le centenaire du code civil

Upload: omar-augusto-bautista-quisbert

Post on 04-Mar-2016

117 views

Category:

Documents


1 download

DESCRIPTION

Le Centenaire Du Code Civil

TRANSCRIPT

  • Le Centenaire du Codecivil, 1804-1904

    Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

  • Le Centenaire du Code civil, 1804-1904. 1904.

    1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numriques d'oeuvres tombes dans le domaine public provenant des collections de laBnF.Leur rutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n78-753 du 17 juillet 1978 : *La rutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la lgislation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La rutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par rutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produitslabors ou de fourniture de service.

    Cliquer ici pour accder aux tarifs et la licence

    2/ Les contenus de Gallica sont la proprit de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code gnral de la proprit des personnes publiques.

    3/ Quelques contenus sont soumis un rgime de rutilisation particulier. Il s'agit :

    *des reproductions de documents protgs par un droit d'auteur appartenant un tiers. Ces documents ne peuvent tre rutiliss, sauf dans le cadre de la copie prive, sansl'autorisation pralable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservs dans les bibliothques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signals par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothquemunicipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invit s'informer auprs de ces bibliothques de leurs conditions de rutilisation.

    4/ Gallica constitue une base de donnes, dont la BnF est le producteur, protge au sens des articles L341-1 et suivants du code de la proprit intellectuelle.

    5/ Les prsentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont rgies par la loi franaise. En cas de rutilisation prvue dans un autre pays, il appartient chaque utilisateurde vrifier la conformit de son projet avec le droit de ce pays.

    6/ L'utilisateur s'engage respecter les prsentes conditions d'utilisation ainsi que la lgislation en vigueur, notamment en matire de proprit intellectuelle. En cas de nonrespect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prvue par la loi du 17 juillet 1978.

    7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute dfinition, contacter [email protected].

  • LE

    CENTENAIRE DU CODE CIVIL

    1804-1904

    PARIS

    IMPRIMERIE NATIONALE

    MDCCCCIV

  • LE

    CENTENAIRE DU CODE CIVIL

    1804-15*04

  • LE

    CENTENAIRE DU CODE CIVIL

    l8o4-I5?C>4

    PARIS

    IMPRIMERIE NATIONALE

    MDCCCCIV

  • , LE

    CENTENAIRE DU CODE CIVIL

    1804-15)04

    L'initiative desftes auxquelles a donn lieu, en France, leCentenaire du Code civil revient au secrtairegnral de la Socitd'tudes lgislatives, M. K. SaleiUes, profefeur la Facult dedroit de l'Universit de Parts. Des la date du Ier mai 1902,il prsentait, au conseil de direction de la Socit, un projet demanifestation de caractre exclusivement scientifique Cet ouvrage a paru en octobre ipoj. sous le titre suivant : Le Code civil,

    Livre du Centenaire, 1804-1904. Paris, Arthur RouJIeau, diteur,CENTENAIRE DU CODE CIVIL. I

  • 0'( 2 )-

    volontiers dpartager sa tche

  • M 3 >
  • 1-*( 4 )*--CROISET, membre de l'Institut, prsident de la Socit d'enseignementsuprieur; DAGUIN, avocat la Cour d'appel de Paris, secrtaire gnralde la Socit de lgislation compare; DANET, ancien btonnier del'Ordre des avocats la Cour d'appel de Paris, vice-prsident de la Socitd'tudes lgislatives ; DARESTE, conseiller honoraire la Cour de cassation,membre de l'Acadmie des sciences morales & politiques, ancien prsi-dent de la Socit de lgislation compare; DARRAS, docteur en droit,secrtaire de la Socit de lgislation compare; DECRAIS, ancien ministre,dput, membre de la Socit de lgislation compare; DELAIRE, secr-taire gnral de la Socit d'conomie sociale; DELAMARCHE, prsidentde l'Association gnrale des tudiants; DERODE, prsident de la Chambrede commerce de Paris; G. DESPLAS, prsident du Conseil municipal deParis; DEMONTS, prsident de la Chambre des notaires de Paris; DE-VILLE, ancien prsident du Conseil municipal de Paris; DEVIN (Lon),ancien btonnier de l'Ordre des avocats la Cour d'appel de Paris, ancien

    vice-prsident de la Socit d'tudes lgislatives; DIETZ, avocat la Cour

    d'appel de Paris, ancien secrtaire gnral de la Socit de lgislation com-

    pare; DITTE, prsident du Tribunal civil de la Seine; DONIOL, membrede l'Institut; DUBOIS, chef du contentieux de la Compagnie des che-mins de fer de Paris Orlans, ancien secrtaire gnral de la Socitde lgislation compare; DU BUIT, ancien btonnier de l'Ordre des avocats la Cour d'appel de Paris, ancien prsident de la Socit de lgislationcompare; DUCROCO_, doyen honoraire de la Facult de droit de l'Uni-versit de Poitiers, membre du Comit consultatif des Facults de droit;DUFOURMANTELLE (Maurice), charg de confrences la Facult de droitde l'Universit de Paris, secrtaire adjoint de la Socit de lgislation com-pare; ESMEIN, professeur la Facult de droit de l'Universit de Paris,membre de l'Acadmie des sciences morales & politiques, membre duConseil suprieur de l'instruction publique; FABRE (Victor), directeurdes affaires civiles au Ministre de la justice; FABRE, prsident du Co-mit des notaires des dpartements; FERAUD-GIRAUD, prsident hono-raire la Cour de cassation, ancien prsident de la Socit de lgislationcompare; FLACH, professeur au Collge de France; FOURNIER (Marcel),directeur gnral de l'Enregistrement, membre de la Socit de lgisla-tion compare; comte DE FRANQUEVILLE, membre de l'Institut, membrede la Socit de lgislation compare; FRENNELET, codirecteur desPandeBes franaises; FRREJOUAN DU SAINT, directeur du Rpertoire gnral dedroit franais; FROMAGEOT, avocat la Cour de Paris, secrtaire adjointdel Socit de lgislation compare; GERARDIN, professeur la Facult dedroit de l'Universit de Paris, ancien vice-prsident de la Socit de lgis-

  • lation compare ; GERMAIN (Henri), membre de l'Institut, dpute, membrede la Socit de lgislation compare; GIGOT, ancien prfet de police,ancien vice-prsident de la Socit de lgislation compare; GLASSON,

    doyen de la Facult de droit de l'Universit de Paris, membre de l'Aca-dmie des sciences morales & politiques, prsident honoraire del Socitd'tudes lgislatives, ancien vice-prsident de la Socit de lgislationcompare; GOURD, dput, membre de la Socit de lgislation com-

    pare; GRIOLET, vice-prsident du Conseil d'administration du Cheminde fer du Nord, codirecteur de la Jurisprudence gnrale de M. Dalloy;GUERIN, chef de bureau la Caisse des dpts & consignations,secrtaire adjoint de la Socit de lgislation compare; GUILLOUARD, pro-fesseur la Facult de droit de l'Universit de Caen, membre correspon-dant de l'Institut; HAMEL, avocat la Cour d'appel de Paris, secrtaire

    adjoint de la Socit de Lgislation compare; HBRARD, directeur duTemps; HDELIN, notaire honoraire, vice-prsident du Comit des no-taires des dpartements; HERBAUX,. conseiller la Cour de cassation;HRON DE VILLEFOSSE, sous-chef de bureau au Ministre de la Justice,ancien trsorier de la Socit de lgislation compare; HUBERT-VALLE-

    ROUX, avocat la Cour d'appel de Paris, ancien vice-prsident de la Socitde lgislation compare; ALIX JEAN, directeur de la Gayette du Palais;JESSIONNESSE, rdacteur en chef du Recueil gnral des lois

  • (-&( 6 )-de lgislation compare, vice-prsident de la Socit d'tudes lgislatives;MARC, conseiller rfrendaire la Cour des comptes; MARGUERIE,conseiller d'tat, vice-prsident de la Socit d'tudes lgislatives?MASSIGLI, professeur la Facult de droit de l'Universit de Paris,membre du Comit de direction de la Socit d'tudes lgislatives;BIENVENU - MARTIN, dput, membre de la Socit de lgislationcompare; MELINE, ancien prsident du Conseil des ministres, snateur,membre de la Socit de lgislation compare; MILLIARD, ancien

    ministre, snateur, membre de la Socit de lgislation compare;MORIZOT-THIBAULT, substitut du procureur de la Rpublique prs leTribunal de la Seine, trsorier de la Socit d'tudes lgislatives; MOU-TARD-MARTIN, prsident de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat & laCour de cassation; DE NALCHE, directeur du Journal des Dbats; PASSY(Frdric), membre de l'Institut, dput, membre de la Socit de lgis-lation compare; PICHON, diteur de la Socit de lgislation compare;PICOT (Georges), secrtaire perptuel de l'Acadmie des sciences mo-rales & politiques, ancien prsident de la Socit de lgislation compare;PIEDELIVRE, professeur la Facult de droit de l'Universit de Paris,secrtaire gnral adjoint de la Socit d'tudes lgislatives; POIN-CARE(R.), ancien ministre, snateur, membre de la Socit de lgisla-tion compare, & del Socit d'tudes lgislatives; DE RAMEL, avocatau Conseil d'tat & la Cour de cassation, dput, membre de laSocit de lgislation compare; RENAUD, premier prsident de la Courdes comptes; RENAULT, professeur la Facult de droit de l'Universitde Paris, membre de l'Acadmie des sciences morales & politiques,ancien vice-prsident de la Socit de lgislation compare; RENAULT-MORLIRE, dput, membre de la Socit de lgislation compare;RIBOT, ancien prsident du Conseil des ministres, dput, ancien pr-sident de la Socit de lgislation compare; RIVIRE, secrtaire gnralde la Socit gnrale des prisons; ROUSSEAU (Ar.), diteur del Socitd'tudes lgislatives; SALEILLES, professeur la Facult de droit del'Universit de Paris, secrtaire gnral de la Socit d'tudes lgislatives;SAYET, prsident de la Chambre des agrs prs le Tribunal de com-merce de la Seine; SIEGFRIED, dput, membre de la Socit de lgis-lation compare; SOHIER, prsident du Tribunal de commerce de laSeine; SOREL (Albert), membre de l'Acadmie franaise; TANON, pr-sident de chambre la Cour de cassation, vice-prsident de la Socitd'tudes lgislatives; TERRT, doyen de la Facult libre de droit;THALLER, professeur la Facult de droit de l'Universit de Paris, vice-

    prsident de la Socit de lgislation compare; THEURAULT, ancien

  • ta( y )-

    magistrat, secrtaire de la Socit de lgislation compare; THZARD,snateur, membre de la Socit de lgislation compare; TOURSEILLER,prsident de la Chambre des avous prs la Cour d'appel de Paris;TRANCHANT, ancien conseiller d'tat, ancien prsident de la Socit delgislation compare; VERGE, codirecteur del Jurisprudence de M. Dallov;DE VERNEUIL, syndic de la Compagnie des agents de change laBourse de Paris; VILLEY, doyen de la Facult de droit de l'Universitde Caen, membre du Conseil suprieur de l'instruction publique;WEISS, professeur la Facult de droit de l'Universit de Paris, direc-teur des Pandeites franaises.

