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PARTIE I / MODULE 6DOULEUR –SOINS PALLIATIFS

ACCOMPAGNEMENT

Q 67

Anesthésie locale, locorégionale et générale

Pr Jean-Jacques Lehot1, Pr Marc Freysz2

1. Service d’anesthésie réanimation, hôpital cardiovasculaire et pneumologique Louis Pradel, 69394 Lyon Cedex 032. Département d’anesthésie réanimation, Hôpital général – CHU de Dijon, 21033 Dijon Cedex

[email protected]

ANESTHÉSIE LOCALE

La pharmacologie des anesthésiques locaux (AL) et leur toxi-cité sont développées plus loin. L’anesthésie topique consiste àbloquer les terminaisons nerveuses sensitives en appliquantl’AL sur la peau et les muqueuses. Lors de l’anesthésie par infil-tration, l’AL est introduit dans le tissu sous-cutané et les plansplus profonds, sur une surface limitée au lieu de l’intervention.

ANESTHÉSIE LOCALE TOPIQUE

L’anesthésie topique a de nombreux avantages : elle diminuela douleur liée à l’aiguille, la crainte qu’elle peut engendrer, le risque de piqûre septique, la déformation des berges d’uneplaie qui peut être gênante pour une suture. Les anesthésiqueslocaux peuvent être appliqués sur les muqueuses, la peau et les plaies.

1. Anesthésie topique des muqueusesSes indications sont l’anesthésie locale :� de contact avant explorations instrumentales stomatolo-

giques, laryngoscopiques, fibroscopie œsophagienne ou gastrique;� de surface avant anesthésie d’infiltration ou gestes

douloureux ;� de muqueuse nasale avant geste invasif ;� avant exploration en urologie ;

�des muqueuses génitales de l’adulte avant infiltration à l’aiguille.Un effet indésirable de l’anesthésie topique du nez, de la bou-

che et du pharynx, est la suppression du réflexe de protectiondes voies aériennes supérieures qui, associée à la difficulté pouravaler, peuvent conduire à une inhalation bronchique.

Le strict respect des posologies recommandées est indispen-sable pour éviter un accident toxique, en particulier au niveaudes voies aériennes supérieures.

2. Anesthésie topique de la peauUn mélange de lidocaïne (2,5 %) et de prilocaïne (2,5 %)

appelé Emla est disponible. Cette crème existe sous 2 formes :Emla et EmlaPatch. Elle doit être appliquée sous un pansement

iOBJECTIFSi

– Argumenter les indications, les contre-indications et les risquesd’une anesthésie locale, locorégionale ou générale.

– Préciser les obligations réglementaires à respecter avant une anesthésie.

POINTS FORTS

> Les anesthésies locales peuvent être pratiquées par toutmédecin.

> Les anesthésies locorégionales les plus pratiquées sontles blocs centraux (ou neuro-axiaux) (rachianesthésie,anesthésie péridurale) et les blocs périphériques(plexiques, tronculaires). La toxicité des anesthésiqueslocaux est essentiellement neurologique etcardiovasculaire.

> L’anesthésie générale nécessite souvent l’associationd’hypnotiques (intraveineux ou inhalés), d’analgésiques(morphiniques) et de myorelaxants (curares). Elledemande le contrôle des voies aériennes par intubationtrachéale ou masque laryngé et le plus souvent uneventilation mécanique. Les accidents anesthésiques sonten diminution grâce à l’application des textes réglementaireset à l’utilisation de matériels et de médicaments plus sûrs.

à comprendre

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occlusif, maintenu en place au moins une heure (pas plus de 20 minutes au contact des muqueuses ou d’une plaie).

Les indications sont l’anesthésie :� de la peau saine avant ponctions ou abords vasculaires,

ponction lombaires ou anesthésie locorégionale (ALR) ;� avant chirurgie cutanée superficielle ;� avant détersion mécanique des ulcères veineux.Les posologies maximales sont de 30 g habituellement chez

l’adulte, mais seulement 10 g en cas de contact avec les muqueu-ses et de 0,15 g kg–1 chez l’enfant.

3. Examen d’un œil douloureux en urgenceL’instillation d’une ou deux gouttes d’une solution d’AL, l’oxy-

buprocaïne (Novésine) permet de réaliser ce geste sans douleur.

ANESTHÉSIE PAR INFILTRATION

Elle est utilisée dans la majorité des procédures chirurgicalesmineures. Les AL à administrer sont la lidocaïne et la mépiva-caïne. En l’absence de contre-indication, l’utilisation d’une solu-tion adrénalinée est recommandée pour diminuer la dose d’ALinjectée. Chez l’adulte, dans cette indication, la posologie maxi-male est de 200 mg pour la lidocaïne et pour la mépivacaïne.

La technique d’administration utilisée doit diminuer la dou-leur lors de l’injection, prévenir la propagation infectieuse, etéviter l’injection intravasculaire. Pour diminuer la douleur de l’in-jection, les solutions suivantes sont proposées : aiguilles de petitcalibre, solutions réchauffées, injection intradermique régulièreet lente dans les berges de la plaie et de proche en proche. Pourprévenir le risque septique, en cas de plaie manifestementcontaminée, l’infiltration doit être réalisée en peau saine.

CHOIX DE LA TECHNIQUE

Une surface opératoire étendue doit faire préférer une tech-nique d’ALR, car les doses efficaces atteignent les limites desdoses maximales d’AL et font donc courir le risque de toxicitésystémique en rapport avec les concentrations plasmatiquesélevées alors observées. Le risque de distorsion des bergesd’une plaie complexe fait préférer une anesthésie topique ouune ALR.

ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE ET GÉNÉRALE

PRISE EN CHARGE ANESTHÉSIQUE

La démarche anesthésique (décret du 5 décembre 1994)rend obligatoires, en dehors de l’urgence, la consultation et la visite préanesthésiques, ainsi que le passage en salle de sur-veillance post-interventionnelle (SSPI) ou en réanimation aprèsl’anesthésie (fig. 1).

1. Consultation préanesthésiqueCette consultation doit être réalisée plusieurs jours avant

l’anesthésie par un médecin anesthésiste-réanimateur, soit dansdes locaux de consultation externe pour les établissementshospitaliers, soit au cabinet du médecin anesthésiste-réanimateur

ou dans les locaux des établissements pour les établissementsde santé privés. Les résultats sont consignés dans un documentécrit, incluant les résultats des examens complémentaires et deséventuelles consultations spécialisées ; il est inséré dans le dos-sier médical du patient. Cette consultation a pour but d’appré-cier et de diminuer les risques liés à l’anesthésie ainsi que d’eninformer le patient et les médecins correspondants. Celaexplique qu’elle doit être pratiquée d’autant plus longtempsavant l’anesthésie que le risque est important.

Les antécédents pathologiques doivent être recherchés, enparticulier les antécédents cardiovasculaires, respiratoires, uro-néphrologiques, ostéo-articulaires, oto-rhino-laryngologiques(accès aux voies aériennes), stomatologiques (intubation tra-chéale), hématologiques (y compris les transfusions sanguines),digestifs, endocrinologiques et neuro-psychiatriques.

L’interrogatoire porte particulièrement sur :� les antécédents anesthésiques et obstétricaux (possibilité

d’apparition d’anticorps irréguliers) ;� les antécédents immunologiques avec la recherche d’aller-

gies mais aussi le degré d’immunodépression ;� la présence de maladies transmissibles (en particulier virus

de l’hépatite et VIH) et les risques de portage de bactéries multi-résistantes.

L’interrogatoire recherche la présence de signes fonction-nels, apprécie le mode de vie et en particulier la capacité d’effort(le réveil post-anesthésique correspond à un effort physique),les préférences pour une anesthésie générale ou locorégionale,ainsi que les traitements en cours. L’interrogatoire porte égale-ment sur les habitudes toxiques (alcool, tabac, drogue).

L’examen clinique est à la fois classique et doit porter sur despoints particuliers. Les données anthropométriques sont consignées

DOULEUR –SOINS PALLIATIFSACCOMPAGNEMENT

Anesthésie locale, locorégionale et générale

Consultation préanesthésique(plusieurs heures avant

l’anesthésie)

UrgencesVisite préanesthésique

(dans les heures précédentl’anesthésie)

Anesthésie

Réanimation Soins intensifs

Salle de surveillancepost-interventionnelle

Service hospitalisationDomicile (anesthésie ambulatoire)

Prise en charge anesthésique.Figure 1

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afin d’adapter les posologies des agents anesthésiques et deconnaître le poids initial avant un éventuel séjour en réanimationpostopératoire.

L’examen cardiovasculaire comprend une auscultation car-diaque et vasculaire (en particulier les vaisseaux de la base ducou), la fréquence cardiaque et la pression artérielle, l’état vei-neux (risque de thrombophlébite et possibilité d’insertion descathéters veineux).

L’examen respiratoire recherche une dyspnée, une cyanose,une désaturation en oxygène (saturomètre de pouls) et com-porte une auscultation pulmonaire.

L’examen du rachis est un temps important si l’on envisageune anesthésie neuraxiale. L’examen du rachis cervical et de la cavité buccale ainsi que de la dentition permet d’apprécier lesrisques et les difficultés de l’intubation trachéale. L’examencutané permet de prévoir la réalisation des différentes ponc-tions. Enfin, un examen neurologique et un examen psycholo-gique sommaire sont indispensables, en particulier pour pren-dre en charge l’anxiété.✓ Prescription d’examens complémentaires. Les deux objectifsprincipaux de ces examens sont la modification éventuelle de la technique anesthésique et la prévision des complicationspostopératoires. Il n’existe aucune obligation légale en cettematière. La prescription de ces examens dépend de l’état cli-nique du patient et de l’intervention envisagée.

Les examens biologiques peuvent être réalisés au décours dela consultation préanesthésique mais la recherche d’anticorpsirréguliers, obligatoire avant une transfusion sanguine, a unevalidité inférieure à 5 jours et doit être réalisée le moins long-temps possible avant l’anesthésie. Tests d’hémostase, iono-gramme sanguin et hémogramme sont de réalisation courante.Si une transfusion sanguine est envisagée, on réalise un grou-page ABO Rhésus, la recherche d’anticorps irréguliers et dessérologies virales (hépatite, VIH après consentement dupatient). Le bilan hépatique et la créatininémie sont souventprescrits en dehors des patients ASA I (tableau 1). D’autres exa-mens sont plus rarement réalisés, tels que la gazométrie arté-rielle, les demandes de tests allergologiques ou la recherched’un éventuel portage de bactéries multirésistantes .

ECG 12 dérivations, radiographie thoracique, explorationfonctionnelle respiratoire ou radiographie du rachis sont pres-crits sur justification particulière. Chez les patients ayant desfacteurs de risques cardiovasculaire ou une suspicion de throm-bophlébite, un examen doppler vasculaire peut être pratiqué.

Chez le patient cardiaque non suivi par un cardiologue, cer-tains examens peuvent être utiles à la prise en charge. L’écho-cardiographie-doppler transthoracique de repos examine lesstructures cardiaques à la recherche d’une dilatation des cavi-tés, d’une hypertrophie pariétale, d’une dysfonction systoliqueou diastolique. Cet examen est l’occasion d’un avis cardiolo-gique. En présence de signes fonctionnels compatibles avec uneangine de poitrine ou une dyspnée, une coronaropathie peutêtre recherchée en réalisant une épreuve de stress (ECG d’ef-fort, scintigraphie, échocardiographie à la dobutamine).

Lorsqu’une ischémie myocardique étendue est diagnosti-quée, une coronaro-ventriculographie puis un geste de revascu-larisation peuvent être discutés en dehors de l’urgence, princi-palement pour la chirurgie aortique. ✓ Prescriptions médicamenteuses. Certains médicaments doi-vent être arrêtés avant l’anesthésie à cause de leur interférencepossible avec cette dernière, ou s’ils font courir un risque hémor-ragique pour l’intervention chirurgicale. Parmi les premiers, ils’agit essentiellement des antidépresseurs IMAO non spéci-fiques qui doivent être arrêtés deux semaines avant l’anesthé-sie, ainsi que des anti-hypertenseurs réserpiniques. Les anti-arythmiques de classe Ic seront également arrêtés 3 à 4 joursavant l’anesthésie. Il en est de même des inhibiteurs de l’enzymede conversion et des antagonistes de l’angiotensine chez l’hypertendu 24 heures avant l’anesthésie. Ces derniers peuvent êtreremplacés par des dihydropyridines. À l’inverse, les β-bloquantsdiminuent l’incidence des complications ischémiques myocar-diques et seront poursuivis. Avant anesthésie pour cardiover-sion, la digoxine est arrêtée une semaine et l’on s’assure quel’INR est supérieur à 2.

Concernant le risque hémorragique, l’aspirine est arrêtéegénéralement 4 jours avant une intervention à risque, la ticlopi-dine et le clopidogrel une semaine avant ce type d’intervention.Les antivitamine K sont relayées par une héparine 3 à 4 joursavant l’intervention en prévoyant la recherche d’une thrombo-pénie liée à l’héparine.

La nécessité du jeûne préanesthésique est expliquée (2 heu-res pour les liquides clairs tels que eau, jus de fruit sans pulpe,boissons gazeuses, thé et café, et 6 heures pour un repas léger :toasts et liquides clairs). Les aliments gras ou frits ou la viandeallongent le temps de vidange gastrique. La non-prise encompte de ces consignes peut entraîner une inhalation bron-chique du contenu gastrique.

Des avis complémentaires peuvent être demandés au médecin traitant, à l’opérateur (chirurgien ou non) ou à un autrespécialiste.✓ Synthèse. À l’issue de la consultation, le patient est classé enfonction des stades ASA (tableau 1) qui quantifient le risque lié àl’anesthésie. Le type d’anesthésie est choisi en fonction du ter-rain, de l’intervention, de la préférence du patient, ainsi que de

Classification de l’état clinique dupatient selon l’American Society ofAnesthesiologists (ASA)

Tableau 1

ASA 1

ASA 2

ASA 3

ASA 4

ASA 5

Patient normal ou en bonne santé

Patient atteint d’une affection systémique légère

Patient atteint d’une affection systémique grave, qui limite son activité sans entraîner d’incapacité

Patient atteint d’une affection systémique invalidanteet mettant constamment la vie en danger

Patient moribond dont l’espérance de vie est inférieureà 24h, avec ou sans intervention

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celle de l’anesthésiste et du chirurgien. Le patient doit en êtreclairement informé, ainsi que des possibilités de transfusionsanguine et d’autotransfusion. Si besoin, le passage en soinsintensifs postopératoires est prévu. La discussion béné-fice/risque de l’intervention et de l’anesthésie est résumée dansle dossier anesthésique.

2. Visite préanesthésiqueCette visite est effectuée dans les heures précédant l’anes-

thésie. Au cours de celle-ci, le médecin reprend le compte rendude la consultation préanesthésique, interroge et examine le patient à la recherche de modifications depuis la consultation.Les résultats des examens complémentaires sont pris encompte. Le type d’anesthésie et d’analgésie post-intervention-nelle est arrêté en accord avec le patient et l’opérateur. L’infir-mier anesthésiste est alors informé du protocole d’anesthésie.

Enfin, la prémédication et éventuellement le patch d’anes-thésique local sont prescrits. La prémédication, généralementadministrée par voie orale, vise à réduire l’anxiété à l’aide d’unebenzodiazépine et d’hydroxyzine. L’administration d’atropinen’est plus systématique, mais est faite lors de l’anesthésie en casde bradycardie. L’administration de morphiniques est de règlechez les patients souffrant d’une douleur aiguë.

3. Anesthésie conventionnelleAvant de procéder à une anesthésie générale ou à une ALR,

un certain nombre de fonctions doivent être surveillées ou véri-fiées : rythme cardiaque et tracé ECG, pression artérielle noninvasive ou invasive, arrivée des fluides médicaux et aspirationpar le vide, administration de gaz et de vapeurs anesthésiques,intubation trachéale et ventilation artificielle. Des contrôlescontinus doivent être assurés : débit de l’oxygène et teneur enoxygène du mélange gazeux inhalé, saturation du sang en oxy-gène, pression et débit ventilatoire, ainsi que la concentration engaz carbonique expiré lorsque le patient est intubé.

Le médecin qui pratique l’anesthésie doit s’assurer avant l’induction que les dispositifs utilisés sont en état de marche etcontresigner un registre qui en fait mention. Par ailleurs, lesmatériels et dispositifs médicaux doivent être contrôlés lors deleur première utilisation et lors de toute remise en service, etleur maintenance organisée. De plus, des procédures doiventpallier les défaillances de l’alimentation normale en gaz à usagemédical et en énergie.

Il en est de même pour le matériel utilisé en SSPI qui doit, enoutre, être équipé des moyens nécessaires au retour à un équili-bre thermique normal, d’un défibrillateur cardiaque, et d’unmoniteur de curarisation. Cette salle comporte un minimum de4 lits, et doit être située à proximité du site où sont pratiquéesles anesthésies. Les patients admis dans cette salle sont sur-veillés par un infirmier formé, si possible infirmier anesthésiste.L’anesthésie et la surveillance post-interventionnelle sont pla-cées sous la responsabilité d’un médecin anesthésiste-réanima-teur qui doit pouvoir intervenir sans délai. La période post-anes-thésique peut aussi se dérouler dans un service de réanimationou de soins intensifs. Sous réserve que les patients puissent

bénéficier des mêmes conditions de surveillance, la salle de tra-vail en cas d’anesthésie générale ou locorégionale pour desaccouchements par voie basse, ou la salle où sont pratiquéesdes activités de sismothérapie peut également être utilisée.

4. Anesthésie ambulatoireL’anesthésie ambulatoire est pratiquée habituellement en

dehors de toute urgence par un médecin anesthésiste-réanima-teur sur un patient qui doit bénéficier soit d’un acte chirurgical,soit d’une endoscopie, soit d’un acte médical nécessitant uneanesthésie, et qui va rester moins de 12 heures dans la structurede soins avant de retourner à son domicile. En France, 27 % desanesthésies sont pratiquées en ambulatoire, et 55 % de cesanesthésies le sont à l’occasion d’actes chirurgicaux. La sélec-tion des patients par l’opérateur et l’anesthésiste lors de la consultation est primordiale. Quel que soit le type d’anesthé-sie utilisé, la seule obligation est de permettre une récupérationrapide des principales fonctions vitales avec un minimum d’ef-fets secondaires. L’analgésie post-interventionnelle doit égale-ment être prévue. La surveillance post-interventionnelle, d’abord en SSPI, puis en salle de repos, doit être attentive. La sortie n’est autorisée qu’après accord de l’opérateur et (ou) del’anesthésiste. En cas de problème, le patient et son entouragedoivent pouvoir contacter 24 h/24 un praticien du centre et le patient doit pouvoir revenir dans le centre en moins d’une heure.

ANESTHÉSIES LOCORÉGIONALES

L’ALR correspond actuellement à environ 20 % de l’ensembledes anesthésies pratiquées. 1 Les AL bloquent, de manière réversible, les canaux sodiques qui transmettent l’influx nerveux. L’intensité, l’étendue et la durée de ce bloc dépen-dent, d’une part du site d’injection, et d’autre part du type, de la concentration et de la quantité d’AL utilisé.

1. Anesthésiques locaux et adjuvants✓ Pharmacologie des anesthésiques locaux. Les AL actuellementutilisés sont des molécules comportant un noyau aromatique(pôle lipophile) et un dérivé aminé de l’acide acétique ou de l’alcool éthylique (pôle hydrophile, ionisable), reliés par unechaîne intermédiaire dont la liaison avec le pôle lipophile est detype amide. Ces molécules sont des bases faibles, existant sousforme ionisée ou non ionisée (forme diffusible). Elles sont com-mercialisés sous deux formes : adrénalinées au 1/200 000contenant un conservateur, et non adrénalinées, ne contenant niconservateur ni antioxydant. Les AL de puissance faible (lido-caïne, prilocaïne et mépivacaïne) ont un délai d’action court (5 à10 min selon le site) et une durée d’action de 1 h 30 à 2 h. Les ALles plus puissants (ropivacaïne et bupivacaïne) ont un délai d’ac-tion plus long (10 à 20 min) et une durée d’action de 2 h 30 à 3 h 30.

La liaison protéique de tous les amides est importante. Lesfacteurs la diminuant (acidose, hypoventilation, âges extrêmesde la vie) augmentent la toxicité des AL. L’injection rapide d’unAL augmente la fraction libre, ce qui accroît le risque toxique.

Le métabolisme des AL de type amide est hépatique, par le cytochrome P450 et dépend du débit sanguin hépatique. Aussi,

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Anesthésie locale, locorégionale et générale

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toute baisse du débit cardiaque peut conduire à un éventuel surdosage en lidocaïne. La ropivacaïne et la bupivacaïne voientleurs concentrations libres augmenter en cas d’administrationchez un patient ayant une insuffisance hépatocellulaire grave.

Les solutions adrénalinées sont associées à un ralentisse-ment de l’absorption systémique. Elles augmentent habituelle-ment la durée du bloc.

La vitesse d’apparition de l’anesthésique local dans le sangest fonction du site d’injection. L’apparition de l’AL dans le sangest plus rapide dans les zones céphaliques bien vascularisées,qu’au niveau des membres inférieurs. Il convient d’être prudentlors des réinjections, même espacées, en raison du risquetoxique des doses cumulées. L’enfant de moins d’un an a descaractéristiques physiologiques qui imposent un usage particu-lier de l’anesthésie locale.✓ Toxicité des anesthésiques locaux• Toxicité locale

Les AL, et plus particulièrement la lidocaïne, sont toxiques pourle nerf. Cependant, cette toxicité ne se manifeste que lors desrachianesthésies ou lors d’une injection intraneurale accidentelle.• Toxicité systémique

La concentration d’AL susceptible de provoquer des acci-dents systémiques est inversement proportionnelle à la puis-sance de l’agent utilisé. Pour un agent donné, la toxicité est fonc-tion de sa concentration plasmatique du fait :l soit d’une injection accidentelle dans un vaisseau ;l soit d’une dose unique trop élevée ;l soit de doses cumulées trop importantes. • Toxicité nerveuse centrale

Tous les agents sont capables d’induire des accidents convul-sifs. Le rapport des toxicités neurologiques de la bupivacaïne, dela ropivacaïne et de la lidocaïne est d’environ 4/3/1. La toxiciténeurologique se traduit par des prodromes, puis par des convul-sions, enfin au stade ultime, par un coma avec dépression cardio-respiratoire (tableau 2). Le traitement doit être rapide : arrêt del’injection, oxygénation et contrôle des voies aériennes, voireadministration parentérale d’anticonvulsivants.

• Toxicité cardiaqueL’accident cardiotoxique peut survenir avant l’apparition des

prodromes neurologiques avec la bupivacaïne (ralentissementmajeur des vitesses de conduction intraventriculaire à l’originede blocs fonctionnels de conduction, facilitant la survenue detachycardies ventriculaires par réentrée). La ropivacaïne peutinduire les mêmes manifestations.

Plus que l’usage de la dose-test adrénalinée, l’injection lente,fractionnée avec maintien du contact verbal représente la meilleure prévention. La ropivacaïne, réputée moins cardio-toxique que la bupivacaïne, du moins à dose égale, est une alter-native intéressante à la bupivacaïne.• Allergies

L’allergie aux AL de type amide est tout à fait exceptionnelle.Dans les rares cas avérés, le conservateur utilisé dans les solu-tions adrénalinées est plus souvent en cause que l’AL lui-même.• Méthémoglobinémie

Chez le nouveau-né et le nourrisson, une méthémoglobiné-mie peut se développer jusqu’à 3 h suivant l’administration deprilocaïne ou exceptionnellement de lidocaïne. • Les contre-indications à l’usage des AL sont rares. Les con-tre-indications absolues sont l’allergie avérée à un agent de la classe correspondante (ou à un excipient), la porphyrie pourla lidocaïne et la ropivacaïne. Les solutions adrénalinées ontpeu de contre-indications. Les contre-indications absolues sontles traitements par IMAO de première génération, les blocsdans les régions dont la circulation est terminale (pénis, face,doigts et orteils). Les contre-indications relatives sont les cardio-pathies ischémiques mal compensées et la thyréotoxicose.✓ Autres agents. En dehors de l’adrénaline, souvent associée auxAL, la clonidine (Catapressan) et surtout la morphine, et ses déri-vés, sont utilisés en anesthésie locorégionale.l La clonidine, par son action sur les récepteurs neuronaux a2

adrénergiques de la corne postérieure de la moelle renforcele bloc anesthésique et entraîne une analgésie de longuedurée avec une fréquence acceptable d’effets secondaires.

l La morphine et ses dérivés agissent sur les récepteurs médul-laires aux opiacés après administration par voie péridurale oudirecte dans le liquide céphalo-rachidien (LCR). La morphine,hydrosoluble, persiste longtemps dans le LCR et procure uneanalgésie longue (12 à 24 h). À l’inverse, les opiacés liposolu-bles (fentanyl, sufentanil) ont une durée d’action plus courte etsont administrés en continu. Si l’administration par voie péri-durale ou intrathécale peut entraîner des nausées, des vomis-sements, un prurit ou une rétention d’urines, le principal risqueest la dépression respiratoire, qui peut être de survenue retar-dée. Aussi, des mesures de surveillance stricte de l’état deconscience et de la ventilation du patient sont indispensables.

2. Techniques anesthésiquesLes techniques, indications et contre-indications seront

successivement abordées.✓ Description des techniques. On distingue schématiquement les blocs centraux (ou anesthésie neuraxiale) et les blocs périphériques.

Signes cliniques de toxicitésystémique des anesthésiques locaux

Tableau 2

SIGNESMAJEURS

SIGNESMINEURS

• Confusion, attaques de panique• Convulsions• Coma• Apnée• Tachycardie ventriculaire, torsade de pointe ou

bradycardie extrême pouvant aboutir à l’arrêt circulatoire

• Paresthésie des extrémités• Céphalées en casque ou frontales• Goût métallique dans la bouche• Malaise général avec angoisse• Sensation ébrieuse, vertiges, logorrhée• Hallucinations visuelles ou auditives• Bourdonnement d’oreilles

PRODROMES

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• Blocs centrauxLa rachianesthésie est induite par l’injection d’AL dans

le LCR, habituellement au-dessus de la terminaison médullaire(L2) au niveau lombaire, en utilisant une très faible quantité d’ALou d’opiacés. Lorsqu’il n’y a pas de perforation de la dure-mèreau moment de l’injection, on parle d’anesthésie péridurale ; lesmêmes agents sont injectés, mais en plus grande quantité, parl’intermédiaire ou non d’un cathéter pouvant permettre desinjections répétées ou continues. Les deux techniques doiventêtre réalisées dans des conditions d’asepsie strictes. Elles provo-quent une vasoplégie par bloc sympathique (avec pour consé-quence une hypotension associée à une bradycardie à traiter, le cas échéant, par injection intraveineuse de vasopresseurs).

Ces techniques procurent un bloc sensitif (et aussi très sou-vent moteur) bilatéral qui concerne les membres inférieurs etremonte plus ou moins haut sur l’abdomen et le thorax.

Les patients bénéficiant d’une anesthésie péridurale oud’une rachianesthésie doivent avoir le même environnement etune surveillance aussi attentive que celle pratiquée lors d’uneanesthésie générale.• Blocs périphériques

Ils sont surtout utilisés pour la chirurgie des membres. Enfonction du territoire à anesthésier, il est possible de bloquerl’ensemble des nerfs par un ou des blocs plexiques ou de bloquersélectivement un nerf périphérique (anesthésie tronculaire). La pratique des blocs périphériques a été facilitée par l’utilisa-tion des stimulateurs de nerfs qui permettent de repérer lesnerfs avant injection de l’AL (l’administration d’un courant élec-trique de faible intensité permet de repérer le nerf par la contraction des muscles qu’il innerve). Ces blocs périphé-riques peuvent, comme les blocs centraux, voir leur durée d’action prolongée par l’utilisation d’une injection continue ourépétée par l’intermédiaire d’un cathéter.

Parmi les nombreuses techniques disponibles, citons l’anes-thésie péribulbaire très utilisée pour la chirurgie ophtalmolo-gique et les blocs cervicaux pour la chirurgie carotidienne.• Anesthésie locorégionale intraveineuse

L’administration intraveineuse d’AL se pratique surtout aumembre supérieur, après pose d’un garrot artériel, mais elle estactuellement de moins en moins utilisée.✓ Indications. Les éléments amenant à choisir l’ALR plutôt quel’anesthésie générale figurent dans le tableau 2.

Il est souvent considéré (mais à tort) que l’ALR est préférableà l’anesthésie générale chez les patients fragiles. En fait, les pro-grès dans la réalisation de l’anesthésie générale, la morbiditéspécifiquement liée à l’ALR et la grande variabilité du terrain despatients anesthésiés expliquent probablement qu’aucun travailn’a pu démontrer de différence en termes de morbidité ou demortalité.

