mÉdecines d'ailleurs - osteopathie

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Éditions de La Martinière Dr BERNARD FONTANILLE ELENA SENDER RENCONTRE AVEC CEUX QUI SOIGNENT AUTREMENT MÉDECINES D'AILLEURS MEDECINE D’AILLEURS BROCHURE 8.indd 1 11/02/14 15:38

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Page 1: mÉDEcinEs D'aiLLEurs - OSTEOPATHIE

éditionsde La Martinière

Dr BernarD Fontanilleelena SenDer

R e n c o n t R e av e c c e u x q u i s o i g n e n t a u t R e m e n t

mÉDEcinEs D'aiLLEurs

MEDECINE D’AILLEURS BROCHURE 8.indd 1 11/02/14 15:38

Page 2: mÉDEcinEs D'aiLLEurs - OSTEOPATHIE

m é d e c i n e s d ’ a i l l e u r s 2 m é d e c i n e s d ’ a i l l e u r s 3L a m é d e c i n e d e s m o i n e s d e S h a o l i n

résonne de manière particulière dans ma mémoire.

Kung-fu, david carradine… Quand j’étais môme,

on rejouait les épisodes de la série avec mes copains

dans la rue…

c’est donc avec des images plein la tête que je suis arrivé un

matin de novembre dans les montagnes du song-shan où est

érigé l’un des temples des moines de shaolin. Pour y parvenir, je

plonge au cœur de la chine rurale. après cinq heures d’avion

depuis Pékin pour rejoindre la province du Henan, « le sud du

fleuve Jaune », et une longue route monotone sous un ciel gris et

froid, je vois enfin se profiler les montagnes du song-shan et

Dengfeng, dernière ville avant le temple. La cité est le théâtre

d’un étrange ballet. Dans une lumière matinale brumeuse, des

centaines d’enfants de 4 à 17 ans, en survêtement à l’allure d’uni-

forme, enchaînent inlassablement des mouvements de kung-fu.

Dengfeng concentre en effet des dizaines d’écoles d’arts martiaux.

À l’origine le kung-fu est une lutte à mains nues ou armée d’outils agri-

coles, dérivée du Kalaripayat (voir p. 101) pour se défendre des brigands

et protéger le bétail. selon la légende, le moine bouddhiste indien,

Bodhidarma, initia les moines de shaolin à cet art martial au ve siècle. La

chorégraphie des enfants est parfaite, envoûtante et déroutante à la fois.

seuls certains d’entre eux, les plus religieux, rejoindront le temple pour

recevoir le véritable enseignement des moines de shaolin. La plupart

deviendront policiers, agents de sécurité ou militaires…

après quinze minutes de marche dans une forêt

pelée, me voici devant le temple shaolin shi, une majes-

tueuse bâtisse rouge orangé au toit en pagode travaillé.

Des moines vêtus de gris passent et repassent devant

moi, le visage imperturbable, imperméable à l’étranger.

Je ne suis pas le seul. Des hordes de touristes, notam-

ment chinois, se pressent pour visiter le temple durant

la journée.

Shaolin Xinghzenmoine méDecin

Né en 1938, Xinghzen est originaire du Henan

et a grandi à soixante kilomètres du temple de

Shaolin. Issu d’une famille pauvre, il doit très tôt partir

seul mendier dans les rues. Un jour de grand froid,

il croise le chemin d’un moine agé qui le recueille.

C’est le début de son initiation chez les moines

de Shaolin. Nous sommes en 1947, Xinghzen a 9 ans.

L’enfant des rues découvre les arts martiaux et

le bouddhisme. À l’age de 19 ans, il est envoyé étudier

la médecine traditionnelle à Pékin pendant deux années

et se spécialise en acupuncture.

La révolution culturelle l’oblige à quitter le temple

de Shaolin. Commence alors une vie d’errance

à travers la Chine ; il vit notamment dans un temple

du Xi’an, dans la province du Shaanxi. En 2007, il a enfin

l’opportunité de revenir à Shaolin pour participer

à la reconstruction de la pharmacie et s’y installe

comme médecin. Sa pratique médicale allie médecine

traditionnelle chinoise et médecine de Shaolin.

