l'affaire germinal

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Laffaire Germinal :

LART DINFILTRER ET DE MANIPULER UN GROUPE MILITANTAlexandre Popovic Coalition contre la rpression et les abus policiers En 1999, la Ville de Qubec a t dsigne pour accueillir le Sommet des Amriques, une rencontre runissant trente-quatre chefs dtat reprsentant tous les pays du continent ( lexception de Cuba). Cet vnement denvergure internationale reprsentait galement la premire visite de Georges W. Bush au Canada depuis son lection controverse la prsidence des tats-Unis. Au menu des discussions : la cration dune zone libre-change lchelle du continent amricain. Dans les mois prcdent la tenue du Sommet des Amriques, les autorits se sont mise annoncer rgulirement des mesures de scurit draconiennes. Tant et si bien que la stratgie de communication des responsables de la scurit prenait parfois lallure dune vritable campagne dintimidation publique auprs des opposants au sommet. Le ton a t donn ds aot 2000, lorsque les services secrets canadiens (Service canadien de renseignement de scurit) ont prdit que la violence sera au rendez-vous au Sommet des Amriques, invitant par la mme occasion les responsables de la scurit bien se renseigner sur les manifestations venir. 1 la mme poque, des sources policires confiaient au journal Le Soleil que limportance des mesures de scurit tait telle quon parlait dj de la plus imposante manuvre de scurit qui aura t effectue sur le territoire canadien . 2 Ainsi, un quartier entier de la haute-ville sera boucl, son accs tant limit aux seules personnes dment accrdites (dignitaires, rsidants, commerants, policiers, journalistes). nen point douter, ltat tait sur le pied de guerre. Durant les mois venir, les responsables de la scurit au Sommet des Amriques se sont employs dissiper tout doute sur la volont des autorits publiques davoir le dessus sur les manifestants. En novembre 2000, la Ville de Qubec a indique quelle procdera lachat de 3.8 kilomtres de clture pour dlimiter le vaste primtre de scurit qui ceintura le Sommet des Amriques. 3 La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a dailleurs fait savoir quelle stait assure que la clture sera capable de rsister tous les types dassaut. 4

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La Presse, Le SCRS craint la violence au Sommet de Qubec , Andr Nol, 23 aot 2000, p. A6. Le Soleil, Qubec, ville barricade , Claude Vaillancourt, 25 aot 2000, p. A1. 3 Le Soleil, Il faudra 3,8 km de clture , Claudette Samson, 2 novembre 2000, p. A3. 4 Le Soleil, Le mur du Sommet , Claude Vaillancourt, 9 novembre 2000, p. A1.

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De son ct, le gouvernement du Qubec a annonc son intention de vider la prison dOrsainville en prvision des arrestations massives de manifestants, et mme de librer des lits dans les hpitaux pour y soigner dventuels blesss. 5 Des sources policires ont dailleurs estimes 400 le nombre de manifestants qui seront arrts cette occasion. 6 Par ailleurs, les effectifs policiers assigns lopration ont continuellement t revus la hausse. Durant lautomne 2000, Le Soleil rvlait que les effectifs de lanti-meute atteindront 800 policiers. Du jamais vu dans la rgion , prcisait-on. 7 Plus tard, les mdias chiffraient 5000 le nombre de policiers assigns au maintien de lordre . 8 Puis, il a t question de 6000 policiers. 9 Mme larme canadienne sera sur place, avec environ 400 militaires pour offrir un appui logistique , a-t-on galement fait savoir. 10 la GRC, les prparatifs ont prit une telle ampleur que plusieurs enqutes criminelles de longue haleine visant le crime organis ont d tre suspendues, faute de personnel policier disponible. Un enquteur de la GRC visiblement contrari a mme suggr un journaliste du quotidien torontois The Globe and Mail que cette pnurie de gendarmes ouvrait une fentre dopportunit pour les activits criminelles . 11 cette mobilisation monstre des forces policires sajoutait un arsenal policier imposant : gaz lacrymognes, poivre de Cayenne, jets deau avec des lances incendie et balles de plastique. 12 Il sagissait dailleurs dune grande premire puisque les balles de plastique navaient encore jamais t utilises dans un contexte de contrle de foule au Qubec. 13 Question de ne rien laisser au hasard, les douaniers et les agents dImmigration ont aussi t placs sur un pied dalerte, avec pour instruction dinterdire lentre au pays de toute personne souponne dtre associe aux mouvements antimondialisation. Du profilage politique pur et simple. 14 Cest donc dans ce contexte de surenchre scuritaire sans prcdent que sest form le groupe Germinal.

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Le Soleil, Un sommet de scurit , Claudette Samson, 2 novembre 2000, p. A1.

Le Journal de Qubec, Les policiers prvoient 400 arrestations , Franois Bourque, 28 mars 2001, p. 3.

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Le Soleil, Forces quintuples , Claude Vaillancourt, 29 octobre 2000, p. A1. The Gazette, 5,000 cops to get special training for April summit in Quebec city, Kevin Dougherty, February 15 2001, p. A7. 9 La Tribune, Plus de 6000 policiers sur les dents , Michel Hbert, 28 mars 2001, p. B8. 10 Le Soleil, L'arme sera sur place , Claude Vaillancourt, 13 mars 2001, p. A3. 11 The Globe and Mail, Quebec summit leaves Mounties decimated, Andrew Mitrovica, March 14 2001, p. A1. 12 La Presse, L'arsenal policier , 14 avril 2001, p. B2. 13 La Presse, Des escouades armes jusqu'aux dents , Denis Lessard, 22 avril 2001, p. A3. 14 La Presse, En prvision du Sommet Les douaniers sont sur les dents , Vincent Marissal, 10 mars 2001, p. A1.

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AVERTISSEMENT : Lobjectif du prsent texte est dabord et avant tout de faire le rcit dune opration dinfiltration policire dune envergure peu commune, telle quelle fut relate par les deux agents dinfiltration durant leurs tmoignages au procs des 7 de Germinal, et non pas de raconter lhistoire du groupe Germinal, qui elle reste encore crire. La faon que ces deux agents dinfiltration professionnels rapportent les propos attribus aux gens de Germinal doit tre ncessairement sujette caution. Dans la mire des flics Pendant que les mdias talaient les mesures de scurit prvues loccasion du Sommet des Amriques, des enquteurs de diffrents corps policiers menaient discrtement des investigations lgard de certains groupes de manifestants. Ces enquteurs taient regroups au sein de lescouade des Crimes majeurs pour le Sommet des Amriques. Au dbut, au mois de novembre, quand on a commenc a, on tait cinq Montral et cinq Qubec , a expliqu lagent Vincent Santori, matricule 8651, policier la Sret du Qubec depuis mars 1992. En avril 2001, les effectifs de lescouade avaient tripls, pour atteindre six quipes de cinq policiers chacune. Les gens de Germinal ont vite attirs lattention de lescouade des Crimes majeurs. Lenqute policire sur le groupe Germinal a commenc le 5 dcembre 2000. Ce jour-l, lagent Santori et le sergent Nol St-Hilaire de la GRC, matricule 34700, ont rencontr une source code, cest--dire un informateur de police. Linformateur a dclar aux deux enquteurs quun groupe de militants gauchistes et anarchistes sous la direction de trois individus Bertoncini, Mario Boissonneault, Alex et un dnomm Pierre-David (nom de famille inconnu) prparent des manifestations pour le Sommet des Amriques en avril 2001 , lit-on dans un document de 36 pages sign par lagent Santori. Ce document, qui offre un rsum de lenqute policire, a t rdig en appui une demande de mandat de perquisition. Le but vis par ce groupe serait de dstabiliser le droulement du Sommet. Ils veulent revendiquer la reconnaissance de leur groupe Germinal, un mouvement contre la mondialisation et le capitalisme. Leurs revendications et leurs idologies sont similaires aux diffrents groupes ayant dj manifests lors de la dernire anne Seattle, Prague et dernirement Montral lors du G-20 , peut-on galement lire dans le mme document. Linformateur semble trs proche de Germinal si lon en juge par la prcision des renseignements quil fournit la police. Il nous explique toutes les personnes impliques et tous les moyens que monsieur Boissonneault voulait utiliser pour percer le mur de scurit , a dclar lagent Santori durant son tmoignage la Cour du Qubec. La source code a mme dcrit le rle prsum de chaque membre lintrieur du groupe. Avec tous les noms qui ont sorti, suite notre premire rencontre, javais fait des vrifications, et tous les dires de la source, ce moment-l, nous nomme des noms, des personnes, des adresses, on a fait des vrifications lordinateur de la police, et se sont toutes avres positives, ces informations-l. Alors nous avons continu lenqute, nous 3

avons mis de la filature sur certains individus, et nous avons eu plusieurs rencontres avec la source, et chaque information que la source nous donnait, on la travaillait, on faisait de la filature, et a concordait 100% ce que la source nous disait , ajoute le policier Santori. Filature et surveillance lectronique Les policiers ont exerc de la surveillance physique lgard des membres de Germinal au moins neuf reprises, entre le 11 dcembre 2000 et le 2 mars 2001. Les policiers taient dailleurs prts faire beaucoup de kilomtrage pour connatre les alles et venues des gens de Germinal. Par exemple, aprs avoir fait de la surveillance lextrieur de lappartement dAlex Boissonneault, sur la rue Bercy, Montral, les policiers ont ensuite prit en filature des membres de Germinal jusqu St-Grgoire, dans la rgion administrative du Centre-du-Qubec, puis ensuite jusqu Trois-Rivires, en Mauricie. Certains indices laissent croire que linformateur tait lui-mme un membre actif de Germinal. Ainsi, le 25 janvier 2001, la source a informe le Sgt St-Hilaire quune importante runion de Germinal a t remise la semaine suivante. Puis, le 30 janvier, linformateur a indiqu aux enquteurs quune rencontre impliquant les organisateurs du projet Germinal doit avoir lieu le lendemain, chez Alex Boissonneault. Dans un groupe ferm comme Germinal, ce genre dinformation est habituellement accessible seulement aux membres. Mais il y a plus. Forts de ces informations, les policiers auraient normalement d tre aux aguets pour surveiller cette runion importante , question de ne pas manquer cette superbe occasion didentifier tous les organisateurs du projet Germinal . Aprs tout, ctait la premire fois depuis le dbut de lenqute policire que les enquteurs de lescouade taient informs lavance de la tenue dune runion de Germinal. Or, il nen a rien t. Aucune surveillance na t exerce. On comprendra vite pourquoi les enquteurs nen ont pas prouvs le besoin. Ainsi, le 2 fvrier, la source code a offert au sergent St-Hilaire un rsum de la runion de Germinal. Comment linformateur aurait-il pu savoir ce qui stait dit durant la runion autrement quen assistant lui-mme ladite runion, laquelle tait videmment seulement ouverte aux membres ? On ignore ce que linformateur recevait en change des renseignements quil fournissait la police. On sait cependant quil a rencontr, ou est entr en communication, avec les enquteurs de lescouade des Crimes majeurs au moins dix-huit occasions entre le 5 dcembre 2000 et le 21 mars 2001. la surveillance physique sest ajoute la surveillance lectronique. Ainsi, le 28 fvrier 2001, le caporal Jean-Pierre Gigure a demand au juge Ren de la Sablonnire dmettre trois diffrentes sortes de mandats de surveillance des communications tlphoniques visant cinq membres de Germinal (Alex Boissonneault, Jean-Franois Dufresne, Mario Bertoncini, Serge Valle, Christian Lagueux). 4

