le fantastique comme quête de l'inconnu: indéterminations narratives dans trois récits de...

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This article was downloaded by: [Stony Brook University] On: 26 October 2014, At: 05:29 Publisher: Routledge Informa Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK Symposium: A Quarterly Journal in Modern Literatures Publication details, including instructions for authors and subscription information: http://www.tandfonline.com/loi/vsym20 Le Fantastique Comme Quête De L'Inconnu: IndéTerminations Narratives Dans Trois Récits De Théophile Gautier David Blonde Published online: 07 Aug 2010. To cite this article: David Blonde (2005) Le Fantastique Comme Quête De L'Inconnu: IndéTerminations Narratives Dans Trois Récits De Théophile Gautier, Symposium: A Quarterly Journal in Modern Literatures, 59:1, 3-18, DOI: 10.3200/SYMP.59.1.3-18 To link to this article: http://dx.doi.org/10.3200/SYMP.59.1.3-18 PLEASE SCROLL DOWN FOR ARTICLE Taylor & Francis makes every effort to ensure the accuracy of all the information (the “Content”) contained in the publications on our platform. However, Taylor & Francis, our agents, and our licensors make no representations or warranties whatsoever as to the accuracy, completeness, or suitability for any purpose of the Content. Any opinions and views expressed in this publication are the opinions and views of the authors, and are not the views of or endorsed by Taylor & Francis. The accuracy of the Content should not be relied upon and should be independently verified with primary sources of information. Taylor and Francis shall not be liable for any losses, actions, claims, proceedings, demands, costs, expenses, damages, and other liabilities whatsoever or howsoever caused arising directly or indirectly in connection with, in relation to or arising out of the use of the Content.

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This article was downloaded by: [Stony Brook University]On: 26 October 2014, At: 05:29Publisher: RoutledgeInforma Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH,UK

Symposium: A QuarterlyJournal in Modern LiteraturesPublication details, including instructions forauthors and subscription information:http://www.tandfonline.com/loi/vsym20

Le Fantastique Comme QuêteDe L'Inconnu: IndéTerminationsNarratives Dans Trois Récits DeThéophile GautierDavid BlondePublished online: 07 Aug 2010.

To cite this article: David Blonde (2005) Le Fantastique Comme Quête De L'Inconnu:IndéTerminations Narratives Dans Trois Récits De Théophile Gautier, Symposium: AQuarterly Journal in Modern Literatures, 59:1, 3-18, DOI: 10.3200/SYMP.59.1.3-18

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DAVID BLONDE

LE FANTASTIQUE COMME QUÊTE DE L’INCONNU:INDÉTERMINATIONS NARRATIVES DANS TROIS RÉCITS

DE THÉOPHILE GAUTIER

LES THÉORICIENS DU FANTASTIQUE accordent en général une grande importanceà l’attitude interprétative du lecteur devant les événements insolites qui lui sontracontés. Selon Tzvetan Todorov, “il faut que le texte oblige le lecteur [. . .] àhésiter entre une explication naturelle et une explication surnaturelle desévénements” (37; voir aussi Whyte, Théophile 1–7). Sans contredire Todorov,le flou descriptif et l’exotisme dans les Récits fantastiques de Gautier montrentque l’effet fantastique tient tout autant aux indéterminations liées à l’universreprésenté qu’au caractère insoluble des énigmes qui s’y manifestent. Le fan-tastique gautiériste est principalement attribuable au fait que le lecteur est inca-pable de s’identifier parfaitement au monde représenté (cf. Bouvet, Étranges45–48) comme le ferait le lecteur d’un conte de fées. Autrement dit, le lecteurdes récits de Gautier entreprend moins une enquête qu’une quête, la quête del’inconnu. Quelles stratégies discursives Gautier exploite-t-il pour suscitercette angoisse face à l’inaccessible? Quelles sont les réactions du lecteur faceaux zones grises de l’univers représenté? Jusqu’où le fantastique gautiériste lemènera-t-il dans sa quête de l’inconnu?

Nous tenterons d’offrir une réponse à cette problématique en analysant troisrécits particulièrement propices à la création d’un effet fantastique: “Lacafetière,” “Le pied de momie” et “Arria Marcella” de Gautier. En plus de con-voquer la thématique fantastique liée à la résurrection des morts et à l’animationde l’inerte, ces trois contes exploitent deux procédés caractéristiques de la lit-térature fantastique: le suspense d’une part, l’exotisme d’autre part. Dans unpremier temps, nous étudierons le rôle du suspense dans la création d’un effetfantastique chez le lecteur. Dans un deuxième temps, nous examinerons lesindéterminations spatio-temporelles destinées à susciter le “sentiment de l’étrange”dont parle Louis Vax. Dans un troisième temps, nous nous interrogerons surl’effet d’exotisme lié à la représentation de l’Étranger dans les trois récits.

1. Le suspense

Le lecteur associe d’emblée le fantastique au suspense (Bouvet, Étranges98), qui repose, selon la définition d’Umberto Eco (142–56), sur l’insertion dedivers éléments destinés à retarder indéfiniment la réponse aux questions que se

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pose le lecteur, dont la suivante: “Comment est-ce possible?” Voilà une des pre-mières questions que se pose le lecteur devant des événements qui, surgissantdans un univers a priori rationnel conformément à la définition que proposeJean Fabre du fantastique (“Pour une . . .” 109), annulent les repères cognitifsnécessaires à l’appréhension de ce même univers: la mort devient la vie, l’inan-imé devient l’animé. Toutefois, ces phénomènes insolites ne se bornent pas àactiver le processus interprétatif du lecteur puisqu’ils ont aussi pour effet de luiinsuffler un vif désir d’en savoir plus long sur ce qui est en train d’avoir lieu. Enl’occurrence, les questions que se pose le lecteur commencent non seulementpar “comment” (“comment est-ce possible”) mais aussi par “qu’est-ce qui”:“qu’est-ce qui va se passer?” Les récits de Gautier créeront un effet de suspenseen suspendant les informations liées à la suite du récit; le narrateur annonce unévénement sans dire immédiatement de quoi il s’agit. Par exemple, le narrateuranonyme d’“Arria Marcella” exprime son intention de raconter une histoiremystérieuse: “et d’ailleurs nous n’écrivons pas des impressions de voyage surNaples, mais le simple récit d’une aventure bizarre et peu croyable, quoiquevraie” (Gautier 239).1 Entendue comme un avertissement fait au lecteur, cetteprémunition (Dupriez 358–59) s’avère doublement efficace: d’une part, ellepermet de prêter crédibilité à ce qui est “peu croyable”; d’autre part, elle excitela curiosité du lecteur qui se demande dès lors ce en quoi peut bien consister“l’aventure peu croyable” qui vient d’être évoquée. Le lecteur, qui cherchemoins à résoudre une énigme qu’à déterminer de quelle énigme il est question,est amené à accélérer la lecture pour en savoir plus long sur cet événement vraiquoiqu’invraisemblable dont le narrateur diffère astucieusement le récit.