Xinghzen vit seul dans les montagnes du Song-Shan.

La méditation et les arts martiaux rythment son quotidien.

cHine La médecine des moines de Shaolin

∆ Premiers instants

avec Xinghzen.

« shao-lin »,ce nommytHi-que,

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Page 3: mÉDEcinEs D'aiLLEurs - OSTEOPATHIE

m é d e c i n e s d ’ a i l l e u r s 5 L a m é d e c i n e d e s m o i n e s d e S h a o l i n L a m é d e c i n e d e s m o i n e s s h a o l i nm é d e c i n e s d ’ a i l l e u r s 4

Les flashs crépitent devant les moines en méditation, je détourne

le regard, gêné. malheureusement, le « shaolin business » est une

réalité. quasi indifférents à cette agitation, les moines vivent leur quo-

tidien de manière immuable, toujours très sobrement : des entraîne-

ments quotidiens, une nourriture frugale et le froid comme compagnon

permanent. il m’est impossible de quitter ma veste chaude. De nuit

comme de jour, je demeure frigorifié.

mais le véritable choc, je le ressens lorsque je rencontre pour la pre-

mière fois xinghzen, le moine médecin, une lance à la main. Drapé

d’ocre, le visage parcheminé, il porte sur le front un bonnet frappé de

trois têtes de Bouddha et ses lèvres arborent un sourire presque enfan-

tin, spontané. c’est comme si d’un coup les images millénaires de la

chine se matérialisaient devant mes yeux. J’ai la sensation étrange de

faire un bond dans le passé ou dans un décor de cinéma. Passé cette

première impression d’irréalité, je découvre chez xinghzen un homme

d’une incroyable bonté, au contact très facile. Facétieux, les yeux vifs,

toujours prêt à me provoquer dans des duels physiques que je suis

assuré de perdre, il est aussi libre qu’insaisissable. Parfois il disparaît

dans sa montagne pendant plusieurs jours, sans prévenir. Joyeux,

quelque peu moderne aussi – il possède un téléphone portable, même

s’il est souvent déchargé –, cet homme, sincère dans tout ce qu’il fait,

médite, dort, mange et pratique le kung-fu quand bon lui semble.

Pour xinghzen comme pour les autres moines, le kung-fu représente

beaucoup plus qu’une technique de combat. c’est l’art de prendre soin

de son corps et de son esprit, par la maîtrise du mouvement, de la res-

piration, par la méditation et le respect de strictes règles de vie. Dès

qu’un moine se blesse – et ils se blessent souvent ! – xinghzen met en

pratique sa science shaolin. elle fait appel aux bases de la médecine

chinoise (acupuncture, herboristerie, alimentation, prévention, pulso-

logie) mais se focalise particulièrement sur la traumatologie. Lors des

consultations auxquelles j’assiste, xinghzen soigne foulures, fractures,

élongations par les plantes mais aussi par les massages, l’acupuncture

ou la moxibustion (qui consiste à approcher une source de chaleur, pro-

duite par la combustion d’armoise, d’un point douloureux, ou d’un point

d’acupuncture). ces deux dernières méthodes relèvent de la même idée :

stimuler un point précis – par les aiguilles ou la chaleur – pour faire

circuler l’énergie vitale le long des méridiens. L’existence de ces méri-

diens n’a toujours pas été démontrée scientifiquement et l’explication

du fonctionnement de l’acupuncture est encore sujet à débat (voir focus,

p. 125), néanmoins cela semble être bénéfique chez ces moines au corps

solide, soumis à rude épreuve.

— dans ces collines il y a plus de800 médicaments, avec lesQuels on peut traiter pratiQuement toutes les maladies. en chine il y a en tout 13 700 sortes de médi caments. il existe 108 recettes pour 88 maladies. Xinghzen

∂ Moines enfants

s’entraînant au kung-fu

dans les jardins du temple

de Shaolin.

