la photogrammétrie numérique combinée avec la modélisation 3d

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Université de Lausanne Faculté de Droit et des Sciences Criminelles Ecole des Sciences Criminelles Institut de Police Scientifique Série criminalistique XXXVIII La photogrammétrie numérique combinée avec la modélisation 3D : applications aux sciences forensiques Thèse de doctorat Lorenzo Lanzi licencié en sciences forensiques de l’Université de Lausanne Lausanne 2009

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  • Universit de LausanneFacult de Droit et des Sciences CriminellesEcole des Sciences CriminellesInstitut de Police Scientifique

    Srie criminalistique XXXVIII

    La photogrammtrie numrique combine avec la modlisation3D : applications aux sciences forensiques

    Thse de doctorat

    Lorenzo Lanzi

    licenci en sciences forensiques de lUniversit de Lausanne

    Lausanne

    2009

  • Illustration de couverturePhotomodle en ngatif couleurs du rsultat de la modlisation 3D numrique dune scnede crime.

  • Universit de LausanneFacult de Droit et des Sciences CriminellesEcole des Sciences CriminellesInstitut de Police Scientifique

    Srie criminalistique XXXVIII

    La photogrammtrie numrique combine avec la modlisation3D : applications aux sciences forensiques

    Thse de doctorat

    Lorenzo Lanzi

    licenci en sciences forensiques de lUniversit de Lausanne

    Thse ralise sous la direction du Prof. Pierre Margot

    Lausanne

    2009

  • Illustration de couverturePhotomodle en ngatif du rsultat de la modlisation 3D numrique dune scne de crime.

  • Ai miei genitori,A mia sorella,

    Ad Agnese.

  • Remerciements

    Cette recherche de doctorat a t effectue lInstitut de police scientifique de lUniversit deLausanne, sous la direction de Monsieur le Professeur Pierre Margot. Le Jury de thse tait prsidpar Monsieur le Professeur Christophe Champod, de lEcole des sciences criminelles de lUniversitde Lausanne, et compos de M. Jrg Arnold, chef du dpartement de physique du WissenschaftlicherDienst de la ville de Zurich, du Docteur Jurrien Bijhold, chef du groupe danalyse dimages et bio-mtrie lInstitut forensique des Pays-Bas, de Monsieur le Professeur Claude Roux, du Centre pourles sciences forensiques de lUniversit Technologique de Sidney, et du Docteur Olivier Delmont,Professeur-Associ lEcole des sciences criminelles de lUniversit de Lausanne.

    Une thse est un travail qui ne peut pas tre ralis sans le soutien (et la patience), sur le planprofessionnel et personnel, de nombreuses personnes. Dans ce bref paragraphe, dont la longueur estinversement proportionnelle limportance que je lui accorde, je tiens remercier une partie despersonnes qui ont suivi, particip et soutenu la ralisation de ce travail.

    Prof. Pierre Margot, Directeur de lEcole des sciences criminelles de lUniversit de Lausanne,pour avoir dirig ce travail. Sans sa bonne humeur (inpuisable), sa patience et son soutien tout aulong de ma recherche, il aurait t impensable darriver ce rsultat.

    M. Jrg Arnold, rapporteur externe, pour sa grande disponibilit lors des stages et visites auWissenschaftlicher Dienst de la ville de Zurich, pour ses conseils et impulsions lors des nombreusesdiscussions.

    Dr. Jurrien Bijhold, prsident du groupe dimagerie numrique (Digital Imaging Working Group)du Rseau Europen des Instituts de Sciences Forensiques (European Network of Forensic ScienceInstitutes), pour avoir t un rapporteur de choix pour ce travail.

    Dr. Olivier Delmont, pour ses critiques claires lors de lvaluation de ce travail et pour lesdiscussions sur lapplication des techniques dans la pratique policire.

