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1974 L'énigme Magma - Extra n° 38 - Janvier MAGMA : l'énigme Vendredi 16 novembre 1973 - H.E.C. - Jouy-en-Josas Vendredi soir, les étudiants d'H.E.C. ont invité Magma. La salle, qui a déjà connu des heures glorieuses avec MC5, n'était pas bondée, mais abritait un nombre respectable de spectateurs. Magma reste pour tout le monde une énigme, on va les voir chaque fois comme un nouveau groupe, pour essayer de "comprendre". Aux U.S.A. on les a accueilli avec respect, mais froideur. Le respect est dû à l'évidente qualité technique des membres du groupe, particulièrement du batteur Christian Vander et du chanteur Klaus Blasquiz. La froideur s'explique par la nature même de la musique de Magma. Leur inspiration ne puise pratiquement pas dans le rock, or le public qui vient voir le groupe est nourri au rock et à la pop, et de ce fait est dérouté et insatisfait par ce qu'il voit et entend. On aimerait pouvoir être élogieux, quand on parle de musiciens aussi accrochés à ce qu'ils font, on n'a pas le cœur à la démolition, mais que voulez-vous, il n'y a rien à faire, Magma n'arrive pas à vous faire oublier la dureté du siège sur lequel vous êtes assis. Avec MC5 dans les mêmes murs, on avait simplement envie de se lever. C'est toute la différence! J.-W. Thoury Extra n°38 - Janvier 1974 Chronique "Mekanïk Destruktïw Kommandöh" - Extra n° 38 – Janvier MAGMA "Mekanïk Destruktïw Kommandöh" Chronique et interview de Jean-Paul COMMIN Extra n° 38 - Janvier 1974 Christian Vander (batterie, chant, orgue, percussions), Jannick Top (guitare basse), Klaus Blasquiz (chant, percussions), Jean-Luc Manderlier (piano, orgue), René Garber (clarinette basse, chant), Claude Olmos (guitare), Stella Vander (chœur), Muriel Streisfeld, Evelyne Razymovski, Michèle Saulnler, Doris Reinhardt (chœur), Teddy Lasry (cuivres), soit Magma, pour un des disques les plus attendus de l'année. Pour la plus grande réalisation, la plus ambitieuse aussi, à mettre au compte de ce groupe dont l'importance, sur le plan international,

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1974 L'énigme Magma - Extra n° 38 - Janvier

MAGMA : l'énigme

Vendredi 16 novembre 1973 - H.E.C. - Jouy-en-Josas

Vendredi soir, les étudiants d'H.E.C. ont invité Magma. La salle, qui a déjà connu des heures glorieuses avec MC5, n'était pas bondée, mais abritait un nombre respectable de spectateurs.

Magma reste pour tout le monde une énigme, on va les voir chaque fois comme un nouveau groupe, pour essayer de "comprendre". Aux U.S.A. on les a accueilli avec respect, mais froideur. Le respect est dû à l'évidente qualité technique des membres du groupe, particulièrement du batteur Christian Vander et du chanteur Klaus Blasquiz. La froideur s'explique par la nature même de la musique de Magma. Leur inspiration ne puise pratiquement pas dans le rock, or le public qui vient voir le groupe est nourri au rock et à la pop, et de ce fait est dérouté et insatisfait par ce qu'il voit et entend.

On aimerait pouvoir être élogieux, quand on parle de musiciens aussi accrochés à ce qu'ils font, on n'a pas le cœur à la démolition, mais que voulez-vous, il n'y a rien à faire, Magma n'arrive pas à vous faire oublier la dureté du siège sur lequel vous êtes assis. Avec MC5 dans les mêmes murs, on avait simplement envie de se lever. C'est toute la différence!

J.-W. Thoury Extra n°38 - Janvier 1974

Chronique "Mekanïk Destruktïw Kommandöh" - Extra n° 38 – Janvier

MAGMA "Mekanïk Destruktïw Kommandöh" Chronique et interview de Jean-Paul COMMIN Extra n° 38 - Janvier 1974

Christian Vander (batterie, chant, orgue, percussions), Jannick Top (guitare basse), Klaus Blasquiz (chant, percussions), Jean-Luc Manderlier (piano, orgue), René Garber (clarinette basse, chant), Claude Olmos (guitare), Stella Vander (chœur), Muriel Streisfeld, Evelyne Razymovski, Michèle Saulnler, Doris Reinhardt (chœur), Teddy Lasry (cuivres), soit Magma, pour un des disques les plus attendus de l'année. Pour la plus grande réalisation, la plus ambitieuse aussi, à mettre au compte de ce groupe dont l'importance, sur le plan international,

ne fait plus aucun doute, quand bien môme le groupe ne fait qu'entamer une carrière à l'étranger indispensable-évidente dans son cas.

"Mekanïk Destruktïw Kommandöh" est l'œuvre de Christian Vander, c'est aussi sans nul doute la composition du groupe qui permet le mieux de comprendre son importance et sa personnalité-originalité unique, exceptionnelle. Comme le compositeur s'en explique sur la pochette (très réussie, tant par sa sobriété que par l'intérêt des notes réunies, l'édition française se complétant de surcroît d'un texte de Philippe Paringaux) : "Cette oeuvre créée en toute humilité, retrace l'histoire d'un humain qui, un jour, s'adressa à tous les terriens en leur expliquant les raisons pour lesquelles ils doivent disparaître de la terre." Il y a des concerts que l'on ne pourra jamais oublier, des "moments privilégiés" rares qui, de ce fait, prennent une importance encore décuplée : Magma, en juin dernier, dans la cadre trop exigu à cette occasion du Bataclan, a été l'artisan de l'un d'eux. La longue interprétation (intégrale) qu'ils donnèrent à cette occasion du "M.D.K." fait ainsi partie de ces souvenirs impérissables. La version discographique proposée ne déçoit pas, elle se situe "ailleurs" et les réactions éprouvées à son écoute apparaissent différentes : il serait vain de vouloir y trouver la même émotion, de prétendre y chercher la même incroyable énergie. Tel qu'il est conçu, le disque n'en demeure pas moins un "monument" et conserve au morceau son incroyable puissance.

Magma, Cataclysmic Ensemble - Sounds - January, 19

MAGMA Cataclysmic ensemble

MAGMA ARE a French band. They are nothing you have ever heard before, from France, from Britain, from America or anywhere else. And if your xenophobia wins out and you ignore them, you will have only yourself to blame when people come up and tell you they are one of the most sensational bands ever to work the rock circuit. The eight-piece (seven men, one woman) group played a short tour of Britain recently - nothing startling, just a circuit of gigs to announce their existence to the people of Britain. Their London appearance at the Marquee was spectacular beyond belief, and I have no reason to think that their gigs outside town were received any differently by the more easy going crowds of places such as Yeovil than by the blasé London audience.

MAGMA

MAGMA WERE standing at the Marquee last week. Rarely is it our privilege to hear music of such an intensity and integrity. I had gone with great interest for their new album I thought was truly outstanding but I doubted their ability to reproduce that dense, structured sound on stage, particularly in the foreign surroundings of the Marquee. I need not have worried. For a start Magma are evidently total professionals, though I doubt whether it's the description they would apply to themselves. Magma are an eight-piece French group led by Christian Vander, who devotes most of his own time and creativity to it and evidently demands that the players who make up the group do so as well. Vander is the drummer, and with him are three vocalists - a girl and two men, who double on percussion and a curious instrument known as a contrabass clarinet, which requires a microphone at well over head height - plus two keyboards, bass and guitar. Of course it's strongly rhythmic, based around Christian Vander's inspiring drumming, at the same time simple in its appeal and extremely complex in this structure and though the voices (all lyrics are in Vander's imaginary language Kobaian - another quite conscious rejection of existing traditions) seem to serve only as a rhythmic function, you soon find yourself float away by unsuspectedly beautiful melody lines. Perhaps the link is the incredible Jannik Top, whose swift and bass fingering liaises between the three-part vocals of Klaus Blasquiz, René Garber and Stella Vander, and the constantly changing drum patterns of Vander, which he pares down to the bare minimum essentials to suggest the rhythmic subtleties, leaving himself plenty of space for the very considerable muscle he exercises. The band's constant attack comes straight from the drums outwards, and characterises all sections of the group. In the way that the group works as a unit composed of sections. Magma's overall approach is orchestral, but the result is a hybrid music which comes as near to the totally original as I've heard in years. Magma will be a bit too much to take for many people. It challenges too many of our comfortably middle-aged assumptions of what pop music is all about. But for those who go with open ears, who still have the ability to enjoy the unpredictable and unheard, it's an experience not to be missed. They are on tour in Britain now.

Martin HAYMAN

It's now dusk on Sunday. The first time I saw Christian Vander was Wednesday last. He was behind a drum-kit at the Marquee Club, flanked by the rest of his band. But this wasn't routine Marquee bop. This was Magma, and I have never, NEVER seen anything like Magma. Records in no way leave you prepared for the actual live confrontation with this catclysmic ensemble. Try to visualise this : a dimly-lit stage, and dotted around it a number of grim-faced figures, one of them a beautiful girl, shrouded in a flowing cape. Another is a tall, slim bespectacled black man, who brings a serpentine contrabass clarinet slowly to his lips and begins to play. A bald-headed bass guitarist, his instrument in 'cello tuning, pumps out intimidatingly vicious lines. A bearded man, with exceptionally long hair, opens his mouth and begins to sing. So does the girl. But if you were expecting rock and roll vocals, well, forget it, you came to the wrong place. This, this is - opera, isn't it ? The male singer is threshing and clawing at the air, a rich tenor flows easily from his mouth. Several octaves up the girl sings along with him. But the drummer, his countenance an extraordinary study of perpetually shifting leers and sneers, eyeballs turned upwards so all you can see are demented whites, suddenly charges into a furious march tempo, sticks blurring off the snare. Jeezus, what is going on ? This is military madness, or a Covent Garden nightmare. Alien syllables cut through the smokey air. Clientele looked puzzled. What language is that ? German ? Some forgotten Slavonic tongue ? Ah no, mes amis, this is Kobaïan, and the and the reason you've never heard its like before is simple. Christian Vander made it up. The music powers on. There's much use made of repetition, and the strange words are chanted over and over with ever increasing intensity, until the group's total emotional output becomes almost unbearable. Vander whips at the cymbals, with slashing savagery. Twin keyboards tear around the throbbing bass root-notes of Jannik Top. Now the chanteurs are screaming. The clarinettist is screaming. Vander is screaming. God help us, the whole place seems to be screaming massive primeval cry of anguish. Crash. Silence. Stunned applause. "Mekanïk Destruktïw Kommandöh", says the singer, Klaus Blasquiz. Still there is no trace of a smile. Magma begin to play again, like the stirring from slumber of some great beast. It's as though they are trying to redefine heavy music. I've never heard the horsemen of the Apocalypse, but I imagine that Vander's drumming is a pretty fair approximation of other-wordly galloping hoolbeats. Sheer energy ! What passion ! Still the voices chant and shout. "Hortz fur dëhn stëkehn west, Hortz zi wëhr dünt da hertz..." Jannik Top begins a bass solo, utilising every inch of the fretboard. Fingers flying everywhere, he steps to the mike, and proceeds to blow a whistle that's wedged between his teeth. The shrill notes seem to slice through the brain. Guitarist Claude Olmos, a tiny and emaciated figure, picks up the pulse and creates his own fantasy for a few moments before Vander solos. Now, I hate drum solos, and I say that as a person who has dubbled with the instrument a little, but Vander's feature was honestly unbelievable. It wasn't just an exercise in speed, although he has that at his disposal too, but rather an object lesson in dynamics, rising from the verge of inaudibility to an earth quaking roar, and as the

cacophony heightened, the drummer began to sing, his face continually contorting, head turned upwards to a suspended microphone as legs and arms flailed away. The decibel level lowered a little, Christian executed one final flourish and quit the stage. End of set. This time there's no doubt about audience response. A mighty cheer rises, the crowd returning a little bit of the energy the band had expended. To enthuse in superlatives is always dangerous, but occasionally a situation genuinely merits it. Magma at the Marquee was such a situation. Four days after the gig, I still feel vaguely shell-shocked, I can't quite rationalise away what I saw and heard. Listening to Magma requires a lot of mental adjustment, a re-think about musical values, but it's nonetheless a shattering experience. And the group are so unlike anything else on this earth, that the thrill of discovery when you first see them is just unreal, like stumbling upon the Velvet Underground must have been for questing New Yorkers. That's how important Magma are. The New York Dolls and their ilk are great fun, absolutely, but Magma are important.

Steve LAKE Sounds - January 19, 1974

Un homme dans l'Univers - Rock & Folk n° 85 – Février

Magma est l'orchestre de l'Univers. Christian Vander en est le chef.

Le regard. Plus que les bras puissants du batteur inspiré, c'est le regard qui frappe, qui retient chez Christian Vander, l'animateur, l'esprit de Magma. Un regard de visionnaire à mille années-lumière de la modernité, de l'actuel. Magma inactuel, immortel ? On serait tenté de le croire en écoutant Christian Vander, prêtre fervent d'un Univers tout proche, militant obstiné du dépassement de soi. Chez lui, la royauté de l'ETRE rejoint les préoccupations du dernier des philosophes de notre temps, géant solitaire, sans école et sans disciples : Heidegger.

Encore relativement solitaire - lui aussi l'animateur de Magma se montre inquiet, tendu. Inquiet d'être mal compris, mal suivi, considéré comme un hurluberlu. Tendu devant les agressions que Magma a subies de toutes parts pendant des années. Quel que soit notre niveau de perception de Magma, rythmique, purement musical ou mystique, voire " fantastique ", il faut suivre de près les réponses - même volontairement partielles - de Christian Vander.

PROCLAMATION / PREAMBULE / CONCLUSION (provisoire) DE CHRISTIAN VANDER

" Rien n'est créé pour être créé, dans Magma. Un parmi les serviteurs de l'Univers, j'attends qu'il parle pour moi. Quand je sens qu'il veut me parler, je m'assieds au piano et j'attends. Puis mes doigts bougent. Je ne peux décrire ce que j'éprouve. Tous les sentiments de joie, de tristesse infinie, d'espoir, toutes ces sensations sont tellement liées et fortes que lorsqu'elles pénètrent en moi, c'en est trop, je ne peux plus que retransmettre ce que ma perception humaine m'a permis de recevoir. Pourtant, ce n'est que le fond de mon âme. Seulement l'Univers est aussi comme un miroir, un miroir immensément grand, et lorsque devant lui je mets mon âme à nu, son image est projetée sur toutes les galaxies, les systèmes solaires, les étoiles, et l'intensité de son reflet est multipliée des milliards et des milliards de fois lorsqu'il me revient pour m'inonder de son rayonnement céleste. Les hommes veulent toujours s'élever par rapport à une élite d'individus qu'ils se sont choisis, car pour eux, c'est un accomplissement que d'être au-dessus de cette élite. Pourtant il faut savoir que, sur terre, nous ne sommes rien, l'être humain ne représente rien dans l'Univers, et, au plus haut degré auquel il puisse parvenir sur terre, il n'est encore rien comparé à l'Univers. Si on cherche à s'élever au-dessus de l'être humain, on sera grand par rapport à quelque chose de petit. Si on tourne sa pensée, son regard, vers l'Univers, on sera petit par rapport à l'incommensurablement grand. C'est tellement merveilleux d'être une parcelle de l'Univers. II est généreux, et lorsqu'on lui apporte son offrande, si misérable soit-elle, il nous la rend, dans sa mesure, proportionnellement à lui. L'Univers crée sans cesse pour nous et pour d'autres. Il ne faut pas se contenter de toujours lui prendre, il faut lui donner, il faut créer pour lui, car c'est sa seule nourriture. Nous vivons grâce à lui. C'est pourquoi je lui ai voué pour l'éternité mon être matériel et immatériel. Sur terre, cela veut dire Magma et Uniweria Zekt. Je veux que les gens sachent ceci: ce n'est pas pour mon ego que, depuis cinq ans, j'ai entrepris cette démarche vis-à-vis d'eux. C'est parce que cela doit être fait. Bientôt, je ne parlerai plus. Le temps le fera pour moi. " CHRISTIAN VANDER.

