l'évaluation en fle à l'alliance franco- marocaine d'el jadida

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Université Stendhal Grenoble 3 Mémoire professionnel de Master Mention Sciences du langage Spécialité FLE 2ème année Ilham BELLOUCHE N° étudiant : 20533776 L’évaluation en FLE à l’Alliance franco- marocaine d’El Jadida: représentations et pratiques Sous la direction de Patrick CHARDENET, Maître de conférences en sciences du langage Université de Franche Comté

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Université Stendhal Grenoble 3Mémoire professionnel de Master

Mention Sciences du langageSpécialité FLE

2ème année

Ilham BELLOUCHEN° étudiant : 20533776

L’évaluation en FLE à l’Alliance franco-marocaine d’El Jadida: représentations et pratiques

Sous la direction de Patrick CHARDENET,

Maître de conférences en sciences du langage Université de Franche Comté

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Table des matières

Introduction .........................................................................................................................................6

Première partie : Contexte et définition de la mission 91. Description du cadre d’intervention : l’Alliance Franco-marocaine d’El Jadida, Maroc 91. 1. L’AFM : Description et hiérarchie 91. 1. 1. Ses origines, son histoire et son développement 91. 1. 2. Son engagement envers le SCAC 121. 1. 3. Sa hiérarchie : les acteurs et leurs fonctions 161. 2. L’AFM : « Une entreprise et sa campagne publicitaire » 181. 2. 1. L’AFM face à la place et l’importance de la langue française au Maroc 191. 2. 2. « Le catalogue » de l’AFM : ce qu’elle propose 221. 2. 3. Les publics auxquels s’adresse l’AFM 232. Description du contexte du stage 242. 1. Contexte institutionnel 252. 2. Contexte humain 262. 3. Contexte pédagogique 262. 4. Contexte logistique 273. Description du public visé par le stage 283. 1. Les enseignants 283. 2. Les publics d’enfants et de jeunes adolescents 29

Deuxième partie : Place de l’évaluation dans l’enseignement / apprentissage du FLE à l’AFM 30

1. Evaluation : définition, étapes et but................................................................................................30

2. Evaluation : moments et fonctions....................................................................................................32

2. 1. L’évaluation au début d’un parcours d’apprentissage...................................................................33

2. 2. L’évaluation au cours d’un parcours d’apprentissage 342. 3. L’évaluation à la fin d’un parcours d’apprentissage 353. Evaluation et enjeux politiques, sociaux et économiques 363. 1. Les enjeux politiques 363. 2. Les enjeux sociaux 373. 3. Les enjeux économiques 384. Evaluation du côté du plan d’enseignement et du plan d’apprentissage 394. 1. L’évaluation au plan de l’enseignement : représentations et pratiques 404. 1. 1. Quand l’évaluation est synonyme de « note », « sanction » et « classement » 404. 1. 2. Quand on est à la recherche d’un modèle pour évaluer les compétences des apprenants 434. 2. Evaluation au plan de l’apprentissage 495. Evaluation et CECR 525. 1. L’approche actionnelle 545. 2. Le CECR : Une ressource dans le changement des représentations 555. 3. Le CECR : Une ressource dans le changement des pratiques 565. 3. 1. Le CECR, un outil pour spécifier les contenus des tests 575. 3. 2. Le CECR : un outil pour déterminer les critères d’évaluation 575. 3. 3. Le CECR, un outil pour déterminer le niveau de compétence de l’apprenant 58

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Troisième partie : Mise en place du projet 1. La conception des tests de positionnement.......................................................................................59

1. 1. Prise en compte des contraintes matérielles de l’AFM 621. 2. Prise en compte des spécificités du public d’enfants et de jeunes adolescents à l’AFM...............64

1. 3. Comment définir le profil de compétences d’un apprenant ?........................................................65

1. 3. 1. Quel type d’évaluation choisir ? 651. 3. 2. Quelles compétences évaluer et quels outils pour quelle compétence ? 662. La conception des tests annuels 712. 1. Quel type d’évaluation choisir ? 732. 2. Quelles compétences évaluer ? 742. 2. 1. Evaluation de la compréhension orale 752. 2. 2. Evaluation de la compréhension écrite 782. 2. 3. Evaluation de la production écrite 792. 2. 4. Evaluation de la production orale 833. Formation des enseignants 863. 1. Analyse de la situation des enseignants 863. 2. Définition des objectifs 903. 3. Choix de la stratégie de la formation 913. 4. Détermination du planning 923. 5. Déroulement de la formation 993. 6. Evaluation de la formation 101Conclusion 103Références bibliographiques 106

IntroductionCréée en 1993, l’Alliance franco-marocaine d’El Jadida, où nous travaillons depuis six ans en tant

qu’enseignante vacataire et où nous effectuons notre stage de Master 2, mention Sciences du

Langage, spécialité Français Langue Etrangère, fait partie des 1071 Alliances françaises dans le

monde. Cependant, si le but de l'ensemble de ces Alliances, au-delà de leur fonction pédagogique,

celle de l’enseignement du français langue étrangère, et culturelle, celle de la diffusion de la culture

française, est de faciliter la coopération franco-étrangère, il semble important de noter la

particularité des Alliances et Instituts français au Maroc puisqu’ils sont étroitement liés au statut et

à l’importance de la langue française dans ce pays.

En effet, le français représente un moyen de promotion et d’insertion sociales et c’est la langue des affaires. A cela s’ajoute le développement que connaissent en langue française, la presse, le cinéma, les programmes de télévision, l’édition, sans oublier les établissements supérieurs où elle est largement privilégiée en tant qu’instrument d’enseignement et de recherches.La majorité des apprenants de l’AFM est issue des cycles primaires, collèges et lycées. Leurs lacunes sont très importantes à l’oral et à l’écrit. En s’inscrivant à l’AFM, ils s'attendent ainsi à des

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cours de renforcement et de rattrapage d’un français dispensé dans les établissements publics dont le statut reste très vague (Français Langue Etrangère ou Français Langue Seconde) et dont les pratiques demeurent archaïques. Toutefois, l’objectif de l’AFM n’est pas de dispenser des cours de rattrapage des systèmes scolaires, mais plutôt de développer des méthodes d’apprentissage basées sur la communication. L’essentiel est que l’apprenant puisse utiliser aisément le français au-delà des compétences scolaires.Trente-six enseignants travaillent à l’AFM et vingt-neuf d'entre eux enseignent également dans les établissements publics où la formation fait largement défaut. Cependant, si leurs pratiques au sein de l’AFM ont connu une certaine évolution grâce aux formations qu’ils reçoivent sur place ou dans d’autres Alliances ou Instituts français dans d’autres villes, par manque de formation, l’évaluation ne suit pas. Elle reste malheureusement synonyme de « mesure » et de « sanction », à l'image de ce que ce qui se passe dans l’enseignement public, expliquant partiellement l'avant dernière place qu’occupe l’enseignement au Maroc sur l’échelle mondiale.Comment peut-on garantir la qualité d’enseignement/apprentissage à l’AFM si l’évaluation est loin d’en être une partie intégrante, si le divorce entre théorie et pratique est flagrant et si la forte variation de niveaux présente dans toutes les classes, représente un handicap face à cette qualité des cours à laquelle aspire cette institution, lésant ainsi les faibles et favorisant toujours les meilleurs ? C’est dans ce cadre que notre commande de stage a eu lieu. Cette commande a été fortement négociée avec la directrice des cours et également notre chef de projet puisqu’elle nous avait demandé de travailler uniquement sur la conception des tests d’évaluation : de positionnement, semestriels et annuels pour tous les niveaux et tous les publics : enfants, jeunes adolescents, adolescents et adultes, ce qui nous paraissait excessif alors que la formation des enseignants s’avérait aussi d’une importance capitale. Livrer aux enseignants les clefs en main, les évaluations toutes faites ne garantit pas la réduction de la variation de niveaux dans les classes et la qualité de l’enseignement/apprentissage si leurs représentations et pratiques restent les mêmes et si le problème de sur ou de sous-évaluation persiste. Il semblait donc important d’agir à deux niveaux :

- concevoir des tests d’évaluation de positionnement et annuels, situés en fin de

parcours d’apprentissage, pour les publics enfants et jeunes adolescents, les plus

nombreux à l’AFM ;

- préparer une formation destinée aux enseignants, comportant une partie importante

sur l’évaluation formative, représentant ainsi un premier pas vers une évolution

progressive des représentations et pratiques enracinées depuis des années.

Ceci nous pousse à nous poser les questions suivantes : comment réduire la forte variation des

niveaux grâce aux tests de positionnement et annuels ? Comment faire de ces procédures un moyen

efficace et pertinent permettant de déterminer le niveau réel des apprenants en réduisant au

maximum le problème de sur ou de sous-évaluation qui porte préjudice à tout leur processus

d’apprentissage ? Que faut-il évaluer et comment doit-on le faire ?

Quant aux enseignants, comment affronter leur résistance au changement ? Comment favoriser l’évolution de leurs représentations et pratiques ? Et comment les amener à adopter une attitude critique et en même temps formative dans leurs pratiques quotidiennes ?Dans de ce mémoire, nous nous attacherons à répondre à ces questions en exposant dans un premier chapitre le contexte et la définition de notre mission à travers une description du cadre d’intervention, à savoir l’AFM, du contexte du stage et du public concerné. Dans un deuxième chapitre, nous situerons l’évaluation dans le champ disciplinaire de la didactique des langues en comparaison avec les pratiques observées à l’AFM, nous permettant ainsi d’intervenir en connaissance de causes, dans une situation jugée critique au sein de l’AFM afin d’essayer

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d’apporter dans un troisième chapitre quelques solutions réalistes et applicables par rapport aux contraintes du terrain.

Première partie : Contexte et définition de la mission

Etant enseignante à l’Alliance franco-marocaine d’El Jadida depuis six ans, nous avons choisi de

faire notre stage de master 2 sur notre lieu de travail, ce qui nous a permis d’approcher de près les

besoins pédagogiques de cette institution qu’il convient d’abord de décrire avant de présenter notre

mission.

1. Description du cadre d’intervention : l’Alliance franco-marocaine d’El Jadida, Maroc

Comme son appellation le montre, l’AFM d’El Jadida s’inscrit dans une double identité. Il convient

donc, avant toute description, de la situer et de définir ses deux identités :

- la première correspondant à la marque « Alliance Française » avec son objectif de

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rayonnement de la culture française ;

- la seconde comme école de langue française au Maroc. L’une ayant des conséquences non négligeables sur l’autre, le métissage de l’AFM en fait ainsi un

établissement différent d’une autre Alliance Française ou d’une école marocaine de langue

française.

1. 1. L’AFM : description et hiérarchie

L’AFM se définit comme « une association de droit marocain intégrée dans le réseau culturel de l’Ambassade de

France au Maroc ». Elle fait ainsi partie des 1071 Alliances françaises dans le monde. A ce titre, elle

s’inscrit dans la promotion de la langue et de la culture françaises à l’étranger. Comme toute

Alliance, elle a le statut d’une association à but non lucratif.

1.1. 1. Ses origines, son histoire et son développement

En 1982, une antenne du Centre Culturel Français de Casablanca ouvre ses portes dans la ville d’El

Jadida. En 1985, l’antenne devient indépendante et se transforme en 1993 en Alliance française

fonctionnant avec un comité local élu et un directeur français. L'appellation « Alliance française »

lui donne le droit notamment de délivrer des diplômes tels que le Diplôme d’études en langue

française, le Diplôme approfondi en langue française et le Test de connaissances de français ,

privilège que les autres institutions marocaines enseignant le français comme langue étrangère ne

peuvent offrir à leurs clients.

Ainsi, est-il évident qu’une AF au Maroc sera différente d’une AF d’un autre pays étranger. Les

trois AFM : El Jadida, Essaouira et Safi, tout comme d’ailleurs les sept Instituts français, doivent

forcément prendre en considération le système scolaire marocain, le statut et l’importance de la

langue française au Maroc, langue de l’ancien protectorat, qu’il convient de préciser brièvement :

« Plus de quarante ans après la fin du protectorat, [la langue française] est toujours présente dans la vie et la société marocaines non seulement comme résidu de la domination coloniale, mais comme langue d’ouverture sur le mode occidental. Sa situation a sensiblement peu évolué depuis la proclamation de l’indépendance et elle bénéficie d’un statut particulier : ce n’est ni une langue officielle, ni une langue étrangère à proprement parler. En fait, le français est officiellement considéré comme la première langue étrangère et fonctionne comme langue de la modernité. Sa place dans le concert des langues en présence le dote d’un rôle ‘instrumental’ et culturel. Langue fonctionnelle, le français contribue aux recherches des différents domaines des sciences sociales et permet d’accéder aux connaissances techniques et scientifiques […] le français est utilisé dans des situations formelles et parfois informelles (il est la langue de communication largement utilisée par une certaine élite urbaine francisée). Il s’impose comme l’instrument de sélection scolaire, sociale et professionnelle. On le trouve dans toutes les strates de la vie sociale : il est présent dans le domaine culturel et éducatif, dans le supérieur, où l’enseignement scientifique est en français et surtout dans les Grandes Ecoles, les Instituts de Technologie, dans le secteur industriel et agricole, dans la formation professionnelle. Bref, le français fait encore partie du milieu de vie des Marocains aisés et moyens, qui recourent à cet idiome pour se former, s’informer et se distraire. »

Cela explique la forte demande du français au Maroc et le développement important d’un

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enseignement privé qui donne la plus grande place possible au français.

On remarque ainsi la présence d’un grand nombre d’établissements scolaires d’enseignement

français au Maroc : 29 établissements couvrent les principales villes, 23 d’entre eux dépendent de

l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (A. E. F. E) et 6 de l’Office Scolaire

Universitaire et International (O. S. U. I). Ces établissements scolarisent 26 400 élèves dont plus de

60 % sont marocains.

Si l’accès à ces établissements revient de droits aux expatriés français, il demeure toutefois très sélectif pour les élèves marocains, la sélection s’opérant d’abord sur tests-concours, puis inévitablement d’un point de vue financier. L’inscription est en effet très onéreuse comme le montre le tableau des tarifs scolaires de l’année 2008-2009 de l’établissement Jean-Charcot se trouvant à El Jadida et scolarisant des élèves à tous les niveaux d’enseignement. Il propose ainsi une maternelle, une primaire, un collège et un lycée.

Tarifs prévus au 01/09/2008Année scolaire 2008/2009

Classes Français MarocainsPetite section

Moyenne sectionGrande section

2343, 28 £2343, 28 £2343, 28 £

2343, 28 £2343, 28 £2343, 28 £

Cours préparatoireCours élémentaire 1Cours élémentaire 2Cours moyen 1Cours mayen 2

2483, 73 £2483, 73 £2483, 73 £2483, 73 £2483, 73 £

2483, 73 £2483, 73 £2483, 73 £2483, 73 £2483, 73 £

SixièmeCinquièmeQuatrièmeTroisième

2807, 19 £2807, 19 £2807, 19 £2807, 19 £

2807, 19 £2807, 19 £2807, 19 £2807, 19 £

SecondePremièreTerminale

3666, 82 £3666, 82 £3666, 82 £

3666, 82 £3666, 82 £3666, 82 £

Autres prestationsInscription 1454, 55 £ 1454, 55 £

La demande restant très forte et la possibilité d’accès à ces établissements scolaires français très

limitée, un grand nombre d’établissements privés dispensent un enseignement en français.

En résumé, l’importance de la langue française au Maroc explique le développement des écoles de langue dans ce pays, mettant en place une forte concurrence pour ces écoles et la nécessité d’adapter un enseignement à une situation linguistique particulière, mais aussi de présenter un enseignement de qualité. Il est intéressant là de citer le préambule de la Charte du Service de Coopération et d’Action Culturelle au sujet de la diversité des statuts du français au Maroc :

« Il faut tenir compte, autant qu’il est possible, de cette diversité, en multipliant les types de cours, les référents didactiques, les pratiques de classe. (…) les cours de langue des Instituts peuvent s’appuyer sur une demande très forte, sur une motivation constante, et développer ainsi des approches variées et innovantes. »

A son tour, l’AFM s’est considérablement développée ces dernières années, recevant toujours plus de demandes d’inscription (à titre d’exemple, cf. au tableau ci-dessous) et se voyant obligée de limiter les inscriptions de nouveaux élèves à chaque rentrée.

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Année Nombre d’inscriptions2005

200620072008

1263 (dont 52 en cours d’été)1457 (dont 94 en cours d’été)

1501 (dont 152 en cours d’été)1606

Les limitations d’inscription sont dues essentiellement au manque de locaux pour accueillir les apprenants. Pour palier ce problème, un certain nombre de cours se déroule sur trois sites extérieurs :

- l’établissement Charcot pour les cours pour adultes ;

- l’école Mohammed El Fassi ;

- le lycée Ibn Khaldoun.

En contrepartie de ces locaux, l’AFM s’engage à rendre des services comme la rénovation des salles

de cours ou encore des sanitaires, selon les besoins manifestés par les établissements concernés.

1. 1. 2. Son engagement envers le SCAC

Comme les autres AFM, celle d’El Jadida est sous la tutelle du Service de Coopération et d’Action

Culturelle de l’Ambassade de France car elle doit suivre sa politique linguistique, mais en accord

avec le conseil d’administration. Elle s’engage ainsi à répondre à une charte de qualité des cours de

langue qui a pour objectifs « de préciser, de réguler et d’harmoniser les pratiques d’enseignement / apprentissage

du français au sein du réseau culturel du Maroc »

Dans un premier temps, la Charte rappelle que les Alliances et Instituts du Maroc s’inscrivent dans un contexte linguistique particulier, qu’il convient d’adapter les choix didactiques à ce contexte et de trouver des réponses pédagogiques adéquates. Elle précise également qu’elle « fournit un cadre général de travail (…) elle laisse toute sa place, néanmoins, à la mission territoriale des Instituts Français, qui implique une politique des cours tenant compte des besoins et des particularités du public propre à chaque Institut. » Nous nous proposons ici de voir justement en quoi l’AFM d’El Jadida essaie de répondre à ses engagements auprès du SCAC et ce qui l’oblige toutefois à s’adapter à une demande et un public particuliers, et à des moyens financier, humain et matériel restrictifs. Pour cela, nous allons brièvement considérer chaque chapitre (comme ils sont présentés dans la charte), ce qui permettra de mieux comprendre le fonctionnement d’une Alliance Française au Maroc et d’apporter ensuite une analyse critique sur le fonctionnement de l’AFM d’El Jadida en se basant sur certains critères.

§ Les publics et l’offre de cours

L’AFM essaie de diversifier ses cours pour répondre à des demandes particulières émanant de ses

clients directs (les apprenants eux-mêmes) ou indirects (les entreprises). Elle propose ainsi trois

orientations allant des cours de Français Langue Etrangère avec des manuels de FLE à des cours de

français en entreprise répondant à un cahier de charges prédéfinis. La Charte préconise une

quatrième orientation qui concerne le français des métiers, mais l’AFM n’a, dans ce cadre, jamais

eu suffisamment de personnes intéressées par cette orientation pour constituer un groupe

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suffisamment important.

En ce qui concerne les cours de français langue étrangère, l’AFM forme les groupes d’apprenants communément à la typologie des apprenants indiquée dans la Charte, c'est-à-dire selon l’âge et ensuite le niveau des apprenants en référence au Cadre Européen Commun de Référence. Cinq catégories de publics, au minimum, sont requises dans la Charte et l’AFM respecte cette exigence allant des enfants d’âge préscolaire aux adultes. Enfin, elle fait en sorte de ne pas dépasser un effectif de 25 apprenants par groupe, limitant même les groupes en moyenne à 18 apprenants par groupe.

§ Pratiques langagières et pratiques culturelles

La Charte de qualité des cours de langue demande aux Instituts et Alliances de favoriser autant que

possible un lien étroit entre les cours de langue et toutes les activités culturelles soit au sein même

de l’établissement (comme la médiathèque ou les ateliers artistiques proposés) soit en saisissant les

occasions de manifestations culturelles (telle que la journée de la Francophonie). Cette étroite

relation entre le service de la médiathèque, le service culturel et celui des cours de langue est

relativement développée, mais a une répercussion assez limitée sur les cours de langue en tant que

tels. Quelques projets sont toutefois en correspondance directe avec les apprenants de l’AFM, tels

que :

- un projet de correspondance entre la France et le Maroc, intitulé la Contrebasse Voyageuse

a été mis en place sur plusieurs mois avec deux groupes d’enfants de l’AFM dont l’un est

celui qui nous a été confié cette année ;

- un spectacle La Yourte des Marionnettes a proposé une sensibilisation au monde des

marionnettes aux enfants de l’AFM ;

- une projection à la salle de projection qui tient lieu de cinéma à El Jadida, a permis aux

adolescents et adultes de visionner Le dessous des cartes : Géopolitique et Religions,

projection suivi d’un débat et d’un travail en classe ;

- une invitation à participer à différents concours comme le concours Plume d’or 2008 ;

- le FICAM (Festival International du Cinéma d'Animation de Meknès)…

De plus, si en dehors de l’espace classe, une proposition d’ateliers artistiques (théâtre, dessin,

journalisme audio-visuel…) a été formulée, celle-ci a rencontré peu de succès. A cela, il faut ajouter

que l’exploitation des manifestations culturelles dépend essentiellement du bon vouloir des

enseignants. Ces derniers peuvent effectivement se contenter facilement de leur lieu de cours, de

leur manuel et de leur groupe tout au long de l’année, sans ouvrir le contenu linguistique de leur

manuel aux pratiques culturelles proposées par l’AFM.

Comme le précise la Charte, cela « implique des lieux et des moments de concertation suffisants entre l’équipe pédagogique des cours de langue et les différents équipes de l’Institut. » Mais, ces deux conditions ne sont pas particulièrement développées au sein de l’AFM. Malgré une grande activité culturelle proposée à l’intérieur et en dehors de ses murs, aucun projet commun entre les enseignants et leurs groupes d’apprenants n’est réellement mis en place.

Page 11: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

§ Les supports et les outils pédagogiques

L’AFM répond aux exigences de la Charte en ce qui concerne les supports pédagogiques. Elle

travaille avec des manuels de référence correspondant au niveau de ses groupes d’apprenants défini

par les niveaux du Cadre Européen Commun de Référence.

Elle offre ainsi des sessions plus ou moins longues, allant de l’année scolaire pour les publics

scolaires à des formules plus courtes correspondant à des modules d’un nombre d’heures précis,

formule appréciée des entreprises.

Trois pratiques d’évaluation sont requises : une évaluation au début du parcours d’apprentissage,

elle sert à positionner les apprenants et les placer dans des groupes de niveau, une autre au cours du

parcours d’apprentissage appelée « évaluation formative » sachant qu’elle sert uniquement à remplir

des bulletins qu’il faut fournir aux parents des apprenants, et une évaluation à la fin des cours, elle

sert également à remplir des bulletins et permet de savoir si l’apprenant passe au niveau supérieur

ou refait le même niveau (nous y reviendrons par la suite).

La Charte rappelle également la nécessité de mettre en place un contrat d’apprentissage au début de

chaque formation, là encore, aucun contrôle ne permet de savoir si cet engagement est réellement

appliqué.

§ L’équipe d’encadrement

La Charte requiert la présence d’un directeur des cours et d’un coordinateur pédagogique qui se

partageraient la gestion des cours de langue. En ce qui concerne l’AFM, la directrice des cours

s’occupe seule de la gestion des cours, du choix de leur orientation politique au choix des manuels

et des outils pédagogiques. Il est également question de la formation continue des enseignants.

Cependant cette année, il n’y a eu qu’une seule et courte formation portant sur les thèmes suivants :

« Techniques de dramatisation en classe de FLE », « Pistes d’optimisation à l’entraînement à

l’expression orale » alors que les besoins des nouveaux enseignants sont importants à tous les

niveaux. Ceux qui travaillent à l’AFM depuis des années et qui ont reçu plusieurs formations sur

l’enseignement/apprentissage du français langue étrangère, la quittent les uns après les autres.

§ Constitution et suivi de l’équipe pédagogique

En ce qui concerne l’équipe enseignante, la Charte propose d’avoir d’une part une équipe

d’enseignants vacataires, et d’autre part une équipe d’enseignants permanents. Ces derniers

pourraient s’investir notamment dans l’élaboration du matériel pédagogique et assurer une certaine

stabilité de l’équipe pédagogique. En ce qui concerne l’AFM, l’équipe pédagogique est constituée

de trente quatre enseignants vacataires et d’une seule enseignante titularisée à mi-temps, ce qui

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explique sans doute le peu d’investissement de l’équipe enseignante en dehors des cours.

L’AFM essaye de répondre aux exigences concernant les modalités de recrutement. Chaque enseignant est recruté suite à un entretien et reçoit une formation initiale assurée par la directrice des cours avant de prendre un groupe en charge : de 25 à 30 heures de formation théorique (cependant, cela n’est pas toujours respecté), 6 heures d’observation et trois interventions de 45 minutes environ. Enfin, la Charte demande aux Instituts et Alliances d’assurer un suivi pédagogique et une formation continue s’appuyant sur : - les carnets de bord où apparaîtra le détail de chaque séance (objectifs, supports…) ;

- les visites de classe régulières et formatives assurées par le directeur des cours ;- le plan de formation continue répondant aux besoins des enseignants.En ce qui concerne l’AFM, force est de constater que ces outils, présentés comme indispensables au

suivi pédagogique de l’équipe enseignante, ne sont pas toujours respectés ou que partiellement,

faute de temps pour la directrice des cours et de moyens financiers.

§ La politique de réseau

Comme cela est requis dans le Charte concernant le réseau des Alliances et des Instituts français, la

rémunération des enseignants s'effectue par rapport au type de cours assuré, un enseignant de FLE

sera ainsi moins bien payé qu’un enseignant de Français sur Objectifs Spécifiques en entreprise.

En ce qui concerne les moyens financiers investis dans les plans de formation, ces derniers sont, comme nous l’avons vu précédemment, malheureusement limités pour l’AFM.

1. 1. 3. Sa hiérarchie : les acteurs et leurs fonctions

L’AFM est sous la tutelle du Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de

France, mais elle est gérée par le Conseil d’Administration dont les membres sont élus par les

adhérents.

A sa tête, se trouve le directeur qui administre tout l’établissement et assure les relations avec les différents services :

§ Le service de l’enseignement : celui-ci est dirigé par la directrice des cours de langue

secondée par la secrétaire des cours. Les fonctions de la directrice sont variées et relativement

denses. Elle doit s’occuper notamment de la gestion administrative et du personnel des cours de

langue, du suivi de l’équipe pédagogique, de la réalisation des cahiers des charges, du recrutement

des nouveaux enseignants, ou bien encore du choix des manuels et des outils pédagogiques. A ce

propos, il est intéressant de préciser que la directrice a constitué une bibliothèque FLE dans son

bureau qui est accessible à tous les enseignants et qui est riche de manuels pour tous les niveaux, de

références théoriques ou encore d’outils pédagogiques tels que des DVD, des contes ou des recueils

de chansons pour apprendre le français aux enfants. L’utilisation de ces documents est fortement

encouragée pour enrichir le contenu des manuels et une liste inventoriant chacun des documents est

remise aux professeurs en début d’année. Cependant, elle dépend encore une fois du bon vouloir

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des enseignants.

En ce qui concerne notamment l’équipe enseignante gérée par la directrice, elle est constituée de 34 enseignants vacataires, d’une enseignante titulaire et de trois stagiaires français qui ont les mêmes responsabilités que les autres enseignants au sein de l’AFM. Ils sont recrutés sous condition d’être titulaires d’une licence de littérature française et de justifier de 3 années d’expérience. Ils suivent ensuite une formation délivrée par la directrice des cours. Nous y reviendrons par la suite.

§ Le service culturel : celui-ci est géré par le responsable du service culturel. L’AFM

établit une programmation culturelle importante qui représente un outil de promotion de

la culture considérable, notamment à l’échelle de la ville d’El Jadida. Effectivement, il

est intéressant de noter que la moitié des manifestations culturelles se déroule en dehors

des murs de l’AFM. Elle propose des rencontres, des débats avec des auteurs, des

ateliers, des formations, du théâtre, des expositions, des conférences, des concerts et du

cinéma. Les manifestations culturelles riches et variées profitent aux apprenants de

l’AFM et à toute la ville.

