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43 ème année volume 1 - avril 2015 - Nisan 5775

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43èm

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Au cours de la seconde moitié de l’année 2014, le Centre Cummings s’est donné parmi ses priorités majeures, de mener une campagne de sensibilisation auprès de la communauté sépharade francophone afin que celle-ci nous connaisse mieux et participe pleinement à nos activités. Nous avions constaté que jusqu’à présent, malgré une situation géographique au cœur de la communauté juive montréalaise, le Centre Cummings était peu connu du public sépharade francophone. Afin qu’il nous rejoigne, nous avons voulu combler cette lacune en modifiant de manière notoire ce qui existait auparavant et c’est ce que nous nous engageons à faire. Pour ceux qui seraient intéressés, nous proposons de nombreux programmes en français et également bilingues. Nous disposons d’un club social où l’on se réunit tous les lundis et mardis dans une ambiance chaleureuse et nous proposons également toute une panoplie d’activités artistiques et de bien-être. Mais ce n’est pas tout puisque nous projetons d’o�rir bientôt des programmes supplémentaires hebdomadaires ainsi que des conférences intéressantes. Tout dernièrement, nous avons eu foule lors de notre sortie au Théâtre Imax au Vieux-Port lors de la projection du film Jérusalem 3D. Au cours d’un après-midi riche en émotions, nous avons eu le plaisir de recevoir au Centre, M. Ziv Nevo Kulman, le nouveau Consul Général d’Israël à Montréal qui partagea avec nous de nombreuses anecdotes personnelles ainsi que sa vision du futur. Notre objectif vise à vous o�rir les programmes que vous souhaitez avoir et qui répondent à vos besoins et bien entendu, nous sommes ouverts à toutes les suggestions que les 50ans+ de notre communauté voudraient nous communiquer. Au Centre Cummings, tous les membres sont actifs et engagés mais ils viennent surtout pour « se développer, apprendre et créer » d’après les mots de Corrie Sirota, la directrice

de la programmation. Nous avons pour objectif d’aider des aînés dynamiques et également ceux qui ont besoin d’un peu plus d’attention à mener une vie épanouie correspondant à leurs attentes. La cotisation annuelle pour être membre ne coûte que 45$ et elle vous donne accès à plus de 200 cours par semestre ainsi qu’à des programmes et à des événements qui ont lieu dans le bâtiment central du Centre, sur la rue Westbury, ainsi qu’aux campus extérieurs. Nos programmes sont extrêmement riches et variés, ils comprennent des cours dans presque tous les domaines, depuis les beaux-arts jusqu’au bridge en passant par la musique, des cours de langue, des conférences voire même des salles d’entraînement ainsi que des nombreux cours de bien-être. Sans oublier que les membres ont accès à des événements

gratuits incluant une série de conférences les vendredis matin. Juste un mot pour mentionner le Centre de Bien-être, un local spacieux et moderne, avec des kinésiologues et des entraîneurs diplômés qui vous attendent pour s’occuper de vous de manière personnelle. Les cours qui sont o�erts sont très populaires comme la gymnastique aquatique et la zumba. Les membres bénéficient d’une évaluation et d’une supervision professionnelle. Nos bénévoles sont le cœur et la vitalité du Centre Cummings, c’est pour cela que nous encourageons l’engagement

bénévole à tous les niveaux au sein de l’organisme. Que vous fassiez partie d’un comité ou que vous travailliez sur le terrain avec nos membres, nous disposons d’une multitude d’opportunités pour mettre en avant vos capacités. Aider au Centre de Bien-être, livrer des repas pour la popote roulante, défendre les droits des personnes âgées ou aider à la cafétéria, les bénévoles peuvent également participer au comité de planification ou travailler dans notre boutique. Les possibilités sont infinies. Nous sommes ouverts à ceux qui peuvent donner une heure par jour, une heure par semaine, une journée par semaine ou tous les jours, les options de bénévolat sont flexibles. Des services sociaux sont également disponibles tels que la popote roulante, les soins à domicile, les transports adaptés etc. Être membre du Centre Cummings, c’est faire partie d’un centre unique en Amérique du Nord. Un espace chaleureux et convivial, fréquenté par plus de 10 000 personnes de 50+, permettant des reconcontres sociales, des découvertes de talents et des apprentissages divers. Un endroit où le corps et l’esprit font bon ménage. Pour une visite guidée de nos locaux, appelez Nadine Azoulay au : 514-342 1234 poste 7221.

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Pour vous, la tzedakah est une mitzvah. Pour votre communauté et pour votre famille, c’est une brakha.

« Notre famille accorde une grande importance aux valeurs juives, notamment celle d’être responsables les uns des autres. La Fonda�on comprend nos priorités. Grâce à elle, notre œuvre philanthropique reflète ce qui nous importe. » � ARLÈNE ET HENRI ABITAN

Vous cherchez une organisa�on qui gérera votre œuvre philanthropique familiale d’une manière significa�ve et personnelle afin qu’elle transcende les généra�ons? Adressez-vous à La Fonda�on communautaire juive. Notre exper�se vous perme�ra de faire des choix éclairés en fonc�on de vos valeurs tout en prenant une décision fiscale judicieuse. Parce que ce qui vous importe est nous tiens a coeur.

La marque du succès philanthropique.

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LA REVUE PHILANTHROPIQUE : D’OÙ PROVIENT L’ARGENT?

On entend beaucoup parler de philanth-ropie judicieuse et des diverses façons de faire des dons. Mais d’où provient l’argent ?

C’est la question essentielle à laquelle il faut répondre avant d’élaborer un plan. Les familles qui possèdent des entreprises me demandent souvent où, parmi leurs actifs, elles devraient puiser leurs ressources philanthropiques. En d’autres termes, il s’agit pour elles de savoir quel est le moyen le plus économique de faire un don : à titre de parti-culier, de conjoint, de société de portefeuille ou de société en exploitation, par la voie d’abris fiscaux, de polices d’assurance, de fiducies, etc.

La première étape consiste à exprimer votre rêve philanthropique et à déterminer vos objectifs de tzedakah. Quels sont vos objectifs philanthro-piques ? Quelles valeurs familiales souhaitez-vous promouvoir ? Votre don sera-t-il fait de votre vi-vant ou successoral ?

Bien sûr, il faut parfois des années pour éluci-der ces questions, mais en général, une rencontre d’une heure m’aide à mieux vous servir et à passer à l’action.

Pour déterminer le mode de don qui vous convient, il faut vous poser les questions sui-vantes; le plan découlera des réponses.

Où se trouve le revenu imposable ? Prévoyez le temps nécessaire pour répondre à cette ques-tion. Il s’agit de votre revenu imposable et de celui de votre conjoint(e), de votre société ou de votre société d’investissement.

Quels sont les types de revenus : salaire, re-venus de société, revenus de placement  ? Vous pourriez préférer faire un don à même des revenus de placement corporatifs, plutôt que ses revenus d’exploitation de petite entreprise, pour lesquels les taux d’imposition sont plus bas.

Où se trouvent les titres négociables à valeur accrue ? J’aime donner des titres de valeurs mobi-lières et économiser ainsi de l’impôt sur les gains en capital. C’est encore mieux pour les entreprises. Ce type de don est d’autant plus avantageux, car le gain non imposé peut être distribué aux action-naires à titre de dividende exempt d’impôt.

Êtes-vous assurable (vous, votre famille, votre entreprise) ? L’assurance, lorsqu’elle est fi-nancée par des primes donnant droit à des reçus

d’impôt, peut représenter un don successoral en-core plus important pour un organisme de bienfai-sance. Nous privilégions aussi le don en assurance d’entreprise, jumelé au legs du produit d’assu-rance. Le coût net du don est souvent minime.

Avez-vous une police d’assurance superflue ? Les polices d’assurance souscrites par des entre-prises deviennent souvent superflues, mais ce sont des trésors cachés. On peut faire don de la po-lice aujourd’hui et obtenir un reçu d’impôt main-tenant ou plus tard, dans le cadre de la succession. N’abandonnez pas une assurance personnelle ou d’entreprise. Elle peut avoir une valeur importante pour un organisme de bienfaisance.

Avez-vous accès aux abris fiscaux  ? Qu’il s’agisse de revenus personnels ou d’entreprise, il faut beaucoup de revenus imposables pour tirer parti des crédits d’impôt pour dons de bienfai-sance. Ce sont néanmoins de bons moyens de ré-duire le coût de vos dons. On peut aussi les conju-guer à d’autres mécanismes de don, notamment en les utilisant pour financer des primes d’assu-rance-vie.

Que se passe-t-il lorsqu’on touche des divi-dendes ? Les revenus versés à un compte de divi-dendes en capital (CDC), et donc à l’abri de l’impôt, peuvent servir à financer des dons personnels. Ce mécanisme peut s’avérer particulièrement judi-cieux. On peut aussi obtenir les mêmes résultats en rachetant des actions privilégiées de sociétés.

Peut-on faire un don d’actions privilégiées à un organisme de bienfaisance ? On peut utiliser des actions privilégiées pour créer un fonds de do-tation dont le revenu sera constitué des dividendes annuels de la société. Ce type de don donne géné-ralement droit à des reçus de bienfaisance impor-tants.

Les fiducies sont-elles fiables  ? Vous dési-rez obtenir un reçu aujourd’hui pour un don prévu dans votre succession ? Vous désirez établir une fi-ducie testamentaire pour veiller au bien-être d’un membre de votre famille qui a des besoins spé-ciaux ? La fiducie est le bon mécanisme.

Le rêve philanthropique nous entraîne dans un circuit de bienfaisance : de l’analyse financière à l’ac-tion philanthropique, et de la philanthropie à l’action communautaire.

Voilà la marque du succès philanthropique.

Robert Kleinman FCPA, FCA est le vice-président éxécutif de La Fondation communautaire juive de Montréal.

ROBERT A. KLEINMAN FCPA, FCA

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20 magazine LVS | avril 2015

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5151 Côte Ste-Catherine, Bureau 216Montréal, Québec, Canada H3W 1M6T. (514) 733-4998 - F. (514) 733-3158

21 Mot du président

22 Liberté d’expression et Déclaration universelle des droits de l’homme

23 Réflexions à l’emporte pièce

24 À propos de l’exécution des journalistes de Charlie Hebdo et du meurtre des Juifs

26 Liberté, discernement et responsabilité

28 Mort de rire

32 Michel Kichka, dessinateur de presse : « On doit continuer la provocation »

34 Je suis français, je suis juif, mais je ne suis pas Charlie

36 La Liberté d’expression a-t-elle des limites ?

38 Liberté d’expression, liberté individuelle

40 Du rire au meurtre

43 Pour une relecture des Écritures

44 D’expression dans le contexte Nord-Américain

46 Laïcité sans frontières

48 Le blasphème, c’est sacré !

50 La vie contre les pulsions mortifères de la société

62 Carnet

PRÉSIDENT CSUQ Sylvain Abitbol

PRÉSIDENT ET EDITEUR LVS Joseph Amzallag

DIRECTEUR GÉNÉRAL Robert Abitbol

DIRECTRICE — COMMUNICATIONS ET LVS Danielle Glanz

RÉVISION DE TEXTES Agnès Castiel

COLLABORATEURS Louise Beaudoin Dr Daniel Benaïm Élie Benchetrit David Bensoussan Maurice Chalom Abdelghani Dades Macha Fogel Léon Ouaknine Laurence Le Saux Dr Sonia Sarah Lipsyc Daniel Sibony

ABONNEMENTS Agnès Castiel

DESIGN ET GRAPHISME Christina Garofalo

CRÉDIT DESSINS / PHOTOS Photo Archives Bloomberg Chloé Cantournet Stephanie Daoud Christina Garofalo Michel Kichka Platu Lauriane Ponge Filippo Rizzu Cécile Robineau

IMPRIMEUR / PRINTER Accent Impression Inc. 9300, boul. Henri- Bourassa O., Bureau 100 St-Laurent, Qc H4S 1L5

Tél : 514-337-7870 Fax : 514-588-8269

EXPÉDITION POSTALE TP Express

Les textes publiés n’engagent que leurs auteurs.

La rédaction n’est pas responsable du contenu des annonces publicitaires.

Toute reproduction, par quelque procédé que ce soit, en tout ou en partie, du présent magazine, sans l’autorisation écrite de l’éditeur, est strictement interdite.

Reproduction in whole or in part, by any means, is strictly prohibited unless authorized in writing by the editor.

Convention Postale 40011565

Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée à :

5151 Côte Ste-Catherine, Bureau 216 Montréal, Québec, Canada H3W 1M6

Le présent numéro est tiré à 17 000 exemplaires et acheminé par le CJN et par voie postale au Québec et Ontario. Des exemplaires sont éga-lement déposés dans di¤érents endroits straté-giques à Montréal.

AVRIL 2015

Par Florine Pigny

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Mot du président

Ce numéro de Pessah vous est parvenu, pour la deuxième fois, conjointement avec le CJN avec qui nous poursuivons notre collaboration et également nos pourparlers en vue d’harmoniser nos e¤orts afin que les composantes anglophone et francophone de la communauté juive de Montréal puissent bénéficier d’une information pertinente qui réponde à leurs attentes.

Les communautés juives à travers le monde vivent actuelle-ment une réelle inquiétude à la suite des tragiques événements qui ont eu lieu dernièrement en France et au Danemark, ayant entraîné la mort violente de journalistes, de policiers et de plu-sieurs de nos frères. Face à une idéologie terroriste fascisante, telle qu’elle a été définie par le Premier ministre de la France, M. Manuel Valls, les démocraties occidentales en premier lieu, et tous les gouvernements du monde se doivent de réagir énergi-quement et e¤icacement afin d’enrayer ce fléau qui vise à s’atta-quer, pour les détruire, à nos valeurs essentielles.

En s’attaquant à des journalistes, les terroristes ont démon-tré leur haine de cette liberté de pensée et d’expression qui carac-térise nos démocraties. En tuant des juifs pour le simple fait qu’ils étaient juifs, ils ont laissé libre cours à cette haine ancestrale qui malheureusement, 70 ans après la libération des camps de la mort nazis, trouve encore des adeptes partout dans le monde et tout particulièrement en Europe.

Ce numéro de notre magazine a choisi délibérément d’ou-vrir ses pages, pour en faire un dossier, à plusieurs intervenants d’ici et d’ailleurs afin qu’ils exposent leurs idées par rapport à cette notion tellement galvaudée de liberté, en d’autres mots : à la lumière de ce qui s’est produit dans les locaux de Charlie Hebdo et à Copenhague, a-t-on le droit au nom de cette liberté, de tout dire et de le dire n’importe comment malgré les conséquences que ceci pourrait entrainer ? Je fais confiance à nos lecteurs et lectrices pour tirer leurs propres conclusions après cette lecture.

Je saisis cette occasion en cette fête de Pessah pour rappe-ler que, malgré les moments di¤iciles que nous traversons, les doutes et les interrogations, cette célébration constitue une ode à la Liberté et au renouveau et j’ajouterai également, à l’espoir de voir notre peuple traverser avec succès les épreuves qui lui sont imposées.

Bonne fête dans la joie et la fraternité à toute la communau-té juive montréalaise, à toutes les communautés juives à travers le monde et tout particulièrement à nos frères et sœurs en Israël.

Hag Saméah.

Sylvain Abitbol Président de la CSUQ

Illustration par Christina Garofalo

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Chers amis,

3 461 ans après notre sortie d’Égypte et notre naissance en tant que nation libre sur la terre de nos ancêtres après 400 ans d’esclavage, les événements actuels qui secouent le monde, et qui menacent tout particulièrement les juifs dans leur existence même, nous rappellent à la réalité. Voici qu’un autre exode s’amorce déjà, celui des juifs français vers d’autres cieux plus cléments, Israël bien sûr mais également le Canada. Cette situation, l’histoire se répète diront certains, nous interpelle à un moment précis où nous célébrons Pessah, la fin de l’esclavage en Égypte. Et voici que la notion de Liberté, de toutes les libertés, en particulier celle d’expres-sion et de pensée, est remise en question par ceux qui la dénigrent avec violence. Notre maga-zine se devait de réagir en libérant justement la parole en la donnant à divers auteurs issus de divers horizons qui nous invitent à la réflexion.

»«3 461 ans après notre sortie

d’Égypte et notre naissance en tant que nation libre sur

la terre de nos ancêtres après 400 ans d’esclavage.

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PRÉAMBULE

Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde...

ARTICLE PREMIER

Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

ARTICLE 18

Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.

ARTICLE 19

Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit.

Liberté d’expression et Déclaration universelle des droits de l’homme

Après la Deuxième Guerre mondiale et la création de l’Organisation des Nations Unies, la communauté internationale jura de ne plus jamais laisser se produire des atrocités comme celles commises pendant ce conflit. Les dirigeants du monde entier décidèrent de renforcer la Charte des Nations Unies par une feuille de route garantissant les droits de chaque personne, en tout lieu et en tout temps.

Le document qu’ils examinèrent et qui devait devenir la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), fit l’objet de la première session de l’Assemblée générale en 1946.

Le texte final rédigé par René Cassin fut remis à la Commission des droits de l’homme qui était réunie à Genève. Le projet de déclaration envoyé à tous les États Membres de l’ONU pour qu’ils fassent des observations devint connu sous le nom de projet de déclaration de Genève.

Le premier projet de déclaration fut proposé en septembre 1948 avec la participation de plus de 50 États Membres à la rédaction finale. Par sa résolution 217 A (III) du 10 décembre 1948, l’Assemblée générale, en réunion à Paris, adopta la Déclaration universelle des droits de l’homme, avec les abstentions de huit pays, mais aucune contestation.

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Serge July, ancien patron du quotidien parisien Libération, n’hésitait pas à déclarer dans une interview donnée à l’hebdomadaire l’Express dans son numéro du 28 janvier « qu’Il fallait donner à la presse le droit au blasphème » Pour étayer sa pensée, l’ancien journaliste, rappelait que « la séparation de l’Église et de l’État est intervenue après un siècle de satires, de caricatures, de dessins terribles étrillant le catholicisme. C’est le problème que nous connaissons aujourd’hui avec l’Islam » Le ton est donné.

