le chamanisme himitsu 127pages 12 illustrations

127
don Mino BALTA Introduction au chamanisme HIMITSU troisième tirage — juin 2009 — (premier tirage février 2006) A R É A M Collection Propos sur l’Himitsu Volume IV © d.M.BALTA Texte déposé et protégé selon la loi du 11 mars 1957 et la loi du 3 juillet 1985. Toute reproduction, par quelque procédé que ce soit, interdite. 1

Upload: changzhen

Post on 25-Nov-2015

110 views

Category:

Documents


8 download

TRANSCRIPT

  • don Mino BALTA

    Introduction au

    chamanismeHIMITSU

    troisime tirage juin 2009

    (premier tirage fvrier 2006)

    A R A M

    Collection Propos sur lHimitsu

    Volume IV

    d.M.BALTA

    Texte dpos et protg selon la loi du 11 mars 1957 et la loi du 3 juillet 1985. Toute reproduction, par quelque procd que ce soit, interdite.

    1

  • Sommaire

    Ddicace.................................................................p. 3

    Avant-propos.........................................................p. 5

    Questions-rponses................................................p. 9

    Illustrations...........................................pp.118 126

    Tableau synoptique des pratiques Himitsu.......p. 127

    2

  • mes Frres,guerriers du Rel,

    traqueurs de Vrit,rveurs de mondes.

    Ils voyagent,avec laide de leurs Allis,

    dans limmensit de lInconnu.Ports par les ailes de leur Intention

    ils osent briser le carcan de lordinaire perception.Aprs le doute, la solitude et leffroi,

    leur impeccabilit leur ouvre les portes du Voir.Leur conscience stend au del de lhumain.

    LAigle les laisse passer :ils sondent linfini.

    3

  • Nota bene

    La traduction des termes japonais en langue franaise respecte ici les rgles suivantes : les lettres u se prononcent ou (Himitsu = himitsou). Bien que lusage soit de lire les e en les prononant (te = t), jai souvent utili-s laccent aigu () pour faciliter la lecture.

    tant donn que les termes orthographis usuellement ai sont pro-noncs soit ai (comme dans lait), soit a (comme dans ailleurs), sans quil soit possible de les distinguer, sauf pour le connaisseur, jai pris le parti de les crire au plus prs de leur prononciation en franais. Par contre, jai respect lusage voulant que le son e (comme dans abeille) scrive ei. (geisha = gesha). Jai galement respect la tradition japonaise pour la ci-tation des noms qui veut que lon donne en premier le nom de famille et en second le prnom, les titres honorifiques et les grades tant placs par-fois avant le nom, parfois aprs le prnom ou le surnom.

    Les langues idographiques nutilisent pas les majuscules, elles sont prsentent ici pour distinguer les noms propres, les prnoms et les noms de pays ou de rgions des noms dobjets. La majuscule figure toutefois en dbut de paragraphe, comme il est dusage en langue franaise.

    Les autres termes trangers (arabes, afghans, chinois, hbreux, sans-krits, etc.), tant donn leur varit et les difficults intrinsques leur prononciation, sont orthographis au plus prs de leur articulation par rapport la langue franaise, en dehors de tout usage classique dordre universitaire, les propos tenus ici ntant pas destins des linguistes, mais mes lves, qui sont, avant dtre des spcialistes des langues orientales, des chercheurs fermement inscrits dans leur pratique corpo-relle, ce qui ne les empche pas, bien videmment, de se poser des ques-tions dordre intellectuel, philosophique, religieux ou traditionnel.

    4

  • Avant -propos

    Cette dernire livraison constitue le quatrime volume de la collection Pro-pos sur lHimitsu. Jy traite des fondements chamaniques de la pratique. Ils sont issus plus particulirement dun grand nombre dapproches amrindiennes, chi-noises, japonaises et soufies. Le chamanisme est le cur invisible des applications que je propose depuis 1984 par le biais du Sei-no-Iki (Akido-global, Iado, Jodo, Tssen) et de lHimitsudo, pratiques traditionnelles composant le corps techni-que, symbolique et sotrique de lHimitsu.1

    De nombreuses modifications ont t apportes par rapport aux pratiques auxquelles jai t initi. Ces adaptations aux circonstances vitales, aux capacits et aux ncessits des lves sont indispensables : il a t absolument invitable de les accorder la matrialit de la civilisation occidentale contemporaine. Pour-tant, il ne sagit ni dune compilation, ni dune rduction : lesprit du chama-nisme originel est entirement prserv au sein des pratiques Himitsu. Jai veill tout particulirement, parfois avec frocit, ce que les principes fonda-mentaux du chamanisme ne soient pas dforms et surtout ce quils ne subissent pas les effets dvastateurs de la vulgarisation svissant actuellement dans tous les domaines explors et exploits par les socits occidentales ou occidentalises.

    Le chamanisme est la racine de toutes les civilisations ainsi que le fondement de toutes les religions et son origine se confond avec la nuit des temps. Il est no-table que la grande majorit des techniques chevaleresques chinoises et japonai-ses, en particulier celles de lAkido, soient directement inspires du chamanisme ; cest un fait indniable. Matre Noro Masamichi, le crateur du Kinomichi, ma confi que Ushiba Morih sensei, le fondateur de lAkido contemporain, avait travaill avec un matre tibtain certaines pratiques de mditation au cours des-quelles des tats de conscience modifie, de transe, taient produits. Il sagit l de trs anciennes pratiques chamaniques. Matre Noro ma certifi que la mort de sensei avait t provoque par une technique tibtaine douverture dun centre nergtique au niveau du front (ajna chakra ?) et non pas de la faon habituelle-ment admise. Il ma prcis quil ntait pas certain de ses dires mais quil y avait de fortes chances pour quils soient le reflet de la ralit tant donn la curiosit insatiable de sensei envers tout ce qui tait en mesure de le faire pro-gresser dans sa qute.

    5

    1 La mthode Himitsu est constitues principalement des disciplines suivantes : 1) Akido-global Sei-no-Iki ; 2) Iado Sei-no-Iki (Voie de lharmonisation de ltre) - Jodo Sei-no-Iki (Voie de la canne) - Tssen-Sei-no-Iki (ventail martial) ; 3) Himitsudo, et 4) Himitsu. (Voir les vol. I, II et III, de la mme collection)

  • Le bouddhisme tibtain a conserv de nombreuses techniques chamaniques empruntes la trs ancienne religion Bn (Beunn) qui est un rservoir de prati-ques chamaniques ayant pour origine lAsie du Nord-Est, cest--dire la rgion la plus rpute pour la puissance de ses chamanes. sensei Ushiba a voyag en Mandchourie et l, il a travaill avec des matres qui lui ont confi des pratiques de mditation et de dveloppement de l Esprit-nergie [chikon] soutenant par son souffle toutes les formes de vie [iki].

    Le chamanisme a mis au point des moyens trs efficaces permettant de fu-sionner au niveau de la conscience ordinaire les richesses les plus vastes issues des Trois Mondes 2 et simultanment de faire merger celles qui gisent dans le cur de ltre. Ce nest quen pratiquant intensment certains exercices chamaniques que jai pu exprimer, entre autres aptitudes, mon intuition, mes ambitions pdagogiques et mes capacits de gurisons nergtiques.

    Avant de passer aux questions qui mont t poses, permettez-moi de prci-ser que je ne me rfre absolument pas au chamanisme tel quil a t dcrit par des auteurs mondialement rputs comme Mirca liade.3 De plus, je ne suis pas dtenteur, ni tributaire, dune filiation chamanique classique : je ne fais quuti-liser certaines techniques dorigine chamanique. Aucun chamane 4 ou matre-sorcier5 ne ma autoris reprsenter une forme reconnue de chamanisme.

    Bien quayant travaill sous la direction de certains chamanes je ne suis pas en mesure dendosser, pour linstant, les responsabilits traditionnelles dun vri-table chamane. Par contre, je revendique lthique du chamanisme en raison du regard quil porte sur les humains et sur la Cration. Son respect des tres vivants et des choses de la Terre est profondment sincre, rel : il lenseigne et surtout, il le met en pratique quotidiennement. Dans ce sens le chamanisme est mien : il a investi mon esprit, il contrle mon souffle, il commande mon corps. Mes prati-ques chamaniques, et les connaissances qui sy rapportent, mont ouvert un champ dexprimentation trs vaste et des lments prcieux de comprhension qui sont la base de mon enseignement actuel. Jen avais pressenti lexistence durant mon apprentissage de lAkido et du Iado, ds les annes 1960. Plus tard, dbut de annes 1980, certains de mes guides occultes mont indiqu une orienta-tion prcise, dordre sotrique, en ce qui concerne le sens profond que devait

    Introduction au chamanisme Himitsu Avant-propos

    6

    2 On distingue les Monde du Ciel, de lHomme et de la Terre.

    3 Le chamanisme et les techniques archaques de lextase, Payot d., Paris, 1951-1968-1974-1983.

    4 Chamane, avec un e de faon en faciliter la pronociation en langue franaise.

    5 Sorcier est utilis ici dans le sens donn par la tradition Toltque, telle quelle est prsent par Carlos Castaneda dans ses nombreux ouvrages. La pratique chama-nique y est dcrite comme une sorcellerie. Les mots sorcier et sorcellerie nont aucun rapport avec ce qui est entendu habituellement en Occident chrtien. Sorcier d-signe ici un matre-enseignant ou un apprenti ; sorcellerie dsigne la Voie. Il ny a donc aucune acception pjorative ou ngative relier ces termes.

  • prendre mon enseignement. Au bout de quelques annes de mise lpreuve ils mont clairement impos la cration de lHimitsu et ils mont rvl son sens onto-logique et sa relation avec le chamanisme.

    Je tiens ce que mes propos soient bien compris et quainsi il soit vit de mattribuer lorigine de lHimitsu ainsi que les savoirs qui lui sont inhrents : je ne suis quun serviteur tentant de rpondre aux ordres donns par mes guides. Il ny a donc aucune raison pour mattribuer des qualits cratrices qui ne sont pas les miennes. Je ne possde quune seule volont : celle de rpondre du mieux pos-sible ce que mes guides mont demand daccomplir par le biais de lHimitsu. Sils dcident de me faire manifester la Voie par le biais dune autre structure que celle de lHimitsu, jabandonnerai immdiatement cette forme denseignement pour emprunter la nouvelle Voie. Je ne suis peut-tre engag que provisoirement dans lenseignement de lHimitsu, qui sait ?

    Il faut se rendre compte quune Voie est toujours rapidement dnature victime du dtournement et de la falsification de ses intentions initiales ds la deuxime gnration denseignants. Je sais donc que lHimitsu ne perdurera pas : il nest quun vecteur de principes sotriques en correspondance avec lpoque actuelle, pour certains tres, dans un certain cadre, dans un lieu donn. LHimitsu devra forc-ment disparatre pour renatre sous dautres aspects de faon pouvoir apporter une rponse adapte aux circonstances des temps futurs. La Voie subsistera tant quil y aura des hommes dsireux de la parcourir, mais les formes du cheminement seront toujours diffrentes. Sattacher aux usages issus du pass ne prsente quun intrt ethno-historique. Il est toujours rducteur, et parfois dangereux, de continuer pra-tiquer avec des outils anciens, si beaux ou si intressants quils puissent paratre.