Du fait de son efficacité pour prendre en charge la douleur dela femme enceinte lors de l’accouchement, le nombre d’actesd’analgésie péridurale a été multiplié par 35 en 15 ans, pourconcerner actuellement plus de 50 % des accouchements réalisés. 1

Chez l’enfant, l’ALR et l’anesthésie générale viennent en com-plément l’une de l’autre pour assurer une prise en charge optimale

du stress chirurgical tant en termes de réponse physiologique àl’agression tissulaire, qu’en termes de réponse psychologique àune situation anxiogène. 3 En dehors de l’urgence, les consignes dejeûne préopératoire habituelles s’appliquent à l’ALR.✓ Contre-indications. En dehors des contre-indications des AL etde leurs adjuvants, en particulier des solutions adrénalinées,elles tiennent aux risques de la ponction : troubles significatifsde l’hémostase et traitement anticoagulant. En effet, la surve-nue d’un hématome périmédullaire est une éventualité raremais dramatique. L’infection cutanée au voisinage du point deponction est aussi une contre-indication. Lorsque l’ALR est a priori refusée par le patient, qui préfère « être endormi com-plètement », et que la balance bénéfice/risque est largement enfaveur de l’ALR, les bénéfices et les risques des deux techniquesdoivent être expliqués en détail au patient.

ANESTHÉSIE GÉNÉRALE

1. PharmacologieL’anesthésie générale doit assurer une perte de conscience

(obtenue par les agents hypnotiques), une analgésie (assuréepar les agents morphiniques) et l’immobilité (utilisation si besoind’agents myorelaxants ou curares).

Les posologies sont fonction du poids du patient (en tenantcompte d’une éventuelle obésité), de l’âge (le grand âgedemande habituellement une réduction de la posologie), defacteurs toxiques (alcool, drogues), de facteurs génétiques, de la pathologie du patient (insuffisance cardiaque, respiratoire,rénale ou hépatique, sepsis, myasthénie), de l’intensité des stimulus douloureux (provoqués par l’intubation trachéale ou le geste chirurgical) et de la potentialisation par les agents de la prémédication et les autres agents utilisés pour l’anesthésie.Ces agents sont liposolubles, ce qui leur permet d’atteindre le système nerveux central (à l’exception des curares) et leurélimination est rénale, hépatique ou plasmatique (dans ce dernier cas par les estérases qui entraînent alors une élimina-tion rapide).

DOULEUR –SOINS PALLIATIFSACCOMPAGNEMENT

Anesthésie locale, locorégionale et générale

Pourquoi préférer une anesthésielocorégionale à une anesthésiegénérale ? (d’après réf. 2)

Tableau 3

Du fait de la localisationanatomique del’intervention :

• chirurgie des membres ou du périnée• chirurgie ophtalmologique• chirurgie de la carotide• cure de hernie inguinale• geste chirurgical périphérique ou superficiel

(chirurgie de la main…)

• Pour assurer une analgésie notamment postopératoire efficace (chirurgie thoracique, chirurgie du genou ou de la hanche), facilitant la rééducation

• Pour des indications spécifiques en fonction du geste chirurgical :surveillance neurologique pendant une chirurgie carotidienne…

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L A R E V U E D U P R A T I C I E N / 2 0 0 4 : 5 4 545

✓ Agents hypnotiques.• Agents intraveineux

L’étomidate est très utilisé pour l’induction anesthésique etcela malgré quelques effets indésirables (myoclonies, douleurs àl’injection). Il en est de même du propofol, y compris en anesthé-sie ambulatoire, du fait de son élimination rapide. Il est utilisésouvent grâce à un dispositif à objectif de concentration qui per-met d’obtenir des concentrations sériques entre 2 et 4 mg/L.Ses effets vasodilatateurs peuvent entraîner une hypotensionartérielle (il est contre-indiqué en présence d’un choc).

La kétamine entraîne une libération de noradrénaline ettend à augmenter la pression artérielle et la fréquence car-diaque. Utilisée seule, elle provoque une anesthésie qui peutêtre suivie d’agitation et de délire. Elle produit une analgésie,une bronchodilatation et une hypersécrétion salivaire et bron-chique. Elle peut être utilisée chez le sujet allergique. La kéta-mine est administrée en association avec une benzodiazépinepour réduire l’incidence des effets psychiques et pour poten-tialiser les agents analgésiques. Son usage itératif peut induireune tachyphylaxie. Elle peut être indiquée dans les états de choc et chez le brûlé. Elle est contre-indiquée en cas d’hypertension intracrânienne, d’angor instable ou d’un étatpsychique fragilisé.

Les benzodiazépines (midazolam) sont utilisées seules ensédation ou pour potentialiser les autres agents en anesthésie.La posologie du midazolam doit être réduite chez le sujet âgé. Lesbenzodiazépines ont des propriétés anticonvulsives et amné-siantes, sont contre-indiquées en cas de myasthénie et sont anta-gonisées par l’administration intraveineuse de flumazénil.• Agents gazeux et volatils

Le protoxyde d’azote (N2O) est un gaz anesthésique qui possède aussi des propriétés analgésiques. Sa faible puissanced’action oblige à l’utiliser à concentration élevée (minimum 50 % du mélange gazeux inspiré). Il est aussi livré en bouteille,mélangé à 50 % d’oxygène pour l’analgésie en aide médicaleurgente, et pour les actes douloureux et de courte durée réalisésen dehors de la présence d’un anesthésiste. Le protoxyde d’azote est contre-indiqué en cas d’hypoxémie et d’épanche-ment gazeux (pneumothorax, occlusion intestinale).

Les hypnotiques volatils, représentés par les halogénés, seprésentent sous forme liquide et un évaporateur est néces-saire. Une fraction des gaz envoyés par la machine d’anesthé-sie vers le patient est constituée par la vapeur halogénée. L’évaporateur est placé entre la source de gaz et le ballon, quelque soit le type de circuit (fig. 2). La ventilation mécanique estgénéralement réalisée avec un respirateur permettant uneréinhalation (circuit « fermé ». Ainsi, les gaz expirés (oxygèneet gaz anesthésique) sont réinhalés par le patient et ainsi éco-nomisés. Le CO2 expiré est absorbé par un dispositif compor-tant de la chaux sodée. Les halogénés passent par le comparti-ment sanguin pour être distribués à l’organisme (fig. 3). Leursolubilité dans ce compartiment est l’élément déterminant deleur cinétique : moins ils sont solubles dans ce compartiment,plus rapidement ils le saturent et atteignent leur effet maximalau niveau cérébral. Ainsi, si l’on va du produit ayant le coefficient

de solubilité le plus faible (0,45) à celui ayant le coefficient le plus élevé (2,5), on trouve successivement le desflurane, le sévoflurane, l’isoflurane et l’halothane. Le monitorage de la concentration télé-expiratoire permet d’évaluer la concen-tration cérébrale.

Leur puissance est évaluée par leur concentration alvéolaireminimale (CAM) qui permet de prévenir les mouvements lors del’incision chirurgicale chez 50 % des patients. Elle diminue avecl’âge, et bien sûr avec l’administration d’autres agents anesthé-siques. Les agents halogénés sont très utilisés, en particulierpour l’induction au masque. Ainsi, lorsqu’on ne dispose pas devoie veineuse, on peut réaliser l’induction anesthésique par del’halothane ou du sévoflurane (cas fréquent chez le petit enfant).Ces agents sont également très utilisés pour l’entretien de l’anesthésie. L’isoflurane, le sévoflurane et le desflurane sontbien tolérés sur le plan hémodynamique, n’induisant qu’unevasodilatation modérée. Par contre, l’halothane peut provoquerune dépression myocardique ou des troubles du rythme. Leshalogénés sont contre-indiqués en cas d’hypertension intracrâ-nienne et peuvent déclencher une hyperthermie maligne chezun patient ayant une susceptibilité génétique.

Les halogénés arrivent au niveau pulmonaire avantd’être distribués vers les différents compartiments.Figure 3

Extraction CO2

chaux sodée

patientBallon

Le ballon est comprimé 12 fois/minLe volume envoyé au patient est 7-10 mL/Kg (volume courant)Une partie des gaz expirés est récupérée

CIRCUIT D'ANESTHÉSIE FERMÉ(avec réinhalation)

N2O (protoxyde d'azote) : 35-50 %

O2 : 35-50 %

Source de gaz frais

Tissus richement vascularisés-cerveau

compartiment sanguin

Muscles

Halogéné Poumons

Graisses

PHARMACOCINÉTIQUE DES HALOGÈNES

Figure 2

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Page 11: La Revue Du Praticien-Douleur,Soins Palliatifs

✓ Analgésiques. Les agents analgésiques sont représentés parles dérivés de la morphine. Les agonistes morphiniques sont peuhistamino-libérateurs, ne sont pas dépresseurs myocardiques, ontpeu d’effet sur le tonus vasculaire, mais ralentissent la fréquencecardiaque. Leurs effets secondaires principaux sont une dépres-sion respiratoire, une rigidité thoracique et la possibilité de nau-sées et vomissements. En salle de surveillance post-intervention-nelle, la survenue d’une dépression respiratoire accompagnée demyosis suggère un surdosage en morphinique et, outre les mesu-res symptomatiques, impose l’utilisation de naloxone. Les produitsutilisés pour l’induction et l’entretien de l’anesthésie ont une demi-vie d’élimination allant de 3,7 h à 9 min dans l’ordre suivant : fen-tanyl, sufentanil, alfentanil et rémifentanil. Utilisés en administra-tion continue, leur délai d’élimination après l’arrêt de la perfusionse raccourcit dans l’ordre suivant : fentanyl, alfentanil, sufentanil etrémifentanil. Ce dernier a une durée d’action très brève et offreune sécurité d’emploi optimale.

Les morphiniques et les hypnotiques sont souvent associés,permettant de réduire leurs posologies respectives. La morphineest essentiellement utilisée en analgésie postopératoire par voiesous-cutanée, ou intraveineuse par bolus de 1 à 2 mg chez l’adulte,complétée éventuellement par un dispositif d’analgésie contrôléepar le patient (PCA). Des échelles permettent de quantifier la dou-leur et de moduler l’analgésie (échelle visuelle analogique, EVA).✓ Curares. Les curares sont indispensables dans certaines chirurgies (chirurgie abdominale) et facilitent l’intubation tra-chéale. Les curares non dépolarisants sont les plus utilisés. Lesstéroïdes les plus utilisés sont, par durée d’action décroissante :le pancuronium, le vécuronium et le rocuronium. Les benzyliso-quinolines sont, dans le même ordre : l’atracurium, le cisatra-curium et le mivacurium. Leur groupement ammonium quater-naire peut déclencher des réactions anaphylactiques. Parailleurs, leur effet doit être contrôlé par un moniteur de curari-sation, en particulier en SSPI. Leur action peut être antagoniséepar la néostigmine à laquelle on associe de l’atropine pour éviterbradycardie et hypersécrétion.

2. Réalisation de l’anesthésieLe contrôle de la ventilation est plus souvent réalisé par

l’intubation trachéale nécessitant une laryngoscopie. Celle-ciprovoque un stimulus nociceptif. Aussi, pour certaines interven-tions peu invasives, le masque laryngé autorise une ventilationen pression positive et protège en partie les voies aériennesd’une éventuelle régurgitation. La ventilation au masque n’est le plus souvent utilisée que lors de la période d’induction oupour des anesthésies courtes. Le monitorage de la profondeurde l’anesthésie est essentiellement clinique avec l’observationdu patient et des paramètres hémodynamiques. Cependant, cesderniers peuvent être trompeurs chez un patient en état de chocou recevant des médicaments diminuant la fréquence cardiaqueou la pression artérielle. Aussi, l’électro-encéphalogrammebispectral (BIS) est-il actuellement proposé pour surveiller la profondeur de l’anesthésie.

RISQUES ANESTHÉSIQUES

Le risque peranesthésique est majoré au moment de l’induc-tion, tant en anesthésie générale qu’en ALR, en particulier lorsde l’anesthésie neuraxiale. Le risque post-anesthésique estmajeur puisque 42 % des complications surviennent pendant la période de réveil et entraînent le décès dans 37 % des cas,contre 16 % en salle d’opération (v. Pour approfondir).

Les causes respiratoires et cardiaques peuvent entraîner le décès ou des dommages cérébraux. L’analyse des poursuitesjudiciaires aux États-Unis durant les 30 dernières années mon-tre une régression des décès et des dommages cérébraux (fig. 4).Cela est à rapprocher de l’utilisation systématique de l’oxymètrede pouls et de la capnographie en anesthésie générale.

Les événements les plus fréquents concernant les causesrespiratoires 4 sont une ventilation inadéquate, une intubationœsophagienne et une intubation trachéale difficile. Les autres

L A R E V U E D U P R A T I C I E N / 2 0 0 4 : 5 4546

DOULEUR –SOINS PALLIATIFSACCOMPAGNEMENT

Anesthésie locale, locorégionale et générale

0 %

10 %

20 %

30 %

40 %

50 %

41 %*

32 %

12 %16 %

22 %*

9 %*

18 %*15 %* 15 %

DécèsLésion cérébraleLésion nerveuse périphérique

1970-79n = 674

1980-89n = 2904

1990-94n = 783

N = 4 459 plaintes

% des plaintes totales durant la période donnée

0 %

10 %

20 %

30 %

40 %

50 %

60 % 56 %

49 %*

19 %

6 %

38 %*

25 %*

9 %*13 %

7 %

Accidents respiratoiresAccidents vasculairesProblèmes d'équipements

1970-79n = 674

1980-89n = 2904

1990-94n = 783N = 4 459 plaintes

Évolution des causes de décès et lésions cérébrales

Incidence des décès, dommages cérébraux et lésionsnerveuses périphériques en pourcentage des plaintes totalesaux USA. On assiste à un réduction des plaintes pour décès et dommages cérébraux entre 1970 – 1979 et 1990 – 1994 (*P 0,01, Z test) (d’après réf. 4).

Figure 4

Incidence des accidents respiratoires, cardiovasculaireset liés aux équipements en pourcentage des plaintes totalespour décès et dommages cérébraux aux USA (*P � 0,05, Z test)(comparaison avec 1970-1979) (d’après réf. 4).

Figure 5

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Page 12: La Revue Du Praticien-Douleur,Soins Palliatifs

L A R E V U E D U P R A T I C I E N / 2 0 0 4 : 5 4

causes sont le bronchospasme et l’inhalation du contenu gastrique.

Alors que les causes respiratoires sont en diminution, les causescardiovasculaires semblent en augmentation (fig. 5). Cette tendance peut refléter plus de précisions dans le diagnostic del’événement initial permis par le monitorage, les caractéris-tiques du patient ou d’autres facteurs. Chez le coronarien, cesévénements sont surtout représentés par les infarctus myocar-diques dont la gravité est majorée par rapport aux infarctus nonanesthésiques. Ils surviennent le plus souvent dans les 3 pre-miers jours post-anesthésiques. Leur prévention passe par la stabilisation de la fréquence cardiaque et de la pression arté-rielle en phase péri-anesthésique et par la détection et le traite-ment précoces des épisodes ischémiques myocardiques. D’aut-res cardiopathies peuvent être responsables d’incidentspéri-anesthésiques : insuffisance cardiaque, valvulopathie, cardio-myopathie hypertrophique, troubles de la conduction.

Les accidents neurologiques centraux peuvent être la consé-quence d’une anoxie. Des céphalées peuvent survenir aprèsrachianesthésie, notamment chez les sujets jeunes. Les acci-dents vasculaires cérébraux surviennent généralement sur unterrain athéromateux. Les accidents neurologiques périphé-riques après anesthésie générale peuvent être liés à un problèmede posture éventuellement favorisé par des lésions ostéo-articu-laires préexistantes. Après ALR, les lésions nerveuses peuventêtre liées à des accidents de ponction ou à des lésions médul-laires à type d’hématome intrarachidien, éventuellement favori-sées par une hypocoagulabilité. La plupart des atteintes du nerfcubital et du plexus brachial semblent survenir malgré un posi-tionnement et une protection adéquats, ce qui suggère que leurmécanisme demeure insuffisamment connu, et peut expliquerl’absence de diminution des plaintes pour ces lésions (fig. 4).

L’hypothermie peranesthésique non intentionnelle peutfavoriser certaines complications cardiaques, hémorragiques et

infectieuses. L’hyperthermie maligne est beaucoup plus raremais grave (v. Pour approfondir).

Les accidents médicamenteux sont représentés par les allergies, en particulier aux curares, latex et antibiotiques. Un choc anaphylactique, un œdème de Quincke, un bron-chospasme ou un érythème en sont les manifestations les plusfréquentes. La toxicité directe des médicaments peut se rencon-trer lors de surdosage, d’erreur de site d’injection ou de seringue,et plus rarement lors des hépatites liées à l’halothane. Les acci-dents dentaires sont les plus fréquents. Les accidents de cathété-risme peuvent survenir lors de ponction artérielle ou veineuse. B

POUR EN SAVOIR PLUS

◗ Complications des abords veineuxLevel C, Bernardy A, Pillet O, Favarel-Garrigues JCRev Prat 1998 ; 48 : 919-23

◗ Aspects juridiques et contentieux de l’anesthésieLienhart ARev Prat 2001 ; 51 : 836-40

◗ Prise en charge de la douleur postopératoire chez l’adulte et l’enfant. Conférence de consensus. Anaes 1997 (http://www.anaes.fr)

◗ Recommandations concernant la pratique de l’analgésie obstétricale.SFAR 1992 (http://www.sfar.org)

◗ Recommandations pour la pratique clinique. Les blocs périphériques des membres chez l’adulte.SFAR 2002 (http://www.sfar.org)

◗ Conférence d’experts. Pratique des anesthésies locales etlocorégionales par des médecins non spécialisés en anesthésieréanimation dans le cadre des urgences. SFAR, SAMU de France SFMU 2002 (http://www.sfar.org)

547

Pour approfondir…

L’hyperthermie maligne

Elle est liée à une intolérance d’originegénétique à certains agents anesthésiques(halogénés, succinylcholine). Sa survenuedemande un traitement urgent par dantrolène (présence obligatoire danstous les sites anesthésiques) et uneenquête familiale avecbiopsie musculaire ettest à la caféine.

Épidémiologie des accidents anesthésiques

En France, d’après les rapports d’activitédu groupement des assureurs médicaux,304 dossiers d’anesthésie-réanimationont été traités, ayant donné lieu àcondamnation, indemnisation ou trans-action dans 93 cas dont 78 hors tribunalde 1996 à 1998. Si l’on considère lesindemni-sations versées par l’Assistancepublique-Hôpitaux de Paris entre 1977 et1994, on ne retrouve que 7 affaires enrapport avec l’anesthésie contre 136affaires en rapport avec la chirurgie.

Par contre, les affaires en rapport avecl’anesthésie entraînent des indemnisationssignificativement plus importantes encomparaison avec la chirurgie. Enfin,l’enquête « mortalité » réalisée par la Société française d’anesthésie et de réanimation en 2002 confirme la diminution du nombre d’accidents liés à l’anesthésie (probablement en relation avec les textes réglementairesparus en 1994 et 1995 qui ont notablement amélioré les conditions de prise en charge des patients soumis à une anesthésie générale ou locorégionale).

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Page 13: La Revue Du Praticien-Douleur,Soins Palliatifs

L A R E V U E D U P R A T I C I E N / 2 0 0 4 : 5 4548

DOULEUR –SOINS PALLIATIFSACCOMPAGNEMENT

A / VRAI OU FAUX ?

L’anesthésie générale est régie enFrance par un décret de 1994.

L’anesthésie locorégionale est régieen France par un décret de 1994.

L’anesthésie locale est régie enFrance par un décret de 1994.

B / VRAI OU FAUX ?

La dose des agents anesthésiquesdoit être adaptée à l’âge.

1

3

2

1 L’anesthésie ambulatoire est régiepar des impératifs particuliers.

Les anesthésistes-réanimateurs doivent connaître la médecine périopératoire.

C / QCM

Parmi les monitorages suivants, lesquels sont obligatoires pour une anesthésie générale ?

Capnographie.1

3

2

Saturomètre de pouls.

L’ECG continu.

Un appareil de mesure de pressionartérielle non invasive.

Un analyseur de concentration enoxygène.

5

4

3

2

M I N I T E S T D E L E C T U R E

Réponses : A: V, V, F / B: V, V, V / C: 1, 2, 3, 4, 5.

DEJÀ PARU DANS LA REVUE

◗ AnesthésieMonographie(Rev Prat 2001 ; 51 [8] : 827-70)

POINTS FORTS

> Les anesthésies locales et locorégionales amènent lesanesthésiques locaux au contact des structuresnerveuses (moelle et nerfs périphériques), inhibent lescanaux sodiques et la conduction nerveuse. Il s’ensuit un bloc sensitif, moteur et éventuellement sympathique.

> Lors d’une anesthésie générale, les agents hypnotiqueset analgésiques se potentialisent. Leur posologie doitêtre adaptée à l’état physiologique du patient.L’utilisation des myorelaxants n’est pas systématique en raison du risque allergique.

> Pour les anesthésies locorégionales et générales, un monitorage minimal est nécessaire, ainsi que la surveillance en salle de soins post-interventionnellepar un personnel formé.

à retenir

Anesthésie locale, locorégionale et générale

1. Organisation et techniquesde l’anesthésie.Laxenaire MC, Auroy Y, Clergue F,Péquinot F, Jougla E, Lienhart AAnn Fr Anesth Reanim 1998 ;17 : 1317-23

2. Anesthésie locorégionaleBonnet F, De Montblanc J,Houhou ARev Prat 2001 ; 51 : 846-50

3. Anesthésie locorégionalechez l’enfantConférence d’expertsAnn Fr Anesth Reanim 1997; 16 : 2-7.

4. What have we learned, howhas it affected practice, andhow will it affect practice inthe future?Cheney GWAnesthesiology 1999 ; 91 : 552-6

R É F É R E N C E S�

A / VRAI OU FAUX ?

Les cancers sont la première causede mortalité, avant 65 ans, chez leshommes comme chez les femmes.

Une enquête épidémiologique debonne qualité permet de démontrerqu’une exposition à un facteur (parexemple une pollution chimique) estla cause d’une augmentation d’inci-dence d’un cancer donné.

Les facteurs de risque exogènesactuellement identifiés sont beaucoupplus liés à des styles de vie qu’à la pollution de notre environnement.

3

2

1B / VRAI OU FAUX ?

Chez les hommes, en France, la plusgrande proportion de cancers estattribuable à l’alimentation.

Il est possible de prévenir les can-cers du sein.

Le dépistage des cancers de la prostate n’est pas efficace.

C / QCM

Parmi les actions préventives suivantes,quelles sont celles dont l’efficacité estdémontrée* pour la réduction de la mor-talité par cancer.

3

2

1 Arrêter de fumer.

Réduire son poids.

Prendre une supplémentation en b-carotène.

Supprimer les expositions à l’amiante.

Dépister les cancers du col de l’utérus.

Manger des fruits et des légumes.

Réduire les gaz des voitures.

Supprimer les centrales nucléaires.8

7

6

5

4

3

2

1

M I N I T E S T D E L E C T U R E

Rép

onse

s : A

: V, F

, V /

B: F

, F, V

/ C

: 1, 2

, 4, 5

, 6.

* (ou fortement probable)

QUESTION 139 (v. p. 549)

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NeurologiePartie I – Module 6 – Q 65

VOIES ET CENTRES NERVEUXDE LA NOCICEPTION

Les systèmes sensitifs et sensoriels ont pour rôle d’in-former les centres nerveux de l’état de l’environnementextérieur et du milieu intérieur. Ainsi, la sensibilité douloureuse ou nociception met en jeu des structuresanatomiques permettant de détecter, percevoir et réagir àdes stimulations potentiellement nocives. Ces dernièrescréent un « message nociceptif » qui est transmis desrécepteurs périphériques aux centres nerveux supérieurssous la forme d’un influx nerveux franchissant plusieursrelais. Des systèmes de régulation inhibiteurs et facilita-teurs modulent ce message nociceptif en permanence.La notion de douleur comporte 3 composantes – sensori-discriminative, affective et cognitive – liées à l’arrivéedu message nociceptif dans le cortex somesthesique,préfrontal et limbique.

Voies anatomiques

Elles sont décrites successivement de la périphériejusqu’aux centres supérieurs.

1. Nocicepteurs Ils sont retrouvés aux niveaux cutané, musculaire, articulaire et viscéral.Ce sont des terminaisons libres de fibres nerveuses sensibles à une stimulation nociceptive, c’est-à-dire deforte intensité. Les nocicepteurs sont de 2 types : – les mécano-nocicepteurs sont des terminaisons qui

répondent à des stimulations mécaniques intenses; – les nocicepteurs polymodaux sont des terminaisons

qui répondent à des stimulus mécaniques intenses,thermiques (< 18 °C, > 45 °C) et (ou) chimiques (desubstances « algogènes »).

Ils assurent la transduction qui est la transformation dumessage nociceptif en influx nerveux.

2. Fibres périphériquesL’influx nerveux nociceptif emprunte dans les nerfs sensitifs 2 types de fibres.• Les fibres myélinisées Aδ, de faible calibre, assurentune conduction nerveuse de 4 à 30 m/s responsabled’une douleur rapide, précise à valeur localisatrice.

Il existe 2 types de douleur : la douleur aiguë ou douleur-symptôme, qui est une alerte devant uneagression et qui constitue un guide pour le diagnostic

étiologique ; la douleur chronique ou douleur-maladiequi, en épuisant le patient, devient une véritable maladieen elle-même.

Bases neuro-physiologiqueset évaluation d’une douleuraiguë et chronique

• Les fibres nerveuses Aδδ transmettent une douleur rapide, précise, à valeur localisatricetandis que les fibres nerveuses C transmettentune douleur retardée, sourde et moins localisée.

• Le message douloureux est soumis constammentà des modulations, principalement au niveau de la corne dorsale de la moelle.

• Les voies cordonales dorsales et lemniscalesexercent un contrôle inhibiteur sur les voiesextralemniscales spino-réticulothalamiques.

• Les voies descendantes bulbo-spinales inhibitrices de la transmission nociceptive sont à neurotransmission noradrénergique et sérotoninergique.

• L’anatomophysiologie classe les douleurs en douleurs par excès de nociception et douleurs neuropathiques, ces dernières étant secondaires à des lésions des voies nerveuses.

• Une douleur entretenue entraîne un cerclevicieux physiologique et neurochimique pouvant la rendre chronique d’où la nécessitéd’un traitement précoce de la douleur.

Points Forts à comprendre

Dr Joseph MAARRAWI,Dr Patrick MERTENS, Pr Marc SINDOU

L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 3 , 5 3 453

Service de neurochirurgie AHôpital Pierre-Wertheimer

69394 Lyon Cedex [email protected]

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Page 15: La Revue Du Praticien-Douleur,Soins Palliatifs

• Les fibres C, non myélinisées, assurent une conductionnerveuse inférieure à 2 m/s responsable d’une douleurretardée, sourde et moins localisée.

3. Corne dorsale spinaleL’influx nerveux nociceptif transite par les cellulesbipolaires du ganglion rachidien (protoneurone), situéau niveau de la racine dorsale du nerf spinal qui seconnecte dans la corne dorsale de la moelle avec le deu-toneurone (neurone situé dans les couches I à V deRexed). Au niveau de la zone d’entrée de la racine dorsale dans la moelle (DREZ pour dorsal root entry zone),il existe une organisation spatiale des fibres sensitives :les fibres fines nociceptives se placent dans la régionventro-latérale de cette zone pour se rendre à travers letractus de Lissauer aux couches superficielles de lacorne dorsale. Les fibres à destinée cordonale dorsale sedisposent dans la région dorso-médiane.Il existe des collatérales des protoneurones qui entrenten contact avec la colonne végétative de la moelle et lacorne antérieure, responsables des réactions végétativeset motrices à la douleur.