Beaucoup d’encre et de sang ont, malheureusement, coulé depuis l’affaire des caricatures de Charlie Hebdo. Au moment où nous écrivons ces lignes deux nouveaux attentats ont eu lieu à Copenhague au Danemark, l’un dirigé contre un centre culturel où se tenait justement un colloque sur la liberté de presse et l’Islam, l’autre contre une synagogue avec pour résultat trois morts, dont l’auteur de l’attaque, et des bles-sés. Notre magazine s’est vu également interpellé par ces drames qui ont coûté la vie à 20 personnes, en incluant les auteurs des attaques et, d’un commun accord avec la direction et l’équipe de rédaction, nous avons décidé d’aborder le brûlant sujet tou-chant à la liberté de presse. Nous avons, pour cela, fait appel à diverses personnalités issues de différents milieux, que ce soit en Europe ou ici au Canada. Des probléma-tiques subsidiaires au cours des opinions s’y sont greffées, telles que les dangers de l’intégrisme face aux démocraties, le lancinant problème de la laïcité et bien sûr la question à mille dollars qui revient souvent dans les conversations : « A-t-on le droit de tout dire, de tout écrire et de tout critiquer au nom de la liberté de presse ? » En d’autres termes est-ce que la notion de responsabilité des journalistes doit-elle pré-valoir dans certains cas. Nos collaborateurs, Maurice Chalom, Christian Dufour, John Parisella, Louise Beaudoin, Abdelghani Dades, Alexandre Cloutier, Bruno Clerc ont, chacun selon les opinions et les sensibilités qui leurs sont propres, traité de ce sujet qui souvent soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Mais comme nous l’avons écrit plus haut, ce débat est nécessaire à un moment où nos gouvernements sont confrontés à la montée de courants extrémistes dont les principaux porte-pa-roles sont Daesh, en Irak et en Syrie, Al Qaida, et ses ramifications internationales, sans oublier Boko Haram en Afrique. Ces mouvements dits jihadistes, visent par le biais de leurs actions violentes sur le terrain et à l’extérieur de leurs bases, à rétablir le Califat avec pour seule loi la Sharia et qui serait conforme à celui instauré à l’aube de l’Islam par les descendants de Mahomet.

L’Histoire nous apprend que les actions terroristes en général ne datent pas d’hier, elles ont de tout temps existé et peu de pays ont été à l’abri de ce fléau. Aujourd’hui ce sont les démocraties libérales qui sont visées par des actions violentes visant à les déstabiliser et qui malheureusement font des adeptes, réseaux sociaux aidant, au sein même de ces démocraties, c’est à dire des sociétés où, en règle géné-rale, la religion et l’État n’interfèrent pas et où les libertés d’expression et d’opinion ainsi que la règle de droit constituent le socle du vivre ensemble démocratique.

Or pour sauvegarder ces libertés qui nous sont chères, les États doivent mettre en place des nouvelles mesures, tout particulièrement dans le renseignement, (ex : la Loi canadienne C-51) que certains considèrent comme portant atteinte aux libertés individuelles et donc dangereuses. Sécurité des citoyens et libertés indivi-duelles seraient-elles incompatibles ? Le débat ne fait que commencer.

Réflexions à l’emporte pièce« Pour recueillir les biens inestimables qu’assure la liberté de presse, il faut savoir se soumettre aux maux inévitables qu’elle fait naître »

Alexis de Tocqueville (1805-1859)

Caricature d’Élie Benchetrit par Plantu (2014)

ÉLIE BENCHETRIT CHRONIQUEUR

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A u journal, ils pensaient travailler en France, sous la protection de la loi française. Erreur fatale : il y a la loi française et il y a aussi la charia, la loi islamique,

qui aujourd’hui encore, dans des pays musulmans, punit de mort ceux qui se moquent de la religion, qui n’en parlent pas comme il faut, avec une dévotion sans réserve. Donc, un groupe d’islamistes qui est venu exécuter la charia sur ces journalistes qui, croyant vivre sous la loi française, ne pen-saient pas transgresser, en faisant des caricatures de l’islam. Ils ont fait comme si, en France, la charia et la loi française n’étaient pas rivales. (Et dans certains territoires — que des historiens qualifient de perdus pour la République, puisque même la police n’y va pas — il n’y a qu’une loi, la charia.) Et les juifs, dans leur boutique Hyper Cacher, croyaient que la France les protégeait du djihad; du djihad français.

L’emprise de la charia en France, ne se réduit pas à des exécutions sommaires. Elle consiste plus largement à in-terdire toute critique sur l’islam, surtout chez les non-mu-sulmans. (Et dire qu’il comporte la charia et le djihad, c’est une critique. Donc la charia en France consiste à empê-cher qu’on la nomme.) Mais si des foules importantes sont prêtes à manifester quand la charia ordonne des exécutions, ou qu’elle appelle à la guerre sainte, très peu sont prêts à descendre dans la rue pour protester contre la censure. Et pour cause, la plupart ne s’en rendent pas compte. Les médias font le black out sur les agressions quotidiennes, et mènent un tir de barrage contre tout ce qui laisse entendre qu’il y aurait dans l’islam des appels à la violence envers les autres. Le Coran a beau maudire nommément les « gens du Livre » (juifs et chrétiens) parce qu’« ils se moquent de la religion des musulmans » (5,57), il ne faut pas en parler, car il y a risque d’amalgame, de stigmatisation, d’islamophobie (mon logiciel de dictée a écrit islam aux phobies…)

Ainsi on est chaque fois dans une pensée totale : une critique sur les aspects violents que comporte l’islam, dans son texte fondateur, est exclue car elle est prise comme un rejet de tout l’islam, et un rejet de type raciste. C’est sans

doute là le véritable amalgame que font ceux qui dénoncent l’amalgame. C’est le fait de mélanger le tout et la partie, et de poser que chaque chose est ce qu’elle est totalement, ou alors elle n’est pas. Or l’objet du débat, qui est le contenu du Coran, est justement partagé : un bon tiers de ce Livre est violent envers les juifs et les chrétiens. Cette partie correspond à ce qu’on appelle les sourates médinoises, les dernières, où Mahomet se déchaîne contre eux parce qu’ils ne l’ont pas suivi. L’autre partie du Coran, plus pacifique, transmet ce qu’il a élaboré dans sa période mecquoise, à partir de ce qu’il a appris des marchands juifs et chrétiens.

Un problème majeur, c’est que la partie violente, qui demande que l’on combatte les injustes, les pervers, les in-fidèles que sont les juifs et les chrétiens, est édulcorée dans les traductions. On trouvera par exemple : Tuez les faiseurs de dieux partout où vous les trouverez. (9,5). Or aujourd’hui, personne n’est vraiment un faiseur de dieux, donc la phrase semble anodine. Mais ceux qui l’apprennent en arabe savent qu’il s’agit des chrétiens (moushrikines) parce qu’ils font de Jésus un Dieu. Ayant vécu en terre arabe, je peux témoi-gner que l’accusation suprême, qu’il faut à tout prix évi-ter, c’est celle d’avoir insulté la religion (la vraie, bien sûr, l’islamique) ou de s’en être moqué. On comprend que des croyants, soudain saisis par un élan d’enthousiasme pour leur texte, puissent le mettre à exécution. On peut dire que les extrémistes violents qui mettent en acte le texte dur, ont le mérite de le faire connaître aux autres musulmans, qui semblent l’ignorer et qui aimeraient s’en tenir aux par-ties calmes qu’ils connaissent. Ils refusent qu’on les amal-game avec ces extrémistes; mais l’extrémisme est dans le texte, et nul ne peut dire à l’avance quelle personne ou quel groupe voudra soudain le mettre en acte. Des foules musul-manes nombreuses qui défileraient pour dénoncer cet ex-trémisme auraient le mérite de s’en démarquer réellement. Pour l’instant ce n’est pas le cas, la ritournelle obsédante qu’on répète est que la violence qui se réclame de l’islam provient de fous, de détraqués, de cas sociaux, mais qu’elle n’a rien à voir avec l’islam. On voit qu’elle a à voir de façon subtile  : ce sont des gens calmes, discrets, comme tout le

À propos de l’exécution des journalistes de

Charlie Hebdo et du meurtre des Juifs

DANIEL SIBONY PHILOSOPHE, ÉCRIVAIN ET PSYCHANALYSTE

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monde, qui soudain entrent en action. De braves psychologues s’échinent sur l’idée de passage à l’acte, mais elle est inopérante : un passage à l’acte, c’est quand les paroles manquent et que l’acte les remplace ; ici, les paroles sont déjà là, et demandent à être appli-quées. Jusqu’à présent, très peu s’y es-sayaient, la présence islamique n’était pas assez importante dans le pays pour que l’idée d’appliquer la charia en France ait un sens. Mais s’il y a 6 mil-lions de musulmans en France, il suffit que 2 % soient saisis de zèle pour qu’on ait 100 000 personnes décidées à agir. Or il suffirait de 10 000 pour que l’au-tocensure soit totale, et que la mise au pas dans les écoles, les cités, etc. soit vigoureuse.

La réalité semble montrer que l’islam s’intègre à la France si la France s’intègre à l’islam, c’est-à-dire s’aligne sur lui sans objecter.

En somme, les musulmans mo-dérés, qui dénient tout simplement l’existence de la partie violente du Coran, pensent que leur déni couvrira cette partie violente sous des versets pacifiques ; en fait, leur déni protège cette partie violente et donc la trans-met. De sorte que la partie dure de l’islam, celle qui en veut aux autres, se transmet efficacement par deux voies : le déni venant des modérés et l’action directe venant des extrémistes.

Du reste, après l’exécution des journalistes, l’écart n’était pas si grand dans les discours entre : ils l’ont bien mérité, ils ont insulté le Prophète, et ils ont insulté le Prophète mais c’est une punition trop dure. La même nuance qu’on a connue après le 11 septembre 2001.

Si les modérés veulent se démar-quer de la charia et du djihad, ils ont tout loisir de les dénoncer comme tels. Pour l’instant, ils nient que cela existe dans le Coran.

Mais tout cela est secondaire par rapport à l’attitude de l’État français. Il ne changera pas l’islam, mais peut-il empêcher que l’islam le change? Jusqu’ici, il a repris à son compte ce même déni, il s’interdit de traiter les intégristes violents comme les com-battants d’une idéologie voire d’un pays, l’État islamique. Donc, il leur applique les mesures légales qui pro-tègent l’accusé dans un État de droit. Il connaît les réseaux, et il les « suit » de près jusqu’à ce que le meurtre soit commis moyennant quoi il a la preuve que tel et tel, dont on ne l’aurait vrai-ment pas cru, a tué. Ce fut le cas pour Mérah comme pour les deux frères qui ont « tué Charlie hebdo » On n’avait pas de preuves suffisantes pour les arrêter, jusqu’à ce que la preuve soit inutile. Bref, on traite des soldats d’un État et d’une Cause très précise comme des fous, des délinquants qui dérapent, des criminels de droit commun ; et c’est logique puisqu’on ne veut pas reconnaître l’existence d’une partie violente de l’islam, qui est endossée et prise en charge par un nombre impor-tant de personnes.

Il y aura donc régulièrement des sacrifices humains pour payer ce déni qui se révèle confortable. À long terme, ce déni fait tort à l’islam, puisqu’il le pose comme une entité totale, sans faille, faite d’amour et de tolérance. Il faudra beaucoup d’ignorance et un

fort matraquage idéologique pour faire croire qu’il n’y a pas de djihad dans l’islam, sachant que le vaste empire islamique s’est formé au fil des siècles par des djihads successifs.

En analysant la question des cari-catures, comme symbole1, j’ai mon-tré la difficulté d’auteurs musulmans éclairés à admettre réellement la li-berté d’expression. C’est qu’elle en-trave leur déni des parties violentes. Donc, à moins d’un réel sursaut (mais d’où viendrait-il  ?), c’est cette liberté que l’on va enterrer en grand cortège. Pourtant l’immense majorité de ceux qui vont défiler sont contre la charia et contre le djihad - qui a encore tué des juifs. Ce sera dur, d’entendre répéter qu’on est contre cette violence qui n’a rien à voir avec l’islam, qu’elle est im-portée du dehors, de l’étranger (l’idée que le Coran est importé de l’étranger semble bizarre alors que des écoles co-raniques en France enseignent sage-ment les versets en question.) Ce sera pénible à entendre, parce que Charlie Hebdo touchait à l’islam (qui doit res-ter intouchable), et qu’il a été tué par des gens qui appliquaient les parties dures de l’islam. Et les autres sont morts parce que « juifs », symbole de ce qui est à la source du Coran, et que le Coran s’acharne en vain à réduire.

1 Voir Islam, Phobie, Culpabilité

www.DANIeLsIbONy.COM - 11 jANVIeR 2015

Par Cécile Robineau

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Liberté d’opinion, liberté d’expression, liberté de la presse; voilà de bien grands mots, qu’on ne sait trop bien s’il faut les qualifier de concepts, de valeurs

ou d’idéaux. Et pour cause! Alors que l’unanimité se fait, dans les discours et dans des débats récurrents, autour de l’intangible nécessité de les promouvoir, de les faire pré-valoir ou - plus souvent - de les défendre, dans la vraie vie, de tous temps et sous toutes les latitudes, pour un nombre infini de raisons plus ou moins avouables, tout est fait pour qu’il n’en soit rien.

Et cela est tout particulièrement vrai en matière de liberté des medias, remise sous les feux de l’actualité par l’attentat aux conséquences sanglantes et dramatiques, qui a visé le journal Charlie hebdo au début du mois de janvier 2015. L’onde de choc, l’acte inadmissible comme toutes formes de violence d’ailleurs, a entre autres remis en cause et débats, induit une nouvelle réflexion sur la place, le rôle et les missions, des medias et des journalistes. Toutes sortes d’idées ont été alors agitées ou posées à nouveau, mais sous l’emprise de l’émotion qui, comme chacun le sait, est l’ennemie de la raison et de l’objectivité. De ce fait, on a oublié quelques aspects fondamentaux, notam-ment — parce que l’attentat de Paris en est une forme —celui de la censure.

Religion et liberté de la presse

Même si la censure est toujours là — sous de nou-velles formes, née du mariage de cette concentration et de cette convergence des médias qui donne pleins pou-voirs sur les idées aux entrepreneurs de presse, avec une concurrence du numérique qui pousse à bien des excès — on semble avoir oublié, pour cause d’obsolescence, les qualificatifs décrivant l’application de la censure à la liber-té de la presse. On a aussi chassé de nos mémoires actives l’autre sens du mot, celui qui est puisé dans le vocabulaire ecclésiastique : une «Peine disciplinaire que l’Église peut infliger aux fidèles par l’intermédiaire de ses ministres» ce qui, si on remplace le mot «Église» par le mot «reli-gion» nous replonge en plein Charlie. Un attentat inac-ceptable, inadmissible, portant atteinte à la liberté de presse même si, comme le disait Bernard Landry «toutes nos libertés ne sont pas belles à voir».

Si l’attentat contre Charlie hebdo est condamnable sans réserve aucune, il ne doit cependant pas être ins-trumentalisé comme il l’a été par ceux qui s’en prévalent pour réclamer l’institutionnalisation d’un «Droit au blas-phème». Nous ne sommes pas contre une certaine dose d’impertinence et une pincée de provocation dans le trai-tement journalistique de questions reliées à la religion, mais pas au point d’alimenter l’intolérance et de heurter les sensibilités de larges pans de la population. Et l’ivresse de la liberté ne nous fait en tout cas pas oublier que si le métier consiste à informer sans limites, il a aussi une mis-sion pédagogique : contribuer, ainsi qu’a si bien su le faire René Lévesque, à l’édification du lecteur et au dévelop-pement de son sens critique, en parlant toujours plus à sa raison qu’à ses émotions, sur des faits et des phénomènes jamais simples. En toutes choses, il faut en effet savoir mesure et raison garder.

Il est alors raisonnable de considérer que le Drame survenu à Charlie Hebdo ne peut moralement pas être mis à profit pour imposer un double standard dans le trai-tement de l’information comme il ne peut justifier un journalisme manichéen, qui scinde la population en deux clans irréductiblement antagonistes : les bons d’un côté, les méchants de l’autre et haro sur ceux que l’on considère comme les méchants; innocents fussent-ils de tout ce dont on veut bien les accuser, au détriment du droit, de l’équité et même du simple bon sens.

Or c’est, hélas!, bien vers ce double standard que semble aller le journalisme. Un exemple : Nous avons tous été choqué par le sort abject réservé à Moad Kassasbeh, pilote jordanien, par l’organisation terroriste EI. Le choc s’est prolongé dans la lecture des journaux et l’audition des télé-journaux : presque jamais les mots « meurtre » ou « exécution » n’ont été utilisés; on a en revanche eu droit, jusqu’à la nausée, à «la mort d’un pilote jorda-nien ». Quant à la réaction de la Jordanie, le renforcement de ses opérations militaires en Syrie, il ne s’est jamais agi d’une intensification de ses efforts de lutte au terrorisme, mais toujours d’une « vengeance », fondée sur « la loi du talion », pratique tribale arriérée et usage barbare, pré-sentée ainsi, implicitement, comme l’expression d’une culture (ou d’une religion) exotique, étrange et étrangère, dangereuse et dont, en conséquence, il faut à tout le moins se méfier, mais qu’il faut surtout combattre.

Liberté, discernement

et responsabilitéABDELGHANI DADES

JOURNALISTE, ÉDITEUR DU GROUPE ATLAS MÉDIA

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Ici et maintenant

Et c’est bien de cette manière, qu’au vu de la ten-dance qui semble se développer — ailleurs mais également pour ce qui nous intéresse au Canada et au Québec et tout particulièrement dans un certain groupe de presse — que le segment musulman de la population perçoit la situa-tion. Les messages hostiles se multiplient; ils ne vont pas jusqu’à prôner la haine, mais par le biais de certains « chroniqueurs » (c’est-à-dire des journalistes qui ont la particularité de ne pas engager la responsabilité légale du a medium qui recours à leurs services), s’évertuent depuis plusieurs années et avec beaucoup plus d’acharnement depuis quelques semaines, à forger tout un vocabulaire, tout un discours, qui a les apparences du raisonnable et qui passe d’autant plus facilement qu’il se fait sous le couvert générique de « la préservation des valeurs et la protection de l’identité ». Simple et donc redoutablement efficace, ce message n’hésite pas à utiliser des amalgames douteux. Il peut, si l’on n’y prend garde, produire des conséquences pernicieuses sur la population, dans la mesure où, d’une part, il peut amener ne serait ce qu’une personne — le tueur de Chapel Hill en Caroline du Nord ou le tireur de Montréal par exemple — à passer à l’action ou, sous la pression du ressenti public, à amener la classe politiques à réclamer du législateur, dans une urgence forcément mau-vaise conseillère, de prendre des mesures ou adopter des lois qui peuvent produire des effets pervers.