Le juge de la Sablonnire a accept dmettre trois mandats gnraux pour relevs tlphoniques interurbains, cinq mandats enregistreurs de numros tlphoniques et cinq mandats de registre de tlphone. Nous avons fait des mandats dcoute pour enregistrer les numros de tlphone , a expliqu lagent Vincent Santori. Il y a eu la vrification des tlphones qui sont faits, puis effectivement, on voit que ces cinq individus se parlaient sur une base rgulirement. Et quils sappelaient sur une base rgulirement. Certains se demanderont peut-tre pourquoi les policiers ont-ils dcid de consacrer autant de temps et de ressources espionner Germinal au dtriment de dautres groupes. La rponse cette question se trouve probablement dans le document sign par lagent Santori auquel nous avons dj fait rfrence. Ce qui dmarque le groupe Germinal des autres groupes de manifestants dj connus est lutilisation dex-militaires et militaires toujours avec les Forces armes canadiennes , crit le policier de la Sret du Qubec. Dailleurs, les Forces armes canadiennes ont elles-mmes collabore lenqute policire. Ainsi, le 22 dcembre 2000, un adjudant de larme canadienne a communiqu de linformation lagent Santori concernant trois personnes membres, ou proches, de Germinal qui sont, ou ont dj t, membres des Forces armes canadiennes. De plus, selon linformateur de police, un des membres de Germinal aurait mme t convoqu par des responsables des Forces armes canadiennes qui lont questionn relativement son implication dans les manifestations au Sommet des Amriques. Les techniques denqute intrusives utilises par les policiers taient cependant de la bagatelle en comparaison de ce qui attendait les gens de Germinal. Une offre allchante Le 6 fvrier 2001, les enquteurs de lescouade des Crimes majeurs pour le Sommet des Amriques se sont runis et ont labors un scnario visant permettre un agent dinfiltration dentrer en contact avec un membre de Germinal. Les policiers savaient que le groupe Germinal tait compos dtudiants et de travailleurs, gs au dbut de la vingtaine. Bref, il sagissait de jeunes gens aux revenus modestes. On savait que Jean-Franois Dufresne, qui tait tudiant au moment o que lenqute a dbut, nest plus tudiant, et cherchait un travail , a expliqu lagent Vincent Santori. Une offre demploi allchante sera une premire tentative pour approcher le sujet principal , lit-on dans le document sign par Santori. On a mis des feuilles dans les alentours de son quartier, continue Santori. Dans les appartements diffrents, on a mis peu prs soixante-quinze tracts. a nous prenait quelquun pour voyager des vhicules. 5

Cest ainsi que les enquteurs de lescouade ont cr une compagnie fictive de location de vhicules tenue par un agent dinfiltration, en loccurrence le gendarme Andr Viel. ce moment-l, le gendarme Viel tait lemploi de la GRC depuis 1991. Lappt tendu par les policiers a dailleurs fonctionn merveille. La premire personne qui a appele, ctait Jean-Franois Dufresne, a racont lagent Santori. Cest le premier. Aprs a, on a eu juste un deuxime tlphone. Le 8 fvrier, Jean-Franois Dufresne a ainsi appel au numro de tlphone indiqu sur le tract pour postuler lemploi. Jai reu un appel dun monsieur qui sappelait JeanFranois, puis qui tait intress mon offre demploi. a fait que je lui ai retourn un appel plus tard, puis je lui ai expliqu quil serait possible pour moi daller lui passer une petite entrevue , a dclar le gendarme Viel durant son tmoignage au procs des 7 de Germinal. Lagent dinfiltration a ensuite rencontr Jean-Franois chez lui, rue Rougemont, SteFoy. Le lendemain matin, je lai rappel pour lui dire quil avait lemploi , poursuit lagent dinfiltration. Cest ainsi que le gendarme Viel a fait son entre dans la vie dun membre de Germinal. On la rencontr, il a eu une entrevue, puis il a t engag comme chauffeur de vhicules pour nous, explique lagent Santori. Cet emploi ctait de voyager des vhicules pour une compagnie de location, deux trois fois par semaine. Ce quon faisait, on prenait un vhicule de Qubec qui tait lou, on lemmenait Montral, et lui, il conduisait tout seul jusqu Montral, puis en revenant, Qubec aussi linverse, on faisait Montral-Qubec. Lagent dinfiltration tait assis dans le vhicule avec JeanFranois Dufresne, pour se lier cet individu-l. Chaque voyage tait rmunr de 75$. Le gendarme Viel ntait que le premier des deux agents dinfiltration assigns lenqute policire sur Germinal. Le second gendarme sappelait Nicolas Tremblay, matricule 46114. Membre de la GRC depuis aot 1997, le gendarme Tremblay a aussi eu un passage dune anne la Sret du Qubec, en 1999 et 2000. Il tait g de 26 ans au moment o il a t appel agir comme agent dinfiltration durant lenqute sur Germinal. Notons que ce policier a t utilis un faux nom de famille durant lopration dinfiltration. Ainsi, il disait sappeler Nicolas Deslauriers. 15 Selon toute vraisemblance, il a utilis son vritable prnom dans lventualit o une connaissance linterpellerait par son prnom en le croisant sur la rue alors quil se serait trouv en prsence de gens de Germinal. Sil avait t interpell sous un autre prnom en pareilles circonstances, cela aurait t susceptible dveiller des soupons chez les militants cibls et ainsi mettre en pril toute lopration dinfiltration. Durant son tmoignage au procs des 7 de Germinal, le gendarme Tremblay a prcis que son premier contact avec lquipe denquteurs a eu lieu le 14 mars 2001. Ce qui ma t labor, ctait quon tait infiltr en partie dans un groupe qui avait pour but15

The Gazette, Cops infiltrated group: Activist, Kevin Dougherty, 23 May 2001, p. A4.

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daller manifester au Sommet avec un potentiel violent, mais pas beaucoup de dtails , a-t-il dclar. La mcanique de linfiltration Les deux agents dinfiltration agissaient sous la supervision dun agent couvreur. Les responsabilits dun agent couvreur sont multiples. Il doit valuer les scnarios oprationnels, sassurer que la conduite des agents dinfiltration est en tout temps approprie et conforme aux lois et directives afin de prserver lintgrit de la preuve qui est recueillie au cours de lopration, et, si besoin est, enseigner aux agents dinfiltration rdiger des notes claires et compltes, qui laideront lors de leurs tmoignages la cour. Durant son tmoignage, le gendarme Nicolas Tremblay a dcrit comment les deux agents dinfiltration travaillaient de concert avec lescouade des Crimes majeurs durant lopration. Toutes les fois quil y avait un contact avec les membres du groupe, on avait un briefing avant le contact et un debriefing aprs. On rapporte quest-ce qui est arriv lors dune rencontre ou dun contact. Lorsquil y a des rencontres de briefing ou de debriefing, certaines sont un sur un, puis certaines sont les agents couvreurs seulement avec les agents dinfiltration, puis certaines sont toute lquipe denquteurs, les agents couvreurs et les agents dinfiltration , a relat le policier. Le gendarme Tremblay a aussi indiqu quel moment il procdait la rdaction de ses notes, sorte de journal de bord de lagent dinfiltration. Immdiatement aprs un contact, le plus tt possible dans le domaine du possible, l, toujours lintrieur des vingt-quatre heures , dit-il. Il a galement prcis que son agent couvreur tait en possession de ses cahiers de notes. Mon habitude moi, cest de faire le debriefing, de prendre mon cahier de notes, minstaller dans ma chambre seul, puis de faire mes notes , a-t-il rsum. Les notes des agents dinfiltration vont avoir une importance cruciale lors du procs des 7 de Germinal. En effet, les deux agents dinfiltration ont lu leurs notes tout au long de leur tmoignage au procs de Germinal. Le moins que lon puisse dire, cest que les cahiers de notes ont continuellement servi de bquilles aux deux agents dinfiltration durant leurs tmoignages au procs. En fait, on pourrait mme dire sans exagrer que les deux gendarmes auraient probablement t incapables de tmoigner prcisment sur quoi que ce soit en labsence de leurs prcieux cahiers de notes. Fait souligner, la procureure de la couronne Genevive Lacroix semblait dailleurs mieux connatre le contenu des cahiers de notes que les deux agents dinfiltration, bien que ceux-ci disaient pourtant en tre les auteurs. certains moments des tmoignages, la procureure Genevive Lacroix a mme d indiquer o se trouvaient les passages des cahiers de notes que les deux gendarmes devaient lire pour raconter au tribunal leurs propres faits et gestes. 7

Le fait que les agents dinfiltration devaient continuellement sappuyer sur leurs cahiers de notes sexplique par une raison bien simple. Entre la fin de lopration Germinal et leur tmoignage la cour, les deux gendarmes ont vraisemblablement particip plusieurs autres missions dinfiltration durant lesquelles ils auront eu noircir dautres cahiers de notes, tant et si bien que les souvenirs de leurs interactions avec les gens de Germinal devaient srement tre rendus bien loin dans leur mmoire au moment du procs. Tuer le temps en jasant La stratgie de lopration dinfiltration pouvait se rsumer ainsi : dabord, commencer en douceur avec un lien employeur-employ ; ensuite, fabriquer de toute pice une relation damiti-bidon ; enfin, tablir le type de lien de camaraderie qui sapparente celui que lon retrouve entre les militants qui unissent leurs forces face un adversaire commun. a t un processus de quelques rencontres, l, mais cest devenu un lien damiti aprs quelques semaines, rsume le gendarme Nicolas Tremblay. ventuellement, ctait lobjectif, l, dtre introduit dans le groupe. Faire de la route est videmment une activit propice aux longues conversations. Question de tuer le temps Et ce nest pas le temps tuer qui manquait durant les nombreux voyages de vhicules effectues dans le cadre de lenqute de lescouade des Crimes majeurs pour le Sommet des Amriques. Quand on sait que le trajet entre Montral et Qubec ncessite trois heures de route et que Jean-Franois Dufresne a effectu un total de neuf voyages avec lagent dinfiltration Andr Viel, voil qui donne beaucoup dheures de conversation. Le premier voyage du gendarme Andr Viel avec Jean-Franois Dufresne a eu lieu le lundi 12 fvrier 2001. Cette journe-l, on na pas discut prcisment du Sommet, prcise le gendarme Viel. On avait des discussions dordre gnral sur divers sujets. On a parl dendroits do je venais, de prsence policire sur lautoroute, de la conduite du vhicule. Je lui ai demand si a le drangeait pas aussi que je le payais au noir, il ma expliqu que a le drangeait pas. Le gendarme Viel a aussi appris connatre Jean-Franois. Ctait un tudiant, puis il tait aussi dans sa priode de release de larme, dit-il. Il voulait quitter larme. On a parl dquipements de larme canadienne, de fusils, de vhicules, daviation, continue lagent dinfiltration. Il ma aussi expliqu que les meilleurs soldats, ctait les Canadiens, les meilleurs officiers : les Anglais puis les Allemands, puis les meilleurs quipements, bien ctait lquipement amricain. Le second voyage avec Jean-Franois Dufresne a t effectu ds le lendemain, le mardi 13 fvrier. 8

Sur la route, le gendarme Viel et Jean-Franois Dufresne ont eu des discussions dordre gnral . Comme le hasard fait bien les choses, le Sommet des Amriques a fini par faire son apparition durant la conversation On a parl des pauvres du Brsil. Il ma expliqu quil va y avoir le Sommet des Amriques Qubec, puis je lui ai expliqu que je croyais que ctait la fin davril. Il ma expliqu que a pas de bon sens, on sait mme pas quest-ce qui va se dcider l , raconte le gendarme Viel. Il ma parl des gouvernements qui ne gouvernent pas on a parl du FMI, de la base mondiale [sic], qui sont installs aux tats-Unis. Je lui ai expliqu que le gouvernement amricain gouvernait tout, puis que les Amricains, cest comme une grosse machine qui bouffe tout. Je lui ai expliqu que a allait brasser comme Seattle, puis lui ma expliqu quil croyait que a allait encore plus brasser Qubec, que les gens sont de plus en plus conscients du capitalisme; que lui ne voulait pas retourner au Moyen-ge ou laristocratie ; quil ne voulait pas que 90% des gens travaillent pour 10% des gens , rapporte le policier. Comme on le voit, lagent dinfiltration faisait son possible pour donner limpression quil partageait lindignation de son compagnon de route. Je lui ai expliqu quon est tous du monde, on est tous assis sur un si on me permet lexpression, un trou de cul, comme Yvon Deschamps lavait dit dans un monologue , indique le gendarme Viel. Aprs a, on a parl de nos blondes la Saint-Valentin, puis jai continu avoir des discussions dordre gnral, puis je lai ramen chez lui , conclut-il. Le quatrime voyage a t effectu le lundi 19 fvrier. On a fait un transport Qubec-Montral, Montral retour. On a eu des discussions dordre gnral, dit lagent dinfiltration. Jai indiqu voix haute, quand on est arrivs proche de Qubec, lenseigne que ctait la capitale nationale. Jean-Franois ma expliqu que a fait chialer beaucoup de monde. Puis je lui ai expliqu qu la fin du mois davril, a va tre la capitale du monde, puis quil devrait y avoir des gros meetings pendant cette priode-l. Il ma expliqu que cest le Sommet des Amriques, que a va tre la guerre. Je lui ai expliqu quil va y avoir de la police, beaucoup de polices. Il ma expliqu quil allait probablement y avoir 15 000 polices plus le FBI. Puis aprs a, on a parl dune auto qui faisait beaucoup de fume, puis on a continu avoir des discussions dordre gnral. Je lai ramen chez lui. Boire une bire avec un agent double ? Puis, le gendarme Andr Viel a fait un pas pour essayer de se rapprocher de JeanFranois Dufresne. Je lai recontact mardi le 20 fvrier je lui ai expliqu quil y avait un voyage faire mercredi le 21 et puis sil tait disponible, l pour aller prendre une bire ce soir , dit-il. Cest ainsi que lagent dinfiltration et son employ sont alls prendre une bire dans un bar de Qubec. Ce sera la premire dune srie de sorties sociales destines renforcir le lien damiti entre lagent dinfiltration et la cible de lescouade des Crimes majeurs pour le Sommet des Amriques. 9

On a t au Tapis Vert, relate le gendarme Viel. On a t jou au billard et puis on a eu des discussions dordre gnral. On a parl de la population au Brsil, quils taient 12 millions, quil y en avait 8 millions qui navaient pas de job. Puis je lui ai expliqu que le pire l-dedans, cest que tout va se dcider Qubec, puis on a continu avoir des discussions dordre gnral. On a aussi parl du TSE, de la bourse. Le lendemain, Jean-Franois Dufresne a repris la route avec lagent dinfiltration. Comme dhabitude, jai t le chercher, on a t Montral en auto, on est revenus, on a eu des discussions dordre gnral, on a cout de beaucoup de musique. Je lui ai remis des films. Je lui ai aussi expliqu que comme la fin du mois davril, il va y avoir le Sommet des Amriques, les personnes prsentes l, devraient regarder "Rob Roy", "Les Misrables" ctait tous des bons films pour les valeurs , dit le gendarme Viel. La semaine suivante, les enquteurs de lescouade des Crimes majeurs ont conu un scnario pour que lagent dinfiltration puisse entrer en contact avec dautres gens de Germinal. Le scnario en question dbute par un coup de tlphone du gendarme Viel JeanFranois Dufresne, le mercredi 29 fvrier. Je lui ai demand effectivement sil tait disponible le jeudi et le vendredi, raconte-t-il. Le policier lui a alors indiqu quil serait possible quon ferait un sleep over Montral. Cest--dire quon ferait un transport Montral-Qubec au lieu de QubecMontral. Il ma expliqu que a lui causait pas de problme. Je lui ai expliqu que jtais pas sr encore, mais que jallais confirmer jeudi, puis que jallais payer les dpenses, ces choses-l, sil allait coucher chez un ami ou dpendamment de la faon quil allait procder pour rester Montral , dit lagent dinfiltration. Monsieur Dufresne a introduit notre agent double les autres membres du groupe, raconte lagent Vincent Santori. Il y avait un matin quon a fait un scnario o monsieur Dufresne a emmen le vhicule Montral, il a couch chez Alex Boissonneault, ce soir-l. Notre agent double devait aller le chercher 10h du matin, pour aller emmener un vhicule Qubec. Notre agent double est arriv l une demi-heure avant, il a dit : "je suis pris, jai deux vhicules monter. Est-ce que taurais pas quelquun dautre pour nous amener?" Alors monsieur Boissonneault sest offert pour amener ce deuxime vhicule-l, notre agent double lui a dit : "je vais mme te ramener Montral." Alors ils ont fait le voyage jusqu Qubec, et notre agent double a retourn dans le vhicule avec monsieur Boissonneault, Montral. Et cest l que monsieur Boissonneault a rencontr notre agent double. Aprs trois semaines dopration dinfiltration et six allers-retours Montral-Qubec, le gendarme Viel venait dentrer en contact avec la cible principale de sa mission. Une partie de paintball entre amis Le vendredi 2 mars, Alex Boissonneault a prit part un transport de vhicules vers Qubec. Ce fut son premier voyage avec lagent dinfiltration. Il en fera six au total. 10

Qubec, laroport, jai pris monsieur Dufresne et monsieur Boissonneault avec moi dans mon vhicule, je les ai reconduits chez monsieur Dufresne, rue Rougemont. Lui et monsieur Boissonneault se sont salus et puis par la suite, jai quitt avec monsieur Boissonneault de Qubec Montral, jusqu sa rsidence. Avec lui, durant le transport, jai eu diverses conversations dordre gnral , raconte le gendarme Viel. On a parl de prsence policire sur lautoroute, quel endroit ils se cachent dhabitude, la hauteur du Madrid. On a parl de climat, continue-t-il. Je lui ai demand ce quil faisait, il ma demand si je savais ce quil allait y avoir Qubec. Je lui ai expliqu quil allait y avoir un gros meeting. Il ma expliqu que ctait le Sommet des Amriques 2001, quil allait y avoir beaucoup de manifestations, puis que lui soccupait dorganiser des choses en parallle, puis quil faisait aussi beaucoup de social. Le temps pass sur la route a permis au gendarme Viel de mieux connatre Alex. Il ma expliqu quil tait tudiant, puis pendant une des discussions gnrales, alors quon venait Montral, il ma aussi expliqu quil avait t dans larme, dit-il. Si ma mmoire est correcte, il ma expliqu quil avait t quatre ans dans la rgulire. Arriv sa rsidence, je lui ai expliqu de me donner son numro de tlphone, si jai besoin de lui, je pourrais lui donner un coup de fil. Alex ma remis son numro de tlphone, puis ainsi quun horaire de disponibilit. Puis je lui ai expliqu quon sait jamais, si javais besoin de lui, je le rappellerais , relate lagent dinfiltration. Les voyages Qubec-Montral, et vice-versa, se sont entrecoups de sorties sociales . Le samedi 3 mars, Jean-Franois Dufresne est all jouer aux quilles avec le gendarme Viel. Puis, le jeudi 8 mars, Jean-Franois et le gendarme Viel sont alls prendre une bire au bar Le Grimoir, o ils seront rejoints par Alex Boissonneault. Le vendredi 9 mars, le gendarme Viel a fait un transport de vhicules avec JeanFranois et Alex. Ce jour-l, lagent dinfiltration a propos une autre activit sociale ses deux compagnons de route. Jai effectivement expliqu monsieur Boissonneault et monsieur Dufresne que ma sur avait gagn un certificat-cadeau pour aller jouer au paintball, dit-il. Et puis que javais un problme, cest que javais pas de monde pour utiliser tous les espaces du certificat. a fait que si eux autres taient en mesure de trouver des gens, on pourrait utiliser le certificat au lieu de le remettre. Notre agent double avait dit que lui venait de Qubec, alors comme le coupon tait pour Montral, il avait dit monsieur Boissonneault que lui navait aucune famille ou des amis Montral, alors il a donn le mandat Boissonneault de trouver des amis pour jouer au paintball avec eux, un samedi aprs-midi , explique lagent Vincent Santori. Compte tenu que cest des ex-militaires, certains, alors on a fait le scnario quils jouaient au paintball, ajoute le policier de la Sret du Qubec. Le paintball, cest lendroit o on va jouer cest un entrept o les gens shabillent en militaires, ils ont des masques, des armes, et a tire des balles de peinture. Puis la place, il y a des barricades, il y a tout. Cest comme jouer la guerre, cest un jeu de guerre. Le mercredi 14 mars, le gendarme Viel a contact Alex Boissonneault. Je lui ai demand si on allait au paintball en fin de semaine, il ma expliqu quil attendait mon 11

feedback, raconte lagent dinfiltration. Je lui ai expliqu que javais un problme, que javais juste un chum qui pouvait venir avec moi. a fait que je lui ai demand si a serait possible pour lui et Jean-Franois dessayer de trouver dautre monde. En fait, le chum dont parlait le policier Viel tait nul autre que son collgue, le gendarme Nicolas Tremblay. [Le] gendarme Viel mavait invit et avait invit monsieur Boissonneault et monsieur Dufresne inviter dautres amis, pour pouvoir combler toutes les places , explique le gendarme Tremblay. Serviables et plein de ressources Mon premier contact avec les membres du groupe Germinal a t le 16 mars 2001. Ctait lors dun scnario de crdibilit qui consistait mintroduire comme un employ du gendarme Viel qui, lui-mme, employait dj deux membres du groupe Germinal, prcise le gendarme Nicolas Tremblay. Le scnario consistait dans le fait que jtais employ du gendarme Viel pour conduire des vhicules de Qubec Montral, pour faire des livraisons de vhicules, puis les deux autres employs qui faisaient partie du groupe Germinal, qui taient Alex Boissonneault et Jean-Franois Dufresne, avaient les mmes fonctions que moi. Donc, le 16 mars, jai transport un vhicule de Montral Qubec avec le gendarme Viel et monsieur Alex Boissonneault a fait de mme. Cest l que je lai rencontr, relatet-il. a t amical , a dclar le gendarme Tremblay pour dcrire ce premier contact avec celui que les policiers de lescouade des Crimes majeurs avait dsign comme tant le leader de Germinal . Alex a eut vite fait de raliser que ses nouveaux compagnons ne manquaient pas de ressources. Monsieur Boissonneault, le gendarme Viel et moi-mme sommes monts dans le vhicule du gendarme Viel pour se rendre un entrept quon possdait, que la compagnie du gendarme Viel possdait, puis dans le but de continuer le scnario de crdibilit, dans le sens que moi je conduisais parfois un camion van cube que le gendarme Viel avait, que la compagnie du gendarme Viel avait, puis que cette journel, moi, jallais chercher de lquipement de cuisine que le gendarme Viel mavait dnich Qubec, parce que je voulais partir une compagnie de traiteur , raconte lagent dinfiltration. Donc, on sest rendus les trois, monsieur Boissonneault, moi-mme et gendarme Viel, lentrept Scurespace sur le boulevard Armand-Viau Qubec, puis l, les trois ensemble, on a charg lquipement de cuisine dans le van cube, puis ctait pour provoquer des conversations avec monsieur Boissonneault puis le gendarme Viel, continue le policier. Monsieur Boissonneault me demandait ctait dans quel but, pour je mtais intress a, puis je lui ai expliqu que je voulais ouvrir une compagnie de traiteur, quelque chose de simple, pour prparer de la nourriture dans des activits style festivals et tout a. 12