    Tout au long du travail, plusieurs autres personnes sont intervenues pour me donner des conseils,me former dans des domaines particuliers et me faire dcouvrir des techniques photographiques,photogrammtriques et de modlisation 3D. Je tiens remercier particulirement trois personnes quiont jou un rle diffrents moments de ma recherche :

    M. Eric Sapin, photographe forensique lInstitut de police scientifique, pour son dynamismeet ses ides ;

    M. Marcel Braun, expert lUnfallTechnischer Dienst de la police de la ville de Zurich, poursa disponibilit et son enthousiasme ;

    Mme Ursula Buck, experte lUnfallTechnischer Dienst de la police cantonale de Berne etchercheuse lIRM de Berne, pour ses conseils et ses explications.

    La Socit Acadmique Vaudoise pour son soutien financier en fin de recherche.

    Dr. Kurt Zollinger, chef du Wissenschaftlicher Dienst de la ville de Zurich, et tous les collabora-teurs du serviceM. Hans Sonderegger, ancien chef de lUnfallTechnischer Dienst de la police de la ville de ZurichM. Beat Mller, actuel chef de lUnfallTechnischer Dienst de la police de la ville de Zurich, et lescollaborateurs du serviceM. Hans Friedrich, chef de lUnfallTechnischer Dienst de la police cantonale de Berne, et tous lescollaborateurs du serviceM. Emilio Scossa-Baggi, chef de la police scientifique du canton du Tessin ; M. Giancarlo Santacroce,M. Edo Beltrametti, M. Ivan Cimbri, M. Andrea Quattrini et M. Lars Schmidt, spcilaistes de lapolice scientifique du canton du Tessinpour leur accueil et leur disponibilit lors des stages effectus.

    Les collgues et amis qui ont collabor ou aid lors de certains travaux prsents dans cette

    i

  • recherche ou qui ont rendu ce travail plus conforme la langue franaise : Agnese, Daniel, Elodie,Eric, Erika, Fabiano, Franois, Jean-Michel, Nicolas, Quentin, Raymond, Sarah, Stphanie.

    Mes amies et collgues, pour leur collaboration, participation, soutien et aide.

    Mes parents Bruna e Ivo.

    Ma sur Paola.

    Agnese.

    ii

  • Table des matires

    Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . iSigles et abrviations utiliss dans la thse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . v

    1 Intrt et but de la recherche 11.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21.2 La photographie, la photogrammtrie et la modlisation 3D . . . . . . . . . . . . . . . 21.3 Utilisation actuelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41.4 But de la recherche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61.5 Contenu de la thse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

    I Les principes de base 11

    2 La Photogrammtrie 132.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132.2 Les principes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142.3 Les mthodes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

    3 La modlisation 3D gomtrique 293.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 293.2 La modlisation gomtrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 303.3 La reprsentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 313.4 Le matriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 343.5 Description de quelques outils . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

    II Les outils et leurs applications forensiques 39

    4 Equipements et mthodes 414.1 Les systmes de photogrammtrie et de modlisation 3D utiliss en Suisse . . . . . . . 414.2 Considrations sur la qualit dune mesure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 434.3 Validation des systmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 484.4 Organisation du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64

    5 La documentation et lillustration dtats des lieux 675.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 675.2 Les accidents de la circulation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 685.3 Les autres accidents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 765.4 Les tats des lieux internes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 845.5 Les objets et les traces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 905.6 Synthse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100

    iii

  • Table des matires

    6 Lanalyse et lexploitation des donnes 1056.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1056.2 Lexploitation des traces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1066.3 Lanalyse des images . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1136.4 La combinaison des modles 3D et des images . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1226.5 Lanalyse des lieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1336.6 Synthse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141

    7 La modlisation 3D et lvaluation des hypothses 1477.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1477.2 Modlisation 3D : valuation dhypothses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1487.3 La modlisation des vnements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1537.4 Les modles 3D interactifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1607.5 Synthse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163

    III Conclusions 167

    8 Bilan 1698.1 Les applications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1698.2 Matriel et conditions de travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1708.3 Le processus de travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1738.4 Les rsultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174