§ Le service médiathèque : la médiathèque est un lieu important à l’Alliance et dans la ville.

L’accès aux livres n’est pas chose évidente à El Jadida, qu’il s’agisse de les emprunter ou

de les acheter. La médiathèque a été longtemps le seul lieu de prêt de la ville, avant la

construction d’une bibliothèque municipale récemment. C’est pourquoi la médiathèque de

l’AFM compte un peu plus de 2000 adhérents auxquels elle offre plusieurs services

permanents :

- environ 8000 documents avec un grand choix concernant la France et le monde francophone

(plus de 4000 livres pour adultes et de 3000 livres jeunesse) ;

- un abonnement à une quinzaine de magazines scientifiques, littéraires, artistiques et

politiques ;

- des CD, des documentaires et des cédéroms en consultation sur place ;

- un accès à Internet avec trois postes en libre service ;

- des fonds spécifiques d’information pratiques sur la France (étude, tourisme, etc.) ;

- une possibilité de consulter et travailler sur place avec des fauteuils et une salle d’études ;

- un coin jeunesse destiné au jeune public confortable et très apprécié par les enfants.

La médiathèque propose également des services ponctuels ou réguliers avec des animations pour les

enfants ou des manifestations pour les plus grands. Le responsable de la médiathèque essaie

effectivement d’organiser un maximum d’activités pour attirer un large public.

La médiathèque organise également des interventions de conteurs ou d’écrivains, des expositions

autour d’un thème ou d’un auteur (coïncidant souvent avec une manifestation culturelle autour d’un

auteur à venir), pour développer l’intérêt à la lecture et à la culture.

Dans ce souci de développer l’accès aux ressources documentaires au Maroc, les onze

médiathèques du pays ont ouvert un catalogue online, Averroès, qui est un catalogue partagé

Page 14: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

permettant l’identification de l’ensemble des documents disponibles. Un service de prêt inter-

médiathèques permet lui d’emprunter n’importe quel document disponible dans l’une des

médiathèques du réseau culturel français.

Le site Internet du SCAC rappelle que la mission des médiathèques est d’accompagner « la programmation culturelle des Instituts et Alliances franco-marocains, dont ils relayent les politiques d'échanges culturels et de débats d'idées », d’offrir « un soutien naturel aux apprenants de français », et conclue en remarquant que «elles sont le vecteur de la culture française telle qu'elle s'écrit, se parle et se regarde. »A l’AFM, la communication interne, notamment entre les services et l’équipe enseignante, se fait

généralement par emails et par affichages dans le bureau des professeurs.

En ce qui concerne la communication externe de l’AFM, elle se fait par des brochures bimestrielles disponibles à l’accueil et distribuées à tous les apprenants à chaque parution, et par le site de la ville ou de l’AFM. Un système de panneau d’affichage à l’entrée de l’AFM permet également d’informer les adhérents et les passants de son programme ainsi que ses offres. Cette communication externe est importante car elle représente un moyen de promotion dans la ville d’El Jadida.

1. 2. L’AFM : « une entreprise et sa campagne publicitaire »

L’AFM s’auto-finance à plus de 70% grâce aux adhésions de la médiathèque et aux cours de langue

qui représentent sa principale activité. On comprend dans ce contexte la nécessité d’attirer un grand

nombre de « clients-élèves » pour continuer à faire vivre cette entreprise et son personnel, tâche qui

lui est facilitée grâce à l’importance de la langue française au Maroc.

1. 2. 1. L’AFM face à la place et l’importance de la langue française au Maroc

Le Maroc présente une situation linguistique complexe. Plusieurs langues de statut inégal s’y

concurrencent et s’y interpénètrent :

- L’amazighe ou le berbère :« En l’absence de chiffres précis, la proportion de berbérophones par rapport à l’ensemble de la population, généralement admise par les chercheurs varie entre 40 et 60 % […] l’amazighe n’est pas reconnu officiellement par la constitution : [elle est la] langue maternelle des Imazighen […] Langue identitaire du groupe, il a un statut de ‘marqueur linguistique de l’appartenance à la communauté amazighe’ (Boukous, 1995 : 31) et sert donc de ‘vecteur et support de l’identité culturelle amazighe’ (Ennaji, 1991 ; Boukous, 1995) »

- L’arabe standard :« est présent sous deux variétés : l’arabe classique et l’arabe moderne […] Seule l’arabe standard a un statut juridique conféré par la constitution : elle est la langue de la religion et de la culture arabo-musulmane et la langue officielle des institutions publiques »

- L’arabe dialectal marocain :« non codifié […] il se manifeste sous forme de parlers distincts selon les origines des locuteurs […] langue maternelle de la majorité des Marocains, sauf dans les régions berbérophones, l’arabe dialectal a un statut de fait : c’est la langue de l’usage quotidien […] sans prestige social, il est essentiellement oral »

- L’espagnol :« depuis l’indépendance(1956) et la récupération des zones sud, la langue espagnole n’a cessé de régresser […]

Page 15: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

elle ne garde qu’une faible présence dans les villes du nord frontalières […] elle n’est langue d’enseignement que dans quelques écoles de la Mission Culturelle Espagnole.»

- L’anglais :« a un statut de pure langue étrangère. Il fonctionne comme langue d’accès à la technologie et à la modernité, ce qui en fait un concurrent assez sérieux du français. Sa présence sur le marché linguistique est discrète mais dynamique […] il paraît de plus en plus dans l’enseignement privé comme dans l’enseignement public »

Dans ce contexte plurilingue, le français, langue officielle du régime du protectorat et de ses

institutions jusqu’à l’indépendance du Maroc en 1956, a conservé un rôle privilégié en tant que

première langue étrangère au Maroc et continue de jouer un rôle important à tous les niveaux.

Comme nous l’avons signalé précédemment, « il s’impose comme l’instrument de sélection scolaire, sociale et

professionnelle »

Même dans l’imaginaire des Marocains, le français reste très valorisé :« langue de classe, de culture, de la modernité, il continue à exercer un certain attrait sur le locuteur marocain […] langue de prestige social, de valorisation de soi, il peut être utilisé pour affirmer son statut socio-culturel, pour impressionner voire séduire ses interlocuteurs. »

Le SCAC, par l’intermédiaire des Alliances, des Instituts et des établissements scolaires français

renforce ainsi l’importance de la langue française au Maroc. Dans cette perspective, la France

consacre au Maroc d’importants moyens financiers pour sa coopération culturelle. Cet

investissement s’oriente autours de différents objectifs tels que la consolidation du partenariat basé

sur le conseil aux institutions nationales. Il s’agit également

« [d’] assurer une présence de proximité sur le territoire marocain en faisant des établissements culturels français des acteurs de changement, notamment en diversifiant les relations avec la société marocaine, en liant l'échange culturel à la politique globale de coopération en direction des différents publics et en développant par des partenariats inter-établissements la présence de nos savoir-faire en matière culturelle »

Cependant, suite au processus d’arabisation que le Maroc a entamé après l’indépendance et dont le

but était de rendre à la langue arabe la place et le statut qu’elle avait perdus sous le protectorat

français et à la nation son identité culturelle, la jeunesse actuelle maîtrise moins bien le français que

les générations précédentes.« Après le recouvrement de l’indépendance, la normalisation linguistique passait tout naturellement par la mise en place d’une politique d’arabisation. Il fallait substituer à terme la langue arabe à la langue française, afin de rendre à la langue arabe son statut de langue officielle […] dans le sens d’une décolonisation culturelle et dans le souci de récupérer une personnalité propre […] des mesures ont été adoptées pour faire tenir à l’arabe les fonctions qui étaient exercées par la langue française sous le protectorat […] ces actions se sont manifestées concrètement dans trois secteurs : l’enseignement, l’administration et l’environnement. »

Dans le domaine de l’enseignement, l’arabisation avait touché le primaire et le secondaire alors que

l’enseignement supérieur technique et scientifique est resté en français, ce qui a causé de grandes

difficultés aux élèves, en langue française.« En maintenant le français comme langue d’enseignement dans le supérieur alors que le primaire et le secondaire fonctionnent exclusivement en arabe, on a tout naturellement réduit chez l’élève la maîtrise du français, même si l’enveloppe horaire attribué à son enseignement en tant que matière a été renforcée dans les deux cycles de l’enseignement fondamental. »

Page 16: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

Rappelons que le français au Maroc est étudié à titre obligatoire à partir de la troisième année

primaire dans les établissements publics à raison de 8 heures hebdomadaires en primaire , 4 heures

au collège et 4 heures au lycée, ce qui est malheureusement insuffisant pour maîtriser la langue

française afin de l’utiliser ensuite comme langue d’enseignement dans les études supérieures.« L’arabisation des matières scientifiques, en diminuant la pratique du français, a rendu sa maîtrise rudimentaire chez l’élève issu de l’enseignement public. Ce choix linguistique institué constitue un sérieux handicap, puisque la compétence linguistique et communicationnelle du français est la condition sine qua non pour entreprendre des études universitaires scientifiques et techniques […] Marginalisée dans l’enseignement supérieur scientifique et technique, l’arabe standard se voit confiné dans sa fonction de langue de la tradition arabo-musulmane et minoré comme langue pouvant exprimer la modernité. La maîtrise de l’arabe ne permet l’accès qu’aux professions traditionnelles à caractère religieux et aux métiers en rapport avec la justice […] alors que la français ouvre tout le marché de l’emploi moderne : ingénieur, cadres d’entreprises, etc. »

Cette situation pousse alors les parents à s’orienter vers d’autres choix :

- les écoles privées marocaines qui connaissent une forte expansion, où le français est

enseigné quotidiennement et dès la maternelle et où les matières scientifiques sont

enseignées aussi bien en français qu’en arabe à partir du primaire (les programmes ne sont

aucunement contraints de respecter ceux de l’enseignement public, c’est pourquoi la plupart

des établissements utilisent les manuels français) ;

- les écoles françaises où le programme est jugé beaucoup plus performant que celui des

écoles publiques ou privées marocaines (cependant, seules les familles très aisées se dirigent

vers ce type d’enseignement qui reste fortement demandé).

Quant aux familles de la classe moyenne et dont les enfants se trouvent dans des écoles publiques,

les cours dispensés dans les Alliances ou les Instituts français, restent le moyen efficace qui permet

de renforcer le niveau de leurs enfants en langue française. Cette langue leur permettra de

poursuivre leurs études supérieures au Maroc ou en France et surtout d’avoir « un bon poste ».

Face à cette situation, l’AFM offre des cours qui représentent sa principale activité. Elle compte cette année 1606 apprenants et 38 enseignants. La majorité des élèves sont issus des cycles primaires, collèges et lycées. Leurs lacunes sont plus ou moins importantes à l’oral et principalement à l’écrit. Cependant, comme nous l’avons signalé précédemment, l’objectif n’est pas de dispenser des cours de rattrapage des systèmes scolaires, mais plutôt de développer des méthodes d’apprentissage basées sur la communication, souvent peu développée dans le contexte scolaire vu les effectifs. L’essentiel est que l’apprenant puisse utiliser aisément le français au-delà des compétences scolaires.L’AFM met aussi en avant le fait que les groupes soient réduits et donc l’enseignement de meilleure qualité. Effectivement, le nombre d’apprenants par groupe ne dépasse normalement pas 18. Il est d’ailleurs souvent bien inférieur et en moyenne de 15. Cela représente une grande différence avec les effectifs en milieu scolaire avec des groupes de 40 à 50 élèves. De plus, chaque groupe est classé par « niveau » : A1, A2 ou B1, grâce à un test de positionnement que les apprenants passent dès leur arrivée à l’AFM et qui est ensuite confirmé par une période de deux semaines dite de repositionnement sachant que la plupart des manuels utilisées à l’AFM s’arrêtent au niveau B1 du Cadre Européen Commun de Référence. Il y a ainsi une volonté de faire des groupes relativement homogènes et donc de dispenser des cours adéquats. Malheureusement, il s’agit bien d’une volonté et non d’une réalité puisque la forte variation de niveaux dans les classes est de coutume. Nous y reviendrons par la suite.

Page 17: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

1. 2. 2. « Le catalogue » de l’AFM : ce qu’elle propose

Comme nous l’avons déjà souligné, la principale activité de l’AFM est les cours de langues. Ce sont

des cours de soir enseignés par 34 enseignants vacataires, une enseignante titularisée à mi-temps et

trois stagiaires. Rappelons que le recrutement de ces trois stagiaires se fait dans une perspective

d'attirer un maximum d'élèves (image positive de la présence de professeurs natifs).

L’AFM développe également des activités en dehors des cours par la création des ateliers (théâtre, journalisme audio-visuel…). Cette année les ateliers n’ont pas remporté un franc succès. Elle proposait notamment un atelier peinture, un atelier marionnette, un atelier dessin Manga gérés par les trois stagiaires, aucun n’a pu être mis en place faute d’inscription. Seuls les ateliers de théâtre, journalisme audio-visuel ont eu suffisamment d’inscrits pour être organisés. Suite à ces ateliers proposés le samedi après-midi, un spectacle a été organisé à la fin de l’année dans le jardin de l’AFM autour du thème du voyage. En règle générale, toute activité mettant en jeu la production du français est encouragée au sein de l’AFM.L’AFM met également un point d’honneur à développer son réseau culturel. Ce dernier ne se limite pas seulement aux murs de l’établissement puisque grâce à l’AFM, El Jadida connaît une animation culturelle qui donne vie à la ville. L’AFM est connue pour cette volonté de développer les manifestations culturelles à El Jadida. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer qu’elle est citée dans les guides touristiques comme le Guide du Routard dans la partie « Adresses utiles » : « très active, elle propose, souvent gratuitement, des projections de films, des spectacles, des concerts, des expos, etc. », ou bien encore sur le site de la ville. Elle s’allie à différents partenaires comme l’université d’El Jadida, la Direction régionale de la Culture, différentes associations culturelles, etc. L’AFM a reçu également l’agrément de la Chambre du Commerce et de l’Industrie de Paris, ce qui lui donne le droit d’être un centre d’examens pour le diplôme de français pratique des affaires. La première promotion qui a été mise en place est celle du français de l’hôtellerie et du tourisme, la seconde concerne le français du secrétariat. L’AFM est aussi le seul centre agréé d’El Jadida pour la passation des diplômes délivrés par le Ministère de l’Education Nationale Française : le DELF et le DALF A1, A2, B1, etc. ainsi que pour le TCF.

1. 2. 3. Les publics auxquels s’adresse l’AFM

Désignation groupe Tranche d’âge Manuel utilisé

PETITS 1 4 ANS TATOU 1 PETITS 2 5 ANS TATOU 2 PETITS 3 6 ANS LILI 1

JEUNES ENFANTS 1 7-9 ANS GRENADINE 1JEUNES ENFANTS 2 7-9 ANS GRENADINE 2 JEUNES ENFANTS 3 7-9 ANS ALEX ET ZOE 3

ENFANTS 1 9-11 ans TANDEM 1ENFANTS 2 9-11 ans TANDEM 2ENFANTS 3 9-11 ANS TANDEM 3 ENFANTS 4 9-11 ANS Sur conception

JEUNES ADOS 1 12-14 ANS ET TOI ? 1JEUNES ADOS 2 12-14 ANS ET TOI ? 2JEUNES ADOS 3 12-14 ANS ET TOI ? 3

ADOS 1 15-17 ANS CONNEXIONS 1ADOS 2 15-17 ANS CONNEXIONS 2ADOS 3 15-17 ANS CONNEXIONS 3

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ETUDIANTS 1 A PARTIR DE 18 ANS CAMPUS 1ETUDIANTS 2 A PARTIR DE 18 ANS CAMPUS 2ETUDIANTS 3 A PARTIR DE 18 ANS CAMPUS 3ETUDIANTS 4 A PARTIR DE 18 ANS CAMPUS 4

ALPHA ADULTES Sur conceptionADU1 ADULTES ALTER EGO 1, 1ERE PARTIEADU2 ADULTES ALTER EGO 1, DEUXIEME PARTIEADU3 ADULTES ALTER EGO 2, 1ère PARTIEADU4 ADULTES ALTER EGO 2, 2ème partieADU5 ADULTES ALTER EGO 3, 1ère partie

Le public scolaire est majoritaire, il représente plus de 85 %, soit 1368 apprenants. Les 8 à 14 ans

représentent plus de 65 % des effectifs, soit 892 apprenants. Les adultes demeurent minoritaires,

malgré les efforts de communication. Ceci s’explique souvent par un manque de temps et/ ou de

moyens financiers.

Quant aux publics de Français sur Objectifs Spécifiques ou de Français de Spécialité, l’AFM ne faisant pas d’offre, elle reçoit en général des demandes qui restent pour le moment très minoritaires.

2. Description du contexte du stage

Travaillant à l’AFM depuis six ans, nous avons eu l’occasion d’enseigner à différents publics allant

du niveau débutant au niveau avancé et du français général au français de spécialité ou de Français

sur Objectifs Spécifiques. Cependant, le premier problème auquel nous sommes confronté dès le

début des cours, comme d’ailleurs tous les autres enseignants, est la forte variation de niveaux

présente dans les classes malgré les tests de positionnement pour les nouveaux et les tests annuels

pour les déjà inscrits.

Cette variation de niveaux représente un vrai handicap quant à la qualité d’enseignement/apprentissage dispensé à l’AFM puisqu’au sein d’un même groupe, les profils sont très différents et les niveaux très variés pouvant aller parfois du niveau A1 au B1 au sein d’un même groupe. A titre d’exemple, c’est le cas du groupe auquel nous enseignons cette année.La cause est évidente, il s’agit du système d’évaluation qu’il faut revoir en toute urgence puisque la qualité d’enseignement à laquelle aspire l’AFM en dépend largement.Ainsi, dans le cadre de notre projet de Master 2, la commande de stage qui nous a été présentée par la directrice des cours, a été la conception des tests de positionnement, semestriels et annuels pour les publics d’enfants, de jeunes adolescents, d’adolescents et d’adultes de tous les niveaux afin de réduire cette variation de niveaux dans les classes et présenter un enseignement de qualité correspondant au niveau des apprenants. Ceci représente un réel travail d’ingénierie.Cependant, une négociation sur la commande a eu lieu pour différentes raisons :

- le fait de concevoir 32 tests nous paraissait une quantité excessive ;

- la livraison des clefs en main aux enseignants n'en permettrait pas l'appropriation et ne

réglerait pas le problème de variation de niveaux si leurs représentations et leurs pratiques restent

les mêmes (ce sont quand même eux qui les feraient passer aux apprenants) ;

- si les tests de positionnement peuvent être utilisés pour tous les apprenants auxquels ils

s’adressent afin de constituer des groupes de niveaux, si c’est la cas également pour les tests

Page 19: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

annuels afin de vérifier si le niveau est acquis avant de passer au niveau supérieur, les tests

semestriels ne peuvent être élaborés par un enseignant autre que celui qui a le groupe en charge (ces

derniers faisant partie d’une évaluation formative, ils doivent correspondre aux besoins et au niveau

du groupe en général et de chaque apprenant en particulier).

Après quelques échanges, voici ce qui a été retenu de notre commande de stage :

- élaborer des tests de positionnement et annuels pour les publics les plus nombreux à l’AFM

(il s’agit des publics d’enfants et de jeunes adolescents) ;

- assurer une formation pour les enseignants ;

- accorder lors de cette formation, une place importante à l’évaluation formative.

La commande de stage étant plus précise, il reste à étudier le contexte dans lequel s’inscrit la

mission.

2. 1. Contexte institutionnel

L’AFM d’El Jadida présentée précédemment, est autofinancée à 70 % grâce aux revenus de la

médiathèque et des cours de langue qui représentent sa principale activité. La seule garantie qui lui

permet de continuer à exister est de fidéliser sa clientèle et l’élargir. Cet objectif ne sera possible

que grâce à un enseignement de qualité correspondant aux besoins et au niveau de ses apprenants.

Notons que le nombre des écoles de langue est en évolution constante au Maroc. A El Jadida, en 4

ans, cinq écoles ont ouvert leurs portes et utilisent les mêmes manuels de FLE que l’AFM.

Cependant, ce qui attire les parents à l’AFM, c’est la réputation de ses enseignants qui reçoivent constamment des formations pour améliorer leurs pratiques ainsi que la présence des natifs aussi bien dans l’administration que dans le corps professoral. Par contre, suite à la concurrence des autres écoles, les parents commencent à comparer, critiquer telle ou telle école (à cause de la variation de niveaux par exemple), présenter même des arguments et faire bien évidemment des choix.Etant donné que la qualité de l’enseignement à laquelle aspire l’AFM dépend largement de son système d’évaluation, la direction des cours doit mobiliser des efforts pour améliorer qualitativement ses offres.

2. 2. Contexte humain

Paradoxalement, L’une des grandes difficultés rencontrées lors du stage, était le fait de le réaliser en

parfaite autonomie. Hormis les quelques échanges avec la directrice des cours et également notre

chef de projet à qui nous devions rendre compte de l'évolution de nos hypothèses et recherches, de

la programmation de la formation des enseignants et de l’expérimentation des tests notamment de

positionnement, il était impossible de compter sur les autres enseignants. La motivation faisant

défaut, ajoutée au manque de formation, il fallait ainsi que nous agissions seule.

La mission qui s’inscrit dans notre projet vise ainsi les deux publics impliqués dans la situation

d’enseignement/apprentissage au sein de l’AFM, à savoir les apprenants (notamment le public

Page 20: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

d’enfants et de jeunes adolescents) et les enseignants.

3. 3. Contexte pédagogique

Les cours dispensés à l’AFM ont lieu de 18h30 à 20h, deux fois par semaine (lundi/jeudi,

mardi/vendredi ou mercredi/samedi) en une session annuelle représentant 90 heures pour tous les

publics sauf pour les adultes où l’année est divisée en deux sessions semestrielles de 60 heures

chacune, deux fois par semaines également de 19 à 21 heures.

Les manuels utilisés pour le public d’enfants et de jeunes adolescents sont respectivement Tandem et Extra qui sera remplacé l’année prochaine par le manuel Et toi ?. Les niveaux 1, 2 et 3 du manuel correspondent à A1 et A2 du CECR. Quant au niveau B1, faute de manuel pour ce public, l'enseignant qui en a la charge, conçoit en étroite collaboration avec la directrice des cours, un module pour son groupe.Cependant, aucune étude comparative, aucune mise à plat des objectifs préconisés par les manuels n’ont été faites pour vérifier s’ils correspondent réellement aux niveaux auxquels ils prétendent préparer les apprenants.Dès leur arrivée à l’AFM, les élèves sont obligés de passer un test de positionnement qui contribue à la constitution des groupes de niveaux. Au cours de l’année, deux bulletins sur lesquels ne figurent que des appréciations faites à partir des notes attribuées à chaque test, sont remis à chaque apprenant. Le premier leur est remis après le test mi-année qui a lieu en février et qui entre dans le cadre d’une évaluation « formative ». Une évaluation finale a lieu à la fin de l’année, en juin. Elle obéit aux mêmes critères que celles de l’évaluation semestrielle (bulletins, barème…), mais elle entre dans le cadre d’une évaluation sommative. Elle aide à raison de 60 % à savoir si l’apprenant reprend le même niveau ou passe au niveau supérieur. Les 40 % qui restent sont consacrés à l’évaluation « formative » et au travail de l’apprenant tout au long de l’année.La conception des tests d’évaluation est laissée à la charge des enseignants, qui malheureusement, faute de formation à ce niveau, utilisent les habitudes de l’enseignement public où la formation fait également largement défaut. Le problème de sous ou surévaluation est très important.Excepté les évaluations semestrielles et annuelles qui servent uniquement à remplir des bulletins, aucun contrôle n’est effectué pour s’assurer si d’autres évaluations ou contrôles sont faits en classe pour vérifier constamment les progrès et les acquis des apprenants. Si oui, comment ils sont faits. Aucun contrôle non plus, n’est effectué pour s’assurer si les enseignants procèdent à d’autres évaluations après les tests de positionnement afin de déterminer les profils des apprenants et de travailler par pédagogie différenciée. Nous y reviendrons plus tard dans le troisième chapitre.

2. 4. Contexte logistique

Certes, l’AFM souhaite améliorer qualitativement son système d’évaluation pour les raisons citées

ci-dessus, toutefois, aucun soutien financier n’a été possible. Notre problème majeur étant la

procuration d’une bibliographie nécessaire à la réalisation de notre projet, il fallait donc ne compter

que sur notre propre budget ou se contenter des livres déjà disponibles dans le bureau de la

directrice des cours, ce qui a représenté pour nous un vrai handicap. Cependant, pour les formations

sur l’évaluation qui ont eu lieu dans d’autres Alliances ou Instituts français durant le stage, nous

étions prioritaire. En effet, l’AFM prenait tout en charge.

D’autres contraintes s’imposaient également dans la réalisation de notre projet : le nombre de salles et d’enseignants étant très limité, il ne fallait pas que nous sortions dans le positionnement des

Page 21: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

élèves du cadre des seuls niveaux A1, A2 et B1 dont dispose l’AFM, ce qui voulait dire qu’il fallait positionner les apprenants en général et non par profil. De plus, moins de 15 élèves par groupe ne serait pas rentable. Quant à la formation des enseignants, il fallait la prévoir pour la fin du stage étant donné que ces derniers travaillaient dans d’autres établissements et qu’ils n’avaient de temps pour la formation qu’à la fin de l’année scolaire.

3. Description du public visé par le stage

Comme nous l’avons signalé précédemment, la mission qui entre dans le cadre de notre stage vise

essentiellement deux publics :

- d'une part les apprenants (notamment le public d’enfants et de jeunes adolescents dont le

niveau doit être déterminé au début et à la fin du parcours d'apprentissage afin de leur

proposer un enseignement adapté à leurs acquis, besoins et difficultés) ;

- d'autre part les enseignants chez qui les représentations et les pratiques sont toujours en

décalage avec les progrès de la didactique des langues en matière d’évaluation.

3. 1. Les enseignants

Les trente-quatre enseignants vacataires dont nous avons déjà parlé et dont l’embauche à l’AFM est

conditionnée par l’obtention d’une licence et trois ans d’expérience, sont majoritairement titulaires

dans l’enseignement public et le tiers d’entre eux est proche de la retraite ou l’a déjà.

Ces enseignants donnent des cours à l’AFM de 18h 30 à 20h deux fois par semaine s’ils prennent un

seul groupe, quatre fois s’ils en prennent deux et six fois s’ils en ont trois, après leur travail de la

journée (possibilité de plus en plus rare vu qu’ils sont très fatigués à la fin de la semaine ce qui a un

impact sur les cours du soir du vendredi et du samedi).

Plusieurs formations leur ont été offertes principalement par des formateurs de l’Alliance de Paris (sauf pour les nouveaux recrutés qui constituent une vingtaine). Par contre, faute de budget, aucune formation sur l’évaluation n’a été prévue pour eux. Pourtant, la conception des tests d’évaluation de positionnement, semestriels et annuels est laissée à leur charge sans aucun contrôle pour vérifier comment est pratiquée l’évaluation en classe. Ces enseignants sont débordés, n’ont pas de temps à consacrer à d’autres activités à part les cours et ne sont pas du tout formés pour pouvoir le faire. Ce sont alors les pratiques de l’enseignement public où l’évaluation formative est inexistante, où le contrôle l’emporte sur l’évaluation et où la subjectivité atteint son apogée, qui prennent malheureusement place à l’AFM.

3.2. Les publics d’enfants et de jeunes adolescents

Représentant le public le plus nombreux à l’AFM, les enfants (9/11 ans) et les jeunes adolescents

(11/14 ans), sont la première clientèle des cours de langue que l’AFM cherche à tout prix à fidéliser.

Notons que ces apprenants qui suivent des cours de 18h 30 à 20h deux fois par semaine à l’AFM,

le font après leur école dont l’horaire est souvent de 8h à 12h et de 14h à 18h.