Loin de se dévoiler tout d’un coup, l’étrange se laisse pressentir. Souvent,la simple évocation d’un malaise chez le protagoniste peut transmettre cetembarras au lecteur, comme par contagion. Le narrateur du “Pied de momie”dit éprouver un malaise de ce genre: “Je regardais dans ma chambre avec unsentiment d’attente que rien ne justifiait” (Gautier 185).2 Le malaise du nar-rateur laisse deviner que quelque chose va se passer. “Ai-je raison de pressen-tir quelque chose?” se demande alors le lecteur. Il doit continuer de lire pourtrouver la réponse à cette question. La description des sensations du person-nage principal laisse aussi pressentir l’étrange. Les sensations visuelles entraî-nent un changement d’atmosphère dans “Le Pied de momie”:

Cependant, au bout de quelques instants, cet intérieur si clame parut setroubler, les boiseries craquaient furtivement; la bûche enfouie sous lacendre lançait tout à coup un jet de gaz bleu, et les disques des patèressemblaient des yeux de métal attentifs comme moi aux choses quiallaient se passer. (PM 185)

Théodore, dans “La cafetière,” perçoit lui aussi des sensations visuelles dece genre: “Tout à coup le feu prit un étrange degré d’activité; une lueur bla-farde illumina la chambre” (Gautier 56).3 L’intensification d’une flamme se

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présente moins comme une énigme à résoudre que comme un procédé nar-ratif destiné à signaler au lecteur qu’il est sur le point d’entrer dans unmonde où les lois de la nature sont violées. En effet, le récit d’un événementétrange fait immédiatement suite à la description du feu dans “Lacafétière”:

Je vis clairement que ce que j’avais pris pour de vaines peintures était laréalité; car les prunelles de ces êtres encadrés remuaient, scintillaientd’une façon singulière; leurs lèvres s’ouvraient et se fermaient commedes lèvres de gens qui parlent, mais je n’entendais rien que le tic-tac dela pendule et le sifflement de la bise d’automne. (LC 56–57)

Cette description est sélective, car elle amène le lecteur à ne visiter l’universreprésenté qu’à travers le prisme sensoriel du personnage. Des verbes tels que“croire” et des adjectifs tels que “vague” soulignent un décalage entre la per-ception des sensations et l’intellection: “Quelquefois même Octavien crût voirse glisser de vagues formes humaines dans l’ombre; mais elles s’évanouis-saient dès qu’elles atteignaient la portion éclairée” (AM 252). D’autres typesde sensations permettent aussi de laisser pressentir l’étrange, depuis les sen-sations auditives: “‘Tout à coup [. . .], j’entendis un piétinement comme d’unepersonne qui sauterait à cloche-pied’” (PM 185); jusqu’aux sensations olfac-tives: “‘Quand je revins le soir, le cerveau marbré de quelques veines de grisde perle, une vague bouffée de parfum oriental me chatouilla délicatementl’appareil olfactif; [. . .] c’était un parfum doux quoique pénétrant, un parfumque quatre mille ans n’avaient pu faire évaporer’” (PM 184). Les sensationstactiles contribuent également à cette disjonction de la perception et de l’in-tellection. Ainsi, quelques vagues indications relatives à la températureambiante permettent au lecteur du “Pied de momie” de ressentir l’étrange: “Jedois avouer que j’eus chaud et froid alternativement; que je sentis un ventinconnu me souffler dans le dos, et que mes cheveux firent sauter, en seredressant, ma coiffure de nuit à deux ou trois pas” (PM 186). Certes, le “fris-son de fièvre” que ressent Théodore en entrant dans la maison de son hôtepermettrait d’expliquer cette alternance entre le chaud et le froid. Toutefois,cette “fièvre” est due moins au froid et à la fatigue extrême de Théodore qu’aulieu dans lequel il s’introduit: “La mienne [ma chambre] était vaste; je sentis,en y entrant, comme un frisson de fièvre, car il me sembla que j’entrais dansun monde nouveau” (LC 56). La “fièvre” du narrateur est donc comparable—sans être pareil—à l’effet de dépaysement qu’éprouve le lecteur en suivant lespersonnages de Gautier dans leur voyage dans le temps et dans l’espace.

2. Voyage à travers l’étrangeté

Les changements d’atmosphère dans les récits de Gautier rendent inacces-sible l’univers représenté en annulant les repères auxquels se fie normalement

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le lecteur d’un texte narratif. La description dans les récits de Gautier présentesouvent des contradictions logiques:

Un changement singulier avait eu lieu dans l’atmosphère; de vaguesteintes roses se mêlaient, par dégradations violettes, aux lueurs azuréesde la lune; le ciel s’éclaircissait sur les bords; on eût dit que le jour allaitparaître. Octavien tira sa montre; elle marquait minuit. Craignantqu’elle ne fût arrêtée, il poussa le ressort de la répétition, la sonnerietinta douze fois; il était bien minuit, et cependant la clarté allait toujoursen augmentant, la lune se fondait dans l’azur de plus en plus lumineux;le soleil se levait. (AM 254)