    9 La photogrammtrie combine avec la modlisation 3D 1779.1 Comparaison avec les approches traditionnelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1779.2 2D versus 3D . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1789.3 Qualit et validit du travail et du rsultat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1809.4 Valorisation des techniques en sciences forensiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180

    10 Conclusion 18310.1 Rappel des objectifs de la recherche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18310.2 Critique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18410.3 Recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188

    11 Perspectives 19111.1 Evolution technologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19111.2 Propositions pour la suite de la recherche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193

    Bibliographie 195

    IV Annexes 205

    A Utilisation pratique du systme RolleiMetric 207A.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207A.2 Calibrer un appareil photographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 208A.3 Travail sur les lieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209A.4 Travail au laboratoire avec CDW et MSR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209

    B Rsum des donnes de lvaluation du systme RolleiMetric 217B.1 Modles photogrammtriques des diffrents tests . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217B.2 Comparaison des mesures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227

    C Code Matlab de lalgorithme de mesure 233C.1 Mesure sur un plan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233C.2 Mesure sur verticale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235

    iv

  • Sigles et abrviations utiliss dans la thse

    2D Deux dimensions3D Trois dimensions3DS Format de donnes de 3Ds Max

    B-REP Boundary representation (reprsentation par frontires)CAO Conception Assiste par OrdinateurCDW Close Range Digital WorkstationCRT Cathode Ray TubeCSG Constructive Solid Geometrydpi dot per inchDAO Dessin Assist par OrdinateurDGN Design (format de donnes de MicroStation)DXF Drawing eXchange Format (format dchange de donnes)DIWG Digital Imaging Working GroupENFSI European Network of Forensic Science InstitutesHTML HyperText Markup LanguageIGES Initial Graphics Exchange Specification (format dchange de donnes)IPS Institut de Police ScientifiqueIRCGN Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie NationaleIRM Institut von Rechts Medizin (Institut de mdecine lgale)ISO International Organization for Standardization

    (Organisation Internationale de Standardisation)JPEG Joint Photographic Experts Group (format dimages numriques)LCD Liquid Crystal DisplayMAX Format de donnes de 3Ds Max

    MSR Metric Single RectificationOBJ Format de donnes numriques gomtriquesRAF Format brut dimages numriques brut de FujifilmRAW Ensemble de formats dimages numriques "bruts"RMS Root Mean Square

    (racine carre de la moyenne quadratique ou moyenne quadratique)SI Systme InternationalSTL format de donnes numriques originaire de la strolithographieTIFF Tagged Image File Format (format dimages numriques)UFD Unfallfotodienst (Service photographique)UTD UnfallTechnischer Dienst (Service technique des accidents)VRML Virtual Reality Modeling LanguageWD Wissenschaftlicher Dienst (Service scientifique)WRL Format de donnes du langage VRMLX3D Format de donnes du langage VRML

  • Chapitre 1

    Intrt et but de la recherche

  • 1.1. Introduction

    1.1 Introduction

    Les deux sujets de cette recherche sont la photogrammtrie, cest--dire lensemble des techniquesqui permettent de faire des mesures sur des sujets photographis, et la modlisation tridimensionnellenumrique (ci-aprs abrg par "modlisation 3D"), une mthode denregistrement, de traitement etde reprsentation de linformation numrique.