Page 22: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

A la différence des grands adolescents ou des adultes, ce public ne choisit guère de suivre ces cours de langue. Ce sont généralement les parents, conscients de l’importance du français au Maroc, qui les obligent à suivre ces cours en les y emmenant souvent de force.Les profils de ces apprenants sont divers. Certains s’expriment mieux à l’écrit qu’à l’oral ou

inversement, d’autres sont plus visuels qu’auditifs ou inversement, alors qu'en grammaire, ils ont

tous au moins un niveau intermédiaire correspondant à B1 ou parfois à B2 du Cadre Européen

Commun de Références. Ceci est dû principalement à l’enseignement public qui y accorde une

importance particulière. Quant à la phonétique, ils ont tous approximativement les mêmes

difficultés quant à la prononciation de certains phonèmes tel que les voyelles nasales, le [e] ou le

[ ], le [u] ou le [y] …

Motiver ces apprenants reste une condition sine qua non pour atteindre les objectifs

d’enseignement/apprentissage. Cependant, si cette motivation dépend des activités qui leur sont

présentées, des modalités de travail et des supports et outils utilisés, elle passe nécessairement par

un enseignement/apprentissage adapté à leurs besoins et attentes, leur permettant ainsi de participer

activement à leur apprentissage.

Deuxième partie : place de l’évaluation dans l’enseignement / apprentissage du FLE à l’AFM

Longtemps synonyme de « contrôle », limitée au plan de l’enseignement, focalisée sur le dépistage

de fautes et l’attribution d’une note ou ayant une fonction uniquement sommative, l’évaluation a

mis des années avant de retrouver, grâce au progrès réalisés en didactique des langues depuis les

années 1970, la place qu’elle devait occuper dans l’enseignement / apprentissage des langues

étrangères et être considérée comme une composante de cet enseignement/apprentissage.

« […] l’évaluation pédagogique n’est pas une fin en soi, uniquement ponctué par des notes. Elle se veut plus englobante et intégrée à toute démarche d’enseignement et d’apprentissage. C’est dire qu’il doit y avoir congruence entre l’enseignement, l’apprentissage et l’évaluation. Il faut donc savoir comment on enseigne pour savoir comment évaluer. L’évaluation des apprentissages ne peut se définir hors de contexte qu’est l’activité pédagogique. »

Cependant, faute de formation des enseignants, comme c’est le cas malheureusement à l’AFM, il

en résulte un divorce entre les modes d’évaluation utilisés et les progrès pédagogiques. Désormais,

les enseignants se retrouvent désarmés face aux nouvelles exigences pédagogiques, ils ont ainsi

tendance à fonder leurs pratiques sur leurs représentations, des représentations qui se sont

Page 23: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

enracinées depuis des années, ce qui a un impact considérable sur les objectifs actuels

d’apprentissage et sur les orientations méthodologiques revendiquées.

Cette discordance entre attentes et réalité est due principalement à un manque d’éclairage théorique qui représente un passage obligé vers le changement des pratiques.

1. Evaluation : définition, étapes et but

« Evaluer, c’est établir le niveau de quelqu’un. »

« Evaluer, c’est tester les connaissances d’un apprenant »« C’est attribuer une note/appréciation (bien, assez bien, insuffisant…) à un savoir, un savoir-faire au terme d’une séquence/période d’apprentissage.»« Il s’agit de vérifier les acquis d’un élève au début, au cours et à la fin d’un parcours d’apprentissage ».Telles étaient quelques unes des définitions données à l’évaluation par certains enseignants à l’AFM lors de la formation qui leur a été destinée et qui entrait dans le cadre de notre projet de master 2. Nous y reviendrons dans le chapitre 3.En effet, ces définitions témoignent d’une grande méconnaissance théorique sur la conception de la langue, la conception de l’apprentissage et la conception de l’évaluation. Ceci nous pousse à nous poser la question suivante : quel serait l’impact de cette méconnaissance théorique sur les pratiques ? A titre d’exemple, peut-on évaluer la compétence d’un apprenant si la différence entre « évaluation » et « contrôle » ou entre « évaluation » et « note » est inaperçue ? Bien sûr que non, raison pour laquelle la définition de l’évaluation se situe au premier plan dans cet éclairage théorique.

« En français, les termes d’évaluation et contrôle sont souvent utilisés indistinctement. Il serait utile de bien les distinguer, et de les utiliser au sens que les spécialistes leur donnent […] L’évaluation est une démarche qui aboutit à un acte d’interprétation, qui donne ‘sens’. Les critères servent de référence pour un acte d’interprétation, et ils sont nombreux quand il faut évaluer une production langagières, même élémentaire. Le contrôle est une procédure d’une autre nature : le contrôle vérifie une conformité à un modèle, une norme prédéfinie. Il est ponctuel et n’apporte pas du tout le même type d’informations. »

A cette définition, nous ajouterons celle donnée par Patrick Chardenet :

« Le contrôle est un acte de mesure de la conformité par observation et jugement […]. En langue, il vise les formes normatives en divisant la production langagière en unités mesurables considérées en elles-mêmes : contrôle de l’orthographe, de la prononciation, de la syntaxe, du sens, de l’effet pragmatique. L’évaluation est un processus de mesure de l’efficacité en contextes, qui intègre l’ensemble des composantes d’une production langagière »,

« L’un n’exclut pas l’autre, les deux sont nécessaires et devraient être utilisés dans un rapport de complémentarité, et non l’un à la place de l’autre, pour des raisons d’économie par exemple. »

L’évaluation des apprentissages s’effectue ainsi selon quatre étapes que le Dictionnaire de

didactique du français langue étrangère et seconde définit comme :« - l’intention : elle détermine les buts de l’évaluation et les modalités de la démarche (le choix de la mesure et des tâches évaluatives à présenter aux élèves pour juger de leur performance langagière), les moments d’évaluation, les types de décision à prendre ; - la mesure : elle comprend le recueil des données par le biais d’observation, d’appréciations et de résultats de mesure, et par l’organisation de l’analyse des données et leur interprétation circonstancielle en vue de tirer des significations pertinentes ;

- le jugement : il permet d’apprécier toutes les informations recueillies et de juger de la situation d’un élève en certains domaines de son développement et de sa performance langagière compte tenu des buts et des objets de l’évaluation.

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Cette étape permet aussi de déterminer la valeur des instruments de mesure utilisés ou des observations recueillies. Juger, c’est en quelque sorte se positionner à partir d’un ensemble de renseignements que l’intuition et l’arbitraire ne peuvent fournir ;

- la décision : elle vise d’abord à rétroagir quant au cheminement ultérieur des élèves et à la progression des apprentissages […] Elle vise aussi à statuer les acquis au moments de faire les bilans et d’accorder la promotion des études, le passage à la classe supérieure ou encore de recommander des mesures d’appui individualisés afin d’accéder à la classe supérieure (Lussier, 1995) ».

Cependant, nous ne pouvons pas aborder l’évaluation des apprentissages sans déterminer d’abord

les finalités et les objectifs des apprentissages :

« Si […] les finalités de l’apprentissage des langues en Europe est de promouvoir un multilinguisme pour favoriser l’intercompréhension de ses peuples, les objectifs s’exprimeront en termes de compétences à communiquer et non en termes de connaissances linguistiques, même si celles-ci sont nécessaires à l’apprentissage de ces compétences. Ces finalités doivent se traduire pédagogiquement, non seulement dans l’enseignement/apprentissage, mais également dans l’évaluation des acquis »

La compétence à communiquer langagièrement que visent ainsi les apprentissages se définit comme

« présentant plusieurs composantes […] :§ la compétence linguistique est celle qui a trait aux savoirs et savoir-faire relatifs au lexique, à la

phonétique, à la syntaxe et aux autres dimensions du système d’une langue pris en tant que tel, indépendamment de la valeur sociolinguistique de ses variations et des fonctions pragmatiques de ses réalisations […]

§ la compétence sociolinguistique renvoie aux paramètres socioculturels de l’utilisation de la langue. Sensible aux normes sociales […] elle affecte fortement toute communication langagière entre représentants de cultures différentes […]

§ la compétence pragmatique recouvre l’utilisation fonctionnelle de la langue […] en s’appuyant sur des scénarios ou des scripts d’échanges interactionnels. Elle renvoie également à la maîtrise du discours, à sa cohésion et à sa cohérence, au repérage des types et genres textuels, des effets d’ironie, de parodie. »

Et « se mesure par une performance (déclenchée en situation d’évaluation par une tâche et une consigne)»

2. Evaluation : moments et fonctions

Comme nous l’avons déjà signalé dans la première partie, trois pratiques d’évaluation sont requises

à l’AFM : une évaluation au début du parcours d’apprentissage dite « diagnostique », une

évaluation au cours de l’apprentissage appelée « formative » et une évaluation à la fin du parcours

d’apprentissage appelée « sommative ». Toutefois, il s’agit malheureusement d’une simple

connaissance et utilisation de dénominations que d’une réelle application dans les pratiques, la

preuve est que les tests semestriels qui sont censés relever d’une évaluation formative, ne servent

qu’à attribuer une note servant à son tour de base pour remplir des bulletins où les appréciations se

limitent à « très bien », « bien », « assez bien », « passable » ou « insuffisant ». D’autres

appréciations peuvent figurer aussi sur ces bulletins, mais en général, elles sont limitées au

comportement de l’apprenant, à titre d’exemple : « élève très agité », « xxx s’absente beaucoup, il

ne profite pas des cours », « xxx ne fait pas attention à ses cours ». Pourtant, tous les enseignants

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appellent cette pratique « évaluation formative » sachant qu’après ces tests semestriels, l’objectif est

de continuer le programme afin de faire toutes les séquences ou les unités proposées par le manuel.

Une distinction entre les différentes fonctions de l’évaluation représente ainsi une étape nécessaire favorisant le changement des représentions et pratiques et optimisant l’enseignement/apprentissage d’une langue étrangère.Les fonctions de l’évaluation correspondent en général à trois moments de

l’enseignement/apprentissage. Nous préférons parler d’abord de moment parce que comme nous

allons le remarquer, la terminologie n’est pas la même pour les spécialistes de l’évaluation.

2. 1. L’évaluation au début d’un parcours d’apprentissage Si Charles Hadji l’appelle « l’évaluation diagnostique », G. Barbé l’appelle « la fonction

d’orientation (placement)» et C. Tagliante « le pronostic ». A notre avis, l’objectif est le même.

Cette évaluation représente une prise d’information non sur la progression de l’apprenant, mais

c’est une mise à plat de ses acquis et ses besoins avant le commencement du parcours

d’enseignement/apprentissage. Elle est importante à trois niveaux :

- pour l’institution, elle permet de placer l’élève dans un groupe de niveau ;

- pour l’enseignant, elle lui permet de fixer ses objectifs et élaborer son projet pédagogique ;- pour l’apprenant (qui doit connaître son état), elle lui permet de gérer lui-même son apprentissage, ce qui représente un grand pas vers une autonomie responsabilisante.Selon G. Barbé :

« Dans la fonction d’orientation, les régulations/gestions sont le plus souvent à la fois pédagogiques et économiques […] La fonction de régulation pédagogique consiste à déterminer des groupes plus ou moins homogènes dans leurs connaissances et compétences, par rapport aux objectifs d’apprentissage envisagés. La régulation/gestion économique prend en compte les moyens disponibles tant chez l’apprenant que dans l’institution.L’orientation est souvent un compromis entre les deux »

Si nous nous plaçons uniquement du côté pédagogique, nous opterons pour la définition de C.

Hadji :« On parlera d’évaluation diagnostique lorsqu’il s’agit d’explorer ou d’identifier certaines caractéristiques d’un apprenant (par exemple, des représentations ou des acquis) en vue de choisir la séquence de formation la mieux adaptée à ses caractéristiques. Lorsqu’il s’agit, en quelque sorte, d’articuler de façon adéquate un profil individuel ou un profil de formation. Tel est l’intérêt de la saisie, avant le démarrage de l’action de formation, de ce qu’on appelle le profil de départ des formés. J. M. Barbier, qui propose de parler dans ce cas d’identification, plutôt que d’évaluation, a montré comment cette saisie devrait s’effectuer non seulement ‘en négatif ‘, pour mettre en valeur les compétences existantes, qui pourront constituer autant de points d’appui pour la formation »

2. 2. L’évaluation au cours d’un parcours d’apprentissage

Ce que C. Tagliante appelle « le diagnostic », G. Barbé l’appelle « fonction de formation ». Barbé

considère le diagnostic comme faisant partie des fonctions générales et transversales de

l’évaluation, alors que la fonction formative (comme la fonction d’orientation ou celle de bilan

comme nous allons le voir par la suite) comme faisant partie des fonctions spécifiques de

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l’évaluation. Elle considère ainsi que « le diagnostic » non comme un type d’évaluation, mais une

étape nécessaire dans toute évaluation.

L’objectif de cette fonction est toujours une prise d’informations aussi bien pour l’enseignant que pour l’apprenant tout au long du cursus de formation. Excluant l’institution, elle a ainsi une finalité à 100 % pédagogique. Il s’agit d’une vérification de la progression des acquis de l’apprenant.Pour l’enseignant, elle lui permet de gérer son enseignement et d’améliorer ses pratiques pédagogiques. Quant à l’apprenant, elle lui permet de gérer son apprentissage. L’auto-évaluation quand elle est bien utilisée et bien comprise, constitue une aide précieuse dans cette étape.Selon C. Hadji :

« L’évaluation dite formative est tout d’abord à visée pédagogique, ce qui la distingue de l’évaluation administrative, à visée probatoire et certificative. Son caractère essentiel est d’être intégrée à l’action de ‘formation’, d’être incorporée à l’acte même d’enseignement. Elle a pour objectif de contribuer à l’amélioration de l’apprentissage en cours, en informant l’enseignant sur les conditions dans lesquelles il se déroule, et l’apprenant sur son propre parcours, sur ses réussites et ses difficultés. Cette fonction générale d’aide à l’apprentissage recouvre un certain nombre de fonctions annexes :- sécurisation : affermir la confiance en soi de l’apprenant.- assistance : fournir des repères, donner des points d’appui pour progresser.- feedback : donner le plus vite possible une information utile sur les étapes franchies et les difficultés

rencontrées.- dialogue : nourrir un véritable dialogue enseignant/apprenant qui sera fondé sur des données précises. »

2. 3. L’évaluation à la fin d’un parcours d’apprentissage

C. Tagliante l’appelle « l’inventaire », C. Hadji « l’évaluation sommative » et G. Barbé « la

fonction bilan » (qui peut aboutir à une certification). Elle intervient à la fin du processus

d’apprentissage et permet de vérifier si les objectifs fixés ont été atteints ou non. Dans ce cas, il

s’agit de centrer l’évaluation sur les acquis des apprenants en tant que résultat et non sur la

progression des acquis, sur des compétences et non sur des connaissances.

Cette fonction peut relever aussi de l’informatif si elle précède un nouveau cursus de formation. « L’évaluation est dite sommative lorsqu’elle se propose de faire un bilan (une somme), après une ou plusieurs

séquences, ou d’une façon plus générale, après un cycle de formation. C’est pourquoi elle est le plus souvent ponctuelle, effectuée à un moment déterminé (bien que l’on puisse aussi mettre en œuvre un processus cumulatif, le bilan terminal prenant en compte une série de bilans partiels), et publique. Les élèves sont souvent classés les uns par rapport aux autres (évaluation normative) et les résultats sont communiqués à l’administration et aux parents »

Qu’elle soit pratiquée au début, au cours ou à la fin d’un parcours d’apprentissage, l’évaluation

quand elle est utilisée à des fins pédagogiques, est considérée comme une interaction, un va et vient,

un échange entre deux acteurs à savoir l’évaluateur et l’évaluataire. C’est une rencontre, un

croisement continuel entre le plan d’enseignement et le plan d’apprentissage dans un sens

horizontal et non vertical avec l’enseignant comme seul maître de situation. L’apprenant peut aussi

s’auto-évaluer et même évaluer l’enseignement, ce qui est extrêmement important pour lui aussi

bien au niveau fonctionnel qu’au niveau affectif.

Parmi ces trois fonctions de l’évaluation, celle qui a le plus de valeur à l’AFM et qui est la plus utilisée est l’évaluation sommative à travers les bulletins que les parents attendent impatiemment pour savoir si leur enfant a un « bon niveau » ou non. Notons qu’un « bon niveau » est associé aux appréciations « très bien » ou « bien ».

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Rendre compte aux parents « clients indirects » reste dans ce cas l’objectif central de l’évaluation à l’AFM. Nous remarquons de ce fait que les enjeux économiques et sociaux prennent le dessus sur la valeur pédagogique de l’évaluation. L’AFM cherche à fidéliser ses clients et ces derniers ne demandent que des notes, des bulletins qui seuls, peuvent garantir la réussite sociale de leur enfant.Quant au travail effectué en classe : vérification des acquis étape par étape, régulation ou remédiation, cela relève de la « cuisine interne » de l’établissement. Les parents réagissent quand le niveau de leur enfant s’avère « faible » suite à une note au dessous de 10 ou à une appréciation tel que « passable » ou « insuffisant ». Ils posent ainsi des questions, cherchent à comprendre pourquoi l’enfant ne progresse pas et commencent à tirer des conclusions telles que « mon enfant est largement dépassé par les autres apprenants », « l’enseignant ne fait rien pour aider mon enfant à surmonter ses difficultés, il ne travaille qu’avec les meilleurs » ou « le contenu du manuel est trop difficile pour mon enfant ». Nous revenons ainsi au problème de variation de niveaux très présent dans les classes et à l’évaluation formative qui fait défaut à l’AFM.

3. Evaluation et enjeux politiques, sociaux et économiques

Nous avons vu à travers les différentes fonctions de l’évaluation que la plus profitable à

l’enseignement/apprentissage d’une langue étrangère est la fonction formative et diagnostique. A 100%

pédagogique, elle met en valeur les progrès qu’a connus la didactique des langues en matière d’évaluation en

la considérant comme partie intégrante de cet enseignement/apprentissage, un processus permanent qui lie

l’enseignant et l’apprenant dans un échange continuel permettant au premier de réguler son enseignement en

fonction des acquis, des besoins et des difficultés de l’apprenant et à ce dernier de participer activement à son

apprentissage en le prenant en charge. Cependant, la fonction sommative/certificative exerce toujours un réel

pouvoir car les enjeux politiques, sociaux et économiques sont de poids.

3. 1. Les enjeux politiquesL’évaluation ne se limite pas à un acte de contrôle de connaissances ou d’évaluation de

compétences, c’est beaucoup plus que cela. C’est un moyen de survie et d’expansion d’une langue,

un moyen d’augmenter l’intérêt et la motivation par rapport à cette langue à travers la création de

certifications reconnues socialement et professionnellement.« L’état plurilingue du monde est devenu un objet observable et on sait que des 6000 à 7000 langues qui existent, un nombre restreint restera dans l’avenir comme moyen de communication.

[…] Si l’élargissement d’une langue hors de ses territoires d’origine a toujours été lié à des phénomènes démographiques, politiques et économiques, ses capacités actuelles à être diffusée par son apprentissage dépend aussi de son équipement certificatif et de la qualité des procédures qui permettent l’obtention des diplômes et certificats. »

En effet, le français comme d’autres langues tel que l’espagnol, l’italien ou le portugais, souffre des

progrès galopants de l'anglais qui se traduisent en nombre de locuteurs et de certifications de plus

en plus important.« L’expansion de la langue anglaise n’a pas de précédent dans l’histoire : le nombre de locuteurs de l’anglais comme langue seconde dépasse largement le nombre de natifs anglophones. On estime plus de 450 millions de personnes utilisent la langue anglaise, qui est devenue la langue de communication internationale. Cette hégémonie, regrettable pour certains, légitime pour ceux qui estiment qu’une langue véhiculaire unique est indispensable, est irréversible. L’anglais domine toutes les autres langues étrangères et constitue la langue la plus utile et la plus rentable socialement et professionnellement […] [quant aux certifications] là encore le poids de l’anglais est imposant : d’une part, il a conféré à l’évaluation certificative une dimension économique

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et politique sans précédent ; d’autre part, l’influence du modèle culturel anglo-saxon est telle que le danger pour les autres langues est de s’en inspirer sans discernement. »

Cette situation a poussé ainsi les Etats à réagir afin de redonner un essor à la diffusion de leurs

langues. La création des diplômes tel que le DELF le DALF pour le français en 1980 allait dans ce

sens, ce qui présentait un double objectif : « consolider l’enseignement du français et offrir la possibilité

d’obtenir des diplômes reconnus dans le monde entier ». Le français devait ainsi et doit toujours faire face à

cette forte concurrence de l’anglais en essayant de maintenir une attractivité suffisante.

La certification entre également dans le cadre d’une politique de contrôle des flux migratoires. Nous

citons à titre d’exemple le cas du Maroc où les étudiants qui veulent poursuivre leurs études en

France doivent disposer d’une certification témoignant de leur niveau B2 pour que le visa leur soit

accordé.

3. 2. Les enjeux sociaux

Bénéficiant d’un certain prestige social, fonctionnant comme un moyen de sélection ou de

discrimination en favorisant ainsi les inégalités dans la société, le diplôme ou la certification

constitue un « passeport social » à tous les niveaux :« Au niveau familial, dès l’entrée de l’enfant dans le système scolaire, le noyau familial est en attente de résultats ; et cette attente se renforce au fur et à mesure du parcours scolaire, particulièrement en cas de difficultés. Légitimement, les parents se sentent sécurisés par le fait de pouvoir contrôler l’enseignement fourni à leurs enfants. Les examens –sous forme de contrôle, d’interrogation ou de bilan final-leur offre cette possibilité […]

Au niveau du groupe social, le diplôme permet de gravir des échelons dans la société. La vie professionnelle fait régulièrement référence aux études faites et aux diplômes acquis […]Au niveau professionnel, le diplôme a un pouvoir véritablement discriminant. L’évaluation des compétences est omniprésente dans le monde de l’entreprise, que ce soit lors du recrutement, d’une formation ou en vue d’une promotion. C’est souvent elle qui fait la différence entre plusieurs candidats à l’emploi »

3. 3. Les enjeux économiques

Face à cette exigence sociale, les enjeux économiques trouvent toute leur ampleur. L’évaluation est

devenue désormais un marché très florissant à but lucratif et s’est retrouvée au centre de la

dynamique économique des centres de langue et des éditeurs visant ainsi à attirer le maximum de

clients dont la motivation est souvent d’ordre social, parfois au détriment même de l’aspect

pédagogique. Cela est illustré dans les avant-propos des manuels où l’on retrouve à titre d’exemple :

« […] Il comprend des tests d’évaluation de type DELF, niveau A1 après chaque séquence » « L’ensemble des acquisitions et les tâches proposées pour y parvenir s’intègre dans une stratégie d’apprentissage qui correspond aux recommandations du Cadre Européen Commun de Référence pour les langues et permet de se préparer aux épreuves A1 du DELF »

Les manuels sont devenus ainsi des outils de préparation au DELF rivalisant les uns les autres pour

assurer la meilleure préparation, ce qui rappelle comme le souligne P. Chardenet « le

conditionnement béhavioriste »

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L’impact de ces enjeux sur les manuels est important surtout quand les auteurs, nombreux malheureusement, manquent de formation à ce niveau. Ceci est illustré par les procédés et les procédures qu’ils proposent et qui semblent relever plus du contrôle que de l’évaluation. Nous pouvons citer à titre d’exemple les évaluations proposées par Tandem et Et toi ?

Une analyse des différentes activités que ces procédures proposent, nous montre qu’elles se

rapprochent plus du contrôle des connaissances que de l’évaluation des compétences. Pourtant, les

avant-propos affirment autre chose comme en témoigne celui de Tandem :

« Tandem permet d’acquérir un bagage linguistique et communicatif cohérent donnant à l’apprenant les compétences nécessaires pour réaliser des tâches, conçues dans le souci de développer des interactions authentiques au sein de la classe. Il amène à réagir, à communiquer spontanément et non à reproduire mécaniquement des structures linguistiques figées »

Ce divorce entre théorie et pratiques, parfois même à l’intérieur de la méthode entre ce qui est

annoncé au niveau théorique et ce qui est proposé au niveau des outils, comme nous venons de le

remarquer, qui persiste encore n’est malheureusement pas perçu par les enseignants qui sont peu ou

pas du tout formés, s’éloignant ainsi de la compétence communicative que vise

l’enseignement/apprentissage des langues.

Cette course vers la certification provoque un autre problème, celui de la standardisation des procédés et des procédures dans les manuels se calquant le plus souvent sur ceux du DELF ou du DALF dont la réussite est l’objectif, portant ainsi préjudice au processus d’enseignement/apprentissage notamment pour l’évaluation formative et diagnostique qui est au cœur de l’apprentissage et dont les procédés ne peuvent être conçus qu’en fonction des acquis et des besoins des apprenants.

4. Evaluation du côté du plan d’enseignement et du plan

d’apprentissage

Servant uniquement à sanctionner et classer, consistant seulement en un relevé d’erreurs,

l’évaluation a longtemps été dissociée de l’apprentissage privilégiant l’enseignant comme seule

maître de la situation et réduisant l’apprenant à un récepteur passif se contentant de subir les

jugements sur son apprentissage sans les comprendre et sans avoir son mot à dire sur ses acquis, ses

progrès, ses besoins et ses difficultés. De ce fait, l’évaluation était synonyme de « stress »,

« angoisse », « peur », « obstacle à franchir » …

Cependant, grâce aux progrès qu’a connus la didactique des langues et aux mouvements de la centration sur l’apprenant, l’évaluation est devenue synonyme de progrès, un moyen de guider l’apprentissage. Quant à l’apprenant, il a retrouvé sa place légitime dans l’apprentissage en ayant comme droit d’apprécier ses progrès, de relever ses difficultés et de participer activement à son apprentissage. L’évaluation est devenue désormais un acte partagé permettant à l’enseignant de gérer son enseignement en fonction des acquis, des besoins et des difficultés de l’apprenant et à ce dernier de gérer son apprentissage d’une manière responsabilisante et motivante. L’évaluation est perçue non plus comme une fin, mais comme un moyen.Comme nous l’avons déjà signalé, l’évaluation est un échange continuel entre l’évaluateur et l’évaluataire, une interaction entre deux plans, le plan de l’enseignement et le plan d’apprentissage.

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Cependant, la qualité de cette interaction dont dépend l’enseignement /apprentissage, dépend largement de la qualité de l’évaluation au plan de l’apprentissage qui dépend à son tour de la qualité de l’évaluation au plan de l’enseignement qui dépend enfin de la formation des enseignants. C’est une chaîne d’interdépendance où la faille d’un élément entraîne l’échec de tous le processus d’enseignement/apprentissage.

4. 1. L’évaluation au plan de l’enseignement : représentations et pratiques« De l’art d’enseigner à l’art d’évaluer »

« Si évaluer fait partie des activités professionnelles que doit assurer tout enseignant, presque quotidiennement sous formes diverses, c’est ce à quoi il a été le moins formé pendant ses études. Trop peu nombreux sont ceux qui ont accès aux stages de formation continue »

Ce manque de formation des enseignants se traduit à deux niveaux :

- l’évaluation reste synonyme de « note », « sanction» et « classement » ;

- l’évaluation est calquée sur les procédures et procédés déjà existants sur le marché, tel que le DELF, le DALF et le TCF, ou ceux qui se trouvent dans les manuels de FLE utilisés.

4. 1. 1. Quand l’évaluation est synonyme de « note », « sanction » et « classement »

Les parents attendent des notes, l’institution demande des notes, les enseignants fournissent des

notes. Tout est ainsi dit sur le niveau de l’apprenant. Quant à ses acquisitions et ses progrès, c’est le

mystère total. Par contre pour ses difficultés ou plutôt ses « fautes », elles sont bien mises en

valeur : elles sont soulignées en rouge sur la copie. Le terme d’évaluation correspond, dans ce cas,

uniquement à l’évaluation des apprenants et ne prend le sens que d’une attribution de note

correspondant à une prestation.