La bonne nouvelle, c’est que le gouvernement ne veut tomber dans le piège de la précipitation. Il estime, avec raison, que légiférer sur une matière aussi sensible, cela doit se faire dans le respect de deux conditions : prendre des mesures (ou adopter des lois) être exemptes de tout amalgame, par exemple ne pas mêler sécurité et neutralité religieuse, problèmes de sécurité et prévention/lutte au terrorisme; se dérouler dans le calme, sinon la sérénité, ce qui, avec les dramatiques événements parisiens du mois de janvier 2015, est loin d’être le cas encore aujourd’hui.

Il fallait s’y attendre : ce souci du Premier ministre et de son gouvernement ne pouvait pas ne pas provoquer de réactions. Et ce fut le cas lorsque M. Couillard a été « accusé » d’avoir développé une « certaine sensibilité » aux thèses islamistes lors de son séjour en Arabie Saou-dite. Cette question est peut-être risible, mais ne rions pas trop : depuis qu’elle a été posée, un certain nombre de nos confrères, parmi les plus sérieux, enquêtent sur la possibi-lité d’existence à Québec, de « ministres sous influence » (entendez religieuse). Et quand Kathleen Weil déclare qu’elle serait disposée « à travailler avec un intégriste en autant que cette collaboration ne soit entachée d’aucune

menace pour la sécurité du public », gageons que cela, même si le propos est empreint d’élémentaire sagesse, ne manquera pas de provoquer quelques nouveaux grince-ments de dents…

En menant un tel raisonnement, nous savons ce qui va suivre : « voilà encore un exemple de ce délire qu’est la théorie du complot ». Sauf qu’en l’occurrence, il n’y a pas que des mots. Il y a aussi des actes. Personne n’en a fait état à date. Mais quelques semaines après la diffu-sion, le 27 novembre 2014, par Radio Canada du reportage de son service Enquêtes, « Montée de l’intégrisme: lever le voile» dans lequel Johanne Faucher et Nadia Zouaoui tentaient de répondre à la question « Sommes-nous réel-lement menacés par l’intégrisme religieux », une plainte a été déposée auprès de l’ombudsman de la chaine par une poignée de confrères d’un autre groupe media — ceux-là mêmes que nous citons plus haut — au prétexte que, parce qu’elles avaient remis les choses dans leur juste perspec-tive, elles « diffusaient de fausses informations» et indui-saient le public en erreur ».

Dès lors que les « plaignants » ont été déboutés, on a assisté à une floraison d’articles et de reportages, dont celui du Journal de Montréal, pour raviver les craintes vis-à-vis non seulement de l’islamisme, mais de toute une communauté adepte de l’Islam.

Liberté, responsabilité, discernement

Tour cela évidemment se passe sous le couvert de la liberté d’opinion, de la liberté d’expression et de la liberté de la presse; autant de valeurs que pour notre part nous défendrons toujours becs et ongles, en voltairien convain-cu, faisant sien le propos de l’auteur de Zadig : « Je défen-drais mes idées jusqu’à la mort; mais je donnerais ma vie pour que vous puissiez défendre les vôtres ».

Sauf que je ne conçois pas que l’on puisse défendre la liberté de la presse en brimant — ou en tentant de bri-mer — les droits d’une consœur ou d’un confrère d’une part; elle ne se défend pas, d’autre part, en donnant pri-mauté aux convictions personnelles sur la déontologie et l’honnêteté. Était-il nécessaire de rappeler ces faits ? Oui, sans aucun doute; car en juin prochain s’ouvrira le feuilleton de la neutralité de l’État. Et si d’ici là, nous ne sommes pas tous revenus à une saine mesure, à plus de discernement, dans une liberté bien comprise et donc res-ponsable, ce que nous risquons tous, québécois également préoccupés de cohésion sociale, c’est de rater une nouvelle occasion de mener à bien un débat nécessaire et utile; de gâcher une nouvelle fois une chance d’avancer vers la construction d’un modèle de coexistence citoyenne exem-plaire, digne du Québec de nos vœux et d’espoirs.

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MORT DE RIREMAURICE CHALOM

ESSAYISTE ET ROMANCIER

Et dire qu’on venait tout juste de se souhaiter la bonne année ! Quelle vacherie. est-ce bien utile de rappeler les faits ? Oh que oui, d’autant que la mémoire est une faculté qui oublie. Mercredi 7 janvier, 2 terro-ristes islamistes massacrent 12 personnes à l’emploi de Charlie Hebdo, Le journal satirique et libertaire, au bord de la faillite. Parmi celles-ci, quatre des plus grands caricaturistes français, des défenseurs achar-nés de la liberté d’expression et de la laïcité. Avant de remonter dans leur voiture, un des assassins, d’un pas tranquille, achève un policier au cri de Allah Akbar. Acte de guerre contre Charlie Hebdo. Vendredi 9, un autre djihadiste fume de sang froid une policière avant de remettre le couvert en tuant quatre juifs venus faire leurs emplettes de shabbat à l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes. Assassinat antisémite. Dix-sept personnes massacrées parce qu’elles représentaient ou défendaient les valeurs républicaines, la démocratie, la liberté d’expression et la laïcité ou, tout simplement, parce qu’elles étaient juives. Tuerie au nom d’Allah. je sais, je sais, pas d’amalgame. Tous les Musulmans ne sont pas des terroristes. Il n’empêche. Ces assassins étaient tous musulmans et c’est en son nom qu’ils ont tué. Allah Akbar. je sais, je sais, pas d’amalgame. Il n’empêche. Dans Islamisme, il y a le mot Islam. Soumission à Dieu. Cette soumission est incompatible avec la démocratie —  système de mécréance, prônant l’égalité entre les hommes et les femmes  — qu’il faut combattre ou, à tout le moins, boycotter. Haram, la démocratie en Islam !

Par Stephanie Daoud

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Après la stupeur, le bras d’honneur Je suis Charlie

Moins d’une heure après l’attentat contre Charlie-Hebdo, à l’initiative d’un chroniqueur de la revue Design, #jesuischarlie fait son apparition sur la toile. Je suis Charlie fait florès et, telle une trainée de poudre, devient le cri de ralliement, le bras d’honneur de tous ceux se réclamant de la démocratie et de la liberté d’expression. En France, bien évidemment et, plus surprenant, à travers le monde. Loin du simple fait divers local, de Paris à Dublin, de Tokyo à Rio de Janeiro, de Londres à Mexico, de Madrid à Tel-Aviv, de Montréal à Hong-Kong, de San-Francisco à Jérusalem des centaines de milliers d’hommes et de femmes descendent spontanément dans les rues dire non à l’obscurantisme et la barbarie, et clamer leur attachement à la liberté d’ex-pression. Carla, une voisine, me demande, mi rageuse mi soucieuse, si «tous ces Je suis Charlie allaient dénoncer, en sus de l’extrémisme islamiste, l’antisémitisme et le qua-druple meurtre odieux de la porte de Vincennes ?». Elle aura sa réponse dès le lendemain, dimanche 11 janvier, quand quelque 4 millions de quidams - du jamais vu depuis la Libération - dont plus d’un million et demi à Paris, se retrouvent dans les rues des villes de France pour des marches silencieuses, où les innombrables Je suis Charlie côtoient les non moins nombreux Je suis Juif, Je suis �ic, Pas en mon nom, La liberté est incurable et autres Même pas peur. Quatre millions de bras d’honneur en réponse à l’inté-grisme en kalachnikov. Du jamais vu.

Réponse communautaire décevante

Face à ces évènements, la Communauté juive de Montréal s’est comportée en provinciale nombriliste. Oui, en provinciale nombriliste, un tantinet condescendante. Explications en trois actes et une apothéose. Arrive dans mon ordinateur un courriel sous l’égide d’une flopée d’or-ganisations juives (je n’ai plus la liste exhaustive en tête), dont le regroupement des rabbins de Montréal (pas certain de l’appellation exacte, mais vous voyez le genre), me de-mandant, à moi et à quelques milliers d’autres donateurs listés, de montrer notre solidarité et notre soutien envers nos frères Juifs de France, suite aux tragiques évènements et patati et patata, patin, couffin. Bref, fais un chèque, ça urge.

À la première lecture, je souris, me disant, mais non c’est une blague, ça ne se peut pas. Ce courriel me fait penser à ces notables de campagne qui orchestrent la bien-faisance et la charité pour leurs nécessiteux. Ça suinte le bourgeois rhodésien. Ridicule. À la relecture, je me sens profondément insulté, moi, Juif français qui suis né et grandi à Paris. Ai-je l’air d’un loquedu, d’un traine savate en train de faire la manche, à votre bon cœur m’sieu dame ? Suis-je un Biafrais réclamant son bol de riz, un Soudanais ou un Erythréen en quête d’un havre de paix ? C’est quoi cet appel à la con ? Qui au 4ème est sur le pilote automatique ? On nous a fait le même coup suite aux inondations à St-Jean sur le Richelieu et le tremblement de terre en Haïti. Même courriel, même solidarité, même urgence. Fais-nous

un chèque, ça presse. D’accord pour le Tikoun Olam, mais faut quand même pas charrier. On ne parle pas ici d’une catastrophe naturelle, d’un pays en voie de développement ni de la communauté de Pitchipoï en voie d’extinction !

On parle ici de la 3ème communauté juive en impor-tance après Israël et les États-Unis. On parle de la pre-mière communauté juive d’Europe, pas d’un village aux confins de l’Éthiopie. Notez que je n’ai absolument rien contre les villageois éthiopiens. On parle ici d’une com-munauté qui compte entre 500 et 600.000 personnes, enracinée en France depuis près de deux mille ans. Une communauté extrêmement bien structurée et organisée, avec ses écoles, ses lycées, ses instituts universitaires, ses centres communautaires, ses mouvements de jeunesse, ses centres d’étude et de pensée juive, sa flopée de rabbins, toutes tendances confondues, ses innombrables univer-sitaires, penseurs, intellectuels et militants engagés. Une communauté dynamique qui soutient ses festivals, revues, radios et universités populaires, fait valoir ses écrivains, ses artistes, ses cinéastes, ses chanteurs, ses humoristes, ses présentateurs et journalistes vedettes. Cette liste, non exhaustive, est pas mal plus impressionnante que celle du Who’s who juif québécois et/ou canadien. Y’a pas photo. Une communauté profondément attachée à Eretz Israël, sioniste, et pas que par la parole, le fric ou en organisant des missions pour donateurs jet-setters, qui depuis plus d’un siècle tisse ses liens avec Israël, et dont bon nombre de ses villes sont jumelées à celles d’Israël. Une commu-nauté qui promeut l’Aliyah avec dynamisme et sans com-plexe. Une communauté jeune, forte, vibrante et résiliente. On ne parle pas d’un Shtetl dans l’arrière fond de la Pologne ni du Mellah de Sidi Bel Abbes ! Eh, les mecs, faut se réveil-ler ! On parle de la communauté juive de France, dont l’un de ses illustres fils, un parmi tant d’autres, René Cassin, rédigea le texte final de la déclaration universelle des droits de l’homme en 1948, avant de présider aux destinées de la cour européenne des droits de l’homme et recevoir le prix Nobel de la paix. Excusez du peu et désolé de plomber l’ambiance. Ah oui, on parle d’une communauté qui vit en euro et non en dollar canadien, qui se transige sous la barre des 75 centimes d‘euro ! Alors, merci, mais non merci pour l’aumône.

Et pour tout dire, j’en ai plein le c… de ces dirigeants communautaires qui ne comprennent rien à rien ou pas grand-chose à ce que vit la communauté juive française depuis un bon bout de temps, trop longtemps. Qu’ont donc fait ces dirigeants, supposément concernés, suite aux évènements de Carpentras, après l’attentat de la rue des rosiers et celui de la rue Copernic, de l’affaire Merah et la tuerie de Toulouse ? Qu’ont fait ces dirigeants, soit disant concernés, suite aux meurtres d’Ilan Halimi, de Sar-celles et de Créteil ? Pourquoi, après des années de silence assourdissant, ce sursaut de solidarité après la tuerie de l’Hyper Cacher ? Je me mouille d’une hypothèse. À vous de voir. Parce que juste avant le massacre de la porte de Vincennes, il y a eu celui à Charlie Hebdo. Ce qui ne devait être à priori qu’un simple fait divers a pris valeur d’un évè-nement planétaire. On ne s’attaque pas impunément à la

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liberté d’expression. Quand quelque 80 chefs d’états et de gouvernements se retrouvent au sein d’une même marche silencieuse, quand quelque 4 millions d’individus enva-hissent les rues de France et de Navarre, quand partout dans le monde, le monde s’affiche Je suis Charlie, quand le secrétaire d’état aux affaires étrangères des États-Unis se fend d’un superbe message de solidarité dans un français impeccable, quand médias, télés, radios, journaux, réseaux sociaux commentent, analysent et relaient l’évènement; la Communauté juive de Montréal ne peut rester sur la touche. Ça la fout mal. Elle ne peut pas ne pas être partie prenante d’un mouvement de solidarité quasi-plané-taire. Qu’importe le quoi et le comment. Elle doit être de la parade et prendre part à cet évènement historique, que bon nombre de commentateurs politiques comparent au 11 septembre 2001. C’est tout dire. Mais faute de sensibi-lité et d’imagination, on se met sur le pilote automatique et on fait ce qu’on fait depuis des années : faire appel à la solidarité envers les plus démunis, au nom du Tikoun Olam. Fais ton chèque, ça urge. Plus provincial, tu meurs. Au fait,

combien de fric a-t-on récolté ?

Un hebdo autiste

Après cette première frustration, mais étant d’un optimisme indécrottable, je me dis que le CJN, l’hebdo de la Communauté, va certainement publier une édition «spécial Charlie». Avec ses journalistes à Toronto et à Montréal, des pros de chez pro, son réseau de rabbins et de collaborateurs au pays et en Israël, CJN va nous sortir un numéro bien documenté, avec points de vue différenciés et regards croisés entre médias anglo-saxons, francophones et israéliens, publier des analyses à propos de l’éthique journalistique, la liberté de la presse et la liberté d’expres-sion, donner le point de vue rabbinique, talmudique et halakhique en ce qui à trait au blasphème, et que sais-je encore. J’anticipe un numéro étoffé, solide, couillu et bien torché : un numéro «collector». C’est donc avec une impatiente curiosité que j’attends la livraison à domicile du CJN, une semaine jour pour jour après la tuerie. Bonjour la douche froide. Déjà la couverture. Trois mots sur fond gris sale : JE SUIS JUIF. Je reste abasourdi devant ce Front Page. Quelle idée audacieuse, originale et subtile ! Un titre en français, en première page du CJN, du jamais vu. Non, blague à part. Plus nul, t’es aux abonnés absents. Pour accoucher d’une pareille couv, le graphiste, sans doute albinos, doit carburer aux antidépresseurs. Sinon, qu’on m’explique.

Si l’habit ne fait pas le moine et si l’emballage n’an-nonce pas forcément la couleur; pourquoi faire gaffe à la couverture ? J’aurai dû. J’ai beau scruter chaque page à la loupe, rechercher #Je suis Charlie, même imprimé en tout petit dans un coin en bas de page, tenter de repérer le duplicata, même flouté, de la couverture de Charlie Hebdo post-massacre, débusquer une lettre ouverte, une photo, un dessin, faire l’exégèse de l’éditorial, dans l’espoir d’y déceler une quelconque référence aux évènements, un entrefilet anodin, une reprise de l’AFP, une trace, un relent, n’importe. Nada, silence radio. Ah, si. Un article

anodin et insipide relatant la manifestation devant l‘hôtel de ville de Montréal et le rassemblement communautaire dans une synagogue de Côte-St-Luc. Mort de rire ! Mis à part ce papier falot, provincialisme oblige : rien, que dalle. Pincez moi, quelqu’un ! Comment l’hebdomadaire de la communauté juive canadienne, lu d’est en ouest par des dizaines de milliers de lecteurs et par tout ce qui est consi-déré comme Decision Makers, on ne parle pas ici du journal du parti Communiste Marxiste Léniniste de l’Ile du Prince Édouard, mais bien d’un hebdo sérieux, respecté et respec-table; comment donc le CJN a-t-il réussi le tour de force de faire l’impasse totale sur les attentats islamo-fascistes du 7 et du 9 janvier dernier ? Comment est-il possible que ces tragiques évènements, comparés à celui du 9-11 et couverts pas la quasi-totalité des médias occidentaux, passent sous le radar de NOTRE hebdomadaire national ? Seule explica-tion : les responsables de la ligne éditoriale sont coincés du sphincter.

Rabbins, Speeches et Ô Canada : la totale

À l’appel de ce regroupement de rabbins de Montréal et du CERJI/CIJA, organe officiel de la Communauté juive en matière d’Advocacy, s’est tenu, dans la synagogue du Rabbin Poupko, un rassemblement en hommage aux 4 victimes de l’Hyper Cacher, en filigrane de Charlie Hebdo. Opportunisme, surf et récup. Quelque deux cent-cin-quante, trois cents personnes se sont pointées au rendez-vous de la Grand messe. Vraiment pas de quoi réserver son fauteuil à l’avance, il restait de la place. Parmi la bro-chette d’invités de marque, disons le comme ça, le premier magistrat de la métropole et le consul général de France à Montréal, sans oublier évidemment, impossible de faire l’impasse, des rabbins en barbe et redingote, comme il se doit. Méchant vaudeville. J’en connais au moins quatre qui là-haut doivent être crampés. En effet, Cabu, Charb, Tignous et Wolinski, anars laïcards de la plus belle eau, ont toute leur vie durant défendu la laïcité et pourfendu pou-voir et religion. Tous les pouvoirs et toutes les religions. Argent, armée, police, politique, soutane, schtreimel et djellaba : même combat.