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m é d e c i n e s d ’ a i l l e u r s 6 m é d e c i n e s d ’ a i l l e u r s 7 L a m é d e c i n e d e s m o i n e s d e S h a o l i nL a m é d e c i n e d e s m o i n e s d e S h a o l i n

Lorsqu’un malade me consulte en France, je lui fais une ordonnance

et il pousse la porte de la pharmacie. xinghzen, lui, pose le diagnostic et

part dans la forêt chercher ses remèdes. Plusieurs fois il m’a guidé à

travers les collines pour prélever les plantes de sa pharmacopée. une

longue marche au côté de ce fringant vieillard aussi alerte physique-

ment qu’intellectuellement. un cours de phytothérapie en plein air, le

temple en toile de fond, un instant suspendu, irréel, émouvant…

De la récolte à la préparation de plantes, xinghzen maîtrise parfaite-

ment son savoir-faire. il sait quand ramasser ces herbes médicinales en

fonction du calendrier lunaire, quelles plantes associer pour tel pro-

blème, chez telle personne habitant sur telle colline, à tel moment. il fait

aussi attention à ne pas tarir la source de ses remèdes, en préservant

l’environnement.

soyons francs, je connais mal les plantes et leur efficacité.

ma mère continue de me vanter les bienfaits de l’herbe de la

saint-Jean contre les piqûres de guêpe, et m’en offre chaque

année un plan que je laisse pitoyablement mourir sur le

rebord de ma fenêtre, mais mon expérience s’arrête là.

xinghzen, lui, a une qualification supplémentaire, un véri-

table savoir, une culture, une curiosité pour son environne-

ment qui me font défaut. et là, grâce à lui, dans ces collines,

je considère la nature avec un œil nouveau.

autre différence de taille entre ma pratique et la sienne,

je travaille en équipe. Je pose un diagnostic puis j’oriente le

patient vers des spécialistes. Lui travaille seul. un sentiment

s’impose alors à moi à ce moment-là, dans la montagne, alors que le

moine cueille ses plantes ou s’octroie quelques instants de méditation :

celui de mon inadéquation. J’arrive chez lui avec mon bagage, mes dix

ans d’études universitaires, ma pratique hospitalière, et je ne peux m’en

servir, les outils nécessaires me manquent. Localement, mon savoir ne

sert à rien ! De même, un xinghzen dans un hôpital occidental ne serait

pas considéré. c’est comme si chaque médecin, adapté à son propre

milieu, n’était pas interchangeable.

après quelques jours d’un partage intense, je quitte le temple de

shaolin, admirant une dernière fois l’harmonie des couleurs de l’au-

tomne, avec un fort sentiment de rêve éveillé. Dans mes yeux restera

gravé le profil d’un personnage mythique, ce vieux médecin entièrement

dévoué aux autres, qui un jour, d’un coup de lance, tua un léopard,

comme le héros de mes romans d’aventure.

∂ Récoltes des plantes

médicinales dans les

montagnes du Song-Shan.

— j’ai appris beaucoup de choses de mon grand-père, il était médecin de l’empereur pendant la dynastie Qing. Quand j’ai commencé à pratiQuer la religion je n’avais Que 9 ans. j’ai été placé dans différents temples, j’ai communiQué avec de nombreux moines. ce Qui m’a permis d’approfondir mes connaissances. Xinghzen

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m é d e c i n e s d ’ a i l l e u r s 8 m é d e c i n e s d ’ a i l l e u r s 9 L a m é d e c i n e d e s m o i n e s d e S h a o l i nL a m é d e c i n e d e s m o i n e s d e S h a o l i n

˚ Séance de méditation

en pleine forêt. Le temps

s’arrête. Chaque matin,

les moines commencent

leur journée par une longue

méditation.

— aujourd’hui je passe beaucoup de temps avec les enfants du temple, cela me rassure de les aider. mon maître m’a élevé, puis il m’a trouvé un logement. les moines m’ont donné des habits propres et chauds, et grâce à eux je ne suis pas mort de froid. maintenant je veux remercier tous les moines. Xinghzen

PRatique D’aiLLeuRs

La méditation guérit le corpsLe moine Xinghzen médite plusieurs fois

par jour, n’importe où, n’importe quand,

c’est une façon de vivre. La méditation

est un entraînement postural et mental

qui vise à entraîner l’esprit à focaliser

son attention sur ses sensations, sur

le moment présent. Son utilisation

médicale remonte aux années 1970,

quand un scientifique américain

convaincu, Jon Kabat-Zinn, docteur

en biologie moléculaire et professeur

émérite à l’université du Massachusetts,

a l’idée révolutionnaire de laïciser

la pratique des moines bouddhistes

pour n’en garder que l’aspect pratique.