4. Voies ascendantesLes axones des neurones nociceptifs de la corne dorsalecroisent la ligne médiane (décussation) et se dirigentvers le cordon ventrolatéral controlatéral de la moellepour former le faisceau spino-réticulo-thalamique. Cedernier se divise en 2 contingents.• Dans le contingent superficiel et latéral, le faisceaunéospinothalamique à conduction rapide, paucisynaptique(peu de synapses) et à organisation somatotopique se projettesur le noyau somesthésique ventro-latéral du thalamus.• Dans le contingent profond et médial, le faisceaupaléospino-réticulothalamique, à conduction lente, avecde nombreux relais synaptiques et sans organisationsomatotopique se projette largement et bilatéralementau niveau de la réticulée du tronc cérébral.D’autres voies transmettant le message nociceptif endehors du faisceau spino-réticulo-thalamique ont étémises en évidence mais seulement chez l’animal : faisceauspino-cervico-thalamique, conduction post-synaptiquedu cordon dorsal, faisceau spino-hypothalamique…

5. Centres supérieurs• Au niveau du thalamus, le faisceau néospinothalamiquese projette dans le noyau ventro-postéro-latéral, rejoignantla voie lemniscale. Le faisceau paléospino-réticulo-thalamique se projette dans les noyaux médians intra-laminaires qui constituent un prolongement de la substanceréticulée.• Les projections cérébrales sont les suivantes :– les projections de la voie néo-spinothalamique se font

dans le cortex sensitif du gyrus pariétal post-centralassurant la composante sensori-discriminative de ladouleur. Il a été suggéré récemment, d’après desétudes d’imagerie fonctionnelle et d’enregistrementsintracérébraux, qu’un cortex somesthésique recevantdes informations nociceptives se situe au niveau de lapartie postéro-supérieure de l’insula ;

– le contingent paléo-spino-réticulo-thalamique se pro-jette au niveau de la réticulée de façon diffuse géné-rant une réaction d’éveil. À ce niveau, se font dessynapses avec les noyaux des nerfs crâniens et lescentres végétatifs du tronc. Par la suite, les projectionsse font vers les noyaux médians du thalamus pourgagner ensuite : l’hypothalamus – une voie directespino-hypothalamique est envisagée (réaction végéta-tive de la douleur) – ; le striatum (réactions motricesautomatiques et semi-automatiques à la douleur) ; lecortex préfrontal (sensation de souffrance soutenant lacomposante affective) ; le cortex limbique (mémorisationet genèse de comportements de protection assurant lacomposante cognitivo-comportementale).

À l’étage encéphalique, il y a une interaction entre lesprojections nociceptives et les autres fonctions corticaleset sous-corticales : l’anticipation (attention dirigée versla douleur) de la douleur ou l’anxiété majorent le vécudouloureux alors que la distraction (attention dirigéeailleurs) a un effet inverse. Le stress induit une analgésieprobablement par médiation endorphinique. Des observationscliniques en pathologie humaine ont permis d’observerla recrudescence de douleurs anciennes (réactivationcognitive) dans certaines atteintes neurologiques centrales.

Mécanismes de contrôle

Le message nociceptif est constamment modulé, de tellefaçon qu’un même stimulus nociceptif est perçu diffé-remment chez le même sujet en fonction de l’état demodulation à un moment donné. Ces systèmes decontrôle et de régulation sont, dans l’état actuel desconnaissances, les suivants.• Dans le système de porte (gate control) spinal, lesfibres myélinisées de gros calibre Aβ exercent uneaction inhibitrice sur les informations nociceptives parl’intermédiaire de collatérales nées aussitôt après leurentrée dans la moelle et destinées à la corne dorsale.• Le système endorphinique spinal est constitué par depetits interneurones endorphiniques dont la mise en jeuprovoque une inhibition puissante de la nociceptiondans la corne dorsale.• Des voies descendantes inhibitrices prennent naissanceessentiellement dans la partie rostroventrale du bulbe etdescendent en direction de la corne dorsale où ellesexercent leurs actions inhibitrices par l’intermédiaired’une libération de sérotonine ou de noradrénaline dansla corne dorsale.• Dans le système inhibiteur thalamique, le noyau reti-cularis thalamique semble inhiber les voies nociceptives.• Le système de contrôles inhibiteurs diffus a pour butde mettre en relief un message nociceptif en augmentantle rapport stimulus sur bruit de fond par inhibition detous les autres messages.Face à cette conception de 2 grands systèmes anatomiques,l’un véhiculant les influx douloureux, l’autre chargé de leurcontrôle, il est facile de comprendre qu’il existe 2 princi-paux types de douleur : douleurs par excès de nociceptionpar hyperstimulation du système nociceptif et douleursneuropathiques par atteinte des voies nerveuses.

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diffusant l’information douloureuse aux métamères voisins.La corne dorsale est le siège d’une modulation importantedu message nociceptif illustrée par la théorie du portillonqui a été initialement décrite par Melzack et Wall (fig. 1).Les voies lemniscales (cordonales dorsales) exercent uncontrôle inhibiteur sur les voies extralemniscales spino-thalamiques. Ainsi, les fibres Aβ envoient des collatéralesinhibitrices vers les neurones convergents de la voie spino-thalamique. Cette inhibition est, semble-t-il, médiée pardes interneurones GABA-ergiques et glycinergiques.Selon la prédominance des influx excitateurs ou inhibiteurs,la porte est ouverte ou fermée et le message nociceptiffranchit ou non ce portillon. La neurostimulation trans-cutanée ou médullaire à haute fréquence et faible intensitédans le traitement de certains types de douleur a ainsipour but de fermer la porte de la corne dorsale.Au niveau de la corne dorsale, existe une convergence deprojection des fibres afférentes primaires en provenancede la peau, des muscles, des articulations et des viscèressur le même neurone (fig. 2). Comme le cerveau possèdeune meilleure représentation somatotopique pour lapeau que pour les tissus et organes situés en profondeur,ce phénomène de convergence aboutit à une sensation de

MÉCANISMES NEUROPHYSIOLOGIQUESET NEUROCHIMIQUES DE LA NOCICEPTION

Naissance du message douloureux

La transduction est la transformation d’un stimulus àcaractère nociceptif en influx nerveux par les noci-cepteurs périphériques dont l’activation se fait de 2 façons :directe par le stimulus et indirecte par des facteurs chimiquesappelés aussi substances algogènes. Ces dernières consti-tuent la « soupe périphérique ». Elles sont de 3 types :excitatrices (sérotonine, histamine, interleukines, K+…) ;sensibilisatrices rendant les nocicepteurs plus excitables(substance P, prostaglandine, leucotriènes…) ; mixtes(bradykinine…). Leur origine est multiple : tissus péri-phériques, plasma et fibres nerveuses. Ces substancesconstituent la cible pharmacologique de certains antalgiquesd’utilisation courante comme les anti-inflammatoiresnon stéroïdiens dont l’action serait d’inhiber la synthèsedes prostaglandines. Leur multiplicité rend compte de ladifficulté à trouver un seul médicament qui soit capablede bloquer complètement la transduction.Ces nocicepteurs possèdent plusieurs propriétés : seuild’activation élevé, décharge (production d’influx nerveux)proportionnelle à l’intensité du stimulus et phénomènede sensibilisation. Ce dernier phénomène, résultant del’action de la « soupe périphérique » sur les nocicepteurs,aboutit à une diminution de leur seuil, une augmentationde la fréquence de leur décharge et une apparition dedécharges spontanées (sans stimulus). Des nocicepteurssilencieux peuvent être activés par une stimulation noci-ceptive prolongée. Donc, une douleur entretenue aboutità une modification dès la périphérie de la transmissionnociceptive dans le sens d’une facilitation et d’une exa-gération, d’où l’intérêt pratique d’un traitement précocede la douleur pour éviter ces phénomènes.La stimulation répétée des fibres nerveuses provoque auniveau de leurs collatérales une libération rétrograde (enpériphérie) de neurotransmetteurs comme la substance Pet des substances algogènes. Ce réflexe classiquementdit « d’axone » (en fait de dendrite), traduit par une vaso-dilatation locale, induit une inflammation neurogèneparticipant ainsi au cercle vicieux d’amplification dumessage douloureux en « tache d’huile ».

Modulation au niveau de la corne dorsale de la moelle

Le 1er relais des voies nociceptives s’effectue au niveaude la corne dorsale, là où le message douloureux subitune modulation importante. Ainsi, les axones des fibresafférentes primaires (FAP) nociceptives font relais soitavec des neurones nociceptifs spécifiques (principalementcouche I) qui ne déchargent qu’à partir d’un certainseuil, soit avec des neurones nociceptifs non spécifiques(principalement couches V ou VI) qui accroissent leursdécharges en fonction de l’intensité du stimulus.Les fibres afférentes primaires nociceptives envoient descollatérales aux étages sus- et sous-jacents (1 à 2 niveauxde chaque côté) formant ainsi le tractus de Lissauer et

Neurologie

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Contrôles centraux

+

+

Neurone convergent

Fibres Aβ

Fibres Aδ et C

Voie

spi

no-ré

ticul

otha

lam

ique

+ –

++

Théorie de la porte.1

Convergence des fibres afférentes primaires au niveau dela corne dorsale.

2

Peau

Muscle

Vaisseau

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douleur dans le territoire cutané du neurone convergent,innervant un viscère malade et expliquant les douleursréférées: douleur ressentie au territoire C8 de l’infarctusdu myocarde, douleur à l’épaule droite de la cholécystite,douleur au point de McBurney de l’appendicite, dorsalgiesde la pancréatite…Quant aux mécanismes neurochimiques (fig. 3), la substance P a été longtemps considérée comme étant le neurotransmetteur de la douleur. En réalité, la neuro-transmission nociceptive de la corne dorsale fait intervenirbien d’autres médiateurs, en particulier les acides aminésexcitateurs : le glutamate et l’aspartate qui agissent surles récepteurs post-synaptiques AMPA (α-amino-3-hydroxy-5-methyl-4-isoxazole propionate acid) et N-méthyl-D-aspartate. La substance P agit sur sonrécepteur NK1. La neurotransmission à ce niveau estsoumise à un phénomène de sensibilisation qui faciliteet amplifie le message nociceptif aboutissant à unehyperalgésie secondaire. Il existe une coopération entreles divers neurotransmetteurs, par interaction entre leursrécepteurs en particulier entre le récepteur NK1 et lerécepteur AMPA d’une part et le récepteur N-méthyl-D-aspartate d’autre part. Des stimulations répétées induisentun cercle vicieux faisant intervenir les prostaglandineset le monoxyde d’azote qui renforcent la libérationd’acides aminés excitateurs. Un intérêt pratique de cetteneurochimie de la corne dorsale est la découverte d’unantagoniste du récepteur N-méthyl-D-aspartate, la kétamine, qui est un produit antalgique puissant utiliséen anesthésie.Au niveau de la corne dorsale comme en périphérie, unestimulation nociceptive continue induit un cercle vicieux

avec une baisse du seuil de décharge des neurones noci-ceptifs et une augmentation de leurs champs récepteurspériphériques, d’où l’intérêt d’un traitement précocepour éviter l’hyperalgésie (excès de perception doulou-reuse) secondaire. Dans la corne dorsale, les interneurones endorphiniquesagissent sur les récepteurs morphiniques µ, δ et κ quisont retrouvés aux niveaux pré- et post-synaptique desfibres afférentes primaires nociceptives. Leur effet estune inhibition puissante de la transmission du messagenociceptif par diminution du calcium (Ca++) intra-cellulaire présynaptique bloquant ainsi la libération deneuromédiateurs et par inhibition des canaux sodiques etstimulation des canaux potassiques en post-synaptiqueinduisant ainsi une hyperpolarisation inhibant la trans-mission nociceptive. L’administration intrathécale demorphine à travers un cathéter relié à une pompe constitueune modalité thérapeutique dans certains types de douleurschroniques surtout cancéreuses.

Contrôle thalamique

Au niveau du relais thalamique, une modulation du messagedouloureux se fait par le biais du noyau reticularis situéen périphérie latérale du thalamus. Ainsi, il a été décritune boucle comportant une voie thalamo-corticale, puisune voie de rétrocontrôle cortico-thalamique vers lenoyau reticularis qui exerce un effet inhibiteur sur lavoie nociceptive ascendante par le biais d’interneuronesGABA-ergiques. L’effet antalgique de la neurostimulationcorticale, utilisée dans le traitement de certaines douleurs,peut être dû en partie à cette voie inhibitrice.

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Mécanismes neurochimiques de la douleur.3

STIMULUS NOCICEPTIFS

(mécaniques, thermiques,chimiques…)

LÉSIONS TISSULAIRES

Stimulation des nocicepteurs(terminaisons libres)

Abaissement du seuil des terminaisons libres et adjacentes

Libération du K+ intracellulaire

}Libération de prostaglandines E

Libération d’amines (histamine, sérotonine)

Formation de bradykinines (sous l’action de protéases et d’α2 globulines plasmatiques)

« SENSITIZATION »

INFLAMMATION

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MÉCANISMES PHYSIOPATHOLOGIQUESDES DOULEURS CHRONIQUES

Si l’on écarte les douleurs psychogènes qui sont le plussouvent une sommation entre une « épine irritative »organique (souvent peu grave) et des phénomènes d’am-plification psychologique, les douleurs chroniques comportent les douleurs par excès de nociception et lesdouleurs neuropathiques.

Douleurs par excès de nociception

• L’hyperalgésie primaire correspond à une ampli-fication périphérique du message nociceptif qui est dueà une augmentation de décharges des nocicepteurs(amplification de leurs réponses aux stimulus doulou-reux), à un abaissement de leurs seuils de déclenche-ment et à un cercle vicieux de la neurochimie périphé-rique qui provoque une libération accrue de médiateursavec leurs effets excitateurs et sensibilisateurs (sur lesnocicepteurs). • Le réflexe de dendrite (dit « d’axone »), déclenchépar la stimulation répétée des fibres afférentes primairesnociceptives, induit une inflammation neurogène périphérique due aux substances sécrétées en périphériepar les fibres nerveuses nociceptives de façon rétro-grade : substance P (SP), CGRP (calcitonine gene relatedpeptide)… Ces substances renforcent le cercle vicieuxpériphérique.• Le système nerveux sympathique peut participer àl’entretien de certains types de douleurs par le biais de lasécrétion de noradrénaline. En effet, il a été démontréque la stimulation répétée des fibres afférentes primairesnociceptives provoque à leur niveau une augmentationdes récepteurs à la noradrénaline, ce qui les rend plussensibles à cette dernière. Deux entités ont été décritespour lesquelles le système nerveux sympathique joue unrôle physiopathologique : les complex regional pain syndrome de types I et II. Le type I correspond à l’algo-dystrophie et le type II à la causalgie. Ce sont des syndromes où la douleur, de type brûlure, s’accompagnede troubles vasomoteurs ainsi que de troubles de lasudation et de troubles trophiques. • La contraction motrice réflexe à la douleur aggraveles phénomènes douloureux. L’arc réflexe se fait entre lescollatérales des fibres afférentes primaires nociceptiveset la corne ventrale de la moelle.• L’hyperalgésie centrale est liée à la douleur chroniquequi entraîne une augmentation de la décharge des neuronesconvergents spinaux, un abaissement de leurs seuils deréponse et une augmentation de leurs champs récepteurs.Ces phénomènes sont surtout dus au cercle vicieux de laneurochimie de la corne dorsale faisant intervenir lesrécepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA). De même,l’augmentation post-synaptique d’ions calcium aboutit àdes changements géniques créant ainsi une modificationdurable des neurones convergents.

Contrôle descendant inhibiteur (fig. 4)

Ce sont les voies bulbospinales prenant naissance auniveau de la partie rostro-ventrale du bulbe et sous lecontrôle de la substance grise péri-aqueducale. Ainsicette dernière, à neurotransmission opioïdergique, stimuleles noyaux de la partie rostro-ventrale du bulbe qui àleur tour inhibent la transmission nociceptive de la cornedorsale par des projections bulbo-spinales dont la neuro-transmission est essentiellement noradrénergique etsérotoninergique. Les noyaux de la partie rostro-ventraledu bulbe qui sont impliqués sont : le noyau raphé magnus,les noyaux gigantocellulaire et para-gigantocellulaire, lelocus cœruleus et le locus sub-cœruleus. Cette voie des-cendante inhibitrice représente une cible thérapeutiquedans certains types de douleurs neuropathiques : ainsi,les antidépresseurs (tricycliques) inhibiteurs de la recapturede la sérotonine et de la noradrénaline exercent leurs effetsantalgiques par le biais du renforcement de cette voie.

Contrôles inhibiteurs diffus

C’est un système dont la finalité est d’extraire le messagenociceptif des autres stimulus permettant de le mettre enrelief. Le principe est celui d’une augmentation du rapportstimulus sur bruit de fond en inhibant les autres messages.Ainsi, une douleur en éteint une autre et la plus intenseest la mieux perçue. Celle de moindre intensité est perçuelorsque la 1re est contrôlée. Ce système est sous la dépen-dance du noyau subreticularis dorsalis du bulbe. La morphineinhibe ce système, par conséquent son effet antalgiquesupprime le phénomène de « mise en relief » de la douleur.

Neurologie

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Contrôle descendant inhibiteur de la nociception.4

NDR

NRMNGC

PS RT

Aδ-C

AβTDL

LC

?

++

+

+–

Sites opiacésendomorphines

Pédoncule

Pont

Bulbe

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Douleurs neuropathiques

Ces douleurs sont consécutives à une lésion du systèmenerveux soit périphérique, soit central. Plusieurs méca-nismes physiopathologiques ont été incriminés.• Les décharges ectopiques sont des influx nerveux quiprennent naissance au niveau des fibres nerveuseslésées, par prolifération anormale des canaux ioniquesrendant ainsi la dépolarisation de ces neurones plus facile et même spontanée sans stimulus périphérique.• La prolifération anormale des récepteurs adréner-giques (type α1) au niveau des fibres afférentes primairesnociceptives les rend plus sensibles à la noradrénalineexpliquant les douleurs médiées par le système sympa-thique. • L’atteinte des grosses fibres Aβ qui normalement ferment la « porte » au niveau de la corne dorsale (gatecontrol) aboutit à une « porte » ouverte qui par consé-quent facilite la transmission nociceptive, expliquantainsi certains types de douleurs neuropathiques.• Les éphapses sont des néosynapses, c’est-à-dire desconnexions aberrantes entre fibres au niveau des zoneslésées du système nerveux. Cela explique certains typesd’allodynie qui correspondent à la perception commedouloureuse d’une stimulation périphérique normale-ment non douloureuse.• La neurochimie de la corne dorsale joue un rôle. Lastimulation des récepteurs N-méthyl-D-aspartate, ainsique la sécrétion anormale de prostaglandines et demonoxyde d’azote entretiennent un cercle vicieux detransmission nociceptive exagérée.• Au niveau cérébral, les mécanismes d’amplificationnociceptive, devant être également présents, sont actuellement moins bien connus.

ÉVALUATION DE LA DOULEUR

Définie de façon simplifiée dans le dictionnaire Robertcomme étant une « sensation pénible en un point ou unerégion du corps », la douleur , selon la définition de l’IASP(International Association for the Study of Pain) est« l’expression d’une expérience sensorielle et émotionnelledésagréable liée à une pathologie tissulaire existante oupotentielle ou décrite en termes de telles lésions ».La prise en charge de la douleur nécessite une évaluationrigoureuse. La douleur aiguë, protectrice, est le refletd’une pathologie sous-jacente : les modalités sensorielles,la topographie et l’intensité orientent vers une lésion tissulaire permettant ainsi un diagnostic et un traitementétiologiques. La douleur chronique, quant à elle, présenteun caractère polymorphe : elle a des mécanismes géné-rateurs qui peuvent être différents, n’est perçue qu’à traversla subjectivité d’un patient qui souffre, est influencéepar des facteurs environnementaux et ne peut être expriméeque par un comportement verbal ou moteur.La douleur possède 3 composantes : une composantephysique sensori-discriminative caractérisée par le siège,l’irradiation, l’intensité, la nature et la durée ; une com-

posante affective et psychologique caractérisée par uneperception désagréable engendrant des modificationspsychologiques transitoires en douleur aiguë, beaucoupplus durables en douleur chronique ; une composantecognitivo-comportementale caractérisée par une mémo-risation au niveau central et qui induit des comportementsd’évitement et de fuites physiologiques en douleuraiguë, mais des comportements pathologiques en douleurchronique – toxicomanie, repli sur soi, modification dela vie socio-familiale…L’évaluation du malade douloureux comprend un interrogatoire et un examen clinique.

Interrogatoire

Il précise les antécédents médicaux, chirurgicaux et psychiatriques du patient. Il faut noter la présence d’expériences douloureuses antérieures et les comporte-ments vis-à-vis de ces dernières.

1. Histoire de la douleurIl faut préciser la date et le mode de début, avec les circonstances et les événements de vie concomitants. Demême, il faut noter les modalités de prise en charge initiale avec le diagnostic initial et son impact sur lemalade. Le malade est amené à préciser les différentsexamens effectués et les médecins consultés. L’évolutionde la douleur ainsi que les différents traitements entrepriset leur efficacité constituent des éléments essentiels, laréponse aux grandes classes pharmacologiques desantalgiques doit être bien précisée : anti-inflammatoiresnon stéroïdiens, paracétamol, opiacés mineurs (dextro-propoxyphène, codéine et tramadol), opiacés majeurs(morphine et dérivés) et co-analgésiques (antidépresseurs,antiépileptiques).

2. Douleur actuelle • Chronologie : la durée des épisodes douloureux ainsique le caractère permanent ou intermittent de la douleurdoivent être précisés. Les variations nycthémérale, men-suelle ou annuelle sont également notées.• Topographie : le siège de la douleur ainsi que ses irradiations doivent être bien précisés. La topographiedouloureuse doit être dessinée sur un schéma du corps etintégrée dans le dossier médical. Il faut savoir reconnaîtreles douleurs projetées qui sont ressenties à distance de lazone malade, dans le territoire cutané innervé par lemême métamère que celui dont dépend l’organe malade.Il existe 2 types de douleurs projetées : douleur rapportéelorsque la douleur est ressentie dans le territoire innervépar un nerf comprimé (compression du nerf sciatique parune hernie discale ou au bassin s’exprimant dans le terri-toire du membre inférieur, compression du nerf fémoro-cutané par le port d’un jeans trop serré s’exprimant auniveau de la face externe de la cuisse…) ; douleur référéequi est trompeuse pour un clinicien non averti.• Intensité : pour pouvoir quantifier la douleur, plusieurséchelles sont utilisées : échelle visuelle analogique(EVA) où l’on demande au patient de montrer sur une

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reux ; une hyperpathie, retrouvée surtout dans les dou-leurs de type neuropathique central, qui se caractérisepar une exagération de la perception douloureuselorsque le stimulus est répétitif (sommation temporelle)ou étendu (sommation spatiale). La réponse douloureuseaugmente en devenant intolérable et persiste après l’arrêtde la stimulation.L’atonie psychomotrice est une expression de la douleurqui n’est pas rare. Elle est particulière à l’enfant et lerisque est de méconnaître la souffrance à cet âge : l’enfantest passif, triste, confiné au lit avec une gesticulationtrès pauvre et une hostilité sourde.Les douleurs neuropathiques associent souvent 2 typesde composantes douloureuses.Les douleurs spontanées sont de 2 types souvent associésdouleur de fond à type de brûlure, d’arrachement ou dedysesthésie et les accès paroxystiques de douleurs fulgu-rantes à type d’élancements ou de décharges électriques.Les douleurs provoquées sont à type d’allodynie etd’hyperalgésie.

réglette sa douleur sur une ligne droite entre l’absencede douleur à gauche et la douleur maximale imaginableà droite. L’examinateur peut alors lire sur le verso decette réglette un chiffre allant de 0 à 10 (que le maladene voit pas) ; échelle numérique simple (ENS) quiconsiste à demander au malade de coter sa douleur parun chiffre allant de 0 (absence de douleur) à 10 (douleurmaximale imaginable). Ces échelles, certes subjectives,permettent au clinicien d’avoir une idée de l’intensité dela souffrance du malade et de suivre l’évolution de cettedernière en fonction du temps et des thérapeutiquesessayées.• Description qualitative : la douleur étant perçue à travers une subjectivité et un impact sensoriel et émo-tionnel, plusieurs échelles ont été conçues pour couvrirces aspects de la douleur : échelle de description verbalede la douleur ressentie avec des items sensoriels et émo-tionnels (questionnaire de St-Antoine), échelles de qualité de vie avec impact de la douleur sur celle-ci.• Circonstances de déclenchement et facteurs modi-fiant la douleur dans les deux sens : stress, anxiété,dépression, détente…• Répercussions comportementales : les prises médica-menteuses sont précisées ainsi qu’un éventuel compor-tement d’addictif. Les répercussions de la douleur surles activités, le travail, les loisirs, le sommeil ainsi que lecomportement du malade vis-à-vis de la douleur sontnotées. Il faut rechercher une symptomatologie anxieuseet (ou) dépressive.• Contextes familial et social : la vie conjugale, familiale,de relation ainsi que le contexte socio-professionnel etles éventuels conflits juridiques sont des élémentsimportants dans l’évaluation d’un malade douloureux.La notion de « bénéfice secondaire » à la douleur est àprendre en compte.• Contexte psychologique : il est évalué si nécessairepar un psychologue ou un psychiatre. De même, lesinterprétations personnelles du malade vis-à-vis de sadouleur sont prises en compte.

Examen clinique

Il débute par une observation du patient avec sesmimiques, sa mobilité spontanée, sa façon de se lever,de s’asseoir, de se mouvoir, ses attitudes antalgiques, sessoupirs et ses plaintes.L’examen clinique comporte l’inspection de la zonedouloureuse avec l’aspect de la peau, sa couleur etl’éventuelle présence de troubles vasomoteurs. Les attitudes antalgiques et les contractures musculaires sontnotées. Cet examen est complété par un examen neuro-logique comportant en particulier l’appréciation de lamotricité et de la sensibilité à la recherche d’une anesthésieou d’une hypoesthésie soit globale soit dissociée, detype thermo-algique. On peut retrouver une hyperalgésiequi est une réponse augmentée à un stimulus normalementdouloureux ; une allodynie qui se caractérise par unesensation douloureuse secondaire à des stimulus quinormalement ne doivent pas être perçus comme doulou-

Neurologie

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• Cliniquement, il existe 2 grands types de douleur : douleur aiguë ou douleur-symptômeet douleur chronique ou douleur-maladie.

• La douleur comporte 3 composantes : sensori-discriminative, affective et cognitivo-comportementale.

• Les douleurs projetées peuvent être trompeusespour un clinicien non averti.

• Dans la prise en charge optimale de la douleurchronique, on commence par écouter la plaintedu patient pour se rendre compte de la réalitédu vécu douloureux subjectif, comprendre lesmécanismes physiopathologiques prédominantschez un malade donné afin d’orienter d’éventuelsexamens paracliniques et de choisir la prise en charge adéquate qui peut nécessiter parfois l’aide d’un psychothérapeute ou d’un psychiatre. Il faut toujours se rappelerque la douleur est vécue à travers une subjectivitéqui, malgré le fait qu’elle soit à contre-courantde la rationalité scientifique, doit être prise en compte par le médecin.

Points Forts à retenir

Albe-Fessard D. La douleur, ses mécanismes et les bases de sestraitements. Paris : Masson, 1996 : 201 pp.

ANAES (Agence nationale d’accréditation et d’évaluation de lasanté). Évaluation et suivi de la douleur chronique chez l’adulte enmédecine ambulatoire. Service des recommandations et référencesprofessionnelles, février 1999. www.anaes.fr

Sindou M, Mertens P, Keravel Y. Neurochirurgie de la douleur (I).Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), Neurologie, 17-700-B-10, 1996, 5p.

POUR EN SAVOIR PLUS

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PARTIE I / MODULE 6DOULEUR – SOINS PALLIATIFS

ACCOMPAGNEMENT

Q 70

Deuil normal et pathologiqueDr Laure Angladette, Pr Silla M. Consoli

Service de psychologie clinique et psychiatrie de liaison, Hôpital européen Georges Pompidou, 75908 Paris Cedex 15

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L e terme de deuil désigne à la fois la perte liée audécès d’un être cher,

la période de souffrance qui suitcet événement douloureux, lesrituels associés au décès, et le processus psychologiqueévolutif consécutif à la perte ou« travail de deuil ». Par extension, ce terme désigne les remanie-ments psychiques accompagnant d’autres types de perte (sépara-tion, mais aussi échecs sur le plan social et professionnel).

Nous n’envisagerons ici que ce qui concerne les réactionspsychologiques liées au décès d’un être cher.

DEUIL NORMAL

DÉROULEMENT CLINIQUE DU DEUIL

Le deuil normal se déroule selon un processus comportantplusieurs phases, communes à tous les individus. Chaque deuilreste cependant singulier, puisqu’il dépend de la personnalité dechacun et de la relation entretenue avec le défunt. Les différen-ces individuelles apparaissent dans les manifestations du deuilet dans le rythme d’évolution de ce processus.

On distingue généralement trois étapes dans le déroulementclinique d’un deuil : le début, marqué par un état de choc ; l’étapecentrale qui regroupe les symptômes caractéristiques d’un étatdépressif ; et la phase de rétablissement.