Et là, dans cette synagogue de banlieue, à l’appel de rabbins et du lobby de l’Establishment, en présence du représentant de la France et de politiciens locaux, devant une assemblée clairsemée et grisonnante, les orateurs se succèdent, et sous l’oreille attentive du maitre de cérémo-nie, débitent poncifs, clichés, évidences et dvar torah dans la langue de Shakespeare. Une légère brise d’inconfort se faufile parmi l’assistance, mais rien pour s’enrhumer ni ébranler les organisateurs. Quelque chose coince, mais Quid quoi. Quand le consul général est invité à prendre parole dans la langue de Voltaire, on sent un ouf timide de soulagement. Malaise, léger lui aussi, ressenti chez bon nombre sans doute incertains de saisir toutes les subtilités et les nuances du propos tenu. Pourtant non, aucune sub-tilité n’est évoquée, rien qui dépasse, que des lieux com-muns, du déjà vu et entendu. Mais le meilleur est à venir. À l’invite du maitre de cérémonie, l’auguste assemblée ayant fait son devoir de présence et désirant s’en retourner est

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priée de se lever et entonne les hymnes nationaux : le Ô Canada in English et la Hatikva Bé Ivrit. Clownerie guigno-lesque. Mises à part l’insensibilité crasse et la démagogie de bas étage, dont font preuve les organisateurs, quel lien entre 4 Juifs français assassinés porte de Vincennes, 1 poli-cière abattue de sang froid et 12 laïcards irrévérencieux massacrés en plein Paris, et les hymnes nationaux cana-dien et israélien entonnés en anglais et en hébreu dans une synagogue en banlieue de Montréal, Québec, Canada, un dimanche à moins 25 degrés Celsius ? Un provincialisme égocentrique. Le plus triste dans tout ça, c’est que les or-ganisateurs rentrent chez eux, l’âme en paix, satisfaits du travail bien fait. Mission accomplie. Oï Vey, c’est dur d’être

représentés par des cons.

Appel à la délation : l’apothéose

Avec le nouveau premier magistrat de la métropole, qui manie aussi vite le texto et le Tweet que Lucky Luke son six coups, force est de reconnaitre que les choses ne trainent pas. On s’active à l’hôtel de ville. En deux temps trois mouvements, monsieur le maire invite des dirigeants religieux d’obédience catholique, juive, musulmane et sikhe à le rencontrer, lui, et des membres du comité exé-cutif, pour une discussion à huis clos sur l’extrémisme religieux. Une quinzaine de dirigeants répondent à l’invi-tation. Une modeste délégation, constituée de trois rab-bins, représente la Communauté juive de Montréal. À sa tête, rabbin Poupko qui, en plus de ses fonctions sacer-dotales, est le porte-parole de CERJI/CIJA et, par le fait même, le porte-parole de la Communauté juive, dont je fais partie. En prévision de cette rencontre avec les hautes instances municipales, le porte-parole officiel, hyperac-tif et consciencieux, a sans aucun doute sondé le cœur et les reins des instances dirigeantes de la Communauté, quant à ses attentes, prendre le pouls de ses inquiétudes et doléances, et en faire fidèlement part au premier magistrat de Montréal. Sans aucun doute.

D’entrée de jeu, monsieur le maire, direct et limpide, demande à ses invités de signaler l’extrémisme religieux et de dénoncer des fidèles susceptibles de radicalisation. «Si vous remarquez quelque chose, soyez à l’aise de venir nous en parler, informez les autorités si vous constatez qu’un de vos membres se radicalise et, ensemble, envoyons un mes-sage de tolérance zéro face au fanatisme et à la violence». Invitation à la délation. Le porte-parole officiel de la Com-munauté juive se dit très satisfait de la rencontre. Hallu-cinant ! Invité à un diner de cons, le porte-parole officiel de la Communauté en ressort satisfait. L’apothéose. Pour

tout vous dire, je n’en ai rien à cirer de son contentement. Ce qui m’intéresse, c’est de savoir si la Communauté, dont je fais partie, est d’accord pour espionner, débusquer, ficher et dénoncer des coreligionnaires. Car c’est de ça qu’il s’agit. C’était ça l’objet de la rencontre de laquelle le porte-parole de la Communauté est ressorti satisfait. We have a deal. Ô Misère. Pas en mon nom ! Délation. Ça sent la bassesse et la servilité, ça transpire l’obséquieux et la compromission, ça suinte la raclure et le nauséabond. En deux mots, ça schlingue. Soyons sérieux et regardons les choses en face. Pourquoi la Communauté serait-elle prête à faire le boulot de la police et du renseignement, alors qu’elle est incapable de régler définitivement le cas des écoles orthodoxes illégales et qu’elle a pendant trop long-temps fermé les yeux sur les agissements de la secte Lev Tahor ? C’est du pipeau. Elle n’a jamais rien dénoncé et ne dénoncera jamais rien. Le linge se lave en famille.

En acceptant l’invitation de monsieur le maire, la Communauté, dont je fais partie, s’est fait complice d’un coup de com. C’est désolant, car elle a raté une belle occa-sion, une de plus, de dénoncer le discours «pas d’amal-game avec l’islam», de peur d’être taxée d’islamophobe. Car soyons clair, ce sont les Juifs qui paient le prix fort du «pas d’amalgame» du fait que ce discours, qui emboite le pas à chaque acte terroriste, oblitère les victimes et la rai-son de leur massacre : l’antisémitisme. Ce n’est pas Asté-rix le Gaulois qui est en vente libre en terre d’Islam, mais bien Les Protocoles des Sages de Sion, un faux antisémite. Il y a quelques semaines, près d’Al-Amâra, dans le sud-est de l’Irak, une synagogue fut réquisitionnée avant d’être détruite par des combattants de l’EI qui, tout en récitant des versets du Coran, ont dynamité le mausolée du Pro-phète Ezra. Une synagogue et un mausolée, pas une grange ou une station-service. Les 4 Juifs de l’Hyper Cacher ont été abattus parce qu’ils étaient Juifs, pas Bretons. Ce n’est pas au nom de la mère Michelle ni du père Lustucru que les islamo-fascistes kidnappent, brulent, massacrent et déca-pitent, mais bien au nom d’Allah. Alors, qu’on me lâche les baskets avec le «pas d’amalgame». Si les mots ont encore un sens et si islamophobie veut toujours dire peur de l’Is-lam; à voir ce qui se passe ces temps-ci, il me semble que c’est la moindre des choses d’en avoir peur, c’est même signe d’une bonne santé mentale. C’est ce que j’aurai voulu que le porte-parole de la Communauté juive, dont je fais partie, et ses deux acolytes disent aux autres dirigeants religieux, au maire et aux membres du comité exécutif de la ville de Montréal lors de la rencontre à huis-clos. C’est dur d’être représenté par des cons.

Par Lauriane Ponge

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Michel Kichka, dessinateur de presse :

« On doit continuer la provocation »

Si les journaux satiriques n’existent pas en Israël, lui a l’habitude de les lire à Paris. Encore choqué par l’attaque contre “Charlie Hebdo”, Michel Kichka appelle à respecter le testament tacite de ceux qui sont partis...

Né en Belgique, il s’est installé à Jérusalem, où il exerce en tant que dessinateur de presse, illustrateur jeunesse et enseignant aux Beaux-Arts. Michel Kichka, 60 ans, fait partie de l’association Cartooning for peace, fondée par Plantu. Il a publié en 2012 la bande dessinée Deuxième génération : ce que je n’ai pas dit à mon père (éd. Dargaud), autour de sa relation avec son géniteur, rescapé d’Auschwitz.

PROPOS RECUEILLIS PAR LAURENCE LE SAUX

Par Michel Kichka

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Quel lecteur de Charlie Hebdo êtes-vous ?

Quelle a été votre réaction en apprenant ce qui s’est passé en France, la semaine dernière ?

Que suscite ce drame en Israël ?

Et maintenant, que faire, et comment ?

Il n’arrive pas ici, en Israël. Alors je le lis à Paris. À chaque fois que j’atterris en France, j’achète à l’aé-roport un bon café, Le Canard enchaîné et Charlie. Cela me permet d’humer l’air du temps, de prendre le pouls de la France. Je sais qui signe chaque dessin, je reconnais les plumes. On peut dire que je suis un fidèle sporadique.

Charlie Hebdo est un journal très visuel, avec de la couleur, une grande place pour le dessin. J’y ai col-laboré une fois, et mon portrait par July a été publié. Au moins trois générations de dessinateurs y tra-vaillent — ou y ont travaillé, plutôt... Nous sommes de la même famille, même si nous ne partageons pas toujours les même goûts.

Charlie ne connaît pas de limites, ce qui est rare dans ce monde. Et montre que, dans une démocratie saine, tout est permis. En Israël, nous n’avons pas de publication satirique. Je ne sais pas précisément pourquoi. Les caricaturistes dessinent pour différents titres, mais il n’y a pas de revue dédiée. Proba-blement parce que la presse va mal, et que faire vivre un journal coûte cher...

Je n’ai pas encore trouvé les mots pour le dire. Je ne connaissais personnellement que quatre des per-sonnes assassinées. Parmi elles Tignous, de la même génération que moi, très actif dans Cartooning for Peace. J’avais une grande admiration pour Honoré, qui pratiquait une caricature « noble », très sophis-tiquée et esthétique.

Mercredi, le ciel m’est tombé sur la tête. Je n’ai pas encore digéré les choses. C’est très bien que je sois très occupé en ce moment, notamment à répondre à des interviews, cela m’évite de penser. Derrière moi trône sur une étagère un dessin de Charles Trenet que m’avait dédicacé Cabu...

Les médias se sont mobilisés, ont fait du bon travail. Il a fallu expliquer ce qu’est un journal satirique, montrer que cet attentat a voulu toucher le cœur de la France. La dimension terroriste de l’attaque a beaucoup ému les Israéliens, les ricochets ont été profonds sur notre société.

Dimanche, Paris a été la capitale de l’Europe, la capitale du monde. Nous sommes à un tournant, au début d’une prise de conscience.

Il faut continuer à faire ce que l’on faisait. Ignorer les intimidations, lettres de menaces, réactions nauséabondes sur les réseaux sociaux. On doit suivre à la lettre le testament non-écrit de ceux qui sont partis, continuer la provocation. Les dessinateurs satiriques sont les chiens de garde d’une certaine dé-mocratie, et en quelque sorte de la liberté de la presse. Cartooning for peace œuvre pour préserver cela.

En Turquie existent trois publications humoristiques. Il ne se passe pas une semaine sans qu’Erdogan tente d’en arrêter une. Il faut lutter contre !

Nous sommes à un tournant, au début d’une prise de conscience.

www.TeLeRAMA.fR - 14 jANVIeR 2015

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La révolution française de 1789 et plus tard, la déclaration universelle des droits de l’homme adoptée à Paris en 1948 par

58 états, a fait beaucoup progresser la cause de la liberté individuelle. En outre, l’article 19 de cette déclaration proclame : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de rece-voir et de répandre, sans considération de fron-tières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. »

La notion de liberté d’opinion et d’expres-sion avait pourtant été débattue par les Maîtres du peuple juif, bien avant 1789 puisque parmi le système de lois qui lui ont été transmises il y a 3300 ans au Mont Sinaï, certaines concernaient l’ensemble des règles de l’usage de la langue et de la parole ainsi que l’interdiction absolue de la médisance. Selon ces Maîtres, les lois du lan-gage représentent le plan divin indiquant aux hommes la façon de vivre en harmonie et sont destinées à placer la personnalité de l’homme à un niveau spirituel élevé.

Ils enseignent par ailleurs que le pouvoir de la langue dépasse de beaucoup ce qu’on peut percevoir. On croit échanger quelques mots anodins alors qu’en réalité on a déplacé des

mondes. En fait, contrairement à la législa-tion naissante de 1789, et aux diverses décla-rations similaires qui ont suivi, et qui placent la liberté d’opinion et d’expression au même niveau, ces Sages font la distinction entre ces deux notions. Il y a ici une nuance qui fait toute la différence. Il n’y a pas deux visages humains qui sont les mêmes et il n’y a pas deux pen-sées qui sont identiques. Et heureusement car si tout le monde avait la même opinion, l’hu-manité ne pourrait progresser. C’est pourquoi l’individu est parfaitement libre de penser. Cependant, il ne peut être complètement libre d’exprimer verbalement sa pensée car en la révélant, il affecte inévitablement les rapports entre les hommes. Le Talmud, dans presque sa totalité, regorge d’opinions des divers Sages et témoigne d’ailleurs de cette liberté de pen-sée, sans jamais exprimer quoique ce soit qui puisse blesser autrui. Ainsi, dans le judaïsme, l’Homme a un devoir de retenue, indispensable à la préservation de la dignité d’autrui.

C’est ainsi que les Maîtres du peuple juif ont enseigné avec toute leur sagesse, que le dé-nigrement est strictement interdit. Ils ajoutent que la médisance peut avoir des effets per-vers sur 3 personnes: celle qui la profère, celle qui en est l’objet et celle qui l’écoute. Ils ont

JE NE SUIS PAS CHARLIEDR DANIEL BENAÏM MÉDECIN DE FAMILLE

je suis français, je suis juif, mais

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de plus averti clairement que la langue pos-sède un terrible pouvoir destructeur. C’est une arme uniquement faite de mots, mais qui a un redoutable pouvoir de vie et de mort, au point où elle est même supérieure à l’arme classique puisqu’elle peut tuer à distance, à travers les continents.

Par médisance, les Sages incluent la dif-famation, la calomnie, la raillerie, le commé-rage, le colportage, la moquerie ainsi que tout ce qui a pour objectif de dénigrer son prochain. Toutes ces formes de médisance ne mènent qu’au désaccord et à la division. L’interdiction de proférer ce genre de paroles s’applique avec encore plus de rigueur lorsque le contenu du message est vrai.

Au détour des événements ayant mené à l’assassinat de presque toute l’équipe de Char-lie Hebdo, ainsi qu’aux clients de l’épicerie Hyper Cacher à Paris, nous avons assisté à une véritable explosion en faveur de la liberté d’ex-pression, si chère aux sociétés dites modernes. Ces sociétés défendent la liberté de pouvoir dire tout ce que l’on veut, et qui sous couvert de l’humour ou de l’information, se donne le droit de rire d’autrui, de se moquer, d’insulter, d’outrager, de salir, voire de blasphémer. Bien sûr la société de droit s’est dotée de normes à ne pas dépasser. Elle to-lère, mais jusqu’à un certain point et les tribunaux sont là pour compenser une éventuelle diffamation. Malheureuse-ment, une fois la pensée verbalisée, aucune compensation ne pourra réparer le mal ou la blessure qui s’est produite, et des cicatrices persisteront à tout jamais.

Le verbe n’est donc pas du tout inoffensif comme veulent le laisser croire tous ceux qui militent pour cette li-berté d’expression. Des bavardages apparemment anodins donnent vie à des mots capables de provoquer de véritables bouleversements. Quelques mots négligents entre amis suffisent pour changer la nature de leurs relations. Com-bien d’emplois perdus, de réputations ternies, combien de mariages ont été gâchés, combien de familles ont été dislo-quées à cause de quelques mots offensants. On ne compte plus les jeunes qui sont poussés au suicide à cause d’intimi-dation verbale.

Le préambule de l’article 19 de la déclaration uni-verselle des droits de l’homme concernant la liberté d’opinion et d’expression énonce  : «  Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité et que l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’homme. »

Ainsi, selon ces législateurs, le mépris de la liberté d’expression conduit à des actes de barbarie !

Il est frappant de constater que les malheureux évé-nements du Journal Charlie Hebdo auxquels nous avons assisté, viennent de nous prouver exactement le contraire. C’est justement cette liberté d’expression à outrance qui a conduit aux actes de barbarie que l’on connaît.

Ces législateurs «  des temps modernes  » n’ont pas su faire la distinction entre la liberté d’opinion et la liberté d’expression.

De nos jours, les médias sont les véhicules de ces pa-roles qui tuent. La presse, la radio la télévision, les médias sociaux s’en donne à cœur joie. À l’affut de la nouvelle sen-sationnelle, et sous prétexte de ne rapporter que des faits (qui bien souvent sont faux ou inexacts), les journalistes en particulier et la méchanceté gratuite des hommes en géné-ral, forment les complices de ce mal qui finit tôt ou tard par tuer. Certes, la haine entre les hommes s’ajoute et amplifie le mauvais usage du verbe. La folie meurtrière des djiha-distes représente sans doute la partie visible de l’iceberg; mais sous la surface, se cachent tous les responsables qui sans le savoir, par leurs paroles blessantes qu’ils qualifient d’anodines, détruisent peu à peu l’humanité.

La liberté de parole et d’expression doit s’arrêter, là où commence le droit à l’honneur, à la dignité, et à l’amour du prochain.

»«Ces législateurs « des temps modernes » n’ont pas su faire la distinction entre la liberté d’opinion et la liberté d’expression.

Par Chloé Cantournet

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La Liberté d’expression

a-t-elle des limites ?Entretien avec M. Bruno Clerc, Consul général de France à Montréal.

C’est au cours d’un entretien à bâtons rompus, que Monsieur Bruno Clerc, Consul Général de France à Montréal, nous a livré ses impressions concernant le thème lancinant de la liberté d’expression. Les événements tragiques qui se sont produits en France au mois de janvier dernier ont remis à jour cette valeur fondamentale inscrite dans la devise de la République.

La capacité de pouvoir tout dire et de tout écrire est-elle une valeur absolue qui ferait fi des sensibilités idéologiques ou religieuses de certaines communautés ?

La liberté en tant que telle ne se négocie pas. Ceci dit, il faut préciser que ma liberté s’arrête là ou commence celle de l’Autre. Cette notion est explicitée dans l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen promulgué le 26 août 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas a autrui ». La liberté d’expression vise à exprimer sa pensée, ce qui est une caractéristique essentielle de l’homme et en se basant sur un principe philosophique, toucher à ce principe c’est toucher à son intimité. La question que l’on doit se poser est celle de l’application de ce principe dans un monde où l’on n’est pas seul. Autrement dit : À-t-on le droit de tout dire et de tout faire? Il faut souligner que la Loi encadre tout de même la liberté et ses manifestations en interdisant par exemple les appels à la haine et dans une limite extrême l’appel au meurtre.