" Magma, c'est quelque chose de très simple "

Magma enregistre désormais sur label Vertigo et s'en revient de sa première tournée anglaise. Est-ce grâce à Giorgio Gomelsky, votre nouveau manager / producteur ? CV : Peut-être. Mais cela se serait produit de toutes façons, maintenant ou plus tard. Magma était vraiment attendu en Angleterre. On a fait une grosse impression, là-bas… Magma, c'est vraiment tout le folklore européen, Bartok… Ça paraît très actuel. Un peu comme ce que font aussi certains musiciens de jazz aujourd'hui (Keith Jarrett) qui introduisent des folklores européens dans leur musique. Les gens, même des musiciens, disent : " C'est fantastique ", parce qu'ils ne sont même pas capables de reconnaître leur folklore ! II existe dans notre pays une carence musicale affolante : 70°/ des jeunes Français n'ont aucune éducation musicale.

Alors qu'à onze ans, les Américains montent déjà des orchestres symphoniques ou des Big Bands de jazz. Et ils apprennent la musique européenne mieux que nous…

Les Anglais aussi ? C'est pour cela que vous leur avez fait forte impression ? CV : Oui. Mais, enfin, il n'y a pas encore de public pour nous en Angleterre. C'est la même chose qu'en France, il y a quatre ans : c'était ou Claude François ou Triangle, il n'y avait pas encore de public pour une musique comme celle de Magma. On l'a créé, ce public, on a créé des circuits parallèles, faisant parfois six cents kilomètres pour aller jouer devant quarante personnes. Cela nous coûtait toujours du fric, mais nous ne voulions pas attendre que les gens viennent à nous, nous voulions aller vers eux. Ensuite, par réaction, par le bouche à oreille, d'autres, plus nombreux, sont venus à nous.

La même création reste à faire en Grande Bretagne ? CV : Oui. Mais ça ira beaucoup plus vite qu'en France, car la plupart du temps, les Britanniques ont beaucoup de respect pour la musique. En France, au début, le public n'avait bien souvent aucun respect pour notre musique. Maintenant, c'est l'inverse : les gens ont pour nous un respect fantastique, ils veulent vraiment comprendre ce qui se passe.

Finis, donc, les incidents du début; Magma, désormais, est " installé " ? CV : Oui, et un autre public est en train d'apparaître, différent du petit noyau de supporters du début : des gens de milieux plus modestes, moins privilégiés culturellement que " l'élite ". D'ailleurs, ce public " d'élite " disparaît souvent le jour où un groupe commence à faire son trou, à avoir du succès : " Ils font des concessions ", dit-on. Je tiens à dire que nous n'avons jamais fait de concessions, et que c'est sans doute la raison pour laquelle Magma a réussi à s'imposer à un certain public. Magma ne fera jamais de concessions, jouera toujours la musique pour la musique.

Pourquoi cette notion d'" élite "? CV : Pour désigner ceux qui nous ont découverts, qui ont cherché à en savoir plus sur notre musique, qui sont revenus plusieurs fois nous voir. Sans eux, les gens n'auraient sans doute pas compris aujourd'hui que la musique de Magma ne se passait pas au premier degré. C'était surtout dans le milieu étudiant qu'on trouvait ces gens-là.

Ils ont beau revenir plusieurs fois, ils ne perceront quand même pas le mystère du langage de Magma, le kobaïen. Pourquoi le kobaïen ? CV : C'était instinctif. La première fois que j'ai composé quelque chose - c'était à la guitare, et je n'avais jamais touché une guitare de ma vie, je l'ai chanté en kobaïen. J'en avais tellement sur le cœur, ce que j'avais à dire était tellement violent que ces mots sont venus tout seuls.

C'était donc la naissance de Magma ? CV : Oui. Je rentrais d'une tournée en Italie ; j'accompagnais Arthur Conley…

" J'ai toujours joué la musique qui me plaisait "

… et l'on m'avait recommandé d'aller écouter certains groupes de "progressive music" au Rock'n'Roll Circus. J'avais trouvé ça sophistiqué, mort, sans vie. La musique, c'est d'abord la vie, non ? Coltrane jouait vraiment sa vie sur scène. Je ne comprends pas les demi-mesures. La musique, ça n'est pas un délassement. Certains musiciens, en France, s'imaginent due la musique, c'est un métier de fainéants, pensent qu'en scène il faut, vulgairement, " s'éclater ", et sortis de scène, laissent leur instrument pour un pichet de beaujolais dans une boîte et, si

possible, " une petite nana ". Pas moi. Pour moi, la musique, c'est la vie. Et la mort. En outre, à l'époque, je sortais de la mort de Coltrane, tout s'était effondré autour de moi avec sa disparition. Alors devant ce groupe précieux qui avait l'air de soulever l'enthousiasme délirant de tout le monde, j'ai dit : " Ecoutez, moi, je vais monter un groupe, et ce sera vraiment de la musique ". Ils ont tous éclaté de rire… J'avais d'abord pensé qu'après Coltrane, je ne pourrais plus rien faire. Puis j'ai senti qu'il fallait quand même essayer de faire vivre, modestement, la raison pour laquelle il avait vécu, lui. C'est-à-dire apporter quelque chose aux gens. J'essaie toujours de le faire, j'espère que j'y arrive.

Coltrane n'a pas été ton seul contact avec le jazz ? CV : Non, j'ai travaillé deux ans avec Elvin Jones, un des plus grands batteurs avec Tony Williams et Jack DeJohnette. Elvin était le copain de Bobby Jaspar, un flûtiste belge, mort aujourd'hui, que ma mère connaissait très bien.

Tu as donc grandi au milieu du jazz ? CV : Non, pas du tout. Je n'ai pas été élevé par mes parents, mais par mon oncle et ma tante, dans un milieu ouvrier. Ils écoutaient du Verchuren à longueur de journée. La seule illumination musicale que j'avais, c'était lorsque ma mère venait et m'apportait un disque de l'extérieur. A six ans, j'écoutais Stravinsky, Bach, Clifford Brown, Max Roach. Très jeune, j'ai été sensible à toute cette musique. Peut-être parce que je suis aux trois-quarts de sang allemand, et pour un quart polonais… Enfin, très tôt, j'ai senti que le milieu où j'avais grandi, ça n'était pas la vie. Et j'ai commencé à jouer du jazz, car ma mère était dans ce milieu-là. A seize ans, j'essayais de faire des bœufs dans les clubs, sous les sarcasmes des musiciens. C'était très dur comme ambiance. Ils regardaient toujours leur montre… Ça m'a un peu refroidi de la musique de jazz, j'ai pensé qu'ils étaient en train de mourir à petit feu dans leur ghetto. J'ai d'ailleurs eu la même impression quand je me suis mis à chercher des musiciens pop " professionnels " pour monter mon groupe : - Tu veux jouer du sax dans mon groupe ? - Oui, combien tu payes ? Ou: - Qu'est-ce que c'est comme genre de musique, ton groupe, c'est cool ? J'ai dit: " Ça suffit " et je me suis baladé de club en club, un peu paumé, sans plus chercher à faire le bœuf, et j'ai rencontré quand même des gens qui avaient envie de jouer. Totalement inconnus, mais qui avaient envie de jouer : François Cahen, Paco Charléry, Francis Moze, etc.

Et de parler kobaïen ? CV : Oui, on en avait tous assez des gens qui n'écoutaient pas la musique ou de ceux qui la jouaient mais s'en foutaient.

Le kobaïen, ça ressemble beaucoup à l'allemand ? CV : Oui, ça tient à mes origines. Le kobaïen, c'est allemand, c'est slave, polonais, ça peut sonner un peu russe, quelque fois même japonais ! Mais le kobaïen, ça n'est pas l'espéranto. C'est un langage très organique et pas du tout intellectuel : on essaie de trouver le mot qui définit vraiment l'objet.

Ce sont d'abord des sons, ensuite organisés en un vocabulaire ? CV : Oui. Je me suis aperçu de ceci : dans un climat donné, lorsqu'on évoque une certaine chose, ce sont toujours les mêmes mots qui reviennent. Kobaïa, c'est la même chose. Je suis dans un certain climat, je branche le magnéto, je compose (car, si la musique de Magma est très structurée, il est évident qu'à la base elle est improvisée) et j'invente toute une trame… Je recommence deux ou trois fois, et dans le même climat ce sont toujours les mêmes mots qui reviennent aux mêmes moments. Puis je réécoute cinquante ou soixante fois la bande et, là, je

sais ce que veulent dire les mots, à coup sûr. Maintenant, il y a environ six cents mots dont je suis sûr.

" Notre musique, c'est la pulsation d'aujourd'hui "

Alors, c'est la maturité, pour Magma ? CV : Magma, pour moi, est né avec " Mekanïk Kommandöh ". Avant, c'était l'épuration. Le groupe précédent avait plusieurs directions ; chacun apportait un peu sa griffe, parce que nous n'étions pas tous absolument d'accord sur la philosophie du groupe. On se détournait un peu de l'esprit original. Avec " Mekanïk Kommandöh ", on y est pleinement revenu. J'ai eu la chance de rencontrer des musiciens qui aient le même état d'esprit. Maintenant, nous allons tous dans la même direction.

Cet état d'esprit, comment le définir ? CV : II faut bien savoir ceci : chacun, dans le groupe, doit s'accomplir. Bientôt, je ne serai plus l'unique compositeur. Tout le monde va composer. Chacun doit pouvoir s'entendre "résonner" intégralement chez les autres. Mais, pour cela, i1 faut tous être sur une base commune.

Et on y parvient comment ? CV : Uniquement par un état d'esprit commun, une philosophie commune, et parce qu'on travaille tous dans la même direction : les disciplines spirituelles. Jannik Top, par exemple, travaille dans une certaine discipline depuis plusieurs années, Klaus dans une autre, moi dans la mienne, etc. Mais, auparavant, chacun jouait avec des gens qui ne " travaillaient " pas.

Cette discipline, ce " travail ", qu'est-ce que c'est ? CV : C'est une discipline, un travail qui permet d'arriver " haut "… Tout le monde peut apprendre, mais tout le monde n'apprend pas, en fait. C'est une des lois…

? CV : Bon, il y a deux mondes : le monde objectif et le monde subjectif. Tout le monde peut avoir accès au monde subjectif. Peu nombreux sont ceux qui peuvent atteindre le monde objectif, la spiritualité. II y a un travail à fournir pour cela. Peu de gens le font, car cela demande énormément d'efforts. Ne serait-ce que pour acquérir les bases…

Ce travail consiste en quoi ? CV : Cela peut être l'étude du symbolisme égyptien, par exemple. Actuellement, le côté spirituel, c'est un peu à la mode. En ce qui nous concerne, ça n'est pas une question d'opportunisme. Mais, si on avait parlé de ça il y a seulement quatre ans, on nous aurait pris pour des fous. Pour planer, il faut connaître les bases à fond, tout contrôler. II ne faut pas s'évader uniquement par les forces cosmiques, il faut aussi travailler la terre, les puissances telluriques. II faut tout " donner " avant de commencer à s'élever…

Et cette spiritualité se réfère à quoi ? CV : Chacun dans le groupe a sa discipline. En ce qui me concerne, c'est l'Egypte, le symbolisme égyptien, mais je suis encore loin de posséder toutes les clés.

Mais encore…? CV : II existe des manuscrits, il y a des choses qui se transmettent de main en main ou de bouche à oreille dans le monde objectif, dont le monde subjectif n'a pas conscience. Avec ces

éléments, on peut commencer le travail. Pour l'étude du symbolisme, il faut avoir des clés. Savoir que si on lit dans la Bible : " II a tué le dragon ", ça veut dire tout autre chose : " II a tué son ego ", par exemple. C'est tout un travail de savoir simplement lire entre les lignes. On ne peut commencer à comprendre que lorsqu'on commence à connaître le symbolisme des choses. A partir de là, on peut commencer le travail sur soi. Par exemple, moi, je vais bientôt devoir aller à la campagne pour pouvoir travailler en profondeur et commencer à maîtriser chaque chose.

Maîtriser quoi ? CV : Pour donner un exemple, un maître (dans une discipline spirituelle) peut prendre une brique brûlante dans un feu, la sortir et la poser à terre. Comment a-t-il fait ça, sans se brûler ? En accumulant l'humidité de son corps au bout des doigts. Mais, pour en arriver là, il faut savoir sentir chacune de ses artères, chacune de ses vertèbres, pouvoir à chaque seconde contrôler son corps au plus profond.

C'est une chose réellement possible ? CV : Bien sûr. C'est ça la discipline. II y a aussi moyen, de la même façon, de sélectionner l'air qu'on respire, de n'en prendre que ce qui est sain et de laisser les déchets. Ou encore ceci : un grand maître s'installe dehors, à une table, pour manger : il pleut… partout, sauf sur la table à laquelle le maître est installé ! Je sais… Pour le monde subjectif, ça paraît complètement fou, mais c'est vrai

Et cela concerne des gens de chair et d'os, de 1974 ? CV : Absolument. Et visibles, en plus. Mais n'y a pas de démonstrations ! La règle, c'est ETRE… quand on " est ", ça vient. II ne faut pas chercher à être quelque chose, à montrer ou à vouloir apprendre quoi que ce soit aux autres. II faut être, se contenter d'être. Je sais… ça paraît énorme, mais ça ouvre des portes…

A quel prix, aussi ? CV : Au prix de beaucoup de lucidité, d'objectivité totale, de " dépassion " permanente… c'est très dur.

Donc, d'un certain ascétisme ? CV : Bien sûr. Pas de drogue, évidemment. Pas d'alcool. Et je suis en train de cesser de fumer ; la cigarette, c'est encore trop pour moi.

Et les relations humaines, homme-femme, homme-homme… ? CV : II n'y a plus de mensonge, plus d'hypocrisie possible. Ça peut affecter certaines relations entre homme et femme, effectivement. En ce qui concerne le groupe, il n'y a plus aucune barrière entre nous, on va toujours au fond de ce qu'on a à se dire.

Mais vis-à-vis du monde " subjectif ", comment te comportes-tu? Sûrement pas " naturellement " ? CV : II faut avoir un code. Le code terrestre. Savoir que, de temps en temps, un sourire peut détendre l'atmosphère. Evidemment, plus on va au fond, plus on a du mal à participer au monde subjectif. Non pas que ce soit finalement tellement difficile pour nous. Ça l'est surtout pour les autres.

Et vis-à-vis du public ? Faites-vous, ferez-vous un ou deux pas vers lui ? CV : Oui. En ce qui concerne le langage, le kobaïen, il y aura bientôt un petit dictionnaire.

Pour nous, tout commence avec " Mekanïk Kommandöh ". Bientôt, on va jouer sur scène un morceau qui part de la base - le robot humain, la machine - pour progressivement dégager " l'esprit ". Dans la musique de Magma, il y a des passages-clé qui restent en chacun, intérieurement. Chacun doit les ressentir à son degré. L'initiation, ça se fait par paliers. Par exemple, avec une statuette égyptienne en mains, un type normal dira " C'est une très belle statue" ; un initié verra ses proportions, les nombres d'or ; un maître, lui, entrera carrément en vibration avec la statue, avec l'époque à laquelle elle a été conçue. La musique, c'est pareil : il y a les trois niveaux.