    Dans une runion, tenue la date du 18 mai, le Comit de

    patronage arrta lesgrandes lignes de la manifestation projete.Il fut dcidqu'elle aurait lieu vers la fin d'octobre, de manire aconcider avecla publication du volume jubilaire, ^ qu'un appelserait adref aux souscriptions corporatives

  • *-$( 8 )-> la Facult libre de droit de Paris; MARC, conseiller rfren-daire la Cour des comptes; COTELLE, conseiller honoraire la Cour de cassation; FABRE, notaire, prsident du Comitdes notaires des dpartements; LEGRAND, snateur; LARNAUDE,professeur la Facult de droit de Paris; AmbroiseCOLIN, pro-fesseur adjoint la Facult de droit de Paris; Alix JEAN, directeurde la Galette du Palais; BONNEVILLE DE MARSANGY, rdacteur enchef de la Galette des Tribunaux; CHEYSSON, membre de l'Institut;Jean CRUPPI, dput; LEFAS, dput; Arthur ROUSSEAU, diteurde la Socit d'tudes lgislatives; TRANCHANT, ancien conseillerd'tat.

    Le Comit du Centenaire fit choix d'un secrtaire-trsorier dans la

    personne de M. AMBROISE COLIN.

    Le Comit du Centenaire, dans l'intervalle compris entre saconstitution

  • politiques qui voulut bien, sur le rapport de M. Doniol, luiaccorder le prix Chevalier, d'une valeur de 3,000 francs.

    En second lieu, le Parlement vota une subvention de1.0,0 0 0 francspour le Centenaire,- la Chambre des dputs,sur le rapport de M. Jean Cruppi, le Snat, sur le rapport deM. Antonin Dubost.

    Enfin, M. Voil, Garde des Sceaux, voulut bien accepterde prsider les runions

  • *-s( i o )*-*avaient le plus contribu en afiurer le succs.Ni M. Saeules,le vritable initiateur du Centenaire, ni M. Baudouin, l'infa-tigable prsident du Comit dont on peut dire qu'il avait tl'me toujours afaute, ne purent tre prsents le 29, retenusloin de Paris, l'un par l'tat de sa sant, l'autre par un deuilde famille. Deux hautes personnalits avaient, d'ailleurs, bienvoulu accepterde remplacer M. Baudouin, M. Ballot-Beaupr,premier prsident de la Cour de cafation, enprenant la parole la sance du 29 au nom de la Cour suprme, M. Lyon-Caen, membre de l'Institut, profefeur la Facult de droit,vice-prsident de la Socit d'tudes lgislatives, en remplifantles autres fonctions prsidentielles.

  • La clbration du Centenaire du- Code civil a eu lieu dans te

    grand amphithtre de la Sorbonne, le samedi 29 octobre, adeux heures de l'aprs-midi.

    Sur l'estrade d'honneur, aux etes de M. le Prsident dela Rpublique, ont pris place :

    MM.

    Ernest VALL, Garde des Sceaux, ministre de la Justice;CHAUMI, ministre de l'Instruction publique & des Beaux-Arts ;POIRRIER, vice-prsident du Snat;GERVILLE-REACHE, vice-prsident de la Chambre des dputs;Les dlgations du Snat & de la Chambre des dputs;Le Gnral Ministre de la Guerre, reprsent par M. le Con-

    trleur gnral d'arme DEMEUNYNCK;Le Prsident du Conseil, ministre de l'Intrieur, reprsent

    par M. RVEILLAUD, sous-chef du secrtariat particulier;Les Ministres des Affaires trangres, del Marine, des Finances

    & des Colonies, reprsents par des fonctionnaires de leurs

    dpartements respectifs;S. Ex. le Prince RADOLIN, ambassadeur d'Allemagne;S. Ex. le Comte TORNIELLI, ambassadeur d'Italie;A. LEGHAIT, envoy extraordinaire & ministre de Belgique;I. MOTONO, ministre du Japon;Le Chevalier A. DE STUERS, ministre plnipotentiaire des

    Pays-Bas;DE SOUZA-ROZA, envoy extraordinaire & ministre plnipoten-

    tiaire de Portugal;G. GHIKA, ministre plnipotentiaire de Roumanie;LARDY, envoy extraordinaire & ministre plnipotentiaire de

    Suisse Paris, premier juge au Tribunal de cassationmilitaire;

  • *-( 12 )
  • *-*( I 3 )-DISSESCOU, avocat, professeur l'Universit de Bucarest, ancien

    ministre de la Justice, dlgu de Roumanie;Ch. PHRKYDE, prsident de chambre la Cour de cassation,

    dlgu de Roumanie;DE HAMMARSOOLD, ancien ministre de la Justice, prsident de

    la Cour d'appel de Gota, dlgu de Sude;V. SRB, bourgmestre de la ville de Prague;Albert SOREL, membre de l'Acadmie franaise & de l'Acadmie

    des sciences morales & politiques;CHEYSSON, membre de l'Institut;DONIOL, membre de l'Institut;LEVASSEUR, membre de l'Institut, administrateur du Collge

    de France;

    Georges PICOT, membre de l'Institut, secrtaire perptuel del'Acadmie des sciences morales & politiques;

    Flix ROCQUAIN, membre de l'Institut;LTARD, membre de l'Institut, vice-recteur, prsident du Conseil

    de l'Universit de Paris;GLSSON, membre de l'Institut, doyen de la Facult de droit;LYON-CAEN, membre de l'Institut, professeur la Facult -de

    droit, vice-prsident du Comit du Centenaire;BALLOT-BEAUPR, premier prsident de la Cour de cassation;COULON, vice-prsident du Conseil d'tat;RENAUD, premier prsident de la Cour des comptes;LIOTARD-VOGT, procureur gnral la Cour des comptes;Le gnral DESSIRIER, gouverneur militaire de Paris;DE SELVES, prfet de la Seine;

    LPINE, prfet de police;FORICHON, snateur, premier prsident de la Cour d'appel de Paris ;BULOT, procureur gnral la Cour d'appel de Paris;BYET, directeur de l'Enseignement suprieur;BOIVIN-CHAMPEAUX, prsident du Conseil de l'Ordre des avocats

    au Conseil d'Etat & la Cour de cassation;BOURDILLON, btonnier de l'Ordre des avocats la Cour d'appel

    de Paris;DITTE, prsident du Tribunal civil de la Seine;

  • 7'FABRE,.procureurd la Rpublique prs le Tribunal civil de la'."'"*vSeine;:i- . '-,",.-. '.

    ''

    ,.""

    ../^ . \"SOHIER, prsident du ^Tribunalvde commerce de la Seine;BOUCHER, colonel de la Garde rpublicaine, etc., etc.

    Dans l'hmicycle, s'taient rangs les corps ou dlgations ci-

    aprs, en costume officiel : le Conseil d'Etat, la Cour de cas-sation, la Cour des Comptes, la Cour d'appel de Paris, laFacult de droit de l'Universit, laquelle s'taient joints uncertain nombre Je profefeurs des Facults de droit des Univer-sits dpartementales, l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat

  • quement aboutir l'unit de lgislation, puisqu'on vit toujours,au cours des temps, notre nation & notre loi se dvelopper sui-vant le mme mouvement.

    A l'heure mme o la bourgeoisie, au soir du xic sicle,essayait de dborder l'enceinte des communes, pour organiserson indpendance sur des bases plus larges, une cole de savants

    voquait Justinien' oubli, & relevait devant l'Europe occiden-tale le prestige du droit romain.

    Bientt, des aspirations que formulaient les cits, des textesque commentaient avidement les tudiants de Montpellier, unemme leon parut se dgager : c'est que pour tre grands, lespeuples doivent possder la fois l'ordre dans les jugements,& la mthode dans les actes.

    Cette leon fut recueillie par les lgistes, qui instruisirent laroyaut ramasser dans ses mains la puissance de droit & de faitparse jusqu'alors travers le dsordre des seigneuries fodales.Et depuis Louis XI qui confiait Commines son dsir de voirtoutes les coutumes mises en franais, dans un beau livre,jusqu' la Convention donnant son comit de lgislation unmois pour lui prsenter un projet de Code civil, les philosophes,les jurisconsultes & les politiques n'ont jamais cess de pour-suivre d'un mme accord le rve d'une France unifie o au-raient disparu, avec les barrires entre les provinces, les barriresentre les coutumes.

    Tandis que les avocats invoquent devant les Parlements ledroit coutumier quelquefois, le droit romain le plus souvent,si nous en croyons le journal d'audience de Jean Le Coq; tandisque les arrtistes recueillent & interprtent les sentences; tan-dis que les professeurs, chaque jour plus rudits, groupent au-tour d'eux des lves chaque jour plus nombreux, les ordonnancesroyales, dont l'excution tait d'abord limite au domaine du roi,tendent leur influence mesura que le domaine s'accrot, gran-dissent en autorit, se multiplient, embrassent un plus grandnombre de sujets, visent rgler tous les dtails de la vieprive.

    A chaque progrs de la science juridique rpond un progrs

  • *-( 16 )e-i-de la lgislation; ct de chaque grand thoricien se rencontreun grand chancelier.

    Au moment o Dumoulin, dans ses dissertations, dans sestraits, critique la vieille rdaction des coutumes, entame le droitcanonique, combat les privilges de la fodalit, Michel del'Hospital, d'accord avec les notables, avec les tats gnraux,labore l'ordonnance d'Orlans de 1561 & l'ordonnance deMoulins de 1566 qui rforment la procdure & les tribunaux.

    Un sicle plus tard, alors que Domat cherche retrouver lesprincipes des institutions civiles dans ceux de la morale, & seprpare montrer le premier , ce dont le louera Boileau, un plan& une sagesse cachs dans la science du droit, Colbert dit Louis XIV : L'unit de lgislation serait assurment un desseindigne de la grandeur de Votre Majest & qui lui attirerait unabme de bndictions & de gloires.

    A ct du grand ministre qui travaille l'ordonnance de 1667sur la procdure civile, le Code Louis; comme on la nomma,l'illustre Lamoignon cherche mettre le droit en formules, r-vise la coutume de Paris & publie, en 1672, sesArrts

  • -s-a( i y )e-j

    Cependant, aprs tant de rgnes, tant de travaux, tant de

    dclarations, tant d'ordonnances, elle n'est pas ralise.'

    L'esprance des savants, la volont rpte des tats gn-raux, des ministres & des rois se heurtent tantt l'orgueil im-mobile des Parlements, qui refusent d'enregistrer les dits, tantt la jalousie de l'glise, qui veut garder son droit, ses justiciables& ses officialits; elles se perdent dans la broussaille infinie des

    coutumes, elles sont arrtes de toutes parts par le rseau des pri-vilges fodaux qui couvrent encore le pays.

    Et les philosophes ironiques de l'Encyclopdie peuvent de-mander cette royaut qui croit tenir sous l'absolutisme de saloi la France tout entire, de la Manche la Mditerrane :

    Qest-ce qu'une loi dont la justice locale & dont l'autorit,borne tantt par une montagne, tantt par un ruisseau, s'va-

    nouit, parmi les sujets d'un mme tat, pour quiconque passele ruisseau ou la montagne?

    Mais voici la Rvolution qui emporte les gosmes, les abus,les mauvais vouloirs dans un grand flux d'galit ! L'unit pour-suivie, en vain, pendant toute la Monarchie, c'est elle qui vala conqurir.

    Dans cette nuit du 4 aot o l'ancienne noblesse, commeivre d'avenir, s'exalte d'heure en heure au spectacle de ses sacri-

    fices, les justices seigneuriales s'abaissent d'elles-mmes, les droitsfodaux sont disperss au vent, & des sicles de privilges tom-bent en poussire. Dsormais, l'impulsion est telle qu'aucunvnement ne pourra la ralentir.

    A la loi des 8-15 avril 1791, qui proclame l'galit des enfants,succdent la loi du 14 novembre 1792, qui prohibe les substitu-tions destines entretenir l'clat des grandes familles, & la loide nivse an 11sur les successions, qui morcel les fortunes.

    L'aspect de la famille, la forme de la proprit, tout se modifie.La constitution du 3 septembre 1791 a fait du mariage un

    contrat civil; le 20 septembre 1792, le divorce entre dans la loi,& le mme jour, le clerg, dpossd d'une antique prrogative,remet aux magistrats municipaux les registres de l'tat civil; le

    principe de l'galit des cuhx,s.,st consacr.CENTENAIRE DU CODE CrajcW'V ' f^V . 2

  • t ?( i 8 )e-

    Ce n'est pas assez de ces fragments de droit civil qui vien-nent s'ajouter d'autres fragments, renouveler & enrichir lefonds de l'ancien rgime. La Rvolution ne se contente pasd'avoir mancip l'homme de la tyrannie du seigneur, scularisles services publics, aboli la suprmatie de l'an sur les cadets,de l'homme sur la femme, supprim le droit de primogniture& le droit de masculinit, cr une atmosphre juridique plusaccueillante & plus douce aux enfants naturels & aux trangers,inaugur un rgime de successions qui devait empcher larsurrection de la proprit fodale; elle veut encore organiserses conqutes, sparer jamais le temporel du spirituel, assurerdfinitivement l'galit des personnes & des biens devant la loi& ouvrir une re nouvelle o la justice ne connatra ni diff-rence entre les hommes, ni diffrence entre les contres.Aprs la Constituante, la Convention, du ton dont elle com-mande des victoires ses gnraux, commande des codes sesjuristes.

    Elle est obie. Le 7 aot, l'heure mme o l'on apprendla marche des allis sur Paris, Cambacrs annonce que le projetde Code civil est rdig, &le surlendemain, le 9 aot, l'Assem-ble se recueille pour en couter la lecture.

    A voir ce jour-l les reprsentants si calmes, si attentifs suivre l'expos philosophique des principes nouveaux, si una-nimes dans l'approbation, on dirait que la Convention sigehors de l'espace & du temps.

    Oublient-ils donc, tous ces rveurs, leurs luttes d'hier, leurssoupons de tout l'heure, leurs ennemis du dedans & dudehors? La confiance renat-elle, la terreur s'apaise-t-elle, lesvaisseaux de Pitt s'loignent-ils de nos ports & la contre-rvolu-tion recule-t-elle hors de la Patrie ?

    Non, ces thoriciens un instant apaiss ne renoncent ni leurs passions ni leurs dfiances. Ils ne croient pas la scuritpublique & savent que, de quelque ct qu'ils se tournent, ilsvont la rencontre d'un danger.

    En entrant dans la salle chacun commente avec inquitudeles nouvelles qui arrivent de Vende o la chouannerie tient

  • S-9-( I O )
  • 1-3'( 2 0 JC--

    an vm et qui, pas plus que les autres, ne conquiert l'assentimentnational.

    Enfin, la mme anne, en nivse, Tronchet, Bigot-Prame-neu, Portalis sont chargs de prparer un cinquime projet, quireproduit la plupart des dispositions inscrites dans les autres.

    Celui-l, Bonaparte se charge de le faire aboutir. Un instantil est arrt par les scrupules libraux du Tribunat, il s'en dbar-rasse par un coup d'tat; il traite les jurisconsultes comme unchef d'arme ses lieutenants, rgle les dtails des articles aussi

    soigneusement que des plans de bataille, & met une obstinationde gnie assurer les conqutes juridiques de 1789.

    Sans doute, certains moments, le Premier Consul laisse

    percer ou cet gosme dominateur qui ramne tout lui & se

    marque dans les articles relatifs au mariage & l'adoption, oucette crainte de l'inconnu, propre aux esprits conservateurs, quis'affirme par une certaine hostilit envers les trangers.

    Malgr ces crations personnelles de Bonaparte, effacesd'ailleurs, pour la .plupart, par le travail constant des lois, leCode de 1804 est promulgu, & il parat au monde la conclu-sion lgale de la Rvolution franaise.

    Du jour o il est mis eu vigueur, ses principes pntrent lespeuples : ils accompagnent la victoire & lui survivent.

    La France n'tait pas cependant la premire nation qui pts'enorgueillir d'un code. Christian V en avait donn un auDanemark ds 1684; la Sude avait le sien depuis 1734, laBavire depuis 1756; en 1794, * l'heure o Cambacrs taitcontraint de refaire son projet, la Prusse mettait en vigueurson Landrecht. ir.

    Mais tous ces codes ne parvenaient pas se rpandre horsdes frontires nationales. Ils n'taient pas assez simples pour tre

    partout compris. Peut-tre aussi leur manquait-il la lumire

    qui, seule, se propage travers l'tendue.Il est un fait, a dit Bluntschli, qui est la justification & la

    glorification du Code civil franais. Aucune nation n'a song imiter le Code prussien, tandis que le Code franais a tmaintenu en Belgique, dans les provinces rhnanes, dans le

  • i->[ 2 I J6-~

    grand-duch de Bade, dans le royaume de Pologne... Lesvaincus, chose remarquable, gardrent les lois franaises commeun bienfait.

    L o le droit nouveau parut, le droit antique fut dlaiss

    pour toujours. Et, longtemps aprs que le souvenir de la domi-nation franaise eut quitt les mmoires, les familles de la rivedroite du Pvhin & des bords de la Vistule appliquaient, sans le

    savoir, dans leur vie quotidienne les rgles que nos soldatsavaient apprises leurs penseurs. C'est que la France, de parsa situation au seuil de l'Europe, a vue sur toutes les mers &sur toutes les racs, & semble dsigne par le destin pour com-

    prendre & dfinir l'harmonie des lois.Dans les contres mmes o notre Code civil ne fut pas en-

    seign, il servit nanmoins d'exemple. Ainsi que nous avionsalli nos coutumes au droit romain, chaque pays allia lessiennes au droit; franais. Et nous avons quelque raison d'trefiers des progrs accomplis par nos rivaux depuis 1804, puisquec'est nous qui les avons inspirs. /

    L'heure n'est-elle pas venue aujourd'hui, Messieurs, de de-mander notre tour des conseils ces lgislateurs trangers quisont reprsents cette fte par tant de hauts esprits?

    Les centenaires sont pour les peuples des occasions de se sou-venir & de comparer : on ne peut tre rassur sur sa gloire quelorsqu'on est certain de la mriter encore.

    Le Code civil n'a pas tout prvu, il ne pouvait pas tout

    prvoir. Il serait donc puril de nier qu'il ait besoin d'unerforme, car le Parlement le rforme tous les jours.

    Les coles ne discutent que sur l mthode suivre. Croyons-en l'intelligence humaine qui ne saurait comprendre tous les

    problmes la fois & srions les efforts & les progrs.Dj, en modifiant notre Code sculaire, des projets de loi

    sur les socits & les assurances qui se prsentent avec l'appa-rence de vritables Codes spciaux sont soumis aux dlibrationsdu Parlement pendant que s'achve le Code du travail.

    Ainsi les grandes lacunes du Code civil sont prs de se combler.En outre, la jurisprudence rvle au jour le jour les besoins

  • -S-S^ 2 2 ]-*

    nouveaux de la socit, applique la volont du pays tous lescas particuliers, dcouvre des formules nouvelles, & nous offreune source de droit parce qu'elle offre une source de clart.

    Peut-tre me sera-t-il permis aussi, ne ft-ce que par respectenvers mes prdcesseurs, de rappeler que des renseignementsd'un certain prix pour les rformateurs de demain peuvent serencontrer dans ces circulaires ministrielles que j'ai donnordre de coordonner & qui souvent prcisent la volont du lgis-lateur & l'esprit dans lequel elle est excute.

    Enfin, je ne remplirais certainement pas mon devoir si je nerendais ici un hommage particulier ces professeurs de facultqui continuent avec clat la tradition de nos grands juriscon-sultes, & qui viennent de donner dans le Livre du Centenairel'loquente consultation de la pense moderne sur le droit civilde la France.

    Chaque anne, les travaux semultiplient, les projets s'ajoutentaux projets, & les dcouvertes aux dcouvertes.

    De 1811 1900, de la promulgation du Code autrichien lamise en vigueur du nouveau Code allemand, la plupart desgrands pays d'Europe ont repris la suite de notre effort juri-dique, mis de l'ordre dans l'immense amas des traditions natio-nales, donn aux transformations conomiques du sicle dessanctions lgales & rapproch les peuples en simplifiant le droit.

    Je demanderai une grande commission de comparer notreCode civil ceux des autres peuples, de relever les diffrences,d'analyser les problmes nouveaux tels que les lgislationstrangres les ont compris, d'tudier les solutions qu'ils ontreues de nos voisins, afin que nous profitions du travail de touscomme tous ont profit du travail des juristes franais.

    Puiss-je par l contribuer pour ma part rendre faciles, jene dis pas la rforme, mais les rformes du Code civil.

    Plus le domaine intellectuel de l'humanit s'accrot, plus ledveloppement de l'industrie & de la science diversifie lesformes de production & les formes de proprit, plus l'ascensionpolitique du proltariat tend faire reconnatre par la socitdes droits nouveaux & des contrats hier inconnus, & moins

  • s-a( 2 3 )c--s

    l'on peut prtendre enfermer dans un code la puissance mou-vante de la vie.

    Alors, quoi bon refaire le ntre en entier? Il n'a jamaisempch les changements ni paralys les lois. Il se prte toutesles innovations & apparat comme un plan bien conu o chaqueprogrs vient naturellement se classer.

    C'est la destine des beaux monuments de pouvoir, selon les

    poques, abriter des htes diffrents, sans que la calme splen-deur de leur ordonnance en soit jamais drange.

    Si la richesse, jadis attache la terre, a pris la mobilit descombinaisons de l'esprit, si les rapports sans cesse plus facilesdes hommes entre. eux & des nations les unes avec les autresont fait comprendre tous la ncessit de la confiance & ducrdit, si les risques crs par les machines, si la libert de penserqui se rpand, si la libert d'association qui nat, si la forceouvrire qui grandit, ncessitent l'extension de nos lois, notreCode civil de 1804 peut encore encadrer ces progrs.

    Une seule condition s'impose, c'est de les accomplir avec

    prudence & esprit de suite. De cette prudence & de cet espritde suite, nous avons une garantie sre dans la prsence au som-met de la Rpublique de l'homme minent & avis que je salueici, & qui sut toujours concilier les exigences de l'ordre aveccelles de la vrit.

    Nous pouvons donc hter, sans sursaut, sans violence, lamarche de la justice. Nous serons en cela les hritiers lgitimesdes auteurs du Code civil & les continuateurs de leur oeuvre, carsi en 1804 il fallait rsumer le droit, en 1904 il faut l'largir.

    DISCOURS DE M. BALLOT-BEAUPRPREMIER PRSIDENT DE LA COUR DE CASSATION

    Lorsque, par la pense, on se reporte cent ans en arrire,on s'explique aisment les tmoignages d'admiration & de recon-naissance qui salurent l'apparition du Code civil.

  • t-9( 2 4 )-*En un pays o l'exprience des sicles passsrvlait les incon-

    vnients & les dangers d'une loi non crite & de coutumes sou-vent si diffrentes entre elles, le Code tablissait l'unit de lalgislation civile; &, innovant peu, mais conciliant dans unehabile mesure avec le droit n de la Rvolution les empruntsqu'il faisait aux sources diverses du droit ancien, il formulait,en une srie d'articles gnralement simples & clairs, les prin-cipes qui allaient dsormais rgir l'tat & la capacit des per-sonnes, leurs rapports de famille & leurs biens, sur le territoireentier de la France.

    C'tait une oeuvre nationale, qui, par la suite, devait, rayon-nant travers l'Europe & jusqu'en Amrique, servir de base, oude guide, nombre de lgislations trangres.

    Aujourd'hui, elle est centenaire, toujours vivante, & encoredigne d'tre admire !

    Mais, comme toute oeuvre humaine, elle avait des imperfec-tions, elle avait des lacunes, qu'avec la marche des annes lestransformations sociales ont rendues plus sensibles, & que, d'ail-leurs, avaient prvues ses auteurs mmes, les savants juristes,qui, sous l'active & glorieuse impulsion du Premier Consul,l'avaient prpare, Portalis, Tronchet, Bigot-Prameneu, Male-ville.

    Dans leur DiscoursPrliminaire, lors de la prsentation duprojet, ils disaient : c'est un passage bien connu & frquemmentcit, mais je vous demande la permission de le replacer sousvos yeux :

    Nous nous sommes prservs de la dangereuse ambition devouloir tout rgler & tout prvoir... Les besoins de la socitsont si varis, la communication des hommes est si active, leursintrts si multiplis, leurs rapports si tendus, qu'il est impos-sible au lgislateur de pourvoir tout... D'ailleurs, commentenchaner l'action du temps? Comment s'opposer au cours desvnements ou la pente insensible des moeurs? Comment con-natre & calculer d'avance ce que l'exprience seule peut nousrvler?... Un Code, quelque complet qu'il puisse paratre, n'estpas plus tt achev, que mille questions inattendues viennent

  • -( 2 J )

    s'offrir au magistrat. Car les lois, une fois rdges, demeurenttelles qu'elles ont t crites; les hommes, au contraire, ne se

    reposent jamais; ils agissent toujours, & ce mouvement, qui nes'arrte' pas & dont les effets sont diversement modifis parles circonstances, produit chaque instant quelque rsultat nou-veau. C'est au magistrat & au jurisconsulte, pntrs de l'espritgnral des lois, en diriger l'application.

    Donc, Portalis & ses collgues n'entendaient pas rgler minu-tieusement d'avance, en des formules abstraites, tous les cas

    d'application des principes qu'ils posaient. Non; dans un styleconcis, mais souple & comprhensif, ils posaient les principes,en abandonnant la doctrine & la jurisprudence, le soin dedduire les consquences pour la solution de toutes les ques-tions inattendues qui viendraient se prsenter.

    Et, tandis que, soucieux de la sparation des pouvoirs, l'ar-ticle 5 du Code civil dfend aux tribunaux de prononcer parvoie de disposition gnrale & rglementaire sur les causes quileur sont soumises, l'article 4 dclare qu'ils se rendraient cou-

    pables du dlit de dni de justice s'ils refusaient de statuersous prtexte de l'obscurit, de l'insuffisance ou du silence de la loi.

    La mission que leur rservait ainsi le lgislateur de 1804 taitimmense, si l'on songe aux innombrables contestations que,depuis cent ans, la pratique a fait natre.

    Cette mission, comment les magistrats franais l'ont-ils rem-

    plie? Et comment pouvaient-ils, sans empiter sur les prroga-tives du lgislateur lui-mme, non pas seulement appliquer laloi quand elle tait obscure, mais la complter quand elle taitinsuffisante & la suppler quand elle leur paraissait muette ?

    Appel l'honneur de prendre devant vous la parole comme

    reprsentant de la Cour suprme dans cette solennit, o j'ai levif regret de ne pas voir prs de moi mon collgue M. le procu-reur gnral Baudouin, empch par un deuil cruel, il m'a sem-bl, Messieurs, qu'il m'appartenait d'exposer, grands traits,ce que pouvait tre lgalement, & ce qu'a t, au xix sicle, cerle, complmentaire, en quelque sorte, de la jurisprudencedevenant l'initiatrice de lois nouvelles.

  • J-3>( 26 )-?

    Le sujet est vaste; mais, rassurez-vous, je le parcourrai rapi-dement; &, puisque, en le traitant, il ne m'est pas possible de

    prtendre au mrite de la nouveaut, je voudrais du moinsavoir vos yeux celui de la brivet.

    Messieurs, dans de rcentes & fort remarquables publicationsconsacres l'tude des mthodes d'interprtation du Code civil,on s'est demand si, pour l'interprte, la loi crite tait, relle-ment, l'unique source de droit priv, s'il ne fallait pas plutt enreconnatre d'autres ct d'elle, principalement la coutume,que la jurisprudence met en lumire. Et l'on s'est prvalu d'unpassage du Discours Prliminaire, o on dit : A dfaut detexte prcis sur chaque matire, un usage ancien, constant &bien tabli, une suite ininterrompue de dcisions semblables,une opinion ou une maxime reue, tiennent lieu de loi.

    Je n'aborderai pas l'examen de cette controverse, qui intresseparticulirement la doctrine & qui la divise; je me place unpoint de vue exclusivement judiciaire; or, pour le juge, il estincontestable, en l'tat de notre organisation actuelle, qu'iln'existe pas, proprement parler, d'autre source de droit civilque la loi.

    En effet, les dcisions des tribunaux & des cours d'appel,qui tranchent les questions de fait souverainement, sont, pour lesquestions de droit, soumises au contrle de la Cour de cassationinstitue dans le but de maintenir l'unit de jurisprudence; maiso serait l'unit, si des rgles de droit, purement coutumires,taient obligatoires ce titre & si elles taient, je le suppose,constates & appliques en sens contraire par des juridictionsdiffrentes? La Cour de cassation ne pourrait pas intervenircomme rgulatrice; car, selon les expressions mmes du lgisla-teur, elle ne peut casser que pour contravention expresse laloi, & j'ajoute, la loi crite, puisque le dcret du 17 dcembre1790, qui a cr notre compagnie, porte, dans son article 17toujours en vigueur : Le dispositif du jugement de cassationcontiendra le texte de la loi ou des lois sur lesquelles la dcisionsera appuye.

    On-ne saurait donc invoquer, devant nous, comme tenant

  • s-s[ 2 y )c-s

    lieu de loi, ni un usage, si aucun article ne s'y rfre, niune maxime reue, si aucun article n'en fait l'application,ni une suite ininterrompue de dcisions semblables, puisquela chose juge n'a d'autorit qu'entre les parties.

    Ce qu'a voulu direPortalis, c'est simplement qu'en fait, dansla pratique, quand un usage est sanctionn par une srie de ju-gements, les particuliers sont naturellement amens le prendrepour rgle de conduite; & rien n'est en effet plus dsirable quela fixit de la jurisprudence; mais, en principe, le juge garde salibert dans chaque affaire, & sa sentence, en dehors des ques-tions de fait, ne sera justifie que si elle peut se rattacher untexte de loi.

    Lorsque le texte, sous une forme imprative, est clair & prcis,ne prtant aucune quivoque, le juge est oblig de s'incliner& d'obir; s'il ne le faisait pas, il manquerait un devoir l-

    mentaire, & de pareils abus, en se gnralisant, produiraient unevritable anarchie.

    Mais, lorsque le texte prsente quelque ambigut, lorsquedes doutes s'lvent sur sa signification & sa porte, lorsque,rapproch d'un autre, il peut, dans une certaine mesure, tre,ou contredit ou restreint, ou, l'inverse, dvelopp, j'estimeque le juge, alors, a les pouvoirs d'interprtation les plus tendus;il ne doit pas s'attarder rechercher obstinment quelle a t,il y a cent ans, la pense des auteurs du Code en rdigeant telou tel article; il doit se demander ce qu'elle serait si le mmearticle tait aujourd'hui rdig par eux; il doit se dire qu'en pr-sence de tous les changements qui, depuis un sicle, se sont

    oprs dans les ides, dans les moeurs, dans les institutions, dansl'tat conomique & social de la France, la justice & la raisoncommandent d'adapter libralement, humainement, le texte auxralits & aux exigences de la vie moderne.

    Pour cette volution ncessaire, le Code civil est, entre lesmains des juristes, un instrument d'une singulire puissance;tantt il nonce un principe dont on n'a qu' dgager logique-ment les consquences dans les hypothses les plus varies; tanttil donne une solution impliquant l'existence d'un principe que

  • t 9'( 28 )--l'on dgage son tour & auquel on remonte pour en fairedcouler des consquences analogues en vue d'hypothses nou-velles; tantt, par la combinaison d'articles mme spars &

    loigns les uns des autres, il permet d'attnuer les effets rigou-reux ou de corriger les imperfections de l'un d'eux.

    On a object, je le sais, qu'en procdant de la sorte & en at-tribuant au texte, indpendamment de la pense qui l'a inspir,un sens, non pas dfinitif ds le dbut, mais volutif dans lamesure des besoins de la socit, l'interprte, non seulementfausse la nature de la loi, mais se laisse invitablement en-traner dans des raisonnements artificiels & arbitraires; on

    ajoute que, d'ailleurs, les magistrats seront bien contraints depuiser d'autres sources de droit dans les cas non prvus pourlesquels il leur sera impossible de dcouvrir une disposition ap-plicable.

    Mais je fais observer, d'une part, que la ncessit d'appuyersur un texte la dcision limite videmment l'arbitraire & con-

    stitue, ds lors, une garantie; d'autre part, que le Code civilrenferme un grand nombre de dispositions, assez gnrales ouassez souples, mon avis, pour procurer aux tribunaux toujoursun moyen de statuer.

    Ainsi, avec l'article 1134 portant que les conventions l-

    galement formes tiennent lieu de loi ceux qui les ont faites , avec l'article 6, qui proscrit les clauses contraires l'ordre

    public & aux bonnes moeurs, avec l'article 1315, imposant lefardeau de la preuve celui qui se prtend crancier comme audbiteur qui se prtend libr,

    avec les diffrents articles 548,555, 1241, 1312, 1375, 1864, 1926, &c., qui contiennent des

    applications de la clbre maxime nul ne peut s'enrichir aux

    dpens d'autrui, avec l'article 1382, d'aprs lequel tout fait

    quelconque de l'homme qui cause autrui un dommage obligecelui par la faute duquel il est arriv le rparer, avec uneformule aussi fconde que celle de l'article 2279 : en fait de

    meubles, possession vaut titre, je ne crois vraiment pas quel'on russisse imaginer en matire civile une espce dans la-

    quelle le juge ne puisse, pour la solution du procs, se fonder,

  • i->[ 2 0 J.C-*-sinon sur la lettre mme de la loi, au moins (& cela suffit) surun principe consacr par un texte.

    Il serait facile de citer d'autres articles encore; je me borne en ajouter un, l'article 1121, relatif la stipulation pour au-trui, car il est la base d'une cration jurisprudentielle extrme-ment intressante, celle qui concerne le contrat d'assurance surla vie.

    Le Code civil qui, dans l'article 1964, au titre des contratsalatoires, vise les assurances maritimes, est absolument muet l'gard des assurances sur la vie, que prohibait l'ordonnancesur la marine de 1681 (livre III, titre VI, art. 10).