    Il y a bien des annes je me suis prsent humblement, mais fermement, devant lIntention de lUnivers. Elle a bien voulu accepter la ddication de ma propre intention et Elle ma ordonn dtablir les bases de la mthode. Tout dabord, il ma t donn le nom : Himitsu. En faisant mes recherches tymologiques (je ntais mme pas certain que cette expression existe dans le vocabulaire japonais) jai pris conscience de lorientation globale quil me faudrait donner ma prati-que : rvler certains secrets, dvelopper le got de la perception de linvisible tout en apprenant aux lves raffermir leur ancrage terrien, cest--dire garder leur bon sens. Des interventions providentielles mont conduit tablir les bases de ma mthode. Elles sont de plus en plus frquentes et prcises. Elles me guident maintenant dans le perfectionnement de ma pdagogie. Les techniques chamaniques sont simples mettre en uvre. Parmi dautres, jutilise quoti-diennement la reprise de soi, lart de la traque, le voir. Jemploie aussi les voyages et les rves.

    Le but de la pratique Himitsu est de conduire chaque chercheur vers une large vision-comprhension de sa vie, et des mondes dans lesquels il baigne, tout en respectant son autonomie. Je ne fais que tenter, en fonction de mes capacits, de servir lIntention de lUnivers pour que mes lves puissent partir de leur propre intention entrer en contact avec la Source de leur vie. Aucune tension

    Introduction au chamanisme Himitsu Avant-propos

    7

  • physiologique nest utilise, aucune pression psychologique non plus. Il ny a pas de croyance ou de dogme en Himitsu : il ne se rfre qu des faits tablis selon les intentions, la volont, les ncessits et les capacits de chacun.

    Lessentiel du travail est produit dans la vie quotidienne. Il existe cependant des moments privilgis durant lesquels il est possible demmagasiner une ner-gie favorisante (comparable la baraka des soufis) lment nourricier essentiel du pouvoir individuel indispensable la poursuite de toute qute sotrique. Ces instants de conscience sont tout dabord exceptionnels et trs courts, presque im-perceptibles. Pourtant ils marquent profondment ltre vritable. Les cours font natre ces moments providentiels. Laudition de musiques spcifiques, la vision de certaines uvres dart, de danses ou de paysages naturels peuvent galement nourrir ltre, en fonction de la qualit perceptive, de sa finesse et de lorienta-tion des intentions.

    Toute exprience spirituelle ne peut tre quindividuelle. Cette action ne fait aucunement appel lgosme : lentraide mutuelle est de rigueur dans le chama-nisme. Le chamane est, avant tout, un gurisseur des corps et des mes : il agit utilement au sein de la socit pour soulager les souffrances, rsoudre les litiges, harmoniser les hommes et leurs rapports avec la nature et les dieux.

    Les questions sont prsentes dans un ordre volontairement dcousu. Cette dsorganisation apparente se veut le reflet de la qute chamanique qui voit sans cesse le chercheur avancer, puis reculer, ravancer et reculer indfiniment

    Avant dentrer dans le vif du sujet, permettez-moi, dclaircir un dernier point : de nombreux pratiquants de Budo, de Wushu ou de Yoga ne me connais-sent que par ou-dire et leurs points de vue sur mon enseignement ou sur mon individualit ne sont pas toujours exacts : ils ont souvent tendance miden-tifier avec mes anciens professeurs, du moins partir de ceux quils auront pu reprer, ou mme avec les individus qui leur parlent de moi sans bien me conna-tre. Par ce biais je me retrouve assimil des personnalits qui me sont totale-ment trangres, en particulier en ce qui concerne ma conception des pratiques et des enseignements qui peuvent mener percevoir des facettes inhabituelles de la Ralit. Si vous projetez sur mes propos limage que vous vous faites de moi, tort ou raison, vous les limiterez forcment aux aspects superficiels de ma per-sonnalit. Lessentiel sera alors touff et masqu par lanecdotique, et vous ne pourrez pas percevoir les lments, ventuellement utiles votre recherche, qui peuvent tre cachs derrire la forme parfois complexe de mon discours.

    don M. B.Paris, Juin 2005

    Introduction au chamanisme Himitsu Avant-propos

    8

  • Questions Rponses

    Question : Quels sont les rapports entre le chamanisme et les composantes principales de lHimitsu ?

    Rponse : En premier lieu il faut savoir que la majorit des outils que jutilise dans la premire section de ma mthode est emprunte lAkido de matre Ushiba Morih. 6 Cette forme dAkido a t influence par les pratiques personnelles du matre, qui taient toutes trs proches du cha-manisme. Le Shint ancien (ou Koshint), lomotoky, le Kototama, les orientations [ma-a-a], les purifications [misogi], les missions nergti-ques [kokyu], les exorcismes [hara] ont t largement utiliss par matre Ushiba. Tous ces moyens sont des drivs de formes chamaniques ja-ponaises et chinoises, elles-mmes tires du chamanisme ouralien ou sibrien.

    En second lieu, je pratique moi-mme des techniques chamaniques : soufies depuis presque cinquante ans, ds mon enfance sous la forme de lEnseignement de G. Gurdjieff,7 japonaises ( partir de 1959), amrin-diennes ( partir de 1977), enfin gyptiennes (depuis 1996). Les bases thiques, techniques et thoriques de lHimitsu8 ont donc t largement inspires par le chamanisme. Contrairement ce que pensent quelques-uns de mes anciens lves, qui restent un peu trop attachs aux formes archaques des voies chevaleresques japonaises [Budo], que jenseignai il y a plus de vingt annes, lHimitsu nest pas une adaptation de lAkido, du Iado, du Tssen-jutsu ou du Jodo : il est une mergence du chamanisme ancien tenant compte des circonstances de vie de lhomme occidental contemporain. La confusion entretenue par certains ne tient pas seule-ment lintrt et au respect quils portent au Budo : elle est provoque par les nombreuses intgrations techniques effectues directement au niveau de principes sotriques inhrents tous les Budo traditionnels.

    9

    6 Akido : Voie de lharmonisation des nergies-esprit , de a, harmoniser les contraires (antonyme : wa, harmonisation des semblables ) ; ki nergies vitales, esprit ; do, Qute spirituelle place sous la frule dun matre, Voie, Cheminement spirituel disciplin, contrl .

    7 Cf. lintroduction donne par lauteur dans La quatrime voie, de P. D. Ous-pensky, ARAM d., Paris, 2006.

    8 Voir Origines, buts et pdagogie de la mthode Himitsu, vol. II de la coll. Propos sur lHimitsu, ARAM d., Paris, 2002-2007.

  • Ces emprunts, bien quayant fait lobjet de nombreuses adaptations, peu-vent tre confondus avec des techniques martiales internes.

    Vos adaptations ne sont-elles pas des redcouvertes relatives aux aspects inter-nes, nergtiques et spirituels, des pratiques chevaleresques traditionnelles ?

    Non, lHimitsu na rien voir avec les prospectives chevaleresque japo-naises, du moins avec celles qui sont maintenant en vogue. Sa ressem-blance avec les pratiques Budo nest lie qu lutilisation dun nombre limit de techniques aki se retrouvant uniquement dans ses deux premires sections. LHimitsu utilise des outils drivs directement de certaines voies chevaleresques japonaises, mais ces emprunts sont modestes. Je ne me suis inspir que dun trs petit nombre de processus Budo en remettant en avant les points de vues nergtiques qui y sont normalement intgrs mais qui avaient t carts par de nombreux professeurs, pour la (mau-vaise) raison quils ntaient pas utiles au dveloppement de lefficacit martiale.

    Linterne est la source de lefficacit martiale. Pourquoi les professeurs de Budo ont-ils dlaiss cette approche ?

    Parce quils se sont transform en sportifs martiaux. Les professeurs infods aux critres sportifs ont jug quil fallait renforcer les seuls l-ments physiques. Pour les entraneurs sportifs la force et la rapidit des gestes priment sur la puissance apporte par la coordination, la justesse et la conscience.

    Il y a plus de trente ans, la Fdration Franaise de Judo avait dcid de supprimer ltude des formes codifies traditionnelles [kata], sous prtexte que ctait une perte de temps, que cela ne servait rien, quil valait mieux faire de la musculation et du footing... Rapidement les vic-toires de lquipe de France se firent de plus en plus rares.

    Au bout de deux ou trois annes de dfaites successives, un conseil technique se runit pour examiner la situation et tenter de rtablir un meilleur pourcentage de russite. Un des membres de cette haute instance fdrale, un peu plus fut que les autres, eut une ide de gnie : Rta-blissons ltude des kata ! . la suite de lapplication de cette bonne ide les rsultats samliorrent progressivement, ce qui est normal, les kata contenant lessence dune discipline, leur tude permet daccder aux contenus subtils de la pratique concerne jusqu pouvoir approcher ses principes philosophiques, lorsquils y sont inclus, sans oublier lacqui-sition des bases techniques indispensables lpanouissement personnel du pratiquant ici, du judoka. Mme le comptiteur le plus born peut senrichir en pratiquant les kata. LAkido est actuellement dans une situation beaucoup plus critique que celle dans laquelle se trouvent le Judo, le Karatdo ou le Kendo car il nuse pas de la comptition.

    Introduction au chamanisme Himitsu Questions-rponses

    10

  • Vous ntes tout de mme pas pour linstauration de la comptition spor-tive en Akido !

    Rassurez-vous, non, pas du tout ! Laissez-moi vous expliquer ce que jai en tte. La comptition est un moyen parfait pour tester la force, les rflexes et une certaine forme defficacit. Malgr mes rserves, je respecte lengagement viril, condition quil ne soit pas seulement inscrit dans le cadre de la comptition sportive, secteur qui nest porteur daucune pros-pective saine puisque, trs court terme, il engendre invitablement des blessures physiques et psychologiques. Les tatami 9 du dojo10 ne sont pas un champ de bataille, mais il y est possible dy prouver certaines ralits physiques. Il faut aussi disposer dun minimum de courage. Comme lAkido nutilise pas la comptition, de nombreuses illusions peuvent en profiter pour se glisser dans lesprit des pratiquants : lakidoka 11 lambda simagine quil est invincible ! Ce qui est, bien sr, tout fait faux. Un combat rel na radicalement rien voir avec ce que lon pratique dans un dojo. Je connais plusieurs chefs dcole qui, se retrouvant en situation dagression, ont t dans lincapacit de se dfendre : ils ont pris une svre correction Ces remise lordre, par rapport la ralit du combat, ont t administres par des petits voyous qui navaient jamais mis les pieds dans un dojo. La rue est la meilleure cole qui soit pour le combat de rue. Le dojo nest pas un endroit convenable pour apprendre se battre : il est un espace sacr ddi ltude dune voie chevaleresque ou dun art.

    Jai assist de nombreux cours de Sei-no-Iki et jai constat des similitudes entre les exercices que vous montrez et ceux de lAkido. Les mouvements que vous proposez, bien que visiblement inspirs par des lments inhrents lAkido traditionnel, sont paradoxalement tout fait diffrents. Comment expliquez-vous la prsence simultane de ces concordances et de ces diffrences ?

    Les quelques similitudes constates sont dordre technique. Les diff-rences sont dordre subtil, relatives lorientation des intentions. La faon de pratiquer que je propose (et parfois impose) mes lves na rien

    Introduction au chamanisme Himitsu Questions-rponses

    11

    9 Tatami : terme gnrique dsignant, dans le cadre du Japon traditionnel, les nattes recouvrant le sol. Pour le Budo ce terme dsigne la surface ddie la pra-tique. Les tatami servent amortir les roulades ou ukmi ( accepter, aller dans le sens du cur ). Le tatami est une sorte de matelas de sol fabriqu traditionnel-lement en paille de riz cousue. Il mesure un peu moins de 2 m de longueur, 1 m de largeur et son paisseur est de 4 10 cm. Cest une surface suffisante pour quun homme y dorme confortablement. Actuellement ils sont fabriqus avec des plaques de mousse artificielle et recouverts dune bche de coton ou de matire synthtique.

    10 Dojo : espace couvert consacr ltude de la voie .

    11 Le suffixe ka indique un pratiquant ayant de lexprience. Akidoka dsigne un pratiquant dAkido confirm, accompli. En sanskrit on retrouve avec gi la mme fontionnalit que le ka japonais : yogi = pratiquant de Yoga accompli.

  • voir avec ce qui est gnralement demand dans les cours dAkido : habituellement, les professeurs se contentent de la rptition mcanique des gestes. Aucun but ducatif nest envisag : seule la russite tech-nique (faire tomber, frapper ou immobiliser) est considre. Aucune corrlation nest faite entre le travail aki (lharmonisation) et le faire dans la vie quotidienne. LHimitsu na aucun point commun avec le Budo tel quil est envisag de nos jours, ni au niveau de ses buts, ni au niveau des moyens engags.

    Les similitudes entre le Budo et lHimitsu sont pourtant nettes.Oui, certainement. Je ne renie pas mon hritage Budo. Mais, de quel

    Budo parlons nous ? Il ne faut pas oublier que le Budo martial moderne est lhritier du Bujutsu. 12 Il a t dvelopp par la classe des militaires japonais ds la fin du XVIIe sicle. Ceux du XIXe et du XXe sicles ont tendu leurs actions la conqute de territoires trangers (Birmanie, Chine, Core, Mandchourie, Vitnam, etc.) alors quavant les luttes ne se droulaient pratiquement quentre japonais et presque exclusivement sur leurs territoires.13 En mme temps les expansionnistes ont encourag la cration dun Shint National (en ralit beaucoup plus nationaliste que national) vritable dtournement politique du Shint ancien. [Koshint].

    Au Japon le Budo actuel conserve encore quelques traces de la politi-que expansionniste par le biais de lenseignement de professeurs anciens combattants de la dernire Guerre mondiale, qui sont encore assez nom-breux. Mais, lenseignement est maintenant plus command par des impratifs sportifs et financiers que militaristes ou xnophobes, ce qui nest pas moins prjudiciable pour le pratiquant qui espre y trouver une voie de nature spirituelle.

    En Europe, surtout en France, il existe des formes de Budo de loisir enseignes par des gens qui compensent leur peu de technicit, et leur peur du contact avec la ralit physique, par un discours lnifiant, pseudo philosophique. Les japonais ne sont pas les derniers proposer ces Budo de confort , les chinois non plus avec leurs voyages organiss au temple de Shaolin, qui, soit dit en passant, a t totalement ras, par deux fois, au XIXe sicle On fait croire que des moines y dtiennent des secrets fabuleux, alors quavec le rgime Communiste, notoirement athe, ces

    Introduction au chamanisme Himitsu Questions-rponses

    12

    12 Bujutsu : technique martiale . Cf. le chap. Bujutsu-Bugei-Budo, vol. I de la coll. Propos sur lHimitsu, ARAM d., Paris, 2002-2006.

    13 Except les pirates japonais qui svissaient en mer de Chine, qui avaient de fr-quents contacts avec les marins chinois et corens.

  • derniers ont t systmatiquement massacrs ou dports, comme ceux du Tibet.14

    Les quelques similitudes que vous pouvez observer entre Budo et Himitsu sont superficielles : par exemple, jai conserv la tenue tradition-nelle utilise par le Budo, le dogi,15 car elle est trs bien adapte mes propositions. Sa couleur blanche, avec les symboles qui y sont lis, ainsi que sa forme et sa matire sont des lments qui favorisent la pratique. De plus, les pratiquants tant revtus de la mme tenue, les diffrences sociales et les gots vestimentaires de chacun sont effacs. Cette neutralit est utile pour ceux qui sont attachs aux apparences.

    Vous donnez vos cours dans un dojo. Cest un autre point pouvant prter confusion.

    Oui, vous avez raison. Je prfre travailler dans un dojo. Mais, mon nou-veau centre parisien na pas la mme apparence quun dojo traditionnel. Il y toujours un tatami car cette surface permet un travail sans risque. Un espace comparable au shinza est difi; mais les symboles qui y sont placs sont en rapport direct avec le chamanisme. Il serait trs positif de pouvoir disposer dune surface de travail ouverte sur des jardins en rapport symbolique avec les quatre lments mtaphysiques (Feu-Air-Eau-Terre), chaque jardin-lment tant mis en relation avec lorientation convenable. Cela ne pourra tre difi quen dehors des villes. En attendant, mon nouvel espace de tra-vail parisien est agenc du mieux possible du point de vue sotrique.

    Pouvez-vous nous parler des lments aki que vous utilisez en Himitsu, et des transformations effectues par vos soins.

    Pour raliser le plus grand nombre de mes emprunts je me suis servi de certaines techniques traditionnelles inhrentes diffrents Budo, pas uni-quement lAkido. Jai utilis en particulier des ducatifs corporels [ta-undo] que lon retrouve en Iado, en Jodo, en Karatdo et mme en Judo, sans oublier le Wushu 16 et lAstanga-Yoga. Je me suis galement inspir dexercices intgrs au Kototama et au soufisme car ils sont directement en relation avec le chamanisme. Jai modifi pratiquement toutes ces tech-niques, surtout celles relatives au Budo et au Wushu, en les enrichissant

    Introduction au chamanisme Himitsu Questions-rponses

    13

    14 Les perscutions contre toutes les religions et leurs reprsentants sont tou-jours vivement conseilles par les instances chinoises officielles. Certaines formes de bouddhisme, ou de taosme, revues et corriges par le dogme com-muniste, sont peine tolres, dans la mesure ou elles attirent les devises tran-gres.

    15 dogi : tenue japonaise ddie la pratique dune voie traditionnelle . Dans le cadre de mes cours, elle nest obligatoire que pour les pratiques directement relies au Budo.

    16 Wushu : terme dsignant les voies chevaleresques chinoises, dans leur en-semble. (Budo en japonais)

  • dlments qui leurs sont originellement tout fait trangers. Ces divers supports techniques mont aid exprimer des thories chamaniques qui nont rien voir avec lnergtique japonaise,17 qui est la base des prati-ques dites internes [an-kei]. Je nai conserv dans ce rpertoire ner-gtique ancestral que les lments les plus probants et les plus faciles appliquer. Ces lments subtils, inspirs du Budo et des arts mdicaux qui y sont lis, ne sont que provisoirement intgrs lHimitsu. Jai dj loign de ma mthode un certain nombre dentre eux pour les remplacer par des exercices plus efficaces et davantage en correspondance avec lesprit et les prospectives chamaniques.

    Je le rpte, lHimitsu est une forme de chamanisme. Il est beaucoup plus proche des pratiques castanediennes amrindiennes, et des coles soufies nes au Moyen-Orient, que des ducatifs internes des pratiques martiales japonaises [Budo] ou chinoises [Wu-shu]. LHimitsu nest pas une compi-lation de techniques nergtiques puises dans le Budo, le Wushu ou mme dans certaines formes de Yoga, aussi riches et intressantes que ces pratiques puissent tre.

    LHimitsu apporte la pdagogie traditionnelle un lment particulier : celui de lacquisition, le plus tt possible, dune forme dautonomie du pratiquant par rapport aux techniques qui lui sont proposes. Encore actuellement, dans de nombreuses coles traditionnelles, sous le prtexte de respect, on exige des disciples ladoption inconditionnelle dlments thoriques ou techniques assimilables des dogmes.

    Les pratiques chamaniques, et les connaissances symboliques et techni-ques sy rapportant, mont ouvert un champ dexprimentations et des comprhensions trs vastes dont javais pressenti lexistence, mais qui ntaient pas exploites par mes anciens professeurs de Budo, de Wushu ou de Yoga. Cest pourquoi javais toujours t insatisfait des rsultats obtenus par ces pratiques. Je nai pu vraiment augmenter mon champ de perception de la ralit que grce aux chamanisme, en particulier laide de rves dirigs et au moyen de voyages de la conscience en utilisant un tambour et un hochet (sorte de maracas). Ces instruments favorisent la modification de la conscience en provoquant un tat de transe lgre. Le tambour met des infrasons et des harmoniques ; le hochet, des ultra-sons. Bien que gnralement lusage dun seul de ces deux instruments soit suffisant pour produire un dcalage psychophysiologique, lutilisation simultane du tambour et du hochet est encore plus efficace. Des grelots sont parfois employs. Ils sont souvent placs aux chevilles pour tre en concordance avec le rythme des danses sacres.

    Ces pratiques sonores permettent la conscience ordinaire de faire place une conscience plus profonde. Il faut pouvoir conserver simultanment

    Introduction au chamanisme Himitsu Questions-rponses

    14

    17 Lnergtique japonaise est adapte de lnergtique chinoise, elle-mme base sur lnergtique ayurvdique de lInde ancienne.

  • une partie de la conscience ordinaire de faon pouvoir diriger ses visions et sen souvenir. Un apprentissage est ncessaire pour raliser ce contrle. Il est impratif de matriser les modifications de la conscience sous peine de voir lmergence dun tat-dtre archas comparable celui qui est pro-voqu par lusage de drogues hallucinognes, conduite qui mme une forme de soumission extrmement nuisible pour la sant physique et lquilibre mental. Il existe une autre forme de dpendance que celle rela-tive aux drogues : linfodation ou de la soumission une personnalit, un matre .

    Le chamanisme se propage prsent en Occident et, comme tout ce qui y est rcupr, on trouve un peu de tout : personnes sincres mais incomptentes, dautres possdant de vritables qualits chamaniques mais affubles dune me descroc. Pour ces dernires, le chamanisme nest quune marchandise : la veille ils vendaient du dveloppement personnel, aujourdhui des initiations chamaniques, demain des pouvoirs surnaturels et aprs demain, des aspirateurs

    Comment faire le tri parmi les nombreuses propositions qui se prtendent chamaniques ?