1. État de chocLa période suivant immédiatement le décès d’un être cher

est marquée par un état de choc, à la fois psychique et physique,qui est d’autant plus intense que la perte est brutale. Cettepériode se divise en deux phases. ✓ Phase de sidération. À l’annonce de la mort d’un être cher, la toute première réaction est le refus de la douloureuse réalité.La stupéfaction et le refus s’accompagnent d’un état de sidéra-tion mentale, qui réalise un blocage de toutes les fonctions psy-chiques, avec une anesthésie des affects et un émoussementdes perceptions. La personne endeuillée agit de manière auto-matique, dans une sorte d’engourdissement qui la rend imper-méable à l’environnement. Elle aura par la suite peu de souve-nirs de cette période. La stupéfaction et l’engourdissementpeuvent durer de quelques heures à quelques jours, parfoisquelques semaines.

Le vécu somatique se traduit par des manifestations de tousles grands états émotionnels : tachycardie, hypotension, oppres-sion thoracique, gêne respiratoire, crampes pharyngées, dou-leurs épigastriques, tendances lipothymiques pouvant aller jus-qu’à la syncope. S’y ajoutent la perte presque complète del’appétit, du sommeil et la sensation d’une intense fatigue.✓ Phase de décharge émotionnelle et de recherche de la personnedisparue. L’état de sidération se dissipe après un délai variable,pour laisser place à l’expression des émotions. Surviennent alors

iOBJECTIFSi

Distinguer un deuil normald’un deuil pathologique etargumenter les principesd’accompagnement.

POINTS FORTS

> Le déroulement du deuil normal est marqué par trois grandes étapes : le choc, la phasedépressive et la période de rétablissement.

> Le travail de deuil qui conduit à l’acceptation de la perte et au désinvestissement dudéfunt est nécessaire à l’investissement de nouvelles relations d’objet.

> Parmi les deuils ne se déroulant pas selon un processus normal, on distingue les deuilscompliqués, qui ne conduisent pas à un trouble psychiatrique caractérisé, et les deuilspathologiques, qui réalisent un tableau de maladie psychiatrique ou somatique.

> Un traitement est souhaitable dans les deuils compliqués, et s’impose dans le cas des deuils pathologiques.

à comprendre

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les pleurs, les sanglots et les lamentations, ces manifestationsdu chagrin étant plus ou moins bruyantes selon les individus.

Cette période de forte décharge émotionnelle s’accompagned’une recherche de la personne aimée et disparue. Le comporte-ment peut alors alterner entre des moments d’abattement et deprostration et des moments d’agitation anxieuse.

Différentes manifestations témoignent de la recherche de la personne disparue.

� Orientation des comportements vers la personne disparue.Le sujet en deuil éprouve le besoin de parler du défunt, de

s’entourer de ses objets, de son cadre familier et des personnesqui l’ont connu et aimé.

� Existence d’illusions perceptivesIl s’agit le plus souvent d’images visuelles, mais aussi de per-

ceptions auditives, olfactives ou tactiles. Ces impressions sur-viennent spontanément ou à l’occasion de perceptions diversesde la réalité ambiante, que le sujet ressent comme des indices dela présence du défunt. Le sujet en deuil croit voir le visage ou la silhouette de la personne disparue, entendre sa voix ou sentirsa présence à ses côtés, alors même qu’il sait qu’elle est morte. Il s’agit d’illusions de présence et non d’hallucinations, dans la mesure où le sujet n’a pas la conviction que cette présence estréelle. Ces manifestations sont banales et ne préjugent en aucuncas d’un pronostic défavorable.

Sur le plan somatique, l’insomnie et l’anorexie persistent,ainsi qu’une asthénie majeure.

2. Phase dépressiveCette étape centrale constituée par une phase dépressive

s’installe plus ou moins rapidement après la survenue du décès,et va durer en général plusieurs mois (entre quelques semaineset un an). La symptomatologie dépressive ne peut apparaîtrequ’après la période du choc.

Le tableau clinique est constitué du trépied sémiologique dela dépression (humeur dépressive, ralentissement psychomo-teur, et symptômes somatiques), auquel s’ajoutent des penséeset des attitudes à l’égard du disparu.✓ Symptômes affectifs. Ils comportent : l tristesse, douleur morale, idéation suicidaire ;l anhédonie (perte du plaisir à avoir des loisirs, à participer aux

événements sociaux et familiaux, ainsi qu’à toutes les activi-tés auxquelles participait le disparu, sentiment que plus rienn’est agréable sans lui) ;

l sentiment de solitude, même en présence des autres.✓ Ralentissement psychomoteur. Généralement modéré, il com-porte :lbradypsychie, troubles de la concentration et de l’attention,

troubles mnésiques ;lhypokinésie, hypomimie, apathie, aboulie, repli sur soi.✓ Troubles somatiques. Ils s’expriment sous forme d’anorexie,d’insomnie, d’asthénie, de plaintes fonctionnelles (douleurs,inconfort digestif, symptômes neurovégétatifs, etc.).✓ Pensées et attitudes à l’égard du disparu. Elles sont diverses :l intrusion répétitive de souvenirs tristes, mais aussi heureux,

relatifs au disparu ;

l idéalisation : tendance à ignorer les défauts du disparu et àexagérer ses caractéristiques positives ;

l ambivalence : coexistence de sentiments positifs et négatifsenvers la personne disparue ;

l culpabilité : auto-accusation et blâme concernant certainsévénements (par exemple, se reprocher de ne pas avoir suéviter la mort du disparu), regrets liés au comportementpassé à l’égard du disparu (par exemple, n’avoir pas su l’aimerou le protéger) ; en revanche, dans le deuil normal, il n’y a pasde sentiment de culpabilité ou d’auto-dépréciation relatif àdes thèmes autres que ceux qui concernent le disparu ;

l illusions perceptives concernant le disparu ;l identification au défunt : préoccupations de santé, symptô-

mes somatiques mimant la maladie du défunt, imitation tem-poraire de ses manières et de ses habitudes ;

l idées de mort, s’exprimant généralement par la pensée qu’ilaurait mieux valu mourir avant le disparu, en même tempsque lui ou encore à sa place.Cet état dépressif a un retentissement sur le niveau de fonc-

tionnement global de l’individu : relations interpersonnelles(familiales, amicales, sociales), et fonctions professionnelles.Toute l’attention, toute l’énergie se concentrent sur l’objet perdu ;tous les autres intérêts semblent laissés de côté.

Il est fréquent également d’observer une augmentation de la consommation d’alcool (principalement chez les hommes), depsychotropes (principalement chez les femmes), et de tabac(dans les deux sexes).

3. RétablissementLa dernière étape du deuil est celle du rétablissement. Durant

cette période, le sujet retrouve progressivement ses intérêtsantérieurs et se montre capable peu à peu de se tourner vers l’avenir, d’investir de nouvelles relations, de ressentir de nou-veaux désirs et de les exprimer. Ce retour vers le monde exté-rieur débute habituellement dans les rêves (rêves de rencontre,d’acquisition, etc.).

L’état dépressif se dissipe, la douleur s’apaise. Le sujetéprouve d’abord du soulagement, puis retrouve une sensationde bien-être, de l’énergie et du goût à vivre.

Des modifications du cadre de vie témoignent également dece processus de guérison : changement de lieu de vie ou modifi-cation de l’aménagement, séparation des objets personnels dudéfunt, en gardant seulement ceux que le sujet endeuillé consi-dère comme particulièrement évocateurs et significatifs.

Les représentations associées au disparu sont moins nom-breuses et moins fréquentes, mais elles persistent, même aprèsla fin du deuil : elles sont seulement devenues moins poignanteset moins douloureuses. Peu à peu, ces souvenirs tristes et nostalgiques s’estompent, pour resurgir périodiquement danscertaines circonstances. Même après un deuil normal, il existeune reviviscence de souvenirs accompagnée de tristesse aumoment de la date anniversaire de la perte. Ces réactions d’anniversaire sont particulièrement vives dans les deuils compliqués et pathologiques.

Si le deuil est une expérience douloureuse, il peut être

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Deuil normal et pathologique

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également, dans la mesure où il a été résolu, l’occasion d’unematuration affective et d’un développement personnel.

TRAVAIL DE DEUIL

La succession des manifestations cliniques du deuil est l’expres-sion du déroulement d’un processus psychique, le travail de deuil.

Les fonctions du travail de deuil sont l’acceptation de la réalité, le désinvestissement de l’objet perdu et le réinvestis-sement de nouveaux objets.

Après la perte d’un être cher, un travail de désinvestissementdoit nécessairement s’opérer. C’est un travail de détachementprogressif. Chacun des souvenirs doit être remémoré, puisconfronté à l’idée de disparition afin d’être désinvesti, ce quientraîne à chaque fois douleur et nostalgie. Ce travail se fait autravers du vécu dépressif.

L’accomplissement de ce travail est indispensable pour accéder,par la suite, à un réinvestissement de qualité vers de nouveaux objets.

DURÉE DU DEUIL NORMAL

Il est souvent admis qu’un travail de deuil normal dure entre10 et 12 mois.

En fait, le processus peut être atténué et durer beaucoupmoins longtemps, mais il peut également durer plus longtemps,sans pour autant devoir être considéré comme un deuil « patho-logique ». Il faut ajouter que la durée et l’expression du deuil« normal » varient considérablement selon les groupes culturels.

DEUILS COMPLIQUÉS ET DEUILSPATHOLOGIQUES

Il n’existe actuellement aucune définition consensuelle éta-blissant les critères d’un deuil pathologique.

On distingue classiquement les deuils compliqués des deuilspathologiques.

Dans les deuils compliqués, le déroulement habituel du tra-vail de deuil est entravé, sans toutefois conduire à une patho-logie psychiatrique caractérisée. Néanmoins, la suspension del’accomplissement du deuil a des conséquences délétères sur le fonctionnement psychique et social.

Les deuils pathologiques constituent d’authentiques maladies,psychiatriques mais aussi somatiques, survenant au décoursd’un deuil, chez des sujets n’ayant généralement aucun antécé-dent psychiatrique ou médical. Le deuil est également un facteur de perturbation au cours de l’évolution de maladiesmentales préexistantes et peut, sur un tel terrain, prendre plusfacilement une forme pathologique.

FACTEURS DE RISQUE DE DEUIL COMPLIQUÉOU PATHOLOGIQUE

Ils comportent :� type de liens avec le disparu : décès d’un enfant, d’un

conjoint, d’un père ou d’une mère (surtout dans l’enfance ou àl’adolescence) ; relation conflictuelle ou ambivalente ;

� circonstances du décès : décès brutal et inattendu ; décès

par suicide ; décès par homicide ; décès lors d’une catastrophenaturelle ou d’un attentat (décès multiples) ; décès dont on a étéle témoin (pathologie aiguë, accident, etc.) ;

� annonce du décès : absence de préparation au décès ;absence de tact dans l’annonce ;

� caractéristiques de l’endeuillé : âge (les sujets jeunessouffrent plus de culpabilité et de symptômes anxieux, dépres-sifs et somatiques, que les sujets plus âgés) ; sexe (le risque dedeuil compliqué ou pathologique est plus important dans le casdu veuvage chez les hommes âgés, par comparaison aux veu-ves du même âge) ; personnalité « borderline » ou état limite(trouble de la personnalité caractérisé par une incomplétudenarcissique, où la relation à l’autre est dominée par une forteangoisse de perte ou d’abandon) ; antécédents psychiatriques,en particulier dépression ou tentatives de suicide ; deuils répé-tés ; désinsertion professionnelle ou autres difficultés de vie ;état de santé précaire : favorise le risque de complicationssomatiques ;

� environnement social et affectif : absence de rites commu-nautaires ; environnement familial peu étayant.

DEUILS COMPLIQUÉS

1. Deuil différéLe sujet en deuil est maintenu dans une position de déni de

la réalité, ce qui diffère la survenue des affects dépressifs. Enconservant les affaires du défunt à la même place, en perpé-tuant les gestes qui lui étaient destinés et les habitudes du quoti-dien, l’endeuillé prolonge la présence de celui-ci, comme si rienn’avait changé.

Une ritualisation de la vie permet de maintenir ce déni (parexemple une mère préparant les affaires de son fils mort tous lesmatins ou la chambre d’un enfant mort constituant un « sanctu-aire » dans lequel aucun objet ne doit être déplacé).

La réaction dépressive est ici retardée. Elle surviendra à l’occasion d’un événement réactivant la perte ou à partir d’uneélaboration personnelle permettant l’accès au travail de deuil.

2. Deuil inhibéComme dans le deuil différé, les manifestations normales

du deuil ne sont pas apparentes. Le sujet endeuillé a intégré la réalité de la perte, mais il refuse les émotions et la douleurqui y sont liées. Les affects, non exprimés pendant un tempsplus ou moins long, réapparaissent le plus souvent subite-ment et parfois de manière difficilement compréhensible, àl’occasion d’un rappel conscient ou inconscient de la dispari-tion de l’être aimé. Ce sont eux qui déclenchent alors le proces-sus de deuil.

3. Deuil prolongé ou deuil chroniqueOn parle d’un deuil prolongé lorsque la symptomatologie

dépressive persiste avec la même intensité, même après plusd’un an d’évolution.

Le deuil est considéré également comme prolongé si, plusieurs années après le décès, l’évocation du défunt provoqueune tristesse intense ou qu’un comportement de recherche de

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la personne disparue persiste ou que les périodes d’anniversaireprovoquent des réactions particulièrement douloureuses, ouencore si le sujet endeuillé n’a pas pu réinvestir des relationsaffectives ou des activités professionnelles.

DEUILS PATHOLOGIQUES

Les deuils pathologiques peuvent revêtir toutes les formesde la pathologie mentale. Dans l’ensemble, leurs expressions cli-niques sont comparables à celles de la pathologie habituelle,même si ce contexte particulier du deuil leur imprime cependantquelques caractères spécifiques.

On distingue classiquement les deuils marqués par un syn-drome psychiatrique et les deuis caractérisés par la décompen-sation d’une personnalité névrotique (plus récemment, desauteurs américains ont proposé une nouvelle catégorie nosolo-gique, le deuil traumatique).

1. Syndromes psychiatriques✓ États anxieux. La pathologie anxieuse, souvent méconnue,est néanmoins fréquente dans la période du deuil. Elle se mani-feste par une anxiété généralisée ou des attaques de panique.Elle peut encore réaliser un état de stress post-traumatique(syndrome de répétition, évitement des situations qui rappel-lent l’événement traumatique, sentiment de détachement d’au-trui et restriction des affects, sentiment d’un avenir vain, réduc-tion des intérêts, hypervigilance ou état de « qui-vive »,troubles du sommeil, de la mémoire et de la concentration, irri-tabilité, qui survient le plus souvent lorsque le sujet assiste audécès d’un ou plusieurs proches, dans une situation trauma-tique (accident, guerre, attentat, etc.). Le syndrome de stresspost-traumatique est à distinguer du deuil traumatique que nousdécrirons plus loin.✓ Accès mélancolique. Il est difficile de faire la distinction, dans le deuil, entre une phase dépressive « normale » du deuil et uneréaction aggravée constituant au maximum un deuil « mélanco-lique ». Dans le deuil mélancolique, la symptomatologie dépres-sive se détache en quelque sorte de la cause originelle et devientautonome dans l’expérience du patient.

On considère habituellement qu’un ralentissement psycho-moteur important, une baisse importante de l’estime de soi, l’intensité excessive des sentiments de culpabilité, des idéesd’indignité, la présence d’idées suicidaires, et a fortiori d’unesymptomatologie délirante ou d’idées de damnation, sont enfaveur d’un état mélancolique.

Selon la classification américaine des maladies mentales, le DSM-IV, un certain nombre d’individus présentent, commeréaction à la mort d’un être cher, des symptômes caractéris-tiques d’un épisode dépressif majeur, qui seront identifiéscomme l’expression d’un deuil « normal ». En revanche, on par-lera « d’épisode dépressif majeur » et non de deuil « normal » :

� si les symptômes dépressifs durent plus de 2 mois ;� ou si les symptômes suivants sont présents : culpabilité à

propos de choses autres que les actes entrepris ou non entreprispar le survivant avant le décès de l’être cher, idées de mort autres que le sentiment, pour le survivant, qu’il aurait dû mourir

avec la personne décédée, sentiment morbide de dévalorisation,ralentissement psychomoteur marqué, altération profonde etprolongée du fonctionnement, hallucinations proprement diteset non simple impression d’entendre la voix du défunt ou de voirtransitoirement son image.

Hormis la question de la durée, qui n’est pas prise en comptepour caractériser le deuil mélancolique, la définition « d’épisodedépressif majeur » proposée par le DSM-IV dans le cadre dudeuil recouvre en grande partie la notion de deuil mélancoliquedes auteurs français.✓ Épisode maniaque. Le tableau clinique de la manie de deuil nediffère pas fondamentalement de celui d’un accès maniaqueaigu typique, mais il présente quelques particularités.

Tout d’abord, il existe souvent un temps de latence, de duréevariable, entre le décès et la réaction maniaque. Pendant cetemps, l’endeuillé paraît faire face à la situation. L’état maniaque,lorsqu’il apparaît, est marqué par l’importance du déni de lamort et par l’intensité des sentiments de triomphe et de puis-sance. Le déni peut porter sur la réalité de la mort, avec un déliredans lequel le disparu est donné pour vivant, délire auquel le sujet adhère plus ou moins. Mais d’une manière générale, ledéni porte bien plus sur la signification de la perte. Dans la maniede deuil, la perte semble ne pas avoir d’importance.✓ Troubles psychotiques. En dehors des deuils mélancoliques etdes deuils maniaques, dans lesquels des caractéristiquespsychotiques peuvent être présentes, les deuils psychotiquespeuvent revêtir des formes aiguës ou des formes chroniques,d’installation insidieuse.

Les états aigus sont habituellement accompagnés d’une noteconfusionnelle.

Dans le cadre des délires chroniques (schizophrénies, para-noïa, etc.), la situation de deuil peut inaugurer la maladie ourévéler un état mental qui évoluait déjà depuis quelque temps.

2. Décompensation d’un trouble névrotique de la personnalité ✓ Deuil hystérique. Les réactions dans les premiers jours sonttrès variables. Dans la majorité des cas, l’individu en deuilexprime très rapidement sa souffrance, avec des manifestationsbruyantes. Le plus souvent, il s’agit d’une violente crise émotion-nelle avec décharge motrice, parfois passages à l’acte auto-agressifs. L’endeuillé peut également développer des symptômesde conversion aiguë. Mais le deuil peut aussi sembler se déroulernormalement dans un premier temps, masquant parfois un déniintense et prolongé.

Par la suite, le tableau du deuil hystérique se caractérise parla présence de 4 types de symptômes :

� comportements autodestructeurs : les tentatives de sui-cide sont très fréquentes, avec le désir exprimé de retrouver la personne aimée dans la mort. L’autodestruction se manifesteégalement dans des comportements d’incurie, ces sujets négli-geant leurs besoins vitaux (alimentation, sommeil, etc.) et leursanté physique et psychique ;

� refus de quitter le défunt : la personne endeuillée reconnaît la mort du défunt, mais se comporte dans le quotidien comme

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Deuil normal et pathologique

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s’il était toujours présent, en entretenant avec lui une relationintérieure. Il pense constamment à lui, lui parle pendant des heu-res, lui écrit, etc. ;

� identification au défunt : ce processus d’identification estprésent au cours du deuil normal, mais prend un caractère parti-culièrement intense au cours du deuil hystérique. L’endeuillé s’identifie tout d’abord au disparu en tant que mort, avec desmouvements d’autodestruction. Il exprime ensuite des symptô-mes identiques à ceux du défunt, s’identifiant ainsi à celui-ci lors-qu’il était malade. Ces symptômes se développent de manièreinconsciente, selon le même mécanisme qu’une conversion hys-térique. L’identification porte enfin sur des caractéristiques dudéfunt lorsqu’il était en vie, l’endeuillé adoptant des traits de sapersonnalité ou de son apparence physique ;

� chronicité de l’état dépressif : dans le deuil hystérique, l’état dépressif est particulièrement prolongé, s’étendant sou-vent sur plusieurs années.✓ Deuil obsessionnel. Dans les premiers moments, l’endeuillé nemanifeste pas ou peu son chagrin, gardant sa souffrance en lui. Il tient à s’occuper des problèmes matériels : organisation des obs-èques, gestion de la situation administrative et financière du défunt.

Dès les premiers jours apparaît la culpabilité, qui va marquerl’évolution de tout le deuil obsessionnel.

Lorsque les premiers moments sont passés, la dépressionapparaît. L’état dépressif se manifeste habituellement par de l’abattement, de la lassitude, une anhédonie et une asthénieintense. La culpabilité est au premier plan, avec des reprochesque l’endeuillé s’adresse à lui-même et par lesquels il ne cesse dese torturer. Des séquences précises de mots : il s’est suicidé, onl’a tué, il m’a abandonné(e)… ou des images de mort s’imposentpeu à peu de manière compulsive et obsédante. Un geste suici-daire n’est pas rare.

Ce blocage obsessionnel inhibe le travail de deuil. Il s’agit d’unblocage des affects destiné à se protéger contre les émotions

douloureuses et agressives suscitées par le décès.Une dépression grave prolonge donc le temps du deuil par

rapport à la normale. Le sujet risque d’évoluer vers un état d’in-hibition qui touche tous les domaines de sa vie : affectif, intellec-tuel, social et professionnel.

Ce phénomène peut aussi s’épuiser au bout de quelquetemps et permettre ainsi la reprise du travail de deuil.

3. Deuil « traumatique » Certains auteurs ont proposé cette catégorie diagnostique

pour faciliter l’identification et encourager le traitement desréactions de deuil pouvant être considérées comme patholo-giques, sans entrer dans la catégorie d’un trouble dépressif ouanxieux.

Selon ces auteurs, le deuil réaliserait un type particulier detraumatisme : le traumatisme de la séparation. Ils soulignentd’ailleurs l’existence d’un certain nombre de symptômes com-muns au deuil et à l’état de stress post-traumatique (détache-ment d’autrui, sentiment d’un avenir vain, perte des senti-ments de sécurité, de confiance et de contrôle, colère,irritabilité).

Le deuil « traumatique » est donc défini par la présence de 2 catégories de symptômes : d’une part les symptômes reflétantla difficulté de la séparation, d’autre part les symptômes indi-quant l’impact traumatique du décès (v. tableau).

4. Pathologie somatique du deuilAprès un deuil, on constate une augmentation des

manifestations coronariennes chez les deux sexes.Contrairement à une idée très répandue, il n’y a pas

d’augmentation d’incidence des cancers après un deuil(sauf peut-être pour des cancers liés à la modification dumode de vie, comme le cancer du poumon, dû à l’augmenta-tion du tabagisme).

Critères diagnostiques du deuil traumatiqueD’après Prigerson HG, Jacobs SC. JAMA 2001 ; 286 : 1369-73

Tableau

Critère A (difficultés de séparation)

Critère B (impact traumatique du décès)

Critère C

Critère D

Présence d’au moins 3 des 4 symptômes suivants :– intrusions répétitives de pensées concernant le disparu– sentiment que le disparu manque– comportement de recherche du disparu– sentiment excessif de solitude

Présence d’au moins 4 des 8 symptômes suivants :– sentiment d’un avenir sans but ou vain– sentiment de détachement ou restriction des affects– difficulté à reconnaître la mort (incrédulité)– sentiment d’une vie vide ou dépourvue de sens– sentiment d’avoir perdu une partie de soi– bouleversement de la vision du monde (perte des sentiments de sécurité, de confiance et de contrôle)– appropriation de symptômes ou de comportements du disparu– irritabilité, amertume ou colère vis-à-vis du décès

Les symptômes (critères A et B) évoluent depuis au moins 6 mois

Les symptômes induisent une altération cliniquement significative du fonctionnement social, professionnelou dans d’autres domaines importants

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PRINCIPES DE PRÉVENTION ET D’ACCOMPAGNEMENT

L’accompagnement du deuil est nécessaire pour tout deuilpathologique, souhaitable pour un deuil compliqué et peut s’a-vérer utile dans certains deuils normaux, dans la mesure où ledeuil est toujours source d’une grande souffrance. La finalitéd’un tel accompagnement n’est cependant pas de faire l’écono-mie de la tristesse et de l’inconfort majeur qu’implique tout tra-vail de deuil.

En amont, c’est-à-dire avant le décès ou immédiatement audécours de celui-ci, il s’agit également de prévenir un deuilpathologique dans l’entourage du défunt.

PRÉVENTION DU DEUIL PATHOLOGIQUE

Auprès d’un malade en fin de vie, il conviendra de :� favoriser la présence des proches et les échanges entre

eux (verbaux ou non verbaux) ;� faire participer le plus possible les proches aux soins, leur

expliquer les gestes médicaux et les traitements ;� favoriser les soins de confort pour le patient, être attentifs

aux demandes des proches à ce sujet ;� préparer les proches au décès de leur malade ;� repérer les sujets et les situations à risque et proposer un

soutien psychologique.Après le décès, on veillera à :� annoncer le décès avec tact ;� décrire, s’il y a lieu, à l’entourage les circonstances du

décès, rapporter les paroles et les gestes du mourant ;� savoir, en tant que médecin, présenter ses condoléances et

exprimer de l’empathie ;� encourager à annoncer le décès à tout l’entourage (y com-

pris les personnes supposées fragiles, comme les enfants et lespersonnes âgées) et à assister aux funérailles, tout en respec-tant les choix et les stratégies défensives individuelles ;

� donner des informations aux sujets en deuil sur les affectsqu’ils peuvent ressentir et les aides qui peuvent leur être proposées ;

� prévoir une consultation d’évaluation : il s’agit de rencontrerles proches (particulièrement les sujets à risque) au moins une foisdans les semaines qui suivent le décès, afin d’évaluer leur étatpsychologique, mais aussi pour répondre à leurs questions concer-nant la maladie du défunt, les soins de fin de vie, le deuil, etc.

DEUIL PATHOLOGIQUE

La prise en charge du deuil pathologique associe traitementmédicamenteux et traitement psychothérapique.

1. Traitement médicamenteuxLe type de traitement est fonction de la symptomatologie

psychiatrique :— antidépresseur (inhibiteur de la recapture de la sérotonine

ou tricyclique) dans le deuil mélancolique, le deuil hystérique etle deuil obsessionnel ;

— anxiolytique dans les troubles anxieux ;

— thymorégulateur et (ou) neuroleptique dans le deuil maniaque ;— neuroleptique dans le deuil psychotique.

2. Psychothérapies✓ Psychothérapies individuelles lPsychothérapie de soutien : il s’agit d’assurer un accompa-

gnement au cours duquel le sujet endeuillé peut parler descirconstances du décès, de la nature de ses relations avec ledisparu, tant dans ses aspects positifs que dans ses aspectsnégatifs, ainsi que des difficultés concrètes auxquelles il a àfaire face. Ce cadre doit lui donner la possibilité d’exprimer lesémotions, souvent intenses, qu’il ressent. La psychothérapiede soutien peut être utilisée dans tous les types de deuilpathologique.

lPsychothérapie d’inspiration analytique : elle permet ausujet de prendre conscience de phénomènes psychiques quiétaient jusqu’alors inconscients et qui entravaient le déroule-ment normal du travail de deuil : sentiments hostiles ou agres-sifs vis-à-vis du disparu, réactivation de deuils antérieurs, etc.Ce type de psychothérapie n’est généralement pas indiquéd’emblée si une symptomatologie psychiatrique sévère(dépressive, maniaque ou délirante) est au premier plan. Ellepeut être proposée dans un second temps, lorsque l’état cli-nique a été amélioré par un traitement associant chimiothé-rapie et psychothérapie de soutien.

lThérapies cognitivo-comportementales : la thérapie cogni-tive a pour objectif d’identifier les pensées « irrationnelles »ou « erronées », et de les modifier. Elle permet d’agir en particulier sur les symptômes anxieux, dépressifs, obses-sionnels, ainsi que dans les états de stress post-traumatique.Les thérapies comportementales, après une évaluation del’impact fonctionnel du deuil sur la vie du patient, proposentplusieurs types d’intervention : relaxation, désensibilisation(qui consiste à associer à un état de détente, des souvenirs oudes situations pénibles), renforcement social.