Il a ainsi développé des programmes

standardisés pour lutter contre le stress

(programme Mindfulness based stress

reduction [MBSR] en huit semaines)

ou éviter la rechute dans la dépression

(programme Mindfulness based conitive

therapy [MBCT]).

Des études de neurosciences menées

à l’université de Wisconsin-Madison

depuis les années 1990, notamment par

l’enregistrement des activités cérébrales

des moines méditant, ont prouvé que

cette pratique transforme littéralement

notre cerveau. Elle améliore l’attention

et augmente la résistance à la distraction.

L’université de Brown a montré qu’elle

permet également d’apprendre à moduler

ses sensations. L’université de Wake

Forest, en Caroline du Nord, a même

démontré sa supériorité sur les antalgiques

classiques pour réduire la douleur

chronique. Elle renforcerait le système

immunitaire et réduirait la tension

artérielle. Les pratiques de méditation

dite « de pleine conscience » sont de plus

en plus reconnues et intégrées aux

traitements médicaux (cancer, psychiatrie,

douleur…) aujourd’hui en Occident.

Elles présentent néanmoins des

contre-indications chez ceux qui

souffrent de troubles de la dissociation,

de troubles anxieux importants et de

phobies, chez les personnes psychotiques

ou schizophrènes.

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m é d e c i n e s d ’ a i l l e u r s 1 1 L a m é d e c i n e d e s m o i n e s d e S h a o l i ns o i g n e r a u f i l d e l ’ e a um é d e c i n e s d ’ a i l l e u r s 1 0

© Pour la première fois

Maria quitte les siens.

Elle accepte cette épreuve,

consciente de l’importance

de sa présence sur

le Selva Viva.

— ces gens ne sont pas de ma famille, mais Quand ils vont bien je me sens bien. c’est comme si la vie était un cycle. aujourd’hui je suis là pour eux, demain ils seront là pour moi. c’est pour ça Que je les soigne, en pensant Que leur douleur est aussi ma douleur. MARiA LOPez gOnzALez

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Médecines d’ailleurs

BeRnaRD FontaniLLe & eLena senDeR

Le livre de la série documentaire éponyme diffusée sur Arte

En coédition avEc artE éditions

216 pagEs

22 x 28,5 cm

Broché cousu avEc raBats

isBn 978-2-7324-6467-1

datE dE parution : 20 mars 201429,00 € ttc (prix francE)

contact prEssE Et communication :pascalE BarthEl

tél. 01 41 48 80 [email protected]

Par les mêmes producteurs

que les émissions dont sont tirés les

best-sellers : Rendez-vous en terre

inconnue et J’irai dormir chez vous

AfRique du Sud

BoLivie

BRéSiL

CAmBodge

Chine

CoRée du Sud

eSpAgne

inde

indonéSie

JApon

kenyA

mongoLie

népAL

ougAndA

péRou

Bernard Fontanille est médecin urgentiste, habitué aux interventions en terrains difficiles.

Grand voyageur, sensible et passionné, il parcourt la planète pour diverses missions

médicales qu’il s’agisse d’encadrer des équipes ou de soigner les autres, les protéger, les réparer

et soulager leurs douleurs. Ses moteurs : une profonde humanité et une curiosité qui le poussent à rencontrer autrui, à découvrir

et à expérimenter.

Grand reporter pour le magazine Sciences & Avenir, Elena Sender s’est spécialisée dans

les domaines de la médecine, de la biologie et des sciences du cerveau. Elle a co-écrit

les films documentaires Copenhague, chronique d’un accord inachevé (Canal+, 2010), Régime : la vérité qui dérange (France 2, 2013) et L’Amnésie numérique

(Arte, 2014). Elle a signé 2 thrillers scientifiques : Intrusions (XO éditions, 2010)

et Le Sang des dauphins noirs (XO éditions, 2012).

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