    Ne peuvent tre tromps que ceux et celles qui sont ouverts aux trompe-ries. La premire tant celle quils entretiennent avec eux-mmes : la sin-crit vis--vis de son tre rel protge des fausses propositions. Les plus exposs ces escroqueries sont ceux qui ont reu une ducation pousse, les savants, les grands quelque chose encenss par les instances offi-cielles ou la majorit populaire (acteur, cinaste, musicien, peintre, mde-cin, romancier, ingnieur, etc.). Les gens simples sont moins prsents dans les sectes, dautant plus quils sont souvent peu fortuns La sincrit correctement entretenue dans lesprit et le cur se manifeste par des actes relatifs au bon sens permettant de dtecter les propositions fallacieuses.

    Bien que conduisant une autonomie le chamanisme tabli des liens intimes entre les tres, seulement lorsquils sont ncessaires. Il ny a ni affectivit, ni sentimentalit, ni sensiblerie dans ce type de relation. Sim-plement, il existe une grande joie et un renforcement mutuel, qualits permettant de dvelopper simultanment une puissance virile et une sensibilit ouverte, lments indispensables pour ceux qui veulent pou-voir sengager sainement dans laugmentation de leur conscience, dans la dcouverte de leur ralit, puis de la Ralit. Dans cette dmarche, il ny a aucune place pour les mcanismes dinfodation ou de dpendance vis--vis de quelquun ou dun groupe de recherche.

    Je dois dire que sans les apports chamaniques il est trs probable que je naurais pas continu enseigner le Budo car, priv de leurs prcieux clairages, il nest quune agitation gestuelle insipide. Pire, il est devenu, sans la pierre de touche que reprsentait autrefois le combat rel, une pra-tique entretenant paradoxalement lillusion de lefficacit. Parfois, il se

    Introduction au chamanisme Himitsu Questions-rponses

    15

  • transforme en une mascarade philosophiante dgoulinante de fatuit pseudo-mystique. Le plus grave cest que ces genres de Budo, comme les pratiques sportives ou de loisir , conduisent le pratiquant dpenser vainement ses forces dans une direction provoquant assurment un endor-missement total de sa conscience ou, pour les moins atteints, une rvolte certes lgitime, mais souvent mal oriente ou mal rcupre et, par ce fait, rendue totalement inutile et mme puisante.

    Les sports martiaux sont dbilitants : ils rongent lintellect tout en mi-nant les rserves nergtiques vitales. Parmi ceux qui gardent quelques lments de conscience, beaucoup sont envahis par un dsespoir para-lysant les mettant dans lincapacit de pratiquer quoi que ce soit. Ils rentrent alors dans le rang des hommes non diffrencis.18 Dsormais ils ne vivront plus que mcaniquement, pour ainsi dire par reflex, en nayant comme seule prospective que lextension de leur dure vitale, si possible dans un confort matriel affaiblissant et totalement anesthsiant du point de vue de la conscience de leur tre global

    Il y a dj plus de trente ans que jincite mes lves penser quil nest pas utile de spuiser physiquement lors de la pratique ; quil est beau-coup plus sain dintgrer sa conscience, son intelligence et sa sensibilit dans laction, de faon appliquer le proverbe japonais cher au matre fondateur du Judo, Kano Jigoro : Minimum deffort, maximum defficacit . Par efficacit il faut entendre lamlioration de la conscience, pas lobtention dune victoire sur un adversaire physique, bien que cette dernire proposi-tion puisse tre honntement envisageable, en particulier lorsquil sagit de rpondre une agression de faon protger son intgrit physique, ou mme sauver la vie de quelquun. Je pense que la situation dagression est le reflet dun dsquilibre mutuel relevant autant de la responsabilit de lagress que de celle de lagresseur.

    Mis part lutilisation de la provocation, consciente ou inconsciente, com-ment la victime dune violence peut-elle tre tenue pour responsable de lagres-sion qui lui est faite ?

    Dune certaine faon, inconsciente, la future victime invite lagresseur passer lacte de par son tat-dtre incorrect : cest son agressibilit , sa permabilit lagression qui permet la manifestation de lagressivit.

    Il faut se rendre compte quil y a une relation intime entre lacte mal-veillant et la permissivit que lon a vis--vis de lui. Ce lien est bien rel, il existe. En se plaant la racine de lagression, il devient plus facile de la neutraliser car on peut agir sa source, avant quelle ne puisse natre, cest beaucoup plus efficace que dtre oblig de la combattre une fois

    Introduction au chamanisme Himitsu Questions-rponses

    16

    18 Julius Evola nomme les chercheurs inscrits volontairement dans une qute traditionnelle hommes diffrencis. Voir, de cet important auteur, entre autres ou-vrages : Masques et visages du spiritualisme contemporain La Doctrine de lveil Orient et Occident. (Arch, d., Milano, 1972, 1976, 1982)

  • quelle se manifeste sur le plan verbal ou physique. En tentant de placer la conscience la racine de lagression, (systme identique la non-violence, prne par le Mahatma Gandhi pour aider librer lInde de loccupation anglaise) jai t dbarrass de tous les lves qui voulaient obtenir une efficacit martiale ordinaire : celle qui consiste ragir par rapport une attaque. 19

    Les anciens, et la majorit des nouveaux qui viennent frapper la porte de lHimitsu, sont motivs par une qute intrieure. Cest en partie pour rpon-dre lattente de ces chercheurs que jai d crer une nouvelle mthode, le Budo ne pouvant pas combler leurs nobles aspirations intrieures, pas plus que les miennes.

    Nous nous loignons du sujet principal de ces entretiensPas du tout ! La stratgie que je viens de dcrire par rapport aux actes

    dagressivit est la mme que celle employe par le chamanisme vis--vis de lamlioration de la conscience : le chamanisme est un combat. Lors des voyages ou mme des rves et des visions qui surgissent parfois dans la vie quotidienne, on rencontre souvent des tres hostiles, limage de nos contemporains, et il faut savoir sen protger. Il ny a pas que des allis sympathiques et bienveillants. En fait, un alli nest jamais automatique-ment aidant : il demande tre amadou. Il se prsente parfois sous des aspect terrifiants Un alli doit dabord tre conquis, puis il faut entrete-nir avec lui de bonnes et constantes relations.

    Lalli nest-il pas une projection de nous-mme ?Absolument pas. Un alli est une entit vivante et autonome : il a son

    existence propre. Lacquisition dun alli est une qute difficile. Toutefois, cest vrai, il est possible de se retrouver devant une entit ressemblant un alli, prenant, par exemple, la forme dun animal de pouvoir, alors quen ralit nous sommes en face dune projection psychologique inconsciente dune partie de nous-mme ou induite par quelquun dautre. La distinc-tion est difficile faire. Cest pourquoi il faut tre guid.

    Quels sont les apports des connaissances chamaniques pour un pratiquant de Budo ?

    Ils sont normes ! Devant les propositions chamaniques, un pratiquant de Budo ne pourra qutre trs troubl. Sil est vraiment en tat sincre de recherche, il abandonnera sa pratique ordinaire du Budo pour se consa-crer pleinement sa qute. Cest invitable. Je pense que le Budo ne peut

    Introduction au chamanisme Himitsu Questions-rponses

    17

    19 Le processus ractionnel attaque-dfense nest pas efficace : il dpend de trop de facteurs comme celui de la perception visuelle de lattaque, de lradica-tion de lmotivit, de lapplication dune technique adapte la situation et de son excution correcte, de la vitesse et de la force engages, du nombre datta-quants, de leur aspect, de leurs armes, du lieu, etc.

  • rpondre qu une toute petite partie des questions que se posent les nouveaux chercheurs, les Hommes diffrencis de Julius Evola, les Nou-veaux Prophtes de Raymond Abellio. 20

    Vraiment ?Oui, vraiment. Il faudra que le chercheur soit sincre, quil soit envahi

    par la ncessit absolue dtendre et daugmenter la puissance de sa conscience, quil prouve, comme disent les soufis, une nostalgie indicible vis--vis de la Qute, quil laisse parler son me, son tre profond, sa Ra-lit intrieure. Actuellement le Budo ne propose, dans le meilleur des cas, quune vague extension de la conscience corporelle. Si le pratiquant est logique, pour rpondre son appel intrieur, il abandonnera sa pratique martiale.

    LHimitsu nest pas une driv du Budo ?Non, non, non ! Trois fois non ! LHimitsu sappuie sur quelques tech-

    niques tires du Budo traditionnel, mais il est bas sur des concepts et des outils chamaniques. Il est une qute de transfiguration de ltre.21 Les Budo ne proposent aucune prospective de transfiguration, pas mme de prise de conscience psychologique un peu volue. Comment pourrais-je massocier de telles propositions ?

    Quels sont les avantages dune pratique chamanique par rapport aux propo-sitions du Budo ?

    Le Budo sotrique vise les mmes buts que le chamanisme mais force est de constater quil na gnralement plus aucune volont, ni les moyens, de les raliser. Il sest infod aux diktats des temps modernes. Surtout il na pas poursuivi le dveloppement de systmes conceptuels ni de techni-ques pouvant assurer une qute spirituelle adapte aux ralits de la vie contemporaine. Il a oubli les outils qui faisaient sa force en ce domaine car autrefois le Budo, par ncessit vitale, limage de l indispensable avance technologique dans le domaine des armements, faisait preuve dingniosit : ils adaptait (dtournait) les principes religieux et philoso-phiques aux ralits technologiques. Cela engendrait des modifications au niveau des lois sociales et des concepts militaro-stratgiques. Les compor-tements sociaux et individuels sen trouvaient bouleverss.

    Actuellement le Budo utilise des thories cules et des ensembles htrognes de techniques martialo-sportives, violentes, surannes et dune

    Introduction au chamanisme Himitsu Questions-rponses

    18

    20 Voir luvre magistrale de Raymond Abellio : La structure absolue Vers un nouveau prophtisme Ma dernire mmoire (Gallimard d., Paris, 1950-1975), et lments dthique, (lHerne, d., coll. Confidences, Paris 1994)

    21 Transfiguration (latin transfiguratio, radical figura, forme, figure ) : ce mot est pris ici dans le sens de transformation de ltre qui se voit revtir un aspect lumineux, clatant, glorieux.