    Depuis la dcouverte des principes de la perspective et de la photographie, diffrentes approchespour pouvoir faire des mesures sur des photographies ont t dveloppes. Les fondements thoriquesde la photogrammtrie, soit les principes de la perspective et de la gomtrie descriptive, taientdj tudis par Leonardo Da Vinci en 1480. Plusieurs dcouvertes et inventions sur la projectiongomtrique ont conduit la cration doutils de travail pour le dessin en perspective et au dvelop-pement des bases mathmatiques rgissant la gomtrie descriptive. Lessor de la photographie auXIXe sicle a fourni un outil denregistrement automatique dune scne, qui sera par la suite utiliscomme support pour le travail photogrammtrique. Les premiers systmes mcaniques de photogram-mtrie datent du dbut du XXe sicle, ctait le commencement de la photogrammtrie analogique.Par la suite, les principes mathmatiques rgissant la photogrammtrie ont t tudis plus prcis-ment, jusquau dveloppement dapproches analytiques pour lorientation des images. La naissancede lordinateur et lvolution technologique ont amen la transformation des procdures de travailphotogrammtriques mcaniques et mathmatiques dans des systmes lectroniques et numriques ;ctait la naissance de la photogrammtrie analytique, aux alentours des annes 60. Finalement, ledveloppement technologique des dernires dcennies, laugmentation de la puissance des ordinateurset le dveloppement de la photogrammtrie analytique, ont permis le passage la photogrammtrienumrique [Burtch(2007)]. Aujourdhui, de nombreux programmes permettent de faire des mesures partir dimages numriques. Ces logiciels se sont simplifis, permettant lemploi de la photogram-mtrie non seulement dans le domaine de la cartographie et de lindustrie, mais galement danslarchitecture, larchologie, le gnie civil et la criminalistique. Cette volution a uni la photogram-mtrie la modlisation 3D : partir du moment o la position dun point dans lespace est connue,il peut tre reprsent dans un modle 3D numrique.

    De nos jours, la modlisation 3D est une expression qui a plusieurs significations : elle englobelaction denregistrer, dexploiter et de prsenter des donnes 3D. La photogrammtrie permet deretrouver la troisime dimension depuis des informations en deux dimensions (ci-aprs "2D") : lesphotographies. Les donnes rsultantes du travail photogrammtrique peuvent tre reproduites nu-mriquement par des modles 3D. Ces modles peuvent tre traits avec des logiciels de modlisation3D, afin de les mettre au point, les rendre plus dtaills ou y ajouter une quatrime dimension, cest--dire le temps, sous la forme danimations dvnements. Les rsultats dun modle 3D sont prsentssous la forme de plans 2D, de photomodles1, de vidos ou de modles 3D interactifs. Lutilisation dela modlisation 3D en criminalistique date du dbut des annes 90. Depuis, diffrents programmesplus ou moins spcifiques certaines branches comme les accidents de la circulation ou les tats deslieux se sont dvelopps. Ces outils sont employs principalement pour aider la dmonstration : laprsentation sous la forme de modles 3D est trs convaincante, notamment parce que la forme dereprsentation des donnes est trs proche de la ralit. Les rsultats de modles 3D apparaissentcomme des reprsentations fidles de la ralit, mais le sont-ils rellement ? Un modle 3D dun lieuest-il une reprsentation de celui qui le produit ou plutt une reconstruction possible de la ralit ?Quels sont les moyens pour le raliser ? Des questions concernant la pertinence de lutilisation de lamodlisation 3D dans certaines situations sont galement mises en discussion : une reconstruction3D est-elle toujours justifie ?

    1.2 La photographie, la photogrammtrie et la modlisation

    3D

    Selon Martin [Martin(2002)] le processus dinvestigation sur la scne de crime comprend quatretches principales :

    1. la sauvegarde des traces et la fixation de ltat des lieux :

    1Un photomodle est une "photographie" dun modle 3D.

    2

  • Chapitre 1. Intrt et but de la recherche

    2. la recherche, le prlvement et lexploitation des indices ;

    3. la reconstitution des faits survenus lors de lacte dlictueux ou lors de lvnement ;

    4. linterprtation des indices qui serviront de moyens de preuve pour le tribunal.