Ainsi, Nic disait tre sur le point de dmarrer une compagnie de traiteur, tandis que son collgue Viel faisait savoir quil avait accs un camion cube. Voil qui tombait drlement bien puisque les gens de Germinal avaient la fois besoin de repas prts manger et de moyens de transport spacieux pour la tenue dun camp de formation en vue du Sommet des Amriques ! Monsieur Boissonneault ma dit que ctait trs intressant, puis que lui prparait du camping pour lt prochain lt 2001, puis que peut-tre quil aimerait a avoir recours mes services pour son camping , raconte le gendarme Tremblay. De son ct, le gendarme Viel ne sest pas fait pri pour offrir de mettre son van cube la disposition dAlex. Je lui ai expliqu que si jamais il aurait besoin du camion pour un dmnagement ou quelque chose comme a, il aurait juste me laisser savoir et puis il aurait juste payer lessence , dit-il. Il ma aussi expliqu quil voulait louer un camion, parce que dans deux semaines, lui puis un groupe damis, ils avaient plein de choses, puis ils allaient faire du camping. Lagent dinfiltration a toutefois pos une condition. Je lui ai expliqu quil devrait pas y avoir de problme, mais que je devais conduire le camion. Aprs a, il ma expliqu quil voulait pas me causer de drangement. Je lui ai expliqu quun camion a doit tre aux alentours de 80$ par jour, plus le kilomtrage. Par la suite, il ma expliqu quil allait en parler avec Jean-Franois , relate-t-il. Je lui ai demand sils taient beaucoup, il ma expliqu quils taient une bonne gang , ajoute le gendarme Viel. Cinoche, paintball et bire Le samedi 17 mars est le jour de la partie de paintball. Il sagit dun moment important dans lopration dinfiltration puisque les deux policiers en civil vont faire la connaissance de dautres gens de Germinal, faisant ainsi un pas de plus lintrieur du groupe cibl par lenqute de lescouade des Crimes majeurs pour le Sommet des Amriques. Dans un premier temps, les deux agents doubles de la GRC se sont rendus lappartement dAlex, sur la rue Bercy. On est monts, jai frapp la porte, on est entrs. Il y a un individu du nom de Fred qui sest prsent nous autres, il nous a aussi prsent Mario , relate le gendarme Andr Viel. On a rencontr Mario Bertoncini, puis Pierre-David Habel, ajoute le policier Nicolas Tremblay. On a rencontr ces gens-l, puis on a attendu que dautres amis arrivent. Il y avait un film qui jouait sur la tlvision, continue le gendarme Tremblay. Ctait le film "Germinal." Ctait un bon sujet de discussion pour nous. Donc, je me suis assis, jai regard le film, puis on a discut un petit peu l-dessus, l, mais de faon gnrale. Durant son tmoignage, le gendarme Viel a indiqu quil avait dj vu ce film qui parle des valeurs sociales. 13

Cest des mineurs qui sont abuss par un employeur , rsume-t-il. Un peu plus tard, il y a quelquun qui a expliqu que Jean-Franois tait arriv et puis il y a aussi quelquun dans lappartement qui a dit : "On va aller aider Jean-Franois monter les botes." Je le sais pas cest qui. Il y a quelquun dautre qui a dit : "Non, non, on va faire a plus tard", dclare lagent Viel. Par la suite, on est partis, puis on sest dirigs au 5592 Hochelaga Est, qui est Action Commando Paintball. Pendant laprs-midi, on a jou au paintball. un moment donn, pendant une pause dans les parties, je suis pass prs dAlex puis de Jean-Franois, puis jai entendu un petit bout de conversation : "puis les masques". Aprs a, les deux ont dit quils allaient chercher des balles pour la partie de paintball , raconte lagent dinfiltration. Par la suite, on sest rendus au 214 Ste-Catherine, qui est le pub Faubourg. On sest assis, on a eu des consommations, des discussions dordre gnral sur la partie de paintball , poursuit le gendarme Viel. Les deux gendarmes taient alors accompagns de Jean-Franois, Mario, Fred et Martin ces deux derniers ntant pas relis au groupe Germinal. Jai expliqu Jean-Franois que je voulais macheter une genre de grenade que tu pouvais acheter au jeu, l, Action Commando. Martin, ce moment-l, a expliqu quil aurait fallu tirer des smokes et puis Jean-Franois a expliqu quil en avait une la maison, dclare lagent dinfiltration. Ce que moi je comprends de a, cest des smokes bombes utilises l lquipement militaire. Par la suite, on sest rendus au Pub Ste-lizabeth, puis un peu plus tard, Alex est arriv. On a encore eu des discussions dordre gnral, continue le gendarme Viel. Puis par la suite, moi, jai expliqu Alex, qui tait assis ct de moi, de demander au deuxime gendarme de lui conter son histoire de la Colombie-Britannique. Par la suite, lautre gendarme lui a expliqu quil savait attach, quand il tait en B.C., avec des chanes aprs des arbres. Lui savait enchan aprs les arbres, pour pas que ces arbres-l soient coups. Les policiers taient satisfaits de cette premire rencontre entre le gendarme Tremblay et dautres gens de Germinal. Lors de cette rencontre-l, ce samedi-l, le deuxime agent double tant plus jeune, sest fait plus aim par les membres du groupe, ils lont vraiment pris comme un bon ami, et ils se sont confis lui , affirme lagent Santori. Le lien le plus fort que jai dvelopp cette journe-l, ctait avec Jean-Franois Dufresne, dclare le gendarme Tremblay. Jai remis mon numro de tlphone Alex Boissonneault, lui disant que jtais pas mal prt fonctionner avec mon quipement de cuisine puis mon service de traiteur, que sil avait besoin de moi, de mappeler. Germinal recrute un agent double Le quatrime voyage dAlex avec les deux agents dinfiltration de la GRC t effectu le vendredi 23 mars. Chacun conduit un vhicule spar et on se rend Qubec. Le gendarme Viel nous suit dans son vhicule personnel , explique le gendarme Nicolas Tremblay.

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On sest de nouveau dirigs vers ltablissement Securespace sur la rue Armand-Viau. On a eu des discussions dordre gnral sur ltat de la chausse, la musique, les films, relate lagent Andr Viel. Alex ma aussi expliqu que son colocataire a bien aim ma cassette de Mike Oldfield. Alex ma aussi demand pour le cube, continue-t-il. Je lui ai alors expliqu quen premier, je dois savoir pour combien de temps puis quand. Il ma expliqu que a serait samedi matin au lundi et que Jean-Franois pourrait le conduire de Qubec. ce moment-l, je lui ai indiqu : "Cest pour ton affaire de camping que tu mas parl lautre fois?" Il ma expliqu que oui, puis cest Victoriaville et puis que Jean-Franois pourrait partir de Qubec. Je lui ai expliqu que jallais vrifier a, puis que je vais lappeler. Rendu Qubec, le scnario tait que je devais revenir avec Alex Boissonneault dans le vhicule van cube, parce quAndr Viel devait rester Qubec, raconte le gendarme Tremblay. Ce qui est arriv, cest monsieur Boissonneault, son vhicule personnel tait demeur Qubec, parce quil avait eu des bris il tait venu la fin de semaine davant, je crois, ou durant la semaine il avait eu des bris, son vhicule tait au Canadian Tire du coin de lglise puis boulevard Laurier Ste-Foy. Donc, le scnario de revenir de Qubec Montral ensemble tait leau, mais on a quand mme pris le van cube, puis moi, jai donn un transport jusquau Canadian Tire, de lentrept Securespace aller jusquau Canadian Tire , relate-t-il. Quest-ce qui arrive, cest quon avait prpar des articles pour provoquer des conversations, dans le sens quon avait des tracts et des journaux qui parlaient du Sommet des Amriques, puis pour voir un peu si a pouvait provoquer des discussions. Javais a dans mon pack-sack, javais mon pack-sack avec plein de linge, puis en plus, javais un t-shirt assez vocateur, l, par rapport au Sommet des Amriques, qui tait dans mon sac, puis le scnario, ctait de dire monsieur Boissonneault : sors mes couteurs pour mettre mes speakers, mes petits haut-parleurs, pour mettre sur mon CD, puis on va pouvoir couter de la musique dans le cube, parce quil ny avait pas de radiocassette ni de CD. a fait que ctait un petit peu a, quil fouille dans mes affaires, peut-tre quil voie a, puis quil en parle , dit lagent dinfiltration. Ainsi, le gendarme Tremblay esprait quAlex aperoive son chandail portant linscription Fuck le Sommet en fouillant dans son sac dos. Il sagissait dun chandail qui lui avait t remis par son agent couvreur. En fait, cest pas tout fait a qui sest produit, dclare le policier. Il a fouill dans mon sac, mais il na pas remarqu rien de spcial. Par contre, quest-ce qui est arriv, cest quarriv au Canadian Tire je disais que javais voyag beaucoup, puis dans lOuest canadien et cetera, javais vcu l, puis comment jaimais le rythme de vie l-bas, tout a. Puis monsieur Boissonneault ma demand quest-ce que je pensais dans ces mots-l quest-ce que je pensais de quest-ce qui allait se passer au mois davril Qubec. Jai dit : "Tu veux dire le Sommet des Amriques?" Il ma dit oui, puis jai sorti mon t-shirt avec le slogan si vous le permettez monsieur le juge ctait un t-shirt quil tait crit "Fuck le sommet" dessus, blanc, puis le lettrage noir , explique-t-il. Puis je lai montr Alex, jai dit : "Cest a que je pense du Sommet." Il a trouv que ctait trs cool, pour utiliser ses mots, puis que ctait trs intressant, puis l, on a eu une petite discussion gnrale sur a, puis l, moi, jai expliqu Alex que jallais tre 15