Comme Octavien, le lecteur ne sait plus si le récit se déroule le jour ou lanuit. Cette ambiguïté annule les repères liés à une conception linéaire dutemps pour faire place au temps cyclique, “primitif” (Fabre, Le Miroir16–61), que Jean Fabre rapproche de la poésie qui, “par l’intermédiaire duprésent discursif opposé au prétérit narratif, et surtout par l’éternisation de ceprésent, s’affirme comme un moyen d’échapper à l’emprise de la durée et àl’Histoire” (148). Si le récit fantastique, qui fonctionne sur le mode narratif,est en principe aux antipodes de la poésie (151), il peut convoquer momen-tanément le temps de la poésie pour “renforcer les effets fantastiques” (153)voire pour relater “l’apparition [d’un] phénomène surnaturel” (155). Le “journocturne” décrit par le narrateur anonyme d’“Arria Marcella” relève d’uneconception poétique du temps: “La lune illuminait de sa lueur blanche lesmaisons pâles, divisant les rues en deux tranches de lumière argentée etd’ombre bleuâtre. Ce jour nocturne, avec ses teintes ménagées, dissimulait ladégradation des édifices” (AM 252). Ce clair obscur permet de dissimuler lestraces de l’usure du temps:

L’on ne remarquait pas, comme à la clarté crue du soleil, les colonnestronquées, les façades sillonnées de lézardes, les toits effondrés parl’éruption; les parties absentes se complétaient par la demi-teinte, et unrayon brusque, comme une touche de sentiment dans l’esquisse d’untableau, indiquait tout un ensemble écroulé. (AM 252)

Ainsi, la restauration miraculeuse des ruines de Pompéi apparaît comme unphénomène lié à la perception, une illusion optique en quelque sorte. Jouer lejeu du fantastique, c’est souvent afficher une certaine tolérance au flou:

Alors Octavien, en qui toutes les idées de temps se brouillaient, put seconvaincre qu’il se promenait non dans une Pompéi morte, froidcadavre de ville qu’on a tiré à demi de son linceul, mais dans une Pom-péi vivante, jeune, intacte, sur laquelle n’avaient pas coulé les torrentsde boue brûlante du Vésuve. (AM 254)

La question que se pose le lecteur, plongé dans un univers obscur où même la

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résurrection d’une ville devient possible, n’est plus: “qu’est-ce qui va se pass-er?” mais: “jusqu’où le texte va-t-il me mener?”

Dans cette perspective, le parcours du lecteur est à comparer à un voyage.D’abord, les trois récits de Gautier invitent le lecteur à un voyage dans letemps qui efface peu à peu la frontière entre le passé et le présent (cf. Baudry481–96). Le “monde nouveau” dans lequel Théodore a l’impression de s’in-troduire semble remonter “au temps de la Régence, à voir les dessus de portede Boucher représentant les quatre Saisons, les meubles surchargés d’orne-ments de rocaille du plus mauvais goût, et les trumeaux des glaces sculptéslourdement” (LC 56). De plus, Angéla, la femme-cafetière avec laquelle danseThéodore, est morte depuis deux ans, comme le révèle le dénouement du récit.Le narrateur du “Pied de momie” fait lui aussi un voyage dans le temps, car ilrevit l’époque des Pharaons. Octavien, quant à lui, a le loisir de visiter la Pom-péi de l’Antiquité romaine.

Le voyage dans le temps se double d’un voyage dans l’espace. Les trois réc-its mettent en scène un déplacement spatial. Théodore se rend à pied en Nor-mandie en compagnie de ses compagnons d’atelier après un séjour en Italie. Lenarrateur du “Pied de momie” part à la suite de la princesse Hermonthis pourl’Égypte de l’Antiquité; le voyage dans le temps coïncide alors avec un voyagedans l’espace. Octavien effectue trois principaux déplacements dans “ArriaMarcella”: d’abord, il quitte le musée des Studj, à Naples, pour Pompéi; ensuite,il traverse les ruines de Pompéi en compagnie de ses amis. Finalement, il déam-bule seul la nuit dans une Pompéi ressuscitée. Les indications relatives à l’espace dans les récits de Gautier ne manquent pas de créer un effet d’exotisme.Cet exotisme s’associe à des objets provenant d’une multitude de pays dans lebric-à-brac parisien que visite le narrateur du “Pied de momie.” Ce “Caphar-naüm” dans lequel se concentrent “tous les siècles et tous les pays” (PM 179)est encombré d’oeuvres d’art: un airain de Corinthe (PM 182), un bronze flo-rentin (PM 182), une statue de bronze de Corinthe (PM 186); de meubles: unearmure damasquinée de Milan (PM 180); de décorations: des magots de laChine (PM 180); d’articles de vaisselle: des tasses de Saxe et de Vieux Sèvres,un verre de Venise ou un plateau de cristal de Bohème (PM 180); d’armes: unkriss malais (PM 181); d’étoffes: du damas des Indes (PM 183).

Pour peu que le lecteur soit familier avec les objets ou les cultures évoqués,il s’agit d’un exotisme de premier degré qui tient à une représentation “pit-toresque” de l’Ailleurs. Les princesses, les pharaons, les momies et les pyra-mides incarnent une vision “orientaliste” de l’Égypte. De même, Octaviencroise des figures emblématiques de la société pompéienne d’autrefois: lebouvier, le cicerone, les gladiateurs romains (AM 242), les danseuses gadi-tantes (AM 249), des paysans campaniens (AM 255), “quatre esclaves syriensnus jusqu’à la ceinture” (AM 263).

L’inscription du pittoresque dans les récits de Gautier montre toutefois uneinadéquation entre les réactions du personnage et celles du lecteur, car des

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lieux qui sont normalement perçus comme étranges deviennent pour le per-sonnage étrangement familiers. Une “refamiliarisation” de l’Ailleurs et del’Autrefois est à l’origine d’un effet de pittoresque chez Octavien. Le “mélanged’antique et de moderne” (AM 239) évoqué par le narrateur anonyme d’“ArriaMarcella” se double d’un mélange de l’Autrefois et du quotidien:

Il regardait d’un oeil effaré ces ornières de char creusées dans le pavagecyclopéen des rues et qui paraissent dater d’hier tant l’empreinte en estfraîche; ces inscriptions tracées en lettres rouges, d’un pinceau cursif, surles parois des murailles: affiches de spectacle, demandes de location, for-mules votives, enseignes, annonces de toutes sortes, curieuses comme leserait dans deux mille ans, pour les peuples inconnus de l’avenir, un pande mur de Paris retrouvé avec ses affiches et ses placards; ces maisonsaux toits effondrés laissant pénétrer d’un coup d’oeil tous ces mystèresd’intérieur, tous ces détails domestiques que négligent les historiens etdont les civilisations emportent le secret avec elles; ces fontaines à peinetaries, ce forum surpris au milieu d’une réparation par la catastrophe, etdont les colonnes, les architraves toutes taillées, toutes sculptées, atten-dent dans leur pureté d’arête qu’on les mette en place; ces temples vouésà des dieux passés à l’état mythologique et qui alors n’avaient pas unathée; ces boutiques où ne manque que le marchand; ces cabarets où sevoit encore sur le marbre la tache circulaire laissée par la tasse desbuveurs; cette caserne aux colonnes peintes d’ocre et de minium que lessoldats ont égratignée de caricatures de combattants, et ces doublesthéâtres de drame et de chant juxtaposés [. . .]. (AM 240–41)

Le voyage dans la Pompéi de 79 après Jésus-Christ a paradoxalement poureffet de mettre l’insolite au service du familier; l’effet de vertige éprouvé parOctavien tient moins au surgissement d’événements étranges qu’à l’impres-sion passagère que l’Ailleurs et l’Autrefois correspondent à un Ici et un Main-tenant et que le “non-vécu” fait partie du quotidien du personnage.

Cette refamiliarisation du passé n’a d’effet de pittoresque véritable que surun voyageur qui connaît bien Pompéi. Au contraire, le lecteur moyen n’arriverapas à reconnaître les éléments pittoresques (maisons, double théâtre)qu’énumère le narrateur d’“Arria Marcella.” Ce n’est qu’en examinant atten-tivement une carte des ruines de Pompéi (voir notamment Jashemski 4) qu’ilarrivera à identifier quelques-uns des endroits visités par le narrateur, ses deuxcompagnons et leur guide: les fontaines dont il est question se trouvent au car-refour des quarante-deux fontaines, entre les régions I,VII, VIII, et IX; le forumse trouve dans la région VII, près du temple de Jupiter; les doubles théâtres dedrame et de chant juxtaposés se trouvent dans la région VIII. Les indications rel-atives à l’itinéraire parcouru par les trois voyageurs et leur guide deviennent deplus en plus précises au fur et à mesure que progresse la lecture: le théâtre trag-ique dans la région VIII, l’amphithéâtre dans la région II, la rue de la Fortune,

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la maison du Faune dans la région VI, la taverne de la Fortune dans la région VI,les Thermopoles au nord-est de la région VII et la voie des Tombeaux (la rueConsulaire). Malgré leur précision, ces dernières indications relatives au par-cours des trois compagnons et de leur guide présentent une triple indétermina-tion: d’abord, il s’agit d’une liste; à l’absence de relation syntaxique entre lestermes énumérés, correspond l’effacement de la relation entre les divers pointsde repères. Ensuite, le lecteur qui ne connaît pas Pompéi est inapte à reproduirementalement l’itinéraire d’Octavien et de ses compagnons sans consulter aupréalable un plan des ruines. Les indications spatiales, loin de transmettre uneimage limpide de la ville au lecteur mal renseigné sur les villes et villages quiencerclent le Vésuve, se limitent à évoquer l’idée de déplacement et à montrerque ce déplacement se fait à travers un territoire qui existe réellement. Finale-ment, le lecteur qui a déjà visité Pompéi ne manquera pas de remarquerd’énormes lacunes dans le trajet parcouru par les personnages: qu’ont pu voirces derniers entre le théâtre tragique et l’amphithéâtre, “à l’autre extrémité de laville” (AM 240)? Qu’ont-ils vu entre le moment où ils ont regagné l’extrémitéouest de la rue de la Fortune et le moment où ils sont arrivés à la maison duFaune? En effet, le narrateur omet de mentionner que les archéologues n’avaientpas encore fini d’explorer la partie ouest des ruines de Pompéi au moment oùGautier publia son récit dans La Revue de Paris, en 1852. Tout se passe commesi le narrateur cherchait à dissimuler tout détail susceptible de rappeler la dis-tance entre le personnage et la vie quotidienne des Pompéiens d’avant 79 aprèsJésus-Christ. Les indications quant aux déplacements à l’intérieur de la villad’Arrius Diomèdes sont tout aussi nombreuses: l’entrée; le cavaedium, lepéristyle, l’exèdre, la basilique, la terrasse, le nymphaeum, le cubiculum, letétrastyle, la chapelle des dieux lares, le cabinet des archives, la bibliothèque, lemusée des tableaux. Cette liste pose deux principaux problèmes. D’une part, leshistoriens et les archéologues n’ont pu reproduire que le plan du rez-de-chausée,l’étage supérieur n’ayant pas survécu à l’usure du temps (voir la figure présen-tée dans Dyer 484). D’autre part, quels que soient les compétences (Eco) ou lerépertoire (Iser 11) du lecteur, ce dernier ne pourra suivre le parcours des per-sonnages que s’il interrompt sa séance de lecture pour aller consulter desouvrages illustrés sur les ruines de Pompéi. Ce mouvement hors-texte crée uneffet de distanciation entre le lecteur et l’univers représenté dans le récit. L’effetde surdétermination, dû à l’abondance d’indications spatiales, risque en outred’embarrasser le lecteur trop attentif aux détails du récit.

Le récit des déplacements dans “Le pied de momie” est quant à lui peudétaillé. En effet, le narrateur se contente d’évoquer les endroits qu’il visite encompagnie de sa maîtresse. Ils ne voient pas la Méditerrannée, ils ne voient que“l’eau et le ciel” (PM 189); ils ne voient pas les pyramides d’Égypte, ilsn’aperçoivent qu’“une montagne de granit rose” (PM 189). Ce n’est qu’aumoment de la rencontre des deux amoureux avec le roi Xixouthros que lespyramides sont identifiées: “Tous les Pharaons étaient là, Chéops, Chephrènes,

