquels elle interprte la sainte criture. Selon elle,
lcriture ne peut tre explique que par lcriture elle-mme ; cest d-
couvrir le sens simple, clair et naturel du texte sacr que je me suis ap-
pliqu partout. Sil mtait arriv parfois de dominer la Parole, au lieu de
me laisser enseigner par elle, ce serait l une infraction individuelle et in-
volontaire, au principe de mon glise, qui veut, avec lAptre, que toute
autorit propre soit abattue, et qui ne connat sur la terre ni aucune autorit
suprieure la Parole de Dieu, ni aucune sagesse capable de dominer la
sagesse divine, ni aucune autre vertu dinterprtation que cette humble fi-
dlit envers la rvlation de Dieu, qui sassied pour couter aux pieds du
Matre et qui invite les hommes pntrer dans la profondeur des saints
mystres. On reconnat ce beau langage un disciple de ce grand rfor-
mateur qui a dit : Nous voulons demeurer jusquau bout coliers dans la
sainte criture ; car nous ne sommes pas capables den sonder fond un
seul mot ; nous nen obtenons que les prmices (Luther). A la distance qui
nous spare de ces serviteurs minents du Seigneur, le mme esprit nous
anime et nous prions Dieu de ne pas permettre que nous vous donnions ja-
mais notre pense au lieu de la sienne. On nallume pas un flambeau (dit
encore le thologien que nous avons cit tantt) pour clairer le soleil ; et
il doit suffire celui qui veut annoncer la lumire au monde, de faire voir
quil ne prche pas dans des antres et des trous souterrains ; mais quil est
expos aux rayons de cette vritable lumire, qui ne slve pas de son
sein, mais qui descend sur lui du ciel.
Veuille le Saint-Esprit, promis aux disciples du Nouveau Testament,
se servir de nous pour vous aider comprendre la pense de lAptre,
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comme il sest servi de lAptre pour nous rvler la pense de Christ !
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I. La salutation
1.1-2
1. Paul, aptre de Jsus-Christ, par la volont de Dieu, aux saints et fidles
en Jsus-Christ qui sont phse 2. Grce et paix vous soient de la part de Dieu
notre Pre et du Seigneur Jsus-Christ.
Paul. . . ce nom, que lAptre se donne dans toutes ses ptres, de pr-
frence son premier nom, Saul (ou Sal), rappelle la mission quil avait
reue de Dieu auprs des paens. Car Sal tait un nom juif ; mais Paul tait
un nom romain, que lAptre parat avoir pris pour se faire mieux venir de
ses auditeurs, et en mmoire de la conversion du proconsul Sergius Paul,
le premier fruit de sa premire mission.
Aptre de Jsus-Christ, par la volont de Dieu. Ces mots servent tout en-
semble tourner lattention des phsiens sur Jsus-Christ, dont Paul nest
que lAptre (lenvoy Jean 3.30), et imprimer dans leur esprit lauto-
rit divine de son ministre, puisque cest au nom de Jsus-Christ quil
leur parle. En crivant certaines glises, auxquelles on avait inspir des
doutes sur son apostolat, il stend sur cet article, quil se contente ici din-
diquer. Il y consacre, en particulier, les deux premiers chapitres de son
ptre aux Galates, qui font le tiers de toute lptre. Bien quentr dans
lapostolat aprs la mort et lascension du Seigneur, saint Paul y avait t
appel directement et par le Seigneur lui-mme. Jsus lui tait apparu tout
exprs et lavait personnellement institu, sans intermdiaire humain, ce
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qui faisait quil tait aptre au mme titre que les douze tmoins de la
rsurrection du Seigneur (Actes 1.22), non de la part des hommes, ni
par un homme (cest--dire par le ministre dun homme), mais par
Jsus-Christ et par Dieu le Pre qui le ressuscita des morts (Galates 1.1).
Comme si ce nom daptre de Jsus-Christ ne suffisait pas encore, saint
Paul ajoute quil lest par la volont de Dieu ; tant il tient constater quil ne
sest point ingr de lui-mme dans le ministre quil exerce. Cest que ce
point est galement ncessaire pour lui-mme et pour ses lecteurs ; pour
lui, afin quil parle avec foi ; pour eux, afin quils lcoutent avec foi. Quel
est le pasteur chrtien qui puisse lire ces mots, par la volont de Dieu, sans
une sorte de sainte jalousie ? Quon est fort quand on peut sassurer que
ce quon fait, ce quon dit, on le fait et on le dit pour obir un comman-
dement du Seigneur ! Quon se trouverait heureux davoir, comme saint
Paul, des caractres manifestes pour tout le monde, dune vocation divine !
Mes chers frres dans le ministre, ne perdons pas courage. Dieu voit ce
besoin que nous prouvons de nous sentir faisant sa volont, et il est fi-
dle pour y rpondre. Il est juste que lvidence des signes de vocation se
proportionne limportance de la vocation elle-mme ; et cette interven-
tion visible du Seigneur, qui tait ncessaire pour les docteurs inspirs de
lglise universelle, nous navons pas le droit dy prtendre. Mais, comme
ces pasteurs dphse que saint Paul nhsitait pas appeler tablis par
le Saint-Esprit sur leur troupeau (Actes 20.26), bien quil ny et eu rien
de surnaturel et dextraordinaire dans leur institution, nous avons aussi
nos signes auxquels nous pourrons reconnatre si le Seigneur nous appelle
ou non au ministre de la Parole. Cherchons-les, non dans cette prtendue
succession apostolique que limagination des hommes a rve et quelle sub-
stitue imprudemment la vocation de Dieu ; mais dans lordre de lglise,
dans les indications des vnements, dans les dispositions de notre es-
prit, et surtout dans le secret de la prire. Oui, prions beaucoup, prions
ardemment pour tre conduits du Seigneur ; puis, sil veut nous employer
comme serviteurs de sa Parole, il nous le fera clairement connatre, et il
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saura le faire connatre aussi la conscience de ceux auprs desquels il
nous envoie.
Aux saints et fidles en Jsus-Christ qui sont phse. Les chrtiens dphse
sont saints, parce quils appartiennent cette race lue (1Pierre 2.9),
pour laquelle le Seigneur sest donn lui-mme afin de la racheter de
toute iniquit, et de se purifier un peuple particulier, zl pour les bonnes
uvres (Tite 2.14), et dont lancienne conomie nous offre un type visible
dans ce peuple saint lternel quil stait choisi dentre tous les peuples
de la terre (Deutronome 7.6). Les chrtiens sont des hommes mis part,
spars du monde, et rservs pour le service de Jsus-Christ et pour la
gloire de Dieu, selon ce qui est crit : Je me suis form ce peuple-ci ; ils ra-
conteront ma louange (sae 43.21). Cette sparation, cette conscration
se fait la fois extrieurement, par ladmission dans lglise, et intrieure-
ment par la conversion du cur. Que dautres cherchent leurs saints parmi
les morts, nous cherchons les ntres parmi les vivants ; point de saint au
ciel, qui nait commenc par ltre sur la terre. Ils sont fidles (ce qui si-
gnifie en cet endroit croyants, ainsi que dans Jean 20.28 ; Galates 3.9, etc.),
parce quils possdent la foi en Jsus-Christ, qui est le principe de leur
saintet. Ils nont pu devenir saints que parce quils ont t fidles, comme
ils ne peuvent tre vraiment fidles sans devenir saints ; deux caractres
insparables dont la runion forme une dfinition complte de lenfant de
Dieu. Enfin, ils sont en Jsus-Christ, parce quils sont unis lui de telle sorte
quil demeure en eux et eux en lui. De l tout ce qui les distingue davec
le reste des hommes. Cest en Jsus-Christ seul quils sont saints ; en Jsus-
Christ seul quils sont fidles ; en Jsus-Christ seul que leur me a la vie,
le mouvement et ltre.
Grce et paix vous soient. Cette salutation, que lon retrouve, avec de l-
gres diffrences presque dans toutes les ptres, tant de saint Paul que
des autres aptres, tait une formule usite gnralement de leur temps,
et o ils navaient fait dautre changement que celui que commandait les-
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prit vanglique. Les Grecs et les Romains avaient coutume de commencer
ainsi leurs lettres : Un tel un tel, salut ; et les Juifs se saluaient en ces
termes : Paix te soit (Juges 20.20, etc.). Par ce salut, et par cette paix,
on entendait la sant et des jours prospres. Les aptres ont maintenu la
forme de la salutation reue, mais en y substituant aux souhaits que dicte
lamiti du monde, ceux quinspire la foi et la charit de Christ. Exemple
mditer. Le chrtien doit se sparer du sicle par lesprit qui lanime,
et non sur des formes insignifiantes ; ces formes vides que nous fournit
la bienveillance du monde, ne les brisez pas ; mais remplissez-les avec
cette charit sans hypocrisie que vous avez apprise de votre Matre.
Sparez-vous (2Corinthiens 6.17), mais ne vous singularisez pas. Ne
dtournez pas sur un mot, sur un geste, sur un habit, sur une convenance
sociale, lattention que rclame de la part des hommes leur salut et la gloire
de Dieu. Ninnovez quautant que lvangile le commande, et ntonnez
le monde que par votre saintet.