✓ Psychothérapies de groupelGroupe d’entraide : le groupe d’entraide est fondé sur l’idée

que des personnes peuvent s’apporter aide et soutien mutuel,dans la mesure où elles vivent la même expérience. Il permetl’expression et le partage des émotions et des difficultés ren-contrées par chacun, la recherche de solutions et la restaura-tion d’un lien social. Les groupes d’entraide sont souvent ani-més par une personne qui a déjà vécu un deuil et qui partagesa propre expérience avec le groupe (groupes de parentsayant perdu un enfant, groupe de conjoints endeuillés, etc.).D’autres groupes sont menés par des professionnels (psycho-logues ou psychiatres) ou par des bénévoles formés.Ce type de groupe a été particulièrement développé dans

le cadre de mouvements associatifs.lPsychothérapie de groupe d’inspiration psychanalytique :

elle applique les principes théoriques psychanalytiques à l’analyse de la dynamique du groupe, et en particulier desmouvements transférentiels qui se produisent dans ce cadre.

lPsychothérapie de groupe cognitivo-comportementale :elle s’appuie sur les principes des thérapies cognitives et

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Deuil normal et pathologique

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comportementales, tout en proposant un partage des expériences entre les participants et un étayage apporté parle groupe.

DEUIL COMPLIQUÉ

Le deuil chronique peut bénéficier d’un traitement anti-dépresseur associé à une psychothérapie, individuelle ou collective.

En revanche, un traitement médicamenteux ne se justifie pas dans le cas de deuil retardé et inhibé, qui relève uniquement d’untravail de psychothérapie, plutôt d’inspiration psychanalytique.

DEUIL NORMAL

Dans le cadre d’un deuil normal, il n’y a généralement pasd’indication à un traitement.

Toutefois, l’importance de la détresse peut conduire à propo-ser un soutien psychologique, sous forme d’entretiens indivi-duels avec un psychologue ou un psychiatre ou sous forme degroupes. Une aide médicamenteuse peut également être appor-tée, de manière ponctuelle, afin de soulager une anxiété tropimportante ou des troubles du sommeil. B

POINTS FORTS

> La perte d’un être cher constitue un des événements lesplus douloureux de l’existence. L’accès à un mieux-êtren’est possible qu’à l’issue d’un long travail psychiquepassant par l’acceptation de la perte, ledésinvestissement progressif de la personne disparue,puis le réinvestissement de nouveaux objets.

> Le travail de deuil ne peut se dérouler sans que le sujetne traverse des moments d’intense souffrance, et enparticulier une phase dépressive, qu’il importe derespecter et de ne pas médicaliser de manière excessive.

> Les traitements (en particulier médicamenteux) nedoivent en aucun cas être systématiques lors d’un deuilnormal. En revanche, le deuil pathologique, qui constitueen quelque sorte un obstacle au déroulement du travailde deuil, doit conduire à proposer des mesuresthérapeutiques.

> Il faut souligner l’importance du travail de prévention quipeut permettre d’éviter la survenue d’un certain nombrede deuils pathologiques.

à retenir

A / VRAI OU FAUX ?

Le déroulement d’un deuil normalest caractérisé par la succession detrois phases : le choc, la phasedépressive, la période de rétablissement.

Un état de prostration suivant immédiatement l’annonce du décèsd’un être cher est une manifestationde la phase dépressive du deuil normal.

Au cours d’un deuil normal, la phasedépressive dure moins d’un mois.

Trois mois après le décès d’un êtrecher, un tableau associant une douleur morale, une anhédonie, unralentissement psycho-moteur etdes troubles du sommeil doit nécessairement conduire à la prescription d’un traitementantidépresseur.

4

3

2

1B / VRAI OU FAUX ?

Au cours de la phase dépressive d’un deuil, la présence d’un ralentis-sement psychomoteur marqué etd’une culpabilité majeure orientevers le diagnostic de deuil mélanco-lique.

L’identification massive au défuntest une des caractéristiques du deuilobsessionnel.

Les tentatives de suicide sont fré-quentes au cours des deuils hysté-riques.

La survenue d’un deuil augmente le risque de pathologie coronarienne.

4

3

2

1C / QCM

Au cours du déroulement d’un deuil normal, on peut constater les symptômessuivants :

Idéations suicidaires

Idées de damnation

Symptômes somatiques mimant la maladie du défunt

Illusions perceptives concernant le défunt

4

3

2

1

M I N I T E S T D E L E C T U R E

Réponses : A: V, F, F, F / B: V, F, V, V / C: 1, 3, 4.

POUR EN SAVOIR PLUS

◗ Deuil. Clinique et pathologieBourgeois M, Verdoux H EMC (Paris-France), Psychiatrie, 37-395-A-20, 1994, 8 p

◗ Deuil normal et deuil pathologiqueBourgeois M Paris : Doin, 2000

◗ Le deuilHanus M, Bacqué MF Paris : PUF, 2001

◗ Les deuils dans la vie. Deuils et séparations chez l’adulte et l’enfantHanus M Paris : Maloine, 1998

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PARTIE I / MODULE 6DOULEUR – SOINS PALLIATIFS

ACCOMPAGNEMENTS

Q 68

Douleur chez l’enfant : sédation et traitements antalgiques

Dr Laurence Teisseyre, Dr Chantal Wood-PilletteUnité douleur, hôpital Robert Debré 75019 Paris

[email protected]

DÉVELOPPEMENT COGNITIF DE L’ENFANT

Il évolue naturellement au fur et à mesure de la croissance del’enfant et est marqué par de très nombreux facteurs, tant cultu-rels que psycho-socio-familiaux, ainsi que par le vécu ou nond’expériences douloureuses.

Le psychologue suisse Jean Piaget a décrit différents stadesen fonction de l’âge.✓ De 0 à 2 ans : c’est le stade des réflexes, des premières habitu-des motrices, de l’intelligence sensori-motrice. Le bébé n’aaucune notion du temps, ni du soulagement, et la douleur l’enva-hit très rapidement. La peur des situations douloureuses appa-raît progressivement entre 6 et 18 mois.✓ De 2 à 7 ans : c’est le stade préopératoire. La pensée est égo-centrique, l’enfant a du mal à différencier ses propres penséesde celles des autres, et croit donc que l’autre sait ce qu’il res-sent. C’est l’âge des pensées finalistes : tout a une raison d’être. La survenue d’une maladie peut être comprise selon 2 méca-nismes : le phénoménisme : l’enfant croit qu’elle est due à unévénement extérieur concomitant. Il peut s’agir sinon d’unecontagion, la maladie étant alors due à des objets ou des per-sonnes proches, mais qui ne le touchent pas. L’enfant ne fait pasla distinction entre la cause et les conséquences de la maladie ;il ne fait pas non plus le lien entre traitement et soulagement desa douleur. Parfois, il peut tenir « l’autre », éventuellement

le soignant, pour responsable de sa douleur ; parfois la douleurest au contraire vécue comme une punition pour des penséesou des actes l’ayant précédée. Toutes ces explications sontimportantes à connaître pour mieux comprendre, et selon lescas, renforcer ou démentir, expliquer, éventuellement exploiterles croyances en la magie, guider la pensée ou le raisonnementde l’enfant.✓ De 7 à 11 ans : c’est le stade opératoire concret ; l’enfant peutpenser que la maladie survient par contamination ; les plus

iOBJECTIFSi

Repérer, prévenir et traiter les manifestations douloureusespouvant accompagner les pathologies de l’enfant.

Préciser les médicaments utilisables chez l’enfant selon l’âge,avec les modes d’administration, indications et contre-indications.

POINTS FORTS

> L’enfant diffère de l’adulte dans son corps, mais aussidans son esprit ; dans un contexte de douleur, sonniveau de développement cognitif conditionne le vécu etl’expression de celle-ci, et il importe de le prendre encompte en abordant l’enfant.

> Les manifestations de la douleur sont biphasiques : à la phase aiguë, elles sont bruyantes, mais si la douleurse prolonge ou se répète, elles font place, parfoisrapidement, à un tableau d’inertie psychomotrice.

> L’évaluation de la douleur est la première étape de sa prise en charge ; elle fait appel à des outils quipermettent de limiter la subjectivité du soignant et defournir un score utile au suivi. Chez les plus petits, seuleune hétéro-évaluation est possible, basée sur deséchelles comportementales, à choisir en fonction del’âge de l’enfant mais aussi du contexte. À partir de 5 voire 3 ans, une auto-évaluation est souhaitable.

> Les principes du traitement sont proches de ceux del’adulte, mais de nombreuses spécialités n’ont pasl’autorisation de mise sur le marché (AMM) en pédiatrie.

à comprendre

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grands ont la notion d’intériorisation : la maladie, bien que decause extérieure, est localisée dans le corps. Il existe une grandeconfusion sur le rôle des organes ; en revanche, l’enfant peutlocaliser la douleur à certaines parties du corps ; par ailleurs, ilfait la distinction entre lui-même et les autres, entre son étatinterne et son état externe, entre les causes et les conséquencesde sa maladie. À noter qu’il a souvent peur d’une atteinte de l’intégrité de son corps ou de la mort. ✓ Après 11 ans : c’est le stade opératoire formel, début d’une pen-sée abstraite ; l’enfant est capable de décrire sa maladie commeune succession d’événements et d’admettre des explicationsphysiologiques, la cause pouvant être alors un mauvais ou unnon-fonctionnement d’un organe, voire des explications psycho-physiologiques, chez les plus grands, faisant un lien entre psy-chisme et santé.

SIGNES DE LA DOULEUR

Il est possible de les regrouper en trois ordres de signes.

MANIFESTATIONS ÉMOTIONNELLES

Elles sont peu spécifiques de douleur car également liées austress, ni proportionnelles à l’intensité de la douleur. On observe :✓ des réactions comportementales : en partie réflexes, en partiesous le contrôle de l’enfant :l pleurs, cris : leur tonalité permet parfois aux parents et (ou)

aux soignants de faire la distinction entre cris et pleurs dedouleur ou d’une autre cause ;

l agitation, mouvements de flexion et extension des membres ;l agrippement ;l des modifications du visage, signe le plus spécifique de cette

catégorie ; très utilisé par les grilles d’évaluation. On note unfroncement des sourcils, des yeux fermés très serrés, uneaccentuation du sillon nasolabial, une bouche ouverte « enrectangle ».

✓ des manifestations neurovégétatives : ces dernières sont totale-ment réflexes :l élévation de la pression artérielle et de la fréquence

cardiaque ;l variation de la fréquence respiratoire, baisse de la saturation

en oxygène ;l des sueurs ;l une hyperglycémie et une augmentation du catabolisme

protidique.

SIGNES D’ADAPTATION DU CORPSÀ LA DOULEUR

Ils correspondent à une protection réflexe du corps, et sontbeaucoup plus spécifiques de douleurs. On recherche :l une position antalgique au repos ;l une attitude antalgique dans le mouvement ;l la protection spontanée d’une zone douloureuse ;l une contracture ;l une entrave à la mobilisation passive.

ALTÉRATIONS PSYCHOMOTRICES

Elles apparaissent lorsque la douleur se prolonge ou serépète ; et ce, d’autant plus rapidement que l’enfant est petit,parfois en quelques heures. La symptomatologie se modifie : debruyante, elle devient discrète, aboutissant à un aspect d’enfant« trop calme » et un tableau d’inertie psychomotrice :

� le visage est figé, inexpressif, impassible ;� les mouvements sont rares, limités aux extrémités, lents,

monotones, dénués d’affect ;� on observe une baisse de l’intérêt, pour les choses et les

personnes ;�une baisse du plaisir à «fonctionner»: jouer, parler, manger…;� une altération de la relation à l’autre, voire une hostilité ;� une baisse de l’initiative ;� une diminution des réponses aux stimulations, en intensité

et en durée.

ABORD DE L’ENFANT DOULOUREUX

Plusieurs aspects sont importants.✓ Il faut instaurer une relation de qualité avec l’enfant et sesparents ; le soignant doit faire preuve d’écoute, de confiance,d’empathie. La notion de confiance est la clef de voûte de la priseen charge pour que l’enfant exprime ce qu’il ressent, puis, réci-proquement, écoute le soignant et adhère à ses explications etau traitement.✓ Le rôle des parents est primordial ; bien souvent, ils savent inter-préter les modifications de comportement de leur enfant et gui-der le soignant dans l’évaluation de la douleur. Ils connaissentpar ailleurs les stratégies de coping (pour « faire face ») de leurenfant, et peuvent l’aider à atténuer la perception de sa douleur.À l’inverse, il faut savoir déceler certains dysfonctionnementsfamiliaux avec des parents qui transmettent leurs angoisses àleurs enfants, par exemple, ou reportent leur propre vécu sureux, majorant, voire induisant les douleurs.✓ L’élimination préalable des autres facteurs de stress estindispensable ; faim, froid, soif, inconfort sont trompeurs dansl’évaluation.✓ L’interrogatoire cherche à faire préciser les caractéristiques dela douleur : ancienneté, circonstances de survenue, localisation,éventuelles irradiations, influences de divers facteurs ou des trai-tements entrepris, horaires, caractères séméiologiques ; selon sonâge, l’enfant dispose ou non d’un vocabulaire lui permettant dedécrire sa douleur, peut la dessiner sur le schéma du corps humainou remplir un questionnaire de mots. Cette implication renforce larelation de confiance et augmente la fiabilité de l’évaluation.✓ L’examen clinique est particulièrement doux. Il commence parun certain temps de dialogue et d’observation : quand l’enfantarrive, au repos, quand il se déshabille ou est déshabillé par sesparents ; le bébé peut être examiné dans les bras de sa maman.L’entrée en matière peut se faire sur un mode ludique, par l’intermédiaire d’un jouet ou d’un objet transitionnel. L’examendébute par les zones indemnes pour finir par celles douloureuses.

DOULEUR – SOINS PALLIATIFSACCOMPAGNEMENTS

Douleur chez l’enfant : sédation et traitements antalgiques

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PRINCIPES DE L’ÉVALUATION DE LA DOULEUR

L’évaluation a pour but de dépister la douleur en cas de douteou de déni de l’enfant, de ses proches ou des soignants et de laquantifier : pour choisir le traitement de façon pertinente, puissuivre l’évolution de manière fine et précise et apprécier l’effica-cité de ce traitement, voire le réajuster.

Les outils utilisés (échelles, grilles) permettent de limiter la subjectivité et garantissent le même langage à tous les intervenants.

Beaucoup d’échelles suggèrent un seuil d’intervention thérapeu-tique au-delà duquel la douleur est considérée comme trop intense ;il faut alors instaurer un traitement ou majorer celui en place.

Tous les enfants en situation potentiellement algogène sontévalués, qu’ils se plaignent ou pas, de manière systématique,ainsi que tout enfant présentant une modification du comporte-ment non expliquée.Des échelles validées, adaptées à la fois àl’âge de l’enfant et au contexte sont utilisées : douleur aiguë,postopéra-toire, prolongée. On peut se référer aux recomman-dations de l’Anaes, publiées en 2000, consultables sur le siteInternet www.anaes.org.

L’obtention d’un score ne suffit pas : la plupart des outils n’évaluent que l’intensité de la douleur. Il importe tout autantd’évaluer son retentissement global sur la vie de l’enfant, auxplans familiaux, sociaux, psychologiques, éventuellement scolaires.

ÉVALUATION EN FONCTION DE L’ÂGE DE L’ENFANT

DE 0 À 3 ANS

L’enfant ne peut exprimer verbalement sa douleur ; on faitdonc une hétéro-évaluation, basée sur l’observation de soncomportement, de son visage ; les échelles utilisées, dites com-portementales, sont nombreuses.✓ La grille EDIN

De 0 à 3 mois : Échelle de Douleur et d’Inconfort du Nouveau-né (EDIN) [tableau1] évalue la douleur prolongée du nouveau-né,à terme ou prématuré ; le score obtenu varie de 0 (pas de dou-leur) à un maximum de 15. Le seuil d’intervention thérapeutiqueest à 5/15 (tableau 1).✓ La NFCS (Neonatal Facial Coding System). Elle recherche quatremodifications du visage lors d’une douleur aiguë, chez le nour-risson de moins de 18 mois : froncement des sourcils, ouverturede la bouche, accentuation du sillon nasolabial et fermeture desyeux. Chacune est cotée, à 0 si absente ou 1 si présente ; le scoretotal varie donc de 0 : absence de douleur, à 4 : douleur maxi-male, avec un seuil à 1. ✓ La douleur postopératoire. Elle est étudiée par plusieurs échellesd’hétéro-évaluation :l CHEOPS : (Children’s Hospital of East Ontario Pain Scale) :

de 1 à 6 ans, score de 4 à 13, seuil à 9. l Amiel-Tison inversée : de 1 mois à 3 ans, score de 0 à 20 ;l OPS (Objective Pain Scale), à partir de 2 mois ; score de 0 à

10, seuil à 3/10 (tableau 2).

✓ La douleur provoquée. Lors de soins ou gestes, elle peut êtreévaluée par différentes échelles ; la DAN (douleur aiguë du nou-veau-né), utilisable jusqu’à 3 mois, dont le score varie de 0 à 10,étudie les réponses faciales, les mouvements de membres, etl’expression vocale de la douleur.✓ La DEGR (Douleur enfant Gustave Roussy) évalue la douleur prolongée.Chez l’enfant de 2 à 6 ans le score varie de 0 à 40, avec un seuilà 10. Chacun des 10 items est coté de 0 à 4, selon qu’il est absent,douteux, discret, évident ou massif. Ils correspondent à dessignes directs de douleur (1, 3, 5, 7, 9), d’expression volontaire dela douleur (4, 8), ou reflètent une inertie psychomotrice (2, 6, 10) :� position antalgique au repos ;� manque d’expressivité ;� protection spontanée des zones douloureuses ;� plaintes somatiques ;� attitude antalgique dans le mouvement ;� désintérêt pour le monde extérieur ; contrôle exercé quand on le mobilise ; localisation des zones douloureuses ;� réaction à l’examen des zones douloureuses ;� lenteur et rareté des mouvements.

Échelle de douleur et d’incofort du nouveau-né

Tableau 1

VISAGE

CORPS

SOMMEIL

RELATION

RECONFORT

� Visage détendu� Grimaces passagères : froncement des sourcils,

lèvres pincées, plissement du menton, tremblement du menton

� Grimaces fréquentes, marquées ou prolongées� Crispation permanente ou visage prostré, figé

ou visage violacé

� Détendu� Agitation transitoire, assez souvent calme� Agitation fréquente mais retour au calme

possible� Agitation permanente, crispation des extrémi-

tés, raideur des membres ou motricité très pauvre et limitée, avec corpsfigé

� S’endort facilement, sommeil prolongé, calme� S’endort difficilement� Se réveille spontanément en dehors des soins

et fréquemment, sommeil agité� Pas de sommeil

� Sourire aux anges, sourire-réponse, attentif àl’écoute

� Appréhension passagère au moment ducontact

� Contact difficile, cris à la moindre stimulation� Refuse le contact, aucune relation possible.

Hurlement ou gémissement sans la moindrestimulation

� N’a pas besoin de réconfort� Se calme rapidement lors des caresses, au son

de la voix ou à la succion� Se calme difficilement� Inconsolable. Succion désespérée

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✓ Chez l’enfant polyhandicapé, l’échelle de San Salvador a étéélaborée. Une première grille, établie par un de ses proches,décrit de manière détaillée le comportement habituel de l’en-fant ; la grille d’évaluation de la douleur recherche des modifi-cations de comportement pouvant être de trois ordres : signesdirects de douleur, de composante anxieuse ou de manifesta-tions psychiques motrices. Chacun des 10 items est coté de 0 à4, donnant un score de 0 à 40 ; la douleur est suspectée à 2/40,certaine à 6/40.

ENTRE 3 ET 5 ANS. Une auto-évaluation peut être tentée ; si la compréhension

est incertaine, il faut se contenter d’une hétéro-évaluation.

ÉVALUATION CHEZ L’ENFANT DE PLUS DE 5 ANS

Le niveau de développement cognitif permet à l’enfant d’analyser sa douleur, d’en percevoir plus finement l’intensité,de disposer de vocabulaire pour la décrire ; on pratique doncune auto-évaluation, en fournissant à l’enfant un outil pourqu’il s’évalue lui-même. Il est primordial de s’assurer de labonne compréhension par l’enfant ; on peut par exemple lui

faire utiliser deux échelles différentes et vérifier la concor-dance des résultats, ou faire coter une douleur ancienne. De nombreuses échelles existent ; les critères de choix serontla bonne maîtrise et la préférence de l’enfant.✓ L’échelle visuelle analogique (ÉVA). Habituellement présen-tée verticalement aux enfants, elle a l’avantage d’être simpleet souvent déjà connue d’eux mais elle ne convient pas à tous.Là encore, un seuil d’intervention thérapeutique a été défini à 3/10.✓ Les échelles numériques : de 0 à 10 ou de 0 à 100, nécessitentune bonne maîtrise des chiffres ; la répétition des évaluationsest particulièrement aisée.✓ Les échelles de visages sont plus accessibles et bien accep-tées, surtout chez les plus petits et ceux parlant mal le fran-çais. Elles ne doivent contenir ni larmes ni rires. La FPS-r pro-pose 6 visages, permettant une cotation de 0 à 10 ; seuil à4/10 (figure).✓ Le schéma du corps humain : on demande à l’enfant de dessinersa douleur, en employant éventuellement plusieurs couleurs enfonction de l’intensité ; ce procédé est très performant, s’il n’estpas utilisé comme un jeu, et valorise l’enfant.✓ Poker Chip Tool est un ensemble de 4 jetons ; l’enfant en choisitde 0 à quatre selon l’intensité de sa douleur.✓ Algocube est composé de 6 cubes emboîtables ; l’enfantchoisit celui dont la taille correspond à l’importance de sadouleur.✓ Les échelles de vocabulaire peuvent être faciles d’utilisation comme : « douleur absente, légère, intense, très intense » ; le QDSA, nettement plus riche et complexe, est utilisable à partirde 10 ans seulement ; mais il offre une description qualitative dela douleur, ainsi qu’une appréciation de son retentissementpsychologique.

PRINCIPES DU TRAITEMENT

Les objectifs sont précis et réalistes : soulager la nuit, le jourau repos, lors de la mobilisation passive ou active.

Pour les atteindre, l’adhésion de l’enfant et de ses proches estindispensable.

Sur le plan pharmacologique, la voie orale est préférée à la voie injectable ; on utilise un antalgique de palier I pour lesdouleurs légères à modérées, II pour les douleurs modérées àintenses, et III pour celles intenses ou très intenses.

La prescription des antalgiques tient compte de la durée d’ac-tion du produit et ceux-ci ne sont pas utilisés « à la demande ».

Une prescription de recours en cas d’efficacité insuffisantedoit être prévue sur l’ordonnance et des co-antalgiques peuventêtre utiles : myorelaxants, anti-inflammatoires, antispasmo-diques, anxiolytiques, sans négliger les moyens non médica-menteux, selon les cas : thérapies physiques, thermothérapie,rééducation, contre-stimulation, ou psychologiques : relaxation,distraction, hypnose.

Une réévaluation après deux à trois prises médicamenteusesest nécessaire, puis régulièrement.

DOULEUR – SOINS PALLIATIFSACCOMPAGNEMENTS

Douleur chez l’enfant : sédation et traitements antalgiques

Grille OPS (Objective Pain Scale) Tableau 2

Pleurs

Mouvements

Comportement

Expression verbale ou corporelle

� Absents � Présents mais enfant consolable � Présents et enfant inconsolable

� Enfant éveillé et calme ou endormi � Agitation modérée, ne tient pas en place, change de position

sans cesse � Agitation désordonnée et intense, risque de se faire mal

� Enfant éveillé et calme ou endormi � Contracté, voix tremblante, mais accessible aux questions et

aux tentatives de réconfort � Non accessible aux tentatives de réconfort, yeux écarquillés,

accroché aux bras de ses parents ou d’un soignant

� Enfant éveillé et calme ou endormi, sans position antalgique � Se plaint d’une douleur faible, inconfort global, ou position

jambes fléchies sur le tronc, bras croisés sur le corps � Douleur moyenne, localisée verbalement ou désignée de la main,

ou position jambes fléchies sur le tronc, poings serrés, et porte la main vers une zone douloureuse, ou cherche à la protéger

Variation de la pression artérielle systoliquepar rapport à la valeur pré-opératoire

� Augmentation de moins de 10% � Augmentation de 10 à 20% � Augmentation de plus de 20%

Traduction Pediadol 2000

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TRAITEMENTS MÉDICAMENTEUX

Les contre-indications, précautions d’emploi, interactionsmédicamenteuses et effets indésirables sont dans l’ensemblesuperposables à ceux de l’adulte ; ne seront donc précisées icique les AMM, posologies et particularités éventuelles liées à l’utilisation en pédiatrie.

PALIER ILeurs indications sont les douleurs faibles à modérées ou en

association à des antalgiques des paliers II ou III.✓ Le paracétamol dispose de l’AMM dès la naissance ; la posolo-gie par voie orale et injectable (en IVL de 15 minutes) est de 60 mg/kg/j avec des prises espacées de 4 à 6 heures. La voie rectale est à éviter, car l’absorption est aléatoire (posologie90 mg/kg/j).✓ Les anti-inflammatoires non stéroïdiens : L’ibuprofène (Nureflex,Advil), le plus utilisé, a l’AMM à 3 mois et est présenté en solutionbuvable ; posologie : 10 mg/kg/8 heures.Le kétoprofène estdonné par voie orale dès 6 mois (Toprec) à 0,5 mg/kg/6 à 8 h, ouintraveineuse (IV) [Profénid] à partir de 15 ans, L’acide niflu-mique (Nifluril) : AMM à 6 mois, 10 mg/kg/8 h ; l’acide tiapro-fénique (Surgam) : AMM à 4 ans, 10 mg/kg/j ; le naproxène(Apranax, Naprosyne) : AMM à partir de 25 kg, 10 mg/kg/j.✓ L’aspirine est de moins en moins utilisée comme antalgique, enraison de l’allongement du temps de saignement induit et durisque de survenue de syndrome de Reye. La posologie est de 25 à 50 mg/kg/j, les prises étant espacées de 4 heures au moins.

PALIER IILeurs indications sont les douleurs modérées à intenses.

✓ La codéine a l’AMM à partir de 1 an. Elle est présentée seuledans le sirop Codenfan, ou souvent associée à du paracétamol(Dafalgan codéine, Codoliprane, Efferalgan codéine). La posolo-gie est de 0,6 à 1 mg/kg/prise de codéine-base, avec des prisesespacées de 4 à 6 heures, sans dépasser 6 mg/kg/j. Le seuiltoxique est à 2 mg/kg en une prise, avec un risque vital à 5 mg/kg en une prise. Les effets secondaires sont : la constipa-tion (à prévenir si l’utilisation est prolongée), parfois des nau-sées, vertiges, somnolence, vomissements. Les contre-indica-tions sont : l’hypersensibilité à la codéine, l’insuffisancerespiratoire sévère non contrôlée, l’association à des agonistes-antagonistes morphiniques.✓ Le dextropropoxyphène n’a l’AMM qu’à partir de 15 ans.✓ Le tramadol (Topalgic, Contramal) voit son utilisation s’éten-dre. Son AMM est actuellement à partir de 12 ans. La posologieest de 1 à 2 mg/kg/prise, 3 à 4 fois par jour, sans dépasser 8 mg/kg/j ; les effets secondaires sont : vertiges, somnolence,nausées, sécheresse buccale, sudation.

PALIER IIILeurs indications sont les douleurs intenses à très intenses.

1. Morphine orale :Elle n’a l’AMM qu’à partir de 6 mois ; chez le plus petit, un

début de traitement peut être instauré à l’hôpital. Comme chez l’adulte, la posologie est strictement individuelle,

«Ces visages montrent combien onpeut avoir mal. Ce visage (montrercelui de gauche) montre quelqu’un quin’a pas mal du tout. Ces visages (les montrer un à un degauche à droite) montrent quelqu’unqui a de plus en plus mal, jusqu’àcelui-ci (montrer celui de droite), qui représente quelqu’un qui a trèstrès mal.

Montre-moi le visage qui montre combien tu as mal en ce moment.»Les scores sont, de gauche à droite : 0, 2, 4, 6, 8, 10. 0 correspond donc à « pas mal du tout » et 10 correspond à « très très mal ».

Remarques :Exprimez clairement les limitesextrêmes :« pas mal du tout » et « très très mal ».N’utilisez pas les mots « triste » ou « heureux ».Précisez bien qu’il s’agit de la sensationintérieure, pas de l’aspect affiché deleur visage. « Montre-moi comment tute sens à l’intérieur de toi ».

Faces Pain Scale – Revised (FPS-R)*Figure

Hicks, C.L., von Baeyer, C.L., Spafford, P., van Korlaar, I., & Goodenough, B. The Faces Pain Scale – Revised : Toward a common metric inpediatric pain measurement. Pain 2001 ; 93:173-183. Scale adapted from : Bieri, D, Reeve, R, Champion, G, Addicoat, L and Ziegler, J. The Faces.Pain Scale for the self-assessment of the severity of pain experienced by children : Development, initial validation and preliminaryinvestigation for ratio scale properties. Pain 1990 ; 41 : 139-150. Version : June 2001

*Pain Research Unit, Sydney Children’s Hospital, Randwick NSW 2031, Australia. Ce matériel peut être photocopié pour une utilisationclinique. Pour tout autre demande, s’adresser au Pain Research Unit, contact : [email protected]

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mais doit être débutée avec des quantités diminuées de moitiéchez les moins de 3 mois. Il n’existe pas de posologie maximale,tant que les effets secondaires sont contrôlés.