Dans le cas qui nous occupe, la législation française me paraît équilibrée, oui en effet on a le droit de tout critiquer, nous avons en France une longue tradition dans ce domaine. Je prends pour exemple que, même en n’étant pas toujours d’accord sur les contenus de Charlie Hebdo, j’ai été au premier rang ici à Montréal, lors des manifes-tations de soutien au magazine. Je devrais ajouter que sans cette liberté d’expression, il n’y a pas de débat possible. Il est utile de signaler que ce concept n’est pas né avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Celui-ci découle d’une évolution dans la pensée philosophique et historique en Europe. Érasme de Rotterdam au XVe siècle qui fut l’apôtre de la liberté et du respect de l’homme, se posait déjà en précur-seur des philosophes et des penseurs des « Lumières ». Sous le règne de Louis XIV, symbole de la monarchie absolue, celui-ci autorisa la représentation du Tartuffe de Molière à laquelle il assista lui-même et qui critiquait sévèrement l’Église, l’un des piliers, ne l’oublions pas, de la monarchie, en tournant en dérision les faux dévots. Cette tendance à la critique fait partie de nos gènes et elle nous confère en quelque sorte un droit à l’Irrévérence. D’un autre côté l’homme est libre de ne pas regarder ou d’écouter ce que les autres diffusent. Force est de constater que les abonnements à Charlie Hebdo ont augmenté vertigineusement après les attentats. La fameuse phrase de Talleyrand me vient à l’esprit dans ce contexte : « Tout ce qui est excessif est insignifiant ».

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NdlR : Monsieur Le Consul général de france s’est tenu toujours près de la communauté juive de Montréal par sa présence solidaire dans ses locaux lors de la tuerie des enfants juifs à Toulouse et tout dernièrement lors de la soirée en hommage aux victimes de la tuerie dans l’hyper marché cachère de Vincennes.

Propos recueillis par Elie Benchetrit

La communauté juive de France, confrontée à des attaques antisémites parfois meurtrières, vit depuis quelque temps dans l’inquiétude. De nombreux Juifs Français craignant pour leur sécurité et celle de leurs enfants envisagent sérieusement de quitter la France pour se rendre en Israël et également au Canada. Quelle est votre perception de cette situation ?

Après les réactions suscitées par l’attaque contre Charlie Hebdo, des défenseurs de la liberté d’expression « Tous azimuts » ont critiqué la mise en examen de l’humoriste Dieudonné à la suite de sa déclaration : « Je me sens Charlie-Coulibaly » en référence au meurtrier de quatre juifs dans le super marché cachère de Vincennes. Peut-on parler alors d’une liberté d’expression à deux vitesses ?

Dieudonné, par ses multiples déclarations antérieures aux attentats, considé-rées comme de véritables appels à la haine et donc punissables par la Loi, s’est placé sous un autre registre que celui de la liberté d’expression. Sa dernière déclaration rentre dans cette catégorie et relève donc de la justice. Une justice devant qui, je le rappelle tout individu peut faire appel et se défendre. Dieudonné ne s’en est pas privé au cours des dernières années face aux nombreux procès qui lui ont été intentés, il faut le souligner. Si l’on revient à Charlie Hebdo, le magazine a également fait face à de nombreux procès. Je reviens donc au sacrosaint principe que la liberté ne peut pas être attaquée par la violence. C’est à la législation en place et aux juges que revient la décision de condamner ou pas. Puisque vous évoquez le cas de Dieudonné, je voudrais rappeler qu’il existe en France des lois dites mémorielles comme la loi du 13 juillet 1990 connue comme la Loi Gayssot qui vise à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe et qui dans son article 9 « qualifie de délit la contestation de l’exis-tence de crimes contre l’humanité tels que définis dans le statut du Tribunal militaire International de Nuremberg » Cette loi vise les négationnistes de la Shoah et égale-ment du génocide arménien.

Ce qui est important, c’est que le message reste afin que la mémoire soit trans-mise aux nouvelles générations malgré la disparition progressive des témoins. Les lois n’étaient pas indispensables sur le plan judiciaire mais elles étaient nécessaires sur le plan de l’éthique afin de provoquer un sursaut mémoriel, un avertissement en quelque sorte : « Prenons garde à ne pas perdre la mémoire ».

La présence de la communauté juive en France est enracinée dans l’histoire de notre pays. Depuis la révolution française, les juifs se sont vus accorder les mêmes droits citoyens. L’apport de cette communauté à l’essor politique, économique, culturel de la France n’est plus à démontrer. Je peux comprendre son inquiétude et ses questionnements face à la situation actuelle, mais je reste convaincu que leur place reste en France et à ce sujet je voudrais reprendre les propos de notre premier Ministre, M. Manuel Valls à l’Assemblée Nationale alors qu’il rendait hommage aux victimes des tueries du 7 et du 9 janvier : « Disons-le à la face du monde : sans les juifs de France, la France ne serait plus la France. Comment accepter que dans certains établissements, on ne puisse pas enseigner ce qu’est la Shoah ? [...] Quand on s’attaque aux juifs de France, on s’attaque à la France et à la conscience universelle ».

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Liberté d’expression, liberté individuelleEntretien avec Christian Dufour*

Politologue et un auteur québécois. Chroniqueur au Journal de Montréal et au Journal de Québec

Lors des tragiques événements survenus en France en janvier dernier, une vague de fond a déferlé dans les démocraties occidentales pour clamer haut et fort : « Je suis Charlie » et par la même le caractère sacré de la liberté d’expression, socle de la démocratie. Cette capacité de tout critiquer et de tourner souvent en dérision irrite cependant certains qui souhaitent que les religions soient épargnées afin de ne pas heurter les croyants et tout particulièrement les musulmans. Quelle est votre position sur cette question ?

La liberté d’expression est l’une des pierres angulaires de nos démocraties. S’il ne faut pas céder sur le principe, il faut résister cependant à la tentation d’en faire quelque chose d’absolu et de sans limites, à moins de sombrer soi-même dans le religieux. Nulle part au monde, il n’existe de liberté d’expression sans encadrement.

Au Canada, nous disposons d’articles du code criminel interdisant la propagande haineuse ou l’inci-tation au meurtre. En France, on est en présence de deux extrêmes. D’une part, des lois mémorielles, que je considère personnellement excessives, criminalisent la négation de la Shoah ou du génocide armé-nien, sans parler de l’interdiction de l’incitation à la discrimination pour des motifs multiples. D’autre part, il y a Charlie Hebdo, un magazine insolent, souvent vulgaire, dans la foulée d’une tradition liber-taire spécifiquement française.

On pouvait ne pas aimer, mais l’action des terroristes visait le principe même de la liberté d’expres-sion. Ne comprennent pas cette liberté ceux qui ont trouvé hypocrite d’exprimer sa solidarité avec des journalistes qu’on avait parfois durement critiqués auparavant. De même, s’il était défendable pour les médias anglophones de refuser de publier avant la tuerie des caricatures de Mahomet offensantes pour les musulmans, il n’en allait pas de même après le drame. La publication était nécessaire pour permettre aux citoyens de savoir ce dont il était question exactement. Sans parler de la solidarité avec des journa-listes exécutés pour avoir usé de leur liberté d’expression.

Cela dit, ce n’est pas parce que vous avez le droit de faire quelque chose qu’il faut toujours la faire, indépendamment du contexte et du bon sens. Publier des caricatures de Mahomet pour publier des cari-catures de Mahomet comporte quelque chose d’infantile (cela n’était incidemment pas le cas de la cari-cature à la une de Charlie Hebdo après le drame, à moins d’admettre que les tueurs avaient raison). Dans la vraie vie, on ne dit pas n’importe quoi, n’importe quand, n’importe comment : on se sert sa tête.

Nous assistons, dans le contexte de la mondialisation et du village global, à une interpénétration des identités. Mes recherches m’ont amené à conclure que toutes les identités collectives — nationales, ethniques ou religieuses — comportent des points de références spécifiques, folkloriques, archaïques ou

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La lutte au terrorisme est à l’avant-plan alors que les citoyens ont le réflexe d’appuyer les dirigeants en place. Dans la foulée de Charlie Hebdo, on a assisté en France à la remontée du président Hollande, comme cela avait été le cas après le 11 septembre 2001 en faveur de M. Bush.

C’est une bonne nouvelle pour des conservateurs pour qui la loi et l’ordre constituent un fonds de commerce. Même si le Canada n’a pas connu de drame d’une telle ampleur, même si les experts estiment que le problème n’est pas un arsenal législatif récemment mis à jour, il sera tentant pour le gouvernement Harper de faire adopter de nouvelles lois sur ces questions pour des motifs électoraux et idéologiques. Il y a de quoi craindre des restrictions inutiles aux libertés publiques.

S’ajoute le manque de transparence chronique des conservateurs en ce qui a trait à l’implication militaire canadienne au Moyen-Orient contre le groupe État Islamique. Une autre raison pour laquelle il sera tentant pour les conservateurs de jouer à fond la carte de la lutte au terrorisme est que les choses vont moins bien que prévu au plan économique.

Il ne faut pas oublier enfin la spécificité canadienne et québécoise. Nous vivons dans une société exceptionnellement pacifique avec un taux de criminalité historiquement bas, une société où les rap-ports avec les citoyens issus de l’immigration arabo-musulmane ne sont pas les mêmes qu’en France, sans parler même de chiffres.

Montréal n’est ni Vancouver, ni Paris. Je suis favorable à une loi qui affirmerait sans ambages la spécificité québécoise en ces domaines et la neutralité de l’État par rapport aux religions, sans aller jusqu’à la laïcité à la française.

*Christian Dufour est un politologue et un auteur québécois. Chroniqueur au Journal de Montréal et au Journal de Québec, il commente également l’actualité politique et sociale dans les médias électroniques.

Propos recueillis par Élie Benchetrit

Certaines voix se sont élevées pour dire que, lorsqu’il s’agissait de liberté d’expression, on avait recours à deux poids deux mesures, puisque l’on condamnait l’humoriste Dieudonné qui affirmait qu’il se sentait Charlie-Coulibaly et que par contre, Charlie Hebdo qui pouvait tout se permettre.

simplement secondaires, avec lesquels on peut jouer. Mais il existe d’autres éléments plus importants, des éléments symboliques et émotifs dont le non-respect entraînera, au mieux un repliement chez les individus les plus tolérants, au pire des réactions violentes chez d’autres.

On a la laïcité en France, la prédominance du français au Québec, le personnage de l’empereur au Japon, celui de Mahomet chez les musulmans. Il faut savoir en face de quel élément identitaire on est, moins pour se censurer que pour choisir le moment et le contexte.

Dans le cas du fondamentalisme, rien n’est critiquable, la mauvaise foi est totale. Mais cela ne saurait faire oublier les gens décents. Par exemple, l’absence à la marche de Paris d’un pays musulman aussi ouvert à l’Occident que le Maroc, parce que des caricatures de Mahomet y étaient mises en évi-dence, constitue un rappel à ceux pour qui la liberté d’expression est un absolu. Dans la vraie vie, il y a des zones grises.

Le cas Dieudonné montre le danger de faire de la liberté d’expression un absolu, mais également les inconvénients de la censure. Comme pour Charlie Hebdo, il y a de la provocation dans Dieudonné, par exemple ce manque de respect pour les victimes du magasin cachère.

Dans la mesure où il y a un surplus chez lui une incitation à la haine à l’égard d’une communauté juive française objectivement aux abois, il faut agir sans états d’âme à son encontre. Mais si l’on croit à la liberté d’expression, il faut éviter d’interdire de propos simplement abjects, à moins de vouloir faire un héros de celui qui les profère.

Pour rester dans le cadre des libertés individuelles garanties dans notre démocratie, nous assis-tons ces dernières semaines que ce soit au Parlement à Ottawa ou dans la presse, à une vague de critiques concernant les outils que le gouvernement conservateur de M. Stephen Harper veut se donner pour combattre le terrorisme et qui d’après eux porteraient atteinte au libertés fonda-mentales des citoyens qui deviendraient ainsi des suspects en puissance. Quel équilibre trouver entre liberté individuelle et sécurité ?

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Plus d’un hébraïsant aura re-marqué que, dans un jeu de mots, CHaRLIe et ISRaëL  1

-  Israël au sens du peuple juif  - usaient, dans un ordre différent, des mêmes lettres. Et, en effet, dans un pays, lorsque l’on com-mence à attaquer un Juif, l’on finit tôt ou tard, par attaquer n’im-porte quel Charlie démocrate. Car n’oublions pas que les atten-tats meurtriers du 7 janvier der-nier contre le magazine Charlie Hebdo et du 11 janvier à l’Hyper Cacher ont été précédés, depuis des années en France, par des actes, insultes, stigmatisations et meurtres antisémites. Il suffit d’évoquer les assas-sinats, en mars 2012, des enfants juifs à l’école Ozar Hatorah, Gabriel, 3 ans, Aryeh, 6 ans et de leur père Jonathan Sandler ainsi que Myriam Monsonégo 8 ans, tués par un terroriste qui se réclamait déjà du Jihad et venait d’assas-siner trois représentants de l’Etat français, les militaires Abel Chennouf, Mohamed Legouad et Imad Ibn Ziaten. En France, selon les sources du Ministère de l’Intérieur et de la SPCJ, Service de Protection de la Communauté Juive  : 51% des actes racistes en 2014 ont été commis contre des Juifs alors qu’ils représentent un peu moins de 1% de la population française. En 2014 déjà, le nombre d’actes antisémites recensés (sans compter ceux qui ne le sont pas…) avait augmenté de 101% par rapport à 2013, toujours selon le SPCJ.

Au regard du tueur antisémite, ici facho-islamiste, l’être Juif comme l’être démocrate, le chrétien d’Orient, le groupe kurde des Yazidis, ou les homosexuels jetés du haut d’immeubles par Daesh (État Islamiste en Syrie et en Irak), représentent… un blasphème car, les uns comme les autres, viennent briser le fantasme totalitaire d’un absolu qui ne souffrirait d’aucune différence ou critique.

Et même « la soumission » … le titre même du dernier roman de Houellebecq dénonçant dans une fiction une sou-

1 en hébreu le s et le CH sont une même lettre (shin ou sin).

mission occidentale rampante à la loi islamique et lancé officiellement ce même tragique 7 janvier… Et même la soumission, donc, à cette loi du silence et de l’uniformité, prônée par ces terroristes islamistes comme condition d’une survie, ne serait qu’une illusion, précisément car elle riverait tout un chacun(e) au bon vouloir arbitraire de fous. De fous qui, se réclamant d’une idéolo-gie islamiste, prennent en otage une religion, des croyants et un texte, qui, comme de nombreux autres textes religieux, charrie une vio-lence ne pouvant être contenue que par l’interprétation, la contextua-

lisation, la neutralisation, la distanciation et … le vouloir vivre ensemble. Ce travail à l’égard de «  versets doulou-reux » 2 dans la Bible hébraïque et chrétienne ainsi que dans le Coran permettrait justement un vivre ensemble serein. Il a commencé à se faire dans le judaïsme dès l’époque talmu-dique dans l’Antiquité. Ainsi, alors que la peine de mort, en guise de punition, scande certains passages de la Torah, le Talmud (traité Makot 7a) décréta qu’un tribunal, en l’occur-rence le Sanhedrin « qui prononcerait une condamnation à mort en sept ans est appelé sanguinaire, selon d’autres opinions, (même) une fois tout les soixante dix ans. Rabbi Tarphon et Rabbi Akiva ont enseigné : « Si nous avions sié-gés dans un Sanhédrin, il n’y aurait jamais eu de condam-nation (à mort) ». L’Eglise chrétienne, grâce au Pape Jean XXIII, qui convoqua en 1963, le concile de Vatican II (dont on fêtera d’ailleurs cette année les cinquante ans puisqu’il s’acheva en 1965), abolira, dans sa déclaration Nostra Aetate l’accusation de peuple déicide à l’encontre des Juifs, ne les rendant plus responsable de la mort du Christ. Accusation qui inspira malheureusement de nombreux pogroms dans des pays chrétiens d’Europe centrale et orientale.

Et dans l’Islam, qu’en est-il de ce travail d’interpréta-tion voir d’ « aggiornamento » ? Il existe depuis des siècles alors même que cette tradition monothéiste ne date que

2 j’emprunte l’expression au titre du livre instructif écrit à trois voix par le rabbin David Meyer, le jésuite yves simoens et le mufti soheib bencheikh, éd. Lessius, bruxelles, 2007.

DU RIRE AU MEURTRE

DR SONIA SARAH LIPSYC SOCIOLOGUE ET DIRECTRICE DE ALEPH, CENTRE D’ÉTUDES JUIVES COMTEMPORAINES

De la nécessité d’interpréter les « versets douloureux » des traditions monothéistes

Par Filippo Rizzu

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du 7ème siècle. En témoignent les travaux des théologiens qu’il serait vain d’énumérer ici et auquel Malek Chebel a consacré un dictionnaire  3, ou d’universitaires comme le regretté Abdelwahab Meddeb qui, tous, œuvrent à une lec-ture plurielle de l’islam contrairement à cette lecture litté-rale et meurtrière qu’en font les assassins. Travail qu’il est impératif que les musulmans poursuivent car si il n’a pas lieu de faire d’amalgame entre musulmans et terroristes se réclamant de l’Islam ; il est nécessaire que les musulmans comme en ont conscience déjà un certain nombre d’entre eux, s’attellent à déconstruire ou désamorcer toute violence potentiellement présente dans leur tradition.

De la nécessité de rappeler que les caricatures dénonçaient l’islamisme dans l’Islam

Mais de quoi d’autre s’agit-il ?

D’un pays, la France, héritier d’une Révolution, qui a aboli le délit de blasphème depuis des siècles, ne pas croire en Dieu ou être irrévérencieux à son encontre, depuis des siècles et dont l’humour licencieux fait partie intégrante de sa culture. Dont acte.

D’un journal satirique, héritier de Mai 68, qui brocarde, parfois de façon bon enfant, parfois de façon plus grin-çante, toutes les religions et leurs héros. Pour eux, Moïse, Jésus et Mahomet sont critiquables et davantage encore l’usage intégriste que leurs fidèles pourraient en faire… Et ne manquent pas de faire !