l, puis que jallais aller manifester au Sommet, puis que mon seul regret, ctait que jtais nouvellement de retour au Qubec aprs mon sjour dans lOuest canadien, que javais pas beaucoup de contacts avec des groupes, javais pas eu la chance de rencontrer aucun groupe, pour me joindre un groupe mieux organis, mais que jallais aller quand mme manifester l-bas , continue lagent dinfiltration. Puis l, jexpliquais que moi, vu que jallais pas lcole, javais moins de contacts ou la possibilit de me joindre des groupes organiss qui allaient aller manifester lbas. Sur ce, monsieur Boissonneault ma dit : "Bien moi, jen ai un groupe, puis on va aller l-bas." Mais il a gard a trs vague pour ce petit bout l de conversation, puis il ma dit que ctait un groupe, cependant, trs bien organis, mais quil aimerait a me reparler devant une bire ou un caf, relate le gendarme Tremblay. Ensuite de a, on est rentrs dans le Canadian Tire pour aller chercher son vhicule, je lai accompagn pour massurer que son vhicule tait prt et tout, puis l, on stait entendus quon se rappellerait pour se reparler de a, puis on a chang nos numros de tlphone encore une fois. Puis quest-ce qui est arriv, cest que son vhicule, malgr les rparations, ne fonctionnait pas. On a essay de le dcoller et tout a, puis finalement, les mcaniciens du Canadian Tire lont repris en main, puis ils recommenaient faire des rparations dessus. Donc, Alex, lui, voulait rester l attendre, voir si son vhicule allait tre correct, puis il ma dit quil allait sarranger pour revenir Montral par ses propres moyens, que javais pas besoin dattendre plus que a et tout et tout , rapporte-t-il. Mais par contre, avant de partir, avant davoir des nouvelles des mcaniciens on est sortis lextrieur du Canadian Tire, dans le stationnement, puis on sest dit : "l, on a le temps de parler", puis il ma parl un petit peu de son groupe, quand mme assez en dtail ce moment-l, raconte le policier. Alex Boissonneault tait trs tait quand mme prudent face ne pas parler devant des personnes inconnues, tout a. a fait quon est sortis du Canadian Tire, on a fum une cigarette l, puis on a parl, l, plus en dtail de quest-ce que ctait. ce moment-l, il ma expliqu quil faisait partie dun groupe qui tait trs bien organis, un petit groupe, environ vingt-cinq personnes, que ce groupe-l sappelait Germinal, puis ce groupe-l tait petit, mais allait tre trs efficace au Sommet, parce que ctait tous ou peu prs des amis assez proches, que a faisait longtemps quils se prparaient, a faisait peu prs un an quils se prparaient pour le Sommet des Amriques; que pour lui, le Sommet des Amriques, ctait comme une comte qui allait passer Qubec, a passe une fois tous les cent ans ou peut-tre plus, puis que ctait le moment de poser une action. Son groupe allait poser une action qui allait tre politique, mais politique violente , relate-t-il. Le but du groupe ctait de percer le primtre de scurit, la clture du Sommet des Amriques, la fameuse clture quon entendait parler partout dans les journaux ce moment-l, et de laisser entrer les manifestants pour exprimer leur dsaccord aux chefs dtat qui taient lintrieur du primtre , continue le policier. Il mexpliquait quune action politique violente, ctait parce quils allaient rpliquer coup pour coup avec les policiers ; quils taient trs bien organiss, quil y avait des membres qui taient des anciens militaires dont lui que le groupe fonctionnait par cellules distinctes mais quils allaient tre trs bien organiss avec des masques 16

gaz, des matraques, puis ils allaient rpliquer coup pour coup puis quils allaient avoir du poivre de Cayenne aussi, ajoute-t-il. Donc, en gros, cest ce quil mexpliquait. Donc, moi, je suis venu lui demander : "Bien, quest-ce que je peux faire pour taider?" Puis l, il ma dit quil voulait que je joigne son groupe lui, laile militaire, la cellule militaire, puis quil y avait un camp dentrainement qui tait en fin de semaine, la fin de semaine suivante quil y avait un camp dentrainement, puis que ctait un camp dentrainement trs srieux, puis quils fonctionnaient de faon paramilitaire pour tre efficaces, vu que ctait un petit groupe, quils allaient fonctionner de faon paramilitaire, raconte lagent dinfiltration. Ctait une prparation pour tout le groupe. Il y avait des cellules qui ne staient jamais rencontres, ctait une espce de pratique gnrale pour les actions tre poses au Sommet des Amriques. En contre-interrogatoire, le gendarme Tremblay a aussi reconnu quau dpart, les militants avaient bauch comme projet de tenter de convaincre les policiers de permettre Germinal de livrer son message lintrieur du primtre de scurit. Cest vrai , a-t-il rpondu la suggestion de Me Alain Dumas, lavocat des accuss. Ce qui avait t dit au Canadian Tire le 23 mars, ce quAlex mexpliquait, cest que, comme vous lavez bien not, ils allaient sattaquer la clture, mme demander aux policiers de leur faire une haie dhonneur pour se rendre jusqu lhtel ou au centre des congrs o est-ce que les chefs dtat avaient leurs discussions, puis qu ce momentl, selon Alex, les policiers allaient attaquer, mais quils allaient tre surpris, parce queux aussi, le groupe Germinal, allaient sortir leurs masques gaz, leurs btons, leur poivre de Cayenne, puis ils allaient rpliquer coup pour coup avec les policiers , dit-il. Enfin, le gendarme Tremblay a aussi indiqu quAlex lui a expliqu pourquoi le nom Germinal a t retenu. Moi je pensais que ctait relatif au film "Germinal", il ma dit : "Cest un peu a, mais cest pas a vraiment, cest plus dans le sens dune deuxime germinaison des peuples" [] Qui tait une rvolution qui sest pass au dbut des 1900, je crois, mais je suis pas sr, je suis pas cal en histoire. Puis il mexpliquait que ctait une deuxime germinaison des peuples, puis que cest pour a que son groupe sappelait Germinal, puis que ctait le temps de passer laction , conclut-il. Une recrue qui sait se taire Le samedi 24 mars, Jean-Franois a effectu son neuvime transport de vhicules. On a quitt lappartement de monsieur Dufresne ensemble dans la van cube pour sen aller Montral. Puis dans la van cube, presque tout de suite en embarquant, JeanFranois Dufresne ma dit quil avait eu une petite runion avec Alex Boissonneault le soir davant, durant leur petite soire, qui tait un petit party, puis que lui aussi faisait partie du groupe Germinal , raconte le gendarme Nicolas Tremblay. a fait que tout de suite, jai dit Jean-Franois Dufresne, pour dmontrer que jcoutais quest-ce que Alex Boissonneault disait, jai dit : "Moi jai dit Alex mavait dit de pas parler de a personne personne personne, puis que ctait la force du groupe, parce que personne parlait de a, puis pour pas se faire arrter, puis quil ny ait pas dinformation qui coule" , dit-il. 17

a fait que l, Jean-Franois Dufresne ma dit : "Non, non il dit je fais partie du groupe, on peut sen parler, ya pas de problme. Mme, Alex, il ma demand des petites choses, puis on peut sen parler", rapporte lagent dinfiltration. Jean-Franois mexpliquait quil avait comme un peu la mission de demander Andr pour avoir la van cube, pour emprunter la van cube pour transporter lquipement pour le camp dentrainement. Durant le voyage de Qubec Montral avec Jean-Franois Dufresne, on a trs peu parl du groupe ou peu prs pas. a t plutt des conversations gnrales sur nos visions politiques, nos projets pour nos tudes et nos emplois, tout a , continue le policier. Plus tard, en soire, Jean-Franois a eu une sortie sociale avec les deux agents dinfiltration. Ce soir-l, on sest rendus aux Quilles Myriam. Il y avait moi, le deuxime gendarme, Martin et puis Jean-Franois. On a jou aux quilles, on a eu des discussions dordre gnral , dclare le gendarme Andr Viel. Il y a eu trs peu de conversations ou peu prs pas de conversations par rapport au groupe, parce que le colocataire de Jean-Franois tait l, puis Jean-Franois me disait quil tait pas au courant , ajoute le gendarme Tremblay. Selon lui, Jean-Franois a abord le sujet du groupe une seule occasion durant la soire. Il ma demand si jtais conscient de tout ce que le groupe Germinal impliquait, parce que a allait tre une action qui allait tre que leur but, ctait de percer le primtre, puis quil y avait probablement des consquences criminelles a, cest les mots quil a utiliss : quil allait probablement y avoir des consquences criminelles , relate-t-il. un moment donn, Jean-Franois est venu me voir, puis il ma indiqu : "Alex tas parl pour le camion?" Je lui ai expliqu que oui, que je vais vrifier a et puis que je devrais lui donner des nouvelles lundi. Il ma expliqu quil apprcierait bien a, que a couperait les cots , raconte le policier Viel. Le lundi 26 mars, le gendarme Viel a donn suite la requte de Jean-Franois. Jai appel Jean-Franois, je lui ai expliqu que pour le camion, je devrais tre en mesure de lui prter, mais que je dois encore attendre un peu. Je lui ai aussi expliqu que a regardait bien pour le camion, mais quil aime pas trop a, parce que je suis pas aux alentours. a, ctait mon boss fictif. Jean-Franois ma aussi expliqu que Nicolas va apporter son kit de cuisine, parce quil se rouvre une compagnie, quil va lui donner une chance de pratiquer avec eux autres. Puis jai expliqu que je savais pas que Nicolas y allait , affirme-t-il. Le flic se porte garant de lautre flic Le mardi 27 mars, le gendarme Tremblay a eu une rencontre avec Alex au Pub Stelizabeth. Premirement, il ma demand de voir si ctait possible quon ait la van cube par le gendarme Viel, explique le policier. L, on a eu une discussion dordre gnral, voir quel genre de personne ctait, le gendarme Viel, puis sil tait ouvert ce genre daction l, ce genre de faon de penser l. Puis moi, jai dit que je croyais que oui, quon avait dj discut du Sommet, puis que si Andr savait ctait pourquoi on voulait emprunter le cube van, pour le camp dentrainement, pour se pratiquer, pour se prparer pour le 18

Sommet des Amriques, je croyais que le gendarme Viel nous prterait le cube van, puis mme viendrait peut-tre avec nous l-bas. Donc, Alex ma demand den parler Andr le plus tt possible, pour confirmer le plus tt possible , ajoute le policier Tremblay. Ensuite de a, Alex ma rexpliqu un peu comment Germinal fonctionnait, que le camp dentrainement allait se passer dans un coin de Victoriaville, en banlieue, prs de Norbertville, en endroit, un champ qui appartenait ou qui tait prt un de ses anciens professeurs, puis que ctait l que a allait se passer. Les gens allaient rester dans des tentes de larme, parce que monsieur Boissonneault tait un ancien militaire, JeanFranois Dufresne tait un ancien militaire aussi, qui venait de "resigner" tout rcemment ce moment-l, puis donc, cest a, ils avaient encore des contacts dans le militaire, puis quils emprunteraient de lquipement, des tentes de type camp militaire , relate lagent dinfiltration. Donc, on allait pratiquer des dplacements, des faons de bouger en section, puis tout a un peu paramilitaire, mais cest eux qui soccupaient de monter a, continue-til. Ensuite, il allait y avoir il y avait eu des conversations gnrales du fait que javais dj fait beaucoup beaucoup de cours darts martiaux, puis suite a, monsieur Boissonneault ma demand de prparer un petit cours dauto-dfense. Donc, jai a, jai rpondu que a faisait longtemps que jen avais pas fait, puis que je savais pas si jallais tre laise faire a, puis que je pourrais peut-tre essayer, mais si jtais pas laise, jallais laviser, puis dcliner. Parce que lui devait prparer cette partie-l du camp dentrainement, mais aprs avoir su que javais fait des arts martiaux, il ma demand pour le prparer. Jai pas accept vraiment 100%, jai dit que je regarderais la possibilit, mais que si jtais pas laise pour faire a, je le laisserais diriger cette partie-l du camp , prcise le policier. Ensuite, il voulait que je confirme si jallais avoir mon quipement de cuisine pour faire de la cuisine. L, je me suis offert pour faire de la cuisine, puis jai dit Lui, ce quil me disait, ctait que chacun allait apporter sa nourriture, mais quil voulait organiser un souper, pour que ce soit une espce de souper de fraternisation, pour que les gens qui ne se connaissent pas apprennent se connatre. Puis moi, jai dit : "Bien, je vais apporter mon quipement de cuisine." Mais jai dit L, je moffrais, jai dit : "a cote pas plus cher faire des djeuners vraiment, a fait quon pourrait faire les djeuners puis un souper" , indique le gendarme Tremblay. a fait que cest a qui avait t dcid. Puis finalement, la fin de cette rencontre-l, il en est ressorti que jallais mattacher au groupe logistique, qui tait Jean-Franois Dufresne et Christian Lagueux, pour les aider faire les moi, ce que jappelais les commissions, l : aller chercher la nourriture, moccuper du van cube, en parler Andr, puis Donc, je devais appeler Jean-Franois Dufresne pour laviser que maintenant, sil avait besoin daide, vu que javais pas beaucoup dheures de travail, je pouvais aller me rendre Qubec puis laider , poursuit-il. Alex Boissonneault mavait donn une liste de petites choses apporter pour le camp, de mamener un bton, parce quon pratiquerait des mouvements avec les btons, dclare le policier. Donc, il mavait demand damener un bton, Andr damener un bton, sil tait intress participer, parce quon ferait des mouvements avec les 19

btons, puis on pratiquerait frapper avec les btons; puis damener des sacs de couchage, notre nourriture, nos cigarettes. Il mavait fait une petite liste, cest dans mes notes , dit le gendarme Tremblay. Aprs que jai quitt monsieur Boissonneault, jai appel Jean-Franois Dufresne pour lui dire que sil avait besoin de moi, je pouvais me rendre Qubec, cette semaine jtais pas beaucoup occup, puis on pouvait prparer a ensemble , relate lagent dinfiltration. Ils conviennent alors tous deux de se rencontrer ds le lendemain. Par la suite, jai appel monsieur Boissonneault pour lui confirmer quon avait vraiment la van cube, que jen avais parl Andr, quAndr tait trs enthousiaste, puis quil serait mme au camp avec nous pour popoter, la cuisine puis tout a , raconte le policier. Cest ainsi que les deux agents dinfiltration de la GRC ont pu faire leur entre dans le groupe Germinal. Il serait cependant injuste de taxer les gens de Germinal de navet. Comme la indiqu lagent dinfiltration durant son tmoignage, ceux-ci taient parfaitement conscients quils taient susceptibles de faire lobjet de surveillance policire. Tout au long de lenqute, je dois dire, plusieurs reprises que ce soit monsieur Boissonneault ou Pierre-David Habel ou Mario Bertoncini disaient souvent quils croyaient avoir t suivis ou peut-tre surveills par des groupes policiers. Ils nous disaient de ne pas trop parler au tlphone, que nos lignes pouvaient tre sous coute. a fait quils avaient une certaine conscience de ces choses-l , explique le gendarme Tremblay. Bien que les militants avaient aussi tendance se mfier des nouveaux membres, les deux gendarmes nont toutefois pas fait lobjet de soupons. Avoir cr une compagnie, avoir mobilis plusieurs camions et nous avoir engags, avoir dpens toute cette nergie juste pour notre groupuscule, ctait inconcevable ! , sexclame Mario Bertoncini lors dun entretien avec le mensuel lAut Journal. 16 Manque de ressources Jai rencontr Jean-Franois Dufresne au bar Le Cactus sur la rue Myrand SteFoy , dclare le gendarme Nicolas Tremblay. Ce qui a t entendu, moi, je devais moccuper dacheter la nourriture, puis damener mon quipement de cuisine, puis je devais passer le prendre Thetford-Mines en fait, cest Black-Lake chez ses parents, le vendredi avant le camp ; me rendre l avec mon quipement de cuisine, lpicerie que javais faite, lui serait l, puis il aurait ramass lquipement qui provenait des cadets de Lvis, puis ensuite on se serait rendus ensemble ramasser lquipement des cadets de Thetford-Mines avec le cube van, puis pour se rendre au Lac-Mgantic, ramasser lquipement des cadets ou de la base militaire, l, la petite caserne militaire quils ont l-bas, ramasser lquipement avec le van cube, pour ensuite se rendre prs des lieux du camp dentrainement, pour que le16

LAut Journal, Chronique dune infiltration policire Le groupe Germinal , Gabriel Sainte-Marie, juillet 2001.

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samedi matin, on puisse monter le camp, pour que ce soit prt pour midi, quand les membres du groupe arriveraient , explique-t-il. Puis Alex Boissonneault avait demand Jean-Franois Dufresne de me parler pour tre assistant du chef de section de Serge Valle. Donc, les raisons en taient que, selon Jean-Franois Dufresne, Serge Valle tait, pour utiliser ses mots, un peu "tte brule." Il avait moins confiance en lui que plusieurs autres membres, parce que selon lui, Serge Valle se rendrait plus au Sommet pour le thrill que pour la mission que le groupe se donnait vraiment, que pour la cause; puis que Serge Valle, ctait leur contact pour se procurer les smokes, les grenades fumignes, les thunder flash, puis quest-ce quils appelaient les arty sim, simulateurs dartillerie, ctait leur contact militaire pour se procurer a, parce quil tait encore actif dans le militaire , continue le policier. Moi, jai rpondu Jean-Franois Dufresne que jacceptais lemploi, mais que si je voyais que Serge Valle tait trop tte brle puis tait trop fou, que jallais dcliner, je travaillerais pas avec lui. Cest lessence de la rencontre de ce soir-l, dit-il. Moi, je devais moccuper de faire mon picerie, mon quipement de cuisine. Andr devait apporter des palettes de bois puis ce que jappelle du bubble wrap, de lemballage avec des bulles dair, pour faire comme des espces de matelas, pour rendre a un peu plus confortable. Durant le contre-interrogatoire, le gendarme Tremblay a cependant admis quau niveau des choses qui devaient se retrouver au camp dentranement, il ny avait rien de ce quon peut appeler du matriel militaire guerrier, si on excepte la dmonstration de lusage des btons pour se dfendre contre la police. Il y avait des tentes, il y avait des fanaux, des chaufferettes, un cam net, des rations de larme, puis le reste de lquipement, ctait nous de lapporter : les sacs de couchage, nos btons, etcetera , dclare-t-il. Le gendarme Tremblay a galement reconnu avoir t surpris du peu de ressources matrielles dont disposait le groupe Germinal. Je peux tmoigner quil ny avait pas beaucoup de ressources matrielles, effectivement, et surtout montaires, confirme le policier. Ctait moins que je le croyais au dbut. Le vendredi 30 mars est le jour o tout le matriel devait tre achemin au camp. Jai reparl avec Alex Boissonneault, relate le gendarme Tremblay. Il nous avait demand de laisser mon vhicule chez lui, pour quil puisse sen servir pour faire du transport, amener des membres avec lui l-bas. Donc, jai repris contact avec Alex Boissonneault, lui disant quAndr et moi, on se rendrait Thetford-Mines puis au camp avec le cube, puis quon laisserait lauto dAndr chez lui. On sest rendus chez les parents de Jean-Franois Dufresne Black-Lake. On est arrivs l vers 20h55 le soir du 30 mars, puis on a rencontr Jean-Franois Dufresne l. Il tait seul. Il tait dj all chercher lquipement des cadets de Thetford-Mines, puis on a commenc, Andr, moi et lui charger lquipement dans le van cube. Il y avait des fanaux, des chaufferettes lectriques, des ration packs, des rations de larme , explique-t-il. 21

Puis, alors quils sapprochaient du lieu du campement, ils ont t informs dune nouvelle inattendue. On tait entre Black-Lake et Lac-Mgantic, raconte lagent dinfiltration. On a t aviss quil y avait deux cellules qui avaient cancell pour le camp : la cellule du Saguenay puis la cellule de Qubec qui avaient cancell pour le camp. Il y a eu un contact tlphonique entre nous et Alex Boissonneault, puis on a t confirms que le camp tait cancell , ajoute-t-il. Il tait trs du , affirme le gendarme Tremblay, en parlant de la raction de Boissonneault. On a su quil y avait un groupe qui a t recrut par Mario Bertoncini, une dizaine de personnes du Lac, qui se sont dsistes la dernire minute, pour des raisons quon ignore, et aussi il y a un groupe de Trois-Rivires qui ne sest pas prsent aussi, qui sest dsist. Alors il y a eu de la panique dans le groupe ce soir-l, et ils ont dcid quand mme de se runir le samedi matin, la Place Versailles, 8h30 , dclare lagent Vincent Santori. Les dcisions qui ont t prises par les ttes dirigeantes, ctait que le lendemain matin, le samedi le 31, il allait y avoir une runion, une rencontre pour dcider de lavenir de Germinal, quest-ce qui allait se passer, raconte le policier Tremblay. Le gendarme Viel et moi avons reconduits monsieur Dufresne chez ses parents, dchargs lquipement de larme, puis monsieur Dufresne devait se rendre le lendemain matin Montral, pour pouvoir tre prsent pour la runion. Nous, on a fait une partie de la route le soir mme pour se rendre Montral, puis le lendemain matin, le 31, on tait au magasin, dans le stationnement du magasin La Baie Place Versailles Montral, 8h30. On tait les premiers arrivs , continue-t-il. La remise en question On a eu une discussion dordre gnral, leffet quon allait se rendre sur la rue Rosemont pour discuter, explique le gendarme Andr Viel. Ctait chez Johanne. Jai stationn le cube, on a sorti la nourriture, on est rentrs lintrieur , relate-t-il. Durant son tmoignage, le gendarme Tremblay a numr les noms des gens qui ont assist cette runion. Les personnes prsentes la runion chez Johanne taient le prnomm Flix, le prnomm Pierre-Antoine, connu sous le surnom de Paf, le nomm Pierre-David Habel, Victor Quentin, Roman Pokorski, le prnomm Sbastien, la prnomme Johanne, Alex Boissonneault, gendarme Viel, Mario Bertoncini, prnomme Karine, Christian Lagueux et moi-mme, et Jean-Franois Dufresne est arriv en aprsmidi , dit-il. Premirement, a sest droul tranquillement, le dbut de la runion, poursuit lagent dinfiltration. a sest fait des cafs, il y avait de la conversation gnrale, du meet and greet comme jappelle, l, rencontrer des gens, puis fraterniser. Il y a eu des discussions dordre gnral sur la situation prsente, leffet que nous ne sommes plus que quinze personnes maintenant, explique le policier Viel. Tout le monde 22