La titration se fait idéalement avec de la morphine d’actionrapide et brève : 0,3 à 0,5 mg/kg en dose de charge, puis 0,2 mg/kg toutes les 4 heures ; l’efficacité est réévaluée après 2 prises. Si elle est insuffisante, les doses sont augmentées parpaliers de 30 à 50 %.

Quand la posologie journalière est trouvée, on peut la remplacerpar de la morphine d’action retardée et prolongée (LP), en 2 prisesquotidiennes, en ménageant toujours la possibilité d’interdoses deforme rapide en cas de pic douloureux, mais aussi préventivement, 45 minutes avant les gestes douloureux, chaque interdose équivalantau 1/6 de la dose journalière.

La constipation est prévenue systématiquement ; les autreseffets secondaires : nausées, vomissements, prurit, au cas parcas ; la sédation cède le plus souvent en quelques jours.✓ Présentations de morphine orale d’action brèvel chlorhydrate de morphine en solution buvable : Morphine

Cooper 0,1 ou 0,2 %, en ampoules de 10 et 20 mg ; son goûtamer doit faire préparer un sirop sucré à froid pour permet-tre son acceptation.

l sulfate de morphine : Sévrédol en comprimés de 10 et 20 mg,Actiskénan en gélules de 5, 10, 20 et 30 mg qui peuvent êtreouvertes, et les microgranules qu’elles contiennent, mélan-gés à un aliment semi-liquide, ou introduits dans une sondede nutrition entérale d’un diamètre maximal de 16 gauges,rincée ensuite.

✓ Présentations de morphine orale d’action prolongée (sulfate demorphine) :l Moscontin en comprimés et Skénan en gélules contenant

des microgranules, utilisables comme ceux de l’Actiskénan ;ils sont dosés à 10, 30, 60, 100 et 200 mg ;

l Le Kapanol en 1 prise par jour, à 20, 50 et 100 mg, n’a l’AMMque chez l’adulte.

2. Morphine injectable (chlorhydrate de morphine) :

Elle a l’AMM dès la naissance ; elle est indiquée quand la voieorale est impossible ou quand une douleur excessivementintense nécessite une action très rapide.

L’injection sous-cutanée est douloureuse, donc générale-ment évitée chez l’enfant (1 mg de morphine SC équivaut à 2 mgde morphine orale).

Elle est donc le plus souvent injectée en intraveineux, le délaid’action est de 10 à 20 minutes ; 1 mg de morphine IV équivaut à2 à 3 mg de morphine orale ; pour ces 2 voies, la durée d’actionest de 4 heures.

La titration se fait en injectant 0,1 mg/kg en IVD en dose de charge, suivie de réinjections de 0,025 mg/kg espacées de 10 minutes, en surveillant à la fois l’évolution de l’intensitédouloureuse et l’apparition d’éventuels effets secondaires, jus-qu’à l’obtention d’une analgésie satisfaisante ; la dose totaleinjectée correspond approximativement à la dose nécessairepour les 4 heures suivantes.

La poursuite du traitement peut se faire dès l’âge de 6 ans,par des pompes d’analgésie autocontrôlée ou PCA, avec des bolus que l’enfant s’administre lui-même, le plus souvent de0,02 à 0,04 mg/kg, espacés d’une période réfractaire de 6 à 10 minutes ; il est primordial d’expliquer en détail le fonctionne-ment de la pompe, d’en vérifier la compréhension et l’utilisation.Un débit continu peut être associé, dans les douleurs trèsintenses ou chez les enfants épuisés, de l’ordre de 0,01 à

0,04 mg/kg/h en général, voire plus.Chez les plus petits, ou dès lors que l’on n’est pas sûr de

la bonne maîtrise de l’appareil par l’enfant, on se limitera à undébit continu, en ménageant la possibilité de bolus infirmiers, encas de douleur survenant malgré le traitement, et en prévisiondes gestes douloureux, 10 minutes avant eux : soins, toilette,mobilisation, par exemple.

La surveillance d’un traitement par morphine intraveineuse com-prend: l’évaluation de son efficacité sur la douleur et des effets indé-sirables : somnolence et fréquence respiratoire, tout en sachant quela somnolence précède toujours la dépression respiratoire.

3. Autres analgésiques des paliers III✓ La nalbuphine (Nubain) : C’est un agoniste-antagoniste de la morphine, avec un effet plafond atteint pour des doses de 0,3 mg/kg toutes les 4 heures ; il entraîne moins d’effets secondai-res que la morphine et est donné, soit en discontinu, à 0,2 mg/kgtoutes les 4 heures, en IVL pour éviter un effet « flash », soit, plusefficace, en continu à 1,2 mg/kg/j à la suite d’une dose de charge de 0,2 mg/kg. Il peut également être utilisé, à faibles doses (0,1 mg/kg/j) pour diminuer les effets indésirables de la morphine.✓ La buprénorphine : (Temgésic) est un agoniste-antagoniste,avec un effet plafond. Il est autorisé en comprimés sublinguauxde 0,2 mg à partir de 7 ans, à la posologie de 6 �g/kg/j.✓ L’hydromorphone : (Sophidone), gélules de 4, 8, 16 et 24 mg estun agoniste pur autorisé à partir de 7 ans ; utilisé dans le cadrede la rotation des opioïdes, il est donné en 2 prises quotidiennes ;4 mg correspondent à 30 mg de morphine per os.

DOULEUR – SOINS PALLIATIFSACCOMPAGNEMENTS

POINTS FORTS

> La douleur est vécue différemment par l’enfant. La connaissance des niveaux de développement cognitifsen fonction de l’âge aide le soignant à mieux le comprendreet communiquer avec lui.

> Elle s’exprime différemment : ses manifestations,bruyantes à la phase initiale, cèdent le pas à un tableaud’inertie psychomotrice, avec un enfant prostré etinexpressif si elle se prolonge.

> L’évaluation est rendue plus fiable par l’utilisationd’outils, chacun étant validé pour un contexte et unetranche d’âge donnés.

> Les principes du traitement sont superposables à ceuxde l’adulte, avec malheureusement de fréquents usageshors AMM.

à retenir

568

Douleur chez l’enfant : sédation et traitements antalgiques

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Page 34: La Revue Du Praticien-Douleur,Soins Palliatifs

L A R E V U E D U P R A T I C I E N / 2 0 0 4 : 5 4 569

✓ Le fentanyl percutané : (Durogésic), n’a pas encore l’AMM chez l’enfant. La durée d’action des patchs est de 72 heures ; le plus faibledosage est de 25 �g par heure ; il existe aussi des dosages à 50, 75 et 100 �g/h, avec une table de correspondance des doses avec la morphine orale.

DOULEUR PROVOQUÉE

Elle est d’autant plus à combattre qu’elle est prévisible et particulièrement redoutée des enfants.✓ Le MEOPA (mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyded’azote) a des propriétés antalgiques faibles, anxiolytiques,euphorisantes et amnésiantes, facilitant grandement la réalisa-tion des gestes douloureux ; il doit être inhalé par l’enfant defaçon continue, au moins trois minutes avant le début du gesteet pendant toute sa durée. Ses contre-indications sont rares :troubles de la conscience, insuffisance respiratoire aiguë,séquestration gazeuse, traumatisme facial empêchant l’applica-tion du masque ; il entraîne peu d’effets secondaires et est éli-miné rapidement. Si la douleur prévisible est intense, il faut asso-cier un antalgique adapté.✓ L’EMLA permet, dès la naissance et même chez le prématuré,d’anesthésier la peau sur une profondeur de 3 mm en 1 heure, 5 mm en 2 heures (si le geste est plus profond, il faut associerune anesthésie locale). L’effet disparaît en 2 à 4 heures aprèsson ablation. Il est identique pour tous les gestes avec effractioncutanée, ponctions veineuses, lombaires, chirurgie cutanée

superficielle (ablation de molluscum contagiosum) et contre-indiqué en cas de porphyries, méthémoglobinémies congénita-les ; associations déconseillées : médicaments méthémoglobi-némiants.✓ Le saccharose : chez le nouveau-né à terme et le prématuré, la douleur liée aux gestes peut être diminuée par l’absorption, 2 minutes avant le geste, d’une solution sucrée donnée dans uneseringue, comme du saccharose à 25 % (0,3 ml/kg pour lesmoins de 2 kg, 2 ml chez les nouveau-nés à terme), suivie de la succion d’une tétine non nutritive prolongée pendant toute la durée du geste sans dépasser 6 absorbtions par jour.

DOULEURS NEUROGÈNES

Ces douleurs sont traitées essentiellement par :✓ des anti-épileptiques, pour les douleurs paroxystiques ; le clo-nazépam (Rivotril), la carbamazépine (Tégrétol), la gabapentine(Neurontin) sont les plus utilisés, tous hors AMM, à dose progres-sivement croissante jusqu’à trouver la dose minimale efficace ;✓ les antidépresseurs, pour leur composante continue etparoxystisque ; la clomipramine (Anafranil) et l’amitriptyline(Laroxyl, plus sédatif) sont ceux ayant le plus fait preuve de leurefficacité.

Les posologies sont, là encore, très variables, de 0,1 à 1 mg/kg/j.Peu d’études concluantes existent sur les inhibiteurs de

la recapture de la sérotonine. B

A / VRAI OU FAUX ?

Évaluation de la douleur :

Chez un enfant de 4 ans la douleurpeut être évaluée avec certaineséchelles d’auto-évaluation.

L’échelle des visages peut être utilisée chez un petit de 2 ans.

Les échelles de douleur postopéra-toires sont encore valides à J5 chezun enfant de 5 ans.

Chez un préadolescent l’ÉVA est simple,en général bien acceptée et fiable.

B / VRAI OU FAUX ?

La thérapeutique :

La codéine est utilisable chez le nouveau-né.

1

4

3

2

1

Il peut être intéressant d’associer un anti-inflammatoire avec un médicament du palier II de l’OMS.

La morphine orale admet une posologie maximale de 1,5 mg/kg/jour.

La morphine en PCA intraveineusepeut être utilisée à partir de 6 ans.

Chez l’enfant, les douleurs neuropa-thiques ou neurogènes sont traitéespréférentiellement par les antalgiquesdes différents paliers de l’OMS.

C / QCM

Chez le nouveau-né sont fortement évocateurs de douleurs prolongées :

Des pleurs.

Un visage inexpressif.2

1

4

4

3

2

Une agitation.

Des cris.

Une immobilité.5

4

3

M I N I T E S T D E L E C T U R E

Réponses : A: V, F, F, V / B: F, V, F, V, F / C: 2, 5.

DEJÀ PARU DANS LA REVUE

◗ Médicaments de l’urgence en pédiatrieChéron G, Bocquet N, Timsit S, Cojocaru B(Rev Prat 2001 ; 51 [17] : 1914-8)

POUR EN SAVOIR PLUS

◗ Prise en charge de la douleur chez l’enfant : une approche multidisciplinaireTwycross A, Moriarty A, Betts T. Masson éd 2002Site internet www.anaes.org

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Page 35: La Revue Du Praticien-Douleur,Soins Palliatifs

CancérologiePartie I – Module 6 – Q 69

2279L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 2 , 5 2

– une écoute et un soutien psychologique, social et spi-rituel du patient et de son entourage ainsi qu’un soutien des soignants ;

– un travail interdisciplinaire ;– une collaboration avec les bénévoles d’accompagne-

ment ;– une connaissance des aspects réglementaires déonto-

logiques et juridiques relatifs aux soins palliatifs en yintégrant une réflexion éthique propre aux situationsde fin de vie ;

– des modalités organisationnelles originales (EMSP,USP, équipe de soins palliatifs à domicile, réseau desoins palliatifs).

CONCEPT ET DOMAINE D’APPLICATIONDES SOINS PALLIATIFS

Les patients qui requièrent des soins palliatifs (le plus sou-vent, mais non exclusivement, des patients cancéreux) nesont pas toujours faciles à identifier pour le clinicien car lafrontière n’est pas toujours nette entre phase curative etphase palliative de la maladie : des soins curatifs et pallia-tifs peuvent être nécessaires alternativement voire enmême temps chez un même patient. Aujourd’hui, dansl’évolution actuelle du mouvement des soins palliatifs enFrance et dans le monde, on peut dire que :• la phase curative est une période dans l’évolution

naturelle d’une maladie potentiellement mortelle pen-dant laquelle la guérison, ou du moins une rémissioncomplète et durable, est une attente réaliste ; le pronostic vital n’est pas en jeu ;

• la phase palliative est celle où le pronostic vital estengagé de façon irrémédiable et l’incurabilité certaine.La maladie est évolutive. Deux phases palliatives peuventêtre distinctes, l’une où des soins spécifiques ont uneplace pour obtenir un ralentissement de l’évolution dela maladie, l’autre, la phase terminale proprementdite, où plus aucun traitement spécifique n’a d’intérêt.Longtemps, les soins palliatifs ont été assimilés àcette phase terminale des maladies.

La fig. 1 résume l’intrication des approches palliatives et curatives. Certaines équipes préfèrent parler de «soinscontinus». En cancérologie, les soins palliatifs correspon-

Les soins palliatifs offrent une prise en charge globale et multidisciplinaire des situations de fin devie par :

– une évaluation et un traitement de la douleur et desautres symptômes présentés par le patient ;

Soins palliatifs pluridisciplinaireschez un malade en fin de vieAccompagnement d’un mourant et de son entourage

• Les soins palliatifs et l’accompagnement cherchent à éviter les investigations et les traitements déraisonnables et se refusentà provoquer la mort ; ils s’efforcent de préserver la meilleure qualité de vie possible jusqu’au décès…

• Ils offrent une prise en charge globale et pluridisciplinaire des besoins physiques, psychologiques, sociaux et spirituels du malade,ainsi qu’un soutien de ses proches avant et après le décès.

• Ils concernent tous les patients atteints de maladie grave évolutive ou terminale, quels que soient la pathologie concernée et l’âge du patient.

• Leurs aspects législatifs et organisationnels ont beaucoup évolué, reconnaissant ainsi «le droit à toute personne malade dont l’état le requiert d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement ». Les équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP) et les unités d’hospitalisation de soins palliatifs(USP) sont créées pour permettre la prise en charge des cas les plus difficiles, former les professionnels de santé et développerla recherche en soins palliatifs.

Points Forts à comprendre

Unité de recherche et de soutien en soins palliatifsCHU de Grenoble

BP 217, 38043 Grenoble Cedex [email protected]

Dr Guillemette LAVAL, Dr Marie-Laure VILLARD

Page 36: La Revue Du Praticien-Douleur,Soins Palliatifs

Périodes curatives et palliatives d’une maladie grave évolutive.1

dent en partie aux « soins supportifs » (ou soins de sup-port) destinés au maintien de la qualité de vie des patientsdepuis l’annonce du cancer jusqu’à leur guérison ou leurdécès.

L’APPROCHE GLOBALE : UNE NÉCESSITÉEN SOINS PALLIATIFS

Le patient, par la maladie et les expériences de séparationauxquelles elle le confronte, peut vivre une souffrancephysique, psychique, sociale et spirituelle. C’est la douleur,les différents symptômes présentés, les craintes, lesincompréhensions, les pertes diverses (rôle familial, rôleprofessionnel, perte de l’autonomie, de l’image de soi…),voire la souffrance de l’entourage qui peuvent générer unesouffrance globale. Saunders nomme cette souffrance,chez le patient cancéreux en phase terminale, la «douleurtotale». De ce fait, une équipe pluridisciplinaire associantprofessionnels, bénévoles, et représentant du culte estindispensable permettant soins et thérapeutiques adaptésainsi qu’une aide matérielle, psychologique et spirituelle.

ÉVALUATION ET TRAITEMENT DE LA DOULEURET DES AUTRES SYMPTÔMES

En phase terminale, le malade présente en moyenne 3 à 4symptômes, qui doivent faire l’objet d’une évaluationquantitative initiale et répétée au cours du suivi à l’aided’échelles appropriées [échelle visuelle analogique(EVA), échelle verbale simple (EVS)…]. Il faut traiter lacause du symptôme chaque fois que possible (tableau I).L’ensemble des recommandations et traitements proposésci-dessous sont à adapter en fonction de l’âge, de la fonc-tion rénale et de la fonction hépatique.

Douleur

La douleur est fréquente en soins palliatifs (tableau II).Son évaluation et son traitement sont décrits dans lesarticles nos Q65 (à paraître), Q66 (à paraître), Q68 (àparaître). On rappelle que la morphine n’a aucune contre-indication chez un patient en phase terminale avec desdouleurs nociceptives intenses. La posologie de départ estde 1 mg/kg/j, sauf chez l’insuffisant rénal et la personne âgée (0,25 à 0,5 mg/kg/j). L’augmentation pro-gressive des doses se fait en moyenne par palier de 30 à50%/j. La diversité des morphiniques forts, maintenantdisponibles en France pour la douleur (morphine, hydro-morphone, oxycodone, fentanyl) et la multiplicité desformes galéniques disponibles (comprimé, gélule, solu-tion buvable, solution injectable, patchtransdermique,bâtonnet transmuqueux) offrent des possi-bilités thérapeutiques importantes.

Autres symptômes rencontrés

Leur fréquence varie selon les études (tableau II).L’asthénie, l’anorexie, la constipation et les troubles neu-ropsychiques sont les plus fréquents.

1. ConstipationElle est très fréquente et gênante. En médecine palliative,elle est souvent multifactorielle, organique (cancer) et(ou) surtout fonctionnelle (tableau III), en grande partieexpliquée par la grabatisation et par les médicaments.Quand la constipation s’installe malgré de bonnesmesures hygiéno-diététiques (hydratation, fibres, activitéphysique) un traitement laxatif devient nécessaire. Il estsystématiquement prescrit chez un patient qui reçoit de lamorphine.Une association classique est le lactulose (Duphalac,

S O I N S PA L L I AT I F S P L U R I D I S C I P L I N A I R E S C H E Z U N M A L A D E E N F I N D E V I E …

2280 L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 2 , 5 2

� Traiter la cause du symptôme chaque fois que possible

� Prévenir le symptôme de façon continue (prise à heuresrégulières des antalgiques, des anti-émétiques…)

� Soulager le symptôme complètement et en éliminerle souvenir (évaluer l’intensité du symptôme et réaliserun suivi clinique avec réévaluation…)

� Garder le patient le plus valide possible (éviter chaquefois que possible des traitements assujettissants :sondes, perfusions…)

� Préserver les facultés intellectuelles (éviter chaque foisque possible des traitements sédatifs…)

� Privilégier la voie orale le plus longtemps possible

� Soulager est toujours une urgence

D’après B. Mount.

Principes de traitement de la douleur et des autres symptômes en soins palliatifs

TABLEAU I

Traitementsspécifiques

Période curative

Soins supportifsSoins palliatifs

Soins terminaux

Période palliative

Traitementsnon spécifiques

Espoir de guérison

Diagnosticdu cancer

Espoir de rémission

Diagnosticd’évolutionlocale incurableou de premièresmétastases

Phaseterminale

Diagnosticd’entréeen phaseterminale

Décès

Page 37: La Revue Du Praticien-Douleur,Soins Palliatifs

continu). Les sétrons (Zophren, Kytril, Navoban,Anzemet…), indiqués dans les vomissements radio- ouchimio-induits, peuvent être essayés dans les vomisse-ments rebelles par syndrome occlusif.

3. Occlusion intestinaleL’occlusion intestinale maligne chez les patients en phaseterminale est rarement résécable (cachexie, sténose éta-gée, adhérences). La mise en place d’une endoprothèsedigestive reste rare mais possible dans l’occlusion à sténo-se unique, en particulier haute, pyloro-duodénale. La posed’une sonde nasogastrique, presque toujours nécessaire àla mise en place du traitement médical, doit rester unemesure temporaire, car elle est intrusive. En cas d’échecdes traitements médicaux bien conduits, elle doit être rem-placée, sauf impossibilité, par une gastrostomie de déchar-ge (fig. 2).Le traitement médical associe un corticoïde (réduction de

1 à 2 sachets × 3/j) ou le macrogol (Forlax, 1 à 2 sachets, 1 à 2 fois/j) avec le docusate sodique (Jamylène 1 à 2 comprimés, 3 fois/j). Les laxatifs irritants à base de sénésont parfois nécessaires.

2. Nausées et vomissements Ils sont souvent multifactoriels. L’analyse des causes etdes mécanismes mis en jeu permet de guider le choix desthérapeutiques. Par exemple, les vomissements par hyper-calcémie ou par hypertension intracrânienne sont particu-lièrement rebelles aux antiémétiques, de même que ceuxpar occlusion intestinale haute, rappelant combien ladémarche étiologique est primordiale. Souvent, plusieursantiémétiques associés sont nécessaires, les plus utilisésétant le métoclopramide (Primpéran, 30 à 90 mg/24 h en 3prises per os ou par voie sous-cutanée en discontinu oucontinu) et l’halopéridol (Haldol, 3 à 15 mg en 1 à 3 prisesper os, SC ou IV, demi-dose/voie orale en discontinu ou

Cancérologie

2281L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 2 , 5 2

Revue EMSPde la littérature CHU de Grenoble

2000 2001, n = 185

Douleur physique, 11 à 88 70 tous mécanismes confondus

Asthénie 12 à 81 98

Anorexie 6 à 87 81

Constipation 6 à 46 61

Nausées seules 13 à 44 32

Vomissements seuls 10 à 27 26

Occlusion intestinale / 12

Dyspnée 21 à 64 30

Toux / 26

Encombrement laryngé, bronchique ou râles agoniques / 35

Troubles confusionnels avec ou sans agitation 3 à 47 27

Anxiété ou angoisse 14 à 69 45

Dépression nerveuse 18 à 39 28

Prévalence de quelques symptômes rencontrés chez les patients

en soins palliatifs (%)

TABLEAU II

Causes organiques : obstruction colique

Tumeur, sténoseintrinsèque ou extrinsèque avec ou sans carcinose péritonéale

Adhérencepar brides post-chirurgicales, ou par fibrose post-radiothérapie

Affection proctologiqueFissure, fistule, abcès, prolapsus

Causes fonctionnelles : par troubles de la progression colique ou par dyschésie

(absence de sensation de besoin)

Médicaments❑ opiacés❑ anticholinergiques dont la scopolamine❑ antidépresseurs tricycliques❑ phénothiazines/antihistaminiques

Perturbations métaboliqueshyperkaliémie, hypercalcémie, déshydratation…

Perturbations neuro-végétativestumeur cérébrale, diabète, Parkinson, paraplégie…

Causes liées à l'état généralâge avancé, alitement, régime pauvre en résidu, insuffisanced’apport hydrique…

Principales causes de la constipation chez les patients

en soins palliatifs

TABLEAU III

Page 38: La Revue Du Praticien-Douleur,Soins Palliatifs

l’œdème péritumoral et possible levée d’obstacle), unanticholinergique (antispasmodique et antisécrétoire) ou,si besoin, un analogue de la somatostatine, un antiémé-tique, et un antalgique. Les soins de bouche sont impor-tants et répétés. L’hydratation parentérale est mise enplace, sauf chez certains patients qui parfois peuventcontinuer de boire ou même de s’alimenter a minima(occlusion basse).

4. Dyspnée

S O I N S PA L L I AT I F S P L U R I D I S C I P L I N A I R E S C H E Z U N M A L A D E E N F I N D E V I E …

2282 L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 2 , 5 2

Traitement symptomatique de l’occlusion intestinalemaligne non résécable.

2

� Sonde naso-gastrique*

� Réhydratation parentérale

� Antiémétique* :Haldol (halopéridol)

ou Largactil (chlorpromazine) ou équivalent

� Antisécrétoire antispasmodique :Scopolamine (hyoscine hyobromide)

ou Scoburen ou Buscopan (Butylbromure de Scopolamine)moins d’effets indésirables centraux que la Scopolamine

� Corticoïdes :Solumédrol (méthylprédnisolone)

ou équivalent

� Antalgiques* :1er, 2e ou 3e palier de l’OMS

* : introduits et (ou) maintenus selon les symptômes.

Diminution,puis arrêt

des corticoïdeset des antisécrétoires

Arrêt corticoïdes et antisécrétoires

Introduction Sandostatine(Octréotide)

Après 5 jours de traitement

Non levée de l’occlusionLevée de l’occlusion

Recherche de la posologie

minimale efficace

Indication de gastrostomie

chirurgicale ou endoscopique

Après 3 jours de traitement

Poursuite des vomissementsArrêt des vomissements

C’est une sensation subjective d’inconfort respiratoireavec une impression de «soif d’air ». Comme pour la dou-leur, le patient peut en évaluer l’intensité.Les causes de la dyspnée sont essentiellement tumorales,cardiaques, infectieuses, ou métaboliques. Lorsque le trai-tement spécifique de la pathologie en cause n’est plus pos-sible, des traitements étiologiques (diurétiques, antibio-tiques, anticoagulants, corticoïdes, bronchodilatateursautres, oxygénothérapie, physiothérapie) ou symptoma-tiques peuvent être proposés. Les 2 traitements symptomatiques essentiels sont la mor-phine et les benzodiazépines. La morphine améliore la dyspnée par diminution de lasensibilité des récepteurs aux variations de PaCO2 et de laPaO2 ce qui ralentit le rythme respiratoire avec diminutionde l’espace mort. Les doses sont progressives avec, audépart, 0,5 mg/kg soit environ 2,5 mg toutes les 4 h parvoie orale (demie-dose en SC ou 1/3 dose en IV). Chez unpatient déjà sous morphine, on peut augmenter de 30% laposologie reçue par 24 h. En pratique, comme pour la dou-leur, il est préférable de donner des suppléments à lademande et de réadapter en conséquence la dose de fond.Les benzodiazépines améliorent la dyspnée par leur effetanxiolytique et, plus accessoirement, myorelaxant. Lesplus utilisés sont le diazépam (Valium), 2 à 5 mg 1 à 2fois/j per os si possible (3 gouttes à 1 % = 1 mg) ou parvoie rectale. Lorsque la voie orale n’est pas possible, lemidazolam (Hypnovel) par voie SC ou IV, est utilisé àdose progressive à partir de 0,5 à 1 mg/h en continu en res-pectant les recommandations abordées plus loin dans lessituations d’urgence (non disponible en ville).Dans tous les cas, des moyens simples de confort sont àmettre en place (présence rassurante, paroles d’explication,courant d’air frais, position semi-assise…). L’oxygènen’est à maintenir que s’il améliore la dyspnée.

5. Toux, encombrement et râles de l’agonieEn l’absence de traitement étiologique de la toux et del’encombrement, on utilise des fluidifiants, l’humidifica-tion et la kinésithérapie respiratoire associée à une éven-tuelle aspiration. Chez le patient en mauvais état généralou en phase terminale, n’ayant plus la force d’expectorer,les mesures précitées sont abandonnées au profit d’unasséchant des sécrétions, la scopolamine injectable (0,25 à0,5 mg en SC ou IV toutes les 4 ou 8 h ou en continu) ouen patch (Scopoderm, 1 à 4 patchs toutes les 72 h). C’est letraitement de référence des râles de l’agonie. En cas detoux non productive, les antitussifs sont nécessaires. Lacodéine et, si besoin, la morphine peuvent être efficaces.

6. Nutrition, hydratationIl s’agit là d’une question très importante en soins palliatifs. Il est important de comprendre que, selon l’étatdu patient, le stade évolutif de la maladie et le bilan nutri-tionnel, la stratégie est différente, allant des simplesconseils diététiques à une nutrition entérale ou parentérale.Dans tous les cas, l’alimentation orale est privilégiée. Saufcontre-indication, l’appétit peut être stimulé par une corti-cothérapie en cure courte de 10 jours de 0,25 à 0,5

Page 39: La Revue Du Praticien-Douleur,Soins Palliatifs

psychologique. Les états confusionnels doivent toujours faire rechercherune cause somatique (lésions cérébrales), métabolique(hypercalcémie), iatrogénique (opiacés forts). En l’absencede traitement étiologique possible, seule l’agitation psycho-motrice fait prescrire un neuroleptique plus ou moinssédatif (Haldol, Largactil ou Nozinan).