De douze dessins sur Mahomet publiés une première fois en 2005, dans un quotidien danois, Jyllands-Posten, en signe de protestation, notamment aux attentats islamistes de Londres la même année. Dessins repris, peu après, par un «  quotidien égyptien, Al Faqr, (…) sans que personne ne s’en émeuve  » comme le rappelle l’ancienne collabo-ratrice à Charlie Hebdo, la journaliste et essayiste Caroline Fourest 4. Le scandale surviendra sournoisement, des mois plus tard, à cause d’un faux, un montage imaginé par Abou Laban, un danois d’origine palestinienne, voulant se ven-ger du journal danois qui dénonçait son double discours, en tant que Frère Musulman, et qui avec son comparse Ahmed Akkarin emporta « dans l’avion qui les emmène à la ren-contre de leaders et mécènes du Moyen Orient (…) un dos-sier mensonger, en tout cas trompeur (…). Aux caricatures parues dans le Jyllands-Posten, ils ont ajouté des images

3 Voir Changer l’Islam. Dictionnaire des réformateurs musulmans des origines à nos jours, Albin Michel, Paris, 2013

4 Caroline fourest, « Dessine moi Mahomet : la véritable histoire de ces caricatures », dans Carolinefourest.wordpress.com, 31.01.2015.

particulièrement atroces et racistes que l’on peut trouver sur des sites internet fascistes, mais qu’aucun journal da-nois (ni aucun autre,) n’a jamais publiées. Mahomet avec des cornes tenant entre ses mains des petites filles, avec pour sous-titre Mahomet pédophile. Une photo (…) mon-trant un homme avec une tête de cochon légendée ainsi  : « Voici le vrai visage de Mahomet ». Et le monde musulman s’enflamma avec haine contre le monde occidental, à partir de ce montage scandaleux, un faux, une sorte de « proto-coles des humoristes du Danemark » complètement bidon, presqu’en écho au faux antisémite des «  Protocoles des Sages du Sion »…afin de faire taire toute critique de l’Islam dans son visage intégriste. D’autres journaux dont Charlie Hebdo décidèrent alors de publier les dessins originaux du journal danois, par solidarité — vous savez cette solidarité et ce courage qui font souvent défaut et que nous, en tant que Juif, nous réclamons souvent de la part des autres face à l’antisémitisme.

Ne fallait-il pas publier ces dessins satiriques ? Pour-quoi aurait-il fallu en France, État de droit avec des tribu-naux, accepter de se soumettre à une autre loi que la loi fran-çaise ? Les instances musulmanes et islamistes sont allées en procès en 2007 et elles ont perdu. «  Dans une société laïque et pluraliste, le respect de toutes les croyances va de pair avec la liberté de critiquer les religions, quelles qu’elles soient (…). Charlie Hebdo «  a clairement revendiqué un acte de résistance à l’intimidation et de solidarité envers les journalistes menacés ou sanctionnés. (…)». Le journal n’a pas, selon les juges, cherché à « offenser » l’ensemble des musulmans, mais à apporter sa contribution à un « débat d’idées sur les dérives de certains tenants d’un islam inté-griste » et « violent ».». 5

Pourquoi aurait-il fallu accepter une lecture fonda-mentaliste et intégriste de l’Islam alors même qu’il est traversé par des courants divers ? Faut-il rappeler que les Chiites acceptent la représentation de Mahomet, prophète de l’Islam et de certains de ses disciples ? La bibliothèque de l’Université d’Edimbourg, par exemple, possède un manus-crit persan daté de 1307 où l’on retrouve des représenta-tions du prophète. Et que les Sunnites au travers de leurs courants fondamentalistes comme le wahhâbisme ou le sa-lafisme, la refusent-ils ? Faut-il rappeler que ce ne fut pas toujours le cas dans l’Islam sunnite, comme le relève encore Sophie Makariou, spécialiste des arts de l’islam. Ainsi le Musée du Louvre possède un manuscrit de l’époque otto-mane, le Siyar-i Nabi, « la vie du prophète » (…) écrit au IX

5 Christophe boltanski, « Procès Charlie : Les caricatures de Mahomet relaxées », Libération, 23.05.2007.

Ne fallait-il pas publier ces dessins satiriques ? Pourquoi aurait-il fallu en France,

État de droit avec des tribunaux, accepter de se soumettre à une autre loi que la loi française ?»

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siècle et (…) une copie réalisée au XVI siècle (…) évoquant « le Miracle des abeilles »; on voit Ali, le gendre du Pro-phète et son oncle Abbas s’adresser à un groupe de fidèles. Ils ont le visage découvert » 6.

Faut-il, enfin, rappeler qu’il est vain d’appeler les musulmans démocrates à s’exprimer si d’un autre côté, les démocrates non musulmans courbent eux- même l’échine devant une lecture intégriste qui n’accepterait aucune contestation ou diversité de lectures  ? Car soulignons-le encore, ce ne sont pas les musulmans mais l’usage inté-griste et dévastateur de l’Islam qui est visé.

De la nécessité de respecter la loi du pays pour un vivre ensemble

«  La loi du pays est la loi  », cet adage talmudique a servi de viatique au peuple juif qui a traversé les siècles et les pays dont les Juifs sont devenus, depuis la Révolution française, un peu partout, les citoyens. C’est la règle d’or, accompagnée de cette autre injonction talmudique de darké chalom, recherche de la paix, d’un pacte social pour un vivre ensemble dans des États de droit (voir respectivement, par exemple, les traités Baba Batra 54a et 55b et Guittin 61 du Talmud de Babylone). Elle est exemplaire. La défense du nom de Dieu ou de sa foi ne se fait pas dans l’assassinat d’autrui. C’est élémentaire. Et la tradition juive, nous met en garde contre ceux qui, en apparence défendraient l’hon-neur de Dieu et seraient en fait les véritables blasphéma-teurs. Le rabbin Delphine Horvilleur cite l’interprétation du midrach Tanhouma sur Lévitique 24;11 au sujet de cet homme qui blasphéma le Nom (de Dieu) en s’étonnant que les pains dits de préposition déposés sur une table, dans le sanctuaire portatif (michkan) en l’honneur de Dieu ne soient remplacés que d’un shabbat à l’autre. « Car à ses yeux, Dieu méritait mieux que cela (…). La faute du blasphémateur selon nos Sages (…est ) de s’imaginer que Son Honneur dépend d’un peu d’eau et de farine (…). Le blasphémateur, en se levant pour venger son Dieu si grand, le rend précisément tout pe-tit et sans envergure ». 7

Me revient à l’esprit cet épisode biblique où Sarah voyant Ismaël rire avec son fils Isaac, exige qu’Abraham chasse Ismaël, son autre fils ainsi que sa mère Agar. Sarah aurait vu notamment, dans ce rire les germes d’un meurtre nous dit le Talmud (traité Rosh Hashana 18a) rapporté par le commentateur Rachi sur ce verset (Genèse 21  ;9) N’est-il pas tragiquement paradoxal (ou étrange) que des siècles plus tard, dans une vision narrative symbolique (j’insiste), certains descendants de l’Ismaël biblique usent de meurtre à l’encontre d’un journal satirique qui, dans le meilleur des cas, ne faisait que faire… mourir ou grincer, certains, de rire?!

Le rire se décline lui-même de plusieurs façons, pris dans une littéralité, il mène au meurtre ou à la haine, soit

6 bernard Genies, « Représentation de Mahomet : l’Islam a perdu de vue sa propre histoire », dans bibliobs.nouvelobs.com/actualites, 17.01.2015.

7 Delphine Horvilleur, « Qui blasphème ? », chronique sur RCj mis en ligne sur Tenoua.org, 09.01.15

parce que ceux qui l’entendent ne le supportent pas comme ce fut le cas ici. Soit parce que ceux qui rient (le public du « maudit » M’bala dit Dieudonné) risque d’être enclin à as-sassiner symboliquement, dans la détestation, ou l’insulte, parfois réelle, les sujets même du rire ; le plus souvent les Juifs dans les spectacles déplorables de l’antisémite sus-mentionné condamné à plusieurs reprises pour antisémi-tisme en France. C’est d’ailleurs l’occasion de relever, que, toujours en France, la liberté d’expression a ses contours et ses limites. Ainsi l’on peut rire des intégristes de diverses religions voire de certains aspects de ces dernières, sans qu’aucun délit de blasphème ne soit convoqué, nous l’avons déjà souligné, mais il est interdit d’inciter à la haine raciale contre des individus ou un peuple…Comme il est interdit de contester des crimes contre l’humanité. On peut com-prendre alors qu’il est possible d’être condamné pour né-gation de la Shoah, pour antisémitisme ou pour racisme à l’encontre de musulmans mais non pour avoir représenté Mahomet ou dénoncer les attentats, meurtres et horreurs, que font les intégristes en son nom 8.

Il a été insupportable aux meurtriers, et toujours à d’autres qui n’en pensent pas moins, que l’intégrisme mu-sulman (ou autre) soit dénoncé par des dessins.

Je souhaite dire à nouveau les noms de celles et de ceux qui sont tombés sous la haine meurtrière à cause de leur nom juif ou de leur plume, parfois des deux comme Wolins-ki, 80 ans ou Lise Kayat, 54 ans,la psychanalyste dont cha-cun s’accordait à dire qu’elle était pleine de vie et hors du commun dans son souci d’autrui … et que je regrette de ne pas avoir eu le mérite de connaître. Les caricaturistes, mais aussi les autres, là par hasard ou dans le cadre de leurs fonc-tions ainsi que les victimes juives de l’Hyper Cacher : Frédé-ric Boisseau, Agent de maintenance, 42 ans, Franck Brinso-laro, 49 ans, policier chargé de la protection de Charb, Jean Cabut, dit Cabu, 76 ans, Stéphane Charbonnier, dit Charb, 47 ans, dessinateur et rédacteur en chef, Philippe Honoré, dit Honoré, dessinateur, 73 ans, Bernard Maris, journaliste et économiste, 68 ans, Ahmed Merabet, policier au com-missariat du XIe arrondissement de Paris, 41 ans, Musta-pha Ourrad, correcteur à « Charlie Hebdo », 56 ans, Michel Renaud, invité de la rédaction, fondateur du festival Ren-dez-vous du Carnet de Voyage, 69 ans, Tignous, de son vrai nom Bernard Verlhac, dessinateur, 57 ans. Clarissa Jean-Philippe, policière municipale, 26 ans, Yoav Hattab, 21 ans, étudiant, fils du Grand Rabbin de Tunis, Yohan Cohen, 22 ans, employé du supermarché Hyper Casher, Philippe Bra-ham, 45 ans, cadre commercial dans une société de conseil en informatique Michel Saada, 64 ans, cadre supérieur à la retraite. Car toutes ces victimes ont été enlevées à leurs vies, à leurs familles, à leurs descendants -ceux qui existent et ceux qu’ils auraient pu avoir- et ils nous ont été enlevé à nous aussi. C’est pourquoi, avec d’autres, j’ai manifesté à Montréal, le 18 janvier en exprimant « Je suis Charlie. Je suis Juif/ve ».

8 Voir à ce sujet, Damien Leloup et samuel Laurent, « Charlie, Dieudonné… : quelles limites à la liberté d’expression ? », Le Monde, 14.01.2015

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POUR UNE RELECTURE DES ÉCRITURES

« Dans les religions monothéistes, la morale naturelle est renforcée du fait qu’elle est assumée par l’Être suprême : l’homme étant fait à l’image de Dieu, toucher à une personne c’est attenter à Dieu même »

DAVID BENSOUSSAN Auteur de l’ouvrage Le livre d’Isaïe : lecture commentée, aux Éditions Du Lys1

PHOTO ARCHIVES BLOOMBERG

Voltaire faisait la différence entre la religion natu-relle (innée) qui selon lui, a mille fois empêché des citoyens de commettre des crimes et la religion

« artificielle » qui encourage à toutes les cruautés qu’on exerce de compagnie, conjurations, séditions, brigan-dages, embuscades, prises de villes, pillages et meurtres, chacun marchant gaiement au crime sous la bannière de son saint. Il déplorait que chaque chef des meurtriers (chefs de guerre) fasse bénir ses drapeaux et invoque dieu solennellement avant d’aller exterminer son prochain.

Dans bien des grands empires païens de l’Orient an-cien, la soif des conquêtes était une façon d’honorer les dieux. Par la suite, les religions elles-mêmes ont été le porte-drapeau de plusieurs guerres. Il est donc naturel de se demander si l’humanité se porterait mieux sans elles. Il est vrai que l’emprise de la religion sur les esprits et les cœurs peut être fascinante. Par ailleurs, la religion naturelle ne garantit pas le non recours à la barbarie ; en effet, il faut garder à l’esprit que la barbarie humaine qui ne s’est pas prévalue de la religion a été également la cause de grands massacres : à eux seuls, le nazisme et le communisme ont été à l’origine de la perte de plus de cent millions d’âmes au XXe siècle.

Dans les religions monothéistes, la morale natu-relle est renforcée du fait qu’elle est assumée par l’Être suprême  : l’homme étant fait à l’image de Dieu, toucher à une personne c’est attenter à Dieu même. Et de fait, la religion a parfois tempéré les instincts barbares : il en a été ainsi au Moyen-âge, où le jour du Seigneur, on arrêtait de faire la guerre.

Les Écritures ont canalisé les besoins spirituels de l’homme et ses attentes du divin. Pourtant toutes les Écritures contiennent des passages difficiles. Ainsi, dans le livre du Deutéronome, il est prescrit aux Hébreux de ne pas faire grâce aux habitants des villes conquises. Selon Mathieu, le Christ ne serait pas venu apporter la paix, mais le glaive. Dans le Coran, il est prescrit de combattre les incroyants jusqu’à ce que la sédition soit anéantie et que toute croyance devienne celle d’Allah.

Les lectures fondamentalistes des Écritures étouffent la religion innée. Le plus clair du temps, le leadership reli-gieux est prisonnier du texte qu’il ne veut pas relativiser. Pourtant, lorsque les Écritures contredisent la morale, l’hu-manité se doit de prendre ses distances par rapport à elles. De grands penseurs religieux juif, chrétien et musulman, appartenant respectivement à des dénominations met-tant en avant la loi, la foi ou la soumission, en sont arrivés à cette conclusion : les Écritures sont là non pour asservir l’esprit, mais pour le servir. Pour Maïmonide, la centrali-té de l’intellect vise l’acquisition de valeurs morales; pour Thomas d’Aquin, si nous résolvons les problèmes de la foi par la seule voie de l’autorité, nous posséderons certes la vérité, mais dans une tête vide ; pour Averroès, si les Écritures contredisent la raison, il y a tout lieu de les interpréter.

Les Écritures ont leur utilité et offrent un confort mo-ral et spirituel. Mais vient le moment où la conscience doit supplanter les Écritures et remettre Dieu à sa place.

1. L’ouvrage Isaïe-lecture sera lancé le 29 mars à 19 h à la Bibliothèque Juive de Montréal

LA PResse - PUbLIÉ Le 27 jANVIeR 2015

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LA LIBERTÉ D’EXPRESSION

DANS LE CONTEXTE NORD-AMÉRICAIN

Entretien avec M. John Parisella

Monsieur John Parisella est professeur invité au CERIUM ( Centre d’Études et de Recherches internationales de l’Université de Montréal) il a été également chef de cabinet de deux Premiers Ministres du Québec, Robert Bourassa et Daniel Johnson. Il est également pro-fesseur associé à L’ENAP (École Nationale d’Administration Publique)

La notion de liberté d’expression a pris une connotation particulière à la lueur des récents attentats contre le magazine Charlie Hebdo. Peut-on vraiment, en se protégeant derrière cette notion, tout dire même lorsqu’il s’agit de critiquer les religions ou au contraire doit-on s’imposer des limites ?

Je considère que l’on peut entrevoir la liberté d’expression à deux niveaux : soit comme un absolu qui donne le droit de tout dire sans contraintes, soit comme une valeur et un droit individuel. Je penche plutôt puisque l’on vit en société, pour la deuxième approche. Il faut trouver un certain équilibre, un discernement. On ne peut pas par exemple dans certaines sociétés valoriser certains actes ayant eu lieu dans le passé je pense notamment aux génocides en se prévalant de la liberté d’expression. Il doit donc y avoir des limites. Ceci dit il faut que certaines limites soient l’exception et non la règle.

Dans un tout autre contexte, un exemple me vient à l’esprit : celui de Skoki dans la banlieue de Chicago où, dans les années 70, les néo nazis avaient décidé de tenir une marche dans un quartier juif. Il y eut des injonctions, mais la marche eut lieu malgré tout grâce à l’intervention de L’American Civil Liberties Union (ACLU) dont la plupart des membres étaient des juifs. Quand une idée est mauvaise il faut la contrer par des meilleures idées. Il y a toujours cette possibilité d’aller devant les tribunaux. Dans une démocratie il y a 2 axes : la protection des minorités et la primauté du droit.

Je partage cette idée, s’il n’y a pas d’apologie de la violence ou d’incitation au meurtre. La liberté d’expression doit permettre de dire ce que l’on pense quitte à faire face aux tribunaux. La liberté d’ex-pression et la règle de droit doivent demeurer la règle

Dernièrement il y a eu le cas de l’Imam Hamza Chaoui à qui il a été refusé un permis d’ouvrir un centre communautaire en raison des propos qu’il avait tenus sur les femmes, les homosexuels et la démocratie. L’avocat Julius Grey a laissé entendre que même si les propos de l’imam étaient en opposition avec ses valeurs, il n’y voyait aucune incitation à la haine ou à la violence et que par conséquent on avait porté atteinte à sa liberté d’expression.

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Le problème de la sécurité est complexe car comme vous le dites le fléau terroriste est global. Le gouvernement est en quête de plus de pouvoirs pour y remédier. Il faut cependant faire davantage attention à ce que les lois ne perturbent pas notre mode de vie. Il faut se donner des règles sans tou-tefois sacrifier notre modèle de vie démocratique. S’il devient nécessaire de se donner des lois accrues pour garantir notre sécurité, il est nécessaire également d’avoir un droit de regard citoyen, c’est à dire que le gouvernement soit redevable à la population. Il est nécessaire également que chaque citoyen canadien, quelque soit son origine ait la possibilité de s’épanouir et de s’intégrer et bien sûr d’adhérer à nos valeurs.

Propos recueillis par Élie Benchetrit

J’étais d’accord avec la grande marche de solidarité avec Charlie Hebdo de la même manière que je suis comme je vous l’ai précisé, pour la liberté d’expression. Cependant si cette même liberté peut mettre en péril la sécurité des individus cela entraîne des restrictions. La presse des Étas-Unis qui est l’une des plus libres au monde s’est elle-même imposé des réserves s’agissant de la reproduction des caricatures, alors que la France qui a des lois plus contraignantes en la matière n’est pas intervenue auprès des journaux. Il faut rester assez libéral dans le sens large du mot.

C’est un débat qui mérite d’être fait. La réalité de la Shoah est basée sur des faits vérifiables, nous disposons d’une solide documentation, particulièrement allemande ainsi que des témoins de ce drame. Je peux affirmer en tant que défenseur de la liberté d’expression que dans une démocratie nous pou-vons vivre avec le point de vue d’un négationniste. La règle de droit reste un élément fondamental dans une société démocratique. Chaque pays doit composer avec ses propres réalités.

Le modèle d’intégration nord-américain est différent de celui de l’Europe. En France par exemple la laïcité est érigée en règle depuis la séparation de l’Église et de l’État en 1905. Ici, l’Église n’est pas un intervenant en ce qui concerne le choix du gouvernement ni dans les prises de décision. Nous avons des valeurs liées aux droits de la personne. Il y a évidemment des accommodements. Nos modèles d’inter culturalisme au Québec et de multiculturalisme tels qu’ils sont pratiqués visent à favoriser la diversité considérée comme une richesse, l’intégration des immigrants issus de divers milieux par le biais de l’éducation et le milieu du travail ce qui suppose une adhésion à nos valeurs. C’est une réalité « gagnante-gagnante ».

Pour revenir aux caricatures de Charlie Hebdo, il faut remarquer que contrairement aux jour-naux européens et même à la presse québécoise francophone qui avaient reproduit les carica-tures, les journaux anglophones du Canada et ceux des États-Unis se sont abstenus de le faire. Que pensez-vous de cette attitude que beaucoup de commentateurs ont jugée frileuse?

Puisque vous parlez du Droit français, celui-ci dispose d’une loi, la Loi Gayssot qui interdit le négationnisme considéré comme un délit. Certains de mes interlocuteurs, sans remettre en question la réalité de la Shoah, souhaiteraient que ce problème relève plutôt de la compétence des historiens. Nous ne disposons pas au Canada d’une telle loi et on se remet à la Charte Québécoise ainsi qu’à la Charte Canadienne. Quelle est votre position à ce sujet ?

La radicalisation des jeunes canadiens peut-elle se comparer à celle que l’on constate en Europe et tout particulièrement dans les banlieues en France ?

Face à la menace terroriste qui est devenue globale, le gouvernement de M. Stephen Harper a fait voter la loi C-51 qui vise à donner plus de pouvoir aux services de renseignements cana-diens ainsi qu’aux forces de l’ordre. Certains partis d’opposition y voient un danger pour les libertés individuelles. Partagez-vous cette perception ?

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Au cours des ans, mes activités professionnelles m'ont amenée à plusieurs reprises au Moyen-Orient, en particulier au Liban, ce pays étant membre fondateur de l'Organi-sation internationale de la Francophonie. À chaque fois, je me disais que je devrais,

un jour, aussi visiter Israël. Mes amis juifs de France et d'ici ne manquant d'ailleurs aucune occasion pour m’inciter à combler cette lacune.

C'est ainsi que j'ai décidé au printemps dernier, de Paris où je travaillais pour la Francopho-nie, de me rendre en Israël, en toute liberté et hors des contraintes de temps qu'imposent les voyages officiels. J'ai réservé, pendant 15 jours, un appartement au cœur de Jérusalem. Je suis bien tombée : l'appartement, dans un charmant petit immeuble construit à la fin du XIXième siècle pour loger les immigrants venus en particulier des Balkans, était situé juste à côté du grand mar-ché Mehane Yehuda, à la limite des quartiers de Nachlaot et de Mea Shearim, à quatre stations de tramways de la vieille ville. Pour qui habite près de la rue Durocher le voisinage des ultraortho-doxes n'était pas trop dépaysant!

J'ai donc eu la chance de visiter Jérusalem de long en large en prenant tout mon temps : vieille ville et son inextricable foisonnement (pour ne pas dire empilement) de lieux de cultes, mont du temple, Jérusalem Est, ville moderne, quartiers branchés, sympathiques (et délicieux) restaurants et cafés, rues animées. Et bien sûr, visite déchirante du mémorial Yad Vashem.

Sur le plan touristique, Jérusalem est une ville passionnante. Mais au-delà, je me suis évi-dement attardée à la politique et aux faits sociaux d'Israël, avant mon départ par la lecture de quelques ouvrages, pour moi incontournables, notamment ceux de Charles Enderlin et de Régis Debray, puis quotidiennement par celle du Jerusalem Post et de la version anglaise de Haaretz pour constater combien le débat d'idées est vivant en Israël et la liberté de presse bien présente. Lectures enrichies, grâce à Richard Marceau et Daniel Amar, de la rencontre de quelques jour-nalistes, d'une formidable jeune guide, Pauline Kelif qui nous a accompagnés toute une journée, ainsi que de Franck Azoulay.

LAÏCITÉ SANS FRONTIÈRES

LOUISE BEAUDOIN ANCIENNE MINISTRE

»«le débat d’idées est vivant en Israël et la liberté de presse bien présente

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Je me suis aussi rendue à Ramallah, accompagnée d'un ami québécois d'ori-gine palestinienne de passage dans la ré-gion, et à Bethléem, si proches et faciles d'accès (du moins pour un touriste) de Jérusalem.

De tout cela, la vision d'Israël et de ses rapports avec ses voisins Palestiniens que j'avais avant mon départ s'est natu-rellement nuancée, précisée, étoffée.

Ce qui m'a frappée en premier lieu, c'est l'éloignement croissant de la pers-pective de la paix entre Israéliens et Pa-lestiniens. La plupart des observateurs ainsi que la communauté internationale s'accrochent à l'idée de deux États sur une même terre mais sur place cette idée m'a semblé de moins en moins concrè-tement praticable. Un article paru dans Haaretz pendant mon séjour m'a aussi fait comprendre le fossé qui sépare la po-litique des États-Unis de la réalité vécue sur le terrain. Ce qui m'a frappé davan-tage encore c'est la montée en puissance du fait religieux dans toute la région, son emprise sur la vie politique israélienne et, en corollaire, ce qui me paraît être la fin de l'Israël que ses fondateurs avaient rêvé, c'est à dire un État laïc.

À mon retour au Québec je me suis replongée dans notre propre débat sur la laïcité qui ne peut, selon moi, être dis-socié de celui de notre manière de vivre ensemble. Ni non plus de la réponse poli-tique à donner aux récents attentats ter-roristes islamistes commis à Ottawa, St Jean sur Richelieu, Paris, où des juifs ont été tués parce que juifs, Sydney, et ne l'oublions pas, partout dans le monde, du Pakistan au Nigeria.

Au delà de mesures policières ou en matière de sécurité et de renseignement, il nous faut agir résolument sur plusieurs fronts. Au lieu de chercher midi à qua-torze heures, pourquoi ne pas s' inspirer du projet de loi, intitulé: « Loi sur la neu-tralité de l'État et la lutte contre l'inté-grisme religieux » ? Ce projet de loi, qui porte le no 491, a été présenté à l'Assem-blée nationale par l'ancienne députée

Fatima Houda-Pépin en février dernier, alors qu'elle venait d'être exclue du cau-cus libéral précisément sur cette question.

Ce projet de loi a beaucoup de mérite: il propose entre autres la création d'un Centre de recherches-actions menées sur le terrain « afin d'identifier et de docu-menter les manifestations d'intégrisme religieux basées sur l'instrumentalisation des religions ou sur un code d'honneur ». Il faut, en effet, d'abord savoir de quoi l'on parle exactement, être mieux infor-més, de manière objective et non parti-sane, mieux connaître les menaces, mieux combattre la radicalisation qui mène au fanatisme et en fin de compte au terro-risme qui depuis 2001 et les attentats de New-York a un nom et un visage : Al-Qaï-da, Daesh, etc. Ce Centre serait placé sous la responsabilité du Premier ministre. Par ailleurs cela fait huit longues années que, depuis la mise en place de la Com-mission Bouchard-Taylor, du dépôt du projet de loi 94 de la ministre Katlheen Weil jusqu'à la proposition de la Charte du PQ, nous discutons sans aboutir à quoique ce soit de concret et significatif. Le temps du nécessaire compromis est, à mon avis, arrivé. Ce compromis doit re-poser sur un certain nombre de principes inaliénables particulièrement en ce qui concerne l'égalité entre les hommes et les femmes. Nous avons, en outre, à éta-blir sans l'ombre d'un doute que la loi qui prime dans notre vie publique collective est celle que votent les élus, la loi de la souveraineté populaire, la démocratie.

Le gouvernement actuel a la res-ponsabilité de rapidement soumettre aux citoyens un projet et des mesures à la hauteur des défis, des enjeux qui sont les nôtres ainsi que de la situation nationale et internationale. Les députés de l'As-semblée nationale ont la rare occasion de faire l'Histoire pour que , tous ensemble, nous Québécois qui formons cette nation plurielle majoritairement francophone, nous disposions d'un indispensable ou-til pour mieux vivre- ensemble pour les prochaines décennies, un outil qui fasse ressortir ce qui nous rassemble malgré toutes nos différences.»

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La manifestation du 11 janvier à Paris était digne d’une caricature de Charlie-Hebdo. Elle vit les chefs d’états du Qatar, de la Turquie et de l’Arabie saoudite ou leurs

émissaires marcher cote-à-cote avec leurs homologues oc-cidentaux en faveur de la liberté d’expression. Quelle farce ! Mais cette triste collision des tenants d’une religion liber-ticide avec les héraults de la liberté nous force à rappeler succinctement ce qu’est la liberté d’expression.

La liberté d’expression, ce n’est pas la liberté de redire ce sur quoi tout le monde est d’accord. Où est l’intérêt à le faire, où est le courage, où est la liberté dans ce cas ? Un musulman clamant tout haut à la Mecque que le coran est un livre merveilleux ne sera pas condamné à mille coups de fouet, mais s’il exprime un doute sur sa prétendue origine divine, malheur à lui.

La liberté d’expression n’a de sens que dans la contro-verse, les évènements le prouvent. En France, les cadavres étaient encore chauds que François Hollande et l’ineffable Dalil Boubaker s’empressaient de déclarer que les assas-sins n’avaient rien à voir avec l’islam, que cette religion était une religion de paix. Idem avec Georges Bush (attentat des Twin Towers 2001), Tony Blair (attentat dans le métro de Londres), José Maria Aznar (gare centrale de Madrid) Jacques Chirac à de nombreuses reprises, etc. Ces leaders ont le droit d’exprimer leur opinion bien qu’ils mentent délibérément en déclarant que puisque l’immense majorité des musulmans en occident n’a pas de sang sur les mains, c’est donc la preuve que l’islam est une religion de paix. Ou bien, soyons charitables, pensent-ils poser un geste per-formatif – le simple fait de dire une chose la rend réelle, comme lorsque un officier d’état civil dans le cadre de ses fonctions déclare deux personnes unies par le mariage. Certes la majorité des musulmans n’ont rien à voir avec les assassinats, mais les assassinats ont tout à voir avec l’is-lam. La liberté d’expression, ici consiste à contredire les mensonges officiels, tant de nos gouvernants que des diri-geants musulmans.

La liberté d’expression part d’un principe simple : au-cun tabou qu’il soit religieux, politique, idéologique, social, artistique, scientifique ou moral, bref aucune idée ne peut prétendre être à l’abri du pouvoir inquisiteur de la raison ou tout simplement de l’opinion, informée ou non de tout être humain. La seule limite est la diffamation d’individu

ou l’appel à la haine à l’encontre de groupes précis de per-sonnes. En démocratie depuis les Lumières, il ne peut exis-ter de dépôt sacré, c’est-à-dire interdit d’examen. C’est pourquoi, je suis contre les lois mémorielles sur la Shoah. La vérité ne se légifère pas !

La liberté d’expression, jamais un état naturel dans aucune société humaine, ne fut acquise en occident au cours des siècles qu’à la suite de batailles souvent sanglantes et de révolutions. Son statut demeure précaire aujourd’hui comme hier, toujours menacé même dans nos démocraties, même aux États-Unis où elle jouit de la plus haute protec-tion constitutionnelle. Mais voilà, la liberté d’expression peut être limitée au nom de l’intérêt public. Tous les États démocratiques se sont servis à un moment ou un autre de leur histoire de cette échappatoire pour bloquer la libre dif-fusion d’informations qu’ils voulaient garder secrètes, em-pêchant du coup le libre examen démocratique.

Par essence, aucun pouvoir, du plus simple au plus ab-solu, pouvoir familial, pouvoir religieux, pouvoir politique, n’aime réellement la liberté d’expression car celle-ci intro-duit une autre parole que la sienne, nécessairement contes-tataire, car sinon elle ne relèverait pas de la liberté mais serait soit un simple écho, soit de la flagornerie. Histori-quement, les pouvoirs politique et religieux, revendiquant le monopole de la force militaire et celui des injonctions cé-lestes (l’alliance du sabre et du goupillon) ont violemment réprimé cette force plus subtile mais étonnamment efficace, la parole libre. Lorsqu’une parole divergente s’exprime, le pouvoir est forcé de se justifier, les idées de changer, les mœurs d’évoluer, la morale de se transformer. Mais ce n’est jamais facile ; en France, pays de la liberté, un ministre de l’éducation nationale eut l’audace de tancer le professeur de philosophie Redeker, pour avoir publié un article dans Le Figaro sur la nature violente de l’islam, l’accusant « d’ir-responsabilité » parce que son opinion dérangeait les fous d’Allah et qu’il devait dès lors être sous protection policière continue. Un autre ministre Laurent Fabius eut l’outrecui-dance d’accuser Charlie-Hebdo de mettre de l’huile sur le feu par ses caricatures, oubliant qu’un des fondements de la République n’était autre que le droit inaliénable de tout citoyen de dire crument ou pas ce qu’il pense. Mais, c’est un fait, les pouvoirs en place, politique ou religieux, attendent de tous et chacun une parole « responsable » dans l’arène publique, une parole qui ne dérange pas. Quel oxymore, car

LE BLASPHÈME, C’EST SACRÉ !

LÉON OUAKNINE AUTEUR

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que signifie une parole « responsable » si elle ne remet pas en question, au besoin brutalement, la doxa du moment, si elle ne conteste pas par exemple les fondements coraniques meurtriers des pratiques de l’islam, dont la virulence ne s’est pas atténuée à contrario des pratiques du judaïsme et du christianisme. Il n’y a pas de liberté d’expression sans le pouvoir d’offenser, sans le pouvoir de blasphémer. Tous ceux qui contestent cette nécessaire «  irresponsabilité  » sont en fait objectivement des ennemis de la liberté d’ex-pression.

Nos droits et libertés dépendent de notre liberté d’être informé et celle-ci dépend à chaque époque du courage de quelques individus risquant leur vie et leur réputation pour informer et démentir au besoin les discours officiels, l’opi-nion commune ou les vaches sacrées du politiquement cor-rect, le cancer de nos démocraties. On pourrait même avan-cer que la liberté d’expression est la condition de toutes les autres et que sans elle, la déclaration universelle des droits et libertés ne serait que virtuelle.

La liberté d’expression, qui inclut le droit de blasphé-mer est un acquis merveilleux des Lumières et personne ne songe vraiment à la museler, sauf les leaders musulmans partout dans le monde. Le délit de blasphème n’existe plus en droit depuis belle lurette, les seuls qui redemandent année après année à L’ONU sa criminalisation, sont, quelle surprise, les 57 pays musulmans de l’OCI.  Pourquoi une telle dissonance de la part non seulement des pays de mou-vance islamique mais aussi d’une très large fraction des musulmans dans nos pays vis-à-vis d’un droit ancré dans nos traditions. Comment expliquer l’intensité de la rage musulmane face aux caricatures et plus généralement face au blasphème ? Ici, pour faire simple, rappelons deux véri-tés élémentaires. La première est qu’il n’y a pas de société sans mouvements, sans contradictions, sans conflits. Pour continuer d’exister les sociétés ont besoin de repères fixes, des choses qui ne bougent pas, des certitudes absolues qui ne seront jamais remises en question, ce sera le rôle du sacré, essentiellement religieux mais pas seulement, ainsi en est-il de la sacralité d’une mère. Le sacré est la garan-tie d’un ordre immuable, à l’épreuve du temps et de toutes les vicissitudes de l’existence, à partir duquel on ordonne et réglemente la vie. La deuxième vérité, autre itération de la première est que la psyché humaine ne peut exister sans

structures. Lorsque celles-ci disparaissent, on est débous-solés, apeurés. Pour donner un exemple simple, lorsqu’on est sur un balcon au 20ème étage d›un immeuble, on peut se tenir à 5 cm du vide sans appréhension, parce qu›on voit la balustrade. Enlever la balustrade sans modifier votre posi-tion et la plupart d›entre nous serons saisis d›un sentiment irrépressible de panique face au vide. Notre psychisme est ainsi fait, on a besoin de balustrades, d›encadrement, de structures visibles et de structures invisibles (incons-cientes) qui nous rassurent face au chaos, aux dilemmes du présent, aux imprédictibilités de l›avenir, incluant pour les esprits les plus inquiets, des garanties sur l’au-delà spiri-tuel. Ces structures maintiennent l’intégrité du psychisme en faisant sens du monde. Mais ces structures qui se forgent durant l’enfance, reposent dans les sociétés tradition-nelles presque toutes sur des énoncés sacrés, donc inter-dits d’examen. L’identité se construit ainsi en grande part sur le religieux. En occident, la religion demeure toujours chez beaucoup une dimension de l’identité mais elle n’est plus son cœur vital depuis que l’usage de l’esprit critique a réduit l’influence des traditions. Par contre, pour l’im-mense majorité des musulmans, la religion et notamment la figure de Mahomet comme messager de l’absolu demeure un impensé catégorique, car le doute est spécifiquement interdit par les textes. Attaquer Mahomet, c’est comme arracher la balustrade du balcon lorsque vous êtes au 20ème étage. Toute critique de la religion musulmane est dès lors perçue comme un coup de poignard, une négation de ce qui fonde l’identité et même l’être du musulman, d’où une rage incontrôlable et folle, de surcroît antisémite sans complexe. Mais doit-on toujours excuser un comportement meur-trier, en le qualifiant de dérangement mental d’individus, alors que sa logique est si évidente, alors que ses effets de sidération des esprits sont manifestes ? Sommes-nous res-ponsables de l’incapacité de l’islam à se réformer, à accep-ter enfin le droit de tout individu à s’exprimer librement ? L’erreur mortelle de l’occident est de chercher l’apaisement sous prétexte que toute défense de soi pourrait être perçue comme islamophobe. Quelle folie. Peut-être est-il temps de prendre acte qu’un ennemi aux ambitions messianiques veut vraiment nous dicter sa loi. « Si vis pacem, para bel-lum », Manuel Valls, le premier ministre français n’a pas dit autre chose dans son dernier discours.