Quand l’apprenant a une « bonne note » accompagnée d’une « bonne appréciation » tel que « excellent », « très bien » ou « bien », il est content et motivé, l’enseignant et l’institution sont dans ce cas les meilleurs. Par contre, quant il a une « mauvaise note », en général au dessous de 10, il est déçu, démotivé et découragé. Il n’a plus envie d’apprendre, il est ainsi réduit à un simple spectateur en classe, regardant les meilleurs occuper les premières places. Telle est malheureusement la situation de l’apprenant à l’AFM. La note représente le seul moyen de communication entre les apprenants, les enseignants, les parents et l’institution assimilant ainsi l’AFM à d’autres écoles où le passage d’un niveau à un autre supérieur est une réussite et le non passage est un échec, oubliant que le but des apprenants à l’AFM n’est pas de réussir ou d’échouer, mais d’améliorer leur niveau en langue française en acquérant des compétences quels que soient leur niveau et leurs difficultés. C’est justement à cause de leurs lacunes qu’ils s’inscrivent à l’AFM.Cette évaluation-sanction et les décisions qui en découlent manifestent le pouvoir de l’enseignant et à travers lui celui de l’institution.

« On pourrait parler d’un impérialisme, et d’un impérialisme réducteur. Car un seul chiffre est censé tout dire, alors qu’originellement la note est notation, au double sens de représentation par un symbole, et de brève communication écrite. Que reste-t-il du message communiqué lorsque le symbole est coupé de ce qu’il a pour rôle de représenter ? Peut-on condenser un discours, même bref, en un seul signe ? […] L’usage d’un tel moyen de communication ouvre la porte à tous les malentendus. Une première nécessité, pour diminuer les risques d’équivoque, serait donc de créer les conditions d’un langage commun en dotant le locuteur et l’allocuté d’un référentiel permettant d’éviter de trop fortes distorsions dans la compréhension du message, c’est-à-dire dans la mise en correspondance du signifiant (la note chiffrée) et du signifié (ce qu’il y a à communiquer). »

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En effet, ni la note, ni les discours qui l’accompagnent formulés généralement de manière négative

n’ont d’utilité pour l’apprenant. La note est perçue souvent comme une injustice et non comme le

témoin de lacunes et de difficultés. Elle ne lui fournit pas les armes nécessaires pour l’améliorer.

Utiliser la note comme seul moyen de communication entre l’évaluateur est l’évaluataire, c’est

utiliser le langage des sourds-muets avec quelqu’un qui le découvre pour la première fois.

La note masque la réalité et induit tout le monde en erreur à cause de son instabilité, sa dispersion

et son manque de fiabilité, éléments dénoncés depuis longtemps par la docimologie sous ce que C.

Tagliante appelle « les critères parasites de la fidélité» « - l’effet de fatigue : les conditions de correction influencent le jugement de l’évaluateur. On corrige sans aucun doute plus équitablement le matin, bien assis à une table de travail que le soir dans les transports en commun…

- l’effet de contraste : une copie moyenne souffre d’être corrigée juste après une excellente production. Si elle avait été corrigée juste après un copie très médiocre, il y a fort à parier qu’elle aurait obtenu une bien meilleur note …- l’effet de favoritisme : le favori ou le « chouchou » est en général celui qui renvoie à l’enseignant une image gratifiante de lui-même. Quel dommage de lui mettre une « mauvaise note »…- l’effet d’ordre : on est en général malheureusement plus sévère à la fin d’une série de copies qu’au début. La note attribuée à un travail dépend donc de sa place dans le paquet.- l’effet de stéréotypie : les notes attribuées en début de formation constituent parfois une référence pour l’enseignant qui, par la suite, a du mal à noter différemment […]- l’effet de contamination : un bon dossier scolaire ne rachète pas une copie faible ; en revanche il influe favorablement sur une bonne copie […]- l’effet de halo : à l’oral, un élève sympathique, convivial et positif est mieux noté qu’un introverti qui a du mal à avoir confiance en lui. A l’écrit, un travail soigné et lisible fait meilleure impression qu’un bon travail mal présenté.- l’effet « choc » : la même erreur toutes les trois phrases et la note chute en dessous de la moyenne (choc négatif) ; une seule idée géniale dans un devoir qui l’est moins et la note grimpe au dessus de la moyenne (choc positif).

- l’effet « goutte d’eau » : tout au long de la production, qui n’est pas inintéressante, l’enseignant a toléré les erreurs d’orthographe, l’écriture quasi illisible, la ponctuation fautive, puis la vingtième majuscule absente après un point fait déborder le vase… »

Nous remarquons de ce fait que la subjectivité de l’évaluateur est un handicap face à la fidélité de

la note. Cependant, on peut atteindre cette fidélité si l’évaluation est objective, mais cela n’arrive

que dans le cas des procédés fermés avec des questions à choix multiples où les évaluateurs peuvent

être facilement interchangeables sans que l’on modifie la note. Il suffit de comptabiliser le nombre

de réponses justes pour savoir quelle note attribuer.

Ceci est impossible dans le cas de procédés ouverts qui font appel à la production libre de l’apprenant. On peut toutefois réduire, mais pas éliminer, cette subjectivité en la justifiant si l’évaluation de la performance de l’apprenant se fait à l’aide d’une grille avec des critères d’appréciation et un barème chiffré.

« Lorsqu’il s’agit d’épreuves où la réponse est libre, l’examinateur, à la différence des épreuves fermées, doit constamment, pour juger de la qualité de la performance fournie, prendre une décision qui malgré des consignes d’évaluation détaillées peut toujours apparaître jusqu’à un certain point subjective. Il n’existe donc pas de notation totalement objectivisée d’énoncés écrits ou oraux libres […] Classification des fautes et descriptions des niveaux de performance ne servent à rendre la notation objective que dans la mesure où elles canalisent la décision subjective de chaque correcteur. Elles fixent les aspects sous lesquels la performance du candidat doit être appréciée et elles obligent à juger chacun selon les mêmes points de vus à noter selon la même technique ; elles transforment ainsi l’arbitraire subjectif en subjectivité fondée »

L’évaluation ne peut être utile pour l’apprenant que si elle est accompagnée de critères

d’appréciation qu’il faut lui dévoiler pour qu’il puisse les prendre en considération dans la

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réalisation de sa performance et pour qu’il puisse savoir sur quoi cette dernière sera évaluée. Ceci

réduira bien la surprise qu’il pourra ressentir à la vue de la note qui ne sera plus un mystère pour lui.

Pour que l’évaluation du plan de l’enseignement ait du sens, qu’elle mesure ce qu’elle est censée mesurer et qu’elle soit d’un intérêt et d’une utilité indiscutables pour l’apprenant en jouant ainsi un rôle informatif plus que sanctionnant, il faut surtout, comme le souligne G. Barbé, que trois éléments essentiels soient très clairs pour l’enseignant, à savoir, la conception du langage, la conception de l’apprentissage et la conception de l’évaluation.

« Conception du langage et évaluationSi l’on se donne une conception communicative du langage on ne peut donc pas enseigner la morphologie du subjonctif à part, en en faisant l’objet d’exercices. On ne peut l’enseigner qu’à travers des activités exprimant le sens auquel est lié le subjonctif. Il s’agit de remplacer la notion « connaître le subjonctif » par la notion de compétence dans l’expression du doute, du souhait, etc. Car c’est le sens qui est l’élément structurant des connaissances. Etre compétent, c’est savoir mobiliser les connaissances nécessaires et leur articulation en fonction de la nature des activités langagières requises dans une situation précise.La conséquence à en tirer, lorsqu’il s’agit d’évaluation, ce sera donc de partir de situations simulées, vraisemblables, pour que se mobilisent et se structurent les connaissances qu’elles requièrent. Ce n’est que dans des situations qu’on pourra évaluer la compétence […]Conception de l’apprentissage[...] C’est en se confrontant à des tâches, en s’appuyant sur des connaissances et compétences déjà en place, en faisant des hypothèses, en les vérifiant, que l’apprentissage se construit, par approximations successives et ajustements constants. La solidarité des nouveaux apprentissages en dépend. Spontanément, l’apprenant intègre dans son cheminement des procédures de vérification, d’évaluation intuitive de ce qu’il fait, et démontre sans le savoir que l’autoévaluation est partie intégrante de l’apprentissage. Se référer à ces options, c’est accepter que l’apprentissage passe par des étapes où tout n’est pas maîtrisé, que ces étapes sont positives et qu’elles doivent être perçues comme telles pour entretenir la motivation des élèves.Conception de l’évaluationContrôler et évaluer ne sont pas synonyme. Il s’agit de deux démarches différentes et complémentaires (cf. à I. 1). »

4. 1. 2. Quand on est à la recherche d’un modèle pour évaluer les compétences d’un apprenant

Dans le questionnaire qui a été adressé aux enseignants qui ont participé à la formation sur

l’évaluation à l’AFM, tous ont confirmé qu’ils utilisaient les procédures et les procédés proposés

dans les manuels pour évaluer les apprentissages et que dans la conception des tests, ils s’en

inspiraient. Toutefois, six parmi eux ont affirmé qu’ils s’inspiraient également d’autres procédures

tel que le DELF, le DALF ou le TCF, qu’ils les utilisaient même parfois sans rien y modifier pour

évaluer la compétence de leurs apprenants ou du moins, ils utilisaient les grilles d’évaluation que

proposent notamment le DELF et le DALF pour évaluer « objectivement » leur production orale ou

écrite. Notons que ces enseignants sont des évaluateurs de DELF et de DALF au sein de l’AFM

et/ou surveillants lors de la passation des sessions du TCF.

Nous nous sommes rendus compte lors du point précédent que l’atteinte de « l’objectivité » dans l’évaluation notamment en production orale ou écrite est « illusoire », que par contre, la réduire n’est pas impossible, mais cela dépend largement des procédures et procédés employés dans l’évaluation. Là, plusieurs questions se posent : si l’évaluation est une partie intégrante de l’enseignement/apprentissage dont le but est de doter l’apprenant d’une compétence communicative lui permettant de manier la langue dans des situations auxquelles il sera confronté dans la vie réelle et que l’évaluation doit prendre en compte, si les activités évaluatives n’ont de sens que si, comme le souligne G. Barbé « elles interrogent ‘l’avant de l’apprentissage’ (ce qui a été acquis) en fonction de ‘l’après’ (ce

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qui est à acquérir) dont elles nécessitent la représentation et l’anticipation. », les procédures et les procédés préfabriqués qu’offrent les manuels ou ceux qu’importent les enseignants tels que le DELF ou le DALF et qu’ils introduisent dans le parcours d’apprentissage, permettent-ils de jouer ce rôle et d’évaluer ainsi la compétence de l’apprenant ? Sont-ils adaptés à ses besoins sachant qu’ils ont été fabriqués en extériorité du parcours d’apprentissage ? La réponse est non et les raisons sont au nombre de deux. Elles sont liées essentiellement aux procédés utilisés pour évaluer la compétence de l’apprenant et à ceux utilisés pour interpréter sa performance.

§ Procédés utilisés pour évaluer la compétence de l’apprenant

Nous avons vu au début de ce chapitre que l’objectif de l’enseignement/apprentissage d’une langue

étrangère ne peut s’exprimer qu’en terme de compétence communicative et que cette dernière doit

« se traduire pédagogiquement, non seulement dans l’enseignement/apprentissage, mais également dans l’évaluation

des acquis ». Or, si nous reprenons quelques procédés du manuel Tandem (manuel utilisé à l’AFM

pour le public d’enfants) et de Et toi ? (qui sera utilisé à l’AFM à partir de l’année prochaine pour le

public de jeunes adolescents), comme nous l’avons déjà mentionné, nous remarquons que les

différentes activités proposées relèvent plus du contrôle que de l’évaluation. S’assurer de la

correction morphologique de la transformation passive, ne garantit pas sa bonne utilisation dans une

situation de communication. Ce genre de procédés évalue les connaissances et non les compétences.

Nous prenons également l’exemple du TCF qui sert aussi de référence dans la conception de certains tests à l’AFM.

« - Le TCF est un test de niveau linguistique en français langue générale destiné à tous les publics non francophones qui souhaitent, pour des raisons professionnelles, personnelles ou d’études, faire évaluer et valider leurs connaissances en français de façon simple, fiable et rapide.

- Le TCF est un test standardisé et calibré conçu par le CIEP, organisme certificateur membre de ALTE, selon une méthodologie extrêmement rigoureuse qui en fait un véritable instrument de mesure.

- Tous les candidats reçoivent une attestation de résultats qui les positionne sur l’un des six niveaux (de A1 à C2) de l’échelle de compétences définie par le Conseil de l’Europe (Cadre européen commun de référence). On ne peut donc pas échouer au TCF.»

Le TCF se présente comme suit :

Trois épreuves obligatoires

80 items

1 h 30

Compréhension orale30 items

25 minutes

Page 34: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

Maîtrise des structuresde la langue

20 items20 minutes

Compréhension écrite30 items

45 minutes

Etant donné que les deux épreuves de productions orale et écrite sont facultatives, cela veut dire que

le candidat n’est pas obligé de les passer. Il reçoit quand même une attestation sur laquelle figure

son niveau (de A1 à C2) par rapport au Cadre Européen Commun de Référence. Nous nous

demandons dans ce cas comment malgré tous les progrès faits en évaluation, nous nous permettons

de nous baser uniquement sur l’évaluation des connaissances pour affirmer que tel candidat est de

tel niveau en compétence de communication en référence au Cadre Européen Commun de

Référence ?« On arrive aujourd’hui à une situation paradoxale, un retour de boucle, où l’on voit que les nouvelles certifications, aux épreuves moins lourdes à gérer, plus simple à passer, sont fondées sur les objectifs d’évaluation des connaissances en langue à partir de QCM, et non plus sur des compétences communicatives. Avec l’effet du marché très puissant de ces procédures, on peut imaginer que ce retour sur la connaissance de la langue, qui n’est pas en soit un problème didactique car toute compétence mobilise nécessairement des connaissances, produise cependant des rétroactions normatives très fortes vers l’apprentissage de règles, en entraînant au développement de postures et d’outils comparables à ce qui pouvait exister jusqu’e dans les années 1970 »

Ce type de procédés : TCF ou ceux qui figurent dans les manuels, a malheureusement un impact

considérable sur la conception des tests d’évaluation à l’AFM puisque nous remarquons que

l’utilisation des QCM, des exercices à trous à titre d’exemple, y est très abondante. La

généralisation de ces procédés qui relèvent du « prêt-à-porter » est de coutume vu que les

enseignants manquent de formation pour adopter une attitude critique face à ce qui est offert,

élément que G. Barbé dénonce :

« Reconnaître l’évaluation comme composante de l’apprentissage, c’est privilégier l’une de ses principales fonctions, celle de contribuer à sa progression par l’import d’information, utiles, parce que signifiantes, pour l’analyse et la compréhension de ce qui se passe en profondeur. Cela pose le problème de la pertinence de ce que l’on fait quand on évalue, quand on choisit ce que l’on veut évaluer, quand on choisit les critères et les techniques pour recueillir les productions à évaluer.Il y a de nombreuses dérives par le simple fait que, trop souvent, le choix des techniques et du type d’activités se fait en cédant trop vite aux habitudes aux contraintes d’effectifs ou de temps disponible (exercices à trous, de transformations, textes en désordre à reconstituer, QCM, pour ne citer que les plus utilisés en didactique des langues, sans avoir suffisamment pris en compte leur ‘pouvoir’ informatif. »

Ainsi, sans donner sens au choix des procédés que nous utilisons pour évaluer les compétences des

apprenants, choix qui dépend largement de ce que l’on veut évaluer et du genre d’informations que

l’on veut obtenir, nous nous transformons par l’habitude en de simples machines de fabrication

cherchant à faciliter au maximum la manipulation de ces procédés plutôt que de chercher à rendre

ces derniers signifiants, alors que « en didactique des langue, on dispose d’un ensemble de techniques et d’activités qu’on peut classer des plus ouverts aux plus fermées, techniques que l’usage a réduit à un petit nombre, et qui ont tendance à être choisies pour elles-mêmes plus que pour leur pouvoir informatif […] Il y a moins de mauvais outils que d’outils mal utilisés. L’outil doit être approprié à l’objectif d’évaluation, proposé à des moments significatifs de

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l’apprentissage et en cohérence avec les choix méthodologiques. Evaluer des compétences communicatives ne peut se faire qu’à travers des situations simulées qui les mobilisent. »

Même pour les apprenants, nous les habituons plus à la manipulation de ces outils qu’à l’utilisation

de leurs contenus pour développer leur compétence de communication. Cela rappelle la

méthodologie audio-orale où la notion de modèle à imiter à travers des exercices structuraux

travaillés au laboratoire de langue, était privilégiée. L’entraînement coupe la créativité de

l’apprenant, favorise la mémorisation des structures de la langue et n’offre pas une opportunité pour

un vrai usage de la langue dans des situations de communication, un usage non académique, mais

fonctionnel.

Le choix des procédés préfabriqués, notamment pour l’évaluation formative, ne peut en aucun cas optimiser l’enseignement/apprentissage puisque ces derniers sont également inadaptés aux besoins réels des apprenants.

« Les activités évaluatives devraient permettre d’interpréter le travail de l’apprenant en référence aux acquisitions antérieurs et à celles à venir. Ainsi, l’évaluation intégrée est de fait une mise en perspective. Cela ne sera possible, là aussi, que si l’on conçoit des épreuves d’évaluation en situation et en contexte. »

L’enseignant devrait adopter une attitude critique face à tout ce qui lui est proposé et élaborer ainsi

ses propres procédés en fonction des acquis et des besoins de ses apprenants en prenant en

considération les trois critères que propose G. Barbé :

« Critère de pertinence : est-ce que l’activité choisie permet d’obtenir un échantillon de langage, oral ou écrit, susceptible de révéler les compétences et connaissances qui font l’objet de l’évaluation […]Critère de cohérence : est ce que l’activité choisie est compatible avec les choix méthodologiques retenus ? Evaluer une compétence de communication orale suppose de mettre l’élève dans une situation de communication orale et non écrite.

Critère de transparence : est-ce que l’épreuve choisie est accompagnée d’une consigne claire et non ambiguë et de critères d’évaluation dont la définition est partagée par les différents partenaire concernés, c'est-à-dire au moins l’élève et l’enseignant »

§ Procédés utilisés pour interpréter la performance de l’apprenant

Lors de la définition de l’évaluation, nous l’avons distinguée du contrôle par le fait que

« l’évaluation est un processus de mesure de l’efficacité en contexte, qui intègre l’ensemble des composantes d’une production langagière » et qu’elle est également « une démarche qui aboutit à un acte d’interprétation, qui donne ‘sens’. Les critères servent de référence pour cet acte d’interprétation, et ils sont nombreux quand il faut évaluer une production langagière, même élémentaire »

Ginette ajoute en montrant que « le critère se choisit en fonction des objectifs de l’évaluation […] le critère permet d’avoir un point de vue privilégié sur l’objet à évaluer. Ceci est très important en évaluation formative […] l’ensemble des critères va constituer la base du système de référence nécessaire à l’interprétation des productions de l’apprenant (ce qui peut se matérialiser sous forme de grille d’évaluation) […] L’évaluation va consister à interpréter ce qui est dans les productions de l’apprenant (indicateurs) correspond aux critères préalablement choisis. »

Or, faute de formation et cherchant à évaluer « objectivement » les productions de l’apprenant,

certains enseignants ont recours aux grilles d’évaluation comportant des critères prédéfinis telles

que celles du DELF et du DALF comme c’est le cas à l’AFM, ce que C. Hadji appelle le « Référent

prédéfini », portant ainsi préjudice au processus d’apprentissage.

Page 36: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

« Quand on possède un système (référent prédéfini), on se livre à une interprétation que l’on peut qualifier de ‘descendante’ : on recherche, dans le réel, les signes (indicateurs) correspondant aux différents critères retenus, par exemple aux principaux effets escomptés. Ce qui ne rentre pas dans le cadre de la grille de lecture échappe à l’évaluateur. C’est pourquoi ‘l’évaluation comme interprétation’ nécessite les deux mouvements, ascendant et descendant. Il faut remonter des faits au système d’idées permettant d’en rendre compte, modifier ce système en fonction des faits analysés, revenir aux faits pour les appréhender à l’aide de ce système modifié, etc. »

Un référent prédéfini reste extérieur à l’activité d’évaluation et à l’évaluataire et ne peut pas rendre

compte de sa performance. La situation d’enseignement/apprentissage du français langue étrangère

est chaque fois plus complexe. L’évaluation, considérée comme composante de cet

enseignement/apprentissage, subira cette complexité en prenant différentes formes de réalisation.

L’évaluation n’est pas une activité figée, mais variable et dynamique, les critères utilisés alors dans

l’interprétation doivent suivre cette variabilité et dynamique.« L’évaluateur est un constructeur de sens dans la mesure où son travail est d’aider à l’émergence du ou des sens impliqués dans et par une réalité décrite comme opaque, complexe et équivoque. Mais, plus qu’un accoucheur, l’évaluateur-interprète serait un passeur qui aide à affronter l’inattendu, en déplaçant les interrogations, en faisant naître de nouvelles questions, en permettant à d’autres dimensions de faire irruption. »

Hadji ajoute en soulignant que

« si Ardoino et Berger affirment leur refus de ‘s’accrocher à un modèle prédéfini’, ce n’est pas pour conclure à la nocivité du référent en soi, mais au contraire pour créer les conditions d’émergence d’un ‘référant’ utile et opératoire, parce qu’approprié. ‘L’évaluation, en ce qu’elle pose la question du sens, consiste essentiellement à produire, à construire, à créer ‘un référant’. Chaque ‘référant’ ainsi construit, toujours provisoire et susceptible d’être remis en cause, est […] un ‘système d’interprétation’ destiné à donner sens au réel. »

Nous pouvons ainsi conclure que principalement dans le cas de l’évaluation formative, l’utilisation

des procédés prédéfinis pour évaluer la compétence d’un apprenant ne peut que nuire au processus

d’enseignement/apprentissage en le figeant et l’étouffant puisqu’ils ne sont pas adaptés aux besoins,

aux acquis et aux progrès réels de l’apprenant. L’évaluation ne doit pas se baser sur une seule

réponse attendue ou prévisible, mais sur une diversité de réponses et de productions. L’évaluation

doit s’attendre à l’inattendu puisque l’apprenant peut utiliser la langue de façon créative et jouer

ainsi avec les structures et les expressions apprises de manière fonctionnelle, ce qui ne doit pas être

négligé, mais pris en considération et encouragé aussi. Elle doit ainsi être fondée sur le caractère

imprévisible des énoncés, la grille d’évaluation doit être élaborée en fonction des tâches plus ou

moins complexes que l’on demande à l’apprenant de réaliser.

L’utilisation des grilles d’évaluation peut poser problème même dans les procédures relevant de l’évaluation sommative ou certificative. Elles ne peuvent en aucun cas réduire la subjectivité de l’évaluateur si ce dernier manque de formation et si les critères qu’elles comportent restent généraux et manquent de précision. Nous citons à titre d’exemple les grilles proposées par C. Tagliante , tel que :

Grille pour un descripteur de niveau B1

Monologue suivi : argumenter (par exemple, lors d’un débat)

Page 37: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

Peut développer une argumentation suffisamment bien pour être compris sans difficulté la plupart du temps.

Respect de la consigne 0 0,5 1Performance globale 0 0,5 1Morphosyntaxe 0 0,5 1 1,5 2Adéquation de l’argumentation 0 0,5 1 1,5 2 2,5 3Lexique approprié 0 0,5 1 1,5 2Correction phonétique 0 0,5 1

Si nous prenons les critères « morphosyntaxe » et « lexique », comment peut-on réduire la subjectivité de l’évaluateur si ces critères manquent de précision et prêtent ainsi à la confusion ? Par rapport à quelle référence l’enseignant notera – t – il « 0 », « 0,5 », « 1 » ou « 2 » ?

4. 2. Evaluation au plan de l’apprentissage« L’apprenant qui sait s’auto-évaluer de façon pertinente possède l’un des

outils de base de l’apprentissage »

Si l’objectif central de l’enseignement/apprentissage d’une langue étrangère est l’acquisition d’une

compétence communicative, cela ne se réaliserait que grâce à un enseignement interactif, réflexif,

mettant constamment l’apprenant en situation de réflexion, de construction de son savoir et de

validation de ce qu’il acquiert, passage inévitable vers l’autonomie.

Selon le Dictionnaire de Didactique du Français langue étrangère« Le terme autonomie a trois acceptions.1- Dans la première, autonomie fait référence à la capacité de l’apprenant de prendre en charge son apprentissage. Est autonome un apprenant qui sait apprendre, c'est-à-dire qui sait préparer et prendre des décisions concernant son programme d’apprentissage : il sait se définir des objectifs, une méthodologie et des contenus d’apprentissage, il sait gérer son apprentissage dans le temps et il sait évaluer ses acquis et son apprentissage […]

2- Dans une seconde acception, le terme d’autonomie est parfois utilisé en référence à l’apprentissage […]3- Enfin, dans les locutions autonomie, autonomie langagière, autonomie communicative, le terme d’autonomie fait référence à la capacité de faire face, en temps réel et de manière satisfaisante, aux obligations langagières auxquelles on est confronté dans les situations de communication. »

L’autonomie communicative que cherche ainsi l’enseignement/apprentissage dépend de la capacité

de l’apprenant à prendre en charge son apprentissage. L’évaluation constitue dans ce cas un passage

obligé vers cette autonomie. C’est le meilleur service qui soit rendu à l’apprenant puisqu’elle

l’incite à apprendre, oriente son apprentissage, le guide et le facilite.

L’évaluation est ainsi considérée comme « un voyage » où il est important que l’apprenant sache constamment d’où il est parti, où il se trouve et où il va. Pour ne pas se perdre, il a besoin de se situer, d’avoir ses propres points de repères dont il doit être conscient et c’est l’auto-évaluation qui peut les lui fournir. Elle favorise son implication et constitue pour lui une motivation efficace. Il est strictement impossible d’aider un apprenant sans motivation ni implication. L’apprenant apprécie ses progrès, se rend compte lui-même de ses difficultés et prend la décision de développer ses propres stratégies pour améliorer sa performance, ce qui fait naître sa confiance en soi. Ceci est d’une utilité indiscutable pour lui aussi bien au niveau fonctionnel qu’affectif. L’auto-évaluation est un instrument nécessaire à la construction d’un apprentissage autonome

Page 38: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

orienté vers un usage langagier et communicationnel effectif.L’apprenant suit son évolution, comprend ce qui se passe, donne son avis et réfléchit avec l’enseignant et les autres apprenants sur son apprentissage. Il se sent ainsi considéré et non jugé, ce qui l’aide à accomplir son rôle de manière active puisqu’il participe dans le jugement de ses progrès. L’enseignant n’est désormais plus le seul à lui dire ce qu’il a acquis, ce qui lui reste à acquérir et comment il doit y parvenir, sinon il le réduirait encore à un simple récepteur passif inconscient de ce qui se passe. L’apprenant dispose ainsi du regard de l’enseignant, son propre regard et celui des autres apprenants, ce qui est très motivant et constructif.L’évaluation n’est désormais plus un processus à une seule personne : l’enseignant, mais un processus à trois : l’apprenant, l’enseignant et les autres apprenants, ce qui est bénéfique aussi bien pour l’enseignant qui a un feed-back sur l’efficacité de son enseignement qu’à l’apprenant qui a un feed-back sur son apprentissage.L’introduction de l’auto-évaluation et de la co-évaluation dans le processus d’apprentissage permet également de réduire la subjectivité de l’évaluateur en tendant vers une objectivation de l’évaluation.