    La premire tche comprend diffrentes oprations dont la prise de notes, la photographie, ltablis-sement de plans et ventuellement lenregistrement par dautres moyens audio ou vido. La photogra-phie est un outil essentiel pour le relev des lieux. Il entre en jeu galement dans les autres situations,pour lenregistrement des indices, des reconstitutions dvnements et lors de la prsentation de r-sultats au tribunal. Mathyer [Mathyer(1973), Mathyer(1986)] prsente une revue historique et unedescription de lutilisation de la photographie dans les sciences forensiques. ct de fonctions trspratiques, comme les photographies signaltiques et les piges photographiques, se trouvent la pho-tographie gomtrique, la photographie documentaire et la photographie criminalistique. Il dfinit laphotographie gomtrique comme toute image prise dans le but dextraire des grandeurs des sujetsenregistrs2. La photographie documentaire sert fixer ltat des pices conviction telles quellessont reues au laboratoire ou fixer ltat des lieux au moment de la dcouverte. Elle sert aussi illustrer et rendre plus claire une description ou une dmonstration.

    Plus rcemment, Bramble et al. [Bramble et al.(2001)] et ensuite Bijhold et al.[Bijhold et al.(2004)] ont fait une revue des applications de la photographie dans la crimina-listique. Lutilisation des images est sortie des cadres courants reconnus dans la pratique judiciaire.Limage est devenue une source dinformation plus importante et elle doit tre traite comme unetrace visuelle. Elle est analyse afin dextraire des informations supplmentaires, elle est combineavec dautres indices et galement discute et carte comme lment non pertinent. Limage est unmoyen denregistrement et dillustration de tout lment li une enqute, un moyen de conservationde la preuve et une mthode de dcouverte. Elle sert dans le processus didentification, commemoyen didactique et de renseignement ou comme support pour des analyses.

    En combinant ces revues sur lemploi de la photographie en sciences forensiques, deux utilisationprincipales sont distinguer :

    la photographie comme outil de travail ; limage est un moyen et un support de travail pour lesinvestigations : la photographie comme moyen de documentation (figure 1.1.a) des lments lis une

    affaire ; elle sert fixer et enregistrer tous les objets et traces observs, relevs et qui ont oupeuvent avoir un intrt pour lenqute ;

    la photographie comme moyen dillustration (figure 1.1.a). Elle donne une vision des lieux,des traces, des objets ou des personnes ;

    la photographie comme moyen de dmonstration (figure 1.1.c) ; elle sert dmontrer lesconclusions auxquelles le spcialiste a abouti. Il sagit de prsenter les rsultats de linvesti-gation.

    la photographie comme objet dtude ; limage est analyse (figure 1.1.b) pour en extraire desinformations, notamment : pour dterminer des grandeurs ; pour dterminer des caractristiques physiques des sujets photographies ; pour reconstituer des vnements : pour extraire des informations morphologiques pour la comparaison dans une banque de

    donnes.La photogrammtrie comprend toutes les techniques qui permettent lextraction de grandeurs

    depuis une photographie. Elle utilise la photographie essentiellement comme un objet dtude : lana-lyse de limage permet dextraire une information mtrique. Thoriquement toutes les photographiespeuvent tre utilises pour raliser des mesures sur les objets photographis. La simplification deslogiciels de photogrammtrie numrique rend cette approche intressante dans de nombreuses situa-tions : mesure de la taille dun individu depuis une image venant dune camra de surveillance, mesuredobjets ou de distances sur des images provenant de lieux, valuation de grandeurs sur des images detmoins ou apprciation de la position des objets depuis des photographies dtats des lieux. Par lestechniques photogrammtriques il est possible de retrouver la troisime dimension partir dinforma-tions en 2D. Linformatique permet de traduire cela par des modles 3D. Il sagit dune reprsentation

    2Aujourdhui, il ny a plus de sens de distinguer la photographie gomtrique car toute photographie peut treutilises pour effectuer des mesures sur les sujets enregistrs.