8. Autres symptômesL’asthénie (ou l’impression générale de fatigue), en l’ab-sence de traitement étiologique (douleur, psychasthénie,dénutrition, anémie…), peut être améliorée par une corti-cothérapie en cure courte.Les troubles trophiques sont dominés par les escarres dontla prévention est primordiale (positionnement, effleuragedes zones d’appui, matelas anti-escarres…). Selon le stadeévolutif du patient, les soins sont curatifs ou palliatifs. Onveillera à l’adaptation du traitement de la douleur. À tousles stades, les hydrocolloïdes (Duoderm, Comfeel) peu-vent être utilisés. Dans le cas des mauvaises odeurs, unanti-anaérobie peut être associé par voie locale (Flagyl). En cas de situations d’urgence (agitation terminale,hémorragie massive, accès de dyspnée aiguë, souffranceexistentielle majeure), une sédation peut être proposée.Elle fait aujourd’hui l’objet de recommandations. Lemédicament de choix est le midazolam (Hypnovel) du faitde sa demi-vie courte et de son effet sédatif dépendant dela dose. Chez l’adulte, il est utilisé en IV à raison de 0,5mg/2 à 3 min jusqu’à l’obtention de la sédation complète.Pour entretenir la sédation jusqu’au moment prévu duréveil, il faut prescrire une dose horaire égale à 50 % de ladose utile à l’induction, en perfusion intraveineuse conti-nue. Par voie sous-cutanée, l’injection de départ est de0,05 à 0,1 mg/kg.

ÉCOUTE ET SOUTIEN PSYCHOLOGIQUE,SOCIAL ET SPIRITUEL DU PATIENTET DE SON ENTOURAGE – SOUTIEN DES SOIGNANTS

Le malade

Le malade en soins palliatifs vit une crise existentielle dif-ficile, avec des deuils à faire pour accéder à une perspecti-ve différente de ce qu’il imaginait et attendait de la vie.L’espoir reste toujours présent, mais les ambitions peuventdiminuer jusqu’à parvenir parfois à l’acceptation d’une fininéluctable. On s’accorde pour dire qu’il faut maintenirl’espoir dans les limites du raisonnable, c’est-à-dire de nepas entretenir de faux espoirs ni décourager le malade. Lecode de déontologie médicale, article 35, stipule que « lemédecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ouqu’il conseille, une information légale, claire et appropriéesur son état… un pronostic fatal ne doit être révéléqu’avec circonspection…». Les « sentiments et attitudes »vécus par les patients peu-vent fluctuer selon les moments. Le patient va vivre :refus, dénégation, déni, révolte, colère, agressivité, maîtri-se (rationalisation), repli sur soi, tristesse, régression…

mg/kg/j. Il est important de toujours vérifier l’état buccalet traiter, si besoin, une lésion à ce niveau. L’hydratation des patients en phase terminale a fait l’objetde nombreuses discussions. Le consensus actuel est d’hy-drater pour prévenir confusion et agitation. Dans tous lescas, les soins de bouche sont importants et contribuent àl’absence de sensation de soif. En cas de fausse route,l’eau gélifiée est utile. Lorsque la voie orale n’est pluspossible et la voie intraveineuse difficile, la voie sous-cutanée peut être utilisée pour une hydratation de 500 mLà 1 L/24 h de solution salée isotonique, sans additiond’électrolytes, ou de glucosé à 2,5 % additionné de 4 gNaCl (un apport trop important peut aggraver l’encombre-ment bronchique terminal). Les principaux médicamentsutilisables par voie sous-cutanée sont résumés dans letableau IV.

7. Troubles neuropsychiquesL’anxiété, la tristesse, la dépression font appel, plusqu’aux médicaments, à l’accompagnement ou au soutien

Cancérologie

2283L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 2 , 5 2

Type de traitement

Continu possible

Discontinu uniquement

Anti-inflammatoiresnon stéroïdiens

Diphosphonates

Antiémétiques

Antisécrétoires(digestif,

respiratoire)

Antibiotiques

Antiulcéreux

Constipation

Diurétiques

Corticoïdes

Sédation

PrimpéranHaldol

LargactilZophren

ScopolamineBuscopan(Scoburen)

RaniplexAzantac

Lasilix

HypnovelNozinan

Profénid

Clastoban

Atropine

PénicillineRocéphine*

Amiklin

Prostigmine

SolumédrolSoludécadron

Principales thérapeutiquesutilisables par voie sous-cutanée

TABLEAU IV

* : 2 g dans 5 mL de Xylocaïne à 1 % en SC directe.

Dilution des produits :avec un soluté isotonique NaCl 9 ‰ ou du glucosé 5 %. Sauf Primpéran,uniquement avec NaCl 9 ‰.Certains produits peuvent être administrés dans la même seringue :•morphine avec tout autre produit (sauf corticoïdes) ;•morphine + Haldol + Scopolamine (ou Buscopan ou Scoburen ou atropine).

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mais aussi combativité et acceptation ou sublimation. Le climat de confiance établi par le médecin, les soi-gnants et les autres partenaires de la santé permet écouteet soutien. Le psychologue aide le patient à exprimerson vécu et à élaborer autour de ses difficultés, à repérerses mouvements défensifs, à réaménager ses liens rela-tionnels…La souffrance sociale correspond à « la peine » éprouvéepar le malade vis-à-vis de ses proches, et de ceux-ci vis-à-vis de lui. Elle correspond aussi aux difficultéssociales qu’il va vivre (activité professionnelle, ques-tions financières, maintien au domicile). Les soignants,psychologue, assistante sociale, bénévoles vont interve-nir selon les besoins. La souffrance spirituelle réside dans le questionnementdouloureux que se pose le patient sur le sens de sa vie etde la vie, en général. Il s’agit de l’ouverture de la per-sonne à un au-delà de lui-même, à une réalité qui dépas-se l’individu. La religion, la philosophie et l’art sont desmoyens de vivre cette dimension spirituelle de l’être.L’originalité des soins palliatifs est de faire du soutienspirituel l’un des rôles des soignants et des médecins. Ilest donc important de savoir repérer cette souffrance, sesituer en attitude d’écoute et si le malade y consent, faireappel à la collaboration des bénévoles ou d’un représen-tant du culte.

Les familles

Elles sont éprouvées par la souffrance de leur proche,par les réaménagements nécessaires aux changementsimposés par la maladie et par la prise de conscience dela séparation à venir. Elles sont, elles aussi, confrontéesà la perte et à l’épuisement (aussi bien psychologiqueque physique), particulièrement lorsque le patient resteau domicile. Les possibles décalages entre ce que sait lepatient et ce que sait la famille, ce que vit le patient ouce que vit la famille, créent autant de difficultés supplé-mentaires. Le soutien des familles, apporté par leséquipes médicales et soignantes, l’assistante sociale etle psychologue, trouve toute sa place. Il s’agit d’ameneraussi bien des solutions concrètes, qu’un espace d’écou-te. Cette écoute peut être poursuivie après le décès dupatient, accompagnant ainsi le nécessaire travail dedeuil.

Les soignants

Tous les professionnels de la santé engagés autour despatients et de leurs proches sont, eux aussi, confrontés àleurs propres questionnements et difficultés. Laconscience de ne plus pouvoir guérir et de voir souffrirpeut être la source de désarroi, de culpabilité et d’angoisse. Pour cela, le soignant doit aussi pouvoirs’exprimer et être soutenu, d’où l’importance desréunions d’équipe au sein des services de soins ou entreprofessionnels libéraux. Il est aussi possible de mettreen place des groupes de parole animés par un psycho-logue généralement extérieur au service et ouverts àtous les professionnels.

TRAVAIL EN ÉQUIPE PLURIDISCIPLINAIREET PLACE DES BÉNÉVOLES

L’équipe pluridisciplinaire associe différents professionnels(médecins, psychologue, infirmière, aide-soignante, masseur-kinésithérapeute, assistante sociale, secrétaire médicale).Leur partenariat dépasse la simple juxtaposition de compé-tences complémentaires. L’interdisciplinarité qui résultede ces interrelations nécessite un investissement en réunionset temps de réflexion communs, indispensables à l’élabora-tion des problèmes rencontrés. Chaque professionnel estresponsable dans sa fonction spécifique. La dimensionhiérarchique reste pour autant nécessaire au fonctionnementde l’équipe et à sa représentation intra- et extrahospitalière.L’interdisciplinarité peut cependant présenter des difficultés,voire des risques, dont celui du chevauchement des rôlesoù finalement on ne sait plus qui fait quoi. Il s’agit doncd’un processus qui n’est jamais acquis une fois pour toutes.Il peut aussi dévoiler des fragilités mises en exergue parl’angoisse de mort favorisée par les problématiques ren-contrées en soins palliatifs. Enfin, l’interdisciplinaritéreprésente aussi la possibilité d’apaiser le stress lié à laconfrontation au processus du mourir.Les bénévoles formés à l’accompagnement de la fin de vievont «apporter leur concours à l’équipe de soins en parti-cipant à l’ultime accompagnement du malade et enconfortant l’environnement psychologique et social dumalade et de son entourage » (loi 99-477 du 9 juin 1999).Leur intervention, particulièrement en institution, permet de moins médicaliser la mort. Ils représentent lacommunauté sociale à l’hôpital. La présence de bénévoleset leur mode de collaboration avec les équipes restentinégaux d’un lieu à l’autre. Dans tous les cas, ils appar-tiennent à des associations qui se dotent d’une charte et quiorganisent leur intervention dans des établissements desanté (convention), ou à domicile.

ASPECTS RÉGLEMENTAIRES,DÉONTOLOGIQUES, JURIDIQUES ET ÉTHIQUESDES SOINS PALLIATIFS

Lois et circulaires – Code de déontologie

Depuis la loi du 3 juillet 1991, les soins palliatifs font par-tie des missions du service public hospitalier au mêmetitre que les soins préventifs et curatifs. La loi no 99-477 du 9 juin 1999 (v. Pour approfondir) est venuegarantir le droit du malade à l’accès aux soins palliatifs.Parmi les avancées considérables qu’elle amène, citons lareconnaissance du droit de la personne malade de s’oppo-ser à toute investigation ou thérapeutique, droit précisé denouveau dans la loi no 2002-303 du 4 mars 2002 relativeaux droits des malades et à la qualité du système de santé.Lorsque le patient n’est plus en mesure de donner sonconsentement éclairé, la famille doit être concertée (art.36, art. 42 du code de déontologie) «mais elle ne doit pasporter le poids de la décision qui reste une décision médi-cale». Citons aussi le droit à un congé d’accompagnement

S O I N S PA L L I AT I F S P L U R I D I S C I P L I N A I R E S C H E Z U N M A L A D E E N F I N D E V I E …

2284 L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 2 , 5 2

Page 41: La Revue Du Praticien-Douleur,Soins Palliatifs

• Le principe d’autonomie : chaque personne a le droitde prendre les décisions qui la concernent, et d’abord celled’accepter ou de refuser le traitement qui lui est proposé.De ce principe découle le devoir d’informer le patient etde recueillir son consentement.• Le principe de proportion : une thérapeutique n’estjustifiée que si sa mise en route et ses effets sont «proportionnés» au bien qu’en tirera le patient. • Le principe de futilité : une thérapeutique est sansobjet quand elle n’apporte aucun bénéfice au patient ; il estalors justifié de l’arrêter. L’euthanasie, en tant que mort délibérément provoquéedans le but de mettre un terme à la souffrance du malade,n’est pas un acte de soins. Les soins palliatifs, par le soula-gement et l’accompagnement qu’ils apportent tentent deréduire les situations de souffrance extrême où peut surgircette question.

MODALITÉS ORGANISATIONNELLES DES SOINSPALLIATIFS EN FRANCE

Les principes de l’organisation des soins palliatifs et l’ac-compagnement en établissement et à domicile sont claire-ment posés dans la circulaire 2002/98 permettant un déve-loppement des soins palliatifs avec l’aide des Agencesrégionales d’hospitalisation et des Unions régionales desCaisses d’assurance-maladie.Les différents types de structures existants, dont les 2 principales sont les USP et EMSP, sont amenés à s’ins-crire progressivement dans un fonctionnement en réseauafin d’assurer l’indispensable continuité de la prise encharge du patient entre le domicile et les établissements desanté (tableau V).

Remerciements à Mme Francesca Comandini (psychologue de l’équipe).

(temps plein, temps partiel ou fractionné) d’une personneen fin de vie, d’une durée maximale de 3 mois, mais nonrémunéré. Les professionnels de santé sont dans l’obligation de seformer en soins palliatifs. Pour la profession médicale,l’arrêté du 4 mars 1997 rend obligatoire l’enseignementdes soins palliatifs au cours du 2e cycle. Le code de déon-tologie rappelle les devoirs des médecins en matière d’in-formation et d’assistance au patient : selon l’article 37, «entoute circonstance le médecin doit s’efforcer de soulagerles souffrances de son malade, l’assister moralement etéviter toute obstination déraisonnable dans les investiga-tions ou les thérapeutiques » et selon l’article 38, « Lemédecin doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniersmoments, assurer par des soins et des mesures appropriéesla qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignitédu malade et réconforter son entourage. Il n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort. ». Ce dernier point est clairement précisé dans les articles 295et suivants du Code pénal.

Éthique et fin de vie

De nombreuses situations de fin de vie posent des questions éthiques, comme celle de l’obstination thérapeu-tique déraisonnable (ou «acharnement thérapeutique»), del’euthanasie, de l’information du patient et de son consen-tement aux soins. En pratique, il s’agit de tout faire poursoulager et soulager vite (principe de bienfaisance), et desavoir choisir entre « que faire » et « que ne pas faire »pour ne pas nuire (principe de non-nuisance). La réflexionet les décisions que de telles questions soulèvent et quiengagent la responsabilité du médecin, devraient s’ap-puyer sur les principes éthiques suivants proposés parl’Organisation mondiale de la santé et l’Association euro-péenne pour les soins palliatifs.

Cancérologie

2285L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 2 , 5 2

Structures Définition Établissement Domicile

Unité d’hospitalisation Unités dédiées à la pratique des soins palliatifs et à l’accompagnement. Xde soins palliatifs (USP) Réservées aux situations les plus difficiles

Équipe mobile de soins Équipe mobile pluridisciplinaire se déplaçant au lit du patient ou recevant X Xpalliatifs (EMSP) en consultation. Rôle d’évaluation, de conseils et de soutien.

Lits identifiés Lits accueillant des patients en soins palliatifs en dehors d’une USP. XPermettent la reconnaissance d’une activité de soins palliatifs pour un service,un établissement, et pouvant donner lieu à une dotation de moyens adaptée

Réseau de soins Le réseau a pour objectif de mobiliser et de mettre en lien des ressources sanitairesX Xpalliatifs et sociales sur un territoire donné autours des besoins des personnes

Soins à domicile Assurés par un service d’hospitalisation à domicile, un centre de soins ou une équipe Xlibérale. Peuvent bénéficier du soutien d’un réseau et (ou) d’une EMSP.

Modalités organisationnelles des soins palliatifs en France selon la circulaire 2002/98

TABLEAU V

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S O I N S PA L L I AT I F S P L U R I D I S C I P L I N A I R E S C H E Z U N M A L A D E E N F I N D E V I E …

2286 L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 2 , 5 2

• Toute personne malade dont l’état le requiert, a le droit d’accéder à des soins palliatifs et d’accompagnement (loi du 9 juin 1999).

• La transition progressive des soins curatifs vers les soins palliatifs est une démarche pluridisciplinaire qui demande une réadaptationpermanente du projet évitant toute rupture et tout sentiment d’abandon.

• Les soins palliatifs s’efforcent de traiter la douleur et les symptômes pénibles, par une démarche clinique et thérapeutiquerigoureuse. Ils offrent un soutien au patient et à son entourage. Ils reconnaissent aussi la souffrance des équipes soignantes et encouragent à l’interdisciplinarité et au soutien des professionnels .

• Les nombreuses questions éthiques rencontréesen fin de vie imposent au clinicien réflexion et concertation, indispensables à une décisionmédicale respectueuse du patient, de l’éthiqueet de la déontologie.

Points Forts à retenir

Manuel de soins palliatifs. Ouvrage coordonné par DominiqueJaquemin. Paris : Dunod, 2001 : 776 p.

Sang B, Laval G. Les principales thérapeutiques médicamenteusesen soins palliatifs. Paris : Sauramp Médical, 2001 : 162 p.

Groupe de travail « Sédation en fin de vie » coordonné par V. Blanchet : La sédation pour détresse respiratoire en phase terminale. Recommandations de la Société française d’accompa-gnement et de soins palliatifs. 8e congrès national de la SFAP,Lille, 27, 28, 29 juin 2002.

Monographie. Fin de vie : Soins palliatifs et accompagnement.Rev Prat 1999 ; 49 : 1041-88.

Saunders C, Baines M. La vie aidant la mort. Traduction MichèleSalamagne. Niort : Medsi, 1986 : 102 p.

Programme national de développement des soins palliatifs 2002-2005. Ministère de l’Emploi et de la solidarité, ministère délégué àla Santé, février 2002 : 48 p.

www.sante.gourv.fr

Ruzniewski M. Face à la maladie grave, patients, familles, soignants.Privat : Dunod, 1995 ; 15-58 : 157-94.

POUR EN SAVOIR PLUS

Synthèse de la loi du 9 juin 1999(programme national de développement des soins palliatifs 2002-2005)

La loi du 9 juin 1999 assure aux soins palliatifs une assise légale et undéveloppement pérenne.

Elle comporte :◗ l’établissement du droit d’accéder aux soins palliatifs et à un accom-

pagnement pour toute personne dont l’état le requiert ;◗ la définition des soins palliatifs et de leurs lieux de pratique ;◗ la reconnaissance du droit de la personne malade de s’opposer à

toute investigation ou thérapeutique ;◗ la nécessité de l’inscription des soins palliatifs dans les schémas

régionaux d’organisation sanitaire ;

◗ l’obligation faite à tous les établissements publics et privés de développerune réponse en matière de soins palliatifs et de lutte contre la douleur ;les centres hospitalo-universitaires ont en outre à assurer une missiond’enseignement, en liaison avec les autres établissements de santé,et une mission de recherche ;

◗ l’insertion de la thématique des soins palliatifs dans le programmede médicalisation du système d’information ;

◗ l’annonce de conditions particulières de rémunération en faveur desprofessionnels libéraux ou salariés des centres de santé pratiquantdes soins palliatifs à domicile ;

◗ la reconnaissance du rôle des bénévoles d’accompagnement, forméset appartenant à des associations invitées à signer une conventionavec les établissements de santé, publics ou privés,ou les établissementssociaux et médico-sociaux ;

◗ le droit donné aux proches de bénéficier d’un congé ou d’une réductiond’activité pour l’accompagnement d’une personne en fin de vie.

POUR APPROFONDIR

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PARTIE 1 / MODULE 6DOULEUR - SOINS PALLIATIFS

ACCOMPAGNEMENT

Q 66

Pr Bernard BannwarthService de rhumatologie, groupe hospitalier Pellegrin & laboratoire de thérapeutique, Université Victor Segalen, Bordeaux

[email protected]

MÉDICAMENTS ANTALGIQUES

Ils regroupent l’ensemble des médicaments symptomatiquescapables de soulager les douleurs par excès de nociception,quelle qu’en soit l’origine, sans induire d’anesthésie, ni altérer laconscience du malade. On les scinde en 2 catégories, selon qu’ilsagissent ou non par le biais des récepteurs opioïdes.

ANTALGIQUES NON OPIOÏDES

Cette classe comprend le paracétamol, les anti-inflammatoi-res non stéroïdiens (AINS), la floctafénine, le métamizole (nora-midopyrine, selon la dénomination française) et le néfopam.Mais ces 3 derniers produits ont un rôle accessoire :l la floctafénine (Idarac) expose à des accidents allergiques

(urticaire, bronchospasme, œdème de Quincke, choc), favoriséspar les prises itératives – qui sont dès lors déconseillées ;

l le métamizole (qui entre dans la composition de l’Optalidonou de la Viscéralgine Forte) est réservé aux échecs d’autresantalgiques moins nocifs, vu ses complications, rares, maisgravissimes (agranulocytose, choc anaphylactique) ;

l le néfopam (Acupan) n’est disponible qu’en solution injecta-ble. Sa tolérance est en outre médiocre, à cause de ses pro-priétés anticholinergiques notamment.

1. Paracétamol Le paracétamol (Dafalgan, Doliprane) est l’antalgique-antipy-

rétique le plus consommé dans le monde, d’autant qu’il peut êtredélivré sans ordonnance.

iOBJECTIFSi

Argumenter la stratégie de prise en charge globale d’une douleuraiguë ou chronique chez l’adulte.

Prescrire les thérapeutiques antalgiques médicamenteuses (P) et non médicamenteuses.

Évaluer l’efficacité d’un traitement antalgique.

POINTS FORTS

> Le traitement des douleurs est toujours symptomatiqueet, si possible, étiologique (infections, fractures et pathologies tumorales surtout).

>La stratégie thérapeutique doit être personnalisée enfonction :

- des caractéristiques de la douleur, c’est-à-dire de sesmécanismes générateurs (excès de nociception, origineneurogène, composante psychique), de son intensité et de son retentissement, fonctionnel et émotionnel ;

- du syndrome ou de l’affection en cause, susceptible de réclamer des mesures pharmacologiques ou non médicamenteuses propres ;

- du terrain physiopathologique du malade (antécédents,comorbidités, médicaments en cours).

>Si chaque syndrome ou affection nécessite une prise encharge globale particulière, il existe toutefois des moyenset des principes thérapeutiques communs à tous les étatsdouloureux.

à comprendre

Thérapeutiques antalgiques, médicamenteuses

et non médicamenteuses

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Le paracétamol se présente sous diverses formulations galé-niques orales (comprimés simples ou effervescents, gélules,lyocs…) qui permettent une absorption complète et rapide àjeun. La résorption des suppositoires est plus lente et plus irré-gulière. Il existe enfin une solution pour perfusion intraveineuse(Perfalgan). Le paracétamol est éliminé dans les urines après unmétabolisme hépatique qui consiste en une glucuro-conjugai-son et, dans une moindre mesure, en une sulfo-conjugaison auxdoses thérapeutiques. Au-delà, une voie oxydative prend de l’im-portance, qui aboutit à la libération d’un dérivé réactif cyto-toxique, neutralisé par le glutathion. Mais ce système de détoxi-cation est débordé après une ingestion massive de paracétamol(� 10 g habituellement) : pour éviter l’évolution vers une hépa-tite aiguë cytolytique, il faut administrer dans les 8 à 10 heuressuivant l’intoxication, de la N-acétylcystéine qui pallie le manquede glutathion endogène.

Aux posologies usuelles, le paracétamol induit parfois unedyspepsie et des douleurs abdominales ; mais il ne provoque pasd’ulcère gastroduodénal. Les hépatites sont exceptionnelles,généralement favorisées par le terrain du patient (alcoolismechronique, dénutrition). Les manifestations allergiques (urtica-ire, thrombopénie…) sont rares, et le risque d’intolérance croiséeavec l’aspirine et autres AINS, est faible. Bien que le paracétamoln’interfère pas avec l’hémostase et qu’il soit peu susceptibled’interagir avec les anticoagulants, un contrôle de l’INR (Interna-tional Normalized Ratio) se justifie 3 ou 4 jours après son intro-duction ou son arrêt chez les sujets sous antivitamine K.

L’emploi du paracétamol est interdit dans l’insuffisance hépa-tique et l’hypersensibilité connue au produit. Il est en revancheautorisé pendant l’allaitement et au cours de la grossesse, enl’absence d’effet tératogène avéré chez l’homme.

La dose unitaire optimale est de 1 g chez l’adulte ; elle peutêtre renouvelée au bout d’un minimum de 4 heures, sans dépas-ser 4 g/j. Dans l’insuffisance rénale sévère (clairance de la créa-tinine � 10 mL/min), il faut respecter un intervalle de 8 heures aumoins entre deux prises (� 3 g/j).

2. Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)Tous les AINS sont antipyrétiques et antalgiques et tous inhi-

bent la composante vasculaire de la réaction inflammatoire,responsable de la classique tétrade : œdème, douleur, rougeur,chaleur. Mais leurs indications thérapeutiques varient d’une spé-cialité à l’autre selon :l le rapport bénéfice/risque de chacune ;l les essais cliniques entrepris et leurs résultats lors de la

demande d’AMM (Autorisation de mise sur le marché).En pratique, il convient de consulter le dictionnaire Vidal pour

connaître le libellé exact des indications reconnues à chaqueproduit même si, schématiquement, l’éventail des indicationss’élargit depuis les AINS de la liste I (affections rhumatologiquesdouloureuses et invalidantes) aux AINS de la liste II (indicationsrhumatologiques et extra-rhumatologiques) et, finalement, auxAINS commercialisés comme antalgiques-antipyrétiques (dévo-lus aux douleurs légères à modérées d’origine diverse et auxétats fébriles). Ces derniers se caractérisent par la limitation deleur dose unitaire ou quotidienne (tableau 1). Ils ont ainsi l’avan-tage d’entraîner peu de complications dose-dépendantes, enparticulier digestives ou rénales. Ils partagent néanmoins lesprécautions d’emploi et les contre-indications de leur classeainsi que les risques potentiels de tout AINS.

ANTALGIQUES OPIOÏDES

Leur polymorphisme pharmacologique résulte de :l la pluralité fonctionnelle des récepteurs opioïdes, dont on

décrit 3 grands types : mu (µ), kappa (κ) et delta (δ) ;l la diversité des interactions ligand-récepteur, amenant à

considérer des agonistes purs, des agonistes mixtes ou ago-nistes-antagonistes et des antagonistes purs. La buprénor-phine (Temgésic) se singularise par son effet agoniste µ par-tiel – qui limite son activité antalgique (« effet plafond »).Rappelons qu’administré seul, un antagoniste pur n’a pasd’action ; il s’oppose en revanche à celle d’un agoniste prisconcomitamment de sorte qu’il sert d’antidote lors d’un sur-dosage morphinique. On peut également classer ces médicaments en fonction de

leur pouvoir analgésique ; ainsi, l’Organisation mondiale de lasanté (OMS) distingue : l les opioïdes pour les douleurs faibles à modérées, qui sont

DOULEUR - SOINS PALLIATIFSACCOMPAGNEMENT

Thérapeutiques antalgiques, médicamenteuses et non médicamenteuses

Principaux AINS également commercialisés comme antalgiques-antipyrétiquesTableau 1

Dénomination com-mune internationale

acide acétylsalicylique

ibuprofène

kétoprofène

naproxène sodique

Dénominationcommerciale

Aspégic

Brufen

Profénid

Apranax

Dose quotidienne maximale

3 à 6 g

2 400 mg

300 mg

1 100 mg

Dénominationcommerciale

Aspirine du Rhône

Advil

Toprec

Aleve

Dose unitaire

500 mg

200 mg

25 mg

220 mg

Dose quotidienne maximale

3 g (sujet âgé : 2 g)

1200 mg

75 mg

660 mg

Liste

néant

II

II

II

Liste

néant

néant

néant

II

* spécialité commercialisée comme AINS dans les indications rhumatologiques et extra-rhumatologiques.

AINS ANTALGIQUES ANTIPYRÉTIQUES AINS*

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L A R E V U E D U P R A T I C I E N / 2 0 0 3 : 5 3 1821

communément appelés « opioïdes faibles », tels que lacodéine, la dihydrocodéine, le dextropropoxyphène et le tra-madol (tableau 2) ;

l les opioïdes pour les douleurs modérées à sévères ou « opioïdes forts », comme la morphine, l’oxycodone etl’hydromorphone. Ils sont inscrits à la liste des « substancesvénéneuses » en tant que « stupéfiants » : leur prescription,sur une ordonnance sécurisée, ne peut excéder 28 jours.