« L’objectivité est une donné, sous la forme d’un mythe jamais atteint, tandis que l’objectivation se construit notamment par l’introduction de l’auto-évaluation et la co-évaluation qui posent plusieurs points de vue d’évaluateurs. C’est dans ces conditions que la motivation de l’apprenant à l’évaluation peut jouer un rôle formateur dans la construction de son apprentissage. La motivation sociale d’un étudiant à pouvoir intégrer un diplôme de langue dans son CV. Est une aspiration valorisée par la certification au terme du processus qualifiant. La motivation psychologique, liée à l’histoire du sujet, à sa personnalité, à son désir de sens, au plaisir d’apprendre est valorisée par l’estime de soi, qu’une sanction sous forme de jugement définitif peut briser, alors qu’au contraire, un sentiment d’efficacité dans l’apprentissage permettra de renforcer celui-ci »

Cependant, comme l’autonomie, l’auto-évaluation s’apprend, ce que G. Barbé appelle « l’éducation

à l’évaluation », pour garantir sa pertinence et son efficacité. A titre d’illustration, un apprenant qui

affirme être capable de demander son chemin, comment peut-on garantir qu’il peut vraiment le faire

et qu’il en est parfaitement sûr ?« Cet apprentissage pourrait être envisagé dès le plus jeune âge, en s’appuyant sur les tendance spontanées de l’apprenant à chercher des repères et à vérifier qu’il est sur le bon chemin. C’est très progressivement prendre conscience des buts que l’on vise, être capable de les formuler dans son propre langage. C’est apprendre à choisir les repères utiles de l’avancement de la tâche entreprise, ses propres repères dans un premier temps, et non ceux imposées de l’extérieur. Ces repères évalueront, en les confrontant à ceux des autres apprenant, en les mettant à l’épreuve de l’expérience. Ces repères deviendront des critères sans lesquels l’évaluation n’est que discours vide.Apprendre et apprendre à s’évaluer sont indissociables. Il s’agit de développer une attitude critique face à l’action, et de comprendre que ‘savoir’ sans ‘savoir que l’on sait’ enferme dans une position de dominé. Etre capable de s’évaluer avec justesse est un excellent critère d’évaluation d’un apprentissage abouti, ainsi que l’autonomie qui en résulte. »

L’apprenant doit ainsi non seulement apprendre à s’auto-évaluer, mais également à prouver ce qu’il

affirme pour qu’il n’ait pas qu’une simple « impression d’une représentation subjective de sa compétence », et

c’est l’enseignant qui doit l’aider à le faire et lui apprendre même à évaluer le travail des autres

apprenants.

La formulation employée dans les auto-évaluations sous forme de capacité « je peux comprendre …», « je peux communiquer… » est intéressante et valorisante. Elle favorise de ce fait une réflexion de l’apprenant sur son apprentissage. Sa prise de conscience sur ses capacités ou sur celles qu’il doit viser lui permet d’être au fait de sa progression.Les portfolios des langues représentent l’un des outils qu’il serait utile d’exploiter dans ce cas, mais à condition de les adapter à la réalité des apprenants pour ne pas tomber encore dans le problème des procédures et des procédés prédéfinis. En plus de leur fonction d’information pour les futurs autorités éducatives ou les futurs employeurs,

Page 39: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

les portfolios ont une fonction pédagogique précieuse puisqu’ils permettent à l’apprenant de visualiser ses progrès d’une manière positive et valorisante et se rendre compte lui-même du trajet qui lui reste à parcourir. Ils encouragent également le plurilinguisme et le développement interculturel, ce qui est extrêmement motivant et important. Ils se composent ainsi de trois parties :

« - un passeport, dont la forme est commune à tous les portfolios européens et que l’utilisateur peut compléter au fur et à mesure de ses apprentissages scolaires et extrascolaires. Dans le passeport, une grille d’auto-évaluation (cf. à annexe) permet de déterminer son niveau, pour chaque compétence langagière, dans chacune des langues que l’on maîtrise peu ou prou […]- une biographie langagière, qui lui permet d’indiquer ses compétences linguistiques et culturelles et l’aide pour s’auto-évaluer ;- un dossier, dans lequel il peut rassembler ce qu’il considère comme une preuve de ses compétences : des travaux personnels, des diplômes obtenus au cours des années. »

5. Evaluation et CECR

Le Cadre Européen Commun de Référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer a été

publié en 2001 après dix ans de travaux de recherche. C’est une réalisation du Conseil de l’Europe,

traduite en 36 langues.

Devenu ces dernières années un véritable document de référence, il est très utile à tous ceux qui sont concernés par l'enseignement des langues et par l'évaluation des compétences en langues dans le monde entier : concepteurs de programmes, auteurs de manuels scolaires, examinateurs, enseignants et formateurs d'enseignants.

« Le Cadre européen commun de référence offre une base commune pour l'élaboration de programmes de langues vivantes, de référentiels, d'examens, de manuels, etc. en Europe. Il décrit aussi complètement que possible ce que les apprenants d'une langue doivent apprendre afin de l'utiliser dans le but de communiquer ; il énumère également les connaissances et les habiletés qu'ils doivent acquérir afin d'avoir un comportement langagier efficace. La description englobe aussi le contexte culturel qui soutient la langue. Enfin le Cadre de référence définit les niveaux de compétence qui permettent de mesurer le progrès de l'apprenant à chaque étape de l'apprentissage et à tout moment de la vie. »

Chaque niveau est à son tour subdivisé en deux sous-niveaux :

AUtilisateur élémentaire

A1 A2Introductif Intermédiaire ou découverte ou de survie

BUtilisateur indépendant

B1 B2Niveau Avancé ouSeuil indépendant

CUtilisateur expérimenté

C1 C2Autonome Maîtrise

Ce référentiel pour les langues vise également le plurilinguisme qu'il oppose au multilinguisme « qui

est la connaissance d’un certain nombre de langues où la cœxistence de langues différentes dans une société donnée ».

Le multilinguisme est considéré ainsi comme une juxtaposition des langues.

Page 40: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

Le CECR définit le plurilinguisme comme étant une approche qui « ne classe pas [les] langues et [les] cultures dans des compartiments séparés mais construit plutôt une compétence communicative à laquelle contribuent toute connaissance et toute expérience des langues et dans laquelle les langues sont en corrélation et interagissent »

Mais, c'est certainement dans le domaine de l'évaluation des langues que l'influence du CECR a été

la plus rapidement visible. Il offre en effet la possibilité, pour l'ensemble des langues, de se référer

aux mêmes six niveaux de compétence, présentant ainsi l'avantage de pouvoir comparer entre eux

les résultats des évaluations.

Ainsi il avance des normes communes d'évaluation des compétences langagières et culturelles, ce qui rend plus aisée la reconnaissance effective des acquis et la mobilité dans les apprentissages :

« En fournissant une base commune à des descriptions explicites d'objectifs, de contenus et de méthodes, le Cadre de référence améliorera la transparence des cours, des programmes et des qualifications, favorisant ainsi la coopération internationale dans le domaine des langues vivantes. Donner des critères objectifs pour décrire la compétence langagière facilitera la reconnaissance mutuelle des qualifications obtenues dans des contextes d'apprentissage divers et, en conséquence, ira dans le sens de la mobilité en Europe. »

Le CECR a permis aussi d’harmoniser à l’échelle européenne les procédures relevant de

l’évaluation sommative tel que le DELF, le DALF, le TCF, mais aussi celles relevant de

l’évaluation formative tel que les portfolios des langues. C’est ce que nous reprochons d’ailleurs à

ces procédures car d’un côté, elles ne sont pas adaptées au contexte des apprenants dans le monde

entier et d’un autre côté les procédés prédéfinis, comme nous l’avons souligné ci-dessus, ne peuvent

pas optimiser l’enseignement/apprentissage des langues vu qu’ils ne sont adaptés ni aux acquis ni

aux besoins réels des apprenants notamment pour l’évaluation formative.

Certes, l’apport du CECR est inestimable, mais l’adaptation aux différents contextes et aux besoins réels des apprenants est indispensable. D’ailleurs il a été clair sur ce point :

«Le Conseil encourage toutes les personnes concernées par l'organisation de l'apprentissage des langues à fonder leur action sur les besoins, les motivations, les caractéristiques et les ressources de l'apprenant. »

Et ajoute que :

« Le Conseil de l'Europe a pour principe méthodologique fondamental de considérer que les méthodes à mettre en œuvre pour l'apprentissage, l'enseignement et la recherche sont celles que l'on considère comme les plus efficaces pour atteindre les objectifs convenus en fonction des apprenants concernés dans leur environnement social. »

Evelyne Rosen rappelle aussi que

« Face à l'engouement provoqué par le Cadre ("cadrôlatrie"), une contextualisation par rapport aux publics visés et aux contextes d'enseignement / apprentissage (français langue seconde, contextes non européens par exemple) est nécessaire, afin d'éviter l'écueil de l'uniformisation et pour faire en sorte que toutes les langues ne soient pas enseignées de la même façon. »

Quant à la situation d’enseignement, le CECR a deux objectifs :

« 1- Encourager les acteurs, particulièrement les enseignants, à se poser des questions :- que faisons-nous exactement lors d’un échange oral ou écrit avec autrui ?

- qu’est ce qui nous permet d’agir ainsi ?

Page 41: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

- comment s’effectue l’apprentissage en langue ?- que faire pour aider les gens à mieux apprendre une langue ?- comment fixons-nous nos objectifs ?- comment marquons-nous le progrès entre l’ignorance et la maîtrise de langue ?

2- Faciliter les échanges d’informations entre enseignants et élèves afin que les premiers puissent dire aux seconds ce qu’ils attendent d’eux en termes d’apprentissage et comment ils essaieront de les aider. »

5. 1. L’approche actionnelle

Le CECR se rattache à une perspective actionnelle

« La perspective privilégiée ici est, très généralement aussi, de type actionnel en ce qu'elle considère avant tout l'usager et l'apprenant d'une langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un environnement donnés, à l'intérieur d'un domaine d'action particulier. Si les actes de parole se réalisent dans des activités langagières, celles-ci s'inscrivent elles-mêmes à l'intérieur d'actions en contexte social qui seules leur donnent leur pleine signification. »

Et conçoit la communication comme :

« L'usage d'une langue, y compris son apprentissage, comprend les actions accomplies par des gens qui, comme individus et comme acteurs sociaux, développent un ensemble de compétences générales et, notamment une compétence à communiquer langagièrement. Ils mettent en œuvre les compétences dont ils disposent dans des contextes et des conditions variés et en se pliant à différentes contraintes afin de réaliser des activités langagières permettant de traiter (en réception et en production) des textes portant sur des thèmes à l'intérieur de domaines particuliers, en mobilisant les stratégies qui paraissent le mieux convenir à l'accomplissement des tâches à effectuer. Le contrôle de ces activités par les interlocuteurs conduit au renforcement ou à la modification des compétences. »

La compétence à communiquer langagièrement que développe ainsi les gens est subdivisée par le

CECR en trois composantes, comme nous l’avons vu lors de la définition de l’évaluation : la

compétence linguistique, la compétence pragmatique et la compétence socioculturelle permettant

ainsi dans la conception des programmes de formation un équilibre entre travail sur la langue

(phonétique/ lexique/ syntaxe) et emploi de la langue dans des interactions porteuses de sens.

5. 2. Le CECR : une ressource dans le changement des représentations

Comme nous l’avons souligné précédemment, dans le domaine de l'évaluation des langues

l'influence du CECR a été très importante, d’ailleurs il y consacre tout un chapitre. Il a permis d’un

côté un travail sur les représentations et d’un autre un travail sur les pratiques.

Dans le cas des représentations, en présentant et en distinguant les différents types d’évaluation, le CECR a permis de montrer que l’évaluation sommative servant à sanctionner, à classer les élèves et à rendre compte à la société ou l’évaluation des savoirs ne sont plus les seules existantes, que désormais d’autres types existent aussi et permettent d’optimiser l’enseignement/apprentissage d’une langue étrangère en le facilitant et en le rendant plus utile et plus profitable à l’apprenant. Le CECR distingue ainsi 26 types d’évaluations, cependant, nous n’en présenterons que quelques uns :

« Evaluation du savoir/Evaluation de la capacité- L’évaluation des savoirs (ou du niveau) est l’évaluation de l’atteinte d’objectifs spécifiques-elle porte sur

ce qui a été enseigné. Elle est en relation avec le travail de la semaine ou du mois, le manuel, le programme. L’évaluation des savoirs est centrée sur le cours.

- L’évaluation de la capacité (mise en œuvre de la compétence ou performance) est l’évaluation de ce que

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l’élève peut faire ou de ce qu’il sait en rapport avec son application au monde réel […]Evaluation normative/Evaluation critériée- L’évaluation normative classe les apprenants les uns par rapport aux autres […]- L’évaluation critériée : on y évalue l’apprenant en fonction de sa capacité, quelle que soit celle des pairs

[…]Evaluation ponctuelle/Evaluation continue- L’évaluation ponctuelle se fait par l’attribution de notes à une date donnée. On ne se préoccupe pas de ce

qui s’est passé auparavant ; seul ce que l’apprenant est capable de faire ici et maintenant [C’est le cas des examens].

- L’évaluation continue est l’évaluation par l’enseignant de performance, travaux et projets réalisés à l’issu d’un cours, d’un trimestre, etc. L’évaluation continue est intégrée dans le cours et contribue, de manière cumulative, au résultat final […]

Evaluation sommative/Evaluation formative- L’évaluation sommative contrôle les acquis à la fin du cours et attribue une note ou un rang. Elle n’évalue

pas forcément la compétence. Elle est souvent ponctuelle et teste le savoir.- L’évaluation formative est un processus continue qui permet de recueillir des informations sur les points

forts et les points faibles. L’enseignant peut utiliser ces informations pour organiser son cours. Il peut aussi les renvoyer aux élèves, ce qui les aide à contrôler leur apprentissage, et donc à devenir plus autonome […]

Evaluation des connaissances/Evaluation de la performance- L’évaluation des connaissances exige de l’élève qu’il réponde à des questions pour apporter la preuve de

l’étendu de sa connaissance de la langue et du contrôle qu’il en a.- L’évaluation de la performance exige de l’élève qu’il produise un échnatillon de discours orale ou écrit

[…]Evaluation mutuelle/Auto-évaluation- L’évaluation mutuelle est le jugement porté par l’enseignant ou l’exminateur.- L’auto-évaluation est le jugement que l’on porte sur sa propre compétence. L’auto-évaluation est un

complément utile à l’évaluation de l’enseignant […] »

5. 3. Le CECR : une ressource dans le changement des pratiques

Le CECR possède un potentiel important d’évolution des pratiques des enseignants, des

concepteurs et des évaluateurs en présentant de nouveaux éléments d’évaluation de la compétence

de communication. Son objectif est de former des apprenants usagers de la langue et non seulement

enseigner les langues à des apprenants. Il propose ainsi des critères détaillés pour décrire les

compétences, formulés de manière positive en mettant en valeur ce que sait faire l’apprenant aux

différents niveaux et dans les différentes activités langagières (compréhension, production,

interaction et médiation).

Le CECR peut ainsi être utilisé à trois niveaux en matière d’évaluation : la définition des contenus des tests et des examens, la détermination des critères d’évaluation et du niveau des compétences des apprenants en augmentant ainsi le degré de validité, fiabilité et faisabilité des procédures.

5. 3.1. Le CECR, un outil pour spécifier les contenus des tests

Comme nous l’avons souligné précédemment, dans le but de former des apprenants usagers de la

langue, le CECR présente une référence incontournable pour spécifier les contenus des procédures

en précisant :

- les différents contextes de l’utilisation de la langue, à savoir : les domaines correspondant

aux centres d’intérêt (personnel, public, professionnel et éducationnel), les situations que

Page 43: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

l’apprenant aura besoin de traiter en prenant en considération les lieux, les institutions, les

personnes, les objets, les événements et les actions selon ce qui le concernera, les conditions

et le contraintes qu’imposent le cadre extérieur dans lequel la communication a lieu

(conditions matérielles, sociales, contraintes de temps, contraintes financières …), le

contexte mental de l’apprenant et même celui de l’interlocuteur qui peuvent conditionner

également la communication…

- les activités langagières communicatives : activités de production (orale et écrite), de réception (écoute et lecture) et de médiation (orale et écrite) ainsi que les stratégies employées par l’apprenant relatives à chaque activité langagière ;- les textes : ce sont les genres et les types et les genres de texte auxquels l’apprenant-usager sera confronté lors des situations de communication ;- les compétences communicatives langagières partielles qui constituent des composantes de la compétence à communiquer langagièrement (il s’agit des compétences linguistiques ‘lexique, grammaire, phonétique …’, la compétence sociolinguistique et la compétence pragmatique ‘discursive et fonctionnelle’. La spécification de ces compétences permettra ainsi l’élaboration des items).Toutefois, comme le précise le CECR, ce qu’il propose ne sont que des suggestions, il «ne prétend

pas à l’exhaustivité. Il ne peut notamment pas tenir compte de la dynamique des situations interactives»

5. 3.2. Le CECR : un outil pour déterminer les critères d’évaluation

Si la subjectivité dans l’évaluation ne peut être réduite que grâce à des critères que l’évaluateur aura

définis auparavant en fonction des objectifs d’apprentissage, le CECR présente dans ce cas une aide

précieuse grâce aux données qu’apportent les échelles et qui facilitent l’établissement de ces

critères.« L’objectif peut-être une compétence langagière générale large (par exemple ‘niveau B1’). Il peut être, au contraire, une série d’activités ou de compétences (par exemple, au niveau A2 : peut décrire des gens, lieux, chose en termes simples).Pour mieux utiliser les descripteurs, il faut distinguer les descripteurs d’activités communicatives et les descripteurs de compétences particulières. Les premiers sont particulièrement adaptés à l’évaluation des tâches authentiques de la vie réelle. »

Cependant, pour que les critères que comportent les grilles d’évaluation soient efficaces, il faut

qu’ils soient très précis pour ne pas entraîner de confusion chez l’évaluateur. Certains descripteurs

sont très généraux et ne peuvent se convertir directement en critères d’évaluation. Nous prenons à

titre d’exemple le descripteur « peut donner des informations personnelles », en fonction des

objectifs d’apprentissage, on peut préciser par exemple « peut se présenter », ou « peut dire où il

habite ». Pour garantir l’efficacité des critères, ces derniers doivent être très précis et correspondre à

des comportements observables.

5. 3. 3. Le CECR, un outil pour déterminer le niveau de compétence de l’apprenant

A travers les six échelles de niveau que proposent le CECR : A1, A2, B1, B2, C1 et C2, il est

possible de déterminer le niveau de compétence à communiquer langagièrement de l’apprenant.

Page 44: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

Ceci est obligatoire dans le cas des évaluations sommatives / certificatives qui lui permettent

d’avoir des preuves de son niveau, reconnus au niveau international.

La détermination du niveau offre plusieurs possibilités à l’apprenant : accéder au niveau supérieur, accéder à certaines écoles ou à certains emplois.Au niveau pédagogique, cela permet de réduire le problème de variation de niveaux qui peut représenter un handicap face au processus d’enseignement/apprentissage dans les classes de langue.

Troisième partie : Mise en place du projet

Selon la commande de stage, la mission qui s’inscrit dans notre projet vise les deux publics

impliqués dans la situation d’enseignement/apprentissage au sein de l’Alliance franco-marocaine :

- d'une part les apprenants (notamment le public d’enfants et de jeunes adolescents dont le

niveau doit être déterminé au début et à la fin du parcours d'apprentissage afin de leur

proposer un enseignement adapté à leurs acquis, besoins et difficultés) ;

- d'autre part les enseignants chez qui les représentations et les pratiques sont toujours en

décalage avec les progrès de la didactique des langues en matière d’évaluation.

La réalisation du projet a ainsi été développée selon trois axes pratiques : la conception des tests de

positionnement, la conception des tests annuels pour les publics cités précédemment et une

formation à l’évaluation destinée aux enseignants.

Cependant, dés la mise en place du projet, nous nous sommes rendus compte que les retombées de

cette action seraient limitées par 3 facteurs principaux :

- statut et connaissances de l’intervenant (stagiaire en formation) ;

- limitation à un public cible apprenant (deux tranches d’âge) ;

- limitation de la formation des enseignants (une semaine).

Ainsi, malgré ces restrictions, les résultats de notre mission pourront servir de base aux projets

futurs de l’AFM concernant l’évaluation.

Dans la mise en œuvre de ce projet, nous avons pris comme base de travail le CECR-Cadre

Européen Commun de Référence présenté précédemment, notamment pour la conception de tests.

Ce choix se fonde sur les acquis de l’expérience d’utilisation du CECR en Europe et hors d’Europe

Page 45: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

pour l’enseignement des langues étrangères en général et du FLE en particulier, ce qui constitue une

base commune de référence pour cette communauté d’enseignants.

1. La conception des tests de positionnement

Pour orienter l’élève inscrit dans un centre de langue, vers un groupe de niveau qui correspond à

ses besoins, il faut pouvoir d'abord mesurer ses compétences et connaissances par un test. Il est à

noter qu’en général, lorsqu’un élève s’inscrit dans un établissement de langue, on ignore tout de son

passé linguistique (l’usage des portfolios reste encore très peu répandu). Ce qui n’est pas le cas des

élèves marocains qui entrent à l’AFM.

Tous les enseignants qui travaillent à l’AFM savent que ces élèves viennent des établissements

publics et qu’ils étudient le français dès la troisième année primaire. Les enseignants connaissent

également les programmes de l’enseignement public puisque la plupart d'entre eux en sont

titulaires.

L’objectif du test de positionnement est d'établir ainsi un état des lieux précis du niveau réel de l’élève afin de définir son profil et de pouvoir l’analyser dans le but de regrouper les profils sensiblement similaires. Cette première phase joue un rôle très important dans la vie d’un apprenant car soit elle favorise son apprentissage, soit elle signe à l’avance son échec s’il est mal orienté.A l’AFM, tous les élèves passent un test de positionnement à leur arrivée, pourtant nombreux sont ceux qui se retrouvent dans des groupes de niveaux qui ne correspondent pas à leur niveau réel. La variation de niveaux dans les classes, représente un handicap avant même le commencement du processus d’apprentissage. Même après la longue période dite de repositionnement qui dure parfois trois à quatre semaines, voire même plus, ce problème persiste. Nous allons maintenant procéder à une analyse des deux tests de positionnement des publics de

jeunes adolescents et d’enfants.

Public de jeunes adolescents

En observant ces tests, nous pouvons faire plusieurs remarques. D’abord, la compréhension et la production orales ne sont pas évaluées. Ensuite, la production écrite est évaluée sous forme de lettre à rédiger. Toutefois, aucune grille d’évaluation n’est proposée pour interpréter la production de l’élève qui est notée sur 14, et la consigne ne fournit pas suffisamment d’informations quant aux contraintes de la réalisation de la tâche telles que la longueur ou la durée. Quant à la compréhension écrite qui est notée sur 19, elle est présentée sous forme de trois procédés fermés comportant chacun un texte, dont la source n'est pas citée, et un QCM proposant parfois une seule question comme c’est le cas de la première activité. Enfin, la première partie de l’évaluation est consacrée aux structures grammaticales présentées avec une difficulté graduelle comme c’est le cas pour le TCF. Elle est notée sur 27 et se présente également sous forme de trois procédés fermés avec QCM. De ce fait, nous remarquons que l’évaluation des connaissances occupe la place la plus importante dans le test de positionnement. Ce dernier est noté sur 60. Avec une note inférieure à 30, l’élève est orienté vers le niveau A1, avec une note supérieure à 30, il est orienté vers le niveau A2 et avec une note supérieure à 50, il est orienté vers le niveau B1, sachant que dans la conception des tests, aucun

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référentiel n’a servi de base. Quant à l’élève, même s’il n'effectue pas de production écrite, ce qui est très fréquent, il peut se retrouver au niveau A2 ou même B1 sachant que ni sa production orale, ni sa production écrite n’ont été évaluées.

Public d’enfants

Dans le test de positionnement de ce public, nous constatons d’abord que la production orale n’est toujours pas prise en compte. Par contre l’évaluation de la compréhension orale est présentée sous forme de trois procédés fermées avec QCM correspondant chacun à un niveau. Le premier correspond au niveau A1, le deuxième au niveau A2 et le troisième au niveau B1. Elle est notée sur 30. L’évaluation de la compréhension écrite suit également le même raisonnement : trois procédés fermés, dont la source des supports n'est toujours pas citée, correspondant chacun à un niveau : A1, A2 ou B1. Elle est notée aussi sur 30. Quant à la production écrite, elle est évaluée sous forme d’une lettre à rédiger. Comme c’est le cas pour le test de positionnement du public de jeunes adolescents, aucune grille d’évaluation n’est proposée pour interpréter la production de l’élève. Par ailleurs, à cause de la longueur de la procédure, la plupart des élèves ne font pas toutes les activités, rares sont ceux qui arrivent jusqu’à la production écrite ; pourtant, grâce à la note totale, l’élève peut se retrouver au niveau B1. Pour finir, les structures grammaticales sont évaluées sous forme d’un texte à trous présenté avec une difficulté graduelle, ce qui n’est pas le cas pour le vocabulaire utilisé dans le texte. Cette partie de l’évaluation est notée également sur 30.

A travers l’analyse de ces deux tests de positionnement, nous remarquons que la compétence communicative est loin d’être évaluée, que l’évaluation des connaissances occupe une place importante, que les consignes ne donnent pas suffisamment d’informations pour que l’apprenant sache exactement comment réaliser la tâche qui lui est demandée, que la note de la production écrite est attribuée de manière aléatoire et que certaines procédures s’avèrent parfois très longues. Fatigué et n’ayant pas l’habitude de ce genre de procédures, l’apprenant ne fait pas toutes les activités. Pourtant, grâce à la note totale, il peut se retrouver à un niveau avancé sans que l’on n’évalue ni sa production écrite, ni sa production orale. De plus, le choix et la conception des différents procédés sont faits malheureusement par rapport aux manuels utilisés et non par rapport aux descripteurs du CECR ou aux référentiels.L’attribution du niveau est faite ainsi de manière aléatoire car seule la note détermine le niveau de l'apprenant alors qu'elle masque la réalité et induit tout le monde en erreur comme nous l'avons vu dans la deuxième partie de ce mémoire. En effet, la note n'a d’utilité ni pour l’évaluateur qui est incapable de définir le profil de l’apprenant, ni pour ce dernier qui se voit attribuer un niveau dans lequel il n’arrive pas à suivre sans en comprendre les raisons. Ceci porte préjudice au processus d’apprentissage avant même son commencement, d'où la nécessité de concevoir un outil pratique, efficace et rapide. Cependant la conception de cet outil à l’AFM ne peut se réaliser sans la prise en compte de ses contraintes matérielles et la spécificité de ses publics d’enfants et de jeunes adolescents.

1. 1. Prise en compte des contraintes matérielles de l’AFM Seuls trois niveaux pour les publics d’enfants et de jeunes adolescents existent à l’AFM : A1, A2 et

B1. Rappelons que ces niveaux sont déterminés par rapport aux manuels utilisés : A1 correspond au

premier niveau du manuel et A2 aux deuxième et troisième niveaux. Quant au niveau B1, faute de

manuel, l'enseignant qui en a la charge, conçoit en étroite collaboration avec la directrice des cours,

un module pour son groupe. Jusqu’à cette année, le parcours des quatre niveaux se passait sur 4 ans.

A la fin de ce parcours, les apprenants changent de manuel et de tranche d’âge et non de niveau

Page 47: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

puisque ceux qui font le troisième niveau d’un manuel, passent l’année suivante au troisième niveau

du manuel pour la tranche d’âge suivante ou au niveau précédent si les progrès faits par l’apprenant

sont jugés insuffisants pour qu'il passe au niveau supérieur.

Cependant, dans le but de proposer aux apprenants des parcours d'apprentissage bien distincts

correspondant chacun à un niveau précis du CECR, un projet en cours a été mis en place cette

année. Sous la responsabilité de la directrice des cours, une cellule pédagogique d’enseignants

travaille sur le deuxième niveau des manuels A1/A2 Tandem et Et toi ?, dans le but de distinguer

les activités de A1 de celles de A2, d’ajouter celles de A1 au premier niveau du manuel et celles de

A2 au troisième niveau. Le but est de n’avoir que deux niveaux au lieu de trois. Quant au niveau

B1, son module restera toujours sur conception.

D'autres projets figurent également sur l'agenda de l'AFM tel que la proposition des cours pour les

niveaux avancés. En revanche, suite au changement de la directrice des cours cette année, la

réalisation de ces projets n'a pas encore débuté.

Ajoutons qu’à l'AFM, la gestion économique de la structure imposant un minimum de 16 élèves par

groupe, ceux-ci ne peuvent donc être réunis par profil. De plus, le choix des parents pour tel ou tel

horaire ne peut être négligé. Ces derniers, qui ont en général deux ou trois enfants qui suivent des

cours de soir à l’AFM, exigent souvent qu’on les mette dans des cours qui ont lieu les mêmes

jours afin de faciliter les transferts, surtout en cas d’éloignement.

Toutefois, rien n’empêche d’affiner dans le positionnement, le profil de l’apprenant dans chaque

compétence évaluée. Cela doit permettre à l’enseignant d’avoir un autre regard sur les capacités de

l’apprenant afin de créer des sous-groupes dans sa classe, de repérer les forces, les faiblesses, les

besoins de chacun et de procéder par pédagogie différenciée.

Ainsi, le positionnement à l’AFM doit-il avoir lieu par rapport à l’échelle globale des trois niveaux

du CECR : A1, A2 et B1.

A1

Peut comprendre et utiliser des expressions familières et quotidiennes ainsi que des énoncés très simples qui visent à satisfaire des besoins concrets. Peut se présenter ou présenter quelqu'un et poser à une personne des questions la concernant - par exemple, sur son lieu d'habitation, ses relations, ce qui lui appartient, etc. - et peut répondre au même type de questions. Peut communiquer de façon simple si l'interlocuteur parle lentement et distinctement et se montre coopératif.

A2

Peut comprendre des phrases isolées et des expressions fréquemment utilisées en relation avec des domaines immédiats de priorité (par exemple, informations personnelles et familiales simples, achats, environnement proche, travail). Peut communiquer lors de tâches simples et habituelles ne demandant qu'un échange d'informations simples et directes sur des sujets familiers et habituels. Peut décrire avec

Page 48: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

des moyens simples sa formation, son environnement immédiat et évoquer des sujets qui correspondent à des besoins immédiats.

B1

Peut comprendre les points essentiels quand un langage clair et standard est utilisé et s'il s'agit de choses familières dans le travail, à l'école, dans les loisirs, etc. Peut se débrouiller dans la plupart des situations rencontrées en voyage dans une région où la langue cible est parlée. Peut produire un discours simple et cohérent sur des sujets familiers et dans ses domaines d'intérêt. Peut raconter un événement, une expérience ou un rêve, décrire un espoir ou un but et exposer brièvement des raisons ou explications pour un projet ou une idée.

Afin d'harmoniser les pratiques à l'AFM, de les faire correspondre au maximum aux préconisations

du CECR et de prendre en considération le contexte marocain, un Référentiel a été élaboré cette

année grâce à la collaboration de la plupart des Alliances et Instituts français au Maroc sous la

direction de G. Barbé. Ce Référentiel qui nous a servi de base dans la conception des tests, sera

fourni à tous les enseignants à la prochaine rentrée scolaire leur permettant ainsi d'effectuer des

choix quant aux activités proposées par les programmes des manuels.

1. 2. Prise en compte des spécificités du public d’enfants et de jeunes adolescents

à l’AFMComme nous l’avons signalé dans la première partie de ce mémoire, l’importance du français au

Maroc pousse les parents à vouloir à tout prix améliorer le niveau de leurs enfants en langue

française, au motif que cela permet de faire de « bonnes études », d’avoir « un bon poste » et de

réussir socialement.

Inconscients de tous ces enjeux, ces enfants se soumettent à la volonté des parents et s’inscrivent

souvent à l’AFM malgré eux. Ils arrivent la plupart du temps des établissements publics et voient

dans l’évaluation un obstacle à franchir, un moyen qui sert uniquement à attribuer une note qui peut

jouer un rôle déterminant dans leur réussite ou leur échec. En effet, souvent des élèves sortent de la

salle où ils viennent de passer le test de positionnement en pleurant et en disant à leurs parents

qu’ils n’ont rien fait et qu’ils ne réussiront pas.

L’image qu’ils ont de l’évaluation est celle que nous avons décrite dans les deux premiers chapitres, une image négative qui peut avoir un impact considérable sur leur performance lors de la passation du test. De plus, ces élèves ne sont pas habitués à ce genre de procédures. Dans l’enseignement public, les compétences de l’oral ne sont jamais évaluées, les évaluations se présentent toutes sous la même forme : un seul texte support avec cinq questions de compréhension, cinq autres questions de grammaire et vocabulaire et enfin une production écrite.Se retrouver à l’AFM devant une procédure longue et avec des procédés auxquels ils ne sont pas habitués peut les perturber, ce qui pousse plusieurs d’entre eux à ne pas faire toutes les activités proposées. De plus, comme nous l’avons souligné ci-dessus, ces élèves manquent de motivation. Ce sont les parents qui les entraînent parfois de force à venir passer le test de positionnement qui représente ainsi le premier contact avec l’AFM. Quand ce dernier se passe mal, il est difficile pour l’élève de retrouver ensuite sa motivation.

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Nous pouvons conclure que le test de positionnement joue un rôle important dans la vie d’un apprenant car il représente le premier contact avec l’AFM, il doit donc se passer dans de bonnes conditions. Fournir à l’élève une procédure et lui demander de faire les activités en l’enfermant dans une salle sans aucune communication préalable peut nuire à tout le processus d’apprentissage qui lui sera proposé ensuite. La relation humaine est, dans ce cas, aussi importante que le contact avec la procédure, d’où la nécessité de commencer le test de positionnement par un entretien intitulé « Entretien d’accueil et de motivation ». Lors de cet entretien, en plus de l’évaluation de la production orale, il est nécessaire d’expliquer à l’élève l’utilité du test, la différence avec les autres procédures auxquelles il est habitué dans son établissement public et comment se déroulera son processus d’apprentissage à l’AFM.

1. 3. Comment définir le profil de compétences d’un apprenant ?

A la différence des tests annuels, ceux du positionnement doivent permettre de déterminer le profil

de compétences d’un apprenant par rapport aux trois niveaux du CECR : A1, A2 et B1 tout en étant

précis, pratiques et rapides à mettre en place, raison pour laquelle des choix ont été effectués dans

les compétences à évaluer et les outils à utiliser. De plus, une méthodologie précise devait être

adoptée.

Dans ce type d’évaluation, il est inutile de sanctionner l’apprenant par une note, l’objectif étant de définir seulement son profil et de le regrouper avec d’autres apprenants avec qui il partage approximativement les mêmes acquis, les mêmes besoins et les mêmes difficultés.

1. 3. 1. Quel type d’évaluation choisir ? Afin de définir le profil de compétences de l’élève marocain provenant de l’enseignement public et

de donner une valeur pédagogique au test de positionnement, nous avons choisi trois types

d’évaluation parmi les 26 proposés par le CECR : évaluation de la performance, évaluation

subjective et évaluation sur une échelle.

Dans l’évaluation de la performance, nous prenons en considération que l’élève marocain issu de l’enseignement public qui accorde la plus grande importance à l’enseignement et à l’évaluation des connaissances, peut sans difficulté répondre à des questions sur la grammaire ou le vocabulaire. Le problème réside dans sa capacité à produire du discours oral ou écrit. Nous en avons vécu l’expérience plusieurs fois à l’AFM lors de la passation des tests. Les apprenants effectuent presque toutes les activités portant sur l’évaluation des connaissances alors qu’en production orale ou écrite, ils sont incapables de produire un discours ne serait-ce que pour se présenter.Notre choix pour une évaluation subjective mais critériée, se justifie par le fait que la langue et la communication sont complexes. L’évaluateur sera ainsi amené à porter un jugement guidé sur la performance de l’apprenant afin de réduire sa subjectivité. Il s’appuiera de ce fait dans son interprétation, sur des critères qui seront définis préalablement. L’objectif du test n’étant pas de classer les élèves les uns par rapport aux autres, mais d’évaluer la performance de chacun d’eux quelle que soit celle de ses pairs. Quant à l’évaluation sur une échelle, elle est celle qui correspond le plus à l’objectif de placer l’élève dans un groupe de niveau correspondant à ceux du CECR : A1, A2 ou B1. Ajoutons que les critères d’évaluation sont définis à partir des descripteurs des niveaux préconisés toujours par le CECR.

1. 3. 2. Quelles compétences évaluer et quels outils pour quelle compétence ?

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Comme nous l’avons souligné précédemment, il s’agit de positionner l’élève par rapport à l’échelle

globale du CECR notamment aux niveaux A1, A2 ou B1, en utilisant un outil précis, pratique et

rapide à mettre en place, raison pour laquelle des choix ont été effectués dans les compétences à

évaluer et les outils à utiliser.

La production orale sera évaluée étant donné que la majorité des élèves a du mal à s’exprimer oralement, mais elle aura lieu au début du test de positionnement sous forme d’un « entretien d’accueil et de motivation » permettant à l’élève d’avoir d’abord un contact humain avec l’AFM, ce qui l’aidera à se décontracter et favorisera sa production. L’entretien se passera sous forme d’un questionnaire où il sera amené à répondre aux questions de l’évaluateur pour se présenter, parler de ses loisirs, décrire son lieu d’habitation, décrire sa famille, raconter ses vacances, exprimer son opinion, la justifier … Cet entretien lui offrira l’occasion d’un côté d’entrer en interaction avec l’évaluateur en répondant aux questions posées et à en poser d’autres sur l’AFM et son fonctionnement, d’un autre côté à s’exprimer en continu lorsqu’il sera à titre d’exemple, invité à raconter ses vacances. Le questionnaire pour le public d’enfants par exemple, se présente comme suit :

Entretien d’accueil et de motivation(Durée : 7 minutes)

Questions de l’entretien :

1- Bonjour ! Comment t’appelles-tu ?2- Tu es venu seul ou avec quelqu’un ?3- Tu habites loin de l’Alliance ? Où exactement ?4- Tu peux me décrire ton quartier ?5- J’aimerais bien te connaître mieux, alors parle-moi un peu de toi : ton âge, ton niveau scolaire, ton école, tes loisirs…6- Tu as des frères et des sœurs déjà inscrits à l’Alliance ?7- Parle-moi un peu de ta famille : ton père, ta mère, tes frères et sœurs … Comment s’appellent-ils ? Que font-ils ?8- Tu as un (e) meilleur (e) ami (e) ? Comment il est ? Peux-tu me le (la) décrire ?9- Tu l’as vu pendant les vacances ? Si oui, qu’est ce que vous avez fait ensemble ? Sinon, qu’est ce que tu as fait toi ou avec ta famille ?10- Si tu as visité des villes, laquelle tu as préféré ? Pourquoi ?11- Tu lis des magazines pour enfants ou des BD ? 12- Lesquels préfères-tu ? Pourquoi ?13- Pourquoi tu veux suivre des cours ici à l’Alliance ?14- Tu penses que c’est une bonne chose d’améliorer son niveau en français ? Pourquoi ?15- Tu sais, toi aussi tu peux me poser des questions sur l’Alliance, son fonctionnement, les cours ou les activités qu’elle propose ... alors, que veux-tu savoir ?

Quant au questionnaire adressé au public de jeunes adolescents, il se présente sous la même forme, seules quelques questions changent en s'adaptant à l'âge et aux centres d’intérêt de ce public.Lors de l’entretien, l’évaluateur n’est pas obligé de poser toutes les questions, il y mettra fin là où l’élève est bloqué malgré les aides (reformulations ou répétitions) qui lui sont offertes.Nous avons jugé inutile de proposer à l’élève des jeux de rôle parce que d’un côté, il n’en a pas l’habitude, d’un autre côté, il ne connaît pas l’enseignant et le fait d’assimiler des rôles avec lui dès le premier contact risque de le perturber. Evaluer sa capacité à se débrouiller dans des situations de

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la vie quotidienne fera l’objet du parcours d’apprentissage qui lui sera proposé. L’essentiel est d’évaluer sa production orale en général pour pouvoir le situer dans un groupe de niveau et cette évaluation doit se passer le plus spontanément possible pour qu’elle soit fructueuse.L’interprétation de la performance de l’élève sera faite à l’aide d’une grille qui se présente comme suit :

Grille d’évaluation de la production oraleLors de l’entretien, l’apprenant peut :

A1 Avec des expressions simples et des mots isolés à condition que l’évaluateur parle lentement, répète et reformule ses questions.

A2Avec de courtes séries d’expressions ou de phrases non articulées, un vocabulaire suffisant et une certaine aisance bien qu’il puisse chercher ses mots.

B1Aisément, avec des expressions ou des phrases articulées de manière simple et un vocabulaire suffisant pour s’exprimer à l’aide de périphrases.

se présenterlocaliser un lieudécrire un lieuprésenter sa familledécrire une personneraconter des événements passésparler de ses préférencesexprimer une opinionjustifier une opiniondonner des raisons

La décision à prendre quant au niveau de l’élève sera faite en fonction de la qualité de sa

production. Huit croix dans la même colonne permet à l’élève de passer au niveau supérieur. Nous

partons du principe que les actes de parole sont présents dans tous les niveaux et que seule la qualité

de leur réalisation change d’un niveau à un autre.

Nombreux sont les enseignants à l’AFM qui placent l’élève au niveau A2 ou même B1 parce qu’il est capable de raconter ses vacances même s’il le fait avec des mots isolés et un lexique très élémentaire, tout simplement parce que cet acte de parole ne figure qu’au niveau A2 ou B1 dans les descripteurs du CECR, alors que ce dernier précise que :

« les entrées de chaque niveau décrivent sélectivement les traits considérés comme nouveaux ; on ne répète pas tous les éléments du niveau inférieur avec une formulation modalisée pour indiquer la difficulté accrue. »

Au niveau des critères choisis dans la grille d’évaluation, nous n’avons pas cherché l’exhaustivité

étant donné que les trois niveaux sont pris en considération dans l’évaluation de la production orale

et que vouloir détailler les critères risque d’entraîner l’hésitation chez l’évaluateur. Cependant, ce

dernier dispose d’un encadré intitulé « Remarques générales » où il pourra ajouter des informations

qu’il jugera utiles et qui ne sont pas pris en considération dans la grille d’évaluation.

L’évaluation de la phonétique n’a pas fait l’objet de ces critères étant donné que la majorité des élèves marocains souffrent de lacunes importantes à ce niveau à leur arrivée à l’AFM.Les critères de l’évaluation de la production orale restent donc généraux et permettent de situer l’apprenant seulement d’une manière générale par rapport aux trois niveaux A1, A2 et B1. Le positionnement sera affiné lors de l’évaluation de la compréhension et la production écrites.La compréhension orale ne sera pas évaluée, avant tout pour rendre le test moins long, mais aussi pour ne pas perturber l’élève qui n’en a pas l’habitude car nombreux sont ceux qui n’effectuent pas

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les activités liées à cette compétence malgré les explications de l’évaluateur lors de la passation du test. De plus, il est inutile d’évaluer la compréhension orale d’un élève s’il est incapable de comprendre les questions de l’évaluateur lors de l’entretien. En effet, l’évaluation de la production orale au début du test de positionnement permet d’évaluer à la fois la production et la compréhension orales de l’élève ce qui est plus efficace et plus économique.La compréhension écrite sera évaluée. Elle peut présenter un moyen de motivation ainsi qu’une aide dans la décision à prendre quant au niveau de l’élève ou dans la réalisation de la production écrite. Nous avons décidé que les supports utilisés soient en couleurs et qu’ils soient extraits de documents que l’élève peut utiliser pour la lecture pour le plaisir, tel que les magazines correspondant à son âge, à condition que les sujets soient réels ou vraisemblables. Ce point est très important pour le public d’enfants et de jeunes adolescents. Les motiver pendant le test de positionnement (premier contact avec l’AFM) peut jouer un rôle important dans le processus d’apprentissage qui leur sera proposé par la suite. Nous avons jugé également inutile d’insister beaucoup sur la notion de tâche à cette étape car nous savons pertinemment que dans l’enseignement public le décalage entre ce qui est étudié à l’école et la vie réelle des élèves est important.Dans le souci de rendre toujours la procédure moins coûteuse en temps, nous avons choisi, principalement pour le public d’enfants, un support qui s’apprête à être exploité pour évaluer les deux niveaux A1 et A2. Ainsi, avons-nous proposé deux activités à l’élève, la première correspond au niveau A1 et la deuxième au niveau A2. Six bonnes réponses dans la première activité et cinq dans la deuxième, lui permettent de passer au niveau supérieur. Le niveau B2 n’existant pas à l’AFM, il s’avérait inutile d’ajouter une autre activité pour évaluer le niveau B1. Quant aux jeunes adolescents, trois supports accompagnés de deux activités leur ont été proposés dans l’évaluation de cette compétence du fait que leur âge le permet.A la différence de l’évaluation de la production orale où une aide peut être présentée à l’élève s’il est bloqué, telle qu’une reformulation ou une répétition, lors de l’évaluation de la production écrite, s’il l’est pour des raisons liées en général aux conditions de « l’examen », il ne produit pas alors qu’il est capable de le faire dans d’autres conditions. L’évaluation de la compréhension écrite peut ainsi représenter une aide, principalement si les deux compétences traitent le même thème. Ce sera un moyen de le préparer à la production écrite.La production écrite sera donc évaluée. Les élèves marocains provenant de l’enseignement public, souffrent tous de lacunes importantes à ce niveau. Toutefois, pour éviter la longueur de la procédure, nous avons utilisé une technique qu’on a appelée « la technique du médium ». On a proposé à l’élève une évaluation de niveau A2, avec une situation (procédé ouvert) accompagnée d’une grille d’évaluation qui comporte des critères et un barème se basant sur les descripteurs du niveau A2 du CECR. Avec un résultat de moins de 50 % de la note, l’apprenant est de niveau A1, entre 50 et 80 %, l’apprenant est de niveau A2 et avec un résultat de plus de 80 %, l’apprenant est de niveau B1.Nous avons préféré ne pas donner une note générale au test car cette dernière induit beaucoup en erreur, mais plutôt de déterminer le niveau de l’élève dans chaque compétence évaluée. Quant à la décision à prendre pour le placer dans un groupe de niveau, nous avons décidé avec la directrice des cours, de créer une commission d’enseignants uniquement à cette fin. Cette dernière essaiera de regrouper les élèves qui présentent approximativement le même profil en prenant en considération les contraintes matérielles de l’AFM. Ce projet sera mis en place en septembre avant la rentrée scolaire. En revanche, pour s’assurer de la validité du test, nous l’avons expérimenté sur quelques inscrits aux cours d’été : ce sont des cours intensifs qui ont lieu trois heures par jour, du lundi au vendredi. Au moment où nous rédigeons cette partie, les cours ont commencé depuis deux semaines et le placement de ces élèves correspond mieux à leur niveau que celui des élèves ayant passé l’ancien test de positionnement. Notons que les cours d’été cette année, sont assurés par trois nouvelles stagiaires qui sont en master 1.

2. La conception des tests annuels

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Bien qu'ils fassent partie d’une évaluation sommative parce qu’ils constituent un bilan en fin de

parcours d’apprentissage où l’on teste les savoirs et les savoir-faire de l’apprenant, les tests annuels

à l’AFM ont une valeur à 100% pédagogique. Rappelons que l’AFM n’est pas une école où le

passage d’un niveau à un autre est une réussite et le non passage est un échec. L’apprenant ne doit

passer au niveau supérieur que s’il acquiert le niveau inférieur. Les tests annuels doivent permettre

ainsi d’avoir un échantillon représentatif de la compétence de l’apprenant. A cette étape, ce dernier

sait ce que l’on attend de lui, une performance au cours de laquelle, il va montrer sa maîtrise du

niveau atteint, un niveau qui a fait l’objet de son parcours d’apprentissage.

A l’AFM, tous les apprenants passent des tests annuels, pourtant, ils se retrouvent souvent l’année suivante dans des niveaux qui ne correspondent ni à leurs besoins, ni à leurs acquis. Le problème de sous ou de surévaluation est flagrant. Ces tests comptent pour 60 % dans la décision à prendre quant au passage de l’apprenant, les 40 % qui restent sont consacrés à son travail tout au long du parcours d’apprentissage, mais ils sont malheureusement limités chez la plupart des enseignants à la présence de l’apprenant et à sa participation orale en classe.Une analyse de quelques tests annuels montre que la compréhension orale n’est toujours pas évaluée, et même si elle l’est, elle est présentée souvent sous forme d’un seul procédé, pris parfois des manuels utilisés. Quant à la consigne, elle ne donne aucune information ni sur le document, ni sur le nombre d’écoutes. Elle est souvent directive et se limite à « cochez la bonne case ».A la différence de la compréhension orale, la compréhension écrite est toujours évaluée. Cependant, elle se présente également souvent sous forme d’un seul procédé comportant un seul support, ne correspondant dans la plupart des cas, ni à l’âge, ni aux centres d’intérêt de l’apprenant. Les questions elles-mêmes s’éloignent parfois de ces supports ; Quant à la production orale, elle est rarement évaluée dans les tests annuels. En revanche, quand elle l’est, elle se présente uniquement sous forme de situation artificielle où l’apprenant est invité à s’exprimer en continu. L’interaction orale n’est jamais prise en compte et les grilles d’évaluation sont inexistantes.La production écrite est toujours évaluée sous forme d’un seul procédé ouvert : un texte à produire même pour les niveaux débutants toujours sans aucune grille d’évaluation pour interpréter la performance de l’apprenant ;Par contre, l’évaluation des structures grammaticales est présente dans toutes les procédures. On lui accorde même une importance particulière. Elle se présente souvent sous forme de texte à trous ou de QCM.

A travers cette analyse, nous remarquons que dans les tests annuels, l’évaluation est loin d’être reliée à l’intention de communication. En effet, l'écart entre ce qui est étudié et la vie réelle est toujours important, exactement comme ce qui se passe dans l’enseignement public. Quant aux activités, elles sont très artificielles et loin d’être motivantes dans la mesure où elles ne sont pas basées sur la vraisemblance et la simulation, ce qui ne permet pas d’évaluer les compétences communicatives de l’apprenant. De plus, les procédures ne sont pas pertinentes puisqu’elles n’apportent pas d’informations utiles et signifiantes permettant d’avoir un échantillon représentatif de la compétence de l’apprenant. Quelques activités telle que la reconstitution d’un texte découpé en morceaux pour évaluer la compréhension écrite, s’avèrent même absurdes, comme le souligne G. Barbé.Seul le contrôle des connaissances occupe une place importante, ce qui est peu pertinent et même superflu car ce n’est pas le moment de faire cette investigation. L'apprenant doit montrer ce qu’il est capable de faire avec toutes les connaissances qu’il a acquises tout au long du parcours d’apprentissage à travers des situations simulées en classe. Nous remarquons également que les

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critères d’évaluation qui sont obligatoires et qui doivent être partagés par les deux partenaires, à savoir l’évaluateur et l’évaluataire, sont inexistants. Ainsi, si la qualité de l’information recueillie dépend de la qualité de l’outil de recueil des donnés, nous pouvons dire que dans le cas de l’AFM, tous les tests sont conçus de manière aléatoire sans aucune étude préalable, sans se demander ce que l’on veut évaluer, ni comment l’évaluer, et sans prendre le temps de donner sens à ce que l’on veut faire, élément que G. Barbé dénonce :

« Nous ne parlerons pas des manquements inconscients dus à l'absence ou à l'insuffisance de formation, mais des pratiques délibérément choisies malgré leur inadéquation aux objectifs d'évaluation, quelles qu'en soient les raisons.

Nous donnerons quelques exemples de mauvais usage des différents composants de l'acte évaluatif et des instruments qui le mettent en œuvre, susceptibles d'entraîner des distorsions dans les informations recueillies et leur interprétation :

· choix d'objectifs d'évaluation non représentatifs des objectifs d'apprentissage retenus, · choix de critères non représentatifs des objectifs retenus,

· repérage d'indicateurs, dans les productions des élèves, non représentatifs des critères retenus,

· choix de techniques ne permettant pas d'obtenir les productions langagières adéquates aux intentions d'évaluation,· substituer des épreuves de contrôle à des épreuves d'évaluation par facilité, tout en sachant qu'elles ne peuvent évaluer la même chose (on contrôle des connaissances, mais on évalue des compétences), peut être assimilé à une sorte de tromperie si l'on n'informe pas sur les limites des informations recueillies,

· ne pas faire de différence entre des activités pour apprendre, et des activités pour évaluer.»

Nous pouvons donc conclure que le problème de variation de niveaux, très présent dans les classes,

est largement lié aux tests annuels qui sont incapables de vérifier si l’apprenant a acquis ou non le

niveau requis pour passer au niveau supérieur ou non, d’où la nécessité de concevoir des procédures

répondant aux trois critères recommandés par G. Barbé, à savoir la pertinence, l’efficacité et la

transparence.

2. 1. Quel type d’évaluation choisir ? Les tests annuels s'inscrivent dans une évaluation sommative qui se situe en fin de parcours

d’apprentissage. Ils cherchent ainsi à évaluer ce que l’apprenant est capable de faire avec les

connaissances acquises lors de son parcours d’apprentissage afin de savoir s’il passe au niveau

supérieur. De ce fait, le type d’évaluation qui a été choisi est :

- une évaluation de la performance et non celle des connaissances ;

- une évaluation objective pour évaluer la compréhension orale et écrite de l’apprenant ;

- une évaluation subjective pour évaluer sa production orale et écrite ;- une évaluation critériée permettant de réduire au maximum la subjectivité de l’évaluateur notamment dans l’interprétation de la production orale ou écrite de l’élève ;- une évaluation sur une échelle permettant de situer l’élève par rapport aux trois niveaux du CECR : A1, A2 ou B1, à la fin de son parcours d’apprentissage.Dans cette évaluation, on ne cherchera pas à additionner le nombre de points obtenus dans chaque

compétence pour avoir la note finale. Cette dernière ne montre ni les acquis, ni les difficultés de

l’apprenant. Il s’agit plutôt de vérifier s’il a atteint le niveau qui a fait l’objet de son parcours

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d’apprentissage et de permettre à l’enseignant de l’année suivante d’avoir une idée précise sur ses

éventuelles lacunes. Un apprenant incapable de produire par exemple à l’écrit ou à l’oral, ne peut à

notre avis, passer au niveau supérieur même s’il a obtenu plus que la moyenne dans la note totale,

mais doit refaire le même niveau en insistant davantage sur la compétence où il n’a pas fait

suffisamment de progrès.

2. 2. Quelles compétences évaluer ?Dans cette évaluation, toutes les compétences aussi bien réceptives que productives, seront prises en

compte. Une importance particulière sera également accordée à la notion de tâche. Si l’objectif du

parcours d’apprentissage est de faire de l’apprenant un usager de la langue et non seulement lui

enseigner la langue, l’évaluation doit prendre en compte cette dimension en vérifiant si ce dernier

en est vraiment capable.

Rappelons que la langue française n’est pas étudiée seulement en vue d’un voyage éventuel dans un pays francophone ou d’une éventuelle rencontre avec un francophone. Le français au Maroc revêt une importance particulière. Certes, son statut est ambigu (langue seconde ou langue étrangère), mais l’usage est certain et quotidien. C’est une langue qui est présente partout tel que dans les administrations, les média, la publicité, l’affichage et l’enseignement aussi bien privé que public. Chacun peut y être confronté tous les jours, pas seulement à l’école, mais également dans la vie quotidienne : cinéma, gare, café, manifestations culturelles et même par exemple chez le pédiatre qui aura tendance à s’exprimer davantage en français qu’en arabe puisque toutes ses études supérieures ont été faites en français.L’apprenant usager de la langue sera ainsi amené à :

- comprendre ce qu’il entend telles que les annonces qui sont faites aussi bien en français

qu’en arabe, ou parfois uniquement en français ou en arabe ;

- comprendre ce qu’il lit tels que les affiches ou les magazines, les revues, les journaux pour enfants disponibles dans toutes les librairies ;- produire aussi bien à l’écrit qu’à l’oral puisque le français au Maroc, est une langue de modernité, de prestige, de travail, de commerce et d’études. L’objectif de l’évaluation, dans ce cas, est de vérifier si l’apprenant est capable de communiquer

dans ces situations de la vie quotidienne aussi bien au Maroc que dans n’importe quel pays

francophone, avant d’autoriser son passage au niveau supérieur.

Ainsi, avons-nous essayé dans l’évaluation des différentes compétences de varier les domaines de l’utilisation de la langue, les situations, les thèmes en fonction de l’âge de l’apprenant, les conditions et les contraintes de la réalisation des tâches qui lui sont demandées de façon à ce qu’elles soient motivantes et correspondent aux situations de la vie réelle, en prenant bien évidemment en considération les critères du CECR.

2. 2. 1. Evaluation de la compréhension orale

Nous ne pouvons pas évaluer la compréhension orale sans avoir d’abord en mémoire les

descripteurs généraux du CECR de cette compétence afin de savoir ce que l’apprenant doit être

capable de comprendre en fonction du niveau auquel il correspond : A1, A2 ou B1.

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Compréhension générale de l’oralA1 Peut comprendre une intervention si elle est lente et soigneusement articulée et

comprend de longues pauses qui permettent d’en assimiler le sens.A2 Peut comprendre assez pour pouvoir répondre à des besoins concrets à condition que

la diction soit claire et le débit lent. Peut comprendre des expressions et des mots porteurs de sens relatifs à ses domaines de priorité immédiate (par exemple, information personnelle et familiale de base, achat, géographie locale, emploi).

B1 Peut comprendre une information factuelle directe sur des sujets de la vie quotidienne ou relatifs au travail en reconnaissant les messages généraux, les points de détail, à condition que l’articulation soit claire et l’accent courant. Peut aussi comprendre les points principaux d’une intervention sur des sujets familiers rencontrés régulièrement au travail, à l’école, pendant les loisirs, y compris des récits courts.

Pour évaluer cette compétence, plusieurs critères ont été pris en considération. Nous avons tenté de varier les activités dans chaque niveau de façon à avoir un échantillon représentatif de la compétence de l’apprenant et de choisir des supports correspondant à son âge, sa motivation et son niveau. A titre d’exemple, pour les niveaux A1 et A2, les supports sont courts et simples, alors que pour le niveau B1, ils sont d’une longueur et d’une complexité moyennes. Certes, il est préférable que les supports destinés aux niveaux débutants A1 ou A2 soient semi authentiques ou entièrement fabriqués, mais il est possible de trouver des supports authentiques correspondant aux niveaux élémentaires telle que la bande d’annonce du film Kung-fu Panda ou l’émission télévisée sur les droits de l’enfant. Pour le niveau A1, il était tout de même difficile d’en trouver, raison pour laquelle certains documents sonores ont été fabriqués ou lus à partir de documents authentiques écrits. Nous avons opté dans l’évaluation de cette compétence d’abord pour les documents authentiques auxquels l’apprenant usager de la langue sera confronté dans sa vie réelle, tels que les reportages, notamment pour le niveau B1, les émissions télévisées ou les bandes d’annonce de films, présents sur Internet et transformés en documents sonores grâce au logiciel gratuit Audacity.Nous avons également choisi, notamment pour les niveaux élémentaires A1 et A2, des documents sonores que l’apprenant est amené à utiliser quotidiennement pour une écoute pour le plaisir et dont regorgent les librairies et la médiathèque de l’AFM. Nous partons du principe que l’apprenant dans sa vie réelle, n’écoutent pas seulement des reportages, des émissions, des bandes d’annonce ou des conversations, mais également des histoires qui peuvent représenter un outil motivant aussi bien pour améliorer que pour évaluer sa compréhension orale. Cependant, nous avons opté pour des histoires vraisemblables. Nous citons à titre d’exemple l’histoire Le jour où j’ai raté le bus, utilisée pour le niveau A2 et qui parle d’un jeune enfant racontant sa journée, ou l’histoire Disparition à Saint-Malo, utilisée pour le public A1 et dont la scène de l’extrait choisi se passe dans une gare. Quant aux outils d’évaluation utilisés pour évaluer cette compétence, nous avons essayé de les diversifier en fonction du niveau de l’apprenant. Ainsi, avons-nous opté pour :

- des activités de repérage notamment pour le niveau A1 ;

- des exercices d’appariement (bien que cet outil soit utilisé davantage à l’écrit, il peut

toutefois être aussi utilisé à l’oral ; il aide également l’apprenant à percevoir la cohérence et

construire du sens en associant des phrases) ;

- des QROC (questions à réponses ouvertes courtes) notamment pour le niveau B1 (l’objectif

n’est pas d’évaluer la production de l’apprenant, mais sa compréhension, les erreurs

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orthographiques à titre d’exemple, ne sont pas sanctionnées) ;

- des QCM dont l’avantage est d’éviter d’attribuer une note aléatoire quoiqu’ils demandent du

temps au niveau de la conception et de l’élaboration.

Notons que ce dernier type de procédé doit obéir à un certain nombre de critères que nous avons

tenté de respecter :« 1- Rédiger le premier item. Pour cela, rédiger tout d’abord l’amorce. S’il s’agit d’une question, éviter la double négation. Dans tous les cas, éviter les phrases trop longues.

2- Rédiger la clé en veillant à ce qu’elle ne soit pas plus longue que les distracteurs.3- Rédiger ensuite les distracteurs en s’assurant qu’ils sont inexacts mais que dans un autre contexte, ils pourraient être exacts. Un mot ou une structure incorrects ne peuvent en aucun cas faire partie d’un QCM.4- S’assurer que les distracteurs ne sont pas loufoques […]

7- Vérifier, vérifier et vérifier encore »

Afin d’éviter un certain côté aléatoire également dans le choix des réponses de la part de

l’apprenant, nous lui avons demandé dans certaines activités de justifier sa réponse ou de corriger

des phrases fausses.

Dans l’élaboration des différentes activités, nous avons accordé une attention particulière à la rédaction des consignes de façon à ce qu’elles soient claires et pertinentes avec un niveau correspondant à celui de l’apprenant. Le but est que ce dernier ne perde pas de temps à chercher à les comprendre. Elles fournissent également les informations nécessaires à la réalisation de la tâche, tel que le nombre d’écoutes et le type de tâche que l’apprenant doit réaliser. Dans le cas du QCM où plusieurs réponses sont possibles, cela est également précisé dans la consigne.La phonétique a occupé une place non négligeable dans l’évaluation de cette compétence. L’élève marocain souffre de lacunes importantes quant à la prononciation de certains phonèmes, l’intonation et le rapport phonie-graphie, résultant de la grande différence entre les systèmes linguistiques des deux langues puisque le français fait partie de la famille des langues romanes et l'arabe de la famille chamito-sémitique.Toutefois, nous avons insisté, pour les niveaux débutants (A1 et A2), sur des procédés de discrimination auditives pour les phonèmes posant le plus de problème tel que [p], [v] et [e] que l’apprenant a tendance à confondre avec [b], [f] ou [i], ainsi que sur des procédés concernant l’intonation que la plupart des enseignants négligent. Pourtant, nombreux sont les apprenants qui se retrouvent dans un niveau avancé et gardent une intonation purement marocaine. Quant au rapport phonie-graphie, nous avons préféré l’intégrer au niveau B1, correspondant ainsi à ce niveau, en insistant sur des éléments qui posent beaucoup de problèmes à l’apprenant tel que la prononciation de certains phonèmes qui se prononcent différemment dans certains mots français, ou l’écriture de certains phonèmes comme il les prononce alors qu’ils s’écrivent différemment.

2. 2. 2. Evaluation de la compréhension écrite

Selon les descripteurs généraux du CECR, l’apprenant :

A1peut comprendre des textes très courts et très simples, phrase par phrase en relevant des noms, mots familiers et des expressions très élémentaires et en relisant si nécessaire.

A2

peut comprendre de cours textes simples sur des sujets concrets courants avec une fréquence élevée de langue quotidienne ou relative au travail.Peut comprendre des textes courts et simples contenant un vocabulaire très fréquent y compris un vocabulaire internationalement partagé.

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B1peut lire des textes factuels directs sur des sujets relatifs à son domaine et à ses intérêts avec un niveau satisfaisant de compréhension.

Dans l’évaluation de cette compétence et à l’instar de celle de la compréhension orale, nombre de

critères ont été pris en considération. Ainsi, avons-nous essayé de multiplier les activités que nous

avons choisies de façon à ce qu’elles correspondent aux situations de la vie réelle dans lesquelles

l’apprenant peut se retrouver et de façon à avoir un échantillon représentatif de sa compétence à ce

niveau.

Quant aux supports, nous les avons diversifiés en fonction du niveau, de l’âge et des centres d’intérêt de l’apprenant en prenant en compte les critères du CECR. Nous avons opté d’abord pour les documents authentiques qui peuvent faciliter la tâche à l’apprenant dans la vie réelle puisqu’il y rencontrera les mêmes tels que les emplois du temps notamment pour le niveau A1, les programmes de cinéma et les dépliants où l’on donne des instructions, pour le niveau A2, les articles de magazine ou les modes d’emploi des jeux de société pour le niveau B1. Faute de documents authentiques, nous en avons fabriqué d’autres qui correspondent aussi à ceux que l’apprenant peut toujours rencontrer dans sa vie réelle, telles que les cartes d’invitation et les présentations dans les magazines ou les revues notamment pour les niveaux élémentaires A1 et A2.Concernant les outils d’évaluation, comme pour l’évaluation de la compréhension orale, nous avons opté pour les QCM, les questions à réponses très courtes ou les tableaux à compléter par des mots, principalement pour les niveaux débutants A1 et A2. Nous avons veillé à ce que ces derniers soient clairs et faciles à comprendre par l’apprenant. En niveau B1, nous avons choisi des tableaux que l’apprenant sera amené à compléter par des phrases ou les questions ouvertes à réponses plus ou moins longues, correspondant ainsi à leur niveau. Cependant, comme nous l’avons souligné précédemment, les erreurs linguistiques ne sont pas sanctionnées puisqu'on évalue la compréhension de l’apprenant et non sa production.

2. 2. 3. Evaluation de la production écrite

A la différence de l’évaluation de la compréhension orale ou écrite, les outils qui ont été utilisés

pour évaluer cette compétence, sont des outils ouverts où l’apprenant est invité à produire du

discours écrit que l’évaluateur est amené à apprécier. Cependant, afin de savoir ce que l’on est en

droit d’exiger de l’apprenant en fonction de son niveau, il est important d’avoir sous les yeux les

descripteurs généraux du CECR, de la production écrite.

A1 Peut écrire des expressions et phrases simples et isolées.

A2 Peut écrire une série d’expressions et de phrases simples reliées par des connecteurs simples tels que et, mais, parce que.

B1Peut écrite des textes articulés simplement sur une gamme de sujets variés dans son domaine en liant une série d’éléments discrets en une séquence linéaire.

Lors de la conception des différentes activités pour évaluer cette compétence, nous avons essayé de respecter un nombre de paramètres de façon à ce qu’elles soient pertinentes, efficaces et transparentes.Nous avons multiplié les situations où l’apprenant est amené à produire en fonction de son niveau,

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son âge et ses centres d’intérêt et en prenant en compte les différents descripteurs du CECR, généraux et autres, de façon à avoir un échantillon représentatif de sa compétence. Nous nous sommes ainsi basé sur le référentiel cité précédemment pour choisir des objectifs d’apprentissage qui soient représentatifs du niveau évalué et qui font ensuite l’objet des critères d’évaluation. Nous avons opté pour le formulaire à remplir et le message de remerciement à rédiger pour le niveau A1. Quant aux niveaux A2 et B1, nous avons intégré la production créative en prenant toujours en considération les descripteurs du CECR, partant du principe que l’apprenant est amené dans quelques situations de la vie quotidienne à créer, à titre d’exemple pendant la journée mondiale de l’environnement ou la fête des mères. Dans certaines situations, l’apprenant a été invité aussi à raconter une sortie, notamment au niveau A2 et à commenter, au niveau B1, les résultats d’une enquête en exprimant son opinion.Quant à la rédaction des consignes, nous avons veillé à ce qu’elles soient transparentes en précisant la situation et le contexte de la réalisation des tâches demandées présentées sous forme de verbes à la deuxième personne pour impliquer l’apprenant. Ce dernier doit s’approprier la tâche. Nous avons précisé également la durée et le nombre de mots recommandé que nous avons préféré au nombre de lignes puisque les apprenants n’ont pas la même écriture. La consigne doit ainsi être claire pour l’apprenant afin de ne pas l’induire en erreur ou lui faire perdre de temps.Comme nous l’avons cité ci-dessus, le type d’outils qui a été utilisé pour évaluer cette compétence est l’outil ouvert où l’apprenant est invité à faire une production complexe. L’évaluateur est ainsi amené à apprécier cette production. Cependant, pour canaliser sa subjectivité et garantir à l’évaluataire la validité de son évaluation, nous avons intégré dans les différentes procédures des grilles d’évaluation comportant des critères et un barème. Toutefois, avant de définir ces critères, nous avons d’abord différencié les objectifs d’apprentissage des objectifs opérationnels. Nous avons ensuite croisé ces objectifs pour définir les critères d’évaluation, nous avons veillé à ce qu’ils soient observables dans la performance de l’apprenant, et proposé enfin un barème. Dans l’élaboration des grilles d’évaluation, nous avons cherché à équilibrer le fonctionnel et le linguistique (grammaire, lexique, orthographe) de manière à ce que ce dernier aspect ne soit pas sur-apprécié par les évaluateurs qui ont pour référent une production écrite parfaite. Nous nous sommes basé, à ce niveau, sur la définition de la compétence communicative et les descripteurs du CECR. Nous citons à titre d’exemple une activité de production écrite du niveau A2 et une autre destinée au niveau B1 accompagnées de leurs grilles d’évaluation :

Niveau A2Situation 2

C’est votre première sortie à vélo. En rentrant chez vous, vous racontez dans votre journal intime comment s’est déroulée cette sortie. Vous parlez aussi de vos premières impressions. Durée : 25 min. Nombre de mots : 80 à 100.

Grille d’évaluation

Critères d’évaluation BarèmeRespect de la consigne- peut mettre en adéquation sa production avec la situation demandée : rédiger un texte où l’on raconte une sortie.

1 ……

Capacité à raconter et à décrire- peut raconter d’une manière simple et brève une sortie.- peut décrire d’une manière simple et brève des sentiments et des impressions.

44

…………

Etendu du lexique

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- peut utiliser un lexique élémentaire et suffisant pour décrire et raconter 2 ……Correction grammaticale- peut utiliser des structures simples et correctes en utilisant des temps du passé, mais commet encore systématiquement des erreurs élémentaires comme la confusion des temps et l’oubli de l’accord.

2 ……

Orthographe- peut écrire avec une relative exactitude phonétique, mais pas forcément orthographique.

2 ……

Cohérence et cohésion- peut produire un texte simple et cohérent en utilisant des articulateurs logiques simples tel que « et », « mais » et « parce que »

2 ……

Correction sociolinguistique- peut prendre en compte les caractéristiques du journal intime tel que l’emploi du « je », la liberté dans l’expression …

1 …..

Total :…../18

Niveau B1

Situation 2

Lisez le résultat d’une enquête faite par l’équipe du magazine Panache, numéro 4 sur le thème de

l’amitié.

3 801 jeunes ont répondu aux questions de l’enquêteur.

Voici une série des raisons pourquoi les ami (e)s peuvent être important(e)sLes garçons

raconter ses problèmes 87 %sortir et faire la fête ensemble 77 %sans ami(e)s, on est seul(e) 59 %être soi-même 58 %partir en voyage ensemble 36 %échanger des nouvelles et des ragots 23 %travailler et étudier pour l’école ensemble

13 %

c’est pratique, ils peuvent rendre service

13 %

faire du shopping ensemble 6 %

Faites un commentaire sur le résultat de cette enquête en comparant les filles aux garçons, puis

donnez votre opinion et justifiez-la.

Durée : 30 minutesNombre de mots : 100 à 120.

________________________________________________

Situation 2Critères d’évaluation Barème

Respect de la consigne- peut mettre en adéquation sa production avec la situation demandée : faire le

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commentaire des résultats d’une enquête et exprimer son opinion.- peut respecter la longueur demandée.

1 ……

Capacité à commenter des données- peut faire un commentaire comparatif à partir des résultats d’une enquête.Capacité à exprimer son opinion- peut exprimer son opinion- peut la justifier

4

23

…………

Etendu du lexique- peut utiliser un lexique suffisant pour faire un commentaire comparatif et exprimer son opinion.

2 ……

Correction grammaticale- a un bon contrôle grammatical malgré de nettes influences de la langue maternelle. Des erreurs peuvent se produire, mais le sens reste clair.- peut utiliser des structures comparatives.

2 ……

Orthographe- l’orthographe, la ponctuation et la mise en page sont assez justes pour être suivies facilement le plus souvent.

2 ……

Cohérence et cohésion- peut relier une série d’éléments courts, simples et distincts en un discours qui s’enchaîne.

2 ……

Total :…../18

2. 2. 4. Evaluation de la production orale

L’évaluation de cette compétence obéit aux mêmes critères que celle de la production écrite. Seuls

quelques éléments diffèrent tels que les descripteurs généraux du CECR pour la production orale

qui se présentent comme suit :

A1 Peut produire des expressions simples isolées sur les gens et les choses.

A2 Peut décrire ou présenter simplement des gens, des conditions de vie, des activités quotidiennes, ce qu’on aime ou pas, par de courtes séries d’expressions ou de phrases non articulées.

B1 Peut assez aisément mener une description directe et non compliquée de sujets variés dans son domaine en la présentant comme une succession linéaire de points.

Le procédé ouvert est également le moyen utilisé pour mettre l’apprenant dans des situations où il

sera amené à produire du discours oral en continu et en interaction. Les situations ainsi que les

tâches demandées ont été définies en fonction du niveau, de l’âge et des centres d’intérêt de

l’apprenant, allant du plus simple au plus complexe et se basant sur les descripteurs du CECR.

Pour les activités d’interaction orale, nous avons choisi que l’évaluation se déroule de la même manière que durant le processus d’apprentissage, avec des jeux de rôle entre apprenants afin de favoriser leur production et de diminuer le stress lié à « l’examen ». Nous avons ainsi proposé des jeux de rôles où les apprenants sont invités à interagir à deux avec le même degré d’intervention pour chacun. Pour augmenter le degré de transparence de la consigne, la modalité de travail a été précisée.Quant aux critères d’évaluation, ils ont été définis à la lumière de ceux de la production écrite sauf

Page 62: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

pour le critère de l’orthographe qui est remplacé par celui de la correction phonétique.

Dans l’élaboration de ces critères, nous n’avons pas cherché l’exhaustivité pour ne pas avoir de grilles trop longues pouvant entraîner l’hésitation et la confusion chez l’évaluateur.Voici quelques exemples de situations proposées pour le niveau A2, accompagnées de leurs grilles

d’évaluation :

Situation 1 : s’exprimer en continue

Votre professeur doit partir pour un autre poste ou en retraite et on vous a chargé de faire un discours pour son départ. - vous faites un discours élogieux (on dit toujours du bien de la personne dont on parle) ; - vous racontez des événements qui sont restés gravés dans votre mémoire ;- vous pouvez ajouter un peu d’humour en racontant des anecdotes par exemple ;- vous pouvez soit vous adresser à lui, soit aux élèves de votre classe.

N.B. Vous avez 10 minutes pour préparer votre sujet.Grille d’évaluation

Critères d’évaluation BarèmeRespect de la consigne- peut mettre en adéquation sa production avec la situation demandée : faire un discours élogieux sur le professeur en s’adressant à un public.

1 ……

Capacité à s’exprimer en continue- peut raconter des événements- peut raconter des anecdotes- peut décrire une personne moralement d’une manière favorable

333

………………

Etendu du lexique- peut utiliser un lexique élémentaire et suffisant pour décrire et raconter 2 ……Correction grammaticale- peut utiliser des structures simples et correctes en utilisant des temps du passé, mais commet encore systématiquement des erreurs élémentaires comme la confusion des temps et l’oubli de l’accord.

2 ……

Cohérence et cohésion- peut produire un texte simple et cohérent en utilisant des articulateurs logiques simples tels que « et », « mais » et « parce que »

2 ……

Correction phonétique et aisance- peut prononcer de manière suffisamment claire pour être compris malgré la présence d’un net accent marocain.- peut s’exprimer avec une aisance suffisante malgré des hésitations.

2 ……

Correction sociolinguistique- peut utiliser le registre de langue en adéquation avec le destinataire : le professeur et les élèves. 1 ……

…Total :

…../18

Situation 2 : interaction orale (en binôme)

Page 63: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

C’est la fête des mères. Vous décidez alors de faire plaisir à la vôtre. Vous allez dans un magasin pour lui acheter un cadeau. Comme vous hésitez, le vendeur décide de vous aider. Vous discutez avec lui (ce que vous aimez, ce que vous n’aimez pas, ce que votre maman préfère …), il vous fait alors des propositions en fonction de ce que vous lui dites. Imaginez le dialogue qui aura lieu entre vous.L’un de vous jouera le rôle de l’enfant, l’autre, celui du vendeur.

N.B. Vous avez 15 minutes pour préparer votre sujet.

Grille d’évaluation

Critères d’évaluation BarèmeRespect de la consigne- peut mettre en adéquation sa production avec la situation demandée : échanger avec un vendeur dans un magasin pour choisir un cadeau.

1 ……

Capacité à interagir- peut répondre à des questions pour parler des goûts et des préférences d’une personne- peut poser des questions sur des objets, le prix, les couleurs …

3

3

……

……

Etendu du lexique- peut utiliser un lexique élémentaire et suffisant pour demander et donner des informations, parler de ses préférences, des goûts de sa mère ...

2 ……

Correction grammaticale- peut utiliser des structures simples et correctes pour poser des questions et y répondre.

2 ……

Cohérence et cohésion- peut produire un texte simple et cohérent en utilisant des articulateurs logiques simples tels que « et », « mais » et « parce que »

2 ……

Correction phonétique et aisance- peut prononcer de manière suffisamment claire pour être compris malgré la présence d’un net accent marocain.- peut s’exprimer avec une aisance suffisante malgré des hésitations.

2 ……

Correction sociolinguistique- peut utiliser le registre de langue en adéquation avec le destinataire : le vendeur du magasin. 1 ……

…Total :

…../16

Au moment de l’évaluation de la production orale ou écrite, les grilles doivent être fournies à

l’apprenant pour qu’il les prenne en considération dans sa performance. Il faut qu’il sache ce que

l’on attend de lui.

3. Formation des enseignants

Pour élaborer un programme de formation pour les enseignants à l’AFM, il faut tout d’abord tenir

Page 64: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

compte de leur profil particulier. En effet, nous constatons une certaine résistance de leur part au

changement des pratiques en évaluation. Cette résistance peut être expliquée par différentes raisons.

La première est liée au manque de formation de ces enseignants. Ainsi, ces derniers reproduisent-ils

les pratiques de l’enseignement public dans lequel ils exercent également. Rappelons que dans les

établissements publics où les effectifs sont très importants, atteignant parfois 50 élèves par classe,

l’évaluation reste synonyme de « note » et de « sanction », l’évaluation formative étant ainsi

inexistante. De plus, dans les procédures, l’évaluation des connaissances est dominante.

D’autre part, le manque de formation fait que les enseignants utilisent, sans aucune critique constructive, les procédés préfabriqués proposés par les manuels de FLE et qui sont la plupart du temps inadaptés aux besoins réels des apprenants.Une deuxième raison qui pourrait expliquer cette résistance au changement, serait une réticence volontaire de la part de ces enseignants. En effet, la plupart d’entre eux travaille dans d’autres établissements et a une vie professionnelle très chargée. De ce fait, ils n’ont pas de temps à investir à l’AFM car cela leur demanderait une implication très importante. En conséquence, les pratiques habituelles bien maîtrisées, sont maintenues puisqu’elles sont moins coûteuses en temps. En lien toujours avec cette dernière raison, nous pouvons citer le fait que la concurrence des autres centres de langue est très forte dans la ville d’El Jadida. Ainsi, si l’AFM exige de ses enseignants de s’investir davantage, il est tout à fait possible que ces derniers la quittent pour d’autres centres où les pratiques habituelles en évaluation sont toujours d’actualité.Par conséquent, l’évolution des pratiques en évaluation se retrouve véritablement paralysée par tous ces facteurs, renforçant ainsi le problème de variation de niveaux dont souffrent toutes les classes. De ce fait, pour influer sur l’évolution des pratiques en évaluation à l’AFM, la formation qui entrait dans le cadre de notre projet devait adopter une stratégie particulière car il est plus difficile de faire changer des représentations enracinées depuis des années que de concevoir des routines de procédures pour déterminer le niveau des apprenants.

3. 1. Analyse de la situation des enseignants

A la fin d'une réunion de travail qui a eu lieu à l'AFM avant la formation, la directrice des cours a

profité de l'occasion pour présenter notre projet en évaluation et inviter les dix-huit enseignants qui

étaient présents à répondre au questionnaire qui leur avait été adressé et dont le but était de cerner

leurs besoins en évaluation. Nous avons préféré attendre qu'il y ait une réunion pour qu'un

maximum d'enseignants soit présent et pour éviter qu'ils fassent des recherches ou échangent des

réponses. De plus, certaines questions nécessitaient l'immédiateté de la réponse.

Voici donc les résultats du questionnaire :

Question 1

(En deux minutes, donnez les dix mots qui vous viennent immédiatement à l’esprit quand vous évoquez le mot « Evaluation »)

Aucun enseignant n’a donné 10 mots. Ceux qui ont été fournis et qui variaient en général entre un et

cinq mots pour chacun d’entre eux, sont : note (18 fois), sanction (16 fois), appréciation : très bien,

bien, moyen … (15 fois), examen (14 fois), barème (12 fois), questions (12 fois), évaluation

Page 65: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

sommative (11 fois), évaluation formative (11 fois), certification (11 fois), juger (9 fois),

compétence (9 fois), faute (9 fois), mesure (8 fois), stress (7 fois), bulletins (7 fois), remédiation (6

fois), critères (5 fois), standardiser (3 fois), corvée (2 fois) et connaissances (2 fois).

Question 2

(Si on vous demande de donner une définition au mot « évaluation ». Que diriez-vous ?)

Voici quelques exemples de définitions attribuées au terme « évaluation » par les enseignants qui

ont répondu à cette question et qui étaient au nombre de neuf. :

« Evaluer, c’est établir le niveau de quelqu’un. »« Evaluer, c’est tester les connaissances d’un apprenant. »« C’est attribuer une note/appréciation (bien, assez bien, insuffisant…) à un savoir, un savoir-faire au terme d’une séquence/période d’apprentissage.»« Il s’agit de vérifier les acquis d’un élève au début, au cours et à la fin d’un parcours d’apprentissage ».

Questions 3

(Pourquoi évalue-t-on à votre avis ?- au début d’un parcours d’apprentissage ; - au cours d’un parcours d’apprentissage ; - à la fin d’un parcours d’apprentissage.)

Seuls cinq enseignants ont répondu à cette question. Pour eux, l’évaluation au début du parcours

d’apprentissage sert à placer l’apprenant dans un groupe de niveau, l’évaluation au cours du

parcours d’apprentissage sert à vérifier si les lacunes de l’apprenant ont été comblées ou non et s’il

a profité ou non des cours. Elle sert également à remplir des bulletins. Quant à l’évaluation en fin

du parcours d’apprentissage, elle sert uniquement à savoir si l’apprenant passe au niveau supérieur

ou refait le même niveau. De ce fait, nous remarquons que les termes « évaluation formative » et

« évaluation sommative », correspondent plus à une dénomination entrée dans le langage courant

qu’à une application dans les pratiques.

Questions 4 et 5

(4- Au cours de l’année, faites-vous passer à vos apprenants d’autres évaluations à part les évaluations semestrielles ?O Oui O Non5- Si oui, utilisez-vous celles du manuel avec lequel vous travaillez ou autres ?)

A ces questions, six enseignants ont répondu qu’ils ne faisaient pas passer d’autres évaluations à

leurs apprenants hormis les évaluations semestrielles que leur fournit l’AFM et qui ont déjà été

élaborés par d’autres enseignants en fonction de chaque manuel utilisé. Ces évaluations ont lieu en

Page 66: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

février et servent à remplir des bulletins. Pourtant, elles sont considérées comme faisant partie

d’une évaluation formative.