La grce et la paix, que lAptre souhaite aux phsiens, marquent som-
mairement toutes les bndictions attaches la foi vanglique, avec cette
diffrence que le premier de ces deux mots indique le principe de ces b-
ndictions, qui est en Dieu, au lieu que le second en indique le rsultat,
qui se fait sentir dans le cur de lhomme. Saint Paul souhaite en pre-
mier lieu aux phsiens, la grce, cest--dire, cette bonne disposition de
Dieu, toute libre et gratuite, qui le porte dabord nous pardonner nos
pchs en Jsus-Christ, et puis nous accorder encore, en lui, avec cette
dlivrance capitale, toutes les autres dlivrances qui en dpendent et qui
en dcoulent ; elles sont numres dans le Psaume 32, et dans le commen-
cement du Psaume 103, o le pardon est nomm avant tout le reste : La
premire faveur que Dieu accorde un pcheur, cest de lui remettre ses
pchs (Luther). Il leur souhaite en second lieu la paix, cest--dire cette
heureuse disposition dune me chrtienne, qui se rjouit dabord de ce
que Dieu lui a remis ses pchs, et puis de ce quil la console, la guide, la
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sanctifie, la fortifie, et accomplit tout pour elle (Psaume 57.2). Ce nest
donc pas sans dessein que lAptre nomme la grce avant la paix : Dieu
commence et lhomme rpond ; lun et lautre sont ncessaires ; mais la
premire place est Dieu. Lordre que suit saint Paul dans cette salutation
est celui quil a galement adopt en dveloppant ces deux bndictions
vangliques dans son ptre aux Romains. Les quatre premiers chapitres
de cette ptre sont pour la grce ; le cinquime souvre par la paix : tant
donc justifis par la foi, nous avons la paix avec Dieu, par notre Seigneur
Jsus-Christ. A ces deux souhaits saint Paul en ajoute un troisime, la
misricorde, quil intercale entre les deux autres, en crivant Timothe et
Tite. Il entend alors par la misricorde, ce quil entend ici par la grce, et
par la grce lorigine commune, cache plus profondment encore en Dieu,
et de sa misricorde et de notre paix. Saint Jude, son tour, souhaite aux
chrtiens la misricorde, la paix et lamour. La misricorde est pour lui ce
quest la grce pour notre aptre ; et lamour complte le tableau des b-
ndictions vangliques, en joignant la grce, expose dans les quatre
premiers chapitres de lptre aux Romains, et la paix, expose dans le
cinquime, cet amour saint, principe de la sanctification chrtienne, expos
dans les chapitres 6, 7 et 8. La grce engendre la paix, et la paix lamour
qui est le mobile de la vraie obissance.
De la part de Dieu notre Pre et du Seigneur Jsus-Christ. Qui lirait ces
paroles tant de fois rptes de saint Paul et oserait dire que Jsus-Christ
nest pas Dieu ? Quel autre que Dieu, quel homme, quelle crature pour-
rait tre, dans le langage si jaloux du Saint-Esprit, associ partout Dieu
comme principe de toutes les grces divines : Moi et le Pre sommes un.
Si vous navez vu cela, lecteur, vous navez rien vu.
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II. Laction de grces
1.3-14.
3. Bni soit le Dieu et Pre de notre Seigneur Jsus-Christ, qui nous a bnis, de
toute bndiction spirituelle, dans les lieux clestes, en Christ ; 4. selon quil nous
avait lus en lui, avant la fondation du monde, afin que nous fussions saints et
irrprhensibles devant lui, dans lamour ; 5. nous ayant prdestins ladoption,
par Jsus-Christ, pour soi-mme, selon le bon plaisir de sa volont ; 6. la louange
de la gloire de sa grce, par laquelle il nous a reus en grce dans le bien-aim ;
7. en qui nous avons la rdemption par son sang, la rmission des offenses, selon
les richesses de sa grce ; 8. laquelle il a fait abonder en nous, en toute sagesse
et intelligence ; 9. nous ayant donn connatre le mystre de sa volont (selon
son bon plaisir, quil stait propos en soi-mme, 10. pour la dispensation de
la plnitude des temps), savoir de runir toutes choses en Christ, et celles qui
sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre ; 11. en lui, en qui aussi nous
avons t faits hritiers, ayant t prdestins, selon le dessein arrt de Celui qui
opre toutes choses selon le conseil de sa volont, 12. pour que nous fussions la
louange de sa gloire, ceux qui ont auparavant espr en Christ ; 13. en qui vous
tes aussi, ayant entendu la parole de la vrit, lvangile de votre salut ; en qui
aussi, ayant cru, vous avez t scells par le Saint-Esprit de la promesse, 14. qui
est larrhe de notre hritage, pour la rdemption de lacquisition, la louange de
sa gloire.
1) Laction de grces pour les lus en gnral. 1.3-10.
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Bni soit Dieu. Cest en louant Dieu que saint Paul commence toutes
ses ptres, lexception de Galates, 1Timothe et Tite, o un objet spcial,
proccupant la pense de lAptre, a pris la place quil rserve habituel-
lement laction de grces. Quoi que nous entreprenions, commenons-le
aussi par laction de grces ; Nattendons pas quelle soit provoque par
quelque bienfait particulier : le don permanent de la vie ternelle ne nous
suffit-il pas ? Grces Dieu pour son don ineffable ! (2Corinthiens 9.15.)
Bni soit le Dieu et Pre de notre Seigneur Jsus-Christ qui nous a bnis ;
saint Jean dit dans le mme esprit : Nous laimons, parce quil nous a ai-
ms le premier.
Le Dieu et Pre de notre Seigneur Jsus-Christ. On peut traduire aussi :
Dieu, qui est le Pre, etc. ainsi que lont fait nos versions. Mais la traduc-
tion que nous avons suivie, avec la version de Lausanne 1839, nous parat
prfrable tant ici que dans Romains 15.6 ; 2Corinthiens 11.31 ; 1Pierre 1.3,
etc. Dieu nest pas seulement le Pre de Jsus-Christ, il est en mme temps
son Dieu, qui la envoy, qui la conduit, qui la exauc, qui la ressuscit,
qui la fait asseoir sa droite. Je monte vers mon Pre et votre Pre, et
vers mon Dieu et votre Dieu (Jean 20.17). Ce rapport du Pre au Fils est
important considrer pour nous. Car, Jsus-Christ tant le reprsentant
et la tte de lglise, cest parce que Dieu est le Dieu de Jsus-Christ quil
est aussi notre Dieu, comme cest parce quil est le Pre de Jsus-Christ
quil est aussi notre Pre. Que si lon demande comment Dieu peut tre
le Dieu de Jsus-Christ, qui est Dieu lui-mme, nous pourrions rpondre
que Jsus-Christ est considr alors dans sa nature humaine ; mais nous
aimons mieux rpondre que cest l le mystre de pit ; mystre rap-
pel, mais non expliqu, dans Psaume 45.8 (cit par saint Paul, Hbreux
1.9) : O Dieu, ton Dieu ta oint dune huile de joie au-dessus de tes sem-
blables ; ce qui nest pas plus tonnant que 2Timothe 1.18 : Le Seigneur
lui fasse trouver misricorde auprs du Seigneur, ou Daniel 9.17-19 et
Psaume 110.1.
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Dans les lieux clestes en Christ. Dieu nous a bnis en Christ, lus en
Christ, sauvs en Christ ; ce nest pas seulement par Christ, cest en Christ,
en la personne duquel Dieu nous contemple, comme des membres de son
corps, faisant partie de son tre, et revtus de sa justice. Aussi saint Paul
souhaite dtre trouv en Christ (Philippiens 2.9). Ceci nous explique
comment nous pouvons tre bnis dans les lieux clestes, bien que
nous ne soyons pas au ciel. Christ y est, et cela suffit. Que dis-je ? Nous y
sommes, dans sa personne : Il nous a fait revivre avec le Christ, et il nous
a ressuscits et fait asseoir dans les lieux clestes en Jsus-Christ (Voyez
2.5-6 rapproch de 1.20). Cest galement parce que nous avons t lus
en Christ que nous avons pu ltre avant la fondation du monde, bien
qualors nous ne vcussions pas. Christ vivait, et cela suffit. Aussi bien ni
cette difficult de lieu, ni cette difficult de temps, ngale la difficult de
principe, la difficult essentielle de notre salut, celle qui tient ce que les
hommes qui Dieu veut donner la vie ternelle sont des pcheurs qui en
sont indignes par leurs uvres. Comment pouvons-nous tre justes de-
vant Dieu, nayant pas fait les uvres ? mme rponse : cest que nous
sommes justes en Christ. Nous navons pas fait les uvres ; mais Christ
les a faites, et cela suffit. Cest la doctrine de notre aptre, Romains 10.5-8 :
notre salut, impraticable selon la loi, parce que nous en serions alors char-
gs nous-mmes, est praticable selon la foi, parce que cest Christ alors qui
laccomplit. Tout cela est runi dans 2Timothe 1.9 1.
Pour tre (ou tre) saints et irrprhensibles devant lui, dans lamour. Ces
mots peuvent se rapporter notre sanctification, ou notre justification.
Dans le premier cas, lamour dont il est ici question, cest lamour dans
lhomme, et la pense de lAptre serait celle-ci : Pour que nous marchions
devant Dieu dans cette vie sainte dont lamour est le principe ; dans le se-
cond, cest lamour en Dieu, et la pense est alors : Pour que nous soyons
1. Nous recommandons aux lecteurs de chercher les endroits des critures indiqusdans notre commentaire ; de notre ct, nous nous souviendrons que ce qui importe, cestde choisir les citations, et non de les multiplier.
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rputs saints, aux yeux de Dieu, par un effet de son amour. La premire
de ces interprtations, ne serait pas, selon Harless, dans lesprit du Nou-
veau Testament : On ny trouve pas un seul endroit, dit-il, o une saintet
sans tache devant Dieu soit reprsente comme le but de llection. Quoi
quil en soit, nous nous dcidons pour la seconde, soit parce quelle sac-
corde mieux avec la pense gnrale de notre texte, o lAptre sest pro-
pos de relever la grce de Dieu, et non la saintet personnelle du croyant ;
soit parce quelle convient seule au passage correspondant de lptre aux
Colossiens, 1.22. Les mots dans lamour sont employs dune manire sem-
blable dans phsiens 3.18, expliqu par le verset suivant.
Par Jsus-Christ, pour soi-mme, ou en vue de soi-mme. Dans toute luvre
du salut, Dieu est le but, et Jsus-Christ le chemin. Nous allons au Pre par,
le Fils (Jean 14.6 ; 1Corinthiens 8.6 : traduisez duquel sont toutes choses, et
nous pour lui).
Selon le bon plaisir de sa volont. Le mot que nous rendons par bon plai-
sir, peut indiquer soit la souveraine libert, soit la bienveillance, soit enfin
lune et lautre la fois, ces deux choses tant troitement unies en Dieu,
qui est amour. Cest de cette dernire manire que nous lentendons,
tant ici que dans Philippiens 2.13.