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Psammetichus, Sésostris, Amenoteph; tous les noirs dominateurs des pyra-mides et des syringes” (PM 190). Toutefois, le lecteur ne peut que se faire uneidée assez floue de ces constructions, puisque la description confond deuxtypes de monuments: la pyramide et le temple (colonnes, salles vastes). Deplus, le récit de divers événements permet de différer l’identification des pyra-mides: l’entrée des personnages dans les pyramides, la traversée des corridors,l’arrivée des personnages dans la salle des Pharaons. D’abondantes tournuressuperlatives placent les pyramides sous le signe de l’infini: “ces corridors,d’une longueur interminable” (PM 188); “une salle si vaste, si énorme, sidémesurée, que l’on ne pouvait en apercevoir les bornes” (PM 190); “à pertede vue s’étendaient des files de colonnes monstrueuses” (PM 190); “des pro-fondeurs incalculables” (PM 190); et de l’éternel: “les murs, couverts de pan-neaux d’hiéroglyphes et de processions allégoriques, avaient dû occuper desmilliers de bras pendant des milliers d’années” (PM 189); “interminableslégendes de granit que les morts avaient seuls le temps de lire pendant l’éter-nité” (PM 190). Cette double démesure, spatiale d’une part, temporelle del’autre, en plus d’abolir les repères qui permettent au lecteur d’imaginer lemonde représenté dans le récit, souligne un décalage entre le savoir des per-sonnages et celui du lecteur: le voyage dans le temps et l’espace permet au pre-mier d’entrer physiquement en contact avec le surnaturel alors que le secondn’entrevoit qu’un surnaturel de seconde main.

3. Le voyage à travers l’Étranger

Afin de laisser entrevoir ce surnaturel, le fantastique gautiériste fait appel àdeux catégories de médiateurs: d’une part, un focalisateur (Octavien) ou un nar-rateur (Théodore), qui ont pour fonction d’établir la jonction entre le monde réeldans lequel évolue le lecteur et le monde fictif dans lequel se déroule le récitfantastique. C’est toujours à travers le regard du Même que le lecteur entreprendson voyage dans l’inconnu. Octavien, doublement étranger aux yeux du Pom-péien du premier siècle après Jésus-Christ parce que Français et issu d’une autreépoque, le dix-neuvième siècle, incarne le Même pour le lecteur, et est celui àtravers le regard duquel le lecteur imaginera—ou tentera d’imaginer—l’universreprésenté dans le récit; il en va de même du narrateur du “Pied de momie.”D’autre part, le fantastique gautiériste fait appel à un médiateur entre l’universdit “réaliste” dans lequel se déroule l’histoire et le surnaturel qui le contaminepeu à peu (cf. Rizza 6–8). Cette médiation est confiée à l’Autre dans les troisrécits fantastiques de Théophile Gautier. Médiatrices étrangères, la princesseHermonthis dans “Le pied de momie” et Arria Marcella dans le récit éponymesont doublement “autres”: d’une part, elles sont d’ailleurs—la princesse Her-monthis est Égyptienne et Arria Marcella, Romaine—; d’autre part, elles sontd’une autre époque, l’Antiquité égyptienne dans le cas de la princesse, l’Antiq-uité romaine dans le cas de la fille d’Arrius Diomèdes.

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Médiateur entre le monde réaliste et le monde surnaturel, l’Étranger afficheune identité ambiguë: il n’est ni tout à fait humain, ni tout à fait monstre. C’estle cas de l’antiquitaire dans “Le pied de momie.” Bien que ce dernier ne soitjamais identifié explicitement comme un étranger, l’emploi d’une variété declichés risque d’amener le lecteur à projeter sur ce personnage l’ensemble desstéréotypes qu’il entretient, consciemment ou à son insu, à l’endroit des mar-chand juifs. Le portrait physique de l’antiquaire aide le lecteur à construire lepersonnage: “La courbure du nez avait une silhouette aquiline qui rappelait letype oriental ou juif” (PM 180). Pour le lecteur du Marchand de Venise deWilliam Shakespeare et de La France juive d’Édouard Drumont, les traitsphysiques sont indissociables de traits psychologiques. Ainsi, l’antiquaire estdécrit comme ayant “deux petits yeux jaunes qui tremblotaient dans leurorbite comme deux louis d’or sur du vif-argent” (PM 180). L’utilisation determes qui connotent l’animalité sert à créer un effet d’horreur chez le lecteur:“Ses mains, maigres, fluettes, veinées, pleines de nerfs en saillie comme lescordes d’un manche à violon, onglées de griffes semblables à celles qui ter-minent les ailes membraneuses des chauves-souris, avaient un mouvementd’oscillation sénile, inquiétant à voir” (PM 180). Ces mains qui ont vague-ment l’air d’ailes de chauves-souris sont également comparées à des pinces dehomard: “mais ces mains agitées de tics fiévreux devenaient plus fermes quedes tenailles d’acier ou des pinces de homard dès qu’elles soulevaient quelqueobjet précieux” (PM 180–81). La voix de l’antiquaire, quant à elle, ressembleau miaulement d’un chat: “Puis arrêtant sur moi ses prunelles phosphoriques,il me dit avec une voix stridente comme le miaulement d’un chat qui vientd’avaler une arête” (PM 183). Le regard prédateur de l’antiquaire contribue àrenforcer l’effet d’horreur: “Le marchand me suivait avec précaution dans letortueux passage pratiqué entre les piles de meubles, abattant de la main l’es-sor hasardeux des basques de mon habit, surveillant mes coudes avec l’atten-tion inquiète de l’antiquaire et de l’usurier” (PM 180); “Ha! ha! vous voulezle pied de la princesse Hermonthis, dit le marchand avec un ricanementétrange, en fixant sur moi ses yeux de hibou” (PM 182).

Malgré cette surdétermination descriptive, le portrait de l’antiquaire nemanque pas de présenter des indéterminations. Est-il humain ou animal? chat ouhibou? Ce marchand dont on ignore les origines, en plus de servir d’intermédi-aire entre le réel et l’étrange, fait le lien entre le présent et le passé. En effet, ildonne l’apparence d’être plus vieux qu’il ne l’est en réalité: “ce vieux drôle avaitun air si profondément rabbinique et cabalistique qu’on l’eût brûlé à la mine, ily a trois siècles” (PM 181). Par conséquent, le lecteur a l’étrange impression quel’antiquaire n’appartient pas à la même époque que le narrateur. À combien desiècles a-t-il survécu? Une réponse possible: à des millénaires. Le narrateur neraconte-t-il pas avoir entendu le pied de momie dire à la princesse Hermonthisque “[l’antiquaire lui] en veut toujours d’avoir refusé de l’épouser” (PM 188)?Le lecteur infère qu’il a vécu comme la princesse à l’époque des Pharaons.

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Médiateur entre le réel et le surnaturel, l’Étranger a aussi pour fonction demontrer le chemin au narrateur ou au focalisateur. En effet, le voyageur dansles récits fantastiques de Gautier marche le plus souvent à la suite d’un guideétranger. Le narrateur du “Pied de momie” suit sa maîtresse, la princesseHermonthis:

“Venez avec moi chez mon père, il vous recevra bien, vous m’avezrendu mon pied.” Je trouvai cette proposition toute naturelle; j’endossaiune robe de chambre à grands ramages, qui me donnait un air trèspharaonesque; je chaussai à la hâte des babouches turques, et je dis à laprincesse Hermonthis que j’étais prêt à la suivre. (PM 188–89)

“Arria Marcella” met en scène trois guides, dont trois personnages his-toriques: le cicerone italien, Rufus Holconius et Tyché Novoleja. Ce n’estqu’à contrecoeur qu’Octavien et ses compagnons acceptent les services dupremier guide dont les services ont pour effet de réduire l’étrangeté des lieux:

Ils traversèrent le champ planté de cotonniers, sur lequel voltigeaientquelques bourres blanches, qui sépare le chemin de fer de l’emplace-ment de la ville déterrée, et prirent un guide à l’osteria bâtie en dehorsdes anciens remparts, ou, pour parler plus correctement, un guide lesprit. Calamité qu’il est difficile de conjurer en Italie. (PM 239)

À la différence du touriste moyen, les trois voyageurs affichent un vif désir d’étrangeté. Désireux, conformément à la logique marchande qui régit son méti-er, de répondre aux attentes de ses clients, plutôt que de les surprendre, il aboutità réduire cette étrangeté que recherchaient les personnages. Les indétermina-tions liées au parcours des trois compagnons montrent toutefois que cette réduc-tion de l’étrangeté épargne le lecteur. Rufus Holconius, quant à lui, est celui quiconduit Octavien au petit théâtre, où se trouve Arria Marcella:

“Je me nomme Rufus Holconius, et ma maison est la tienne, dit le jeunehomme; à moins que tu ne préfères la liberté de la taverne: on est bienà l’auberge d’Albinus, près de la porte du faubourg d’Augustus Felix, età l’hôtellerie de Sarinus, fils de Publius, près de la deuxième tour; maissi tu veux, je te servirai de guide dans cette ville inconnue pour toi.”(AM 258)

Finalement, Tyché Novoleja sert d’intermédiaire entre Octavien et Arria Mar-cella: “Je suis Tyché Novoleja, commis aux plaisirs d’Arria Marcella, filled’Arrius Diomèdes. Ma maîtresse vous aime, suivez-moi” (AM 263). Ceguide finit paradoxalement par dépayser Octavien, car il le conduit à traversdes quartiers inconnus de Pompéi:

Tyché fit passer Octavien par des chemins détournés, coupant les rues enposant légèrement le pied sur les pierres espacées qui relient les trottoirs

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et entre lesquelles roulent les roues des chars, et se dirigeant à travers ledédale avec la précision que donne la familiarité d’une ville. Octavienremarqua qu’il franchissait des quartiers de Pompéi que les fouilles n’ontpas découverts, et qui lui étaient en conséquence complètement incon-nus. (AM 263)

Le lecteur se demande pourquoi Arria Marcella ne se trouve pas dans la villa deson père. De plus, le fait qu’Arria Marcella se trouve dans un quartier non déterré de la partie est de Pompéi empêche le lecteur de localiser sur une cartele lieu où culminera l’effet fantastique, endroit affranchi de tout ancrage spatio-temporel, à l’écart de l’univers réaliste sur lequel s’ouvre le récit.

Tyché Novoleja est le guide qui ressemble le plus à celui du lecteur, le texte(cf. Whyte, “Du mode”). Comme Tyché Novoleja, le texte conduit le lecteurà travers des territoires mystérieux. Mais comme les quartiers inconnus tra-versés par Octavien et son guide, le texte comporte lui aussi ses zonesobscures, que l’encyclopédie du lecteur, trop restreinte, peut difficilementcombler et à l’approche desquelles le texte-guide se démet de ses fonctions.Au même titre que les incessantes pérégrinations des personnages à traversdes territoires étrangers, les références savantes qui se glissent dans les récitsfantastiques de Gautier contribuent à désorienter le lecteur. Le narrateurd’“Arria Marcella,” par exemple, multiplie les références (1) aux languesétrangères: lettres osques (AM 253), De viris illustribus, Selectae e profanis[= ouvrages didactiques utilisés pour enseigner le latin]; (2) aux beaux-arts:Salvator Rosa, Espagnolet, cavalier Massimo (AM 247), Horace Vernet ouDelaroche (AM 250), Vénus de Milo (251), Phidias (AM 262, 265),Cléomène (AM 262), et Sosimus de Pergame (AM 264); (3) à la mythologiegréco-latine: de petits Priapes (AM 257), Phoebé (AM 261), Pâris continued’enlever Hélène (AM 266), Hadès, Éros, Aphrodite, Tyndare, Ixion (AM267), Empouse, et Phorkyas (AM 269); (4) à l’architecture de l’Antiquité: lethymelé du théâtre tragique (AM 241), péristyle couvert, exèdre (AM 244),tétrastyle (AM 245), colonnes d’ordre dorique (AM 253), colonne de marbregrec d’ordre ionique (AM 264), du Parthénon (AM 265); et (5) à l’histoire:Alexandre le Grand, César (AM 241), Lucullus, Trimalcion (AM 246), Duil-ius (AM 248), Polybe (AM 249), Sémiramis, Aspasie, Diane de Poitiers,Jeanne d’Aragon (AM 251), Titus (AM 254, 256, 259, 267), les jardins deNéron (AM 259), et Cléopâtre (AM 251, 267).

Abondent également les expressions et termes étrangers, rarement translit-térés, souvent en italiques:

corricolo (AM 238), matutini erunt (AM 243), patio, impluvium,cavaedium, nymphaeum, cubiculum, conopeum (AM 244–45), osteria,triclinium (AM 246), cacio-cavallo, palforio (AM 247), consule Planco(AM 248), Cave canem, Ave (AM 253), hic habitat felicitas, Advena,salve. (AM 257)

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Devant cette surdétermination encyclopédique, deux attitudes sont possibles:ou bien le lecteur évite de réduire l’effet d’étrangeté que suscite cet embarrasde références culturelles en acceptant de ne pas tout savoir, ou bien il prendses distances (cf. Bouvet, “Notes”) par rapport au récit en consultant desguides extratextuels: encyclopédies, dictionnaires, les notes en bas de pagedans l’édition de Marc Eigeldinger des Récits fantastiques. Qu’elles suscitentun sentiment d’étrangeté ou provoquent un effet de distanciation, cesréférences relèvent d’un exotisme de second degré, qui fait contraste avec lepittoresque recherché par le cicerone italien au début du récit.