Le plus accessible étant la rythmique ? CV : Oui, le niveau mécanique. Dans " Theusz Hamtaahk ", la rythmique est relativement lourde pour mettre en valeur des chœurs très aériens - le deuxième palier. Mais il faut quand même tendre l'oreille pour les entendre.

Et le troisième niveau ? CV : C'est la liaison du tout : la puissance tellurique, plus la puissance neutre, plus la puissance cosmique.

Et le jour où tout le monde percevra ces trois niveaux ? II n'y aura plus cette élite dont tu parlais tout à l'heure ? CV : Bien sûr que non. Je veux faire de la masse une élite. Or, en ce moment, à ma connaissance, il n'y a pour ainsi dire pas de musicien tourné vers cet état d'esprit. Mahavishnu, je crois, n'est pas encore passé par le stade de l'épuration : pour jouer une note, il leur en faut cinquante pour la faire passer. Dans la musique, chaque note a son importance. La musique, ça peut être quatre notes pendant cinq minutes s'il le faut. II n'est pas besoin d'en jouer d'autres si celles-là sont vraiment ressenties, ce serait superflu. Plus on travaille, plus on va loin, plus on élimine le bla-bla, le m'as-tu-vu.

Cela suppose un nouveau type de relations avec les gens ? CV : Oui, et de plus en plus, nous jouons au même niveau qu'eux, " en bas " de la scène, surtout quand celle-ci est trop haute.

Avec une prédilection pour ces circuits parallèles dont nous parlions tout à l'heure, MJC, etc. ? CV : Oui. Et depuis le début. Nous avons souvent fait six cents kilomètres pour jouer devant quarante personnes. Je le répète, car c'était un boulot de Titans. Mais c'était la seule solution pour avoir le contact avec les gens.

Comment vous en sortiez-vous ? Huit musiciens, peu de galas, peu de disques… ? CV : On ne s'en sortait pas du tout ! On avait, et on a toujours des dettes. Nos femmes travaillent. Et, en ce moment, nous jouons toujours pour payer nos dettes. Je me souviens, au début, j'avais du mal à remplacer les trois-quatre baguettes que je cassais chaque soir !

Un Miroir

Pourquoi avoir choisi Giorgio Gomelsky comme manager ? CV : Parce qu'il nous fallait quelqu'un qui soit un peu à la mesure de Magma. Un manager, bien sûr, mais aussi quelqu'un qui ait des idées originales, un peu folles.

II s'occupe aussi de Zao, dont le fondateur est François Cahen, ex-Magma ? CV : Oui. Et bientôt, il y aura de plus en plus de groupes qui vont jouer dans ce même état d'esprit. Ce n'est pas de la pop, ni du jazz, mais de la ZEUHL WORTZ ou UNIWERIA ZEKT : c'est comme cela qu'il faut l'appeler.

La Zeuhl Wortz commence à être reconnue. Elle ne suscite plus autant d'agressions qu'au début de Magma. CV : Elle est un peu un miroir, où chacun peut lire la dose d'agression qu'il a en lui, où chacun peut se mettre à jour. Je n'ai jamais compris comment on avait pu nous prendre pour un groupe fasciste. Quand je pense que j'ai entendu ça pendant trois ans !

La politique, puisqu'on en parle, qu'est-ce que ça représente pour toi ? CV : Rien. Rien du tout. Quand un homme politique parle, c'est à mourir de rire. Et ils gardent leur sérieux ! Ça ne pourra pas continuer comme ça, les gens vont se réveiller.

Si ça n'est pas la politique, qu'est-ce qui liera les relations humaines, alors ? CV : Ça pourrait être la Zeuhl Wortz, par exemple… Mais plus tard. Pas dans l'immédiat. Dans dix-quinze ans, peut-être, il se passera quelque chose… Beaucoup de gens vont " travailler "… Je ne précise pas plus, car on va encore me dire : " Ça n'est pas possible ".

Dans ce futur proche, les spectacles de Magma joueront leur rôle ? CV : Oui. Et même avant. Nous allons les perfectionner. Y ajouter plus d'audiovisuel, des ballets… Pas pour "distraire" seulement, mais pour aller plus loin dans le même état d'esprit, pour que chacun en sorte vraiment "bouleversé" un peu " en progrès "…

Tout cela ne traduirait-il pas une certaine volonté d'être le " maître initiatique " des pauvres pécheurs que nous sommes ? CV : Pas du tout ! Si on EST quelque chose, si on se contente d'ETRE, les gens viendront tout seuls. Par contre, si on veut être, cela signifie qu'on possède déjà en soi le facteur de destruction et qu'on finira par être anéanti, sans pouvoir aller plus loin. Quand on EST, c'est à perpétuité. En dehors même de Magma, l'important c'est surtout l'état d'esprit qui va se créer après nous, ou autour de nous. Si, par hasard, il se trouve que cela tourne autour de moi, je ne l'aurai pas cherché, pas voulu. Je me serai contenté d'apporter quelque chose, du mieux que je pouvais.

A propos du dernier disque de Magma, est-ce que je peux te demander si tu as beaucoup écouté " Carmina Burana ", de Carl Orff ? CV : Oui. Je l'ai découvert par hasard, il y a deux ans et demi, et j'ai trouvé ça fantastique ! Mais, avant même cette révélation, toute la musique de Magma avait déjà été écrite pour des chœurs, des chants un peu aériens…

Curieusement, il y a en ce moment un regain d'intérêt certain autour de l'œuvre de Carl Orff et, spécialement, autour de " Carmina Burana ". CV : Oui, bien sûr. Et ceci, depuis qu'un soir au Gibus, on a passé le disque de Carl Orff avant l'un des concerts de Magma. Avant, personne ne l'avait jamais entendu !

La musique que tu préfères, dis-tu souvent, c'est celle de Magma. Pourquoi ? CV : Pas par prétention, en tout cas. Avant de découvrir ma musique, je jouais la musique de John Coltrane, car c'était celle qui se rapprochait le plus de mon cœur. Mais ce n'était pas mon cœur, c'était le sien. A partir du moment où se joue la musique qui vient de mon propre cœur,

je ne peux pas jouer, aimer autre chose, car alors c'est cette autre musique que je jouerais. C'est logique.

Propos recueillis par François-René CRISTIANI. Rock & Folk n° 85 - Février 1974

MAGMA - Melody Maker Band Breakdown - March 9, 1974

MAGMA Melody Maker Band Breakdown Compiled by Steve Lake Pictures by Barrie Wentzell

IT WAS five years ago that, in the face of local apathy, Christian Vander set about forming Magma. Vander, initially a jazz drummer, and one with a pedigree as long as your arm, had become scornful of the abilities of his jazz improvising contemporaries. He could find no one that shared his passion for the musical and spiritual path adopted by the late John Coltrane, and, somewhat disillusioned, he ultimately abandoned the jazz scene and took whatever commercial gigs were available. Thus it was that at one point in 1969, Christian found himself laying down a half-hearted off-beat behind Arthur Conley on a tour of Italy. On returning to France, he found that a number of French rock groups had sprung into existence, possibly motivated by the lack of visiting talent. Amongst these bands were Triangle and Martin Circus, unknown over bore, but for a while fantastically successful in France. "The audiences were on their knees before these bands," recalls Vander, "and everyone was telling me that they were tremendous. I knew differently. There was nothing there at all." So Vander decided that he'd alter the listening habits of France by forming his own band. His dream was to realise this by playing music that was spiritually as well as physically satisfying. The problem was finding the right musicians. There were initially no virtuoso jazz players that were prepared to attempt Christian's experiment, so Vander looked instead for people Who were not necessarily great players, but who had character and imagination and energy. Surprisingly, the first musicians that wanted to play with him were the horn players from Johnny Halliday's band, who were honking and riffing themselves to sleep every night, playing music in which they had neither faith nor interest. Thus it was that the first inception of Magma was, by Vander's own admission, "Musically atrocious". A twelve-piece band, it incorporated the Halliday front-line, a free jazz double bass player, Laurent Thibault on electric bass, who was later to produce the first album ("a lovely guy, but

he couldn't play in time"), Eddy Rabbin on keyboards, the excellent Claude Engel on guitar, and Rene Garber on vocals. René, who rejoined the band last year as a contrabass clarinettist, suffered from an inability to sing in tune, and has since returned to music college to study pipe organ. But from shaky beginnings, Magma gradually took off, having picked up Klaus Blasquiz at a demo studio, when Garber had failed to turn up for the recording. Vander had decided that the band shouldn't sing in French as the language is essentially a weak sounding one, and as he couldn't speak any other language, he invented his own, full of gutteral noises, and strange Teutonic syllables, perhaps instinctively reflecting Vander's own background, for his roots are not in France, but rather in Poland and the Baltic forests - his grandfather was a nomadic gypsy violinist. But to make the new language functional, Vander sketched out a kind of outer-space morality play, a continuing rock cantata entitled "Theuz Hamtaahk" being a multiple-part story of relationships between Earth and an imaginary Earth-colonised planet named Kobaia. Using this unlikely plot, Vander has created a sci-fic microcosm that bulges with all manner of contradictions and controversies, using the theme to propose all manner of arguable points. Among these, that tyrants are, or can be, guides for civilisation, and that wisdom and enlightenment can only be achieved via punishment. Strong stuff, and the recorded tales of Kobaia so far centre around damnation rather than salvation, with multiple cyclic disasters much in evidence. To date there've been three Magma albums: "Magma" (French Phillips 63595.001/2 -a double album), "1001 Degrees Centigrade" (French Philips 6397.031), and " Mekanik Destruktiw Kommandoh" ( A & M SP-4397). Of these, only the A & M record is widely available in this country, although the first two may be obtained from better import shops. It has to be emphasised, however, that it's not just in lyric content that Magma are a force apart from the rest of rock. Musically, they're more far-reaching than any other band I can think of, and they absorb influences from literally every music form, taking in elements of Bartok, Stockhausen, Carl Orff, Wagner, Coltrane, Ellington, fragments of European folk musics, oriental drones, yet all the time retaining a rock'n'roll vitality, with explosive use of dynamics. They breeze effortlessly through crippling time changes, yet without sounding overly "intellectual" or "tricky". Indeed, at recent English Magma gigs, idiot dancers have been observed happily getting it on in 7/4 and 9/4, something unthinkable at, say, a Soft Machine concert. And speaking of the Softs, it's interesting to recall that their "Third" was hailed as a masterpiece of invigorating invention and we were told that the bands "crucial importance in the future of popular music cannot be denied." That's as maybe, but it's fascinating to observe that Magma's first album is exactly contemporary with "Third", and in compositional and instrumental terms it far outstrips the Softs' record, although the two bands at this period shared a certain unity in their use of horns. The principal reed player on all of Magma's recordings has been Teddy Lasry, who's no longer with the group, but is far too important to leave out of any history. Lasry's departure has not been one of choice, but the saxist/flautist is only partially-sighted and cannot take the strain of file on the road. Nonetheless, Lasry helped shape the direction of the band, and contributed several compositions, notably "Sohia" and "Iss Lansei Doia", to Magma's repertoire. Lasry still performs with the band occasionally in France, where the group play six-hour long sets, a somewhat daunting prospect, since the two-hour concerts they've given in England have proved to be the ultimate sensory overload.

Even now, Magma continues its unstoppable path through Britain leaving behind a string of standing ovations, and a legion of new believers. Magma's self-styled "Zheul Music" is like nothing else ever heard by English audiences, and yet it's met with an open, positive response almost everywhere the band has played. Christian Vander has been drumming for more years than he cares to remember, but it looks as though his time is finally at hand.

EQUIPMENT

KLAUS BLASQUIZ : African and classical castanets, cowbells, sleigh bells, Brazilian "Agogo" bells, Mexican claves, Tibetan and Indian bells, African Rapetta, Brazilian Carioka, Glockenspiel, triangle, Zildjan cymbals.

CLAUDE OLMOS : Jacobaca guitar, with position of controls altered for left-handed play. Fender strings, Ampeg V4 amplifier.

GERARD BIKIALO : Fender electric piano, Schaller wah-wah pedal, Ampeg V4 amplifier.

MICHEL GRAILLER : Fender 13 electric piano, with Fender fuzz and wah wah pedals, Spherosound Farfisa Organ, Hohner D6 Clavinet, Ampeg V4 amplifier.

JANNIK TOP : Fender Jazz bass, tuned as a cello, with strings in fifths, thus - A, D, G and C. Schaller volume pedal, Ampeg SVT amplifier.

CHRISTIAN VANDER : There was some difficulty here in ascertaining the measurements of some parts of Christian's kit in English units. Sa the list that follows is an amalgam of metric and English measurements - work it out for yourself! Black Gretsch drum kit, with 47 cm bass drum, 12" top tom-tom, 14" bass tom-tom, and 14" chrome snare. Cymbals: two 55 cm ride cymbals, one 45 and one 50 cm crash cymbal, plus 36 and 38 cm, hi-hat cymbals, all Zildjan plus one 50 cm Chinese cymbal. Various sticks and beaters, plus maraccas.

MICROPHONES : Various, all by Shure.

P.A. : Magma at present don't have their own P.A. One is shortly to be constructed by Claude Venet.

Gérard Bikialo

THE young Gerard Bikialo's musical career was almost over before it was begun. A child prodigy at the piano, he used to travel 75 kilometres unaccompanied from Montargis to Orleans at the age of nine, two days every week. The purpose of this exercise was to study at the Orleans conservatory, and it was ideal training for a youngster set on being a concert pianist. Gerard's junior school head teacher thought differently, and banned him from attending the music college, effectively terminating his career.

Music was abandoned, but not forgotten, and nine years later, when Gerard was at University in Paris, he began to do gigs with dance bands and all sorts, before forming his own rock and roll band, the proceeds from which he put towards further piano lessons at Paris Conservatory. Meanwhile he was studying mathematics and psychology. "But my heart wasn't really in that, eventually I dropped out and decided to devote my life to playing music." Once again, he was thwarted by external situations. The military demanded that he do his national service. That over, he decided to enrol at the Conservatory as a full-time student, studying piano and saxophone.

"I studied on alto sax, because that's the easiest to learn, but later I got into tenor as well. "It was a drummer called Christian Moran who introduced me in Magma music. He had the first album, and we just played the thing over and over, all night long. I'd never heard anything like it" Four years later, Vander and Moran were kicking around ideas for a part-time percussion band, and Vander happened to mention that Magma was currently without a pianist. Moran suggested Bikialo. Eventually Gerard was asked to join Magma. "I was terrified. Really scared. Everybody in the group was a virtuoso musician, and I really didn't think I could do it. I'd only ever played with money-orientated guys. Still, it hasn't worked out too badly."

Michel Grailler

IT'S probably been more difficult for Michel Grailler to adapt to the rigorous discipline that Magma imposes than it has for any other band member. Michel plays electric piano, clarinet and organ and has a long established reputation as one of France's leading jazz players. He's worked with Charles Tolliver, Slide Hampton and Steve Lacey, and recorded with Phil Woods, Johnny Griffin, Ted Curson and Hank Mobley. Aside from which, he's achieved a multiple piano album with three other keyboard players (amongst them, Christian's stepfather, Maurice Vander), and played and recorded with Barney Willen's band, Moshi. For three years he shared front line duties with Jean-Luc Ponty in the violinist's group. Naturally a certain amount of flamboyance and flair for improvisation was required to fulfil these posts, and after such "freedom" it was hard to come to terms with Magma, where soloing isn't outlawed, but where ego trips are frowned upon. "A long time ago I realised that as an improviser I could never match any of the giants, and I readily admit that for me, freedom is most likely to be found by playing very structured music. "Even so, it's taken me a long while to accept that. This is actually my second period in Magma. " I just was not strong enough to take the music first time around, but now I'm adjusting. All the same, controlling one's indulgence is a never-ending task."