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La vie contre les pulsions mortifères de la société

À l’heure où le terrorisme cible les français de confession juive, quel est l’avenir d’une présence juive en france ? Le Grand rabbin de France, Haïm Korsia, invite à choisir l’effort et l’espoir pour fortifier notre démocratie.

Le réveil des silencieux. Il y a une grande phrase d’Einstein  : « Le risque n’est pas simplement le mal que les méchants peuvent faire, mais encore le silence des justes. » Et là, il y avait ces justes, qui se taisaient, se terraient, et qui se sont exprimés en marchant, dans un silence fait de respect et de dignité, sans slogan. Ce silence a dû ressembler à celui, tel que je l’imagine, de la marche du 28 août 1963 à Washington, autour du pasteur Martin Luther King. Il s’est accompli un réveil de la conscience de ce qu’est la France.

Assez rapidement, l’unanimité derrière cette marche s’est toutefois dissoute.

Oui, notre culture est la culture du débat. Nous ne pouvons pas être d’accord, sinon nous ne serions pas français ! Donc débattons, oui, avec fraternité.

C’est simple : la loi dit oui, c’est oui ; la loi dit non, c’est non. En France, la loi autorise à se moquer du religieux et des religieux. Nous sommes moqués, caricaturés… et alors ? On ne lit pas, c’est tout. Par ailleurs, permettez-moi d’évoquer un récit, justement, religieux. Dans un passage du Pentateuque (Nombres, 13), Moïse envoie des explorateurs vers la Terre promise. Ils reviennent en décrivant un pays formidable, où coule le lait et le miel… mais, disent-ils, le peuple là-bas est si grand, si fort, que ni nous ni Dieu ne pourrons rien contre lui. À cause de ce « mais », de la réaction du peuple qui se met à pleurer, les Hébreux erreront quarante ans dans le désert, et la génération qui s’est lamentée n’entrera pas en Terre promise. Elle n’était pas prête. En affirmant que la liberté d’expression existe, mais… vous l’avez déjà contredite. Si votre mari vous dit : « Je t’aime, mais ta mère, je ne la supporte pas », vous vous braquez tout de suite. Si vous aimez quelqu’un, même la belle-mère vous l’avalez. Si l’on commence à dire « Oui à la liberté d’expression, mais… », elle n’existe plus. Ce qui importe, c’est la loi. Nous sommes un État de droit, nous avons cette chance. Les juges disent que c’est permis – ça l’est. Ils disent que ce n’est pas permis, ça ne l’est pas. C’est simple.

Quelle signification la mobilisation de la France, le 11 janvier dernier, revêt-elle à vos yeux ?

Vous-même, au cœur du débat actuel sur la définition de la liberté d’expression, quelle position adoptez-vous vis-à-vis de la moquerie à l’égard du sacré ?

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Deux cents cas sont remontés, quarante ont été déférés au Parquet. La ministre de l’Éducation a eu le courage de les traiter. Elle prévoit désormais un plan d’action axé autour de la fermeté. Car le rôle de l’école est aussi d’enseigner les limites, de définir ce qui est permis, ce qui est interdit. L’école publique doit se réapproprier cette capacité à fixer les limites par l’autorité, par les valeurs partagées, par le res-pect de l’enseignement du programme. Ainsi faut-il enseigner de la même façon l’histoire des Hébreux en classe de 6e, celle de l’islam en 5e, de la Shoah plus tard. On ne doit pas moduler son cours en fonction du lieu où l’on se trouve. Les enfants d’aujourd’hui sont la génération de demain. Un petit garçon de 8 ans qui tape une élève de sa classe lorsqu’il apprend qu’elle est juive – c’est arrivé en décembre dernier – pourrait bien hurler dans dix ans « Mort aux juifs ! » dans les rues, comme on l’a entendu au cours de l’été dernier. Alors, entendons enfin le cri d’alerte des auteurs des Territoires perdus de la République (Éditions des Mille et Une Nuits, 2002) ! Nous nous réveillons brusquement, mais voilà quinze ans que l’on nous parle d’une nouvelle vague d’antisémitisme. Cessons de nier les choses !

L’école, à qui l’on a beaucoup demandé, doit revenir à ses fondamentaux, c’est-à-dire l’élévation des petits. Quand un enfant dit « non », il faut l’amener à faire quand même. Certes, je le comprends, la passivité est plus simple, il est plus évident de céder. Voyez ce que dit à ce sujet la Bible, sur le fils rebelle (Deutéronome, 21) : « Si un homme a un fils dévoyé et rebelle, qui n’écoute pas la voix de son père et la voix de sa mère, et qu’ils le corrigent mais qu’il ne les écoute pas, son père et sa mère se saisiront de lui et le conduiront vers les Anciens de sa ville. » Et il sera décidé de le lapider. Le Talmud affirme que cette punition n’a jamais été effectuée et ne doit évidemment pas l’être ; il s’agit en fait simplement d’un appel fort à la communauté éducative des parents. (Dans le judaïsme, les commandements de la Bible ne sont jamais appliqués tels quels, sans interprétation talmudique). Les parents doivent parler d’une même voix ; sinon, il se crée un hiatus dans lequel on comprend que l’enfant s’engouffre. En réalité, les parents ne mènent pas leur fils aux Anciens de la ville parce qu’ils savent qu’ils ont une responsabilité. Dans notre société, nous devons admettre que, tout comme le père et la mère du fils rebelle, nous par-tageons collectivement une part de responsabilité. La communauté éducative, la société, les parents, doivent faire un point sur ce que l’on propose à nos enfants, y compris en termes de limites.

La question du lieu des obsèques a été posée à chaque famille individuellement, il leur a été proposé un enterrement près de Jérusalem, au Mont des Oliviers. Nous étions si tristes pour ces familles qui souffraient dans la dignité, nous avons essayé de leur apporter notre soutien. Il n’y a pas eu de récupéra-tion. Même si, à mes yeux, on aurait pu imaginer les choses différemment. Une Marseillaise à la clôture des cérémonies d’obsèques, par exemple, puisque trois des victimes étaient françaises et qu’on a joué par ailleurs la Hatikva, l’hymne national israélien. Mais il y a eu beaucoup de dignité.

Quant au phénomène d’Alyah des juifs français [émigration vers Israël], je souhaite demander  : Qu’est-ce que le judaïsme ? Ce n’est pas le judaïsme israélien tout seul. C’est le judaïsme mondial qui se tourne vers Israël — puisque l’on se tourne en direction de Jérusalem pour prier — et apporte à l’en-semble le génie spécifique de chaque pays dans lequel il se trouve. Le génie français est celui de la langue. Qui commente l’intégralité de la Bible et du Talmud ? C’est Rachi de Troyes, un rabbin français du Moyen Âge. Notre génie de la langue, nous l’avons donné à l’ensemble du judaïsme mondial pour comprendre la Bible et le Talmud. Et aujourd’hui, ce que nous sommes, nous continuons à le donner au judaïsme mondial. Le Premier ministre dit : « La France sans les juifs de France n’est pas la France ». Je dis, moi : « Le judaïsme mondial sans ce que sont les juifs français n’est plus le judaïsme mondial. » Il lui manque quelque chose. Suite - page 54 >>>

Nous avons notre part à apporter à l’ensemble des espérances de la société. Quand le Premier ministre Français dit : « La France sans les juifs de France, ce n’est pas la France », ça a un sens.

Plusieurs enseignants ont relaté leurs difficultés à faire respecter la minute de silence après l’attentat contre Charlie Hebdo. Comment réagissez-vous ? Estimez-vous, comme on l’entend déplorer, que l’on assiste à un échec de l’école publique à former des citoyens républicains ?

Selon vous, donc, la situation n’est pas perdue, la société peut agir. En la matière, quel doit-être le rôle des institutions juives, dont vous êtes l’un des représentants ?

Les victimes de l’attentat dans le magasin Hyper Cacher ont été enterrées en Israël, où vous avez assisté à leurs obsèques. Les médias en France relaient le départ de milliers de juifs vers ce pays. Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, venu participer à la cérémonie d’hommage aux victimes tuées et à la marche du 11 janvier à Paris, a appelé les Français de confession juive à rejoindre Israël. Comment appréciez-vous cette situation ?

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52 magazine LVS | avril 2015

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Propos recueillis par Macha Fogel – publié le 21/01/2015 jforum.fr © AfP

La présence juive perdurera donc en France ?

D’un point de vue pratique, comment imaginez-vous l’avenir du judaïsme en France, en tout cas dans le domaine religieux ? Par exemple, les enfants fréquenteront-ils des écoles publiques ? Confessionnelles ?

Craignez-vous, Grand Rabbin de France, une assimilation, dans l’avenir, de la plupart des Français d’origine juive ?

Faut-il travailler encore à la formation des rabbins, des enseignants de matières juives ?

Tel est votre message : choisissez la confiance et l’espoir ?

Mais bien sûr ! D’un point de vue individuel, vous vous demandez où il est meilleur pour vous d’ha-biter, dans quel quartier, dans quelle région. Il existe plusieurs raisons pour déménager. Certains juifs se trouvent dans une situation où ils pensent qu’ils doivent quitter la France. S’ils partent parce qu’ils se sentent mal à l’aise… Eh bien, vous connaissez la fameuse phrase attribuée à Goethe : « La situation des juifs est un bon indicateur de l’état d’une société. »

C’est un choix libre de chacun. Mais 90 % des écoles juives sont sous contrat, il s’agit donc d’une partie de l’école de la République. Le privé doit aussi, je crois, être traversé par la foi en la République et en la France, et les écoles juives le sont. J’ai aussi estimé qu’avant de parler d’antisémitisme, il fallait tout de même agir sur des mouvements véhiculant quelques préjugés insupportables chez certains de nos jeunes. J’ai donc décidé, il y a deux ans, d’envoyer des imams dans les écoles juives, pour qu’il existe des temps de rencontre. Dans un autre état d’esprit, il est bon, je pense, que le fait religieux soit enseigné dans les écoles laïques, non de manière confessionnelle, mais d’un point de vue culturel, par les profes-seurs d’histoire. C’est, de fait, le cas depuis 2002. Laïcité ne signifie pas ignorance des religions. Il faut apporter la connaissance des rites des uns et des autres, pour pouvoir partager les temps de réjouissance, être des contemporains, se souhaiter aux uns et aux autres de bonnes fêtes, par exemple.

Personnellement je ne suis pas dans une lutte contre l’assimilation, je ne sais pas ce que ça veut dire. Je suis dans un combat pour transmettre le judaïsme. Ne pas transmettre l’expérience qu’on a vé-cue ou reçue, c’est la trahir. La Torah enjoint à apprendre pour enseigner, à conserver en accomplissant. Les rites ne doivent pas être gardés comme dans un musée, il faut les faire partager de manière vivante. Il faut pour cela trouver, comme dit le Talmud, la langue des hommes. Les rabbins doivent être capables de s’adapter aux situations, aux différentes personnes qu’ils vont rencontrer, et recevoir une formation pour cela.

Absolument. Le Fonds Social Juif Unifié a mis en place un programme de formation, appelé Campus. Il ne faudrait pas que l’on raconte des histoires à nos enfants, par exemple, sur une différence dans le bien que l’on devrait faire aux uns et aux autres, juifs ou non. La Torah et le Talmud ordonnent d’aimer son prochain, pas seulement son prochain juif. Il faut casser cette distance instillée par la peur, et re-construire des ponts. Il faut remettre de la confiance, d’une manière générale, dans la société française. Voilà peut-être ce que les juifs peuvent faire dans le pays : ils connaissent la confiance et l’espérance depuis 3500 ans. Il faut vivre normalement, ne pas avoir peur.

Il faut choisir la vie, c’est un verset du Deutéronome, 30 : « Vois, j’ai placé devant toi la vie et la mort, et tu choisiras la vie. » Voilà un impératif qui s’impose à nous tous les jours : choisir la vie contre les pulsions mortifères de la société. L’ensemble de la société française aspire à choisir la vie. Il faut être moteurs au sein de la société parmi ceux qui vont inspirer de l’espérance. Être heureux quand tout va bien est aisé. C’est quand la société traverse des difficultés qu’il faut accomplir l’effort de nourrir l’espoir. Oui, il y a des efforts à faire pour vivre dans la fraternité, dans la solidarité. Mais désormais, les juifs ne sont pas seuls. Nous sommes tous ensemble sur le front depuis le 11 janvier. Le risque est partagé par tous, il est donc plus léger. Il est à présent compris comme un risque pour l’ensemble de la Nation.

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MERVEILLES ET MIRAGES DE L’ORIENTALISMEDE L’ESPAGNE AU MAROC, BENJAMIN-CONSTANT EN SON TEMPS

Dans l’orientalisme du XIXe siècle se développe une curiosité ethnographique chez les artistes voyageant en Afrique du Nord. Dans le sillage de Delacroix, cette exposition nous dévoile la production riche et variée de Benjamin-Constant. Elle déploie un Orient réel et rêvé à travers le prisme du folklore dans l’Espagne mauresque et dans le Maroc des chérifats. Cette importante exposition révèle aussi les tableaux d’artistes de son temps, de Delacroix à Gérôme. Nous retrouverons la « beauté hébraïque » avec des tableaux évoquant les femmes bibliques ainsi que des figures juives du Maroc. La CSUQ s’associe à cette première internationale et vous propose un programme culturel riche et varié en marge de l’exposition.

EXPOSITION DU 31 JANVIER AU 31 MAI 2015

EN MARGE DE L’EXPOSITION, LA CSUQ VOUS PROPOSE AU MBAM

Mercredi 6 mai • 19h« JUIVES ET MUSULMANES :

DE L’EXCLUSION À L’INTÉGRATION »

Issue d’une recherche originale, Dr Sonia Sarah Lipsyc présentera une approche comparative, qui reste encore peu étudiée, sur les pratiques religieuses contemporaines des femmes juives et musulmanes. Cette recherche qu’elle a en-treprise avec le chercheur algérien Belkacem Benzenine, expose les résistances et l’avancée des femmes dans des fonctions religieuses et communautaires réservées le plus souvent aux hommes.

CONFÉRENCE AVEC DR SONIA SARAH LIPSYC

Admission Générale 10.00 $Musée des Beaux-Arts de Montréal

Maxwell Cummings Auditorium - 1379-A Sherbrooke Ouest

Admission Générale 10.00 $Musée des Beaux-Arts de Montréal

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Marek Halter tisse des liens entre les di�é-rents monothéismes, par le biais de l’histoire de femmes incontournables. Après sa trilo-gie sur les femmes de la bible, Marek Halter rend hommage au rôle prépondérant que les femmes ont joué à l’origine de l’islam. Il com-mence avec Khadija, une trilogie soulignant la présence et l’influence des femmes dans l’évo-lution du développement de cette religion.

Œcuméniste et profondément attaché à la paix au Moyen-Orient, il lance aussi un pressant message de réconciliation en ces temps troublés par la résurgence des conflits religieux.

CONFÉRENCE AVEC MAREK HALTER

Mercredi 29 avril • 19h

« FEMMES DE LA BIBLE - FEMMES DE L’ISLAM »

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Naissances

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62 magazine LVS | avril 2015

CARNET

Décès

C’est avec une immense tristesse que nous vous faisons part du décès de

Madame Annette Hanna Bendayan z’l

Mère de Avi A. Bendayan, notre ami et ancien collègue, Taly, Eva et Sonia, survenu à Montréal le 10 février 2015.

En plus de ses enfants, elle laisse dans le deuil son époux Vidal Bendayan et ses gendres ainsi que ses petits enfants.

Toute la famille remercie les amis pour l’épreuve de solidarité et de réconfort dont ils nous ont fait part.

C’est avec une immense tristesse que nous vous faisons part du décès de

Madame Simone Dahan David z’l

qui s’est éteinte le mardi 3 février 2015 à Montréal. Elle était la tante de Daniel Dahan.

C’est avec une immense tristesse que nous vous faisons part du décès de

Monsieur Joseph Cohen Bar Zahra z’l

qui nous a quitté Dimanche 1er Mars 2015.Frère de Marc, Simon, Jules, Salomon et Scali.

C’est avec une grande tristesse que la famille de Salomon Amzallag z’l annonce son décès survenu le mardi 24 février, 2015.

Mari dévoué de Solange Levy Bencheton, père et beau-père aimés de Danielle et Henri Amar, Josiane et Jais Ohayon, Anna Amzallag , Debbie et Lukas Stahl, Karen et Anthony Tille. « Pépé » adoré de ses petits-enfants. Un grand merci aux nombreux médecins et infirmières à l’Hôpital général juif pour leurs soins et leurs grands soutiens.

C’est avec une immense tristesse que nous vous faisons part du décès de

Monsieur Shlomo Perez z’l

neveu de M. Elbaz Armand survenu à Montréal le 18 février 2015.

C’est avec une immense tristesse que nous vous faisons part du décès de

Monsieur Yves Berdah z’l

survenu à Montréal le 26 janvier 2015.

Il laisse dans le deuil son épouse Madame Cecile Berdah et ses enfants, Esther, Rachel, Frank et tous ses petits-enfants.

Le 3 mars, 12 adar, en la veille de tahalit de Pourim, un grand homne nous a quittés pour le monde futur. Notre Bien-Aimé Abraham  Acoca  z’l était un père tendre, vaillant, généreux et homme de cœur, de vie et famille auquel il portait un amour infini. Il avait beaucoup d’humour et adorait raconter des histoires.

Il laisse dans le deuil son épouse Reina Acoca ainsi que ses enfants, Henri, Marcel, Thérèse, Samy et Jacques, ses petits-enfants et ses arrière-petits-enfants qu’il chérissait. À chaque anniversaire, il leur écrivait toujours un petit poème qu’ils regardent encore avec beaucoup d’émotion.

La famille remercie tous ceux qui ont soutenu et apporté un réconfort durant cette douloureuse épreuve.

C’est avec une immense tristesse que nous vous faisons part du décès de

Madame Yetta Kleinman z’l

Nous tenons à manifester notre profond soutien et notre entière sympathie à Robert Kleinman, Vice-président exécutif de la FJC ainsi qu’a toute sa famille, dans cette douloureuse épreuve. Nous vous adressons toute notre compassion et vous transmettons nos plus sincères condoléances.

Page 65: Mars 2015 lvs

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du lundi au vendredi de 8h30 à 16h30

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HEVERA KADISHA de Rabbi Shimon bar Yohaï

Confrérie du dernier devoir

URGENCE ?Appeler M. David Benizri

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Nous informons la population que la Communauté Sépharade Unifiée de Québec

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