Guide imparfait, le texte est aussi un guide trompeur qui se rapproche du“unreliable narrator” dans le récit gidien (cf. Booker). Certes, le texte sembleparfois venir en aide au lecteur en proposant des hypothèses relatives auxphénomènes insolites qui se manifestent dans le récit. D’où viennent lesformes qu’Octavien croit apercevoir et les chuchotements qu’il croit entendreau début de sa promenade nocturne dans Pompéi? Le personnage-focalisateurmet de l’avant une explication de type rationnel: “Notre promeneur les attribuad’abord à quelque papillonnement de ses yeux,—ce pouvait être aussi un jeud’optique, un soupir de la brise marine, ou la fuite à travers les orties d’unlézard ou d’une couleuvre, car tout vit dans la nature, même la mort, tout bruit,même le silence” (AM 252). Cette hypothèse laisse son auteur insatisfait:“Cependant il éprouvait une espèce d’angoisse involontaire, un léger frisson.”Il pousse son rationalisme à l’extrême en cherchant à expliquer ce “léger fris-son,” celui-ci ayant pu “être causé par l’air froid de la nuit, et faisant frémir sapeau” (AM 252). L’énigme des formes et de chuchotements étant encore irré-solue, le personnage propose une nouvelle hypothèse: “Ses camarades avaient-ils eu la même idée que lui, et le cherchaient-ils à travers ces ruines? Cesformes entrevues, ces bruits indistincts de pas, était-ce Max et Fabio marchantet causant, et disparus à l’angle d’un carrefour” (AM 252)? Octavien finit parrejeter cette dernière hypothèse: “Cette explication toute naturelle, Octaviencomprenait à son trouble qu’elle n’était pas vraie, et les raisonnements qu’ilfaisait là-dessus à part lui ne le convainquaient pas” (AM 252).

Les événements bizarres qui suivront le conduiront à renoncer carrément àtout effort interprétatif:

Ne comprenant plus rien à ce qui lui arrivait, Octavien, ravi au fond devoir un de ses rêves les plus chers accompli, ne résiste plus à son aventure,il se laissa faire à toutes ces merveilles, sans prétendre s’en rendre compte;il se dit que puisqu’en vertu d’un pouvoir mystérieux il lui était donné devivre quelques heures dans un siècle disparu, il ne perdrait pas son tempsà chercher la solution d’un problème incompréhensible. (AM 256)

Les récits fantastiques conduisent-ils le lecteur à abdiquer à la raison commeOctavien? Rien n’est moins sûr, car certains détails l’amèneront à proposerses propres explications rationnelles, dont l’hypothèse du rêve. En effet, le fait

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que dans les trois récits de Gautier tout se passe après que le personnage-témoin se fut couché semble justifier cette hypothèse. La promenade d’Oc-tavien ne se déroule-t-elle pas à l’heure du coucher?

Max et Fabio se retirèrent dans leur chambre, et, la tête un peu alourdiepar les classiques fumées du Falerne, ne tardèrent pas à s’endormir.Octavien, qui avait souvent laissé son verre plein devant lui, ne voulantpas troubler par une ivresse grossière l’ivresse poétique qui bouillonnaitdans son cerveau, sentit à l’agitation de ses nerfs que le sommeil ne luiviendrait pas, et sortit de l’osteria à pas lents pour rafraîchir son front etcalmer sa pensée à l’air de la nuit. (AM 251)

Octavien se serait-il endormi sans le savoir? se demande le lecteur. La sortied’Octavien marquerait, selon cette lecture, le début du rêve qui devait lui per-mettre de copuler avec une femme morte. L’évocation du sommeil dans “Lacafetière” justifie a priori l’hypothèse du rêve:

Je ne remarquai ces choses qu’après que le domestique, déposant sonbougeoir sur la table de nuit, m’eut souhaité un bon somme, et, jel’avoue, je commençai à trembler comme la feuille. Je me déshabillaipromptement, je me couchai, et, pour en finir avec ces sottes frayeurs,je fermai bientôt les yeux en me tournant du côté de la muraille. (LC 56)

Quoique cela ne soit pas certain, rien n’empêche le lecteur de considérer lasuite comme l’événement déclencheur du rêve: “Mais il me fut impossible derester dans cette position: le lit s’agitait sous moi comme une vague, mespaupières se retiraient violemment en arrière. Force me fut de retourner et devoir” (LC 56). De même, le surnaturel dans “Le pied de momie” survientaprès que le narrateur se fut couché:

Je bus bientôt à pleines gorgées dans la coupe noire du sommeil; pendantune heure ou deux tout resta opaque, l’oubli et le néant m’inondaient deleurs vagues sombres. Cependant, mon obscurité intellectuelle s’éclaira,les songes commencèrent à m’effleurer de leur vol silencieux. Les yeuxde mon âme s’ouvrirent, et je vis ma chambre telle qu’elle était effec-tivement: j’aurais pu me croire éveillé, mais une vague perception medisait que je dormais et qu’il allait se passer quelque chose de bizarre.(PM 184–85)

Le narrateur aurait donc rêvé de la résurrection d’une momie. Autrement dit, lesindications liées au sommeil dans les trois récits font aboutir le lecteur à la con-clusion suivante: rien de surnaturel n’a vraiment eu lieu, ce n’est qu’un rêve.

La suite des trois récits montre que ces stimulations d’inférences n’étaient enfait que des pièges. Le lendemain de sa promenade nocturne dans Pompéi,Octavien n’est plus dans sa chambre. Max et Fabio finissent par le trouver“évanoui sur la mosaïque disjointe d’une petite chambre à demi-écroulée” (AM

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270–71). Octavien était-il atteint de somnambulisme? Peut-être, mais l’hy-pothèse surnaturelle est tout aussi crédible: Octavien a vraiment vécu tout ce quiest raconté dans le récit. Le dénouement des deux autres récits ne permet pasnon plus de valider l’hypothèse du rêve. Le lendemain du bal d’automates dontil a témoigné, Théodore se met à dessiner une cafetière sans y penser. Son hôtey reconnaît le visage de sa soeur défunte Angéla. Le lecteur comprend qu’il estquestion de la femme-cafetière avec qui Théodore a dansé pendant la nuit; selonlui, le dessin mystérieux est la preuve que les événements surnaturels de la nuitont réellement eu lieu. “Le pied de momie” tend un piège semblable au lecteur.À son réveil, le narrateur, en compagnie de son ami Alfred, découvre la figurineque la princesse Hermonthis portait à son cou lors de son apparition nocturne:“mais jugez de mon étonnement lorsqu’à la place du pied de momie que j’avaisacheté la veille, je vis la petite figurine de pâte verte mise à sa place par laprincesse Hermonthis!” (PM 193). S’il n’était question que d’un rêve, alors quiaurait pu voler le pied de momie et mettre à sa place la figurine de la princesse?Autrement dit, les récits de Gautier ont joué un tour au lecteur: après avoir guidéle lecteur vers des hypothèses naturelles, ils mettent en lumière les limites queprésente une lecture rationalisante du fantastique.

En gros, les récits fantastiques de Gautier semblent dire qu’à force d’adopterune attitude interprétative, le lecteur néglige l’essentiel: la lecture du fantastiqueest une quête, une quête de l’inaccessible. Cette quête de l’inaccessible justified’emblée une mise en parallèle entre le fantastique gautiériste et l’art. Laréférence artistique (cf. Whyte, Théophile) est omniprésente dans les récits fan-tastiques de Gautier: des portraits qui sortent de leur cadre, des dessins, desobjets mystérieux que l’on ne s’étonnerait pas de retrouver dans un musée, desfigurines, etc. Angéla, la princesse Hermonthis, Arria Marcella, incarnationd’une beauté idéale, parfaite, inaccessible au regard contingent du lecteur, appa-raissent moins comme des représentations stéréotypées de l’Étranger quecomme des oeuvres d’art qui ne sont qu’une version approximative de la formequ’elles prennent dans le ciel des Idées. Selon l’esthétique gautiériste, lafemme-statue fournit l’approximation la plus juste de cette beauté idéale.L’évocation du moule du sein d’Arria, aux formes si pures, permet de mettreen relief les trois aspects fondamentaux de cette esthétique:

(1) En donnant à voir le contour d’un sein, ce moule laisse entrevoir aulecteur l’objet même de sa quête: une beauté formelle, transcendante,dont on ne peut se rapprocher qu’à travers l’art.

(2) Le mystérieux sein d’Arria, qui a laissé sa trace dans “un morceaude cendre noire coagulée” (AM 238), renvoie à l’idée de la mort, dontl’humain ne peut découvrir le secret de son vivant. Songer à la mort,c’est comme entrevoir le Beau à travers l’oeuvre d’art: c’est se mettre àla poursuite de quelque chose qui échappe à l’être vivant. De même, sile fantastique, comme l’oeuvre d’art, permet au sujet de se rapprocher

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du Beau, il lui montre aussi qu’il ne pourra jamais l’atteindre au coursde son existence ici-bas.

(3) Le sein lui-même est absent; il n’est qu’entrevu ou imaginé. Le désird’Octavien est le fruit d’un manque, le personnage désire voir un seinqui se cache. Comme pour le strip-tease dont parle Roland Barthes(19–20), le plaisir d’Octavien réside moins dans la contemplation dusein entrevu que dans l’espoir de le voir un jour (cf. David-Weill 39).Cet espoir de voir un sein est à rapprocher de la quête du lecteur dont leplaisir est à rattacher moins à la résolution d’énigmes et à la découverted’un monde insolite, qu’à la recherche même de ce monde. Toutefois,cette conception du fantastique oblige le lecteur à faire preuve d’humi-lité. Car partir à la recherche de l’inconnu, c’est aussi accepter de ne pastout savoir, c’est reconnaître que l’on ne sait pas tout.

Université du Québec à Montréal

1. Désormais, “Arria Marcella” sera désigné dans le texte par le sigle AM.2. Désormais, ce récit sera désigné dans le texte par le sigle PM.3. Désormais, ce récit sera indiqué dans le texte par le sigle LC.

TEXTES CITÉS

Barthes, Roland. Le Plaisir du texte. Paris: Seuil, 1973. Baudry, Robert. “Gautier voyageur . . . du temps.” Bulletin de la société Théophile Gautier 15

(1993): 481–96.Booker, John T. “The Immoralist and the Rhetoric of First-Person Narration.” Studies in Twentieth

Century Literature 2.1 (1977): 5–22.Bouvet, Rachel. Étranges récits, étranges lectures: essai sur le fantastique dans la littérature.

Montréal: Balzac-Le Griot, 1998.———. “Notes de traduction et sensation d’exotisme dans La Trilogie de Naguib Mahfouz.”

Revue de littérature comparée 3 (1997): 341–65. David-Weill, Natalie. Rêve de pierre: la quête de la femme chez Théophile Gautier. Genève:

Droz, 1989.Dupriez, Bernard. Gradus: les procédés littéraires. Paris: Union générale d’éditions, 2000.Dyer, Thomas H. Pompei. Its History, Buildings, and Antiquities. London: Bell, 1891.Eco, Umberto. Lector in fabula: le rôle du lecteur. Trad. Myriem Bouzaher. Paris: Le Livre de

Poche, 2001. Fabre, Jean. Le Miroir de sorcière: essai sur la littérature fantastique. Paris: Corti, 1992.———.“Pour une sociocritique du fantastique et de la science-fiction.” Les Ailleurs imaginaires.

Les rapports entre le fantastique et la science-fiction. Ed. Aurélien Boivin, Maurice Émond, etMichel Lord. Québec: Nuit blanche, 1993. 109–19.

Gautier, Théophile. Récits fantastiques. Ed. Marc Eigeldinger. Paris: Garnier-Flammarion, 1981.Iser, Wolfgang. L’Acte de lecture: théorie de l’effet esthétique. Trad. Evelyn Sznycer. Bruxelles:

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