    3

  • 1.3. Utilisation actuelle

    Fig. 1.1: Exemples montrant des utilisations de la photographie tels que dfinie ici : une vue gnralesur un lieu dun accident de construction (figure a., gauche), un rsultat de lanalyse dune banque dedonnes dimages de pilules decstasy (figure b., au milieu) et une trace digitale (figure c., droite).

    des donnes numriques en un espace cartsien 3D. En sciences forensiques, cette reprsentation estpresque toujours lie un lment du monde rel. Dans ce contexte, il est possible de dire quunmodle 3D est une extension de linformation 2D contenue dans une photographie : une photographiereprsente un enregistrement visuel de la scne, tandis quun modle 3D de la scne reprsente unedescription virtuelle. Par analogie, le but de lutilisation dun modle 3D peut tre rapproch celuidune photographie, avec une valeur ajoute, la troisime dimension. Il faut galement remarquerquune mme image, ou un mme modle 3D, peut tre utilis dans plusieurs buts. Par exemple, laphotographie faite sur les lieux dans un but de documentation pourra tre utilise comme moyendillustration, comme moyen de preuve ou elle pourra tre analyse pour en extraire des donnescomplmentaires. Un modle 3D dun accident de la circulation peut tre utilis comme plan deslieux ou tre analys pour tablir le droulement des vnements [Clifford et Kinloch(2007)].

    De plus, il est possible dtablir une sorte de processus dutilisation dune image reproduisantles diffrents buts (cf. Fig. 1.2) : le premier but de toute image est de documenter visuellementlobjet, les lieux, les individus ou les vnements dtermins. Deuximement, limage peut tre utilisepour illustrer, cest--dire prsenter le sujet enregistr, elle peut tre analyse pour en extraire desinformations complmentaires3 et en dernier lieu, pour dmontrer les rsultats de linvestigation. Dupoint de vue forensique, il est trs important de distinguer ces diffrents buts, car ils influencent lafaon dont le spcialiste approche le travail lors de lacquisition, le traitement ou la prsentation delimage. Finalement, cette mme classification peut tre utilise pour dfinir les applications de laphotogrammtrie combine avec la modlisation 3D en sciences forensiques.

    1.3 Utilisation actuelle de la photogrammtrie et de la mod-

    lisation 3D en sciences forensiques

    Dans les domaines techniques autres que les sciences forensiques, la photogrammtrie combineavec la modlisation 3D est utilise dans deux situations : lillustration et lingnierie inverse ourtro-ingnierie4. La rtro-ingnierie est utilise en architecture, en industrie et dans le gnie civillors du relev de certains objets ou lieux pour en tudier leur morphologie ou analyser leur comporte-ment lors de certains vnements. En archologie, la photogrammtrie combine avec la modlisation3D est utilise principalement pour la documentation/illustration afin de valoriser le patrimoinehistorique dun lieu, dune construction ou dun objet [Albertz et Wiedemann(1995), Fraser(1998),Fuchs et al.(2004), El-Hakim et al.(2007), Luhmann et al.(2006)].

    Lutilisation principale de la photogrammtrie en sciences forensiques concerne le relev deslieux des accidents de la circulation. Cela est vraisemblablement d des raisons historiques (uti-lisation de la strophotogrammtrie depuis le dbut du XXe sicle) [Hughes et al.(2003)] et pra-tiques (documentation rapide des lieux grce la photographie, aptitude obtenir des donnes m-triques prcises et flexibilit lors de lenregistrement dtats des lieux tendus) [Arnold et al.(2004),

    3Aprs lanalyse, la mme image est gnralement utilise pour illustrer ou expliquer les rsultats de cette dernire.4Activit par laquelle un objet rel est tudi afin de dterminer son fonctionnement.

    4

  • Chapitre 1. Intrt et but de la recherche

    Fig. 1.2: Toute image, en sciences forensiques, a comme premier but la documentation du sujet enexamen. Une partie de ces images est utilise pour montrer ce qui a t observ : lillustration. Enfin,selon des questions particulires, certaines images seront analyses afin de rpondre des questionsspcifiques sur le sujet photographi. La dernire utilisation de limage est la dmonstration.

    American Society of Photogrammetry(1984), Collectif(1997), Duesing(2006), Fraser et al.(2005),Galvin(2002), Galvin(2004), Otte(2005), Vera et al.(1995), