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Le Cargo noir De Raoul Dufy Musée des Beaux-arts de Caen Médiation destinée aux élèves de Collège (3 ème ).

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Le Cargo noir

De Raoul Dufy

Musée des Beaux-arts de Caen

Médiation destinée aux élèves de Collège (3ème).

Biographie de Raoul Dufy

Raoul Dufy est né le 03 juin 1877 au Havre, il est l’aîné de 9

enfants. Un de ses frères, Jean, deviendra lui aussi peintre.

En 1891, il est obligé de travailler et étudie en même temps à

l’Ecole Municipale des Beaux-arts.

En 1900, ayant reçu une bourse, il s’inscrit à l’Ecole

Supérieure des Beaux-arts de Paris. Après plusieurs

expositions, il cherche encore son style et s’inspire de

l’impressionnisme puis découvre en 1905 le début du

mouvement « fauve » (ensuite appelé Fauvisme) grâce à

l’œuvre de Matisse « Luxe, calme et volupté ».

Visuel montré aux élèves :

Luxe, calme et volupté de Henri Matisse 1905

En 1907, connaissant des problèmes financiers, Dufy effectue des gravures sur bois puis

voyage dans les environs de Marseille avec Georges Braque. Il va s’écarter du Fauvisme pour

s’essayer à un nouveau courant naissant, le Cubisme.

En 1910-11, il illustre le Bestiaire d’Apollinaire par 30 gravures.

Visuel montré aux élèves :

L’éléphant tiré du Bestiaire de Guillaume Apollinaire illustré par Raoul Dufy 1911

Il épouse Eugénie Brisson.

Paul Poiret, grand couturier, lui demande de créer des motifs pour tissus, il crée avec lui La

Petite Usine. Il devient également dessinateur pour les tissus en soie de la maison Bianchini-

Férier.

Après la première guerre mondiale où il est mobilisé, il abordera un nouveau support, la

décoration théâtrale grâce à son ami Jean Cocteau. A partir de ce moment, il ne cessera de

s’adonner à de nouveaux styles et supports, la lithographie, la céramique, le mobilier… Il

voyage beaucoup, expose des aquarelles, des tentures, des tapisseries, il s’intéresse aux

courses et aux régates.

En 1937, pour l’exposition Internationale, la Compagnie Parisienne de Distribution

d’Electricité lui commande une fresque pour décorer le pavillon de l’Electricité. Il créera une

œuvre gigantesque de 250 panneaux en contreplaqué, La Fée Electricité, la plus grande

peinture au monde (dix mètres de haut sur soixante mètres de long).

C’est au sommet de son succès qu’il commence à ressentir les prémices d’une maladie

douloureuse et invalidante : la polyarthrite rhumatoïde. En quelques années, cette maladie

va se propager à tout son corps. Il va apprendre à peindre de la main gauche et même

attacher ses pinceaux à ses doigts pour pouvoir continuer à peindre.

En 1940, il se réfugie en zone libre à Perpignan chez son médecin et ami, le docteur Nicolau.

En 1945, il commence la série des Cargos noirs.

En 1948, Jean Cocteau publie un livre sur Dufy chez Flammarion.

En 1950, il réalise six décors de théâtre pour la version anglaise de la pièce de Jean Anouilh

L’invitation au château. De grandes expositions sont consacrées à son œuvre à Genève, à

New-York, Edimburgh, Paris, Copenhague…

En 1952, il s’installe à Forcalquier, près de Nice, ville réputée pour son air sec qui apaiserait

les souffrances dues à sa maladie.

Il meurt le 23 mars 1953.

En Juin 1953, le Musée National d’Art Moderne de Paris lui consacre sa première grande

rétrospective.

La série des Cargos noirs

Raoul Dufy a commencé à peindre des Cargos noirs en 1945. Il s’agit toujours du même point de vue sur la baie, port de Ste Adresse au Havre. Une vingtaine de tableaux porte l’appellation de « Cargo noir », un se nomme Cargo blanc et drapeau, et un autre s’appelle Cargo pavoisé et régates. Il a peint ces tableaux de mémoire ou à partir d’une photographie. Douze d’entre eux ont été légués par sa veuve au Musée d’Art moderne en 1963 (Centre Georges Pompidou – Beaubourg en 1977) puis déposés dans plusieurs musées : Nantes, Perpignan, Douai, Caen, Roubaix, Sète, Cahors et Lyon.

En 1947, il peint l’intérieur de son atelier, on peut voir, posé sur un chevalet, une esquisse du cargo.

L’atelier de l’artiste (Cargo à l’atelier), 1947

Le Cargo noir, 1945

Dans tous les tableaux de la série, le cargo est au centre et le point de vue est surélevé, deux phares avec des jetées sur le côté gauche, une ville en bord de mer et des maisons du côté droit et des personnages au premier plan. Dufy varie le tracé du cargo, le trait peut être gris foncé, blanc, noir… mais toujours simplifié, comme un croquis ou un dessin d’enfant.

Le cargo noir, 1950 (musée des Beaux-arts de Caen)

On peut remarquer que l’évolution la plus marquante de cette série est incontestablement la noirceur profonde et dense qui envahit progressivement les tableaux, soit par contraste soit par le relief.

Le cargo noir, 1952

Le Cargo noir

Description du tableau Le cartel du tableau exposé au Musée des Beaux-arts de Caen le présente ainsi :

Raoul Dufy Le Havre 1877-Forcalquier 1953 Le Cargo noir Huile sur toile 1950 Centre Georges Pompidou, Paris, Musée National d’Art Moderne / Centre de création industrielle Legs de Mme Raoul Dufy 1963

Le tableau est de petite taille, il s’agit d’un paysage de bord de mer. L’architecture du tableau est trois parties : le côté gauche une entrée de port sertie de deux phares, un bateau semble s’en approcher sous un gros nuage de pluie blanche ; le côté droit un quai et une ville de bord de mer sur lesquels un soleil dessine un arc en ciel ; au premier plan, au centre, des baigneurs nagent dans la pénombre au milieu des caisses des pêcheurs ; au centre le cargo noir est gigantesque. Exercice de perception visuelle demandé aux élèves : Chaque élève l’un après l’autre se place debout devant le tableau. Il masque le côté gauche pour ne voir que la moitié droite du tableau qui correspond au jour (arc en ciel, lumière du soleil sur la fumée du Cargo, maisons éclairées par la lumière naturelle… ; ensuite il masque le côté droit pour ne voir que la moitié gauche du tableau qui correspond à la nuit (obscurité, lumière lunaire sur les nuages, la pluie et les bateaux…).

Interprétation et sens du tableau : La recherche de la lumière Raoul Dufy disait lui-même de la série des cargos : « Le soleil au zénith, c’est le noir ; on est ébloui, en face on ne voit plus rien. » On pourrait croire que c’est la nuit mais des baigneurs nagent et la ville est éclairée par la lumière du soleil, l’arc en ciel en est la preuve. La lumière, comme le reflet de soleil, se pose sur la fumée que rejette le cargo. Celui-ci paraît fantomatique, il semble venir de nulle part. Le trait qui le définit au centre du tableau est une rainure dans la masse de noir. On pourrait même dire que ce cargo est noir parce qu’il est blanc. Ce cargo envahit les abords de la plage où des baigneurs nagent. Peut-être a-t-il fait une fausse manœuvre ? Peut-être assiste-t-on à un futur naufrage ? Les touches de blanc définissent la force de l’eau : les vaguelettes, la pluie, les nuages ; ce qui contraste avec la densité du noir et fait ressortir l’aspect dramatique de la scène. On peut rapprocher cet effet aux gravures illustrant le Bestiaire de Guillaume Apollinaire. Ce contraste fort entre le blanc et le noir qui s’affrontent mais qui vivent l’un par l’autre. En s’approchant de très près du tableau, les traces d’un premier cargo apparaissent, il a tenté de les effacer en rajoutant du noir. La matière est donc plus dense et crée un noir terrifiant. En 1950, Raoul Dufy était très malade, il avait perdu toute autonomie. Il était le maître de la couleur et de la lumière qui représentaient le mouvement. Dans ce petit tableau, il a essayé

de tout mettre : l’empreinte de ses souvenirs, la force de la douleur, la noirceur qui s’abattait sur lui et l’aveuglait. Un poème s’impose lorsqu’on sait tout cela, alors… pourquoi pas une poésie pour accompagner ce cargo fantôme ?

Un poème pour un cargo noir Exercice d’écriture demandé aux élèves : A la fin de cette médiation, une feuille de papier blanc sera distribuée avec un stylo à un élève de la classe de 3ème. Il devra écrire une phrase en haut de la feuille et la replier pour que le suivant ne puisse pas lire. Les élèves, chacun leur tour, devront procéder de la même façon. A la fin, le long poème sera lu en regardant l’œuvre.