Klaus Blasquiz

AT THE outset of a Magma performance it will probably be the noble, operatic gestures of Klaus Blasquiz that first catch your attention. One hand on his heart and the other clawing at the air in the grand, stylised tradition. The voice too, has an operatic precision, immensely powerful, and with perfect pitch, and a vast range of octaves sufficient to make Beefheart, Sly, and Annette Peacock nervous. One minute he's scat singing high and free, and the next adding a sub-baritone melody lire to Magma's symphonic structures. "I'm trying to widen my range," he says, demonstrating the two ends of his spectrum without the slightest effort, rattling the floorboards with a terrifying croaking noise. Klaus is from France's Basque country, long famed for its singers, and began

singing in churches with his family, before getting harmony parts in various local choirs. Just as with many English musicians, he began taking an interest in rock and roll at Art College, being initially turned on by Elvis Presley. Later he formed various semi-pro bands of his own, singing Beatle songs, Buddy Holly, Eddie Cochran and others. Later he earned a local reputation as a fine blues singer, having long abandoned his Basque roots, and adopted the conventional Americanese. It was Vander who motivated Klaus to utilise the knowledge he'd acquired as a child. Klaus just happened by fate to be at Magma's first demo recording. He was a friend of Claude Engel, the original guitarist and had turned up uninvited at the studio. As Magma were negotiating a few new riffs, Klaus began singing absent-mindedly to himself. Vander stopped playing. "That's the voice that the music needs," he said. Klaus declined the offer first time around, deterred by the untogetherness of the original band. Later he relented. He's been with Magma ever since, and bas seen some forty personnel shuffles. Although the singer has not as yet contributed any compositions to Magma, he's passionately devoted to the music. "Magma is my life," he says, with a conviction that doesn't allow for scepticism.

Jannik Top

TO AN outsider, Jannik Top is certainly the weirdest member of Magma. A small, bald-headed man, with a bore-crunching handshake and quite the most startling bass guitar technique you've ever seen, Jannik is also a mystic and philosopher. Rather than answer questions about his past, the mysterious Top produced a hand-written piece of prose. "This has the answers in all the questions you could ever ask," he said, and began to read. The rest of the band seemed overwhelmed by the bass man's profundity. Space doesn't permit me to print the whole of Jannik's epistle, but here's a brief excerpt: "Music doesn't aim to instil one person's dogma in another's mind, but like all arts, can contain an element of knowledge. And ail aspects of life are arts. The art of communication, with oneself and with others. "A human being appears to be a touchable, palpable vehicle, governed by certain physical laws. But the body is merely a vehicle, and there's another vehicle formed by the disassociation of the body with substances that surround us. "This concept of layers can be illustrated in the conscience, and is paralleled in art by attempts

to get out of the eternal 'for and against' struggle. "What Magma are aiming for is a kind of total art, absolute communication, the kind of art that built the pyramids. That are is not dead." Christian. Vander courteously filled in details of Jannik's past. Classically trained as a cellist and double bass player, at Marseilles Conservatoire, Vander discovered

Jannik playing bass guitar in a small club, in a band called Troc, fronted by former Brian Auger vocalist Alex Ligertwood. "I was overwhelmed," the drummer recalls. "I couldn't hear the other musicians, all I could hear was this beautiful bass guitar concerto, and I knew that I had to have him in Magma, although I realised that his inclusion would mean the destruction of the band in its current form. Jannik has changed everything." It appears that Jannik Top will continue to change Magma. His melodic, inventive approach to the bass is certainly one of the major highlights of any Magma performance. As a soloist, he's probably without par. Certainly, there's no one. else in rock to touch him.

Claude Olmos

A STONE rock 'n' roller is Claude 0lmos. He's seen it all, and done it all. Played all the riffs from Chuck Berry through to Hendrix, Clapton and Beck. He's twenty-seven now, but at fifteen he was bopping with "Les Gentlemen", apparently France's premier r'n'b band of the period. Years later he came to Paris and played with Alice, Coeur Magique, and the Alan Jack Civilisation, none of whom were up to much, he says. Sessions proved to be an early financial salvation, and like Vander before him, he accepted a number of commercial gigs, working for a while with Sylvie Vartan. And then for two years, Claude hung up his axe, and decided to study music. He learnt to read, and whilst at college was introduced to the music of McLaughlin and Larry Coryell, with whom he felt a certain affinity. More importantly, he discovered African and Indian music, and these, he claims, have had a more profound impact on his own style, than have any other guitarists. He also discovered Coltrane, naturellement. "I didn't like Magma at all when I first heard them. I was impressed by their courage in being as far-out as they were, but it was during the period when they had four brass players in the front line, and everybody seemed to be shooting away in different directions. "There seemed to be no unity of direction. So I went back to my rock and roll bands. "Then a year later, Jannik insisted that I came to one of Magma's concerts, so I reluctantly came to a Sunday afternoon Youth Centre gig at St. Michel, and I was absolutely knocked out. "I was really dazed. I thought, wow, this is total madness. So after the show I jammed with them and I've stayed ever since. But I'm still finding my feet. "The temptation is to play like either a rock or jazz guitarist, but neither of those is right for Magma, so I'm trying to define a new style for myself. But it's not easy." Also none too easy is the way that Claude actually plays the guitar, Left-handed and upside down, without reversal of strings. Thus the bottom E is at the top, and when chording, Claude strikes upwards rather than down. It looks weird as hell, but sounds fine.

Christian Vander

INTENSE. That's a word that sums up Christian Vander's attitudes to life and music both. He seems to set himself almost impossible standards, and after the most stunning of performances can be observed with his head hung in despondancy. For five years now, he's led various versions of Magma, and he seems to be never satisfied, always urging the musicians around him to play more, and harder, and harder still. In his youth he shunned local jazz musicians for their failure to recognise Coltrane's genius, and it seems that Vander half-believes that he's inherited Coltrane's mantle. "Our music is not the same," he has often said, "but ours is the same spiritual quest." "Now for the first time, I've got musicians who are of one mind. Our goal is the same, which is why this version of the band is the most successful to date." Christian generally declines to talk about the period prior to Magma's formation, feeling that then was merely a preparation for now. But repeated inquiries and investigations reveal that he was Jean Luc Ponty's drummer for a while, and has worked with other luminaries including the mighty Grachan Moncur III, and Chick Corea. Ultimately, however, Vander believes that a musician has to play music that's truly his own. He loves Tamla Motown, and rhythm and blues, and early rock music, and McCoy Tyner too. "But it's not my music, you know. There is really no point at all in being an imitator or a copyist. It's better that you don't play rather than do that. "Yet, very, very few musicians have the courage and conviction to search deep inside themselves and play from their hearts, reflecting their own background." Vander has in the past analysed his own musical background, and acknowledges his gypsy heritage as something of great importance. Voodoo, exorcism, and trance-inducing music, are all things that he has studied and he's fond too of the grandiosity of German music and Russian opera.

Melody Maker - March 9, 1974

The Young Meteors - Melody Maker - 30 mars 1974 - Steve Lake

The young meteors

Drummers are the mainspring and heartbeat of most musical aggregations and nowhere are they more important than in the ever more sophisticated and progressive of rock music. From Magma to Genesis, Isotope to Stevie Wonder's backing group, the demands made on the drummers are increasing, and in turn the players are giving a new excellence, whether in advancing their skills as improvisationists or in fulfilling the age old obligation to provide an ever more exciting pulse and reliable support. The established names of rock drummers have long been celebrated and admired - whether Ginger Baker, Carl Palmer or Jon Hiseman. But now, there are new men, some who have actually been at work a long time but have not always received proper recognition. Soaring like young meteors, they approach their goals from many different angles and express

many different shades of musical opinion. They are united in a common desire for improvement. We look at the work and background of nine of today's drum giants of tomorrow. Christian VANDER On a purely physical level, Christian Vander's drum kit work-outs are sense-numbing. In terms of stamina, strength and endurance he's without par. By comparison, human juggernauts like Ginger Baker and Keith Moon seem like pussyfooters. However, if muscles were all the Magma drummer leader possessed, he'd doubtless be in the employ of one of those dumbo two chord combos, a Black Sabbath mayhap. No, Vander's strength is allied to a unique and perceptive mind. Magma is Vander's band, make no mistake about that, and his drums are the key featured instrument. That's a minor revolution in itself. In Magma, melody lines are subservient to rhythm, which means that for the most part all instruments are hammering out variations on the same pulse. Vander comes hurtling across the top like some craze Norse berserk ; eyes wild, sticks flailing. But beneath the visual impact of the Frenchman's animal savagery is the phenomenal technique of a master drummer, and one who treats drums almost religiously. The same dedication that, say, Indians classical musicians have for their sitars and tambouras. Historically, it's very difficult to discover much about Vander's background. He repeatedly insists that Magma marked the start of his musical career, yet he's played with literally dozens of bands, working with everyone from Arthur Conley to Chick Corea, Grachan Moncur III and Jean-Luc Ponty. Steve LAKE - Melody Maker, March 30, 1974.

Le rouge et le noir - Let it Rock n° 18 – March

Le rouge et le noir

BORDEAUX, December. Magma are in town and the giant crowd at the Palais des Sports is buzzing with excitement: cultural back-water rock-freaks hungry for a sound they have read and heard so much about. A French band vraiment extra - as good as any from Britain or the USA.

Outside the vast hall, the Jeunesses Communistes (Young Communist League) have staged a noisy anti-U.S. demo, with all the familiar slogans, placards and Vietcong flags. Some in the angry crowd are heard muttering about Magma's 'fascist' connections, and a few moments later, as the stage door is inadvertently left open, a large group of chanting young communists forces its way into the auditorium. There are cheers from part of the audience, and catcalls, but soon the placards are laid down and the crowd turns quiet as the houselights go off. Pitch dark for a few seconds, and then one by one the members of the group step onto the enormous stage, all clad in black from head to toe - black T-shirts with a red crab-like emblem on each chest and plenty of black leather.

Quite abruptly the music has begub - and it is quite unlike anything you have heard before: instant and brutal hypnosis. The pounding bass/keyboard/drum beat and a cavernous vocal line engulf the crowd like a sonic blitzkreig. The obsessive thumping relentlessly churns on. Mouths in the audience gape in total amazement. The decibels overflow as a twenty-piece choir and a full brass were there for the music. For about half way through Magma's set, a handful of the raging young communists managed to clamber ont the stage: a flurry of Nazi salutes in the band's honour and some nasty fistfights. The music faltered, and eventually stopped. Was it a protest against Magma's politics or just against the concert ? This never became clear. Pleas from the band's manager Girogio Gomelsky failed to restore order, and the mini-riot continued. About ten minutes later; with the help of a squad of heavy black T-shirted roadies and sympathetic crowd-members, Magma won the day, and the concert took off to soar up to a breathtaking superclimax.

Superclimaxes for supermen. And that is just what Magma mastermind/drummer/composer/linguist Christian Vander wants us to all become. Magma's

music with its roots in jazz, rock and 20th century choral epics, exists to communicate and intricate philosophy, deriving from - would you believe ? - both Nietzsche and Krishnamurti: humanity ies "cruel, dishonest, useless, vulgar and lacking in humility", and "wisdom" or "the state of grace" will be achieved if man sheds his ego and subjective consciousness. Vander has invented a whole language - Kobaian (a sort of Germanic esperanto) - to tell the message of the planet Kobaia, the only message that might save a doomed earth. Mekanik Destruktiw Kommandoh, their first U.K. and U.S. release, is the third in a series of albums devoted to the spreading of the Kobaian creed.

Is this 'fascist music'? I checked on rumours that Magma had once played benefits for the French extreme-right wing action Ordre Nouveau, but they proved quite unfounded.

How then was the myth born ? The idea that humanity stinks is common to most of the autoritarian Right - it provides the very basis for the use of violence by the state. And then, there are the black T-shirts and red emblem. But above all, it is the almost totalitarian ultra-violence of the music itself. It is as if it had been designed to bash all sense out of our heads. "Magma wants and says 'we want', where others say 'we would like to'," writes French rock critic Philippe Paringaux, "doubtless the reason for the many absurd legends surrounding the group." The legends may be absurd, but there is still something about Magma - quite beyond the band's undeniable musical originality and excellence - which sets them apart from smiling innerspace astronauts like Gong or spiritual seekers like Mahavishnu. It is something very seductive and yet rather threatening. A magnetic power that irresistibly sucks you in. Maybe it is the quite humourless dedication of it all. But what is rock without a few laughs ?

M.K. Let it Rock n° 18 - March 1974

Zeuhl Merci : Nicolas Candé

Tristan et Iseult - Télérama – 1974

TRISTAN ET ISEULT Des tableaux de maître où la chevelure des héros est balayée par le vent

Français (1h20). Réalisation : Yvan Lagrange, avec Claire Wauthion et Yvan Lagrange. O.C.F.C. : -

Il a vingt ans, et, à voir ses films, on se surprend à penser que c'est le plus bel âge pour un poète. Yvan Lagrange, dont les parents sont professeurs de "plastique cinématographique", et qui est le neveu de l'opérateur Ghislain Cloquet, a commencé très jeune à tourner des courts métrages, comme d'autres griffonnent des alexandrins. Son

cinéma, inédit encore à ce jour, est un cinéma émotionnel, un chant lyrique habité par des visions splendides et un narcissisme avoué. S'il tourne délibérément le dos au commerce, le cinéma d'Yvan Lagrange, à la différence de celui d'un Philippe Garrel, que l'on ne manquera pas de citer à propos de Tristan et Iseult, est plus plastique qu'intellectuel. Ses rêves sont à la portée de tous ceux qui ont encore le goût du songe, qui sont prêts à s'émerveiller, à voir et à entendre pour le plaisir des yeux et des oreilles. "Il faut voir mes films comme on regarde par la fenêtre" chuchote Lagrange. Comme les films de Werner Schroeter ou de Carmelo Bene, le cinéma poétique d'Yvan Lagrange n'a en effet ni rimes, ni raisons : c'est une oeuvre artistique née de l'audio-visuel. A admirer en salles obscures de même qu'on va voir un Léonard de Vinci au musée, ou écouter un récital classique salle Gaveau. Tristan et Iseult, c'est donc une harmonie de composants visuels et sonores. De belles, très belles images qui chatouillent l'oeil et l'imagination, des images qui parlent au coeur et flattent l'esprit, alliées à une éblouissante composition musicale du groupe Magma, martelée et chantée comme les choeurs de Carl Orff. Tristan, c'est un jeune homme au torse nu et en jeans Levis (Yvan Lagrange lui-même), qui promène sur les paysages sauvages de l'Islande un regard perdu. Iseult, jeune fille aux cheveux longs et à la robe de velours pourpre, dévale les prés et les vallées, à la recherche de son bien-aimé. Le film est une alternance de strophes douces et de refrains chahutés : aux scènes d'amour nimbées de féerie succèdent des images de combats avec des chevaliers en armures aux costumes multicolores, aux heaumes stylisés qui rappellent ceux des chevaliers teutoniques selon Eisenstein. Ils croisent le fer interminablement, se tuent, galopent, à cheval ou à dromadaire. De la légende de Tristan et Iseult il ne reste plus rien ou presque, mais peu importe le mythe pourvu qu'on ait l'ivresse. Car nous sommes embarqués sur un bateau ivre. Les symboles sont simples et naïfs comme une certaine peinture. L'amour, l'éternité, le feu, l'immensité, s'opposent à la mort, la boucherie, la folie, la guerre. La nature, omniprésente par les chants du vent, de la mer, de l'orage ou des oiseaux, idéalise les grands sentiments de ce gamin égaré en quête d'un paradis. Tistan et Iseult, c'est comme une galerie de tableaux de maîtres. Mais ces tableaux sont mouvants et sonores, même s'il n'y a que la chevelure des héros balayées par le vent qui bouge, ou le bruit lointain d'un torrent en sourdine.