    Nul n'ignore quelle importance, toujours croissante, ont prise,au xix sicle, ces actes de sage prvoyance, qui peuvent treaussi des moyens de crdit; & les tribunaux, les cours d'appel,la Cour de cassation, saisis de frquents litiges qui soulevaientles plus srieuses difficults, ont d forcment suppler au silencede la loi.

    Ils ont procd l'accomplissement de leur tche avec deshsitations bien naturelles, d'abord, avec des contradictions,des revirements mme; mais ils ont fini par tablir un ensemblede rgles qui gouvernent aujourd'hui la matire.

    De vives controverses ont, notamment, surgi touchant l'assu-rance en cas de dcs, faite au profit de tiers que l'assur dsignepour en recueillir le bnfice, par exemple ses enfants ou l'und'eux, sa femme, un de ses cranciers ou toute autre personne.

    Ayant se prononcer sur la validit, le fonctionnement & leseffets de ce contrat si usuel, la jurisprudence s'est inspire del'article 1121, qui autorise la stipulation au profit d'un tiers,lorsque telle est la condition d'une stipulation que l'on fait poursoi-mme .

    A l'aide de ce texte, elle a difi tout un systme juridiquequ'il serait trop long d'exposer ici & que reproduit presque enentier le projet de loi prsent la Chambre des dputs, le12 juillet dernier.

    Il est un autre contrat que le lgislateur de 1804-connaissait,mais qu'il s'est abstenu d'organiser, mme pour les parties essen-

  • tielles rentrant dans le domaine du droit priv : je veux parlerdu contrat de travail.

    Cette omission nous frappe, aujourd'hui, d'autant plus que,depuis, un sicle, l'industrie, avec ses progrs incessants, avec lesperfectionnements de son outillage mcanique, a reu un im-mense dveloppement. Les rdacteurs du Code ne pouvaient sedouter qu'il en serait ainsi; & c'est peut-tre ce qui explique jus-qu' un certain point pourquoi ils se sont occups si peu de laclasse ouvrire. Quoi qu'il en soit, dans le chapitre du louaged'ouvrage & d'industrie, la premire section, intitule dulouage des domestiques & ouvriers, contient purement & sim-plement deux articles : l'un, article 1781, qui a t abrog en1868, obligeait le juge croire le matre sur son affirmation pourla quotit des gages &le payement du salaire de l'anne chue;l'autre, l'article 1780, se rduisait l'nonc de cette rgle :On ne peut engager ses services qu' temps ou pour une entre-prise dtermine; voil tout ! Mais, s'il est dfendu d'aliner salibert en s'engageant pour la vie entire, il est. du moins licitede louer ses services sans dtermination de dure, &, dans ce cas,chacune des parties est libre de rsilier le contrat par sa seulevolont. Or, une rsiliation brusque, intempestive, sera de na-ture occasionner un prjudice : l'ouvrier ou le patron quien sera victime aura-t-il une action en indemnit ? La questions'tait maintes fois pose dans la pratique & elle tait dlicate;car-, en principe, on n'est point passible de dommages-intrtsquand on n'a fait qu'user de son droit. Mais la jurisprudence,s'appropriant une thorie qu'elle tend appliquer maintenantdans des hypothses trs diverses, en dehors mme de la matiredes contrats & grce l'article 1382, lorsque le' droit individuelest en conflit avec un devoir moral,

    je fais allusion la thoriede l'abus du droit, la jurisprudence a pens que l'exercicedu droit de rsiliation pouvait dgnrer en abus & constituerune faute, &, ds 1859, la Cour de cassation jugeait que larsiliation ne peut tre faite contre-temps, d'une manire pr-judiciable l'intrt de l'une des parties; que les tribunauxpeuvent, d'aprs les circonstances, la nature des services engags,

  • s-9^ 3 i j*-*-

    les habitudes professionnelles des contractants, les conditionsncessaires de leur industrie, accorder une indemnit quandla convention a t trop brusquement abandonne.

    Cette dcision prcdait de plus de trente ans la loi qui, le

    27 dcembre 1890, ajoutant l'article 1780 un paragraphe nou-veau, a dclar que la rsiliation du contrat par un seul des con-tractants peut donner lieu des dommages-intrts , que l'onne peut renoncer d'avance au droit ventuel d'en demander,& que, pour la fixation des dommages-intrts a allouer le cas

    chant, il est tenu compte des usages, de la nature des services

    engags, du temps coul, &c.Les tribunaux ont, un autre point de vue, prpar

    l'oeuvre du lgislateur dans l'intrt des ouvriers, & aussi, detous les employs qui touchent des appointements modestes.

    Le Code civil laissait sous l'empire du droit commun lessalaires des ouvriers : tandis que, d'un ct, l'article 2101accorde aux domestiques un privilge gnral pour le payementde leurs gages,

    tandis que, d'un autre ct, la loi du 21 ven-tse an ix n'autorise que partiellement la saisie-arrt sur lestraitements des employs de l'tat, les ouvriers, qui ne sontpas privilgis comme les domestiques, taient exposs, commeceux-ci & comme tous les employs des particuliers, voir leurssalaires intgralement saisis par leurs cranciers; ils n'avaient quela ressource de demander la justice (article 1244) des dlaismodrs pour acquitter leurs dettes.

    Cet tat de choses avait mu les jurisconsultes & les publi-cistes; pour y remdier, la Cour de cassation, par une interpr-tation librale d'une disposition du Code de procdure, l'ar-ticle 581, qui dclare insaisissables aies sommes

  • i~S'[ 3 2 Jen-

    gages, & celle des traitements ne dpassant pas 2,000 francs

    par an.Mais le contrat de travail donne naissance des contes-

    tations bien plus graves, dont la solution, dans le silence duCode, ne pouvait encore tre fournie que par les principesdu droit commun.

    En thse gnrale, celui qui, victime d'un accident, veut enrendre responsable une autre personne, est oblig de prouver,contre la partie adverse, l'existence d'une faute qui aurait tla cause immdiate & directe du dommage subi. C'est la rglede l'article 1382.

    Or, la preuve, plus ou moins dispendieuse, est souvent diffi-cile administrer; l'accident peut, d'ailleurs, provenir, soit d'unfait inconnu, soit d'un cas fortuit ou de force majeure, soit d'uneimprudence de la victime elle-mme.

    Mais, au fur & mesure que s'opraient les transformationsde toute sorte, introduites dans l'industrie moderne, en rfl-chissant ce que peuvent prsenter de prilleux par elles-mmesdes exploitations o l'on emploie un outillage moteurs mca-niques, celles o l'on fabrique, celles o l'on met en oeuvredes matires explosibles, on a compris que le droit communne suffisait pas pour rgir quitablement les rapports des ouvriersavec les patrons. Les ouvriers travaillent dans l'usine que le

    patron a amnage, avec les outils & les machines qu'il a choisis& installs; ils sont en butte des dangers avec lesquels toutnaturellement ils se familiarisent; peu peu ils s'habituent nepas prendre les prcautions indispensables; & un accident arrive.Il y a l des risques inhrents la profession; & l'on a soutenuque le chef d'entreprise devrait, dans une mesure dterminer,en supporter les consquences sur les frais gnraux, puisqu'ilbnficie du surcrot de production que lui donne l'emploi desmachines mmes.

    Mais la thorie du risque professionnel, le lgislateur seulpouvait l'imposer la pratique. En attendant, qu'a fait la juris-prudence ? Pour des motifs de droit sur lesquels il serait sansintrt de revenir aujourd'hui, la Cour de cassation avait dcid

  • que l'ouvrier, demandeur en indemnit, devait se placer sur leterrain de l'article 1382, c'est--dire prouver, & une faute im-

    putable au patron, & une relation de cause effet entre la faute& le prjudice allgu;.mais dans les dernires annes surtout elle a montr une tendance, de plus en plus accentue, admettre facilement cette double condition comme remplie. Et,en 1896, elle est alle plus loin : se fondant sur l'article 1384,selon lequel on rpond du dommage' qu'on cause par le faitdes choses qu'on a sous sa garde, elle a dclar justifie la con-damnation prononce contre un patron, par cela seul que l'ex-

    plosion de chaudire, cause de l'accident, tait due un vicede construction sans qu'il pt se soustraire cette responsabiliten prouvant, soit la faute du constructeur de la machine, soitle caractre occulte du vice incrimin.

    C'tait le dernier terme de l'volution; & il ne restait plusqu' consacrer lgislativement la thorie du risque professionnel.

    C'est ce qu'a fait le Parlement le 9 avril 1898.Mais voyez comme Portalis avait raison de dire : Il est im-

    possible au lgislateur de pourvoir tout... Un Code, quelquecomplet qu'il puisse paratre, n'est pas plus tt achev, que mille

    questions inattendues viennent s'offrir au magistrat.Certes, si une loi a t l'objet, la Chambre & au Snat, de

    discussions srieuses, approfondies, ritres, c'est bien celledu 9 avril 1898, dont l'laboration a dur dix-huit ans.

    Mais son application a suscit une trs grande quantit de

    procs tous les degrs de juridiction; le Parlement lui-mmeest intervenu dj en 1902 pour la modifier, & peut-tre aura-t-il la modifier encore ou la complter.

    Quoi qu'on fasse, soyez convaincus que le rle de la juris-prudence n'est pas termin.

    Je viens de m'expliquer, Messieurs, sur" ce rle, tel qu'il appa-rat en des matires non rglementes spcialement par le Codecivil.

    Mais bien plus nombreuses sont celles o il s'est affirm pro-gressivement dans un sens que l'interprtation littrale des textesne semblait pas d'abord comporter.

    CENTENAIRE DU CODE CIVIL. i

  • L'numration en serait longue; je citerai, trs sommaire-ment, quelques exemples :

    La jurisprudence a ralis les progrs dont je parle, soit enragissant contre les prescriptions motives par d'anciens abusou inspires par de vieilles traditions, soit en dveloppant lesdispositions mmes de la loi.

    Elle a ragi contre la porte trop gnrale de l'article 896

    qui prohibe les substitutions lorsqu'elle a, en vertu des ar-ticles 1040 & 1041, donn effet des combinaisons de legs con-ditionnels alternatifs, ne prsentant pas les dangers qu'avaitredouts le lgislateur.

    De mme, malgr l'article 900, qui rpute non crite la con-dition impossible ou illicite insre dans une donation, elle a, pardes considrations d'quit, en invoquant l'article 1131, prononcla nullit de la donation elle-mme, lorsque la condition im-possible ou illicite en a t la cause impulsive & dtermi-nante.

    Malgr le formalisme des articles 931 & 932, qui assujettissentles libralits entre vifs la rgle de la solennit, elle a, dansl'intrt des tiers, en recourant aux articles 911 et 918, valid leslibralits dguises sous l'apparence de contrats titre onreuxlorsqu'elles ne sont pas faites des incapables.

    Malgr les articles 372 & suivants, qui, ne prvoyant aucuncas de dchance contre des parents indignes, tablissent entermes absolus la puissance paternelle, elle a contrl l'exercicede celle-ci & s'est appuye sur l'article 444 pour en limiterl'tendue, avant la loi du 24 juillet 1889 qui, maintenant, assurectune manire efficace la protection de l'enfant.

    Enfin, malgr l'article 340 qui interdit la recherche de lapaternit, elle a, au moyen de l'article 1382, dans un intrt dejustice & de moralit publiques, permis la fille sduite &devenue mre d'intenter contre celui qui l'a abandonne uneaction en indemnit, lorsque la sduction a t dtermine pardes manoeuvres dolosives, ou par une promesse de mariage,lorsque, en un mot (comme l'indique un arrt de 1862), dansla faute commune la part de l'un & de l'autre est ingale, la

  • "( 3 5 )**--femme pouvant, raison des circonstances, tre considre bienmoins comme une complice que comme une victime !

    Il est, au contraire, des cas galement nombreux, o la juris-prudence, au lieu de restreindre l'application des textes, l'a

    dveloppe par une interprtation extensive.Pour ne pas abuser de votre bienveillante attention, je ne ferai

    cet gard qu'une seule citation, mais elle est bien significative :Au titre du contrat de mariage , dans le chapitre du rgime

    dotal, le Code civil ne parle de l'inalinabilit que pour lesimmeubles constitus en dot.

    La refuse-t-il la dot mobilire ?On devrait rpondre affirmativement, si l'on se dcidait

    d'aprs les ides que ses rdacteurs avaient, ou paraissaient avoir,en 1804, & non d'aprs celles qu'ils auraient en organisant au-

    jourd'hui le rgime dotal, une poque o la fortune mobilires'est accrue dans de telles proportions.

    Interprtant, de la faon la plus large assurment, les ar-ticles 1541, 1550,1553 &.1554 combins entre eux, pour donnerune satisfaction lgitime aux sollicitations de la pratique, unarrt des Chambres runies, qui remonte au 26 novembre 1846,a tendu la dot mobilire le principe de l'inalinabilit.

    La thse tait hardie & elle a t vivement combattue; maisune jurisprudence constante l'a dfinitivement consacre, en cesens, notamment, que, pendant le mariage, la femme dotale ne

    peut, par renonciation, cession ou subrogation, se dpouillerde l'hypothque lgale garantissant sa crance de reprises, & que,mme aprs le mariage, la dot ne peut tre saisie pour l'excution

    d'engagements contracts avant la dissolution.De ce systme, la jurisprudence a ensuite tir une cons-

    quence, non moins hardie, en appliquant ce qu'on appellethorie de la dot renferme, suivant laquelle l'immeuble ac-

    quis au nom de la femme avec des deniers, dotaux, bien quen'tant pas dotal si la condition d'emploi n'a pas t stipuledans les conventions matrimoniales (art. 1553), bien qu'tant dslors paraphernal &, partant, alinable, doit cependant rpondrede la valeur dotale indisponible qu'il reprsente, qu'il renferme

  • en lui, & qui s'incorpore lui, de telle sorte qu'il reste grev dela crance de la femme comme il serait grev de l'hypothquelgale s'il tait la proprit du mari.

    M. le professeur Labb disait que cette extension la dotmobilire du principe & de quelques-uns des effets de l'inali-nabilit est le plus remarquable exemple de hardiesse judicieuseque la Cour de cassation ait donn comme exerant son pouvoird'interprtation.

    Je n'insiste pas davantage, Messieurs, car, dans cette tude,ncessairement abrge & superficielle, j'ai simplement voulumontrer, d'une manire gnrale, par quels procds & dansquel esprit les tribunaux se sont efforcs de rsoudre, en dfi-nitive, les difficults de natures diverses, auxquelles donnaitlieu, avec le temps, l'application du Code de 1804.

    Et, puisque j'ai prononc le nom de M. Labb, je saisis cetteoccasion de rendre la mmoire du savant jurisconsulte un l-gitime hommage, en rappelant combien, par ses travaux cri-tiques & ses magistrales annotations publies dans les revues& les recueils d'arrts, combien aussi par son exemple, qued'autres ont heureusement suivi, il a aid aux progrs de cettejurisprudence, que, dans^le cours du sicle dernier, plusieursgnrations de praticiens, notaires, avous, avocats, magis-trats, ont, avec le concours de la doctrine, contribu former.

    OEuvre considrable, Messieurs ! OEuvre imposante & fconde,qui sans doute a, elle aussi, ses imperfections & ses lacunes! Nossuccesseurs viendront l'amliorer leur tour.

    En y travaillant aprs ceux qui nous ont prcds, nousavons eu, comme eux, l'ambition de faire, pour la bonne ad-ministration de la justice & dans l'intrt de tous, ce qu'atten-daient de nous les auteurs mmes de ce Code, dont le Gouver-nement de la Rpublique clbre aujourd'hui le Centenaire.

  • .( 37 J,w~

    DISCOURS DE M. GLASSONDOYEN DE LA FACULT DE DROIT

    DE L'UNIVERSIT DE PARIS, MEMBRE DE L'INSTITUT

    L'histoire impartiale ne manquera pas de reconnatre que leCode civil du Consulat doit occuper la premire place parmiles lois franaises du xixe sicle. Avec lui s'est enfin acheve cetteoeuvre de codification & d'unification commence par les or-donnances de Louis XIV. Il a t le point de dpart d'un mou-vement lgislatif analogue dans un grand nombre de paystrangers o parfois les lgislateurs se sont inspirs directementdu droit franais; d'autres fois ils ont prfr donner leursCodes des caractres originaux & distinctifs sous des formes trsdiverses, notamment sous celle de loi populaire ou, tout aucontraire, sous celle de loi savante & scientifique.

    Bien diffrents sont les caractres du Code civil. Il mane dejurisconsultes rompus au maniement des affaires. Ses auteurs segardent de se livrer la recherche d'une mthode & d'un plannouveaux. Ils adoptent tout simplement les divisions & l'ordresuivis par les jurisconsultes romains, par Justinien dans sesInslitutes, qui les avait emprunts aux Commentaires de Gaus.Mais pour le fond, ils sont bien de leur temps & s'inspirentexclusivement de l'esprit & du gnie du peuple franais.

    A certaines poques, une sorte de courant nouveau d'idesgnreuses d l'esprit de justice & de progrs se produit dansune nation, s'imposant avec une force irrsistible tous lespartis. Les lois de la Rvolution avaient affranchi les hommes& la terre, donn tous la libert & l'galit. Publicistes,hommes d'tat, philosophes considraient la terre comme laprincipale source de la richesse, & les plus aventureux dansla voie de l'galit sociale allaient jusqu' demander au lgis-lateur d'assurer chaque citoyen la possession d'une parcelle deterre de quantit suffisante pour sa subsistance & pour celle de sa

  • *-( 3 8 )-*-famille. C'tait l'idal rv par les Jacobins & aussi par les Gi-rondins qui, sur un certain nombre de questions sociales,comme nous le dirions aujourd'hui, ne diffraient pas des pre-miers ni de la majorit de la Convention aussi sensiblementqu'on l'a parfois prtendu. Les rdacteurs du Code civil, sans selaisser garer par les utopies, suivent le courant de leur poque.

    Ainsi s'expliquent les dispositions qui favorisent le partage& le morcellement des hritages, une certaine indiffrence pourla richesse mobilire, un oubli complet des lois du travail.Telles institutions qui se sont dveloppes avec une vritable

    puissance dans le courant du sicle sont compltement passessous silence. OEuvre des hommes, notre Code civil n'a sansdoute pas atteint cette perfection idale qui n'est pas l'apanagedu lgislateur humain. Mais.malgr ses lacunes & certaines dis-

    positions surannes, l'ensemble du monument n'en reste pasmoins grandiose par l'harmonie de ses proportions, par les basesternellement justes sur lesquelles il repose &, par-dessus tout,par la connaissance pratique des rapports de l'homme en socit;c'est le Code du bon sens & de l'quit. Introduit dans d'autrespays par la force des armes, il s'y est maintenu par la force dela raison. Comme la rdaction des Coutumes au xvf sicle, laconfection du Code civil a ouvert une re nouvelle & fcondedans l'volution de notre droit.

    Au xvi sicle, les rdacteurs des Coutumes officielles avaientfix dfinitivement des usages incertains, causes de frquentsprocs. Ces coutumes officielles, loin d'tablir l'unit, mainte-naient la diversit dans le droit priv. Elles taient l'oeuvre com-mune du clerg, de la noblesse & du tiers tat, & chacun destrois ordres avait dfendu avec acharnement ses intrts & sesprivilges. Le Code civil rdig par des hommes qui apparte-naient tous au tiers tat a t prpar dans un tout autre esprit :il a organis la famille & la proprit sur la double base del'galit & de la libert sans tenir aucun compte des distinctionsde naissance ou autres, & c'est en ce sens qu'on a pu dire qu'ilest un Code vraiment bourgeois.

    Ce Code a, le premier, ralis cette unit du droit priv qui

  • .( 39 )*+tait depuis des sicles dans les voeux de la monarchie & qu'ellen'avait pourtant pas pu tablir malgr sa puissance absolue. Noussavons, par notre exprience & par celle des autres peuples, ce

    qu'il en cote d'efforts pour obtenir cette harmonieuse unit.Les imperfections & les lacunes sont choses secondaires que rpa-reront la doctrine & la jurisprudence.

    L'oeuvre du Code civil, en effet, a t continue par les tri-bunaux & par les Facults. Il ne m'appartient pas de vous faireconnatre le rle des tribunaux au xix sicle au point de vue du

    dveloppement de la science juridique. Je ne veux pourtant paslaisser chapper l'occasion de constater que si la jurisprudence& la doctrine s'loignent parfois l'une de l'autre raison de la dif-frence des points de vue auxquels elles se placent, cepen-dant elles tendent, surtout de nos jours, raliser une heureuseharmonie dans leurs doctrines & dans leurs applications.

    Ce que je dois surtout rappeler, c'est l'influence du Codecivil sur l'enseignement du droit. On peut la rsumer en deuxmots & en disant que la promulgation du Code a t le signald'une vritable renaissance des tudes juridiques en France.Lorsque les anciennes Universits furent supprimes, elles taiententres depuis un certain temps dj dans une priode de com-plte dcadence. L'enseignement donn en latin se limitait

    presque exclusivement au droit romain & au droit canonique.Il n'existait dans la plupart des Facults qu'une seule chaire dedroit franais dont le professeur tait autoris faire usage de lalangue maternelle. Aussi les Universits ne prirent aucune part la prparation du grand drame de la Rvolution. Elles dispa-rurent avec toutes les institutions de l'ancien rgime &, lorsqu'onorganisa les coles centrales, on se contenta de doter quelques-unes d'entre elles d'une chaire de droit franais. Le professeurdevait s'en tenir des notions lmentaires & purement pratiquessur l'ensemble du droit.

    A vrai dire, l'enseignement de la science du droit avait dis-paru. Aprs la mise en vigueur du Code civil, on comprit qu'unenseignement nouveau & vraiment scientifique s'imposait pourformer des hommes de droit, magistrats, avocats ou autres

  • auxiliaires de la justice. Aussi, peu de temps aprs la promulga-tion du Code, les coles de droit furent successivement rtablies& rorganises. L'enseignement du Code civil fut rparti entreles trois annes de licence. Mais les autres parties du droit priv& du droit public taient manifestement sacrifies ou mme com-

    pltement oublies. Comme on ignorait quel pourrait tre l'espritdes nouvelles coles, on avait soin de ne pas leur confier l'in-struction politique des gnrations futures. Le gouvernementprenait'mme certaines mesures de mfiance l'gard des pro-fesseurs : il les obligeait dicter les rsums de leurs leons & donner au pralable communication de leurs textes aux inspec-teurs gnraux. Je m'empresse d'ajouter que la plupart des pro-fesseurs refusrent de se soumettre cette injonction. Les uns endonnrent pour raison que les inspecteurs gnraux pourraientse permettre de s'approprier le bien d'autrui. Les autres, se pla-ant un point de vue plus lev & plus dsintress, refusrentau nom de leur dignit & de l'indpendance qui doit appartenir tout membre de l'Universit. Ces rsistances obtinrent un pleinsuccs, & dans la suite l'enseignement du droit & la libert des

    professeurs ne cessrent de raliser de nouveaux progrs.Ce n'est pas ici le moment de vous prsenter le tableau du

    dveloppement de l'enseignement du droit dans les Facults auxix sicle. Je ne pourrais que rpter que ce que j'ai dj ditprcdemment dans une autre enceinte. Il ne m'est pas non pluspossible d'entrer dans les dtails de l'enseignement du Codecivil. Un cours de droit est une production de l'esprit essentiel-lement personnelle. Le professeur prpare.des lves aux carrires

    judiciaires ou administratives, forme mme parfois des disciplesd'aprs sa mthode & selon la nature de son esprit. Tout ce qu'onpeut dire, c'est que pendant le xix sicle les tendances de l'en-

    seignement ont toujours t librales. Se plaant au-dessus despassions & des intrts des partis, les professeurs se sont attachs former des jurisconsultes pntrs la fois de l'amour du'droit & de l'quit; car le droit sans quit paratrait parfois tropdur, & il importe qu'une lgislation faite pour les hommes soithumaine; l'quit sans le droit pourrait conduire l'arbitraire.

  • 1-9( 4 l )*e"'~_Les professeurs n'ont pas mnag leurs critiques la loi ni mme, la jurisprudence sans jamais oublier le respect qui est d l'une& l'autre. Les uns l'ont fait sous une forme familire & au nomdu bon sens; les autres ont parl un langage plus austre, se

    plaant exclusivement sur le terrain de la science, de la logique& du raisonnement. A Paris, les cours de Bugnet & de Valettesont rests dans les souvenirs de ceux qui les ont suivis, & quisont aujourd'hui bien peu nombreux. La gnration actuellea t forme par d'autres matres dont quelques-uns sont djdescendus dans la tombe, mais dont le souvenir est rest prsent l'esprit de tous ceux qui m'coutent en ce moment.

    Il est plus facile de suivre le dveloppement de la doctrinedans les ouvrages publis par les professeurs des Facults ou parles jurisconsultes appartenant la magistrature & au barreau.Presque tous ceux qui ont consacr leur vie scientifique l'tudeou l'enseignement du Code civil ont d'abord form une sorted'cole qu'on pourrait appeler l'cole de l'exgse. Ce sont avanttout des commentateurs du Code civil, pleins de dfrence pourson texte, suivant sa mthode pas pas, article par article, s'in-

    spirant sans cesse de ses intentions. Je me garderai de vous

    parler des avantages & des dfauts de cette mthode. Je me per-mettrai seulement de dire qu' mon avis, du moins, si l'on enabuse & si l'on s'en tient strictement son application, le droitcesse d'tre une science pour devenir un art, l'art d'interprterles lois. Il faut rendre cette justice aux jurisconsultes qui ont lespremiers crit sur le Code civil, qu'ils semblent avoir aperu ce

    danger. Us se sont attachs composer des traits d'un caractrevraiment scientifique, & la tche tait tout particulirement diffi-cile dans ces premiers temps. On manquait la fois de matriaux& de guide; la jurisprudence n'existait pas encore. On tirait sur-tout parti des travaux prparatoires du Code civil & des ouvragesdes jurisconsultes du xvm sicle, notamment de ceux de Pothier,dont s'tait souvent inspir le lgislateur du Consulat. C'est cequ'a fait notamment Malleville dans son ouvrage beaucoup tropoubli aujourd'hui & qui pourrait encore claircir certainescontroverses, car Malleville avait t un des commissaires

  • f-9( 42 )*C-

    chargs de prparer la rdaction du Gode, & il a d par celamme, mieux que tout autre, comprendre le sens & la portede sesdispositions.

    Ds ces premiers temps, les jurisconsultes vraiment dignes dece nom ont compris qu'il fallait s'lever au-dessus du commen-taire sec, aride & froid des textes de lois en s'aidant de l'histoire& de la philosophie. Ceux qui n'ont pas su se mettre cettehauteur sont dj tombs dans l'oubli. Quant aux autres, leurnom restera grav dans l'histoire de la jurisprudence.

    Elle rendra justice ces premiers civilistes; elle rappellera lesdifficults qu'ils ont d vaincre; elle devra constater aussi queleurs crits tmoignent d'un vritable respect pour la loi, & enmme temps d'un certain esprit d'indpendance. Ils soumettentleurs doctrines aux textes lgislatifs, mais ils se permettent enmme temps de les juger. Comme exemple de cette indpen-dance, on peut rappeler le discours que pronona le professeurTouiller, de la Facult de Rennes, dans la sance solennelled'ouverture de cette Facult, le 18 mars 1806, peu de tempsaprs la victoire d'Austerlitz & la signature de la paix de Pres-bourg : Pour tre vraiment grand, dit-il, ce n'est pas toutd'avoir tonn le monde par des exploits guerriers, vaincu lesnations & chang la face des empires. Les guerriers & les conqu-rants n'ont t souvent que le flau du genre humain lorsqu'illeur a manqu les vertus ncessaires pour faire le bonheur deshommes, & leurs noms ne sont passs la postrit que chargsde maldictions, tandis que ceux des lgislateurs sages & paci-fiques n'ont jamais t rpts de sicle en sicle qu'avec atten-drissement, respect & vnration. La gloire solide, la seule vri-table gloire est de rendre les peuples heureux, & le bonheur despeuples dpend essentiellement d'une bonne lgislation.

    Toullier avait aussi compris qu'on mutilait la science du droiten l'enfermant dans le domaine du Gode civil; il avait plac, entte de son ouvrage,.un expos sommaire du droit public & dudroit constitutionnel. Il n'y mnageait pas. ses critiques pourtout ce qui lui paraissait arbitraire. Mais la censure ombrageusedu premier Empire imposa la suppression de ces passages & le

  • t 9( 43 )
  • i-9.( 44 )-*

    jurisconsultes du dernier sicle. Valette s'essaya une autre m-thode : il soutenait & voulait prouver que le moyen le plus srde faire connatre l'ensemble du Code civil tait de s'en tenir un trait lmentaire, prcis & clair pour le fond, simple, mais

    soign pour la forme. Malgr ses efforts, il n'est pas pourtantparvenu non plus terminer son oeuvre. Il a repris jusqu' troisfois le premier livre du Code civil, d'abord comme continuateurde Proudhon, puis en son nom personnel. Mais il n'est jamaisarriv en dpasser les limites. Fort mcontent du succs qu'ob-tenaient les ouvrages deTroplong, & dans le but d'en combattrel'influence, il entreprit d'crire un trait des privilges & hypo-thques. Mais, sur ces entrefaites, survint la loi du 23 mars

    1855. Cette loi, vote aprs une discussion trop rapide & tout fait superficielle, avait moins pour objet direct d'amliorer lergime de la proprit immobilire que de favoriser les socitsde crdit foncier dont on venait de dcider la cration, notam-ment Paris, dans le but de dvelopper l'industrie du btiment.

    Valette, indign des imperfections de cette loi," brisa sa plume,& le trait des privilges & des hypothques resta son tourinachev. Le doyen de la Facult de droit de Paris, M. Blon-deau, avait t quelque temps auparavant frapp des difficults

    que rencontraient les jurisconsultes terminer un ouvrage dequelque importance sur le Code civil. Il imagina un procdnouveau qu'on ne saurait recommander, mais qu'il est permisde rappeler, en raison de son originalit & d'aprs une tradi-tion de l'cole dont je ne garantis pas l'exactitude; c'tait decommencer par la fin & de finir par le commencement. De-mandez dans une bibliothque de jurisprudence le trait deBlondeau sur la Sparation des patrimoines, ouvrez-le & vousconstaterez qu'il commence la page 473. L'auteur devait

    publier ensuite les quatre cent soixante-douze premires pagesqui auraient t consacres une partie de la thorie des pri-vilges & hypothques, mais il ne l'a pas fait. Blondeau n'adonc pas t plus heureux qu'un grand nombre de ses contem-

    porains, car s'il a pu finir son livre, c'est condition de ne l'avoir

    pas commenc.

  • --( 45 )--Le temps ne me permet pas d'apprcier ici avec tous les

    dtails ncessaires ces grandes oeuvres compltes ou incompltescrites au xix" sicle sur le droit priv. Les noms de Delvincourt,Merlin, Toullier, Proudhon pour les premiers temps; ceux de

    Duranton, Demante, Troplong pour le milieu du sicle; endernier lieu, ceux de Valette, Colmet de Santerre, Demolombesont l'honneur de la science franaise. Tous ces jurisconsultessont, avec des nuances plus ou moins accentues & sauf excep-tion pour Merlin, avant tout des commentateurs du Code civil,appartenant l'cole exgtique, pntrs du mme espritque Toullier, respectant scrupuleusement la loi, mais s'levantaussi au-dessus de son texte par l'tude de la philosophie & del'histoire.

    L'cole synthtique a runi moins d'adhrents, mais elle a

    peut-tre obtenu un succs plus clatant & surtout plus durable,grce au talent & la science de ses deux reprsentants les plusillustres, Aubry & Rau, longtemps professeurs la Facult de

    Strasbourg, en dernier lieu tous deux conseillers la Cour decassation. Le plan de leur ouvrage a t souvent approuv &mme admir. Il ne faut cependant pas oublier qu'il a t em-

    prunt un jurisconsulte allemand, Zacharias, lequel, son tour,s'tait tout simplement inspir de la mthode gnrale adoptedans les Universits de son pays pour les ouvrages & les coursde Pandectes, c'est--dire de droit romain dans ses applicationsactuelles avant la promulgation du nouveau Code civil.

    Ce qui est vraiment remarquable dans l'ouvrage d'Aubry &Rau, c'est l'art avec lequel ils ont bris l'ordre suivi par le Codecivil pour faire rentrer toutes ses dispositions dans des divisions

    plus logiques & par cela mme d'un caractre plus scientifique;c'est un style d'une grande austrit & tel qu'il convient lascience un peu svre du droit; c'est la place considrable faite la jurisprudence, discute avec un esprit judicieux & pntrant;c'est le soin avec lequel les solutions donnes dans le texte sontspares des controverses exposes dans les notes; c'est la con-naissance solide du droit romain & de l'ancien droit. Le succsde cet ouvrage n'a pas cess de crotre & il est permis d'ajouter

  • *-(4^ )-*qu'il a contribu ouvrir la voie nouvelle dans laquelle est toutrcemment entr l'enseignement du droit priv.

    Cette troisime cole est ne d'Hier; il n'est donc pas encorepermis de la juger dfinitivement. Nous nous bornerons lasaluer avec sympathie comme le mrite toute tentative de pro-grs; elle commence tre connue par plusieurs publications depremier ordre & par quelques cours de Facult. Cette nouvellecole est nettement plus hardie & plus indpendante que sesdevancires; elle attribue aux jurisconsultes un rle plus haut& plus puissant que celui de l'interprte; elle veut que le droitcontracte des alliances troites non plus seulement avec l'histoire& la philosophie, mais avec toutes les sciences sociales. Rienn'chappe ses investigations, ni les lgislations trangres, niles questions de l'ordre conomique ou politique; en un mot,elle veut faire du droit une science d'observation. Le Code civilne disparat pas dans ce vaste ensemble de connaissances qu'onimpose aux jurisconsultes; on continue lui rserver une placeprpondrante mais non plus exclusive. D'ailleurs le temps amarch, des besoins nouveaux ont apparu auxquels on a ddonner satisfaction.

    La jurisprudence elle-mme s'est mancipe &, empruntantau prteur romain des procds qui lui taient familiers, elle acomplt ou mme parfois modifi le Code civil. La doctrinene pouvait rester en arrire; elle devait mme aller plus loin.Certains jurisconsultes en sont arrivs considrer la coutumecomme une sorte de droit qu'il faut placer ct de la loi crite.On a mme essay d'attribuer une certaine force obligatoire auxopinions des jurisconsultes, d'ailleurs sous des conditions assezrigoureuses. Nos prdcesseurs, respectueux de la loi, lui sou-mettaient leurs doctrines. Plusieurs contemporains, plus auda-cieux, ne sont pas loigns d'assujettir leurs doctrines la loielle-mme. Ils ont rencontr de srieuses rsistances auxquellesils devaient s'attendre, la lutte est engage & le moment n'estpas encore venu d'en connatre les rsultats. J'aime mieux enterminant convier tous les hommes de science & de pratique,amis du bien, pntrs de l'esprit de justice, dsireux d'assurer

  • la paix sociale, une autre oeuvre dj commence mais nonacheve & qui pour tre mene bonne fin demande autantd'activit que de dvouement.

    On a vu de notre temps surgir tout un peuple nouveau, celuides travailleurs. Les lois de la Rvolution avaient supprim lesanciennes corporations. Puis, les interminables guerres de la

    Rpublique & de l'Empire avaient suspendu le commerce & l'in-dustrie; les hommes taient aux armes & non dans les ateliers.La paix rtablie, le travail reparut; les rapports entre patrons& ouvriers se multiplirent, se compliqurent, se transformrent.On repoussait dsormais le patronage pour se placer exclusive-ment sur le terrain du droit. Mais o se trouvait ce droit des tra-vailleurs ? On l'aurait en vain cherch dans le Code civil. Unelgislation nouvelle s'imposait; on s'est mis la tche, tche par-ticulirement lourde & difficile.

    Dans la lutte pour la vie, l'enjeu n'a jamais t aussi formi-dable : il y va de la fortune publique, de la libert des citoyens,du progrs de l'humanit. Il nous faut un second Code. Il a djt prpar en partie par un certain nombre de lois. Ce Code dutravail doit tre inspir par le mme esprit que le Code civil, jeveux dire par l'esprit de justice, de sorte que ces deux Codes,loin d'entrer en conflit l'un avec l'autre, se complteraient rci-proquement & se joindraient comme les deux mains du corpssocial pour apprendre tous leurs devoirs & assurer le respect deleurs droits.

    DISCOURS DE M. BOURDILLONBATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS LA COUR D'APPEL

    DE PARIS,

    M. le procureur gnral prs la Cour de cassation a bienvoulu, en sa qualit de prsident du Comit, m'inviter prendreaujourd'hui la parole devant vous.

    Mes premiers mots seront pour lui adresser les sincres remer-ciements de l'Ordre des avocats.

  • *-( 4& )-Nous ressentons vivement l'honneur qui nous est fait & le

    considrons comme une marque prcieuse des rapports excellents

    qui n'ont cess d'exister entre la magistrature & le barreau,

    rapports o nous mettons toute notre dfrence & o nous est

    tmoigne une estime dont nous sommes justement fiers.J'ai donc accept la mission de vous entretenir des lois modi-

    ficatives du Code civil, &, maintenant que l'heure est venue detenir ma promesse, je demeure quelque peu effray de ma tmrit.

    Mon embarras naquit de l'ampleur d'un tel sujet & de ladifficult que j'prouvais le renfermer dans le cadre troit ola discrtion me faisait un devoir de le restreindre.

    Une alternative s'offrait : ou bien ne rappeler que les lois

    capitales qui, sous l'empire des ncessits nouvelles, ont profon-dment amend l'oeuvre de 1804, ce qui permettait les com-mentaires, mais ne donnait, du grand travail accompli, qu'unenotion imparfaite; ou bien se limiter un consciencieux inven-taire, s'interdire tout aperu personnel & laisser apparatre ainsi,dans sa plnitude, l'incessant effort du lgislateur.

    J'ai cru devoir suivre la seconde mthode, pensant ainsi

    rpondre plus exactement au but que se propose le Comit.A procder ainsi, j'encours le reproche de monotonie & je

    m'y rsigne, comptant sur votre bienveillance pour obtenir monabsolution.

    Les personnes, la famille, la proprit, le travail ont simulta-nment appel l'attention des lgislateurs modernes & provoqudes rformes ou des recherches dont je vous soumets le rapideexpos.

    I

    Peu nombreuses sont les lois modificatives de l'tat des per-sonnes prises isolment & abstraction faite des liens de famille.

    La premire lacune qu'aprs trente ans couls l'expriencesignala fut celle relative aux alins.

    Le Code civil, la vrit, s'en tait occup, ne visant toute-fois que les interdits.

  • La loi du 30 juin 1838 vint complter ses dispositions enrglementant les conditions de l'internement, la surveillance desasiles & la gestion des biens des alins non interdits.

    Cette loi soulve aujourd'hui de vives critiques.Nanmoins, malgr ses imperfections, elle reste comme la

    marque du premier effort srieux tent pour amliorer le sort& la condition des infortuns privs de leur raison.

    Dans le mme ordre d'ides, deux lois ultrieures sont inter-venues : l'une, en date du 27 fvrier 1880, a augment lesmesures protectrices de la fortune mobilire de l'interdit, remiseaux mains du tuteur; l'autre, du 16 mars 1893, a tendu l'ar-ticle 501 & assur une plus efficace publicit aux jugements rela-tifs l'interdiction & au conseil judiciaire.

    L'adoucissement graduel des moeurs allait amener la sup-pression d'un ensemble de mesures qui, suivant la trs juste'expression de M. Laurent, constituait une fiction atroce .

    Le 31 mai 1854, la mort civile tait abolie. Un lgislateurplus clment y substituait la dgradation civique & l'interdiction

    lgale, crant ainsi, au profit de certains condamns, une rsur-rection juridique.

    Toujours sous la mme influence, la contrainte par corps allaitdisparatre &, le 22 juillet 1867, la maison lgendaire de Clichyavait vcu ! Maintenu bon droit pour assurer l'excution desarrts de la juridiction rpressive, ce mode de coercition, appli-qu aux matires civiles, constituait un outrage la dignithumaine & tablissait une assimilation inacceptable entre le

    dlinquant & le dbiteur.

    Pourquoi faut-il que nous ne puissions nous indigner commeil conviendrait au souvenir de cette barbarie dfunte? Serait-ce

    parce que nous devons la prison pour dettes de Londres lesdlicieux croquis de Dickens? Pouvons-nous dtester tout faitla prison de Clichy, cette Bastille des artistes qui prit des airsd'asile, & dvint presque une cole, la plus aimable & la plusenjoue des coles littraires?

    Mentionnons pour mmoire les lois de 1874, de 1889 &de 1893, sur la nationalit; rappelons d'un mot celles de 1893,

    CENTENAIRE DU CODE CIVIL. 4

  • -t-9^ ^O J.C-J

    de 1899 & de 1900 sur les actes de l'tat civil relatifs aux Fran-ais en pays trangers, dans les colonies & en temps de guerre;mais signalons avec courtoisie la loi du 7 dcembre 1897 qui,bien tardivement, a reconnu aux femmes le droit de figurercomme tmoins dans les actes de naissance, de mariage ou dedcs, les associant justement la constatation solennelle de nosjoies ou de nos deuils, pourvu toutefois qu'elles ne soient pointassistes, en cette occurrence, suivant une expression tombe endsutude, de leur seigneur & matre .

    II

    Les modifications apportes l'organisation de la famille sontbeaucoup plus considrables; toute atteinte sa constitutionentrane, en effet, des consquences qui se rpercutent au loin& touchent l'avenir mme des socits humaines.

    Les lois si passionnment dbattues de 1884 & de 1886 surle divorce, bien loin de constituer une drogation l'esprit duCode, dnotent, au contraire, un retour au systme qu'il avaitorganis. Elles mritent cependant d'tre signales, car la re-constitution de l'ancien difice n'a pas t complte.

    Le lgislateur, moderne s'est refus remettre en vigueur ledivorce par consentement mutuel. Puis, cdant la pressiondes ides nouvelles, il a plac les poux sur un pied d'galitrigoureuse & dcid que l'infidlit du mari serait, comme cellede la femme, une cause de rupture, alors mme que cette infid-lit aurait t commise en dehors du domicile conjugal.

    La puissance paternelle n'a pas t maintenue avec le carac-tre absolu que lui avait imprim le Code.

    Il est enfin apparu que l'enfant ne devait pas tre regardcomme une sorte de proprit du pre; que la collectivit taitintresse ce que des mesures de protection fussent prises au profitde l'enfant contre l'ignorance, la brutalit ou l'pret de sesparents.

    Les esprits les plus modrs, les plus fortement imbus desanciens principes, proclamaient la ncessit de temprer l'auto-rit paternelle. Il faut venir au secours de l'enfant, s'criait

  • 4-9'(
  • Telle est, en effet, l'affirmation constante des lgistes de 1804.C'est Joubert qui dclare que le respect pour la proprit se

    montre chaque page du Code . C'est Louvet qui estime quele Code a pour grand & principal objet de rgler les principes& les droits de la proprit ; c'est le tribun Lahary qui pro-clame que la plus prcieuse mesure d'un Code civil, la plusprcieuse comme la plus importante de ses dispositions, est cellequi constate le droit de proprit; toutes les autres n'en sontque les suites ou les consquences .

    A cette premire notion se joignaient, troitement relis, leprincipe des droits des hritiers sur le patrimoine de la famille& celui de l'galit en matire de partage. Le dsir de donner la cour impriale l'clat de l'ancienne monarchie avait fait ap-porter: cette dernire rgle une exception notable, par la cra-tion des majorats.

    Maintenue sous la Restauration, cette institution fut inter-dite, pour l'avenir, par les lois de 1835 & de 1849, qui, modi-ficatives en apparence de la lettre mme du Code, constituenten ralit un retour aux ides galitaires qui l'avaient inspir.

    La mme apprciation doit tre formule en ce qui touchela loi clbre du 23 mars 1855 sur la transcription hypothcaire.Bien loin de porter atteinte au droit primordial que consacrel'article 554, cette loi a, suivant les expressions de M. Debel-leyme : appel sur la proprit la confiance des capitaux endonnant au dveloppement de son.crdit une base satisfaisante.Les promoteurs de cette sage rforme protestaient, d'ailleurs,de leur respect pour l'oeuvre de 1804 & spcifirent, en abor-dant la discussion, qu'ils ne songeaient point porter sur leCode Napolon une main sacrilge, ni faire le sacrifice d'unelgislation qui leur tait chre .

    Il n'en pouvait tre toujours ainsi, & les conflits devaient fata-lement surgir entre les droits de la collectivit & les intrts op-poss du propritaire.

    L'intervention du lgislateur devenait ncessaire.Elle.s'est manifeste par