Les douze autres enseignants ont répondu qu’ils utilisaient en plus des évaluations semestrielles, celles qui sont proposées par les manuels.

Questions 6, 7 et 8

(6- Incitez-vous vos apprenants à utiliser des grilles d’autoévaluation ?O Oui O Non7- Si oui, lesquelles ?O Celles du Conseil de l’EuropeO Celles proposées dans les manuels de FLE O D’autres que vous concevez vous-même8- Prenez-vous en considération les résultats de l’autoévaluation dans vos cours ?O Oui O Non)

Tous les enseignants ont répondu qu’ils n’incitaient pas leurs apprenants à utiliser les grilles

d’autoévaluation.

Questions 9, 10, 11 et 12

(9- Avez-vous l’habitude de concevoir des sujets d’évaluation ? O Oui O NonSi non10- Vous utilisez seulement ceux que vous donne l’Alliance ?O Oui O Non11- Vous utilisez seulement ceux qui se trouvent dans les manuels ?O Oui O Non 12- Vous utilisez ceux du DELF et DALF ?O Oui O Non)

Treize enseignants ont affirmé qu’ils ne concevaient pas de sujets d’évaluation, qu’ils utilisaient

seulement ceux que leur fournissait l’AFM, ceux des manuels ou ceux du DELF. Notons que les

enseignants qui utilisent celles du DELF sont des évaluateurs de cette procédure.

Questions 9, 13, 14, 15, 16 et 17(9- Avez-vous l’habitude de concevoir des sujets d’évaluation ? O Oui O Non13- Quand ?O au début du parcours d’apprentissageO tout au long du parcours d’apprentissageO à la fin du parcours d’apprentissage14- Vous vous inspirez de quelques modèles tels que le DELF, le DALF, le TCF pour construire vos évaluations ?O Oui O Non15- Inspirez-vous de ceux du manuel que vous utilisez ?O Oui O Non

Page 67: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

16- Utilisez-vous les descripteurs du CECR ?O Oui O Non17- Utilisez-vous des Référentiels ?O Oui O Non)

Les cinq enseignants qui ont répondu oui à la question 9, sont ceux qui conçoivent les tests de positionnement, semestriels et/ou annuels. Ils ont tous affirmé qu’ils s’inspiraient du DELF, du TCF et des évaluations proposées par les manuels et que par contre, ils n’utilisaient pas les descripteurs du CECR, ni les Référentiels.

Question 18, 19 et 20 18- Quels types d’outils utilisez-vous pour évaluer la compréhension orale et écrite ?19- Comment évaluez-vous la production orale et écrite ?O en attribuant seulement une noteO en attribuant une note accompagnée d’une appréciation (bien, assez bien, insuffisant, tu peux faire mieux, médiocre, nul, décevant, excellent…)O à l’aide d’une grille d’évaluation comportant des critères et un barèmeAutre réponse : …………………………………………………………………………………20- Si vous utilisez des grilles d’évaluation,O vous les concevez vous-mêmes ?O vous utilisez celles du DELF et DALF ?)

Tous les enseignants ont répondu qu’ils proposaient à leurs apprenants des situations pour évaluer

leur production orale et écrite. Quinze d’entre eux ont affirmé qu’ils n’utilisaient pas de grilles

d’évaluation et qu’ils leur attribuaient des notes accompagnées d’appréciations tel que « bien »,

« assez bien », « passable »… les trois autres enseignants ont répondu qu’ils utilisaient les grilles du

DELF pour interpréter « objectivement » les productions de leurs apprenants.

En analysant les différentes réponses de ce questionnaire, nous avons remarqué que des enseignants avait majoritairement besoin de :

- transformer leurs représentations puisque l’évaluation est encore associée à « note »,

« examen », « stress », « sanction » et même « corvée » ;

- transformer leurs connaissances étant donné qu’ils étaient incapables de donner une

définition au terme « évaluation », de dire pourquoi l’on évalue au début, au cours et à la fin

du parcours d’apprentissage ;

- transformer également leurs pratiques puisque l’évaluation formative est inexistante,

l’autoévaluation n’est pas prise en considération dans le parcours d’apprentissage, les grilles

d’évaluation ne sont pas utilisées pour interpréter la production orale ou écrite des

apprenants, les procédés préfabriqués sont les seuls utilisés et servent même de modèles

dans la conception des activités évaluatives sans aucune attitude critique, et les descripteurs

du CECR ne sont pas exploités.

Page 68: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

3. 2. Définition des objectifs

A travers l’analyse de la situation des personnes concernées, nous avons fixé plusieurs objectifs.

Ainsi, à la fin de la formation, les participants devaient être capables de :

- donner une définition au terme « évaluation » ;

- reconnaître la place et l’importance de l’évaluation dans l’enseignement/apprentissage d’une

langue étrangère ;

- identifier et comprendre les différentes fonctions de l’évaluation : diagnostique, formative et

sommative ;

- accepter d’intégrer l’autoévaluation dans leurs pratiques ;

- concevoir eux même leurs activités d’évaluation en adoptant une attitude critique face aux

procédés préfabriqué et en prenant en considération la particularité et les objectifs de

chaque situation d’enseignement/apprentissage ainsi que les descripteurs du CECR ;

- varier les outils et les supports pour évaluer les compétences réceptives et productives ;

- élaborer des grilles d’évaluation pour évaluer la production orale et écrite dans le but de

réduire la subjectivité de l’évaluateur.

3. 3. Choix de la stratégie de formationDans le choix de la stratégie pour laquelle nous avons opté pour cette formation, nous nous

sommes inspirée de celle qui est proposée par G. Barbé et celle de P. Chardenet. C’est une stratégie

qui propose de partir du familier, du connu pour aboutir à ce qui est nouveau. Elle est basée sur les

échanges entre l’animateur et les participants et entre les participants eux-mêmes.

Pour rendre les participants plus réceptifs et non pas passifs et résistants à la formation, cette stratégie propose de partir de trois activités : une activité basée sur une association d’idées que nous avons intégrée dans le questionnaire et repris dans la formation, une activité basée sur la réflexion notamment pour la définition à donner au terme « évaluation » que nous avons également intégré dans le questionnaire et repris dans la formation et une activité basée sur l’évaluation d’une production écrite.Nous avons également opté pour l’alternance des synthèses théoriques permettant aux participants de mettre à jour leurs connaissances en les poussant à adopter une attitude critique face aux procédures et procédés préfabriqués et des travaux pratiques, les encourageant ainsi à élaborer eux-mêmes leurs activités d’évaluation.

3. 4. Détermination du planningAprès la définition des objectifs et de la stratégie de la formation, il fallait déterminer son planning

qui se présente comme suit :

Jour Séquence Horaire Objectifs Programme de la formation et modalités d’animation1 1 9h A- Faire émerger

Page 69: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

matin è10h 30

les représentations et

les besoins de formation

- demander aux enseignants de dire individuellement en deux minutes les 10 mots qui leur viennent à l’esprit quand on évoque le mot « évaluation » ;- classer ces mots dans un tableau ;- donner ensuite individuellement une définition au mot « évaluation » ;- évaluer individuellement une copie en lui attribuant une note;- discuter en grand groupe pour justifier les notes et relever le problème du grand décalage entre les différentes notes attribuées par les enseignants.- découvrir les effets parasites de l’évaluation.- discuter du classement des mots dans le tableau et des différentes définitions données à l’évaluation.

- Une production écrite.

- Document extrait de Tagliante, C.,

européen commun2005, pp. 12-13. (les effets parasites de l’évaluation)

2 10h 45è12h

B- Transformer les

connaissances :- donner une définition au mot « évaluation »

- donner une définition au terme « évaluation », - définir les étapes de l’évaluation,- définir la compétence de communication et les activités langagières.

Documents extraits de- Barbé, G., et Courtillon, J., d’une langue étrangère/seconde 4. Parcours et stratégies de formation (Document tapuscrit), chapitre 10, De Beock, 2005.-Chardenet, P., apprentissagesdu langage, option Français Langue Etrangère, Université Stendhal, Grenoble, année universitaire 2007-2008, p. 69- Cuq, J-P. (Ed.), didactique du français langue étrangère et seconde, - Conseil de l’Europe, commun de référence pour les langues.Apprendre, enseigner, évaluer17-18.

2matin

1 9hè

10h 30

- adopter une attitude critique face à ce qui est proposé dans les manuels et aux procédures tel que le DELF, le TCF…

- en fonction des définitions précédentes, analyser par groupes de deux ou trois quelques procédures proposées dans les manuels (relever les activités qui relèvent du contrôle des connaissances et celles de l’évaluation des compétences, et dire quelles sont celles qui dominent) ;- comparer ces activités à ce qui est dit dans les avant-propos (travail en binôme ou par groupes de 3), puis mise en commun et discussion en grand groupe ;- discuter également en grand groupe des enjeux sociaux, politiques et surtout économiques de l’évaluation.- analyser les tests de l’AFM.

Documents extraits de quelques manuels de FLE :

- Albero, M. et Bergeron, C. (2003). Tandem 1.- Le Bougnec, J-T. et Lopes, M-J. (2007). Et toi ?2- Gallon, F., 2002, p. 30-31. + les tests de l’AFM.

Page 70: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

10h 45è12h

- connaître les fonctions de l’évaluation-découvrir l’importance de l’autoévaluation.

- en grand groupe, discuter des fonctions de l’évaluation suite à des questions-réponses et aux résultats du questionnaire notamment la question 3 : pourquoi on évalue ?- fournir aux enseignants des documents contenant des définitions théoriques ;- discuter de la place de l’apprenant dans l’enseignement/apprentissage et de sa place dans l’évaluation ;- définir le terme « autonomie » ;- discuter en grand groupe de l’importance de l’autoévaluation.

Documents extraits de - Barbé, G., et Courtillon, J., - Tagliante, C.,

- Cuq, J-P. (Ed.),

3matin

1 9hè

10h 30

C- Transformer les pratiques : - découvrir les outils et les supports pour évaluer les compétences réceptives et productives.

- discuter en grand groupe des différents outils et supports d’évaluation qu’utilisent les enseignants pour évaluer les compétences réceptives et productives de leurs apprenants en prenant comme exemple les tests de l’AFM.- leur faire découvrir d’autres outils et supports ainsi que leur intérêt.

Documents extraits de- Tagliante, C., + pp. 116, 128, 140 et 152 (les supports)

2 11hè12h

- varier les outils et les supports pour évaluer les compétences réceptives- se familiariser avec les descripteurs du CECR pour la compréhension orale ;- élaborer des activités évaluatives pour la compréhension orale.

Evaluer les compétences réceptives la compréhension orale

- découvrir les descripteurs du CECR de la compréhension orale : par groupes de deux ou trois, les participants mettront en relation les descripteurs du CECR en production orale avec le niveau adéquat.

- fournir des exemples de documents sonores aux enseignants correspondant à plusieurs niveaux, et leur demander par groupes de trois ou de quatre de trouver le niveau auquel peut correspondre chacun d’eux, puis proposer des activités à partir de ces documents et des descripteurs du CECR.

Documents extraits de

- Conseil de l’Europe, différents descripteurs de la compréhension orale)

Documents sonores extraits du sitehttp://www.delfdalf.ch/index.php?id=84

4matin

1 9hè

10h 30

- élaborer des activités évaluatives(suite)

- se familiariser avec les descripteurs du CECR pour la compréhension écrite

- terminer l’élaboration des activités évaluatives de la compréhension orale, puis mettre en commun et discuter collectivement.

La compréhension écrite- découvrir les descripteurs du CECR de la compréhension écrite : par groupes de deux ou trois, les participants mettront en relation les descripteurs du CECR en compréhension écrite avec le niveau adéquat.- mettre en commun les travaux, puis en discuter collectivement.

Documents extraits de

- Conseil de l’Europe, descripteurs de la compréhension écrite)

Page 71: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

2 11hè12h

- élaborer des activités évaluatives pour la compréhension écrite.

- fournir aux enseignants différents documents écrits correspondant à plusieurs niveaux, et leur demander par groupes de trois ou de quatre de trouver le niveau auquel peut correspondre chacun d’eux, puis proposer des activités à partir de ces documents et des descripteurs du CECR ; - mettre en commun les travaux, puis en discuter collectivement.

Documents personnels + documents authentiques pris de la médiathèque de l’AFM.

5matin

1 9hè

10h 30

- se familiariser avec les descripteurs du CECR pour la production écrite.

Evaluer les compétences productivesLa production écrite

- découvrir les descripteurs du CECR de la production écrite : par groupes de deux ou trois, les participants mettront en relation les descripteurs du CECR avec le niveau adéquat.- mettre en commun les travaux, puis en discuter collectivement.- découvrir les descripteurs des compétences linguistiques et sociolinguistiques

Documents extraits de

- Conseil de l’Europe,de la production écrite, la compétence linguistiques et la compétence sociolinguistique)

2 11hè12h

- élaborer des activités d’évaluation de la production écrite.

La consigne- par groupe de 3, imaginer la consigne des productions « Messages à Julien » correspondant au niveau A1 acquis / début A2.- mettre en commun, puis discuter collectivementdes consignes fournies.- donner aux participants la consigne proposée par la conceptrice du test.

Document fourni lors d’une formation sur l’évaluation par la formatrice Anne-Lise Dubois, de l’Alliance de Paris.

6matin

1 9hè

10h 30

-différencier les objectifs d’apprentissage (Référentiel), des objectifs opérationnels.

Les critères d’évaluation- à partir des objectifs d’apprentissage et des objectifs opérationnels, établir la grille d’évaluation de la production « messages à Julien » en utilisant les descripteurs du CECR.N.B. les critères doivent être observables.- mettre en commun, puis discuter collectivement- établir en grand groupe la grille d’évaluation.

-Document- Grille contenant des objectifs d’apprentissage et des objectifs opérationnels «

2 11hè12h

Travaux pratiques Par groupes de deux, travailler sur d’autres productions :- retrouver le niveau (positionner) ;- retrouver les objectifs d’apprentissage et les objectifs opérationnels ;- proposer un barème avec des critères d’évaluation.

Documentsl’évaluation

7matin

1 9hè

10h 30

- se familiariser avec les descripteurs de la production orale ;- élaborer des

La production orale- découvrir les descripteurs du CECR de la production orale : par groupes de deux ou trois, les participants mettront en relation les descripteurs du

Documents extraits de- Conseil de l’Europe, de la production orale)

Page 72: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

activités d’évaluation de la production orale.

CECR avec le niveau adéquat ;- mettre en commun les travaux, puis en discuter collectivement.- par groupes de 3 ou quatre, proposer des activités d’évaluation de la production orale en variant les niveaux et les situations et en proposant des grilles d’évaluation.

2 11hè12h

- suite des travaux pratiques de l’évaluation de la production orale ;- mettre en commun les travaux, puis en discuter collectivement.

8matin

1 9hè

10h 30

- avoir le regard des autres enseignants sur les évaluations conçues.

- montrer aux enseignants les évaluations conçues dans le cadre du projet de la stagiaire ;- discuter du choix des différents procédés dans les tests de positionnement et les tests annuels.

Tests de positionnement et tests annuels conçus dans le cadre du projet.

2 11hè12h

- évaluer la formation. - fournir aux enseignants une fiche d’évaluation (ils

sont invités à donner leur avis sur la formation).Fiche d’évaluation élaborée par la stagiaire.

3. 5. Déroulement de la formation

L’une des principales difficultés rencontrées lors du stage est l’organisation de la formation des

enseignants puisque ceux-ci exercent dans des établissements différents et ont donc des horaires

différents. Il fallait ainsi attendre le mois de juin pour qu’un nombre important d’enseignants puisse

y assister.

La formation qui était prévue pour une durée de 24 heures, a eu lieu deux fois à l’AFM suite à la demande de la directrice des cours qui tenait à ce que les nouveaux recrutés et d’autres enseignants qui n’ont pu assister à la première puissent s'y associer. Ceci a ainsi permis de travailler avec des groupes restreints : dix enseignants dans la première formation et onze dans la deuxième, ce qui a facilité le déroulement de l’action en essayant au maximum de s’adapter aux disponibilités des uns et des autres.Dans cette formation, nous avons essayé de respecter le planning déjà déterminé. Cela a parfois été difficile notamment à cause des travaux pratiques qui prenaient plus de temps que prévu et de certaines synthèses théoriques qui nécessitaient plus d’explication et d’échange pour que les enseignants puissent se les approprier. En effet, cela ne nous a pas permis de faire la partie sur l’évaluation de la production orale au cours de la première formation, raison pour laquelle, dans la deuxième période où les nouveaux recrutés étaient présents, nous avons préféré commencer par l’évaluation des compétences productives qui posait le plus de problème. Cette partie a duré 4 jours étant donné que les nouveaux enseignants étaient encore en phase de découverte au niveau des connaissances dans le domaine du FLE. Certes, le stage a pris fin à la fin de juin, cependant suite à la demande des enseignants, d’autres formations sur l’évaluation seront prévues ultérieurement. La stratégie que nous avons suivie, a joué un rôle prépondérant dans la réussite de l’action notamment grâce aux trois premières activités. Dans la première, basée sur l’association d’idées, les enseignants étaient invités à donner les dix mots qui leur venaient à l’esprit en entendant le terme « évaluation ». Nous avons essayé ensuite de classer ces mots dans un tableau selon des catégories que nous avons analysées après, tel que « image négative de l’évaluation », « fonctions

Page 73: L'évaluation en FLE à l'Alliance franco- marocaine d'El Jadida

de l’évaluation », « sujet d’évaluation », « contrôle ». Dans une deuxième activité basée sur la réflexion, les enseignants étaient amenés à donner une définition au mot « évaluation ». Quant à la troisième activité, ils devaient tous attribuer une note à la même production.Après l’analyse des trois activités, les participants se sont rendus compte que l’image qu’ils avaient

de l’évaluation était toujours négative puisqu’elle était encore associée aux termes « stress »,

« corvée », « note » et « sanction ». De plus, ils ignoraient complètement les progrès faits en

didactique des langues en matière d’évaluation et la place que l’apprenant devait occuper dans le

processus d’enseignement / apprentissage. Ils étaient également incapables de donner une

définition au mot « évaluation ». Par contre, celles qu’ils avaient proposées étaient liées soit aux

fonctions de l’évaluation, soit à la notion de contrôle et par conséquent, ils manquaient d’un

éclairage théorique. Pour finir, ils ont pris conscience du décalage important entre les notes

attribuées d’une manière aléatoire à la même production. Pour justifier ces notes, les raisons étaient

différentes d’un participant à un autre.

Cette stratégie ainsi que les échanges entre les membres du groupe ont favorisé le déroulement de

l’action de formation en rendant les enseignants plus réceptifs, demandeurs d’un éclairage théorique

et de travaux pratiques. Cependant, une autre étape s’avérait nécessaire avant de passer aux travaux

pratiques. En effet, suite aux quelques synthèses théoriques qui leur ont été fournies, notamment sur

la définition du mot « évaluation » en comparaison avec « contrôle », la définition de ses étapes, la

définition de la compétence communicative ainsi que la finalité et les objectifs d’apprentissage

d’une langue étrangère, les enseignants étaient invités à analyser quelques procédures proposées

dans les manuels et d’autres tel que le TCF. Ils se sont ainsi rendus compte, suite à cette activité et

aux échanges qui l’ont accompagnée, que l'écart entre théorie et pratique était important étant donné

que la plupart de ces procédures étaient dépourvues de l’intention de communication, qu’elles

étaient plus proches du contrôle que de l’évaluation et que les enjeux sociaux et économiques

prenaient souvent le dessus sur les impératifs pédagogiques.

Cette phase a joué un rôle capital dans cette formation puisqu’elle a incité les enseignants à adopter une attitude critique et constructive face aux procédures et aux procédés proposés et qu’ils avaient l’habitude d’utiliser aveuglement sans jamais avoir à l’esprit l’idée de les remettre en cause. Ceci a surtout optimisé le déroulement des travaux pratiques.Durant toute la formation, nous n’avons pas manqué une occasion de parler de l’importance et de la place de l’évaluation dans le processus d’enseignement/apprentissage, notamment de l’évaluation formative, de la particularité et la complexité de la situation d’enseignement/apprentissage, de l’importance de concevoir des procédures et des procédés correspondant à chaque situation en diversifiant les outils pour évaluer aussi bien les connaissances que les compétences de l’apprenant et des avantages de l’autoévaluation. Nous avons accordé également une place particulière aux échanges concernant la place et le rôle de l’apprenant dans l’enseignement/apprentissage, le rôle de l’enseignant comme animateur et non comme détenteur de savoir et seul maître de la situation et l’importance d’adopter des attitudes formatives dans le processus d’enseignement/ apprentissage.

3. 6. Evaluation de la formation

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A la fin de la formation, une fiche d’évaluation a été fournie aux enseignants pour qu’ils donnent

leur avis sur l’atteinte des objectifs qui leur ont été annoncés au début de la formation. Celle-ci

portait sur l’utilité de l’action, les modalités pédagogiques, l’intérêt des contenus et des supports, la

qualité de l’animation et les conditions du travail.

Tous ont exprimé leur satisfaction et ont demandé à ce que cette formation soit reconduite plusieurs fois de manière à s’approprier les contenus qu’ils trouvaient certes très intéressants, mais très denses pour une formation de 24 heures. Ils tenaient également à ce que les activités que nous n’avions pas eu le temps de réaliser en fassent l’objet. D’autres formations sont ainsi prévues ultérieurement, notamment pour les enseignants qui n’ont pas pu assister aux deux premières ainsi que pour les nouveaux recrutés. De notre part, nous notons que certains points nécessitent une amélioration dans les prochaines actions de formation. En ce qui concerne la gestion du temps, nous n’avons pas pu respecter le planning déterminé avant la première formation car quelques travaux pratiques et quelques échanges ont pris plus de temps que prévu. Nous avons donc pris en compte cet aspect lors de la deuxième formation en débutant par l’évaluation des compétences productives. Par conséquent, les participants n’ont pas pu suivre tous le même programme, au premier groupe il manquait la partie sur l’évaluation de la production orale, au deuxième la partie sur l'évaluation des compétences réceptives.D’autre part, comme l’ont souligné certains enseignants dans la fiche d’évaluation, les contenus étaient très denses pour une formation de 24 heures. Effectivement, nous avons cherché l’exhaustivité dans cette formation, ce qui a empêché certains participants, notamment les nouveaux recrutés qui étaient encore en phase de découverte dans le domaine du FLE, de s’approprier l'ensemble des points abordés.Enfin, selon notre projet, une attention particulière devait être accordée à l’évaluation formative lors

de la formation des enseignants. Cependant, suite aux travaux pratiques qui ont pris beaucoup de

temps, ce point n’a pas été suffisamment développé. Les participants étaient plus intéressés par la

conception des activités évaluatives que par les échanges concernant cette fonction de l’évaluation

et l’autoévaluation. Cela est dû certainement au volume horaire insuffisant qui leur a été accordé

dans le planning.

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Conclusion

Certes le stage a pris fin, mais le problème de variation de niveaux dont souffrent les classes à

l’AFM et qui représente un handicap face à une qualité d’enseignement/apprentissage à laquelle

cette institution aspire, est un problème qui ne peut se résoudre dans l’immédiateté puisqu’il dépend

largement de la formation continue des enseignants. Cette formation doit, en fait, s’inscrire dans la

quotidienneté de leur activité professionnelle et favoriser une appropriation progressive de

nouvelles pratiques.

Dans le premier chapitre de ce mémoire, nous avons montré qu’au Maroc, la langue française n’est pas seulement enseignée en vue d’un voyage éventuel dans un pays francophone ou dans le but de faciliter la communication entre les peuples, mais parce qu’elle revêt une importance sociale et symbolique particulière. Elle est ainsi enracinée dans le quotidien et liée à l’ouverture, la modernité et la réussite, ce qui fait d’elle une langue de sélection sociale, professionnelle et même scolaire.Dans le deuxième chapitre, nous avons vu que l’apprentissage de cette langue ne peut être optimisé et réussi sans un système d’évaluation efficace et pertinent qui doit en être partie intégrante. Toutefois, la particularité du champ de l’évaluation réside dans le fait qu’il est en évolution constante car la langue est en évolution constante et les recherches aussi. Les pratiques doivent ainsi suivre cette évolution et être mises constamment à jour.Réduire le divorce entre théorie et pratique, voire l’éliminer, doit en effet être un des objectifs professionnels de toute personne ayant pour mission d’enseigner, en particulier une langue étrangère. En matière d’évaluation, ceci est le seul moyen pour éviter des obstacles et réduire des handicaps comme la forte variation de niveaux dans les classes, comme c’est le cas à l’AFM.Ainsi, avons-nous essayé dans le dernier chapitre d’apporter quelques solutions à ce problème en répondant à la problématique de départ. Dans la conception des tests, nous avons essayé d’élaborer un certain nombre de critères que nous avons jugé utiles de façon à obtenir des procédures pertinentes et efficaces permettant de déterminer le niveau des apprenants au début et à la fin du parcours d’apprentissage, favorisant ainsi la réduction de variation de niveaux dans les classes. Quant à la formation des enseignants, nous avons essayé de choisir une stratégie et un programme particuliers permettant d’affronter chez eux la résistance au changement, les rendre plus réceptifs et les amener à participer activement à la formation.En revanche, ces solutions ne sont pas définitives et radicales, et ce pour différentes raisons que nous allons essayer de résumer en deux points : la conception des tests et la formation des enseignants.

La conception des tests

Certes, nous avons pu expérimenter les tests de positionnement sur quelques inscrits dans les cours

d’été et les stagiaires qui ont eu les groupes en charge, ont pu affirmer que le niveau qui a été

attribué à ces apprenants correspondait bien à leurs acquis et besoins. Cependant, il s’agit d’une

petite expérimentation qui ne peut confirmer avec exhaustivité la validité de ces tests. Les trois

stagiaires étant encore en phase de découverte dans le domaine pratique du FLE, nous ne pouvons

compter uniquement sur leurs affirmations pour une telle confirmation.

Quant aux tests annuels, nous avons jugé inutile de les expérimenter avant la formation des enseignants chez qui les représentations et les pratiques auraient pu signer leur échec à l’avance, et

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cette formation n’a eu lieu qu’à la fin de l’année scolaire qui a coïncidé avec la fin du stage.En effet, les différents tests ne seront opérationnels qu’à la prochaine rentrée scolaire et les résultats ne seront visibles que l’année suivante notamment pour les tests annuels.

La formation des enseignants

Il est vrai que l’action de formation a connu un certain succès que nous avons pu mesurer en partie

grâce aux travaux pratiques réalisés lors de la formation, aux échanges qui ont été fructueux et à

l’évaluation de la formation qui a été faite par les participants eux-mêmes. Cependant, une

formation ne peut se limiter à 24 heures pour changer des représentations et des pratiques

enracinées depuis des années. De plus, seuls 12 enseignants parmi les 34 vacataires travaillant à

l’AFM y ont assisté, les autres étaient de nouveaux recrutés.

Ainsi, cette expérience que nous avons pu vivre grâce au stage, a mis en exergue un nouveau constat : la formation des enseignants semble effectivement beaucoup plus importante que la conception des tests.En effet, chercher à réduire la variation de niveaux dans les classes grâce à la conception des tests, ne peut pas être effectué d’une manière unilatérale. Leur validité ne sera confirmée que grâce à l’expérimentation par les autres enseignants pour évaluer la pertinence des activités proposées, à la mise en commun des résultats et à la réflexion collective pour améliorer les procédures et les procédés. Ce sont des éléments de base qui dépendent largement de la formation continue des enseignants. De plus, des enseignants bien formés sont capables de concevoir eux-mêmes leurs procédures et procédés.La question qui se pose maintenant est : comment motiver les enseignants vacataires pour la formation et l’autoformation en évaluation malgré les différents engagements professionnels de chacun d’eux ? Ceci est en effet la seule garantie pour construire progressivement d’autres représentations, favorisant ainsi l’émergence de nouvelles pratiques.

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