1. Effets pharmacodynamiques Ils sont à la fois dose-dépendants, avec néanmoins d’impor-

tantes variations individuelles pour une posologie donnée, etsujets à un phénomène de tolérance ou d’accoutumance, consti-pation et myosis mis à part. La morphine nous sert de référence. ✓ Action antalgique : la morphine diminue la perception de ladouleur en inhibant la transmission et l’intégration du messagenociceptif grâce à un triple impact, spinal, supra-médullaire, et,dans une moindre mesure, périphérique. Elle inhibe en outre lesréactions végétatives et émotionnelles à la douleur. La mor-phine est particulièrement efficace sur les douleurs par excès denociception, surtout si elles sont sourdes et continues, alors queles douleurs neuropathiques sont moins sensibles à son action. ✓ Effets neuropsychiques : ils sont dominés par la sédation (ralen-tissement idéatoire, somnolence, baisse de la vigilance). On noteaussi des manifestations psychodysleptiques qui se traduisentgénéralement par une indifférence aux sensations désagréa-bles (y compris à la douleur), un état de bien-être ou d’euphorie,et parfois par une dysphorie (anxiété, frayeurs, cauchemars).Vertiges, confusion et troubles cognitifs sont également rappor-tés. Des myoclonies peuvent survenir aux fortes doses. ✓ Dépression respiratoire : précédée par la somnolence, véritablesigne d’alerte, la dépression respiratoire (inaugurée par une bra-dypnée) est la marque d’un surdosage. Elle ne s’observe pasquand la posologie de morphine est adaptée au terrain dupatient et à l’intensité du syndrome algique, les influx nociceptifsjouant un rôle protecteur en stimulant la ventilation. Bien qu’ellesoit indépendante de l’effet dépresseur respiratoire, mention-

nons l’action antitussive, gênante en cas de bronchopneumopa-thie chronique. ✓ Effets digestifs : la morphine induit des nausées ou des vomis-sements par son action sur la chemoreceptor trigger zone et lesfibres musculaires lisses. Elle renforce les contractions segmen-taires provoquant une hypertonie du pylore, qui retarde lavidange gastrique, et du sphincter d’Oddi, généralement asymp-tomatique. Elle déprime, en revanche, les ondes intestinales pro-pulsives, d’où une constipation opiniâtre, à laquelle contribuentla réduction des sécrétions digestives et l’inhibition du réflexede défécation. ✓ Effet sur l’appareil urinaire : l’hypertonie du sphincter externede la vessie est à l’origine d’épisodes de rétention urinaire chezdes sujets prédisposés (adénome de la prostate). ✓ Effets cutanéo-muqueux : il s’agit surtout de xérostomie, pruritet, parfois, de sueurs profuses. ✓ Tolérance et dépendance : la tolérance aux propriétés antal-giques de la morphine, les seules intéressantes en clinique, sedéveloppe bien plus lentement qu’à la plupart de ses autreseffets (constipation et myosis exceptés). Il s’ensuit que les mani-festations indésirables s’amendent habituellement en 5 à 10jours lors d’un traitement continu à posologie constante, cepen-dant que l’analgésie se maintient. L’emploi de morphine au-delàde 10 à 20 jours s’accompagne d’une dépendance physique,c’est-à-dire du risque d’un syndrome de sevrage à l’arrêt brutaldu médicament ou l’administration d’un antagoniste (naloxone,Narcan). Pour l’éviter, il est nécessaire et suffisant de réduireprogressivement les doses. Quant à la dépendance psychique ouassuétude (« addiction »), elle correspond à une envie irrépres-sible de se procurer une substance pour en ressentir les effetspsychiques ; elle ne se rencontre pas quand la morphine est utili-sée dans la douleur cancéreuse.

2. Caractéristiques des principaux antalgiques opioïdes

Les antalgiques opioïdes les plus communément utilisés enpratique sont des agonistes µ, d’où la similitude de leur profil

Principaux « opioïdes faibles » destinés à l’adulte (voie orale)Tableau 2

* uniquement disponible en association à un autre antalgique.

DCI

Codéine *

Dextropropoxyphène* (D-propoxyphène)

Dihydrocodéine

Tramadol

SPÉCIALITÉ(EXEMPLES)

Dafalgan-CodéineLindilane

Codoliprane

Di-AntalvicPropofan

Dicodin LP

Topalgic Zamudol LP

DOSES UNITAIRES

paracétamol 500 mg + codéine 30 mgparacétamol 400 mg + codéine 25 mgparacétamol 400 mg + codéine 20 mg

paracétamol 400 mg + D-propoxyphène 30 mgparacétamol 400 mg + D-propoxyphène 27 mg

+ caféine 30 mg

60 mg

50 mg50 mg, 100 mg, 150 mg, 200 mg

DURÉE D’ACTION MOYENNE

4 à 6 heures4 à 6 heures4 à 6 heures

4 à 6 heures4 à 6 heures

12 heures

4 à 6 heures12 heures

POSOLOGIE QUOTIDIENNE MAXIMALE

6 comprimés6 comprimés6 comprimés

6 gélules6 comprimés

2 comprimés

8 gélules400 mg

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pharmacodynamique. Aux doses équi-analgésiques, ces médi-caments entraînent des effets secondaires grossièrement com-parables en intensité et en fréquence à l’échelle d’une popula-tion. Mais, individuellement, il existe des différences desensibilité à une molécule donnée. Cette notion fonde le conceptde « rotation des opioïdes ». En d’autres termes, il est légitimed’essayer un autre opioïde fort quand la morphine est inefficaceou mal supportée par un malade.✓ Codéine ou méthylmorphine : opioïde faible de référence pourl’OMS, son action antalgique est attribuée à sa transformationen morphine. Environ 10 % des sujets de race blanche ne possè-dent pas l’enzyme assurant cette conversion métabolique et,partant, ne répondent pas à ce médicament. Ils sont en revanchesusceptibles d’être soulagés par la dihydrocodéine (Dicodin LP60 mg) – qui produit le même effet que 60 mg de codéine. Entant qu’analgésique, la codéine est uniquement commercialiséeen association avec d’autres antalgiques, le paracétamol sur-tout, les doses unitaires de ces 2 principes actifs étant très varia-bles d’une spécialité à l’autre. Il semble que les combinaisons 25-30 mg de codéine pour 500 mg de paracétamol réalisent lemeilleur rapport bénéfice/risque. Aux posologies quotidiennesmaximales de codéine (180 mg, équivalents à environ 20-30 mgde morphine per os), des effets indésirables opioïdergiques(constipation, nausées, vomissements, vertiges, somnolence)sont relativement fréquents.✓ Dextropropoxyphène : il est systématiquement associé au para-cétamol. Sa posologie quotidienne est limitée à 180 mg. À cesdoses, il est peu efficace, mais en contrepartie, il induit peu d’ef-fets secondaires opioïdergiques. Une spécialité renferme enoutre de la caféine (Propofan), censée renforcer l’activité antal-gique, ce qui est controversé. Le dextropropoxyphène expose àdes complications particulières : hypoglycémie chez la personneâgée ou l’insuffisant rénal, et hépatite cholestatique. ✓ Tramadol : Son effet antalgique résulte de son activité agonisteµ et d’une inhibition de la recapture de mono-amines (noradré-naline, sérotonine) dans la moelle, déprimant ainsi la transmis-sion des impulsions nociceptives. C’est le plus efficace des opioï-des faibles : per os, sa puissance est de l’ordre de 1/6 à 1/4 de cellede la morphine per os ; ainsi, 100 mg de tramadol sont équi-anal-gésiques à 15-25 mg de morphine environ. Les formes orales detramadol sont à libération immédiate (Topalgic 50 mg), efficacespendant 4 à 6 heures, ou prolongée, requérant 2 prises journa-lières, dont la gamme la plus étendue est proposée par le Zamu-dol LP (50 mg, 100 mg, 150 mg et 200 mg). Il existe une solutionpour la voie intraveineuse (Topalgic 100 mg/2 mL), surtout desti-née aux douleurs postopératoires.Corollaire de son efficacité, c’est aussi l’opioïde faible qui pro-voque le plus d’effets secondaires morphiniques aux posologiesusuelles (� 400 mg/j), en particulier vertiges, nausées, consti-pation, somnolence. Il est également susceptible d’entraîner despalpitations, une hypotension orthostatique, voire un collapsus.✓ Morphine : un effet de premier passage hépatique limite sa bio-disponibilité par voie orale (20 à 30 % en moyenne). Mais si onopte pour la voie orale après quelques jours de traitement parvoie parentérale, il suffit généralement de doubler la posologie

en raison de l’apparition de métabolites actifs. Les deux dérivéscommercialisés en France sont :l le chlorhydrate de morphine, solution qui s’administre per os

ou en injection sous-cutanée, voire intraveineuse toutes les 4heures ;

l le sulfate de morphine, vendu en gélules ou en comprimés àlibération immédiate (Actiskenan, Sevredol), actifs pendant 4heures, ou à libération prolongée, actifs pendant 12 heures(Skenan LP, Moscontin) ou 24 heures (Kapanol LP), enmoyenne.

✓ Hydromorphone (Sophidone LP) et oxycodone (Oxycontin LP) : cesont deux opioïdes forts réservés à la douleur cancéreuse. Cesspécialités à libération prolongée s’administrent toutes les 12heures. Elles sont surtout employées dans le cadre de la « rota-tion » des opioïdes chez les malades résistants ou intolérants àla morphine – dont elles partagent l’ensemble des caractéris-tiques pharmacologiques. Le rapport des doses équi-analgé-siques entre morphine d’une part, hydromorphone et oxyco-done d’autre part, est là encore très variable d’un sujet à l’autre :on conseille de diviser la posologie journalière de morphineorale par 7 ou 2, quand on lui substitue la sophidone ou l’oxyco-done, respectivement.

3. Interactions médicamenteuses L’association d’un opioïde à tout autre médicament dépres-

seur du système nerveux central (benzodiazépines, neurolep-tiques, barbituriques, certains antidépresseurs et antihistami-niques H1…) ou à l’alcool risque de majorer leur effet sédatif et ladépression respiratoire.

On se garde de coprescrire différents opiacés, antitussifs ycompris. On évite ainsi des associations aberrantes entre ago-nistes purs et mixtes.

Des syndromes sérotoninergiques ont été rapportés en casde prise concomitante d’un IMAO et de certains opioïdes. Cerisque existe notamment avec le tramadol, qui favorise en outreles convulsions sous antidépresseurs et antipsychotiques, enabaissant le seuil épileptogène.

4. Contre-indications et précautions d’emploiL’allergie au principe actif ou à un excipient, l’insuffisance

hépatique sévère et l’allaitement constituent les principalescontre-indications communes aux divers opioïdes. Certainsétats pathologiques (insuffisance respiratoire, dysurie urétro-prostatique, épilepsie, hypertension intracranienne…) et asso-ciations médicamenteuses (v. supra) réclament une vigilanceparticulière. Rappelons aussi que tous les dérivés morphiniquespeuvent induire une réaction positive lors d’un contrôle antido-page chez le sportif.

5. Prescription des opioïdes forts La morphine est l’opioïde fort de référence. Autant que pos-

sible, on utilise la voie orale, la plus commode et la plus confor-table. La dose initiale est de l’ordre de 0,5 à 1 mg/kg/j, soit enpratique de 10 mg de morphine à libération immédiate en relaisd’un opioïde faible, ou 5 mg dans le cas contraire, à renouveler

DOULEUR - SOINS PALLIATIFSACCOMPAGNEMENT

Thérapeutiques antalgiques, médicamenteuses et non médicamenteuses

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toutes les 4 heures. Ces doses sont réduites de moitié chez lespatients « fragiles » (personnes âgées, insuffisants rénaux ouhépatiques…) en raison de leur grande sensibilité aux effetscentraux et digestifs des opioïdes. Deux attitudes sont ensuiteenvisageables : l classiquement, on fait le point au bout de 24 heures : si le sou-

lagement est insuffisant, on majore la posologie quotidiennede 50 % (sauf si les effets secondaires incitent à une augmen-tation plus prudente) jusqu’à atteindre la posologie efficace ;

lon prévoit d’emblée des « interdoses » ou doses de secours,égales à 1/10 à 1/6 de la dose quotidienne programmée, en lesespaçant également de 4 heures. Ces interdoses complètentau besoin le traitement prévu. Les doses unitaires du lende-main seront ajustées en fonction de la dose totale reçue laveille, jusqu’à obtention de l’analgésie.Quand la douleur est maîtrisée, la morphine à libération

immédiate est remplacée par une forme LP, à laquelle on ajoutede la morphine à libération immédiate pour les éventuels accèsdouloureux (« douleurs incidentes »). À noter que certainsemploient les formes LP dès le départ, en commençant par uneposologie journalière identique. Cela se conçoit notammentdans les douleurs chroniques cancéreuses – sauf chez lesmalades « fragiles » chez qui il est préférable de démarrer avecla morphine à libération immédiate dont la maniabilité facilitel’ajustement posologique (« titration »).

En cas d’échec dû à une « morphino-résistance », une perted’efficacité ou des effets indésirables sévères incontrôlables, onessaie un autre opioïde fort. Il est nécessaire de lutter contre laconstipation tout au long du traitement : en plus des conseils diété-tiques (hydratation importante, régime riche en légumes et fruits),on prescrit un laxatif osmotique (lactulose, Duphalac) associé, aubesoin, à un laxatif péristaltique (cascara, Péristaltine). La sur-veillance du transit reste néanmoins indispensable : l’absence deselles depuis 3 jours doit faire rechercher un fécalome. Les nau-sées et les vomissements étant plus inconstants, leur préventionsystématique n’est pas impérative ; le cas échéant, on administreun neuroleptique anti-émétique comme le métoclopramide (Prim-péran) ou l’halopéridol (Haldol Faible). La somnolence oblige par-fois à diminuer les doses de l’opioïde ; en toute hypothèse, onattend sa disparition avant d’augmenter la posologie. Ces manifes-tations ne sont pas toujours secondaires à la prise de l’antalgique :il faut donc évoquer une autre origine surtout si, constipation miseà part, elles ne cèdent pas en 5 à 10 jours.

THÉRAPEUTIQUES NON MÉDICAMENTEUSES

Les traitements non pharmacologiques visent à compléter,renforcer ou relayer l’action des médicaments. De très nom-breuses techniques sont proposées, au rôle parfois controversé(acupuncture) ou limité à des situations particulières (manipula-tions vertébrales, radiothérapie, chirurgie curative ou palliative,thérapies comportementales ou psychiques telles que hypnoseet relaxation). Nous n’envisagerons ici que les modalités les pluscouramment utilisées.

PHYSIOTHÉRAPIEElle regroupe l’ensemble des traitements par agents phy-

siques délivrant de l’énergie à visée antalgique ou anti-inflam-matoire.

1. Thermothérapie, hydrothérapie et cryothérapie La chaleur, surtout si elle est apportée par l’eau (hydrothéra-

pie) exerce une action décontracturante et sédative, notammentsur les douleurs d’origine musculaire. La balnéothérapie conju-gue cette action à l’effet portant de l’immersion qui favorise la rééducation chez le patient douloureux. La balnéothérapie estpar ailleurs l’une des composantes de la cure thermale. La thermothérapie consiste à appliquer de la chaleur sur la zonedouloureuse à l’aide de bains, d’enveloppements ou de paraffine.Le recouvrement par un film de paraffine chaude est proposépour soulager les articulations des mains et faciliter leur mobili-sation au cours de la polyarthrite rhumatoïde.

La cryothérapie par application locale (compresses, vessie deglace, sprays réfrigérants) ou en massage (cubes de glace) entraîneune analgésie rapide, notamment lors des atteintes inflammatoiresaiguës et post-traumatiques (contusion, entorse, fracture).

2. RayonnementsUltrasons, ondes courtes (appelées « électromagnétiques »)

et laser sont largement employés en kinésithérapie où ils ontsupplanté les infrarouges dont l’effet thermique s’exerce uni-quement en surface. Mais les preuves manquent pour entérinerleur usage. Certains travaux tendent néanmoins à accréditerl’intérêt des ultrasons dans les tendinopathies et les séquellesd’entorse, et de l’émission pulsée d’ondes courtes dans l’ar-throse symptomatique.

3. ÉlectrothérapieEn l’absence de lésions cutanées, différents courants élec-

triques sont employables. Ce sont :✓ le courant continu ou galvanique : ce courant unidirectionnelsert aux « ionisations » parce qu’il permettrait de faire pénétrerdes médicaments ionisables (AINS surtout) à travers la peau.Destiné aux douleurs articulaires et péri-articulaires superficiel-les, son bénéfice n’est pas avéré ; ✓ les courants discontinus de basse fréquence (� 100 Hz), utilisésdans le cadre de la stimulation nerveuse transcutanée. Celle-cise fonde sur la théorie de la porte médullaire (gate control). Elleconsiste à stimuler préférentiellement les grosses fibres myéli-nisées du tact (Aα et Aβ) pour entraîner une inhibition de latransmission des influx nociceptifs par les fibres de petit calibre(Aδ et C) au niveau des relais spinaux dans la corne postérieure.La neurostimulation transcutanée s’adresse principalement auxdouleurs de désafférentation siégeant dans un territoire défini,radiculaire ou tronculaire. Elle a pour avantage son innocuité,mais son efficacité tend à s’épuiser au fil du temps. Elle est inter-dite chez les patients ayant un pacemaker ;✓ les courants discontinus à moyenne (800-10 000 Hz) et haute (�100 000 Hz) fréquence, qui par leur action thermique ont des pro-priétés décontracturantes, très éphémères.

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KINÉSITHÉRAPIE ET RÉÉDUCATIONFONCTIONNELLE

On a naturellement tendance à ne pas solliciter une régiondouloureuse. Or l’inactivité prolongée aboutit à un décondi-tionnement physique qui, par lui-même ou par son retentisse-ment psychique, va entretenir l’état douloureux. La prise encharge physique et fonctionnelle vise à rompre ce cerclevicieux en :l calmant la douleur, à l’aide des massages, des mobilisations

passives (étirements), voire des orthèses et, nous l’avons vu,de la physiothérapie ;

lmettant en œuvre des exercices adaptés pour récupérer lamobilité ou la stabilité articulaire, renforcer la musculaturedéficiente et surmonter, ou du moins compenser, un handi-cap. Des programmes de reconditionnement à l’effort desti-nés à améliorer la condition physique générale sont parfoisjustifiés (lombalgies chroniques invalidantes, par exemple).

PRINCIPES DU TRAITEMENT

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE PERSONNALISÉE

Qu’il s’agisse d’une douleur aiguë ou chronique, le traite-ment a pour objectifs non seulement de la soulager demanière efficace et sûre, mais aussi de prévenir sa récidive oud’empêcher sa persistance. Or, loin d’obéir à un schéma sté-réotypé, la stratégie thérapeutique adaptée à un maladedonné dépend de 3 facteurs principaux : les caractéristiquesde la douleur, l’affection ou le syndrome responsable et le ter-rain du patient.

1. Caractéristiques de la douleurIl convient d’abord de préciser le mécanisme physiopatholo-

gique en cause (excès de nociception, origine neuropathique ouneurogène, composante psychique) tout en sachant que leurintrication est possible, notamment lors des états douloureuxchroniques, cancéreux surtout. Contrairement aux douleurs parexcès de nociception, les douleurs neuropathiques sont généra-lement réfractaires aux antalgiques non opioïdes et elles sontmoins sensibles aux morphiniques. Elles répondent en revancheà des psychotropes, en particulier à des antidépresseurs tricy-cliques ou imipraminiques et à des anti-épileptiques. Le tableau3 réunit les principales spécialités ayant une indication recon-nue en ce domaine en France. Tous ces produits comportent ungrand nombre d’effets indésirables et d’interactions médica-menteuses, et leur tolérance est volontiers médiocre aux poso-logies efficaces – qu’il faut atteindre progressivement en débu-tant par une faible dose. Certaines douleurs neuropathiquespeuvent aussi bénéficier de la stimulation nerveuse transcuta-née (v. supra). Par ailleurs, des psychotropes (anxiolytiques, hyp-notiques, antidépresseurs…) et des thérapies comportementa-les sont à même d’agir sur la composante anxio-dépressive quisous-tend ou entretient certains syndromes algiques.

L’intensité de la douleur et les résultats des traitements déjàentrepris interviennent aussi dans le choix. Cela est bien illustrépar les recommandations de l’OMS concernant le traitement desdouleurs nociceptives liées au cancer, qui préconisent d’abordun antalgique non opioïde, paracétamol ou AINS (niveau 1) ; s’ilne suffit pas, on lui adjoint un opioïde faible ; si cette association(niveau 2) échoue, on emploie un opioïde fort (niveau 3), auquel unantalgique non opioïde peut être ajouté. Il importe de souligner

DOULEUR - SOINS PALLIATIFSACCOMPAGNEMENT

Thérapeutiques antalgiques, médicamenteuses et non médicamenteuses

Principaux médicaments indiqués dans les douleurs neuropathiques de l’adulted’après leur AMM (Dictionnaire Vidal 2003)Tableau 3

DCI

Amitriptyline

Carbamazépine

Clomipramine

Désipramine

Gabapentine

Imipramine

Phénytoïne

SPÉCIALITÉ(EXEMPLE)

Laroxyl

Tégrétol

Anafranil

Pertofran

Neurontin

Tofranil

Di-Hydan

CLASSE

AD tricyclique

anti-épileptique

AD tricyclique

AD tricyclique

anti-épileptique

AD tricyclique

anti-épileptique

INDICATION

algies rebelles

• douleurs neuropathiques• névralgie du trijumeau et du glosso-pharyngien

douleurs neuropathiques

douleurs neuropathiques

douleurs post-zostériennes

• douleurs neuropathiques• algies rebelles

névralgie du trijumeau

POSOLOGIE INITIALE USUELLE*

10-25 mg/j 75-150 mg/j

200-400 mg/j

10-25 mg/j � 150 mg/j

25 mg/j 75-100 mg/j

300 mg/j 1,2-3,6 g/j

10-25 mg/j 25-75 mg/j75-150 mg/j

2-6 mg/kg/j

* dose quotidienne habituellement efficace ; AD : antidépresseur.

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que cette stratégie en 3 paliers ne s’applique pas à l’ensembledes douleurs par excès de nociception (v. infra).

Enfin, il y a lieu de considérer le retentissement psychique etfonctionnel du syndrome algique, pour décider des mesuresappropriées, pharmacologiques et autres.

2. Affection causaleElle influe sur le choix des médicaments et leur séquence d’u-

tilisation. Ainsi, dans l’arthrose symptomatique, le rapport béné-fice/risque du paracétamol l’impose comme antalgique de pre-mière intention, devant les AINS. Ces derniers sont en revancheprivilégiés dans la colique néphrétique ou les spondylarthropa-thies inflammatoires. Ils occupent aussi une place prééminenteau cours de la polyarthrite rhumatoïde où leur échec amènegénéralement à proposer une corticothérapie systémique à fai-ble dose, solution retenue d’emblée dans la pseudopolyarthriterhizomélique. Outre les corticoïdes, par ailleurs utiles sous laforme d’infiltrations locales dans des syndromes canalaires, destendinopathies, des arthrites inflammatoires ou l’arthrose,notamment lors des poussées congestives, d’autres moléculesexercent une activité antalgique dans certaines circonstancespathologiques où elles apparaissent comme des alternativesintéressantes aux médicaments antalgiques ; citons la colchicinedans les accès goutteux et les alcaloïdes de l’ergot de seigle oules agonistes sélectifs des récepteurs 5HT1 (triptans) dans lamigraine. Enfin, il s’avère parfois nécessaire de recourir à unesubstance « spécifique » de la maladie causale, comme la trini-trine dans l’angine de poitrine ou un antisécrétoire gastriquedans l’ulcère. L’affection responsable de la douleur peut de sur-croît réclamer un traitement étiologique ou « un traitement defond » et des thérapeutiques non médicamenteuses propres,destinés à empêcher sa récidive, infléchir son évolution jusqu’àla mettre en rémission, voire obtenir sa guérison.

3. Terrain du patientLe terrain du patient (antécédents, comorbidités) et les médi-

caments en cours sont susceptibles de contre-indiquer l’emploide tel ou tel antalgique. Ailleurs, ils prédisposent à certainescomplications (« sujets à risque ») obligeant à envisager desmesures prophylactiques et à renforcer la surveillance, cliniqueou biologique.

En définitive, cette stratégie thérapeutique globale et person-nalisée implique habituellement une prise en charge multidisci-plinaire des douleurs chroniques, et parfois des douleurs aiguës.

RÈGLES D’UTILISATION DES ANTALGIQUES

Rappelons en préambule que la préférence doit toujours êtredonnée à l’antalgique ou à l’association d’antalgiques qui offre lemeilleur rapport bénéfice/risques dans l’affection considérée.La posologie initiale dépend de la sévérité de la douleur et duterrain physiopathologique du malade.

1. Rythme d’administration L’administration des antalgiques doit être régulière, selon un

rythme découlant de leur cinétique d’action afin de maîtriser la

douleur de façon continue en anticipant sa résurgence. Mais lesdoses unitaires ne sont pas forcément équivalentes : elles peu-vent varier en fonction de la chronologie de la douleur au coursdu nycthémère. De plus, il y a lieu de prévoir des doses complé-mentaires ou un antalgique de secours pour d’éventuelles douleurs incidentes.

2. Association d’antalgiquesL’association d’antalgiques permet de réduire la posologie de

chacun des principes actifs sans nuire à l’efficacité globale, cequi est surtout utile pour les molécules aux effets indésirablesdose-dépendants (AINS, opioïdes), ou combattre plus efficace-ment une douleur intense. Elle fait appel à des médicaments aumode ou au site d’action distincts, tels qu’un AINS et du paracé-tamol, ou un opioïde et un antalgique non morphinique.

ÉVALUATION RÉGULIÈRE DU TRAITEMENT

Il faut régulièrement évaluer la tolérance et l’efficacité dutraitement. Celle-ci est appréciée sur l’évolution de l’intensitédouloureuse (en comparant les valeurs déterminées par lepatient entre 2 consultations sur une échelle visuelle analo-gique de 100 mm) ou sur le degré de soulagement (exprimé enpourcentages ou coté entre 0 et 100 mm sur une échellevisuelle analogique). Des indices algofonctionnels sont parailleurs utiles au suivi de certaines pathologies (lombalgieschroniques, arthrose du genou ou de la hanche…). Les échellesd’auto-évaluation multidimensionnelles et les indices de qualitéde vie sont surtout indiqués dans des états douloureux chro-niques complexes. Ces outils sont indispensables à l’adaptationpermanente du traitement qui, selon le cas, devra être modifié(intolérance), renforcé (soulagement insuffisant) ou allégé,voire suspendu (rémission). Devant tout échec « inexpliqué », il faut vérifier la bonne observance du traitement, sinon réviserle diagnostic. B

POINTS FORTS

> Les antalgiques sont généralement indispensables, mais insuffisants pour soulager les douleurs de manièreefficace, sûre et durable.

>Leur emploi doit s’inscrire dans une stratégie globale,adaptée aux caractéristiques du syndrome algique et àl’état physiopathologique du malade, ce qui impliquehabituellement une prise en charge plurimodale et multidisciplinaire.

>La thérapeutique doit être régulièrement évaluée et, aubesoin, modifiée en fonction de la réponse clinique ou enraison de la survenue d’effets indésirables.

à retenir

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DOULEUR - SOINS PALLIATIFSACCOMPAGNEMENT

Thérapeutiques antalgiques, médicamenteuses et non médicamenteuses

A / VRAI OU FAUX ?

Les médicaments antalgiques sont capables de soulager toutes les douleurs, quels qu’en soient le mécanisme physiopathologique et l’origine.

L’utilisation des médicaments antalgiques dans les douleurs parexcès de nociception doit toujoursse conformer à la stratégie thérapeutique en 3 paliers de l’Organisation mondiale de la santé.

Les anti-inflammatoires non stéroïdienssont efficaces uniquement dans les douleurs par excès de nociceptioncomportant une composante inflammatoire.

B / VRAI OU FAUX ?

L’association d’un opioïde à un anti-1

3

2

1

inflammatoire non stéroïdien estpharmacologiquement rationnelle.

La morphine, l’oxycodone et l’hydro-morphone sont des opioïdes fortsinscrits sur la liste des « stupéfiants ».

Le paracétamol est contre-indiquédurant la grossesse.

C / QCM

Parmi les caractéristiques de la mor-phine, on trouve :

Il s’agit d’un agoniste partiel desrécepteurs opioïdes µ.

Les nausées et vomissements induitspar la morphine sont sujets à un phéno-mène de tolérance ou accoutumance.

L’antidote de la morphine conseillé en cas de surdosage est la buprénorphine.

3

2

1

3

2

M I N I T E S T D E L E C T U R E

VOIR AUSSI

◗ Bannwarth BAnalgésiques non morphiniques. Principes et règles d’utilisation(Rev Prat 1996 ; 46 : 1025-30)

◗ Bannwarth BAnalgésiques morphiniques. Principes et règles d’utilisation(Rev Prat 1996 ; 46 : 1393-8)

DÉJà PARUS DANS LA REVUE

◗ Douleur cancéreuse : un opioïde peut-être plus efficace qu’un autreTriol I, Dume L, Lassaunière JM

(Rev Prat Med Gen 1999 ; 14 [499] :925-7)

◗ La douleur chez les personnes âgées en fin de vieSebag-Lanoë R, Lefebvre-Chapiro S(RevPrat Med Gen 1999 ; 13 [462] : 985-8)

Son efficacité et ses principaux effetsindésirables sont dose-dépendants.

Un phénomène de dépendance physique se développe lors de sonemploi prolongé.

5

4

Rép

onse

s : A

: F, F

, F /

B: V

, V, F

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: 2, 4

, 5.

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