Jean-Luc DOUIN

La musique fantastique de Magma

En décembre 1973 (TRA. 1248), dans la critique du dernier disque de Magma : Mekanïk destructïv kommandöh, je disais qu'il était difficile de décrire "les images auditives" de cette musique et qu'il fallait écouter Magma comme on s'embarque dans le monde de l'irrationnel et du fantastique. Dans son dernier film, Tristan et Iseult, Yvan Lagrange vient très justement à force de constructions magnifiques, décrire ces "images auditives". En confiant la musique de son film à Magma, Yvan Lagrange a fait la preuve que pour illustrer une certaine démarche poétique et fantastique, ce groupe était irremplaçable. Sans doute parce qu'il a délibérément choisi de marier rock, jazz, opéra classique et mélopées millénaires. Dire aujourd'hui qu'un groupe français a la même audience à l'étranger, qu'un groupe anglais ou américain (quel qu'il soit), connaît ici en France, relève du plus joli rêve. A l'exception, sans doute aucun, de Magma. Seulement voilà, nul n'est prophète en son pays et triste vérité, triste question,

Magma ne prêche-t-il pas à la limite pour des convertis ? Mais l'hypothèse est trop simple, trop lâche. A nous de démontrer le contraire.

Laredj KARSALLAH

Télérama – 1974

Mekanïk Destruktïw Kommandöh sur Londres - Best n° 70 - Mai

MAGMA Mekanïk Destruktïw Kommandöh sur Londres

" Tu sais, quand on aime vraiment la musique, quand on vit vraiment pour la musique on arrive toujours à quelque chose… ". Giorgio Gomelsky parle, tout en nous conduisant à travers les rues d'un Londres miraculeusement ensoleillé. " J'aime bien l'ambiance de Londres, c'est calme, tranquille. J'y ai vécu pendant une quinzaine d'années… ".

Giorgio Gomelsky connaît bien Londres ; il a même connu la période la plus galvanisante de ce vaste conglomérat de banlieues, il y a une dizaine d'années et plus. 1963, 64, 65, années magiques qui virent l'éclosion et le développement de cette fameuse révolution musicale et sociale dont les artistes initiaux se nommèrent Beatles, Rolling Stones… On connaît l'histoire… On connaît moins peut-être le rôle joué par Gomelsky dans ce grand chambardement ; pas grand-chose, en fait, juste la découverte et le lancement des Rolling Stones, un détail… Il fut sans doute le premier à pressentir tout ce qu'avaient à offrir Jagger, Jones & Co, il fut celui qui effectua l'ingrat mais décisif travail de relations publiques pour

ces cinq bohèmes pas présentables qui jouaient une musique si peu commerciale, le blues. Et puis un jour, quand tout commençait à démarrer, survint un dénommé Oldham avec un contrat prêt à signer. Les Stones signèrent et lâchèrent Gomelsky… Cependant, celui que le bon Eric Burdon surnomma le " mad russian intellectual ", ne se découragea pas. Il trouva aussitôt un nouveau groupe percutant pour le Crawdaddy de Richmond, un groupe qui possédait, paraît-il, un guitariste étonnant. Le groupe s'appelait The Yardbirds, le guitariste Eric Clapton… Ouais, il connaît bien Londres, et bien sa scène musicale…

Et aujourd'hui, en 1974, il revient, fièrement, présenter une musique en laquelle il croit, une musique qui vient secouer le public anglais quelque peu étonné : la musique de Magma. C'est la troisième incursion de Magma en terre britannique, et la première depuis la sortie de l'album " Mekanïk Destruktïw Kommandöh " sur le label A & M, et tout semble se passer merveilleusement bien. On parle beaucoup de Magma à Londres, dont les murs portent de nombreuses affiches annonçant les passages du groupe. On vous en parle parce que vous êtes Français, mais le stade de l'allusion polie est très nettement dépassé. Magma surprend et dérange les Anglais. Cela va de " L'écoute du disque me dérange vraiment, c'est une musique très dure… " à " Plus j'écoute le disque, plus je les vois sur scène, plus je me dis, avec étonnement, que c'est l'un de mes groupes préférés… ". Depuis les succès de Faust, Can et surtout Focus, la scène anglaise a daigné s'ouvrir aux groupes continentaux (ainsi Ange), trouvant dans cet élargissement des sonorités, des directions nouvelles, un changement salutaire à l'inévitable tendance au rabachage d'une partie du rock britannique. Et dans ce contexte, la musique de Magma pourrait bien apparaître comme le plus radical des changements.

La voiture de Giorgio Gomelsky nous conduit aux studios de la B.B.C., non loin d'Oxford Circus. Aujourd'hui, Magma enregistre l'émission radio de John Peel, " Sounds of the seventies ". Le show est enregistré à l'avance. C'est du sérieux, il y a un " huit pistes " et il faudra effectuer un mixage. L'ingénieur du son est compétent, patient, coopératif, c'est pour les musiciens un heureux dépaysement… Ces derniers sont fatigués, mais décidés. On règle le niveau sonore de chacun des instruments, on répartit les micros. Pour celui, primordial, de la batterie de Christian Vander, de nombreux essais sont effectués, de nombreuses positions de micro sont expérimentées. Vander a une idée précise du son qu'il désire obtenir. II place un micro au-dessus de ses caisses, pour avoir un son global, direct. On écoute. C'est ça. Giorgio Gomelsky acquiesce : " Oui, il y a là un petit début de son qu'il faudra travailler… ".

" Travailler ", verbe-clé pour Christian Vander et Magma. Cet enregistrement à la B.B.C. est une occasion supplémentaire de recherche, d'expérimentation, de perfectionnement. II n'y a pas de temps à perdre… Deux jours plus tard, nous retrouvons les musiciens de Magma, dans l'appartement de Kings Road où ils logent pendant la durée de cette tournée britannique. Et Vander travaille. Ces appartements de Kings Road sont fréquemment loués à des musiciens en tournée, aussi on peut y disposer d'un piano, d'une chaîne hi-fi, d'un magnétophone. Quand nous arrivons, Vander écoute la bande de la B.B.C. Il chronomètre. Il discute de tel ou tel changement à apporter au morceau, de la nécessité de prolonger telle séquence, telle répétition. Actuellement Magma prépare deux albums, ou plutôt deux oeuvres qu'il s'agit de faire entrer dans le cadre strict que sont des disques à vingt et une minutes maximum par face. Christian Vander nous parle des difficultés inhérentes à l'enregistrement. " Une face de 33 tours c'est désespérément trop court, lorsqu'on ne veut pas couper un morceau. Sur scène, si nous répétons telle phrase musicale pendant un temps assez long, ce n'est pas par hasard. Et on se rend bien compte que ce n'est qu'au bout d'un certain temps que le public comprend la

nécessité de cette répétition, qu'il rentre dans le jeu. Alors, sur disque, l'idée de temps maximum imposé est dramatique. " Les chœurs semblent aussi, tant sur disque que sur scène, avoir posé des problèmes. " En fait, nous n'avons trouvé personne qui soit vraiment capable d'assurer les chœurs. La plupart des choristes ne pouvaient suivre la rapidité du rythme. Et pour l'album, c'est Klaus qui dut assurer certaines parties de ténor, parce que personne d'autre ne pouvait y parvenir. Sur scène, nous ne comptons pas pour l'instant réutiliser des choristes. " Le prochain album de Magma sera enregistré très prochainement au " Manor " de Virgin dans l'Oxfordshire. Il représentera un peu par rapport à " Mekanïk Destruktïw Kommandöh " ce que le second album avait représenté vis-à-vis du premier. Sur une face on trouvera " Köhntarkösz ", un seul " long " morceau, tandis qu'au verso on pourra découvrir plusieurs titres plus courts composés par les différents membres de Magma, destinés à montrer un aspect mélodique peu connu, mais bien réel du groupe. "Köhntarkösz " sera un palier dans la progression de l' "oeuvre ", avant l'album suivant qui sera consacré en totalité à " Theusz Hamtaahk ".

Samedi après-midi : soleil sur Kings Road. Nous sortons pour faire des photos. " C'est drôle, dit Vander, c'est la première fois que je mets les pieds dehors depuis que nous sommes à Londres. En dehors des concerts, je suis resté tout le temps à travailler dans l'appartement. Trouver le temps de travailler entre les concerts est le problème principal. Je devais faire quelque chose avec Keith et Julie Tippett, mais je n'en ai pas le temps. Heureusement, en rentrant à Paris nous allons avoir quinze jours pleins pour travailler. "

Parler avec Christian Vander c'est bien vite se rendre compte de la stupidité et la fausseté de tous les portraits qui en circulent dans les joyeux milieux du show-biz parisien. On en comprend d'ailleurs aisément l'origine : Vander apparaît immédiatement d'une sincérité totale, croyant en une musique qui se confond totalement avec sa vie. Cette originalité, cette pureté fondamentale, est effectivement mal vue, sans doute parce qu'agissant comme révélateur de la triste moralité ambiante… II n'a rien du génie méprisant et hautain, cloîtré dans une démarche hermétique, tenant le reste du monde, y compris son public, dans le plus profond dédain, que l'on a trop souvent voulu décrire, sans parler de l'étiquette de mini-Hitler que certains penseurs profonds n'hésitèrent pas à lui coller…

" Même si ce soi-disant "fascisme" nous a fait beaucoup de mal, je ne regrette pas en fait tout ce qui a pu se dire ici ou là sur mon compte. Il fallait une rupture totale à la fois dans la musique et dans tout ce qui entourait la musique. Je suis en fait très sensible, et si quelque chose me marque, me choque, il faut que je dise ce qui ne va pas, que je manifeste sans détour mon émotion. Au départ de Magma, il y avait trop à dire, et la nécessité de rupture était telle qu'il m'a fallu passer par une position extrémiste. De plus je ne voyais pas l'intérêt d'aller jésuiter avec tel ou tel journaliste, pour tenter de le persuader. " Ce qui séduit surtout chez lui, c'est cette volonté d'aller vers le public, de jouer pour lui, de lui faire partager sa musique. On comprend pourquoi il a fui les milieux introvertis et poussiéreux d'un certain jazz.

" Aujourd'hui en France, et maintenant en, Angleterre, ça va mieux pour nous. Au petit noyau de fidèles du début s'est ajouté un public plus large depuis bientôt un an, un public qui, de plus en plus, comprend l'esprit de Magma, comprend la musique de Magma. Je m'en rends compte à la fin des concerts, quand souvent je discute avec les gens. Je crois qu'il va se passer des choses étonnantes… Je ne peux pas en dire plus pour l'instant, mais je crois qu'avec Magma des choses très bien vont se passer… Par exemple, à la fin du concert je discute avec des types qui me disent leur solitude et leur difficulté d'arriver à créer quelque chose de valable. Et puis, le lendemain, je rencontre d'autres types, dans une autre région, qui me disent

exactement la même chose, pour les mêmes raisons. Alors, je note leurs coordonnées, et je les mets en contact les uns avec les autres… "

Dans une rue adjacente à Kings Road, notre petite troupe s'arrête devant un magasin d'antiquités qui semble receler une sérieuse quantité de merveilles. Christian y tombe en arrêt devant un casque d'apparat à peu près identique à ceux des pharaons de l'Egypte ancienne. Aussitôt il s'en coiffe. Celui-ci est trop étroit, mais l'antiquaire l'assure qu'il peut en fabriquer sur mesure. Décision est donc prise de revenir le lendemain pour passer commande. " Si celui-là m'était allé je le prenais aussitôt. Et je le mettais. A la scène comme à la ville, pas de problème… " Plus que sa passion pour l'Egypte ancienne, plus que cette folie / génie qui l'habite, cet épisode montre la force de l'état d'esprit d'un Vander, imperméable aux pressions psychologiques de l'environnement, tant il est habitué à agir envers et contre tous. Car depuis 1970, Vander et Magma ont fait le pari de soulever une montagne, celle de la résignation à la médiocrité, celle du laminage par le bas, celle de l'engrenage de la concession, celle de la perte de la dignité des musiciens. Et, à présent ils y parviennent. Dites-le fort : je suis musicien et je suis fier. C'est un peu ça, Magma. Pour soulever cette montagne : la rupture et le travail. Rupture totale et travail énorme. L'histoire de la planète Kobaia est complexe ; cependant, on y trouvera aisément ce symbole de la fuite puis de la reconquête.

Samedi soir. Gomelsky a décidé d'annuler le concert prévu à Newcastle, jugeant trop épuisant pour le groupe deux fois sept heures de car à la veille de l'important concert prévu pour le dimanche soir au Marquee-Club de Londres, concert qui doit clore la présente tournée. Avec Klaus Blasquiz, nous décidons de nous rendre à la fameuse " Roundhouse " où se produit le Grand Magic Circus. Klaus ne tarit pas d'éloges sur la troupe de Jérôme Savary. II se pourrait même qu'il y ait cet été quelques initiatives communes Magma - Grand Magic Circus, mais rien n'est encore fixé…

II faut dire qu'il est difficile de résister au tourbillon du Grand Magic Circus qui a connu un bon succès à Londres avec sa fresque luxuriante " From Moses to Mao ". Et Savary parlant anglais avec l'accent de Maurice Chevalier, cela confère un charme supplémentaire à cette fantastique pantalonnade.

Klaus nous explique que Magma commence vraiment à voir la sortie du tunnel sur le plan financier. Ceci grâce à l'acharnement du groupe qui n'a pas hésité à collectionner les déplacements épuisants pour jouer devant ce qui n'était parfois qu'une poignée de spectateurs, et aussi grâce au travail de Giorgio Gomelsky qui en France a pratiquement créé ce circuit de tournées (M.J.C., théâtres, etc.) et en Grande-Bretagne a su trouver les contacts nécessaires pour présenter le groupe et faire distribuer ses disques. " Giorgio est vraiment la personne qu'il nous fallait, y'a pas de problème. Pendant un an, on peut dire qu'il n'a pratiquement pas dormi.

A présent, outre les six musiciens, l'équipe Magma se compose d'un chauffeur anglais, pour le camion de matériel, d'un roadie hollandais (qui travaillait auparavant avec Faust), d'un éclairagiste, Gérald Lafosse, et toujours, de l'imposant régisseur Loulou Sarkissian. C'est ainsi que Magma a sillonné la Grande-Bretagne de Guilford à Swansea, en passant par Manchester et que partout la réaction de la presse et du public a été étonnante. Le critique anglais qui a le plus mordu à Magma a certainement été Steve Lake du Melody Maker qui a consacré plusieurs articles et comptes rendus de concerts à la suite, l'un tenant deux pleines pages du grand hebdomadaire. La plupart des critiques ont noté un peu partout cette même sensation de réveil d'un public dont la routine musicale semble avoir été soudain brisée. Si quelques

spectateurs ont décroché, la grande majorité fut transportée par la musique de Magma, et l'on vit bien des têtes s'agiter, et parfois, même, danser.

Dimanche soir : le Marquee est plein. Ce club de Wardour Street ne paie pas de mine, pourtant on ne compte plus les noms prestigieux qui ornèrent son affiche. Les énumérer revient à faire la revue des plus grands noms du rock anglais, Rolling Stones, Who, Yardbirds, Cream, Nice, Ten Years After, Led Zeppelin, etc., etc. Magma entre dans la pénombre. Quelques accords, et c'est l'explosion sonore qui lance un concert inoubliable. Magma jouera pendant presque trois heures, portant son public, ne le laissant pas un instant décrocher, et obtenant finalement un triomphe. Ne pas décrocher un instant c'est bien ce qui vous marque lors d'un concert de Magma. L'intérêt est constant, et le rythme, la pulsation permanente, vous pousse à suivre cette montée inexorable par paliers successifs. Montée qui semble infinie, tant elle est un constant dépassement de soi. Le concert comprendra " Köhntarkösz " puis " Soï soï ", puis Vander seul, puis " Theusz Hamtaahk " et enfin " Mekanïk Destruktïw Kommandöh ", salué dès ses premières mesures par des auditeurs connaissant visiblement le disque.

Christian Vander est au centre, fournissant comme à l'habitude ce travail impeccable et fondamental. Il faut voir la musique prendre vie sur les moindres recoins de son visage transformé, il faut le voir, parvenir avec cette musique à un état second, les traits tordus par l'émotion, les yeux ailleurs. Il mit le Marquee à genoux à l'issue de sa longue escapade solitaire à la batterie. Ce qui est remarquable chez lui, est sa faculté de donner l'impression d'oublier son impressionnante technique pour se laisser emporter par l'énergie. Jannick Top, le bassiste, procède beaucoup de la même manière, sachant se défoncer au bon moment, faisant corps avec sa basse saturée comme le plus bouillant des rockers, mais effectuant par ailleurs un travail remarquablement régulier. II n'y a plus de cuivres dans Magma, et la permanence sonore est assurée par les claviers de Michel Grailler et Gérard Bikialo qui se renvoient parfois superbement la balle de part et d'autre de la scène. Et puis, à la guitare il y a Claude Olmos, le rocker, qui parvient très bien à intégrer son jeu incisif à l'ensemble. Quant à Klaus Blasquiz, " la " voix, on se demande (comme pour Vander) où il va puiser toute l'énergie lui permettant de chanter pendant trois heures, dans les rythmes et les registres les plus malaisés qui soient. On n'insistera jamais assez sur sa puissance et son originalité. L'avenir international de Magma peut être envisagé de manière optimiste, parce que ce groupe apporte quelque chose de fondamentalement nouveau puisé dans la musique européenne, et qu'en même temps, ses musiciens possèdent pleinement et livrent les qualités traditionnelles qui font la séduction des musiques rock et jazz. Tel qu'il se présente actuellement, Magma peut rivaliser avec n'importe quel autre groupe anglo-saxon, à la différence qu'il apporte, en plus, l'originalité. Musique universelle… Et après trois heures, nous étions là comme toute la foule du Marquee à applaudir sans cesse et à en redemander. On annonça que c'était dimanche et que le Club devait bientôt fermer ses portes. Sous les lumières rallumées, Giorgio Gomelsky recevait, heureux, les compliments de Lee Jackson (cf. Nice, Jackson Heights). Magma effectuera une nouvelle tournée anglaise en juin. Ce sera certainement la bonne.

Christian Lebrun. Best n° 70 - Mai 1974

Magma à Poitiers - Rock & Folk n° 89 – Juin

Magma à Poitiers

Il faut choisir son camp. Le public présent à Poitiers, lui, l'avait choisi d'avance. "Magma plus grand groupe du monde !" Pas moins pour certains. La lente progression vers l'apothéose "magmesqu " passera, après Can, par le spectacle théâtral de la troupe du Chêne Noir de Gérard Gelas. On retrouvera alors dans ce "Miss Madona" tout à la fois les qualités et les manques de cette troupe avignonaise. Une réussite certaine dans la dramatisation visuelle (éclairages, costumes, masques, mise en scène), mais un schématisme dans le texte, construction de l'intrigue. Cela manque de souffle, de distance et ça n'échappe pas toujours à la caricature la plus primaire. L'initiative des organisateurs de Poitiers est pourtant tout à leur honneur d'avoir incorporé au programme ce qui est malgré tout une des meilleures troupes de théâtre marginal, travaillant depuis plusieurs années sans subvention, s'engageant dans les conflits politiques.

Un grand remue-ménage sur scène, des préparatifs fiévreux ; des hommes en noir avec le déjà fameux sigle rouge installant la batterie du maître avec d'infinies précautions. Nous allions enfin assister à ce pourquoi tout avait été organisé - le show Magma. Et, d'entrée, la machine se met parfaitement en place, avec son arrogance coutumière, sûre d'elle et de sa force : vocaux s'élevant majestueux, faisant résonner le grand espace des Arènes de Poitiers ; mise en scène musicale impressionnante certes par sa force d'évocation naïve, simpliste, façon "science-fiction". Mais une machine dont tous les rouages ont une précision implacable : chacun des musiciens est tendu vers la glorification idéale d'une certaine idée musicale "opéra wagnérien" - Vander et Gomelsky ont choisi certains des meilleurs musiciens français, ainsi de Michel Grailler ex-pianiste de jazz, reconverti au "kobaïen", ou le magistral bassiste, manche tendu vers le ciel et arrachant ses cordes pour une pulsion plus efficace encore. On peut ne pas aimer cette prétention du batteur à vouloir se construire un mausolée musical à sa propre gloire, on ne peut nier qu'il se dégage une force trouble de l'ensemble. De là sans doute la fascination que le groupe opère sur la presse anglaise, Nick Kent allant jusqu'à évoquer, curieusement, le Blue Oyster Cult. S'il n'est pas du tout certain que Can arrivera à s'imposer aux USA, il semble que l'imagerie caricaturale mais puissante de Magma et la force noire de son batteur devraient leur permettre d'éveiller plus qu'un intérêt poli. On peut préférer, magie pour magie, spectacle pour spectacle, un peu plus de dérision, de sophistication ou de force brutale rock' n'rollienne, on ne peut dénier à Magma une présence musicale et spectaculaire, mobilisatrice. Le son monte, la fresque est déployée pour atteindre son point ultime, le solo de batterie et les vocaux scandés de Vander qui abandonne soudain la batterie, regarde son public et s'éloigne. C'est aussi cela dompter les foules : jeu dérisoire dans lequel Vander est passé maître ; la musique du groupe, un imposant background sonore. L'heure des comptes a sonné. Equinoxe a perdu de l'argent, mais les organisateurs ne sont pas pour cela abattus. On est heureux d'avoir mis sur pied ce festival ("Dommage que le curé... etc"), et puis (…)*

*fin manquante

Rock & Folk n° 89 - Juin 1974

MDK - Chronicle by Steve Lake - Melody Maker - June, 26

MAGMA "Mekanïk Destruktïw Kommandöh" Chronicle by Steve LAKE Sounds - January 19, 1974

Some time before this album was available, I made a fairly concentrated attempt to find out what Magma sounded like. I asked some people that had studied the French music scene at first-hand like Steve Hillage and Daevid Allen. Both replied that Magma were (a) weird, (b) had a brilliant drummer in Christian Vander, and (c) were very heavily influenced by Carl Orff. Shamefully, this German composer was then only a name to me, but I checked out some of his recorded compositions, enjoying especially "Carmina Burana", whereby Orff renounced melody and counterpoint, and demonstrated the potential of harmony and rhythm. Which brings us to Magma, and yes, it's all true. The weirdness is the most apparent feature. Like their major rivals, Gong, Magma have a specific mysticism that the music is almost subservient to, and whereas the Gong mythology is about the planet Gong, Magma's is about the planet Kobaïa. Magma, though, take the whole trip a little bit further by actually purporting to sing in the language of the planet which, not surprisingly, no listener understands. Theorically, it seems like a good way to condemn your rock and roll band to obscurity, and I'm sure that's exactly what would happen to this lot if their music wasn't so damn fine. As it is, I think they're going to be very successful, and could easily open a whole new avenue of vocal approaches, even if their chorale ideas have been ripped off from Carl Orff. It's not just a simple matter of restatement they've made the German's precepts work in a rock situation, and the combination of pumping rock electricity, massed neo-operatic voices and Vander's direct percussion is almost overwhelmingly exciting. When something genuinely out of the routine rock rut comes along, you really have to raise a cheer. And Magma is certainly different. I can't understand a word of it, and I think it's bloody great.

MDK - Chronicle by Martin Hayman - Melody Maker - June, 26

MAGMA "Mekanïk Destruktïw Kommandöh" Chronicle by Martin HAYMAN Sounds - January 19, 1974

THIS RECORD really knocked me out after a few plays. At first I thought, as I'm sure most people whose ears are turned to rock music, will also think, "What is this ? Some kind of joke ?" But now I'm hooked, and with frightening regularity it sneaks back on the record player to amaze, stun and dazzle all sorts of people. I do feel though that if I knew better modern orchestral and particularly orchestral composition, it would not be such a shock. I should say and be outset that this music has little to do with rock music, though it comes through the

regular rock outlets. Apparently in their native France Magma have already a large and youngish audience, which rather strengthens the point that if you get to people with untrained ears you can give them music of the very highest quality : no need, in fact, to spoonfeed them cynically with the kind of mindless pap which is what is deemed appropriate. Similarly, there's no need to put a music of this inherent seriousness of purpose through the regular channels of contemporary composition, dominated as they are by snobbery and intellectual elitism and for those reasons communicating less successfully and to fewer people. I suppose it is necessary to draw comparisons with analogues on the British scene. Musically, Magma have similarities with "Tubular Bells" and morally with Hawkwind, but these are tenuous and superficial similarities. Musically it's far stronger than "Bells" and ethically it's light-years in front of Hawkwind's rather pedestrian ecological consciousness, and far more articulate. I think a better comparison, though the music is very different, would be with the Mahavishnu Orchestra. There is the same unquestioned mastery of the instrument as a prerequisite to playing in the band, and the sense of an overall purpose overriding the mere physical aspects of music making. There is the same sense of unity and common purpose which rushes the music along with a relentless attack, and draws the listener ever on towards the conclusion. The group is masterminded in the same way by one man who feels a quasi-divine inspiration - drummer Christian Vander, whose concept this third album is. It is part of a nine-album sci-fi story, a sort of inter-galactic morality play in music. In order to eliminate all conventional resonances, Vander has conceived a language of his own, Kobaïan, which is pretty well sticking your neck out when you know that the whole series is strongly choral. Like "Tubular Bells", it's led through by a single leit-motiv endlessly launched, repeated, re-launched, developed, rhythmically and harmonically modulated. The comparison even holds good to that very effective chord punctuation on the organ. But where it scores over "Bells" is in the constant attack. Not once does it let up. It is the human voice which creates this onward-going rush as well as the greater intensity burning through the players. The voices give the whole piece an inevitably huger human scope, a whole dimension which the instrument can never gain access to. The voice is the most underused of all the instruments in rock music, and this puts the voice back where it should be, at the centre of the human predicament. After all, it's man who invited Armageddon upon himself, not the electric guitar, so it's only appropriate that he should be the one to sing of the agony of its approach.

Blues from an aircraft hanger - Melody Maker - Summer 1974 - Steve Lake

Blues from an aircraft hanger… by the MM's intrepid Steve LAKE

POITIERS is a long way from Paris. I know because I walked most of distance, having failed to connect with the record-company-laid-on transport, for reasons that you wouldn't believe. "Come and see Magma at a festival in France", they had said, "They" being A & M Records and Kaygee Publicity. It sounded an attractive prospect, conjuring up visions of lush green fields, balloons floating lazily in hot blue skies, French femmes fatales in cheesecloth dresses.

The reality was somewhat different. By the time I finally stumbled, road-weary, into Poitiers' imaginatively named "Hotel De France," .the festival had become something less inviting than even a Roundhouse implosion bash. As the sun beat down outside, French youth gathered together in a dank, dark, dirty, aircraft hanger, of a building stuck in the middle of the Parc des Expositions. Furthermore, due to my misplaced energies I'd missed out totally on the bottom end of the bill. But I wasn't the only journalist who failed to get to grips with Zao (a Magma spin-off), Supersister from Holland (now featuring ex-Soft Machinist Elton Dean on alto, saxello and electric piano) and Barre Phillips, the ace American contrabassist, playing a solo set. At around 8.30, or 20.30 as the French would have it, German group Can took the stage to a round of stoned, lukewarm applause. Sound balance, initially, was probably the worst I have ever heard. To a blind listener it would have appeared that Can had remained in Cologne and were attempting to relay their set by long distance telephone ; hopelessly muffled and indistinct. Matters improved gradually and by the end of the set their music had been eased into focus. Can strode off, not looking especially cheerful but were brought back by an unprecedented roar of approval from the same audience that appeared to be dozing throughout their performance. Très étrange. Still, the enthusiasm had the required effect. Organist Irmin Schimdt tore into the encore improvisation with more aggression than his smiling face revealed, and in the process whipped off positively the best keyboard solo I've heard in years. The best since Mike Ratledge at the London School Of Economics, February 14, 1970, to be precise. Dragging great squeals, and screams of white noise from his equipment he propelled the group through a hair-raising fifteen minutes, that sparked off electric moments from all concerned. Superb modern music. Chene-Noir, an apparently much lauded outfit, were as tedious as Can were fascinating. All dressed up, with nowhere to go, they screamed and pranced and Monty Pythoned around for two hours to little effect. After barracking and slow hand-clapping and other crowd abuse, Magma finally took their positions and began a tour de force that left audience and musicians alike winded and confused. Something was happening and I, for one, didn't know what it was. But whatever it was it was dawn powerful. Having lost count of ,the number of times I've seen Magma now, there can be no doubt that they are simply growing , from strength to strength. The apparent philosophy being that if you cram every last ounce of energy into a performance, the listener is going to have to react to it. They always do. Magma music has become so well defined that it's possible to follow the lines played by any of the instrumentalists as an individual performance, and the whole hangs together by the must tenuous of links. The mighty Christian Vander faltered just once in the early moments and the music almost collapsed in ruins. But instead they built from here, turning near disaster into absolute triumph, soaring gloriously to unparalleled heights, and then cutting back to near inaudibility before piling on the heat again. Magnifique. A band to change the world. Melody Maker - Summer 1974

A gander with Vander - New Musical Express - August 3

A gander with Vander

It's difficult to know what to say to a drummer of the calibre of Christian Vander - partly because his drumming is on a plane far beyond that of any drummer I have yet encountered, and partly because he can only understand a few words of English. It's remarkable how hard it becomes when one attempts to interview someone through an interpreter (in this case Giorgio Gomelsky, manager and producer of Vander's French band, Magma). To start with, the tradition of relaxing one's subject with a little idle chatter and a few humorous remarks can be forgotten altogether. There's no way you can make small talk through an interpreter. I thought at first that I might have still enough French to do without Giorgio. No way. That stuff they teach for O level is useless except for passing exams with. MAGMA WAS formed five years ago by Christian who decided it was time that at least someone in France made a stand for rock and perhaps made some music that stretched its boundaries a little.

You see the French don't like innovation in art any more. They like it all the way it was. Society itself is very conservative. All right, the kids like a few new sounds, but the French music industry, stepped as it is in a tradition of Chansant, Reinhardt and the classics, just import what it needs from here and the States. They've never seen anything commercial in domestic rock. (Well there ain't anything commercial, but that's not the point, is it ?) Anyway, Christian and ses amies decided to kick contre this and put together a little combo that now, alors, is actuallement commercial - un peu. Voilà, une feuille de copy et je n'ai pas mon cahier ouvert. Ou est mon cahier ? Qui a half-inched me note book ? Sheeeeet ! Oh yes, it's an education reading my stuff. Before he formed Magma, Christian was a session drummer with a number of jazz and R & B bands. How did he managed to get such an avant garde band together out of a country of musicians usually so apathetic - or pathetique, though I think that loses something in translation). "Christian says none of the band are really French... the people he gets together with as musicians... Michael Graillier (keyboards) is North African of French extraction... Klaus (vocals) is Basque... Jannick (bass) is Polish, German and English... Gerard (keyboard) is Lithuanian... Christian is three-quarters German and a quarter Polish. His Polish grandfather was a gypsy." Actually, there's a lot of Gypsy about Christian. He looks itinerant. He's a very restless person at the best of times. One suspects he's violent, contemptuous, slightly superhuman and constantly fighting to hold back something evil inside him. Which could all be completely wrong - just another bunch of things that got lost in translation. Christian started playing drums at 11. He started playing percussion instruments when he was very young, accompanying Stravinsky, Bartok and Bach... "But I wasn't influenced by

Jacques Loussier", he hastens to add. "I was not living with my parents at 11. I had no official tuition. But the only person who taught me was Elvin Jones. Chet Baker gave me my first drum kit. He was living with my mother and playing with a group in Paris. "He saw I wanted a drum kit and he took me to the club he was playing and came out with a drum kit and said : 'that's for you.' "Six months later the police came round. It was a kit he had hired for the gig and hadn't taken back, so it had been reported stolen." Christian has something of a history of hiring drum kits. The next kit he had he hired himself. "I forgot to take it back. They fined me £200." By 11 he had got off the Bach and Stravinsky and was into Ray Charles. He practised between seven ans nine hours a day. He still does. The kit he has now is a Gretsch. "I prefer it. The sound is more precise. It is more tunable and it has a bigger and harder sound." It consists of a bass drum, a bass tom-tom and a snare. He also has a hi-hat and seven cymbals, all Zildjian. The snare drum stand is a Hollywood which he believes in implicitly, the hi-hat stand is an Orange. The bass-drum pedal is a Camco which was custom made for Elvin Jones. It's operated by a bicycle chain mechanism. The remaining cymbal stands are Ludwig. He uses a lot of weights around the kit to hold it steady. He has 320 lb on the hi-hat and 40 to 60 lb per cymbal stand. His playing uses the different sounds of the various percussive effects he can get from the kit rather than just pounding out a basic rhythm. He is a very rare creature. A successful front-man drummer. "It depends on the pieces. Magma is going to get into a different thing musically, I shall probably play much stronger rhythms. The drums are a melodic instrument. They can be very flat if they are not tuned properly. All the cymbals are tuned." MAGMA HAS NOW been accepted very well in France. It is probably the most respected band by followers of jazz, classical and rock and roll. In France the band, which the industry once ignored, now sells enough albums to be a commercial proposition. Nor it is a band that attracts just the head freaks and the middle-aged intelligentsia. The majority of the audience is between 15 and 16. The kids are starved of music with meat in it and Magma fills that gap. There are now a few other bands in France doing the same sort of thing. Two former members have now formed a band called Zao. In America to date their reception has been OK, but there is a tendency for people there to think the music is pretentious. "It's a music of our times. People spend too much time on a particular form of expression. It was listening to Coltrane that made me want to put the band together, although the music is nothing like Coltrane's. "It was because he is very spiritual musician. He wrote amazing melodies that go higher and higher. At the time people were saying that Wagner was grandiose. But they were wrong, it was spiritual." What does he mean by spiritual ? "It's not inspired by material, earthly things. The inspiration comes from high above. Rock and roll is not spiritual. When you play it you look down at the earth. Spiritual music you draw your inspiration from above." So where does that put yer soul and yer funk, yet actual negro, back to the jungle boogie ? "Negro music is unconsciously spiritual. It appears to be very earthy, but those people have not lost their spiritual potential. They unconsciously, without knowing, are a link with the universe. It's something difficult to detect because of the commercialism.

"I feel very strongly that negro music is not material at all. Six or seven years ago I listened to a lot of Tamla-Motown - Junior Walker, Marvin Gaye, The Supremes. I didn't understand the words, but I felt the music was spiritual." Perhaps if he had heard the words he would have changed his mind. To Christian they were singing about higher things. In fact, they were singing about screwing each other. But there again, maybe he's right. I always thought there was something very spiritual about screwing. This language problem - that of never been able to understand the words to Western music - has led to a strange thing in Magma. Both the musicians and the audiences in France are used to having their rock and jazz with the vocals playing a purely instrumental part. As a result, Christian has invented a new language which has quite a limited vocabulary and concerns itself with the goings on in an SF Fantasy world called Kobaïa. The band also acts as a kind of travelling panacea for loneliness. Christian believes that the music, to be successful, should draw the audience together. He wants people to de-isolate themselves. After concerts in France the band stays on stage and talks to people in the audience. "Wherever you go there are the same sort of people. They have the same problems. I collect telephone numbers and put all those people in touch with each other."

Rex Anderson New Musical Express - August 3, 1974 Zeuhl Merci : Robert Guillerault

Chronique "Köhntarkösz" - Best n° 73 - Août 1974

MAGMA "Köhntarkösz" Chronique et interview de Best n° 73 - Août 1974

Le dernier disque de Magma provoque une légère déception sinon un malaise. II est délicat d'en incriminer les interprètes ou le génial Vander, mais les compositions de ce dernier se ressemblent énormément et sont toutes traitées de pareille façon. A l'écoute de ce disque on n'a pas vraiment l'impression d'entendre une oeuvre nouvelle mais la même suite d'un ancien morceau. C'est d'ailleurs peut être le cas et cette gênante impression de déjà entendu risque de détourner de Magma ceux qui ne sont pas des fans inconditionnels du groupe.

Christian Vander devrait peut être essayer maintenant d'emmener son groupe vers de nouveaux chemins car cette trop constante continuité vers un son et un certain esprit de l'Œuvre pourrait finir par ennuyer même ceux qui furent ses plus fidèles défenseurs. Magma est un groupe trop exceptionnel pour se laisser enfermer à son propre piège musical. Ce serait vraiment trop bête, et dommage.

Chronique "Köhntarkösz" - Extra n° 45 - Août

MAGMA "Köhntarkösz" Chronique de Extra n° 45 - Août 1974

Manière comme une autre de bien se démarquer, il est bon de commencer avec le nouveau Magma, "Köhntarkösz". Enregistré sur le Mobile du Manor à Bastide de Pierrefeu (?) à Valbonne. Personnellement je n'ai jamais été autant convaincu par les disques du groupe que par ses concerts. Il passe en scène une tension difficile à retrouver par le biais du disque, cette appréciation concernant également le nouveau disque bien qu'à un degré moindre. Au programme de ce "Köhntarkösz" sur lequel on peut trouver le remplaçant du guitariste Claude Olmos (Brian Godding), une composition du même titre que l'album présentée en deux parties, composition de Christian Vander, mais aussi "Ork Alarm" du bassiste Jannik Top et "Coltrane Sündïa" toujours de Vander ("Coltrane repose en paix"). Nous reviendrons prochainement sur ce disque de Magma.

Chronique "Köhntarkösz" - Alain Wais - Extra n° 46 - Septembre

MAGMA "Köhntarkösz" Chronique et interview d'Alain WAIS Extra n° 46 - Septembre 1974

A l'heure où Alpes et Ange sortent chacun leur nouveau disque respectif, tous deux de très haut niveau, Magma fait également sa rentrée. Ces trois disques pleins d'une maturité réparatrice et tant attendue sont peut-être l'amorce décisive d'un courant musical sérieux en France. En effet, si l'on veut bien garder un avis objectif, force nous est de reconnaître le manque d'originalité qui caractérise la musique américaine et anglo-saxonne à l'heure actuelle. Les "Grands" refont surface mais ils ne feront qu'un temps, la relève est à prendre. L'Allemagne et son "Kosmiche Roch" a raté son coup, la France pourrait bien le réussir, il y a

trop longtemps que d'illustres inconnus tapent dans leur cave, ils finiront bien par en sortir. Bref, Magma s'impose aujourd'hui comme l'un des porte-drapeaux d'un courant musical réel en France. Magma, groupe de légende, adulé ou abhorré, poursuit sa carrière depuis maintenant cinq ans et jamais groupe français n'a engendré autant de polémiques… une preuve d'intérêt. Il existe un phénomène Magma, de façon générale leurs concerts attirent les foules et les salles dans lesquelles ils se produisent sont toujours pleines ; pourtant, les disques sont loin de se vendre en conséquence. On va voir Magma parce que sur scène, il se passe quelque chose. Magma, c'est le volcan, le dépassement de la technique, un potentiel d'énergie contagieux et jamais en perte. Magma groupe fétiche, l'un des seuls dont on n'a pas honte de parler parce qu'il est totalement original. Bien sûr, le groupe a subi les pires galères, c'est hélas le boulet intraitable qui revient de droit aux musiciens français. Et si Magma tourne encore, c'est sans aucun doute grâce à la flamme de Vander qui l'anime encore et toujours. Magma "en veut", Vander "en veut", il fait trop corps avec sa musique pour la laisser tomber par dépit. Elle vit par lui, en retour elle est son soutien. Magma, c'est évidemment Klaus Blasquiz, l'homme des vocaux, une espèce de sorcier incantateur aux mille facettes. Il existe deux pôles essentiels d'expression, deux éléments propulseurs dans la musique de Magma : la voix et la batterie, l'une projette, l'autre pousse. Deux êtres pleins de conscience, dont le but principal est d'exprimer, mettre au jour chaque souffle de vie qui les anime… ils y parviennent. Et puis il y a aussi les autres, de fabuleux musiciens pour autant que l'on puisse en juger. La musique classique de demain Pour la première fois peut-être, Magma a réussi à faire passer sur le disque toute la vie qui illumine leurs concerts. moins agressive que les autres, "Köhntarkösz" est une œuvre pleine et agencée avec réflexion. Chaque instrument occupe une place déterminée, déterminante dans la conception du morceau. Le son s'élève avec une majesté dans un climat de tension explosive. Les compositions suivent une ligne progressive qui atteint lentement l'éclatement, à cette progression viennent s'inclure des breaks, procurant des retombées de rythme. Tout est mis en œuvre pour que la machine infernale avance, indéracinable. Les thèmes, décantés, sont poussés à l'extrême, exploités, réexploités jusqu'à extinction. Le son, très faible au début, mais plein d'une force latente suggérée, s'élève jusqu'à l'extrême capacité auditive, exorbitée, exacerbée. La musique, alors, s'enivre, s'évade sans jamais s'éparpiller, elle s'éclate dans ses limites, refoulant toutes les barrières. Les chœurs s'avivent, s'illuminent, se mêlant à la folie générale, accentuant leurs thèmes répétitifs, la voix de Klaus s'élance grave et puissante. Profondeur de génie, expression diabolique. Vander soutient les rythmes, propulse la musique, la lénifie, la relance, créateur de ses palpitations… il est le cœur, Klaus est le cerveau et le sexe, les autres sont le sang. Brian Godding assure les parties de guitare rageuses et torturées. Stella Vander est la féminité des chœurs qui complète l'univers de Magma. "Köhntarkösz" (le morceau) occupe presque la totalité des deux faces, une composition géniale de Vander. Jannick Top est le créateur d'"Ork Alarm". Tout à fait dans la lignée de Magma, ce morceau de dépareille pas, Jannick s'est incroyablement imprégné de l'univers de Vander. "Coltrane Sündia" est le morceau le plus doux, Vander rend hommage à Coltrane, "Coltrane repose en paix". Ce disque est pour la première fois subtil, plein de réalité et de mouvements. Mais mieux vaut laisser Vander en parler. Christian Vander parle de "Köhntarkösz" Le nouveau disque : "C'est l'histoire d'un type qui, en effectuant des fouilles, découvre le

temple d'Emëhntëht-Rê, le tombeau n'a jamais été violé et pour la première fois depuis sept mille ans, un homme entre à l'intérieur. Lorsqu'il entre, il se dégage du sol des poussières qui le pénètrent l'espace d'un quart de seconde ; et pendant ce court laps de temps, il va voir défiler toute la vie d'Emëhntëht-Rê qui est l'initiateur du kobaïen, pendant ce quart de seconde, il va détenir la vérité absolue. Il l'a vue mais il en ressort complètement vide, les poussières s'étant dissipées. sachant qu'elle existe, il doit repartir à zéro et travailler pour l'acquérir à nouveau. Bien sûr, quand les types qui l'accompagnent entrent à leur tour, il n'y a plus rien." A.W. : Tu crois en la vérité absolue ? C.V. : Bien sûr et je travaille constamment. Je suis en harmonie avec moi-même. C'est merveilleux parce que tu n'es jamais en contradiction avec ce que tu dis ou fais. Dans un an, rien de ce que je te dis ne sera différent, peut-être plus intense mais c'est tout. La musique est un soutien évidemment, mais je pourrais aussi bien être coiffeur. L'Egypte est une source d'étude immense, c'est la première civilisation réellement importante, mais c'est une chose dont on ne peut parler, on le fait. A.W. : Et le disque, musicalement… C.V. : C'est l'introduction à une pièce que j'enregistrerai dans deux ans, elle comportera trois disques. Le rythme, contrairement aux apparences, n'est pas complexe, il est en l'air, c'est-à-dire qu'au lieu de marquer les temps, il est continuellement au-dessus. C'est le second souffle, il est semblable à la vie, mouvant, spontané. Je veux créer un système de rythme en dehors du temps : taper très vite sur les cymbales afin de donner l'impression d'une marche arrière, semblable à celle provoquée par une roue qui tourne à vive allure et avec l'autre baguette taper lentement avec calme mais à propos. Tu sais, il faudrait connaître le moment exact où il faut taper, la musique ne s'arrêterait jamais. Souvent, je ressens ce moment et j'attends, mais je me demande si le public le ressent aussi et ne va pas siffler en pensant que je frime parce que je ne tape pas pendant quinze secondes. J'ai fait ça en Angleterre, je suis resté un long moment sans taper et lorsque je l'ai fait, la tension était tellement lourde que tous les gens ont réagi, c'était fabuleux.

Magma : une des meilleures "sono" d'Europe ? - Le Disque n° 21 – Automne

MAGMA Une des meilleures "sono" d'Europe ?

Le Sound Reinforcement System de Magma : une sonorisation conçue sur des principes nouveaux et révolutionnaires.

Dernièrement au "Roundhouse Chalk Farm", dans la proche banlieue de Londres, le bruit courait qu'un événement important allait s'y passer… A l'affiche, Keith Tippett, Esperanto, Sutherland Bros, Quiver et compagnie… En vedette Magma, groupe français, qui pourrait bien être le groupe de demain ; et à l'échelon international. Dans la salle Carl Palmer (ex-

E.L.P.), Patrick Moraz (Yes), Brian Davison et Lee Jackson (ex-Nice), Mick Abrahams (Blodwyn Pig) côtoient le public, la presse (au grand complet) et bien d'autres personnalités du monde de la musique.

Si Magma tint l'audience en haleine pendant presque trois heures, si le solo de batterie de Christian Vander fit lever la salle, si la performance sensationnelle de tout le groupe leur valu 20 minutes de rappel, il est aussi à remarquer que leur "sono" est la meilleure jamais entendue ici, à l'unanimité avec ceux qui ont récemment écouté (et vu !) Magma "live". Cette sono est le résultat du travail de Claude Venet, acousticien, aidé de Eric Wagner (directeur technique) et Tony Wyatt (directeur). Ils ont conçu et réalisé le S.R.S. (Sound Reinforcement System) de Magma sur des principes nouveaux et révolutionnaires (dont est inspirée la nouvelle gamme CVE concept de Musique Industrie).

Le S.R.S. de Magma est à la base, une sono quadriphonique de 2000 Watts (en ce moment utilisée en stéréophonie pour des raisons pratiques) composée actuellement de 2 baffles basse, 2 baffles médium, 2 baffles hautes fréquences et 4 moniteurs scène. La console de mixage comporte 20 canaux d'entrée. Elle est totalement quadriphonique au travers de 4 canaux " subgroup " avec sweeper individuel, plus un quadruple canal de sortie avec sweeper ; et 4 crossovers électroniques indépendants (chaque crossover comporte 3 voies séparées par gamme de fréquence) . La parfaite production acoustique de l'ensemble est principalement due aux composants de très haute qualité (haut-parleurs J.B. Lansing) et à une étude approfondie de l'acoustique architecturale par gammes de fréquences dans l'élaboration des baffles. En effet, les baffles de basse sont à très bas coefficient de directivité de façon à atteindre une dispersion du son optimale, sans pour cela affecter le niveau de pression du son qui est renforcé par le retour de l'onde arrière avec un déphasage adéquat. La principale caractéristique de ces baffles se tient dans la conception d'évents accordés, supprimant les harmoniques parasitaires. Ce principe conçu par Claude Venet a fait l'objet d'un dépôt de brevet et est basé sur la sélection d'une gamme de fréquences fondamentales dont la deuxième harmonique (qui introduit la majeure partie de la distorsion dans la reproduction sonore) est atténuée au moyen de volumes internes indépendants, qui sont accordés en fonction du volume global du baffle. La mise au point de ces filtres acoustiques relève de calculs extrêmement complexes pour lesquels Claude Venet a eu recours aux services d'un ordinateur " Hewlett Packard ", qui a aussi servi à l'élaboration du calcul des courbes de l'exponentielle frontale. Chaque baffle de basse utilise 2 JB Lansing de 38 cm type K 140, développant ensemble 300 Watts. Les baffles de médium comprennent chacun un pavillon JB Lansing type 2395 avec radiateurs de dispersion permettant d'atteindre un très bas coefficient de directivité, tout en gardant une pression sonore élevée grâce aux moteurs JB Lansing type 2470 développant ensemble 120 Watts. Les chambres de compression hautes fréquences sont du type 2405 et son montées 4 par baffle, développant ainsi une puissance de 240 Watts. Ces pavillons d'aigus restituent des pressions sonores élevées au-dessus de 8 000 Hz, ce qui permet une balance idéale de la bande passante totale. Les retours de scène ont aussi fait l'objet d'un dépôt de brevet car ils sont d'une conception révolutionnaire. En effet, chaque moniteur peut être assimilé a un ensemble de sonorisation complet car il comporte un dispatching intégral et direct des micros de scène avec sa propre unité d'amplification. Chacun des 20 micros arrive indépendamment sur le dispatching et le contrôle de mixage est fait individuellement sur chaque moniteur par le musicien et sans intervention de la console. Le S.R.S. de Magma est d'une nature extrêmement complexe conçu en regard d'une restitution fidèle à haute puissance de l'intensité émotionnelle de leur musique. II est utilisé par une

équipe de techniciens qualifiés qui ont spécialement suivi un stage de perfectionnement en acoustique avec Claude Venet.

Clive CRAIG Le Disque n° 21 - Automne 1974 Zeuhl Merci : Thierry Moreau

La quatrième dimension - La Revue du Cinéma – Décembre

LA QUATRIÈME DIMENSION Par Gabriel Vialle

"Par-delà l'espace et le temps, nous attend une planète, KOBAIA. "Nous connaissons ce monde depuis le jour où nous ouvrîmes les yeux, il y a des millions d'années. "Que tous ceux qui étouffent ici-bas nous suivent. "Mais que l'hypocrite n'espère rien ! "Terre! "Tu n'es déjà plus qu'un oubli".

(Poème de Christian Vander, compositeur, fondateur et leader du groupe MAGMA).

Les mythes ont la vie dure : malgré des siècles d'exégèses universitaires et d'adaptations et transpositions littéraires, poétiques, musicales et cinématographiques, les légendes d'Orphée, de Salomé, de Judith, de Roméo et Juliette, de Tristan et Iseult continuent, en notre an de grâce 1974, à se bien porter. Il n'en reste pas moins qu'il est de temps en temps salutaire que des créateurs, les prenant à bras-le-corps, se chargent de les assassiner, non pour créer des mythes nouveaux mais pour "faire servir l'appareil à créer les mythes à un usage nouveau" (1).

Ainsi, naguère, de Jean Cocteau redonnant tout son sens au mythe d'Orphée, plus près de nous, de Pasolini retaillant à sa mesure le mythe d'Œdipe, plus près encore, de Carmelo Bene insufflant un sang et un son nouveaux à la légende de Salomé et de Jean le Baptiste. Ainsi, aujourd'hui, d'Yvon Lagrange s'essayant à la phénixologie (2) sur le mythe de Tristan et Iseult en un film dont, en ces colonnes, sut fort bien parler André Cornand (3).

Certes le propos du jeune cinéaste était louable puisqu'il ne s'agissait, rien de moins que de décaper la vieille légende médiévale de ses fioritures et de montrer que les combats - chevaleresques, hiératiques à la limite - se terminaient bel et bien par de véritables boucheries où volent les têtes de veaux, de porcs, de moutons... et d'hommes et où les tripes verdâtres sortent des ventres entaillés, perforés, crevés : comme le roi Renaud de la vieille complainte, Tristan se meurt, "portant ses tripes dans ses mains", tandis que son sang gicle et macule de traînées blasphématoires les statues d'une église où les damoiseaux asexués et les Christs de pierre

pédérastiques se lovent en volutes équivoques. Belle gifle, au passage, sur le vieux concept de la "trêve de Dieu" ! Et qui se complétera d'une très sérieuse remise en cause d'une autre mystification, celle de "l'amour courtois". Un amour cérébral qui, amenant Tristan à sublimer en un fort agressif faucon l'exigeant phallus de son adolescence et à ne point répondre aux avances de son amie Iseult, conduira cette dernière à se réfugier dans la masturbation et, très vraisemblablement, à se faire couvrir par les chiens qui l'accompagnent ! (4)

Mais force nous est de constater que - malgré les millions investis par Cardin, malgré la somptuosité des costumes, masques, casques et armures, malgré la beauté des paysages (Islande, Bretagne et Maroc offrant à la caméra de Bruno Nuytten des décors proprement admirables) et celle des protagonistes - le film a du mal à décoller et à dépasser le niveau d'une belle collection de photographies...

Heureusement, il y a la musique, une composition originale du groupe MAGMA qui ajoute à l'œuvre filmée la dimension qui - sans elle - lui manquerait cruellement, cette "quatrième dimension" annoncée dans le titre de cet article, la dimension onirique, la dimension baroque qui fait qu'avec Tristan et Iseult nous quittons le vieux monde de la haine, des tabous, de la peur et de la mort pour un autre monde. Celui, sans doute, qui est "dans le nôtre" comme l'annonça Eluard, et, tout simplement, comme en fit la démonstration un clergyman rêveur nommé Lewis Caroll, s'atteint en passant à travers le miroir. Le monde de nos pensées et de nos aspirations secrètes, de nos désirs empêtrés dans le filin des interdits et des habitudes, de nos aspirations courbées sous le poids des conformismes, ce monde que depuis ses débuts évoque en psalmodies de plus en plus exigeantes le chant de MAGMA (5).

On a écrit de la musique de MAGMA pour le film de Lagrange qu'elle était "déchirante" ou qu'elle était "expressive" (6). En plus du fait qu'à ce dernier adjectif je substituerais volontiers le qualificatif "expressionniste", justifié entre autres par l'évidente parenté qu'il y a avec les oeuvres de Carl Orff (7), je pense que ce n'est pas la bonne approche pour évoquer cette partition. Les musiciens de MAGMA (le groupe s'est constitué en 68/69 autour de Christian Vander, fils de Maurice Vander, pianiste de Claude Nougaro, et tend à une expression de plus en plus épurée) estiment que leur musique est - pour les exécutants comme pour les auditeurs - une véritable "fonction physiologique" qu'ils assimilent à un "échange de vibrations" amenant tous ceux qui participent, sur scène ou dans la salle, à un de leurs concerts à avoir de la vie une nouvelle vision et, partant, à "découvrir ce qu'il y a derrière les choses" (8). La musique qu'ils ont écrite et jouée pour "Tristan et Iseult" n'est donc pas le simple ingrédient venant relever le brouet des images. Elle est un élément essentiel de l'œuvre et ce n'est pas leur faute si le résultat final ne correspond pas exactement - et, surtout, pas totalement - à l'attente qui était la leur...

II n'en reste pas moins - au-delà du manque d'envergure, de folie, au-delà de la trop grande froideur du cinéaste - que le film arrive vraiment et uniquement à "décoller" quand on entend la musique. C'est elle qui rend supportable l'interminable plan fixe de plusieurs minutes par quoi s'ouvre le film. C'est par les incantations qui montent de la bouche de Klaus Blasquiz que s'expriment l'auto-castration de Tristan ou l'attente charnelle insatisfaite d'Iseult. C'est par le rythme très proche de celui d'un Stravinsky : l'écho de "Noces" ne sonne-t-il pas, d'ailleurs à quelques moments du film ? - lancé par les percussions implacables de Christian Vander, que prennent toute leur signification ces chocs des chevaliers aux allures de bêtes monstrueuses, mi-aurochs, mi-scarabées. C'est la plainte déchirante des guitares, du piano et du synthétiseur qui rend plus atroces les jaillissements du sang, les éruptions d'entrailles, les convulsions des corps qui meurent. Et c'est aussi la musique de MAGMA - "pop-musique" représentant, à

notre époque, une investigation de chemins sonores nouveaux que peu de compositeurs réputés sérieux sont en état de mener - qui sublime le propos que Lagrange semble s'être assigné mais qu'il n'a su qu'incomplètement assumer, ce voyage vers la lumière, le bonheur et la sérénité.

Depuis que le cinématographe s'est donné la parole, se comptent encore sur les doigts les œuvres qui sont autre chose que bruyantes ou bavardes. II faudra dorénavant inclure dans cette numération - et grâce à l'apport essentiel de MAGMA - ce "Tristan et Iseult" version 74.

(1) Louis Aragon. "Théàtre/Roman", éd. Laffont (Œuvres Croisées, tome 42). (2) "Pénixologie": Jean Cocteau - inventeur du terme - en donne dans "Le Testament d'Orphée" la définition suivante : "C'est la science qui permet de mourir un grand nombre de fois pour renaître". (3) "La Revue du Cinéma - Image et Son", numéro 284 - mai 1974. (4) II y a dans le film, à cet égard, au moins deux plans très explicites, même si rien n'est montré : tout est dans l'attente d'images qui, ne venant pas, conduisent le spectateur à se projeter lui-même son propre film intérieur... (5) Dès le premier enregistrement de MAGMA, le thème est annoncé : "Appel à tous les terriens lassés du conditionnement qu'on leur inflige, à partir avec nous pour Kobaïa. Le vaisseau spatial est en vue..." (6) Respectivement: Jacques Grant ("Cinéma 74" - mars-avril) et André Cornand (article cité - cf. note 3). (7) A propos de Carl Orff : "Son expressionnisme primitif est violent, percutant, féroce et vise par répétition obstinée de cellules rythmiques à provoquer un vertige". (André Cœuroy). (8) Cette citation - déclaration de Klaus Blasquiz à la TV de Nantes le 22 février 1974 - nous renvoie tout droit à Lewis Caroll et, bien entendu, aux surréalistes.

DISCOGRAPHIE DE MAGMA

Outre la bande sonore de "Tristan et Iseult" publiée chez Barclay, on peut se procurer: - chez Philips, les disques "Magma" (album double) et "1001° centigrades", - en disques d'importation, le disque "Mekanik Destruktnv Kommandoh" et le disque "Theüs Hamtaahk". (On notera au passage que le refus de laisser l'auditeur disperser son attention sur d'autres éléments que la musique, ses rythmes, ses modulations, ses vibrations, a conduit Christian Vander à imaginer - pour l'importante partie vocale de ses compositions - un langage particulier, le kobaien).

La Revue du Cinéma - Décembre 1974

Chronique "Köhntarkösz" - Pascal Bravard - Rock & Folk n° 95 - Décembre

MAGMA "Köhntarkösz" Chronique et interview de Pascal BRAVARD Rock & Folk n° 95 - Décembre 1974

L'histoire de Magma jusqu'à maintenant est celle d'un parti pris, d'un déterminisme (avec tout ce que ce terme sous-entend de purement philosophique) qu'ils se font forts de poursuivre jusqu'à l'ultime achèvement d'un concept (eux aussi revendiquent une continuité conceptuelle) tant musical qu'humain. Et ce sont les variations (ou peut-être les différentes étapes de l'ensemble de leur projet) du second qui décident et préétablissent la tournure du premier.

D'ordinaire, on pouvait dire de la musique de Magma qu'elle était "frontale", parce que représentative, en premier lieu, de son effroyable impact physique, et en second lieu cela présupposait de la part du participant une tension intellectuelle particulièrement insupportable. Si tenue sans défaillir devant tellement de "signifiant" ; une notion qui paradoxalement peut s'employer lorsqu'on évoque le blues et autres (bien peu, en réalité) musiques qui soient autant charnelles que destinées à vos précieuses limbes (ombiliquées?). Il en est tout autrement de "Köhntarkösz", et il n'est nullement question (pour moi) de parler de déception ou d'assagissement. Encore que ce soit la première remarque qui puisse venir à l'esprit (tiens), et s'imposer d'emblée : Magma ne s'est pas lui-même "exorcisé", il a toujours ce dédoublement de personnalité.

Simplement, cette force qui auparavant s'installait dans le tranchant des cuivres et l'éclat mat de la caisse claire, se trouve reportée dans le "déroulé" de tous les toms que Vander pulvérise, et surtout dans la pression cérébrale à laquelle incite l'orgue jouée en distorsion et bien entendu nous renvoyant au son "ratledgien" du Soft Machine. "Köhntarkösz Part Two" illustre cet aspect planant du nouveau Magma où les claviers et leurs phrases jouissent de leur pureté et se défigurent, collés ou superposés les uns aux autres. Il y a également une recherche au niveau des entrelacs harmoniques que "Mekanïk" ignorait dans la presque intégralité de l'album ; cela se traduit ici par l'abandon du "câble vocal" qui venait constamment en rappel au travail instrumental que l'on pense livré à lui-même dans cette performance, puisque l'on a l'impression d'assister à une longue improvisation. Alors que cet élément irait à l'encontre de la discipline à laquelle le groupe s'est astreint.

Même s'il est vrai que le fait de s'être séparé de son "corps cuivré" enlève à Magma un peu de sa chaleur, il n'en demeure pas moins que ce disque est une flagrante réussite, venant des héritiers de l'avenir les plus éclairés, à aborder avec une sensibilité que je vous laisse libre de revêtir d'amiante.