parlait un peu aussi son tour. Il y avait des gens comme moi, jtais assis, jai pas dit grand-chose. Le dbut de la runion, ctait vraiment : o est-ce quon sen va avec Germinal ?, rsume le gendarme Tremblay. Est-ce que Germinal existe toujours ? Est-ce que le groupe se joint un autre groupe, est-ce que le groupe se dissout compltement ou estce que le groupe continue comme groupe Germinal ? La dcision qui a t prise, a t que Parce que la plupart des gens avaient joint Germinal parce que Germinal allait poser une action concrte contre la clture, puis cest ce que les gens aimaient de la pense de Germinal, les membres qui taient l. Donc, les gens ne voulaient pas ncessairement se joindre dautres groupes, continue lagent dinfiltration. Ils ne voulaient pas se joindre non plus aux anarchistes, parce quils considraient les anarchistes comme ou le Black Block comme des casseurs, des briseurs de fentres puis des saccageurs, puis ctait pas leur but non plus. Leur but, ctait de sattaquer la clture. Donc, il a t dcid que le groupe ne porterait plus ncessairement le nom de Germinal, quils allaient mettre a de ct pour le moment, mais que le groupe allait rester en tant que tel, plus petit, puis quils allaient tenter de quils allaient quand mme que laction de briser la clture allait se faire encore, que laction allait tre probablement moins symbolique, vu quils taient moins, moins gros, quils attireraient peut-tre moins lattention mdiatique, mais que a allait tre plus stratgique; que le but allait tre de percer la clture, sattaquer au primtre de scurit et de faire entrer le plus de manifestants possible en les dfendant , ajoute-t-il. Cest pour a que la plupart des membres avaient joint Germinal, parce quils avaient un but prcis autre qualler juste scander des slogans en avant de la clture. a fait que ctait pour a que les gens voulaient tre dans Germinal, puis ont dcid de rester dans Germinal, dit-il. Ils voulaient pas sattaquer la ville de Qubec, ctait clair. Les seules personnes quon parlait de sattaquer, ctait les policiers. Ils disaient quils allaient rpliquer coup pour coup avec les policiers. Garder des traces crites Lors de la runion, moi je me suis offert pour prendre quelques notes, pour garder trace de quest-ce qui se passait, un peu un stno de la runion, puis on a fait une rcapitulation des ressources quon avait en main prsentement, humaines et matrielles, poursuit le gendarme Tremblay. Donc, la liste des ressources, cest quand mme assez simple. Les ressources matrielles, donc, ctait que chacun apporte un bton, ceux qui veulent apporter un bton, pour se dfendre, quon allait peut-tre faire des boucliers pour se protger, quon avait onze poivres de Cayenne en main et un thunder flash en main, que le poivre de Cayenne, ctait du poivre pour les ours, que ctait plus fort que quest-ce que les policiers avaient. Ensuite de a, quil allait y avoir la possibilit de fabriquer des cocktails Molotov, indique-t-il, en prcisant ensuite : a t dbattu assez froidement par le groupe, je dirais, cette runion-l, parce que cest revenu sur la table plus tard, on en reparlera tantt, mais cette runion-l, a t dbattu froidement. Ce qui tait dit par la majorit des membres du groupe, ctait que ctait dangereux, trop dangereux, puis trs mal vu aussi de lopinion publique, puis cest pas a que Germinal voulait transpirer. 23

Il y a eu plusieurs dans le groupe qui ont clairement expliqu quils nutiliseraient pas de cocktails puis quils nen transporteraient pas, confirme le gendarme Viel. Alex a expliqu que si on avait utiliser des cocktails, a serait valu sur le terrain pour lutilisation, mais le feeling que jai eu ce moment-l, cest quil semblait pas trop chaud lide. On est revenus en dbut daprs-midi. Il a t propos quon fasse un tour de table, raconte le gendarme Tremblay. Quest-ce qui a t dit : prsentez-vous, nom, nom de famille et etcetera, donnez le genre dexprience que vous avez dans des manifestations et jusquo vous tes prts aller pour vous battre au Sommet. Tout a, tout ce bout de runion l, l, ctait film, parce quils voulaient conserver a sur cassette, hein, pour pouvoir faire un film avec. Donc, il y a eu un tour de table, chacun tait film. Ceux qui ne voulaient pas que leur visage soit film, a ne devait pas tre film, mais chacun tait film, puis chacun disait se prsentait, venait do, exprience antrieure en tant que manifestant, sil allait se battre au Sommet Parce quil y en a qui ne voulaient pas se battre. Il y en a qui voulaient tre dans le groupe Germinal comme pour aider, mais sans aller se battre au front , continue-t-il. Jai une liste plus dtaille, l, des principaux commentaires, l, dans mes notes, l, prcise lagent dinfiltration. Les principaux points sont que quatorze sur quinze sont prts aller se battre, mais seulement dix amneront un bton. La personne qui nira pas se battre, ce sera Karine, parce quelle expliquait quelle avait des conditions mdicales. Quand mon tour est arriv, jai expliqu que javais le moins dexprience dans ce domaine-l, que jtais un jaune, dclare le gendarme Viel. Un jaune, cest plus pacifiste. Cest souvent une couleur qui est associe aux comment je dirais a, l, plus peureux, moins actifs. Jai expliqu que jallais tre un jaune, que javais le moins dexprience dans ce domaine-l, que moi, jaurais pas darme, que pour moi, les choses qui leur semblent difficile trouver, comme un cube, bien, pour moi, ces affaires-l, cest plus facile trouver ce genre dquipement l. ce moment-l, Flix ma aussi demand pourquoi est-ce que je participais, poursuitil. Jai expliqu que la raison, cest pour donner un wake-up call la socit, que je suis tann de voir les gros toujours manger les plus petits. Par la suite, a t le deuxime gendarme. Il a expliqu que lui, il a t dans louest, quil savait dj attach des arbres, puis quil avait particip des manifestations pour la dfense de lcologie, puis quil avait particip des groupes de recherche en avalanches. Pour Mario Bertoncini, les deux agents dinfiltration prsentaient chacun un profil bien diffrent. Le plus vieux tait plutt indiffrent mais il voulait nous prter ses vhicules de transport. Le deuxime, bien entendu, trouvait le projet formidable et voulait absolument aller se battre Qubec. Il a t lun des adhrents les plus actifs , explique-t-il. Durant son tmoignage, le gendarme Tremblay a confi ses impressions gnrales par rapport aux gens qui composaient le groupe Germinal. Une bonne partie, cest des universitaires, dit-il. Cest un groupe de jeunes qui sont trs articuls, trs instruits, 24

assez philosophes, a fait que a discutait beaucoup, l, il y a souvent des dsaccords, l. Alex mexpliquait dans une discussion que je peux pas situer dans le temps, monsieur le juge, mais que je me rappelle, que le groupe croyait plus ou moins au vote main leve. Je le sais pas comment expliquer a. Je pouvais pas tout comprendre, l, ces parties-l. Que le vote main leve, peut-tre a influenait dautres personnes. Donc, cest pour a quil y avait beaucoup de discussions avant quune dcision soit prise , ajoute-t-il. Cest un drle de milieu, cest dur exprimer, l, mais cest un milieu trs libral de pense, trs o la libert de pense est trs importante, souligne le policier. Une espce de politique de gestion dans le groupe, a nexistait pas vraiment, l. Ctait plus des amis qui se prparaient ensemble, en jasant, l. Ctait assis dans un salon, puis a jasait. Non aux cocktails Molotov Le lendemain, les deux agents dinfiltration taient de retour chez Johanne pour assister la suite de la runion du groupe Germinal. Le dimanche le 1er avril, Roman ntait pas l, puis Alex et Jean-Franois Dufresne sont arrivs un petit peu plus tard, raconte le gendarme Andr Viel. Une fois quAlex et Jean-Franois sont arrivs, il a t convenu de suivre un ordre du jour, puis que Karine va prendre des notes. Par la suite, le deuxime gendarme a expliqu quil faudrait refaire la liste des ressources que nous avons. Il a t indiqu quon avait un avocat, une personne responsable des mdias, puis une personne du film , continue lagent dinfiltration. Il a t expliqu par Alex que nous avons un smoke, possiblement quatre autres, que le tout dpend de Valle. Jean-Franois a expliqu quil ny avait pas de thunder flash. Mario a expliqu quils ont dix poivre de Cayenne en plus de celui de Sbastien. Il a t expliqu par Victor quil serait possible de faire smoke home made, en utilisant un tiers deau, un tiers de sucre, un tiers de jai marqu "Pine sol", mais jai pas saisi exactement le mot qui a t. a sonnait comme "Pine sol". a serait une substance achet en pharmacie , prcise-t-il. Il y a quelquun qui a mentionn "cocktails Molotov", mais Mario a fait signe des mains leffet quil ny en avait pas , dclare le policier Viel. Durant le contre-interrogatoire, le gendarme Nicolas Tremblay a confirm que Germinal a clairement renonc au recours aux cocktails Molotov durant cette fin de semaine de runion. Les cocktails Molotov ont t enlevs des options, l, le 1er avril, dit-il. On a fait une rcapitulation des quipements quon avait, des ressources matrielles et humaines, les cocktails Molotov avaient compltement t enlevs de la liste. Les deux motifs qui ont ressorti, ctait que la majeure partie du groupe trouvait a dangereux et mal vu du public, a ne donnait pas une bonne image de Germinal , indique lagent Tremblay.

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Johanne a aussi expliqu quil ny avait pas beaucoup dargent , rapporte le gendarme Viel. a t propos que chacun verse vingt dollars dans le fonds du groupe, parce que le groupe avait seulement 140$ dans leur compte, que chacun verse vingt dollars au compte du groupe, ce que jai fait, pour renflouer les coffres , ajoute son collgue Tremblay. Par la suite, on a convenu de fonctionner en comits , explique le policier Viel. Les gens se distribuaient dans les sous-comits; qui voulait aller faire quoi etcetera, raconte le gendarme Tremblay. Donc moi, je me suis impliqu dans le comit stratgique puis dans le comit logistique, pour aider le comit logistique, cest plus cest style de comit-commissions. Donc, je me suis impliqu dans le comit "logistique", qui tait Alex Boissonneault, Christian Lagueux, Victor Quentin et moimme, puis je me suis impliqu dans le groupe logistique qui tait form de Karine, moimme et Jean-Franois Dufresne. L, aprs a, il y a un comit de contenu : Johanne, Pierre-Antoine, Karine, PierreDavid et Mario, note lagent Viel. Moi, jai expliqu que je serais disponible sur appel, dpendamment de mon temps de travail. Sinspirer des Cowboys de Dallas Le vendredi 6 avril, Alex Boissonneault a effectu son cinquime transport de vhicules avec les gendarmes Andr Viel et Nicolas Tremblay. Durant le trajet du retour, les deux agents dinfiltration ont eu une discussion avec Alex propos de structures et de stratgies. Monsieur Boissonneault disait que la structure paramilitaire du groupe allait rester. Moi, je disais que jtais content , raconte le policier Tremblay. Le deuxime gendarme lui a expliqu quon pourrait utiliser une dfensive de style Cowboys de Dallas, puis on a aussi parl de padding , dit lagent Viel. Les discussions ont aussi portes sur le droulement de la fin de semaine de runion chez Johanne. Ce que jai dit monsieur Boissonneault, cest que la runion du 31 mars et du 1er, ctait trs dcousu, puis monsieur Boissonneault ne parlait pas navait presque pas parl, relate le gendarme Tremblay. Puis aprs a, Andr lui demandait : "Ttais tranquille aux deux dernires runions. Quest-ce qui se passe, tu filais pas?" Et monsieur Boissonneault a dit : "Je le sais, jtais tranquille." Dans le sens quil tait du. Monsieur Boissonneault tait davis quil y avait beaucoup de discussions qui menaient plus ou moins rien, mais que plusieurs membres du groupe aimaient mieux a comme a, puis que beaucoup de membres du groupe ntaient pas ncessairement pour le vote main leve, que a devait tre consen sans dire "un consensus", que a devait tre discut en groupe et que ctait pour a quil tait tranquille la runion du 31, puis du 1er avril, que a parlait beaucoup, donc lui, tant du, il tait tranquille , conclut-il.

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On a aussi eu une discussion dordre gnral, leffet quon ne voulait pas que les runions sternisent, indique le gendarme Viel. Il y a aussi eu une discussion leffet que la rencontre de demain ne devrait pas tre longue, puis quaprs, on devrait sortir. Alex a aussi expliqu quil ne voulait pas tre mal peru, mais qu partir de ce moment-l, il va simpliquer plus dans les rencontres , ajoute le policier Viel. Le gendarme Tremblay la encourag en ce sens. Il a dit quil allait prendre plus de place aux prochaines runions. Jai dit que jtais content , explique-t-il. Cest dailleurs ce qui est arriv lors de la runion du 7 avril. Oui, il a t plus leader que les deux premires runions gnrales, a, cest sr , note le policier. Le deuxime gendarme a aussi expliqu quil ne voulait pas prendre trop de place, puis Alex a expliqu de prendre toute la place quil veut, parce que Pierre-David, Mario puis Jean-Franois le pensent , relate lagent Viel. Alex, mais aussi le gendarme Tremblay, ont donc jou un rle plus important dans les runions venir, changeant ainsi la dynamique des runions. Aprs le 31, la fin du semaine du 31 puis du 30, l, ctait pas mal dcousu, l, ces runions-l. Mais le 7, le 11 et le 14, ctait beaucoup mieux structur , dclare le policier Tremblay. La police paye le vin Le 7 avril, les deux agents dinfiltration ont assist leur troisime runion de Germinal. On se rend Verdun, sur le boulevard Lasalle, si me rappelle bien, chez messieurs Victor Quentin et Roman Pokorski, raconte le gendarme Tremblay. Les personnes prsentes la runion taient Alex Boissonneault, Pierre-David Habel, Mario Bertoncini, la prnomm Johanne, Christian Lagueux, Pierre-Antoine connu aussi sous le surnom Paf, prnomm Sbastien, prnomm Flix, Victor Quentin, Roman Pokorski. Les nouvelles personnes, que pour moi, ctait la premire fois que je voyais, se greffant au groupe, il y avait Jonathan Vachon et Yvan, qui ne sera pas au Sommet, mais qui va tre l dici le Sommet, qui allait tre prsent autour du groupe dici le Sommet pour nous aider. Durant le contre-interrogatoire, le gendarme Tremblay a reconnu avoir apport une bonne quantit de vin la runion. Javais un gallon srement, mais je me rappelle pas si javais amen deux gallons, mais un gallon srement. Un gallon de vin, je pense, dit-il. Ctait du vin achet ctait du vin bien si vous permettez lexpression, bien cheap, l, achet la SAQ, mais dans un vinier, l, une bote une bote de carton, l, transvid dans un gallon. On faisait le scnario que jamenais a en cadeau aux membres du groupe, parce que mon pre faisait du vin, puis il mavait donn a. Ctait pas vrai, ctait un scnario de crdibilit, a-t-il admis. Il avait t discut de faire une rencontre un peu sociale, l, que ce soit plus agrable, puis tout a, puis on avait dcid damener du vin pour faire un cadeau, se faire aimer, l. Les suprieurs 27

de lagent dinfiltration taient dailleurs lorigine de lide. Cest eux qui mont donn le mandat de faire a , dit-il. Cest Alex qui a beaucoup pris le contrle du dbut de la runion. Donc, ce quil nous a prsent, cest quil y avait plusieurs options pour attaquer la clture, pour passer la clture, raconte le gendarme Tremblay. Il nous a prsent quatre possibilits pour attaquer la clture. Il y avait : accrocher des crochets avec des grosses cordes, donner a la foule, tirer la clture pour la faire tomber. Il y avait : couper la chane ou le cadenas qui tenait la porte principale de la clture, puis forcer lentre. Couper directement dans la clture avec des cutters, des pinces mtal. Ou se construire une espce de passerelle pour passer par-dessus la clture. Les options ont t dbattues et les meilleures qui sont ressorties, ctait vraiment de couper au travers la clture ou de passer par la porte. Cest les meilleures options qui ont t conserves ce moment-l. a devait venir tre confirm la semaine suivante. a dur assez longtemps, cette conversation-l , dit-il. galement un point qui a t dbattu, qui a t mis au clair cette soire-l, a t le point des cocktails Molotov. Vu quon avait moins de matriel militaire quon croyait ou quon tait moins assurs davoir du matriel militaire, il a t propos de faire entre trois et cinq cocktails Molotov pour amener l-bas, continue le policier. Il y a eu beaucoup de contestation. Le vin aidant, la discussion sur les cocktails Molotov semble stre droule dans une ambiance quelque peu cacophonique. Victor, Jonathan et Roman taient assis sur le mme divan, puis cest des gens qui vivent ensemble, Victor et Roman vivent ensemble, puis a parlait excusez-moi lexpression, l back and forth, chacun parlait un pardessus lautre, l , raconte lagent dinfiltration. La preuve entendue au procs a cependant tablie que les partisans des cocktails Molotov au sein du groupe Germinal voyaient en cette arme un moyen de diversion face la police, et rien dautre. Cest ce qui ressort des propos dun participant la discussion, tels que rapports par lagent Viel. "Tu tires pas a sur la police ou personne." Il a expliqu quon pourrait se servir de a durant une retraite , a-t-il dclar. a prend en feu, a cre une espce de mur de feu quand a clate , ajoute son collgue Tremblay. Aprs a, il y a aussi eu une discussion sur lutilisation de sling shots, relate le gendarme Viel. Il a t convenu par le reste du groupe quon pourrait les utiliser avec des balles de peinture, des paintballs comme au paintball, puis a t lutilisation de tire-roches demeurait un choix personnel. a t laiss libre chacun damener un tire-roches, mais quon se procurerait des balles de peinture pour lancer avec le tire-roches, que si a arrivait, au moins, dans la visire des policiers, a les aveuglerait pour un moment , ajoute lagent Tremblay. Durant le contre-interrogatoire, le policier Viel semblaient rticent confirmer quil avait t dcid en runion que les balles de peinture seront les seuls projectiles qui pourront tre utiliss des sling shots, dans lventualit o ceux-ci seraient utiliss. Je pourrais pas vous dire sil y a eu le mot "seulement des balles de peinture", mais il y a eu une discussion leffet que ctait dangereux , a rpondu lagent dinfiltration. 28

Or, cest pourtant ce qui est crit noir sur blanc dans les notes manuscrites du gendarme Viel, lesquelles ont t lues haute voix en cour. Il fut convenu par le reste du groupe que si nous les utilisons, ils seront utiliss avec des balles de peintures , peut-on effectivement lire. Notons par ailleurs que le gendarme Tremblay sest vu confier la responsabilit de veiller trouver le matriel pour la confection des boucliers. Jai t assign me procurer le vu que jtais dans le groupe logistique, aller chercher le matriel pour fabriquer les boucliers , dclare lagent dinfiltration. Puis galement, a prenait, pour les boucliers, pour solidifier a, a prenait des pancartes plastique style pancarte lectorale, l, une espce de plastique deux paisseurs, avec dautres ranges de plastique transversales dans a, l, des espces de pancartes lectorales, du plastique pour a, puis quen mettant le styrofoam entre ces deux morceaux de plastique l, puis en tapant avec des duct tape, a devenait super solide, explique-t-il. Moi, je devais acheter le styrofoam, je devais acheter aussi des attaches de plastique, l, de type tie wrap. Germinal esprait peut-tre la possibilit de faire prisonniers quelques policiers, puis de pouvoir les menotter avec les tie wrap. Donc, Alex mavait demand dacheter des tie wrap, a venait dAlex Boissonneault dacheter du styrofoam, dacheter vingt rouleaux de duct tape, dacheter des straps de nylon pour faire les poignes pour les boucliers, puis a se rsume a, je crois , conclut-il. Le gendarme Tremblay a aussi hrit dune autre responsabilit. Il a aussi t fait un ordre du jour pour la rencontre de samedi prochain, puis cest le deuxime gendarme qui soccupait de rdiger cet ordre du jour l , indique le policier Viel. Contrler les choses dangereuses Le 11 avril, le gendarme Nicolas Tremblay a particip sa quatrime runion avec des membres de Germinal. Il sagissait cette fois-ci dune runion restreinte. On a eu une runion du comit stratgique. Cette runion-l avait t fixe le 7, mais ctait une runion du comit stratgique, donc ctait Alex Boissonneault, Christian Lagueux, Victor Quentin et moi-mme qui devaient se runir pour terminer le plan stratgique pour lattaque de la clture au Sommet des Amriques, puis tous les petits points dterminer, l, pour aviser le reste du groupe, l, quest-ce quils avaient besoin damener, ces petites choses l, l. Une dernire runion stratgique, l, avant la runion finale, explique le policier Tremblay. Victor a d canceller la runion pour des raisons qui mtaient inconnues; je crois quil venait de finir de travailler, puis que ctait compliqu de se rendre jusque chez Alex, l. Cette soire-l, a t confirm, l, le plan dattaque de la clture avec deux sections, avec Jean-Franois Dufresne et Christian Lagueux comme chefs de section, Alex en tte de tout a, peut-tre mme Victor comme chef de section, l, ctait pas sr entre Jean-Franois et Victor Quentin , indique le gendarme. Ce qui est arriv, cest quAlex ma donn une liste En fait, ce quil ma demand, cest de prparer il ma dict une liste de choses apporter pour le Sommet, de prparer une liste plus au propre, puis de faire des photocopies pour la prochaine 29

runion, pour la remettre aux autres aux autres membres du groupe, puis il ma demand galement de prparer un ordre du jour quil ma lui-mme dict , dit-il. Donc, lordre du jour, ce quil mexpliquait, cest quon voulait faire une pratique avec les masques gaz, parce que les masques gaz allaient tre apports la dernire runion. On allait avoir la lecture avec lavocat, fabrication de boucliers, fraternisation, prsentation aussi des artifices venant de militaires, puis Cest a. Puis ensuite, il mavait galement dict une liste de choses apporter une liste de choses apporter, l. Dans la liste, il y avait des vingt-cinq sous, votre bton, du linge de rechange, une bouteille deau pour nettoyer le poivre de Cayenne dans vos yeux, il y avait, je pense, des sacs de couchage , continue lagent dinfiltration. Ce que jai fait dans la semaine la journe qui a suivi cette runion-l, jai fait une liste plus au propre, puis jai fait des photocopies pour tout le monde, jai fait une vingtaine de photocopies. Donc, dans la liste de choses apporter que jai prpare la demande de monsieur Boissonneault, il y avait : votre bton si vous en utilisez un, votre bouclier dguis en pancarte (ctait votre responsabilit), votre padding, votre masque gaz, votre tire-roches si vous en utilisez un, une bouteille deau, vos cartes de Qubec avec le primtre dessin sur la carte, prcise-t-il. Ctait ma fonction aussi dessayer de me procurer des cartes de la ville de Qubec, l, du centre-ville, durant cette semainel. Donc, quest-ce qui a t dtermin la runion du 11 avril, cest que les gens devaient partir en vague de trois ou quatre membres, quatre ou cinq membres, mais environ trois vagues dans la semaine du Sommet, avant la semaine, pas en mme temps, dans des vhicules diffrents, au cas o il y aurait eu des arrestations, pour pas que tout le groupe se fasse arrter en mme temps , raconte le gendarme Tremblay. On a reparl des cocktails Molotov, que a serait quatre ou cinq cocktails Molotov qui seraient fabriqus, qui allait transporter a, que a allait tre un bleu, cest--dire un collaborateur, qui allait transporter a, un collaborateur des plus fiables possibles, relate le policier. Moi, jai propos que ce soit Andr, le gendarme Viel, qui avait la confiance du groupe, que ce soit lui, parce quil avait une bonne tte, quil soit le bleu. Ctait toujours dans loptique davoir le contrle sur les choses dangereuses , indi