  • vulgarit bien adapte au niveau intellectuel de leurs adeptes. Ces Budo ne peuvent, en aucune faon, assumer une mission relie lsotrisme, au symbolisme et encore moins au dveloppement spirituel. Lorsquils ensei-gnent des techniques traditionnelles, ce qui est exceptionnel, elles sont trahies, dnatures, dformes car toujours tires vers le bas par labomi-nable consensus galitaire impos /et par la masse. Le principe dgalit est la base dun mirage social plus galitariste qugalitaire. Sous le couvert de thories proltariennes et plbiennes, trs en vogue en France, on nie lindividu-en-tant-quindividu en mme temps que ses capacits. Pour cela, on met en avant des systmes collectivistes (mal nomms Communisme, Pro-gressisme ou Socialisme) qui, soit dit en passant, ont ananti des millions de vies humaines. La fameuse Lutte des classes 22 sert dalibi tous ces crimes. Leurs instigateurs y ont vu une panace pouvant conduire un hypothti-que bonheur des masses.23 leurs nuisances nen sont pas plus excusables. Ces systmes, qui se rclament tous de la sacro-sainte dmocratie,24 ne peuvent produire autre chose que la ngation de ltre-en-tant-qutre, de son esprit, de son me et de sa chair. LHistoire contemporaine nous le prouve large-ment, hlas !

    Je croyais que lEnseignement traditionnel tait loign de toute pense politi-que

    La politique ne sloigne pas de nous : elle sest infiltre dans toutes les facettes de notre vie prive, surtout en France o ltat est avide de Lois, de Dcrets. Je dnonce les collectivismes car leurs concepts engendrent des processus sociaux extrmement dangereux, sans conteste abjects, que lHomme diffrenci doit combattre absolument puisquils sopposent aux Principes mis en avant part la tradition qui elle particularise chaque humain en offrant ceux qui en ont la capacit de se hisser au dessus de

    Introduction au chamanisme Himitsu Questions-rponses

    19

    22 Lutte des classes : exacerbation du sentiment excrable de jalousie port sur tous ceux qui ont un peu plus de biens (matriels, moraux, intellectuels), par ceux qui en sont dpourvus.

    23 Le Mondialisme agit de mme : il engendre des permissivits liberticides sous prtexte daugmenter un confort matrialiste dbilitant rendu indispensable par la volont de multinationales apatrides ayant pour seul but le profit matriel immdiat.

    24 Dmocratie (du grec dmokratia, de dmos, peuple) : doctrine daprs laquelle la souverainet politique doit appartenir lensemble du peuple, qui concde ses pouvoirs des dlgus lus. Ce systme engendre lirresponsabilit individuelle. Cest linverse du systme traditionnel (pyramidal) qui voit la direction suprme dun Gouvernement tre exerce par une autorit assumant une relation verti-cale avec lOrdre cleste et capable de lincarner sur Terre. Les anciens empe-reurs orientaux portaient le titre de Fils du Ciel. Lidogramme les dsignant est compos de trois traits horizontaux symbolisant le Ciel, lHomme et la Terre, relis par un trait central vertical indiquant la double communication, du Ciel vers les Hommes et la Terre (Voie involutive, Arc de descente des soufis) et de la Terre vers les Hommes et le Ciel (Voie volutive, Arc de remonte des soufis).

  • lhorizontalit de la matrialit : elle leur permet, en radiquant le con-cept erron d galit rpublicaine , dutiliser les principes spirituels de la double verticalit. Il faut considrer comme de vritables dlires les systmes galitaristes , car ils interdisent lindividu toutes vellits dascension spirituelle. Ces thories, pourtant dgnres et littralement inhumaines, ont t propages par des tres intelligents, mais dpourvus du plus lmentaire bon sens. limage du systme sartrien,25 elles sont des plus dangereuses : des millions dhommes et de femmes en sont morts, sacri-fis sur lautel de lgalitarisme par une populace cruelle, insensibilise, anes-thsie et alibilise par lendoctrinement politique.

    La tradition ne peut tre galitaire : elle respecte les diffrences en pro-posant au plus grand nombre une harmonisation sociale par le haut , et llite une initiation dordre spirituel. Il est facile de constater que les idologies galitaires, qui toutes tendent au nivellement des savoirs hori-zontal, vers et par le bas, sont des utopies destructrices nourrissant le dsordre social en mme temps que celui des consciences.

    Les hommes de tradition uvrent partir de la Verticalit en tentant de raliser lunit de ltre avec son Essence originelle ; les lucifriens (comme les nomme R. Abellio) travaillent la nantisation de ltre. Cest pourquoi dans toutes les socits dites galitaires les premiers tre perscuts et assassins ont toujours t les chercheurs de Vrit. Il faut bien prendre conscience de ces faits historiques car leurs miasmes transpirent actuellement dans toutes les formes denseignements des masses y compris au niveau des religions et des systmes occidentaux dducation.26

    Introduction au chamanisme Himitsu Questions-rponses

    20

    25 R. Abellio in De lthique sartrienne la praxis marxiste (1950-1960) crit : Par la logique mme de son systme agnostique, Sartre ne pourra jamais btir une thique de lexistant individuel autrement que par la dissolution de lindividu dans lanonymat plus ou moins faussement sublimis des masses. En 1965, in La structure absolue, (p. 194), il prcise : Ltre, selon Sartre, se meut dans deux dimensions, non dans trois. Cette alination de la monte conscientielle aboutit faire de lexistence une rptition plane se prenant pour fin dans une libert qui nest ouverte que sur son propre vide, bant lui-mme sur un en-soi impntrable, et qui, ne pouvant subsister socialement dans cette ab-sence de valeurs, se laisse possder par les valeurs sociales les plus grgaires, les plus l-mentaires et les plus fascinantes, mais aussi les plus contradictoires : un humanisme sen-timental et gnreux, lui aussi formel, mais dont le principal ressort, alors quil se veut global et absolument intgrant, est la haine de ce qui nest pas lui.

    26 Ils sont mme rendus obligatoires (en France, ds lge de 6 ans) et, bien enten-du, ils se prtendent laques , cest--dire comme scartant de tout point de vue religieux. Pourtant, il est dautres points de vue qui, en priorit, devraient tre limins des enseignements : je veux parler des a priori politiques qui nhsi-tent pas recourir aux mensonges historiques, y compris, aux mensonges par omission, qui sont les plus terribles puisquils effacent de la mmoire collective, en deux ou trois gnrations, tout ce qui est gnant pour le pouvoir rel (invisible) masqu derrire les pouvoirs en place (apparents). Sans instruction primaire il est impossible dabrutir dfinitivement un peuple . (Nicols Gomez DAVILA in Le Rac-tionnaire authentique, Anatolia/du Rocher, d., Paris, 2005)

  • Les pratiques du nouveau chamanisme Himitsu prsentent de multi-ples avantages. Elles se servent des outils traditionnels du Budo dlais-ss par les professeurs darts martiaux. Parmi ces outils, il faut plus par-ticulirement retenir ceux qui offrent la possibilit de dvelopper de nouveaux pouvoirs. Il ne faut surtout pas les confondre avec les formes issues du no-chamanisme, double acculturation27 relevant de lhorreur la plus absolue.

    Quels sont ces outils ? En ce qui concerne la question des pouvoirs, je ne puis mieux faire que

    de vous citer (encore !) Abellio : Linitiation, chaque niveau, est pouvoir absolu, et elle y est en tout cas ressentie beaucoup moins comme pouvoir dter-min que comme tat confrant tous les pouvoirs et les rendant, au sens strict, inutiles. Tandis que tout pouvoir extrieur sannonce comme possibilit dun plus et suscite en soi un projet hors de soi, ce nouvel tat est plein de soi, et cest cette diffrence de plus en plein qui donne une fois pour toutes lexp-rience vcue de la Prsence et de la simultanit, cest--dire de la plnitude et non plus de la bance de ltre. (in Fondements dthique, p. 70)

    Autrefois ceux qui dveloppaient des pouvoirs en taient souvent les victimes : ils taient littralement possds par eux. Aujourdhui, je veille ce que mes lves soient les possesseurs des leurs. Il ne sagit surtout pas de dvelopper leur sensibilit jusquau point den faire des mdiums soumis nimporte quelle influence psychique comme on en trouve chez ceux et celles qui font parler les morts , en pratiquant le Spiritisme.28 Les outils doivent tre entretenus tant que lon travaille avec eux : une fois le travail termin, ils peuvent tre rangs, donns dautres sils en ont besoin, ou mme abandonns. Les outils ne doivent surtout pas faire lobjet dune apptence impropre : il ne faut pas les confondre avec luvre. Travailler avec les outils de la tradition dveloppe certains pouvoirs anordinaires. Les pouvoirs internes, propres ltre-en-soi, ne relvent que de lexprience individuelle. Ils ne demandent pas tre uti-liss pour exercer une emprise sur des objets ou des sujets extrieurs soi. Ces pouvoirs ne sont que des possibilits. Il ny a aucune obligation les transposer des plans subtils en les appliquant sur des plans concrets, extrieurs nous-mmes, sauf pour le cas du chamane gurisseur des mes et des corps.

    Introduction au chamanisme Himitsu Questions-rponses

    21

    27 Lacculturation est double puisque les lments traditionnels sont dforms et trahis par les adaptations prosaques, prsentes pourtant comme tant pures . Par ce biais pervers les adeptes du no-chamanisme sont incits perdre leur identit culturelle de civiliss, limage des peuples, dits archaques , conta-mins par la civilisation matrielle et scientifique.

    28 Voir de Julius Evola, in Masques et visages du spiritualisme contemporain, les cha-pitres Le spiritisme et les recherches psychiques (p.p. 29-54) et Critique du thoso-phisme (p.p. 101-129), Les ditions de lhomme, LTE, Otawa, Canada, 1972.

  • De quels pouvoirs parlez-vous ?Les pouvoirs dont je parle doivent tre dcouverts par le chercheur lui-

    mme et non pas dcrits par un autre. Jamais un vritable matre ne vous parlera directement dun pouvoir : il vous incitera une pratique vous permettant de le rvler vous-mme par vous-mme : vous devez inten-sifier votre conscience par le biais de vos actes.

    Les japonais ont toujours t pragmatiques, aussi le rnovateur de lAkido, sensei Ushiba, a-t-il lui-mme effectu un tri pour ne conser-ver que les outils les plus probants parmi limmense rpertoire offert par les civilisations orientales avec lesquelles il avait eu des contacts profonds. Son art sadressait des japonais du dbut du XXe sicle. Lpoque fodale davant lre Meiji (1868-1912) tait encore bien vivante dans la tte des enseignants de Budo, ainsi que lesprit militaro-imprialiste .29 Jai donc t amen, aprs en avoir vrifi lutilit et leur facilit dapprentissage, ne conserver que les techniques les plus probantes du point de vue de ma recherche.

    Originaires de sources extrmement varies, les outils slectionns sont presque tous des extensions de pratiques chamaniques trs anciennes. On en retrouve au niveau du Koshint, ( ancienne voie des dieux ). Je souli-gne que les thories et les exercices du chamanisme Toltque, tels quils ont t rvls par Carlos Castaneda mont t dun grand secours. Si vous en avez lintention, je puis donner beaucoup de dtails sur ce sujet.

    Avant daborder les spcificits de la qute castanedienne, pouvez-vous nous parler plus prcisment des lments constitutifs de votre propre recherche ?

    En dehors de mes nombreuses lectures, ayant pour fonctionnalit laugmentation dune partie de ma conscience, donc de mon propre pou-voir, jutilise simultanment lensemble de mes exprimentations. Pour une grande part, elle est inscrite dans ma vie quotidienne par le biais dune observation prcise des vnements qui sy droulent et des effets quils produisent sur mon tat-dtre, sur mon mental et sur mes mo-tions. Jai commenc ce Travail en 1954. La technique utilise se nomme reprise de soi. Elle a pour origine le soufisme. Elle ma t transmise par mon Pre qui travaillait dans une cole Gurdjieff.30 Il sagit essentielle-ment de prendre simultanment conscience de ce que lon est en train de faire et de ltat dans lequel on est ce moment prcis. Je recommande vivement cette pratique ceux qui peuvent lappliquer. Elle est dune exigence totale. Pour la mettre en uvre correctement, il faut dabord

    Introduction au chamanisme Himitsu Questions-rponses

    22

    29 Ce nest que depuis lre Hensei (1989), dans laquelle nous sommes, que lesprit de conqute militariste a rgress dans lesprit des dirigeants japonais. Il a t trs fort durant lre Taish (1912-1926) et son maximum au dbut de lre Shwa (1926-1989).

    30 Voir lintroduction donne par lauteur in La quatrime voie, de P. D. Ouspensky, ARAM, d., Paris, 2006/2007.

  • passer par un stade quasi obsessionnel ! Pour quelle ne devienne pas une hantise fatale, dans le sens o, lorsque mal comprise elle a formidable-ment tendance renforcer lego ( Moi je travaille, moi je suis conscient, les autres sont nuls), il faut tre guid et accompagn dans ce travail. Pratiquer la reprise de soi en solo est prilleux, pour soi-mme et pour son entourage.

    Le pranayama (contrle rythmique du souffle), tel quil ma t enseign par B. K. S. Iyengar, est une base essentielle de ma pratique de purification et de renforcement. Il est aussi une bonne faon de me relier lEssence de la Vie. Les voyages, les rves et les visions occupent une place de choix dans ma recherche. Ces pratique dveloppent des pouvoirs importants. Par pouvoirs jentends tous les moyens nous permettant de raliser notre quilibre physique, mental, nergtique et spirituel ; il ne sagit pas de raliser une main-mise sur autrui : les pouvoirs chamaniques sexercent sur le chercheur, sur ses comportements, ses penses, ses propres intentions. Une fois bien matriss ces pouvoirs peuvent servir contrler certains lments de la Na-ture vivante ainsi que des entits protectrices bnfiques pour notre qute.

    Pouvez-vous dfinir ces entits ?Le chamanisme les nomme allis, ou animaux de pouvoirs. Ils peuvent

    prendre des formes multiples. Les allis se prsentent gnralement sous laspect danimaux normaux , mis part le fait quils parlent ou quils agissent parfois comme des humain. Parfois ils sont totalement tranges, disproportionns ou baroques, limage des cratures de Jrme Bosh. Je ne puis vous parler de mes propres allis, ils ne doivent jamais tre rvls, sauf aux matres qui me guident. Tout ce que je puis dire cest quautrefois, plus un chamane tait puissant, plus il avait dallis, chacun dentre-eux tant spcialis dans une fonction prcise. Lancien chamane prenait grand soin de ses allis, il entretenait avec eux des rapports serrs, quotidiens. Les allis taient librs au bout de trois quatre annes. Il fallait donc, sans cesse, quil sen rapproprie dautres.

    Par quels moyens ?En leur faisant des offrandes (Illustration 6, p. 120), en les frquentant

    rgulirement par le biais de voyages ou de transes extatiques.

    Vous venez de parler des anciens chamanes. Cela suppose quil existe des nouveaux chamanes. Quen est-il de leurs relations avec les allis ?

    Les anciens chamanes poursuivaient une qute dimmortalit. Pour cela ils nhsitaient pas utiliser des processus magiques effroyables comme celui consistant emprunter lnergie vitale dun humain pour alimenter leur propre vitalit. 31 Les nouveaux chamanes, ma connaissance, ne

    Introduction au chamanisme Himitsu Questions-rponses

    23

    31 Certains chamanes Toltques auraient vcu plusieurs milliers dannes... Leur qute dimmortalit ressemble fortement celle des anciens taostes chinois ou des alchimistes du Moyen-Orient et de lOccident.

  • poursuivent pas de tels buts. Il sont aussi moins tents que les anciens par lacquisition dun grand nombre dallis : ils sont plus concerns par leurs qualits. En fait, un seul alli peut satisfaire la majorit des ncessits, condition quil soit suffisamment puissant. Ce genre dalli peut intercder auprs dautres allis pour vous aider accomplir une tche ou rsoudre des problmes qui ne relvent pas directement de son domaine.

    Contacter un alli doit demander une forte modification de la conscience ordinaire, pour ne pas dire son radication. chapper la conscience habi-tuelle ne prsente-t-il pas le risque douvrir une porte la folie ?

    Le chamanisme dit que lextension possible de la conscience ne peut se baser que sur lharmonisation de toutes les composantes physiques et psychiques de ltre humain. Il ny a aucun risque entreprendre une telle harmonisation, condition dtre correctement guid, bien entendu, sinon, vous avez raison, chapper la conscience ordinaire revient se diriger tout droit vers la folie Cest partir dune harmonisation indi-viduelle minimum, supposant un bon quilibre psychophysiologique, que la possibilit dintgration consciente de notre tre global peut tre ralise. Saccorder avec les mcanismes vitaux universels, en soi et lextrieur de soi, est une des premires tches pour le chercheur. Nous dpendons des Principes de la Nature, de notre Mre la Terre, de notre Pre le Soleil, de notre Sur la Lune. Mais, il ne faut pas oublier que nous sommes tous fils et filles des toiles, que notre origine est situe hors des temps et des espaces perus par nos sens ordinaires. Le chamanisme nous apprend que tout est vivant, quil faut donc tout respecter, y compris nos petits frres les animaux et nos petites surs les plantes, et quil existe dautres ralits, dautres mondes o notre conscience peut sexercer.

    Le mode de cognition propos par la civilisation occidentale actuelle est entirement dordre matriel et scientifique. Elle ne fait que jeter un regard extrmement limit, partiel et partial, sur les ralits de lunivers. Elle prtend faire rfrence au rationnel alors quelle carte systmati-quement tout ce qui chappe aux capacits de ses instruments en se rfugiant derrire une bonne conscience outrageante pour ceux qui possdent la sensibilit et la force pour explorer les mondes inconnus. Ces explorateurs de lInconnu sont trop souvent mis lindex par les socits modernes dites civilises .

    Le chamane a toujours t considr comme un tre part et son int-gration dans les civilisations anciennes na pas t plus facile quelle ne lest actuellement. Il (ou elle) souvent t lobjet de suspicions, parfois lgiti-mes, frquemment injustes. La crainte prouve vis--vis du chamane est relative ses pouvoirs. Il est vrai que certains les ont utiliss, et les utilisent encore, pour la ralisation dobjectifs ne servant que lintrt immdiat du chamane lui-mme, ou bien la ralisation de desseins visant nuire une personne dsigne par un demandeur considr comme un client , le

    Introduction au chamanisme Himitsu Questions-rponses

    24

  • chamane scartant alors de son rle traditionnel pour tomber dans les griffes dun prosasme totalement mercantile. Cest pourquoi il faut distin-guer le chamane blanc du chamane noir. Le premier se consacre entirement au bien de sa communaut, le second vend ses pouvoirs magiques au plus offrant : il est plus un sorcier quun mage. La frontire entre chamane blanc et chamane noir nest pas tanche. De nombreuses communications peuvent tre faites entre le monde de la Lumire et celui des Tnbres, dautant plus facilement qu notre poque, il est facile de tourner son regard vers la Lumire den bas, celle de Lucifer, tout en tant persuad de contempler la Lumire den haut, celle du Principe Christique. Voil pourquoi un chamane, mme le plus dvou et dsintress qui soit, peut toujours tre suspect dutilisation malsaine de ses pouvoirs.

    Pour en revenir, et en terminer, avec la civilisation matrielle et scienti-fique, il me faut dire quelle est comparable une enfant dvorant le sein de sa mre Elle dveloppe des points de vue limits aux seules observa-tions linaires, planes et horizontales. Ces mcanismes sont rducteurs : ils annihilent totalement nos possibilits lies la verticalit, la prise de conscience de ce que nous sommes vraiment, linfinitude des possibili-ts offertes par la nature, les mondes inconnus et les tres qui peuplent linfini.

    Il ny a pas que les processus linaires et scientifiques qui nous barrent le chemin de la connaissance de nous-mme, de ce que nous sommes vraiment : il y a aussi les mcanismes routiniers de perception de la ralit. Ils nous interdisent tout aussi fermement la possibilit dexplorer linfini-tude des mondes contenus dans lunivers. Cette interdiction est prsente ds notre conception. Elle est transmise inconsciemment, de gnration en gnration, par le biais dun ensemble de prsupposs qui prennent laspect dune vrit indiscutable, pour les plus aveugls, et dune fatalit inhrente lespce humaine, pour ceux qui commencent se douter quil doit bien exister un autre destin que de disparatre tout jamais dans le nant, ou de survivre au Paradis ou en Enfer pour lternit En fait, ces points de vue ne sont quun hritage malencontreux, limage dune dette ou dune tare gntique se transmettant sournoisement dune gnration une autre. La notion de pch originel est une illustration de la transmission de croyances mortifres, paralysantes.

    Abellio dit, en se rfrant au baptme et sa fonctionnalit par rapport au pch originel : ...le baptme nous est donn, encore du dehors, puisquil nous apparat comme un sacrement impos et reu, un dernier produit du monde agissant comme tuteur, mais par ce sacrement nous est quand mme donn aussi le pouvoir deffacer le pch originel, dont la meilleure dfinition ne peut tre que celle-ci : la navet qui sattache toute vision linaire des transcendances mondaines. On dit cependant que le baptme efface directement ce pch. En fait il lefface en tant qutat et nous annonce le pouvoir de leffa-cer nous-mme en tant quacte. (in La structure absolue, p.p. 101-102).

    Introduction au chamanisme Himitsu Questions-rponses

    25

  • Lacte post-batismal abellien reste accomplir. Sa ralisation est le but prdominant de lenseignement traditionnel. Le baptis, dans le sens non obligatoirement chrtien, peut tre assimil ce que certaines traditions nomment linitiable et que le chamanisme considre comme un tre porteur de llan initial, qualification ne pouvant tre acquise puisque relative ltre-en-soi : elle est prsente, ou pas. Cette prsence est un tat-dtre dterminant la qualit pr-initiatique du chercheur.

    Par rapport la notion de pch, il existe (heureusement !) des moyens pour chapper cette pesanteur psychique inacceptable. Il est possible daccder dautres ralits, moins culpabilisantes et plus libratrices, mais pour cela il faut tout dabord reconnatre quelles existent ou pour le moins en avoir lintuition. Ensuite, le premier travail consiste admettre que nous ne savons rien au sujet de nos mcanismes perceptifs et cogni-tifs et que cette ignorance nous empche de nous rendre compte de notre situation relle, de limpasse dans laquelle nous sommes. Comme nous ne sommes pas correctement inscrit dans notre propre ralit ordinaire, nous ne pouvons pas avoir accs aux ralits extraordinaires. La majorit des humains ne souponne mme pas que dautres ralits puissent exister ! Pourtant elles constituent de vritables mondes, tout aussi rels que notre plan dexistence habituel. Ces autres mondes ne peuvent tre perus que par le biais dun tat de conscience diffrent de celui que nous appelons inconsidrment tat de veille alors quil nest quun sommeil peine dguis.32

    Ltat de veille ordinaire ne nous ouvre qu une minuscule parcelle de la ralit : il nous permet peine dexplorer ce qui est prs de nous, la porte de nos sens et des appareils qui les amplifient et les analysent. Cette vision de myope est aggrave par la mal nomme ducation et sa cohorte dsinformative, littralement castratrice, de prdicats politi-ques, sociaux, psychologiques, religieux et philosophiques.

    Le ce qui est le plus proche de nous qui rside en nous et le ce qui est le plus loin de nous qui existe dans dautres mondes restent hors de porte des systmes dinvestigation habituels de la psychologie param-dicale. Pour atteindre un largissement de nos perceptions et de notre conscience il faut imprativement avoir vcu en soi llan initial, cest--dire avoir prouv absolument la ncessit de parcourir la Voie de la Connaissance de Soi ou, au moins, en avoir ressenti intuitivement lexi-gence. Il faut aussi se souvenir de cet lan initial, ce qui est assez difficile par le fait quen gnral il sest produit durant notre enfance ou notre adolescence et quil a t rejet dans loubli, ou valu par les adultes,

    Introduction au chamanisme Himitsu Questions-rponses

    26

    32 Abellio dit : Dans lactivit pensante proprement dite, lhomme est en tat de veille ; dans le domaine du sentiment, il rve ; dans le champ de la volont, il dort. (in La structure absolue, p. 482). En ce domaine, il reprend sa manire le discours des soufis et plus particulirement de Gurdjieff et de son disciple Ouspensky. (Cf. La quatrime Voie, coll. Documents introuvables, ARAM, d. Paris, 2006.

  • qui nous en avons imprudemment fait la confidence, comme la rsultante affabulatoire de crises ou de fantasmes induits par le sisme incontrlable des lans endocriniens de la pubert

    Llan initial est la premire chose que je cherche voir lorsque quelquun se prsente moi : est-il prsent dans son cur ? Si oui, cette personne peut tre guide vers un accomplissement de sa conscience. Si elle na pas vcu cette exprience cruciale, il ne sera possible que de la conduire augmenter une partie de sa conscience, ce qui nest dj pas si anodin car cette action dbouchera sur une nette amlioration de son comportement dans le quotidien, ce qui lui permettra de raliser quelques-unes de ses aspirations. Parmi les centaines dlves qui se sont prsents seuls quel-ques-uns possdaient cet lan initial, une petite dizaine, pas plus. Ceux-l sont aptes franchir le seuil menant lHimitsu. Pour les autres, leur manque ne mempche pas de men occuper sincrement, mais, en gnral, il ne sont pas vraiment motivs. Je ne nglige personne, surtout pas ceux et celles qui prsentent un minimum daffinits avec le travail que je propose. Par contre, il mest impossible daccepter ceux qui je ne puis rien apporter. Jai dj parl de ce problme de slection des lves.33

    Quest-ce que llan initial ?Llan initial est inhrent ltre-en-Soi. Cette nergie-conscience est un

    capital qui dort au fond de ltre. Il y a t dpos par le biais dune force inconnue nobissant aucun concept commun de justice, de mrite ou de grce providentielle. Llan initial castandien est tout fait similaire aux thories soufies qui dcrivent une accumulation dnergies positives par le biais dactions conscientes de la part du chercheur au niveau de son centre magntique,34 sauf, qu linverse des nergies accumules dans le centre magntique, les nergies de llan initial ne peuvent pas tre augmentes : on en possde ou pas une certaine quantit ds la naissance. Cest pour cela quil y a si peu de chercheurs en mesure daller au bout de leur qute. Seul ltre qui possde cet lan initial peut trouver un Matre, et encore faudra-t-il quil le veuille vraiment. Le Matre, sil est capable de voir, sauf pour le cas ou lIntention de lUnivers lui en donne lordre, ne viendra jamais proposer son aide quelquun ne possdant pas cette charge nergtique spcifique ou, pour le cas o elle serait prsente, qui nprouve pas par lui-mme la ncessit imprieuse de lexploiter.

    Introduction au chamanisme Himitsu Questions-rponses

    27

    33 Cf. La relation matre-disciple, coll. Propos sur lHimitsu, vol. III.

    34 Centre magntique : notion mtaphysique dorigine soufie prne par G.I. Gurdjieff. Centre subtil o saccumulent les nergies qui font merger dans la conscience ordinaire la ncessit dentreprendre une qute daugmentation de la conscience en soi, des autres et du monde, cest--dire de lutilisation simultane dune prise de conscience lintrieur de soi (le quantitatif, ou horizontalit-tempo-relle relie au mode de lampleur abellien) et lextrieur de soi (le qualitatif, ou vertica-lit-ternelle, relie lunivers, au mode de lintensit abellien).

  • Nous sommes tous plongs ds notre naissance dans ltat de veille ordinaire, qui est une sorte dengourdissement de la conscience, une sorte de demi sommeil quil nous faut absolument considrer comme tant le point de dpart invitable partir duquel nous pouvons entreprendre notre recherche. Il faut donc lui porter une certaine attention. Si nous le dsirons, nous pouvons augmenter la qualit de ltat de veille en nous veillant vraiment, en le transformant en tat de premire attention. Cet tat est obtenu par le biais dune traque cognitive implacable. Dans un premier temps, il sagit tout simplement dtre le plus souvent possible conscient de soi-mme, deffectuer ce que les soufis nomment la reprise de soi. Les Toltques dfinissent ce travail par le terme art de la traque. Cest le propre des traqueurs que de chasser les vnements qui peuplent leur vie en les observant attentivement tout en portant simultanment leur conscience au niveau des ractions internes que ces vnements produisent sur leur motionnel, sur leur mental ou mme sur leur physiologie. Les traqueurs ne sont pas autre chose que des hommes et des femmes qui prennent le plus souvent possible conscience deux-mmes, de leur tat motionnel, de leur faon de ragir, tout en observant attentivement ce qui les entoure. Ils utili-sent les outils offerts par la conscience nave ordinaire, celle des cinq sens, pour la transformer en une premire attention impeccable. Ils agissent de la mme faon que le chasseur qui doit bien connatre les habitudes du gibier sil veut pouvoir ne pas tre bredouille.

    Existe-t-il dautres moyens que la traque pour largir notre conscience ?Oui, beaucoup dautres. Aprs avoir dvelopp au maximum le got

    de la traque chez mes lves, je leur propose des techniques relatives au rve. Il faut admettre que nous rvons tous. Cest un phnomne psy-chophysiologique tout fait banal. Certains sont plus enclins traquer, ce sont des traqueurs ; dautres sont plus naturellement des rveurs. Le rve et la traque sont des arts chamaniques inhrents toutes les cultures et toutes les poques. Il ne faut pas confondre le rve chamanique avec le rve ordinaire et les interprtations donnes par les diffrentes mthodes psychologiques modernes, qui ny voient que le terrain dmergences inconscientes de bribes du vcu, encore moins avec les prdictions des voyants .

    Le rve chamanique est une technique permettant dexplorer dautres dimensions, dautres ralits situes au-del de nos perceptions habituelles. Il na radicalement rien voir avec les successions dimages incontrles qui envahissent notre cran mental lors des rves ordinaires. Leurs effets sont lis aux vnements vcus, ce que nous avons fait ou ce que nous avons bu ou mang la veille. Beaucoup de rves, en particulier les cauchemars, sont plus digestifs que relatifs lexpression de compen-sations psychologiques. Lorsque nous dormons la conscience ordinaire nest plus contrle par la raison. Des lments peuvent alors sexprimer

    Introduction au chamanisme Himitsu Questions-rponses

    28

  • en dehors de toute logique. Quand le chat nomm raison est parti, les souris imagination et fantaisie dansent. Certains nont mme pas besoin de dormir physiquement pour en prouver les effets

    Le rve chamanique est entirement contrl, conscient : il ne fait pas appel limagination, car celle-ci est trop souvent la manifestation de dsirs prouvant la ncessit de sextrioriser, qui trouvent dans lassoupisse-ment momentan de la raison une opportunit pour merger. Le contrle de limagination est une tape indispensable pour qui veut atteindre au pouvoir de diriger positivement ses rves. Comme limagination est trs inscrite dans notre mental, et quelle est incontrlable durant les rves ordinaires, il faut tout dabord apprendre la mettre de ct dans les actes simples de la vie quotidienne : il faut tenter de matriser les penses en en dtectant lorigine et en les empchant de vagabonder nimporte o et nimporte comment propos de tout et de rien. Le meilleur moyen consiste se concentrer uniquement sur ce que lon est en train de faire.

    Il est difficile de contrler le mental. Par exemple, combien de fois avez-vous laiss schapper des penses qui nont rien voir avec ce que je suis en train de vous dire en ce moment ? Ce nest quavec lacquisition de suffisamment de pouvoir quil deviendra possible de contrler lima-gination, de ne plus en tre lesclave inconscient. Nous savons, au trfonds de nous-mme, quil existe des tats de conscience diffrents de ceux que nous pouvons prouver en tat de veille ordinaire : nous savons moins quils sont accessibles par le biais du rve auto-dirig. Le rve chamani-que est un tat de conscience aisment contrlable pour peu que lon y porte suffisamment dattention et que lon dispose des techniques adquates pour y accder et le contrler. Une des techniques rvle par don Juan Matus Carlos Castaneda consiste voir ses propres mains durant le rve. Jy suis parvenu au bout de trois ans. La premire fois, jai t tellement surpris je mattendais voir le dos de mes mains alors que dans ma vision initiale, mes paumes taient diriges vers mon regard que je me suis rveill immdiatement. Il ma fallu patienter encore quelques mois pour que je puisse maintenir mon attention sur mes mains sans me rveiller.

    quoi cela peut-il servir de voir ses mains pendant que lon rve ? devenir conscient que lon est en train de rver. Lattention peut tre

    porte sur nimporte quelle autre partie du corps, mais, comme nous avons toujours des mains, mme lorsque nous dormons, et quelles sont trs investies par notre conscience ordinaire, il est plus facile de se concen-trer sur cette partie du corps. Voir ses mains est une premire tape. Il sagit ensuite de se voir entirement, puis il faut observer le lieu dans lequel on se trouve. Pour cela, le rveur dbutant doit surtout ne pas fixer son regard sur un objet car son attention y serait immdiatement capte, ce qui provoque le plus souvent un rveil immdiat. Il faut employer la

    Introduction au chamanisme Himitsu Questions-rponses

    29

  • technique dite de balayage : le regard glisse lentement dun objet lautre, sans sy attacher, sinon on se rveille ou on replonge dans ltat dinconscience du sommeil ordinaire.

    Les rveurs plus expriments ont besoin, au contraire des dbutants, de fixer leur attention sur un objet ou un lieu bien prcis. Cette technique permet de crer des point de repres, de baliser le parcours du rve pour, plus tard, pouvoir retourner directement des endroits-tats prcis sans avoir passer en revue toutes les tapes intermdiaires. Une fois la facult de parcourir consciemment lespace du rve, il devient possible de sorienter dans des dimensions diffrentes, dans dautres mondes. Ces dimensions doivent tre parcourues dans un ordre prcis que je ne puis rvler ici. Ces indications sont donnes en temps voulu, seulement ceux et celles qui ont la capacit de se voir entirement et dobserver tout ce qui les entoure dans leurs rves. Tout ce que je puis dire cest quil est possible de superposer plusieurs dimensions de conscience durant le rve, ce qui est impossible en tat dveil ordinaire.

    Quest-ce que la superposition des dimensions de conscience ?1 - vous dormez ; 2 - vous rvez ; 3 - vous tes conscient que vous rvez ;

    4 - vous vous voyez en train de rver ; 5 - vous tes dans le rve ; 6 - vous observez tout ce qui vous entoure dans le rve ; 7 - vous passez dans une autre dimension du rve, dans un autre rve, dans un autre monde. Bien sr, il est difficile dadmettre ces possibilits, mais cest pourtant ralisa-ble, avec beaucoup de travail, il est vrai. Il faut aussi tre correctement guid : il est impossible deffectuer seul ce travail.

    quoi cela peut-il servir ?Vous pouvez utiliser le rve pour trouver une porte vous permettant

    datteindre une dimension qui nest pas celle du rve dans lequel vous tes. Cest une capacit qui plonge la conscience dans la dimension du nagual, dans linconnu.

    Pour illustrer cette fonctionnalit je vais vous raconter un rve que jai fait il y a quelques annes : je suis en train de marcher dans une petite rue. Sur ma droite il y a une boutique dantiquits. Je pousse la porte et jentre. Il y a beaucoup dobjets. Je pense immdiatement les balayer du regard de faon ne pas quitter le rve. Je vois une sorte de fentre carre, comme un tableau accroch sur un mur. Derrire il y a un paysage qui semble vivant. Cest une sorte de dsert jaune soufre. Je sais quil me faut my rendre. laide de mon intention, je plonge dans la fentre et je me retrouve immdiatement dans le dsert jaune. Bien quaucun objet ne soit perceptible dans ce paysage, jutilise toujours la technique de balayage. Jobserve attentivement le sol qui est constitu par une sorte de peau paisse trs lisse, comme une laque, mais lgrement lastique. Il y a des grandes dunes aux pentes trs douces. Le ciel est dun jaune un peu plus

    Introduction au chamanisme Himitsu Questions-rponses

    30

  • clair que le sol. Jai subitement conscience que jai beaucoup de mal me mouvoir. La pesanteur est si intense que je ne puis marcher que trs lente-ment. Mes membres sont lourds. Je manque de quitter le rve lorsque je prends conscience quil ny a pas datmosphre. Pourtant je respire nor-malement. Une lgre brume jauntre occupe tout lespace. lhorizon il y a une ligne bleute, comme une chane de montagnes. Je commets lerreur fatale dy fixer mon regard et je me retrouve immdiatement dans mon lit, totalement rveill, ce qui est dommage car javais senti quil me fallait explorer la ligne bleue. Il devait sy trouver un lment important. Jai repris ce rve et jai trouv ce quil y avait pour moi au niveau de cette ligne bleue.

    Pourquoi atteindre ce niveau de contrle des rves ?Avec beaucoup de pratique, lorsque que lon a la capacit de rver

    consciemment comme je viens de lindiquer, il devient possible de mmo-riser ltat dans lequel on se trouve durant le rve. partir de cette mmoire il est facile de transfrer ltat de rve conscient dans la vie quotidienne, volont, lorsque lon estime quil puisse tre utile. Cet tat est une forme de transe lgre permettant de faciliter le voir, la gurison ou lenseignement.

    Ces capacits me semblent vraiment tonnantes. Jai peine y croireCe nest pas une question de croyance : cest une question dexprience.

    Il ny a pas que pendant ltat de rve que lon puisse accomplir de telles prouesses. Les capacits humaines sont vraiment trs varies. Je vais vous donner un exemple de ce que peut produire ltat de conscience lorsquil est cheval sur le rve et sur ltat de conscience ordinaire. Un soir, aprs mes cours, vers onze heures du soir, je minstalle confortablement pour lire. Comme cest souvent le cas lorsque jai entre les mains un livre qui mintresse vraiment, le texte, imprim en noir, sillumine dune multi-tude de couleurs vives. Pour moi, cest le signe que je vais trouver dans ma lecture quelque chose dimportant. Je poursuis donc ma lecture avec un intrt grandissant. Soudain un fort craquement sonore se produit dans ma tte, en remontant des cervicales jusqu locciput, sur toute sa base, et jai la sensation que mon cerveau vient de se diviser verticale-ment en deux parties gales bien distinctes : lhmisphre droit dort profondment, mon corps physique se repose ; la partie gauche de mon cerveau, linverse de la droite, est extrmement active. Je ralise que jai parfaitement conscience du fait dtre en train de lire et simultanment dcrire mentalement un chapitre du livre auquel je me suis attel rcem-ment. Son sujet na pourtant rien voir avec ma lecture. Ltat de ddou-blement de ma conscience cesse dun seul coup. Jai presque termin le livre. Jen ai lu plus de deux cents pages en trois heures et jai la sensation de bien les connatre. Mon corps physique est totalement repos, le chapi-tre que jai crit mentalement est termin, parfaitement mmoris, mais,

    Introduction au chamanisme Himitsu Questions-rponses

    31

  • par prudence, je mets en marche mon ordinateur et je tape mon texte immdiatement. Deux heures plus tard je cesse mon travail. Il est cinq heures du matin, laube point, le ciel sclaircit, Paris sveille comme dit la chanson, et je suis en pleine forme.35

    Jai racont cette nuit un ami. Il ma dit que les dauphins dorment successivement avec une moiti de leur cerveau, puis avec lautre, ce qui leur permet de maintenir un tat dveil, de vigilance avec lautre moiti. Comme ils nagent sans arrt, ce partage leur est trs utile. Je cherche maintenant retrouver cet tat de faon pouvoir tre constamment en tat de conscience accrue, sans pour autant puiser mon corps physique. Jarrive assez bien faire dormir mon corps durant la journe, tout en donnant mes cours ou en crivant. Jai plus de mal rester conscient lors-que je dors, sauf durant les rves que jarrive investir consciemment. Toutefois, je ne dsespre pas de pouvoir me maintenir en permanence en tat de conscience accrue.

    Pouvez-vous expliquer prsent le point de vue habituel entretenu au sujet des rves. Lors de la prparation de ces entretiens, vous mavez fait part des considrations, votre avis dsastreuses, faites propos des rves dans notre socit occidentale.

    En Occident, nous diffrencions les rves agrables des cauchemars et nous distinguons mme le rve du songe, les songes tant, pour les civilisa-tions anciennes, considrs comme des avertissements ou des messages providentiels issus dentits subtiles, danges gardiens, et mme, pour certains illumins, directement allous par la Grce divine. Le bon sens populaire admet facilement les rves prmonitoires car ils sont assez courants. Cest moins le cas des scientifiques, qui restent, dans les domai-nes des mcanismes mtaphysiques et mtapsychiques, plutt rservs, pour ne pas dire hostiles.

    La psychanalyse na vu dans les rves que lmergence dans une partie du conscient des fluctuations de linconscient. Par ce biais elle a mat-rialis et rduit le rve de simples ractions psychophysiologiques compensatrices par rapport aux vnements inhrents la vie humaine individuelle et aux stimuli extrieurs. Certains scientifiques ny voient mme que des rsultantes physico-chimiques Le fait que la psychana-lyse dfinisse un inconscient collectif, et quelle tente de lexplorer, nest pas de nature me rassurer, bien que cela soit un premier pas vers une

    Introduction au chamanisme Himitsu Questions-rponses

    32

    35 La partie de flte qui orne la chanson de Jacques Dutronc (Paris sveille) est due au gnie improvisateur de Roger Bourdin. Le chanteur ayant rencontr par hasard ce dernier dans les couloirs du studio denregistrement lui avait demand sil pouvait agrmenter larrangement prvu, trop pauvre son got. Avec sa gentillesse habituelle, Roger Bourdin avait accept et mis dans la boite , en une seule intervention, le contre-chant que certains fltistes ont depuis vainement tent de reproduire. R. Bourdin, grand ami de mon Pre, fut mon matre de flte traversire au Conservatoire de Versailles durant les annes 1958-59.

  • considration plus vaste des lments peuplant le rve et de ce quil est possible den retirer, en supposant quil soit le thtre o se manifeste une partie dun inconscient dont il reste toujours dmontrer lexistence.

    Au sujet de linconscient, Julius Evola dit : Cest le sous-sol irrationnel de ltre () cest un autre aspect du nihilisme contemporain et, en outre, le signe dune conscience malade, trop faible pour tenir en laisse les bas-fonds de lme avec ses soi-disant archtypes et tout ce qui peut tre compar au monde des Mres de Gthe. 36

    O. M. Avanhov compare linconscient collectif une fosse obscure de laquelle sortent des bruits sinistres car peuple par des monstres de toutes sortes. Il dit quil ne faut pas y mettre la main sous peine quelle soit immdiatement dvore Evola dit de la psychanalyse : Cest une science fausse et contaminatrice si elle tait applique des hommes appar-tenant dautres temps et dautres civilisations. Elle apparat bien fonde quand il sagit de lhomme moderne traumatis, tre non capable de tenir ferme intrieurement dans son tre nu, absolu, sans rien craindre ni esprer .37

    Les thories psychanalytiques en rapport avec le rve sont des rcup-rations scandaleuses car il y a l, en ralit, aux vues de la considration dont jouissent la psychanalyse et ses trop nombreux drivs, une grave limitation sur la nature relle du rve. Les interprtations des rves poursuivent, en principe, des buts thrapeutiques, mais cela nexcuse ni loccultation des paramtres mtapsychiques et spirituels dvelopps par le biais du rve chamanique, ni les nombreux plagiats effectus au sein des techniques traditionnelles issues du Yoga, comme celles intgres au Kriya-Yoga (pratiques mtaphysiques), en particulier celles du Yoga-nidra..38

    Les dfinitions habituelles donnes par les psychiatres (qui sont des m-decins, ce qui nest pas forcment le cas des psychanalystes) au sujet de lexpression de linconscient rduisent n