Il nous a reus en grce dans le bien-aim. Autre est lamour que Dieu
a pour son Fils, autre celui quil a pour nous. Lui, seul aimable en soi,
est essentiellement le bien-aim ; nous, hassables en nous-mmes, nous
sommes reus en grce cause du bien-aim, et dans le bien-aim ; et si
nous sommes appels bien-aims notre tour (phsiens 5.1, etc.) cest
parce que Dieu nous voit en son Fils. Le mot que nous traduisons reus
en grce, est le mme dont lange se sert en saluant Marie (Luc 1.28).
En toute sagesse et intelligence. Il sagit ici, non de la sagesse et de lintel-
ligence que Dieu fait paratre, mais de la sagesse et de lintelligence quil
communique ses enfants. On peut sen assurer par Colossiens 1.9, outre
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que le mot rendu par intelligence aurait quelque chose dtrange, appliqu
Dieu. La sagesse diffre de lintelligence, en ce que la premire est plus
tendue, la seconde plus restreinte ; la premire est plus spcialement une
qualit du cur, la seconde une facult de lesprit. La premire se montre
surtout dans la conduite, la seconde dans les discours. Rapprochez Luc
2.40 de 47, o il faut traduire : de son intelligence et de ses rponses,
cest--dire de lintelligence qui paraissait dans ses rponses.
Selon son bon plaisir quil stait propos en soi-mme pour la dispensation
de la plnitude des temps ; cest--dire, selon la rsolution que Dieu avait
forme, par devers soi, en vue de la dispensation vanglique, qui de-
vait avoir lieu quand les temps seraient accomplis. La mme pense est
exprime, et en partie dans les mmes termes, Galates 4.2-5, avec cette
lgre diffrence que le temps, dans lptre aux Galates, marque le cours
des temps, qui sachve par le nombre, des annes, tandis que les temps
dans notre ptre (plus exactement les occasions, car le mot grec nest pas le
mme dans les deux cas) marquent les poques successives par lesquelles
se dveloppe le plan divin, et qui lui servent de points darrt ou de de-
grs. Ces poques avaient t indiques par les prophtes de lAncien Tes-
tament ; et il fallait que la partie de la prophtie qui appartenait lan-
cienne conomie et t accomplie, avant que le Fils de Dieu pt venir au
monde et fonder la dispensation vanglique. Mais quel tait lobjet de
cette dispensation nouvelle, et ce mystre de la volont de Dieu, cest-
-dire cette volont quil avait tenue cache jusquau temps marqu ? Le
voici expliqu dans la suite de notre verset :
Runir toutes choses en Christ, et celles qui sont dans les cieux et celles qui
sont sur la terre. Le terme de loriginal que nous rendons par runir, si-
gnifie littralement rcapituler, ou rassembler sous une mme tte. Dieu
veut rassembler sous Christ, comme sous une tte commune, non seule-
ment toutes les choses qui sont sur la terre, mais encore toutes celles qui
sont dans le ciel. Ce nest pas assez que le Fils de Dieu glorifi reoive
16
-
pour son hritage les nations, et pour sa possession les bouts de la terre
(Psaume 2.8) ; il faut quil domine sur lunivers tout entier. Toute puis-
sance lui est donne dans le ciel, et sur la terre (Matthieu 28.18), et toutes
choses doivent lui tre assujetties, jusqu ce que vienne la fin des temps
o le Fils lui-mme doit tre assujetti celui qui lui a assujetti toutes
choses, afin que Dieu soit tout en tous (1Corinthiens 15.28). Aussi Jsus-
Christ, qui ne reoit ordinairement le nom de tte que par rapport
lglise qui est son corps (phsiens 1.22), est-il appel une fois aussi
la tte de toute principaut et puissance, et cela dans cette ptre aux
Colossiens qui a tant de points communs avec la ntre. (Colossiens 2.10 ;
voyez encore 1.16-18.)
Mais il y a une autre pense dans notre texte, et une pense bien int-
ressante, mais que lcriture ne fait quindiquer ; imitons sa rserve. Cest
comme Rdempteur que Jsus-Christ apparat ici ; cest aussi comme R-
dempteur quil doit voir toutes les choses de lunivers rassembles sous
sa puissance. Les effets de la rdemption ne sont donc pas borns notre
petit globe ; elle doit exercer sur tout lunivers une influence immense et
mystrieuse, que nous dcouvrons, sans pouvoir la dfinir exactement,
dans un petit nombre de passages de lcriture. Jen citerai trois, presque
sans rflexions. Le premier est celui qui rpond notre texte dans lptre
aux Colossiens : En lui toute la plnitude a bien voulu habiter, et par lui
rconcilier toutes choses soi, ayant fait la paix par le sang de sa croix,
tant les choses qui sont sur la terre, que celles qui sont au ciel (Colossiens
1.19-20) ; o nous voyons luvre de rconciliation opre par Jsus-Christ
entre Dieu et nous, tendre ses bienfaits tout le monde, et rtablir entre
les diverses parties de la cration, jusqualors disperses, une harmonie
nouvelle dont le centre et lme sont en Jsus-Christ. Nous tirons notre se-
conde citation de Romains 8.19-21 : Car le vif dsir de la cration attend la
rvlation du Fils de Dieu. Car la cration fut soumise la vanit, non vo-
lontairement, mais cause de celui qui ly soumit, avec lesprance que la
17
-
cration elle-mme sera aussi libre de lesclavage de la corruption, pour
avoir part la libert des enfants de Dieu. Car nous savons que toute la
cration la fois soupire, et quelle est en travail jusqu maintenant. L
toute la cration nous est reprsente comme intresse la rdemption, et
en devant la fin recueillir le fruit. Enfin, dans le songe de Jacob, rapport
dans Gense 28.12, et expliqu par Jsus-Christ, Jean 1.51, le Seigneur est
figur sous lemblme dune chelle qui touche la terre par le pied et au
ciel par le sommet, et qui forme de lune lautre un chemin nouveau par
lequel montent et descendent les anges de Dieu. La communication entre
le ciel et la terre ; rompue par le pch, est rtablie en Jsus-Christ, et les
saints anges sapprochent maintenant avec amour des enfants de Dieu, et
servent en leur faveur (Hbreux 1.14), tandis que nous ne leur eussions
offert quun spectacle repoussant, si Jsus-Christ net t le pch du
monde. Nallons pas plus loin ; craignons dtre plus clairs que lcri-
ture. Mais que cette chappe quelle nous laisse entrevoir de ce grand
mystre, nous fasse mieux comprendre la place qui appartient lincar-
nation du Fils de Dieu, et son uvre expiatoire, non seulement dans
les destines de lhumanit, mais dans tout lordre de cet univers. Tout
y a particip aux suites de notre chute ; tout aussi doit participer celles
de notre rtablissement, auquel se rattache un rtablissement de toutes
choses (Actes 3.21) en Jsus-Christ. Parce quil sest abaiss lui-mme
et sest rendu obissant jusqu la mort et la mort de la croix Dieu la
souverainement lev, et lui a donn un nom qui est au-dessus de tout
nom ; afin quau nom de Jsus tout genou se ploie, tant de ceux qui sont
aux cieux, que de ceux qui sont sur la terre et au-dessous de la terre ; et
que toute langue confesse que Jsus-Christ est le Seigneur, la gloire de
Dieu le Pre (Philippiens 2.8-11).
2) Laction de grces pour chacune des deux familles dlus en parti-
culier. 1.11-14
En lui, en qui aussi nous avons t faits hritiers, ayant t prdestins, selon
18
-
le dessein arrt de celui qui opre toutes choses selon le conseil de sa volont.
Jusquici lAptre a parl au nom de tous les chrtiens, quils eussent t
juifs ou gentils avant leur conversion. Mais le voici qui nous fait dmler
dans ce peuple lu, deux peuples dabord distincts, et qui, bien quunis
maintenant de foi en celui qui est leur paix (phsiens 2.14), diffrent
cependant dorigine et de position : les chrtiens qui avaient commenc
par tre juifs, et ceux qui avaient commenc par tre gentils. Tandis que le
nous de saint Paul, jusquau verset 11, est un nous gnral, qui les renferme
les uns et les autres, il rserve, partir de ce verset, le nous pour les anciens
Juifs, auxquels il appartient lui-mme, et le vous pour les anciens Gentils,
auxquels il crit. Il soccupe des premiers dans les versets 11 et 12 ; des
seconds, dans les versets 13 et 14. Seulement, dans le verset 14, il revient
au nous gnral, en parlant de lhritage venir, commun aux uns et aux
autres. Cette distinction est importante considrer : car cest une des clefs
de notre ptre, adresse des Gentils convertis, par un de ces Juifs conver-
tis qui leur ont port lvangile. Nous verrons ce sujet repris et dvelopp
plus tard, surtout dans les chapitres 2 et 3 ; ici, il nest quindiqu.
En lui, cest--dire en Christ. Cette rptition a pour but de faire mieux
comprendre que cest Jsus-Christ que se rapportent ces mots : en qui
nous avons t faits hritiers, et peut-tre aussi de sparer davantage davec
ce qui prcde les versets 11 et suivants, o une pense nouvelle doit tre
introduite.
Nous avons t faits hritiers, nous Juifs, qui avons cru en Jsus-Christ,
et qui avons t ainsi appels lhritage. Autrefois, les Isralites avaient
reu en hritage le pays de Canaan ; mais ce ntait l quun type visible
de cet hritage cleste qui leur devait choir en Jsus-Christ, et que notre
aptre appelle, dans le passage correspondant de son ptre aux Colos-
siens, lhritage des saints dans la lumire, auquel le Pre nous fait
participer en nous dlivrant de la puissance des tnbres, et nous trans-
portant au royaume de son Fils bien-aim (Colossiens 1.12-13).
19
-
Ayant t prdestins, etc. Il sagit ici de la prdestination spciale des
Juifs. Celui qui a prdestin tous les croyants, en gnral, la vie ternelle,
a galement prdestin les Juifs convertis leur position spciale, ainsi que
les Gentils convertis la leur. Dans le dtail comme dans lensemble, pour
le genre humain, pour les peuples, pour les familles, pour les individus,
tout saccomplit selon le conseil de la volont souveraine de Dieu ; de
lui seul procde toute grce, lui seul toute gloire doit retourner.
Afin que nous fussions, la louange de sa gloire, ceux qui ont espr aupa-
ravant en Christ. Nous suivons ici une interprtation qui scarte un peu
de nos versions reues, mais qui est prfre par les meilleurs commenta-
teurs. Les mots : la louange de sa gloire, forment une proposition incidente
et dtache, ainsi que dans le verset 14, et que dans le verset 6, ce qui donne
tout ce morceau quelque chose de plus symtrique et de plus complet.
La vocation gnrale des croyants, la vocation spciale des Juifs, et la vo-
cation spciale des Gentils ont toutes trois la mme fin : la louange de la
gloire de Dieu.
Espr auparavant en Christ, ou espr davance en Christ. La version or-
dinaire : espr les premiers en Christ, ne rend pas exactement la pense
de lAptre. Ce nest pas seulement une diffrence de temps qui spare le
Juif du Gentil ; cest une diffrence de position. Le Juif na pas seulement
lavantage davoir entendu lvangile, de la bouche du Seigneur ou de ses
aptres, quelques annes avant le Gentil ; avantage quun Gentil a pu avoir
galement sur un autre Gentil, par exemple lhabitant dAntioche (Actes
11.20) sur lhabitant dAthnes ou de Corinthe (Actes 17.15 ; 18.1). Le pri-
vilge du Juif est tout autrement considrable. Bien des sicles avant que
le Christ vnt au monde et quil ft prch aux Gentils, le Juif, averti par
la prophtie, a espr en lui ; lAptre choisit cette expression, parce quelle
est propre aux choses futures, tandis quen parlant des Gentils, il dit quils
ont cru. Le mme aptre crit ailleurs ces Gentils qui ont cru : Vous qui
tiez autrefois Gentils tiez en ce temps-l hors de Christ (ou sans Christ)
20
-
spars de la rpublique dIsral et trangers aux alliances de la promesse,
nayant point desprance et sans Dieu dans le monde (phsiens 2.11-
12). Mais le Juif croyant sexprime ainsi : Nous avons trouv celui duquel
ont crit Mose dans la loi, et les prophtes (Jean 1.45). Cest de cette es-
prance qui caractrise le Juif que parle saint Paul, devant le Juif Agrippa
(Actes 26.6-7) ; et cest par cette attitude diffrente du Juif et du Gentil
lgard de lvangile que sexplique Matthieu 10.6 ; 15.24 ; Actes 13.46, etc.
Que ceci nous instruise estimer le Juif. Comprenons ce quil est devant
Dieu et ce quil a fait pour nous. Les prophtes ont t juifs ; les aptres ont
t juifs ; Jsus-Christ a t juif. Manquerions-nous dardeur pour rendre
aux Juifs cet vangile auquel ils ont eu part avant nous, et que nous avons
reu deux ? (Jean 4.22.) Mditez le chapitre 11 de lptre aux Romains, et
plus spcialement les versets 28 32.
En qui vous tes aussi. Vous, Gentils, qui avez t admis votre tour
lhritage de la vie ternelle. Nul ne le savait mieux que saint Paul, qui
avait t envoy de Dieu auprs des Gentils, tout exprs pour ouvrir
leurs yeux, pour les convertir des tnbres la lumire et de la puissance
de Satan Dieu ; afin quils reussent la rmission des pchs, et une part
(littralement lhritage ; cest le mme mot qui est employ dans phsiens
1.11 et Colossiens 1.12) entre ceux qui sont sanctifis par la foi en Dieu
(Actes 26.18).
Dans ces deux versets, lAptre marque les quatre degrs du dvelop-
pement spirituel des Gentils convertis auxquels il sadresse. Ce dvelop-
pement nest pas particulier aux Gentils ; sauf le point de dpart, il leur
est commun avec les Juifs. Mais lAptre entre dans un plus grand dtail
en parlant des Gentils, tant ici que dans le reste de lptre, parce que cest
essentiellement eux et pour eux quil crit ; ce qui concerne les Juifs nest
que rappel en passant pour mieux expliquer la position des Gentils.
Ayant entendu. Premier degr. Il fallait commencer par entendre. Car
comment croiraient-ils, sans entendre ? et comment entendront-ils, sans
21
-
quelquun qui prche ? La foi vient de loue, et loue par la Parole de
Dieu (Romains 10.14, 17). Ce quils ont entendu, cest la parole de la
vrit, lvangile de leur salut, de ce salut qui est mis dsormais la
porte du Gentil, aprs avoir t longtemps le privilge exclusif du Juif
(Colossiens 1.5, 6 ; Actes 11.18), la vrit, le salut, les deux trsors dont
lhumanit a t toujours en recherche, et quelle na jamais trouvs quen
Jsus-Christ, malgr ses prodigieux efforts.
Ayant cru. Second degr. Comment croire sans entendre ? disions-nous.
Mais aussi, quoi bon entendre si lon ne croit ? A tous ceux qui lont
reu, il leur a donn le droit dtre faits enfants de Dieu, savoir ceux qui
croient en son nom (Jean 1.12). Les mots en qui se rapportent Jsus-
Christ, qui nous devons encore, outre toutes les grces dj mentionnes,
le don du Saint-Esprit. Cest comme sil y avait : En qui aussi vous avez
t scells, ayant cru, par le Saint-Esprit de la promesse.
Vous avez t scells par le Saint-Esprit de la promesse, cest--dire, qui avait
t promis (Galates 3.14) par les prophtes juifs (Actes 2.16). Troisime
degr. Qui croit en Jsus reoit le Saint-Esprit (Galates 4.6) : Parce que
vous tes fils, Dieu a envoy dans vos curs le Saint-Esprit, criant Abba,
Pre ! Scells. Comme un homme marque un papier de son sceau pour
que nul ne puisse douter quil lui appartienne, ainsi Dieu a marqu Jsus
de son sceau (Jean 6.27), afin que chacun le reconnaisse pour son Fils ;
et il marque galement de son sceau ceux qui croient en Jsus, afin que
chacun les reconnaisse pour ses enfants. Il a scell Jsus, en lui donnant
lEsprit sans mesure (Jean 3.34) ; il scelle les croyants, en leur donnant
de son Esprit (1Jean 4.13). Mais en mme temps que la prsence du
Saint-Esprit en nous est, pour le pass, un tmoignage de notre adoption
en Jsus-Christ, elle est aussi, pour lavenir, un gage de notre hritage fu-
tur, et un commencement de jouissance, tel que le comporte notre condi-
tion actuelle, et qui nous rpond que le reste viendra en son temps. Cest
pour cela que lAptre appelle encore le Saint-Esprit les arrhes de notre hri-
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-
tage, comme il len appelle ailleurs les prmices (Romains 8.23). Celui
qui nous affermit avec vous en Christ et qui nous a oints 2, cest Dieu, qui
aussi nous a scells et nous a donn les arrhes de lEsprit dans nos curs
(2Corinthiens 1.21-22).
Pour la rdemption de lacquisition. Quatrime degr, qui est encore ve-
nir, tandis que les trois premiers sont passs. Lacquisition, cest le peuple
de Dieu, quil sest acquis pour lui appartenir en propre, dabord sous
lAncien Testament (Exode 19.5 ; Deutronome 7.6, etc.), et puis, plus sp-
cialement sous le Nouveau, layant rachet par le sang de son Fils ; le
peuple acquis, comme lappelle saint Pierre, (1Pierre 2.9) ou le peuple
particulier, comme lappelle ailleurs notre aptre (Tite 2.14). Par la r-
demption de ce peuple, il faut entendre ici le dveloppement futur et com-
plet de la vie que Dieu nous a donne en Jsus-Christ, et que nous ne pos-
sdons ici-bas que partiellement, et plus en esprance quen jouissance.
Il faut rapprocher de notre texte Romains 8.23-25, o saint Paul appelle
cette dlivrance finale la rdemption de notre corps, parce quelle sera
le renouvellement de tout notre tre, mme physique. Un corps nouveau
(1Corinthiens 15.42-43), avec de nouveaux cieux et une nouvelle terre, o
la justice habite (2Pierre 3.13) : que lAptre est bien en droit dajouter,
pour la troisime fois en douze versets : la louange de sa gloire !
Jetons un coup dil en arrire sur la doctrine de ces douze versets.
Mais nous disons mal : cest moins de la doctrine que de lamour. LAptre
ne sest pas propos de dvelopper la doctrine du salut ; mais ce salut ar-
rache de sa bouche lexpression, dirai-je ? ou lexclamation dun amour
qui brise toutes les formes du langage humain. Tout ceci nest autre chose
quune doxologie prolonge, formant une seule priode, o les penses se
pressent de telle sorte quil ne reste pas dintervalle pour ces points dar-
rt que les hommes ont coutume de mettre dans leur langage, ne fut-ce
2. Entre ce mot et le nom de Christ, qui signifie oint, il y a un rapport, qui est perdudans la traduction.
23
-
que pour respirer. Que cest bien joindre lexemple lenseignement ! Car,
tandis quil nous avertit par trois fois que tout a t fait la louange de
la gloire de la grce de Dieu, que fait-il autre chose que de clbrer cette
gloire, de labondance dun cur qui dborde de gratitude ? Suivons son
exemple, en lisant ce quil a crit : pas de discussions dogmatiques, mais
de lamour. Jen appelle tout cur chrtien. Ne faut-il pas tout attribuer
la grce, une grce toute gratuite, sous peine ou de dchirer cette page de
lvangile, ou de la charger de notes et dexplications jusqu la rendre illi-
sible ? Cherchez ici luvre de lhomme, que dis-je ? cherchez-y lhomme
lui-mme. A peine ly dcouvrez-vous, relgu dans un coin du tableau,
cach sous un pronom cart ; vous pourriez presque croire que ce nest
pas de lui quil sagit. La grande affaire de notre salut se traite entre le Pre
et le Fils, en dehors de nous, au-dessus de nous, avant nous ; dans un lieu
o nous ne sommes pas encore, et dans un temps o nous ntions point.
Le langage de lAptre stend perte de vue dans tous les sens ; il monte
jusquau plus haut des cieux, il recule jusquavant la fondation du monde,
et ne peut jamais trouver de mesure assez hors de mesure pour cette grce
qui nous a sauvs. Qui a pu apprendre un homme parler de la sorte ?
Lhomme, ne pouvant partir que du point o il est, prend invitablement
lhomme pour centre. Mais sortir ainsi hors de lhomme, et voir les choses
en Dieu, cela ne peut tre donn que par lEsprit de Dieu. Il nappartient
qu la Bible de planer de la sorte sur le monde moral, comme elle fait
ailleurs sur le monde physique, et cen serait assez pour dmontrer son
inspiration. Je ne connais rien comparer avec notre texte, si ce nest ce
commencement de la Gense, o Mose se place au-dessus de lhomme
et avant lhomme, pour contempler la cration de lhomme, en Dieu qui
la rsout avec soi-mme, peu prs comme saint Paul contemple ici la
nouvelle cration des croyants dans le Pre donnant les siens au Fils (Jean
17.2,6). Pourquoi nous a-t-il bnis en Christ ? parce quil nous a lus en lui.
Pourquoi nous a-t-il lus ? parce quil nous a prdestins ladoption par
Christ ; et pourquoi nous a-t-il prdestins ? Par le bon plaisir de sa vo-
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lont, voil le principe ; et pour la louange de la gloire de sa grce, voil la
fin. Entre cette grce et cette gloire, que lhomme est petit ! mais en mme
temps quil est grand ! Quil est petit, puisquil disparat tout entier dans
la grce de Jsus-Christ et dans la gloire de Dieu ! Mais quil est grand,
puisquil a paru digne de servir la gloire de Dieu et de payer le sang de
Jsus-Christ ! Il est dans un sens le centre de ce tableau, o il napparat,
dans un autre sens, que comme une sorte de hors-duvre ; ainsi que dans
le rcit de la cration, il tient la fois la dernire place, puisquil est nomm
tout la fin, et la premire, puisque cest pour lui que tout cela est crit.
Et pourtant, ne loublions pas, et saint Paul prend soin de nous le rap-
peler mme en cet endroit, cette grce toute gratuite nest que pour ceux
qui souvrent pour la recevoir (verset 13). Tout vient de Dieu, et lhomme
nen a pas moins quelque chose faire. Cest au nom de ceux qui croient
que laptre rend grces. Cest ceux qui croient qui sont prdestins, qui
sont lus, qui sont bnis, qui sont reus en grce, qui sont faits hritiers,
qui sont scells du Saint-Esprit, qui sont rservs pour la rdemption fi-
nale. Lecteur, avez-vous cru ? En tes-vous bien sr ?
25
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III. Premire prire de lAptre
pour les phsiens
1.15 2.10.
LAptre prie pour les phsiens, et la suite dides laquelle cette
prire donne lieu dure jusquau chapitre 2, verset 10. Tout cela ne forme
quun seul dveloppement, et mme, jusquau verset 7 du chapitre 2, quune
seule de ces longues priodes qui caractrisent le langage de saint Paul.
On y distingue ces trois parties : LAptre demande que Dieu donne aux
phsiens lintelligence pour le bien connatre, et plus spcialement pour
connatre sa puissance (1.15-19) ; puissance quil a dj dploye, dabord
en Jsus-Christ mort, quand il la ressuscit et fait asseoir sa droite (1.19-
23), et ensuite dans les phsiens morts spirituellement, quand il les a res-
suscits et fait asseoir dans les lieux clestes avec Jsus-Christ (2.1-10).
1. LAptre demande que Dieu donne aux phsiens lin-
telligence pour le bien connatre, et plus spcialement pour
connatre sa puissance. 1.15-19.
15. Cest pourquoi, moi aussi, ayant appris quelle est parmi vous la foi au
Seigneur Jsus et lamour pour tous les saints, 16. je ne cesse de rendre grces
pour vous, en faisant mention de vous dans mes prires ; 17. afin que le Dieu de
26
-
notre Seigneur Jsus-Christ, le Pre de la gloire, vous donne un esprit de sagesse
et de rvlation, dans sa connaissance ; 18. les yeux de votre cur tant illumins
pour savoir quelle est lesprance de sa vocation, et quelle est la richesse de la
gloire de son hritage dans les saints, 19. et quelle est la surabondante grandeur
de sa puissance envers nous qui croyons, selon lefficace du pouvoir de sa force.
Moi aussi, etc. Je joins mes prires celles que vous prsentez vous-
mmes Dieu pour votre accroissement dans la grce.
Ayant appris : plusieurs annes staient coules depuis que saint Paul
avait t phse. Heureuse lglise laquelle saint Paul, parlant par lEs-
prit de Dieu, peut dire : Ayant appris quelle est parmi vous la foi et lamour,
ces deux dispositions qui rsument tout lvangile ! Combien en est-il, de
nos jours, et sans aller chercher bien loin, auxquelles il aurait sujet de dire
plutt : Ayant appris quelle est parmi vous lignorance de lvangile, lin-
crdulit, la froideur et les divisions ! De telles glises ne sauraient sap-
pliquer la prire qui va suivre, quelles ne soient parvenues dabord la
foi et la charit. Il faut commencer par le commencement, et les degrs
de la vie spirituelle veulent tre franchis et non sauts.
Je ne cesse de rendre grces pour vous, faisant mention de vous dans mes
prires, afin que, etc. ; cest--dire, comme le montre le verset correspon-
dant de lptre aux Colossiens (1.9) : priant pour vous et demandant que
Dieu vous donne, etc. Le mot grec rendu ici par afin que est le mme qui
est rendu par que dans Colossiens 1.9. Le langage elliptique de saint Paul
dans notre texte, o les mots et demandant sont sous-entendus, nous ins-
truit combien laction de grces et la requte sont troitement unies dans
lesprit de lAptre. La premire est chez lui le fondement de la seconde,
non seulement ici, mais habituellement. Nous avons dj fait remarquer
que presque toutes ses ptres dbutent par laction de grces ; nous pou-
vons ajouter que cette action de grces y est presque toujours suivie im-
mdiatement dune requte. Ce que les disciples de Jsus-Christ ont dj
reu excite lAptre demander Dieu pour eux tout ce qui leur manque
27
-
encore. Ainsi, sans parler de lptre aux Colossiens, Romains 1.8, avec 9 et
10 ; Philippiens 1.3, avec 4 et 9 ; 2Thessaloniciens 1.3, avec 11 et 12, etc. Ce
trait de la correspondance de saint Paul est profondment vanglique : il
tient la gratuit parfaite du don de Dieu, qui nous prvient en bn-
dictions de bien (Psaume 21.4), et qui donne celui qui a (Matthieu
13.12) grce pour grce (Jean 1.16) 1. Commenons toujours par rendre
grces, pour ce que nous avons reu, nous qui avons reu la vie ternelle ;
mais, loin de nous contenter jamais de ltat auquel nous sommes parve-
nus, ny voyons quun degr pour nous lever plus haut. Ainsi le veut
une juste reconnaissance, unie une sainte ambition. Cette belle union est
bien marque dans 1Thessaloniciens 3.9-10 : Quelles actions de grces ne
pouvons-nous pas rendre Dieu votre sujet, pour toute la joie dont nous
nous rjouissons cause de vous devant notre Dieu, priant nuit et jour sur-
abondamment pour voir votre visage et rparer ce qui manque votre foi !
Laction de grces, a dit un homme de Dieu, est la clef de lvangile.
Afin que le Dieu de notre Seigneur Jsus-Christ, etc. Le verset 15 ayant
rappel loccasion de la prire de lAptre, ltat de lglise dphse, et le
verset 16, en ayant indiqu le fondement, laction de grces, les versets 17-
19 en exposent lobjet. Le verset 17 le fait connatre sommairement ; puis les
deux versets suivants le reprennent pour le dvelopper. Car les mots : un
esprit de sagesse et de rvlation, correspondent ceux-ci : en clairant
les yeux de votre cur, et les mots : dans sa connaissance, ceux-
ci : pour que vous sachiez quelle est lesprance de sa vocation, etc.
Mais dabord quel est le Dieu qui lAptre demande cette grce pour les
phsiens ? Il le dcrit en termes choisis avec cette proprit dexpression
qui caractrise le langage des critures, quoique cache sous un air de
simplicit et dabandon.
Le Dieu de notre Seigneur Jsus-Christ, le Pre de la gloire. Le Dieu quil
prie de se faire mieux connatre aux phsiens, lAptre le dfinit, non
1. Et non grce sur grce, comme lont rendu dautres versions.
28
-
par des traits gnraux qui pourraient convenir galement ailleurs, mais
tel quil souhaite de le voir connu des phsiens, pour leur accroissement
spirituel.
Il lappelle dabord le Dieu de notre Seigneur Jsus-Christ. Ce nom, que
nous avons expliqu dans une note sur le verset 3 de notre chapitre, est
bien plac la tte de cette prire. Car cest le Dieu de Jsus-Christ que
les phsiens doivent apprendre mieux connatre ; et comment dailleurs
ce Dieu qui leur a donn son Fils, pour Seigneur et Christ, ne serait-il
pas dispos leur donner toutes choses avec lui, et notamment le Saint-
Esprit que le Pre avait promis denvoyer au nom du Fils ? Mais saint Paul
avait encore une autre raison plus spciale pour donner ce nom Dieu
dans cet endroit. Il voulait par l rappeler aux phsiens que le Dieu qui
devait dployer sa puissance sur eux, tait celui qui lavait dploye avec
tant dclat en Jsus-Christ, en le ressuscitant dentre les morts. (Voyez
verset 20 et suivants.)
Il lappelle ensuite le Pre de la gloire, ou, daprs une traduction moins
littrale, mais plus conforme au gnie de notre langue, le Pre de gloire.
Rapprochez de ce nom dautres noms semblables donns Dieu ou son
Christ : le Dieu de gloire (Actes 7.2), le Roi de gloire (Psaume 24.7),
le Seigneur de gloire (1Corinthiens 2.8), le Pre des compassions et le
Dieu de toute consolation (2Corinthiens 1.3), le Pre dternit (sae
9.5). Ces titres sont parmi ces nombreuses expressions de lcriture dont
la signification peut mieux se sentir que sanalyser ; les penses divines se
trouvent ltroit dans le langage de lhomme, et il faut que lEsprit de
Dieu achve de nous les faire comprendre par cette intelligence la fois
plus large et plus dlie qui est rserve au cur. En nous reprsentant
Dieu comme le Pre de gloire, lAptre nous rappelle la fois, sa misri-
corde et sa gloire infinie. Dieu est le Pre de Jsus-Christ et de ceux qui
croient en Jsus-Christ, et tout ensemble il est celui en qui toute gloire r-
side et de qui toute gloire procde. Quoi de plus propre faire comprendre
29
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aux phsiens combien la grce de ce Dieu tait excellente, et plus spcia-
lement combien tait magnifique lhritage quil destinait ses enfants !
Ainsi lun des deux noms que saint Paul donne Dieu devait prparer
lesprit de ses lecteurs ce quil avait dire sur la gloire de lhritage de
Dieu dans ses saints, et lautre ce quil avait dire sur la puissance
de Dieu envers ceux qui croient, qui sont les deux choses sur lesquelles
il voulait fixer surtout lattention des phsiens.
Vous donne un esprit de sagesse et de rvlation. On peut traduire encore :
lEsprit de sagesse et de rvlation, cest--dire le Saint-Esprit ; et cest ainsi
que traduisent Harless et les meilleurs commentateurs. Il nest pas dou-
teux que lintelligence que lAptre demande pour les phsiens ne doive
tre produite dans les curs par le Saint-Esprit. Le terme de loriginal que
nous rendons par un esprit le donne entendre ; car il marque, non une
disposition quelconque, comme le mot esprit en franais, mais une dispo-
sition souffle den haut 2. De plus, le passage parallle de lptre aux Co-
lossiens (1.9) le dit clairement : Nous ne cessons de prier pour vous, et
de demander que vous soyez remplis de la connaissance de sa volont,
en toute sagesse et intelligence spirituelle , cest--dire communique
lesprit de lhomme par lEsprit de Dieu. Mais, tandis que la traduction
adopte par Harless attire directement lattention sur lagent divin, celle
que nous avons suivie lattire sur limpression quil opre dans le cur ;
ou, selon une locution allemande, dont nous demandons la permission de
nous servir quelquefois, pour abrger, la premire voit ici le ct objectif de
la grce demande, la seconde son ct subjectif. Ce qui nous dcide pour la
seconde, cest dabord quelle nous parat plus rigoureusement conforme
loriginal, o le mot esprit nest pas prcd de larticle ; ensuite, et sur-
2. Cela est vrai mme dans Romains 11.8, o lesprit dassoupissement est reprsentcomme donn de Dieu, par un jugement spirituel. Ce passage offre un contraste completavec le ntre : L, un esprit dassoupissement, des yeux pour ne point voir ; ici, unesprit de sagesse et de rvlation, des yeux clairs pour savoir, etc. Nouvelle prsomp-tion, ce nous semble, en faveur de la traduction que nous avons ; suivie.
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tout, quelle se rapporte plus exactement au commencement du verset 18 :
Les yeux de votre cur tant clairs, o lAptre explique lui-mme
ce quil entend par esprit de sagesse et de rvlation, et lexplique sub-
jectivement plutt quobjectivement.
Cet esprit de sagesse et de rvlation que lAptre demande pour les ph-
siens, cest cette intelligence, communique par le Saint-Esprit, qui les ren-
dra capables, dabord, de bien comprendre les choses que Dieu leur a dj
fait connatre, voil la sagesse ; ensuite, de pntrer plus avant et de rece-
voir constamment des lumires nouvelles, voil la rvlation. Ce dernier
mot tonne cette place : nous aurions dit plutt un esprit de dcouverte
quun esprit de rvlation, parce que lhomme dcouvre, quand Dieu rvle.
Mais il ne faut pas oublier que lune et lautre langue originale des cri-
tures se piquent beaucoup moins que la ntre dune exactitude logique,
surtout quand aucune quivoque nest craindre. Un mot correspondant
dcouverte naurait dailleurs pas eu lavantage de rappeler, comme le fait
vivement celui de rvlation, que des lumires nouvelles ne peuvent nous
arriver que par de nouvelles leons du Saint-Esprit. Au reste, si saint Paul
dit un esprit de rvlation, au lieu dun esprit de dcouverte par rvlation,
cette ellipse nest pas plus forte que celle dont sest servi Simon lorsquil
appelle Jsus-Christ une lumire pour la rvlation des Gentils (version
littrale, Lausanne 1839), cest--dire, videmment, pour lillumination des
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-
Gentils par rvlation (Luc 2.32) 3.
Dans sa connaissance ; on demande si ces mots signifient par la connais-
sance de Dieu, ou pour la connaissance de Dieu. Ce serait plutt le second
que le premier, comme lindiquent ces mots du verset suivant : pour
savoir etc. ; mais ce nest proprement ni lun ni lautre. La pense de
lAptre est indique dune faon gnrale dans le verset 17, avant de rece-
voir la prcision et le dveloppement avec lesquels elle reparat au verset
18. Nos versions reues lont assez bien rendue, pour le sens : en ce qui
regarde sa connaissance ; mais cest moins l traduire que paraphraser.
Lintelligence spirituelle et la connaissance de Dieu nous sont prsentes
ici comme marchant lune avec lautre ; aussi lAptre na-t-il pas craint
de renverser lordre des ides dans Colossiens 1.9, o il souhaite ses lec-
teurs la connaissance de Dieu dans la sagesse, comme il leur souhaite ici la
sagesse dans la connaissance de Dieu. Ici, lesprit de sagesse sexerce dans la
contemplation de Dieu ; l, la contemplation de Dieu se fait dans un esprit
de sagesse.
Quoi quil en soit, lide dominante de lAptre dans notre texte, et lob-
jet final de sa prire, cest laccroissement des Ephsiens dans la connais-
sance de Dieu. Voil le but ; lesprit de sagesse et de rvlation est le
moyen. Connatre Dieu, le vrai Dieu, le Dieu de Jsus-Christ, cest la vie
3. Si lon pouvait donner au mot rendu par rvlation le sens de dcouverte (rvler si-gnifie proprement ter le voile, dcouvrir), lesprit de rvlation serait cet esprit qui faitque nous contemplons les choses sans voile, telles quelles sont. Il correspondrait alors cette expression de lAptre : Contemplant la gloire du Seigneur visage dcouvert (2Corinthiens 3.18), et ces yeux clairs quil souhaite aux Ephsiens dans le verset18. Cette explication du mot rvlation ne saurait tre admise daprs Harless ; elle au-rait cependant pour elle le langage des Septante, que les aptres ont tant imit, et quiont rendu ainsi le psaume 119.18 : Dcouvre mes yeux (pour rvle mes yeux), et jecontemplerai les merveilles de ta loi. Cest ainsi que Robinson, dans son Dictionnairedu Nouveau Testament, explique notre passage : un esprit de rvlation, cest--dire, unesprit capable de sonder et de contempler sans voile les choses profondes de Dieu. Aufond, la pense demeure la mme ; car, si nous contemplons les choses sans voile, ce nestpas nous qui avons enlev le voile, cest lEsprit de Dieu. Nous nous rangerions volon-tiers cette interprtation, surtout cause de son rapport troit avec le commencementdu verset 18.
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ternelle (Jean 17.3). Dieu est si excellent et si aimable, que lhomme na-
turel nest tranger la vie de Dieu que par lignorance o il est de
Dieu (phsiens 4.18), et que nul ne peut le contempler tel quil est sans
se sentir aim de lui et sans laimer son tour ; deux choses qui consti-
tuent la vie spirituelle : Nous laimons parce quil nous a aims le pre-
mier (1Jean 4.19). La philosophie, prenant ncessairement lhomme pour
centre, lui a dit : Connais-toi ; mais la parole inspire, pouvant seule par-
tir de Dieu, a seule aussi pu dire : Connais Dieu ; et cette connaissance
renferme, avec lunique connaissance salutaire de nous-mmes et de notre
misre, celle de lunique remde capable de la rparer 4. Par une raison
semblable, crotre dans la connaissance de Dieu, qui est le principe de la
vie spirituelle, cest crotre dans la vie spirituelle elle-mme. Voulez-vous
avancer en lumire, en amour, en ferveur, en saintet ? entrez plus avant
dans la connaissance de Dieu ; pntrez dans la pense du Seigneur, et, si
lon peut ainsi parler, dans son cur et dans son commerce intime. Cest
l la rcompense rserve lhomme qui mdite jour et nuit les critures,
et cest pour cela aussi quelles nous ont t donnes. De l cette belle
parole dOse : Nous connatrons lEternel, et nous continuerons de le
connatre ; littralement : Nous connatrons, nous poursuivrons pour
connatre, lternel (Ose 6.3). La connaissance de Dieu est la fois le
point de dpart, le moyen et la fin de tout dveloppement spirituel. Ces
trois degrs sont indiqus dans notre texte pour le lecteur rflchi ; mais
ils le sont en termes encore plus clairs dans le premier chapitre de lptre
aux Colossiens. Parce que les Colossiens ont connu la grce de Dieu en
vrit (verset 6), lAptre prie quils soient remplis de la connaissance
de sa volont, en toute sagesse et intelligence spirituelle (verset 9), afin
quils marchent dune manire digne du Seigneur, portant du fruit en
toute bonne uvre et croissant dans la connaissance de Dieu (v. 10).
Les yeux de votre cur tant illumins. Le mot tant, que nous sommes
4. Pascal
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obligs dajouter en franais pour tre compris, fausse un peu la construc-
tion du texte original ; mais on sen carterait encore plus en traduisant,
avec nos versions reues ou avec Lausanne 1839 : Quil illumine les yeux,
etc. Nous trouvons une construction tout fait analogue dans Romains
11.8 : Dieu leur a donn un esprit dassoupissement, des yeux pour ne
point voir, etc. ; et nous regrettons que notre inexorable idiome nous in-
terdise de traduire ici : Quil vous donne un esprit de sagesse et de r-
vlation, des yeux du cur illumins, etc., pour montrer que les yeux
illumins dpendent, comme rgime, du verbe donner, exactement comme
lesprit de sagesse et de rvlation. Les yeux illumins sont plus que les yeux ou-
verts (Actes 26.18). Les phsiens avaient dj eu les yeux ouverts, lors-
quils staient convertis des tnbres la lumire. Mais aujourdhui
quils sont dans la lumire, lAptre demande Dieu que cette lumire
qui les environne claire si vivement leurs yeux quils puissent contempler
sans voile, visage dcouvert (2Corinthiens 3.18), avec des yeux des-
sills (littralement dpouills de leur voile, Psaumes 119.18), les choses
de Dieu, telles quelles sont en Dieu.
Les yeux de votre cur. Nous suivons, avec Harless, Olshausen, etc.,
une leon qui scarte lgrement du texte suivi par nos versions reues,
mais qui est dcidment prfrable. Le choix de cette expression tonne
dabord, et cest probablement ce qui a dtermin certains manuscrits
y substituer cette autre expression plus facile comprendre, et dailleurs
emprunte au chapitre 4, verset 18 : les yeux de votre entendement. Mais
ce choix renferme une instruction importante : cest que lintelligence que
saint Paul demande pour les phsiens est une intelligence qui a son sige
non dans la pense, mais dans ce fond intime de notre me que lcri-
ture appelle le cur. Cest du cur que procdent les sources de la vie
(Proverbes 4.23). Cest par le cur quil faut comprendre pour se conver-
tir (Jean 12.40). Cest du cur quil faut croire pour tre justifi (Romains
10.10). Cest aussi par le cur quil faut crotre dans la connaissance salu-
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taire de Dieu.
Afin que vous sachiez quelle est lesprance de sa vocation, etc. Quon nou-
blie pas que ces mots et ceux qui suivent jusqu la fin du verset 19, cor-
respondent ceux-ci : la connaissance de Dieu, comme les mots : Les
yeux de votre cur tant clairs correspondent ceux-ci : un esprit de
sagesse et de rvlation. Cette connaissance de Dieu que lAptre a com-
menc par souhaiter aux phsiens en termes gnraux, la voici reprise et
dveloppe dans les parties essentielles dont elle se compose. Saint Paul
en indique trois. Mais en les comparant attentivement, et en rapprochant
de notre passage 1Pierre 1.3-5, o la mme pense est expose avec les
mmes termes essentiels (lesprance, au verset 3 ; lhritage, au verset 4 ;
et la puissance de Dieu, au verset 5), et vraisemblablement avec lintention
de rappeler notre texte et de lclaircir (2Pierre 3.15-16), on se convaincra,
nous le pensons, de la vrit dune observation de Harless : cest que les
deux dernires choses mentionnes par lAptre, la gloire de lhritage de
Dieu, et sa puissance envers les croyants ne sont que des subdivisions de
lesprance de sa vocation, qui est indique la premire, et plus brivement 5.
Il est question de llection, au temps pass uniquement ; de la vocation,
au pass et au prsent ; du salut, au pass, au prsent et au futur. Mais ici,
le mot vocation se trouve employ dans un sens moins prcis, et marque,
en gnral, toute luvre de grce que Dieu accomplit en faveur des lus
et que lAptre a dveloppe dans les versets 3 14 de notre chapitre.
Ce mot pouvait dautant mieux servir rsumer ainsi toute luvre de la
grce, que la vocation en forme comme le milieu et le centre. Lesprance
5. La vocation de Dieu, cest--dire dont Dieu nous appelle, est cet acte de sa grce, quisuit llection, et qui prcde la conversion, et par lequel il appelle ses lus, par la parolede la vrit (phsiens 1.13), la possession du salut quil leur a destin (2Timothe 1.9 ;Romains 8.27-29). Dans le premier de ces deux passages, le dveloppement de lAptreva si lon ose ainsi parler, en reculant : Dieu nous a sauvs, parce quil nous avait appels,et appels parce quil nous avait lus. Dans le second le mme ordre est indiqu, mais ensens inverse, et avec de nouveaux degrs intermdiaires.
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de cette vocation 6, cest lesprance qui se rattache cette vocation, et qui
est le partage de ceux qui sont ainsi appels de Dieu. Cest peu prs ce
quon appellerait, dans le style religieux du jour, les privilges de la voca-
tion divine. Mais le mot esprance a ce double avantage quil indique une
bndiction future (Romains 8.24) quon attend par la foi, et la ferme assu-
rance avec laquelle on lattend (Romains 5.5).
Cette esprance de la vocation de Dieu est la premire chose dont saint
Paul souhaite lintelligence aux phsiens ; et cest aussi la premire que
mentionne saint Pierre (1Pierre 1.3). Bni soit le Dieu et Pre de notre
Seigneur Jsus-Christ, qui, selon son abondante misricorde, nous a rg-
nrs pour une esprance vivante par la rsurrection de Jsus-Christ dentre
les morts. Ce que lAptre demande ici pour ses frres, il la reu lui-
mme le premier ; car comment aurait-il pu crire la premire moiti de
notre chapitre, sil navait compris profondment la grandeur de la grce
que Dieu a faite ses enfants ? Nous pourrons nous flatter davoir connu
comme lui quelle est lesprance de la vocation de Dieu, quand, au lieu de
trouver dans les versets 3 14 de notre chapitre une hauteur et une fer-
veur de sentiment o nous pouvons peine atteindre assez pour lex-
pliquer, nous y verrons lexpression spontane dun amour et dune re-
connaissance qui dbordent dans notre cur, comme dans celui d saint
Aptre.
Pour que nous puissions jouir ainsi de lesprance de notre vocation, deux
choses sont ncessaires. La premire, que nous connaissions quelle est la
richesse de la gloire de lhritage de Dieu dans les saints, pour nous rjouir dans
lattente de cette gloire, malgr notre misre prsente ; lautre, que nous
connaissions quelle est la surabondante grandeur de la puissance de Dieu envers
nous qui croyons, pour ne pas douter que la possession de cette gloire ne
nous soit assure, malgr notre infirmit prsente, ou, comme sexprime
6. Le mot esprance est pris ici dans son acception objective. Il sagit, non du sentiment,mais de son objet. Il en est de mme dans Colossiens 1.5 ; Tite 2.13, etc.
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saint Pierre, par une antithse aussi solide quingnieuse, il faut que nous
connaissions le prix de lhritage qui est gard dans les cieux pour nous, et
la force de la puissance de Dieu par laquelle nous sommes nous-mmes
gards par la foi pour le salut.
La richesse de la gloire de son hritage dans les saints. Lhritage de Dieu,
cest--dire que Dieu rserve ses lus (Romains 8.17-18), est appel un
hritage dans les saints 7, pour marquer que le sige en est intrieur et la na-
ture spirituelle (Luc 17.21 : Le royaume de Dieu est au dedans de vous ) ;
ce qui sert en mme temps nous faire entendre que la possession de cet
hritage peut commencer ds ici-bas, au moins en germe, par les arrhes
du Saint-Esprit (versets 11 et 14). Au lieu de la gloire de cet hritage, nous
aurions dit probablement la flicit. Mais le mot gloire, dont lcriture se
sert presque lexclusion de lautre, outre quil est plus grand, est sur-
tout moins goste : il attire lattention sur Dieu, au lieu que le mot flicit
lattirerait sur nous-mmes. Il sagit dun hritage recevoir de Dieu et
partager avec Jsus-Christ : cette pense, ce nest pas de jouir quil est
question pour lAptre, cest dtre glorifi, nous dans le Seigneur et le Sei-
gneur en nous (2Thessaloniciens 1.12). Mais, comme si cette expression de
gloire ne lui suffisait pas encore, il ajoute : richesse de cette gloire. Lemploi
que le Nouveau Testament fait de ce mot est intressant observer : plus il
slve au-dessus de la richesse convoite par le monde, plus il retient fer-
mement lexpression de cette convoitise pour le sanctifier en lappliquant
aux biens vraiment dsirables (Romains 2.4 ; 9.23 ; 11.33 ; 2Pierre 1.11 ; lit-
tralement vous sera richement accorde, etc.). De quoi nous rendrait
capables lintelligence relle, et la contemplation constante, de cette gloire
de lhritage de Dieu dans les saints ? Jsus-Christ lui-mme nous lap-
prend par son exemple, Hbreux 12.2 (traduisons, avec Lausanne 1839 :
en change de la joie qui lui tait propose, comme le prix rserv au
vainqueur, au terme de la course) ; voyez encore Hbreux 10.34.
7. Harless lentend dune autre manire : parmi les saints, cest--dire qui doit tre dis-tribu parmi les saints. Il rapproche de notre passage Actes 20.32 ; 26.18.
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Et quelle est la surabondante grandeur de sa puissance envers nous qui croyons,
selon lefficace du pouvoir de sa force. Le prix est magnifique. Reste savoir si
nous pouvons latteindre. Nous nen avons pas la force en nous-mmes ;
mais cette force est en Dieu, pleinement suffisante, surabondante comme
le langage par lequel lAptre semble sefforcer vainement de la dcrire :
cela doit nous suffire. Pour nous qui croyons, et qui avons t rendus par la
foi participants de la nature divine (2Pierre 1.4), la question nest pas :
Que pouvons-nous ? mais, que peut Dieu ? Toutes choses sont possibles
celui qui croit (Marc 9.23), parce que rien nest impossible Dieu
(Luc 1.37). Les derniers mots : Selon lefficace du pouvoir de sa force, se rap-
portent, non au mot croyons, que nous avons, par cette raison, spar de
ce qui suit par une virgule, mais lensemble de la phrase : La surabon-
dante grandeur de sa puissance, selon lefficace, etc. Dans cette accu-
mulation dexpressions semblables, il faut voir avant tout labondance du
sentiment qui remplit le cur de lAptre ; mais il faut discerner aussi les
nuances qui les distinguent les unes des autres. Lefficace est la puissance
dans son opration ; le pouvoir, la puissance dans son essence ; et la force, la
puissance dans son principe ; ou, selon une image aussi juste que belle de
Calvin, la premire est le fruit, la seconde larbre et la troisime la racine.
Des trois choses que lAptre prie Dieu de rvler aux phsiens, celle
quil a surtout cur de leur voir bien connatre, cest la puissance de
Dieu envers ceux qui croient. Car, tandis quil ne fait quindiquer les deux
autres, il sarrte sur celle-ci, et va montrer comment elle a t dj d-
ploye, dabord en Jsus-Christ, et ensuite en ses membres. Cest que rien
nest plus ncessaire connatre pour nous, ni tout ensemble plus diffi-
cile croire, que cette puissance de Dieu envers nous. sae rsume toute
luvre de notre salut en ce seul mot le bras de lternel, cest--dire
sa puissance, et il explique toute lincrdulit des hommes par la difficult
quils prouvent croire cette puissance : Qui a cru notre prdication,
et qui le bras de lternel a-t-il t rvl ? (53.1) Le Psalmiste dit dans le
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mme esprit : Dieu a une fois parl, et jai ou cela deux fois ; que la force
est Dieu (Psaumes 67.11). Il est vrai quil ajoute : Et cest toi, Sei-
gneur, quappartient la gratuit ; mais cette gratuit de Dieu, lAptre la
expose avec abondance dans la premire moiti de notre chapitre. Dieu
est bon et Dieu est puissant, il veut et il peut : deux petits articles, qui
renferment tout ce qui peut consoler une me. Heureux qui les croit relle-
ment !
2. Cette puissance de Dieu a t dploye premirement en
Christ. 1.20-23.
20. Laquelle il a dploye en Christ en le ressuscitant des morts, et il la fait
asseoir sa droite, dans les lieux clestes, 21. au-dessus de toute principaut, et
autorit, et puissance, et domination, et au-dessus de tout nom qui se nomme,
non seulement dans ce sicle, mais aussi dans celui qui est venir ; et il a assu-
jetti toutes choses sous ses pieds, 22. et il la tabli pour tte, au-dessus de toutes
choses, pour lglise, 23. qui est son corps, la plnitude de celui qui remplit toutes
choses en tous.
Il a dploye. Le terme grec, qui signifie littralement a mis en uvre (le
mme que nous avons traduit oprer au verset 11), correspond au substan-
tif du verset 19 que nous avons rendu par efficace (littralement la mise
en uvre). La puissance divine, jusque-l cache en Dieu, sest rendue vi-
sible, a pass de ltat de principe celui daction, dabord dans la rsur-
rection de Christ, ensuite dans la rsurrection (spirituelle) de ses membres,
de telle sorte que la vue et lexprience viennent en aide la foi pour nous
persuader la puissance de Dieu envers nous.
En Christ, mais pour nous, qui croyons en lui. La tte rpond pour les
membres. Le but de lAptre nest pas tant dexalter la rsurrection de
Christ en soi, que de montrer par ce que Dieu a fait en Christ ce quil peut
faire en nous. Cest pour cela que, dans les derniers versets de notre cha-
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pitre, il revient de la tte au corps, de Christ lglise, et stend ensuite,
dans le chapitre 2, sur la puissance de Dieu dploye dans les croyants.
En le ressuscitant des morts. Notez bien ce mot morts. Cest l quest la
principale force du raisonnement de lAptre. Christ tait mort, et Dieu
la ressuscit. Vous tiez morts (2.1, 5), et Dieu vous a ressuscits avec lui.
Une puissance qui a triomph de la mort, de quoi ne serait-elle pas ca-
pable ? La mort, cette maldiction invitable du pch, est, pour lcriture,
non seulement une grande force, mais le type mme de la force (Cantique
8.6) ; et les cordeaux du spulcre, les lacs de la mort (Psaumes 18.5-6 ;
Psaume 116.3 ; Actes 2.24) sont de tous les liens le plus difficile dtacher.
Ce qui rend le diable tout-puissant, dans la nature, cest quil a le pou-
voir de la mort (Hbreux 2.14) ; ce qui rend Christ tout-puissant, dans la
grce, cest quil a les clefs des enfers et de la mort (Apocalypse 1.18).
Lennemi qui sera dtruit le dernier, cest la mort (1Corinthiens 15.26).
Dieu seul est plus fort que la mort ; il est, selon Ose, une peste pour la
mort, et une destruction pour le spulcre (13.14). Voil la puissance que
lAptre nous fait admirer dans la rsurrection de Jsus-Christ. Elle se-
rait dj admirable dans la rsurrection dun homme ordinaire. Quauriez-
vous prouv si vous eussiez t prsent quand Jsus-Christ pronona ces
paroles : Lazare, sors dehors ! et que vous eussiez vu Lazare, mort de-
puis quatre jours, se lever, en secouant ces bandes qui lui liaient les mains
et les pieds (Jean 11.43-44), faibles emblmes du plus fort de tous les
liens. Les langues humaines, qui ont un mot propre pour lide de crer,
nen ont pas pour celle de ressusciter. Les termes du Nouveau Testament
que nous rendons de la sorte signifient ou rveiller, comme on rveille un
homme endormi, ou relever, comme on relve un homme couch ; ce der-
nier sens est celui du mot latin ressuscitare, qui a pass dans notre langue.
Ressusciter est, en effet, un acte de puissance plus merveilleux, sil est pos-
sible, que crer ; parce quil y a dans le premier un obstacle vaincu, qui
nest pas dans lautre. Triompher de la mort, cest plus que de se substituer
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au nant. La cration est une manation ; la rsurrection est une victoire.
Par lune, la vie est communique ; par lautre, la vie est communique
et tout ensemble la mort vaincue. Mais il y a quelque chose de plus dans
la rsurrection de Christ que dans celle de Lazare ou dun autre homme.
La mort a d avoir un caractre particulier quand elle sest attaque au
Prince de la vie ; et son empire devait tre dautant plus souverain que
sa victoire avait t plus incroyable. Jsus-Christ, qui a t le mpris,
et non pas seulement un mpris, a t aussi le mort, et non pas seule-
ment un mort. Tout ce qui se passe dans sa personne, sy passe, sil est
permis dainsi parler, la plus haute puissance. Sans doute les puissances
de lenfer nont jamais mieux gard aucune de leurs proies que celle-ci,
qui leur rpondait de toutes les autres ; et lon peut voir une image de
leur vigilance dans les prcautions infinies des meurtriers de Jsus-Christ
pour empcher laccomplissement de la prophtie qui annonait sa rsur-
rection. Mais tout leffort runi de lenfer et de la terre ne sert qu faire
clater avec plus de splendeur la puissance de Dieu, lorsquil le ressus-
cite, ayant dli les liens de la mort, parce quil ntait pas possible quil
ft retenu par elle (Actes 11.24) ; et quil lui donne sujet de tenir ce ma-
gnifique langage : Je vis, et jai t mort, et voici, je suis vivant au sicle
des sicles (Apocalypse 1.18). Pour entrer dans la pense de notre aptre,
il faut savoir slever au-dessus de la foi de catchisme. Croire que Dieu a
ressuscit Jsus-Christ, voir dans cette rsurrection une preuve de sa mis-
sion divine, un gage de notre rsurrection future, un type de notre rsur-
rection spirituelle, ce nest pas l ce que lAptre veut de nous. Il veut que
nous contemplions avec surprise, avec adoration, Dieu ressuscitant Jsus-
Christ dentre les morts, et que, sentant toute notre incrdulit confondue
par ce spectacle, nous apprenions nous crier : Quelle merveille ! quelle
puissance ! Que na pas fait Dieu en Jsus-Christ ? que ne peut-il pas faire
en nous qui croyons ?
Et il la fait asseoir. Tous les commentateurs saccordent dire que le
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changement de temps quon remarque dans loriginal, et que nous avons
cru devoir conserver dans la traduction, ne doit sexpliquer que par la li-
bert de la construction grecque, et que le sens est le mme que si lAptre
et dit : Quil a dploye en Christ en le ressuscitant des morts et en le fai-
sant asseoir, etc. Mais nous pensons que ce changement tient une nuance
dlicate qui a chapp leur attention. Dabord, cest essentiellement sur la
rsurrection de Jsus-Christ que saint Paul veut fixer les regards de ses lec-
teurs. Le rveiller (cest le sens propre du terme grec) quand il tait mort,
cest la grande marque de puissance que Dieu a donne ; et auprs de cela,
ctait peu de chose que de llever, une fois ressuscit, et de le faire as-
seoir sa droite. Aussi, dans lendroit correspondant du second chapitre,
en parlant de la puissance de Dieu dploye dans les croyants, lAptre
commence par dire quils taient morts, et que Dieu les a fait revivre avec
Christ (2.5) ; ce nest que plus tard, et sous forme de dveloppement, quil
ajoute quil les a fait asseoir ensemble dans les lieux clestes en Christ.
Ensuite, et surtout, il y a cette diffrence entre Jsus-Christ ressuscit des
morts et Jsus-Christ transport la droite de Dieu, que le premier est un
fait dexprience, qui a t vu, tandis que le second est un objet de foi, qui
est invisible. Or, lAptre, voulant appeler ici lexprience et la vue au se-
cours de la foi, pouvait bien dire : Cette puissance de Dieu, que je le prie
de vous faire connatre, il la dj dploye, devant les yeux des hommes,
en ressuscitant Christ dentre les morts ; mais il ne pouvait pas dire dans,
le mme sens : Il la dploye en le faisant asseoir sa droite. Il rappelle
lun de ces faits, et rvle lautre ; de l lemploi du participe pour le pre-
mier, et du prtrit pour le second. Peut-tre une tude approfondie du
texte sacr ferait-elle dcouvrir quelque nuance semblable dans plusieurs
endroits o lordre des penses flchit sans cause apparente, ce qui arrive
assez souvent dans les crits de saint Paul.
A sa droite. En faisant asseoir quelquun sa main droite, et surtout sur
son trne, un monarque llevait au plus haut degr de gloire, et parta-
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geait avec lui lhonneur de la puissance souveraine. Voyez la place donne
Bathschba (1Rois 2.19) ; la prire de la mre des fils de Zbde (Mat-
thieu 20.21) ; et surtout la prophtie relative au Messie (Psa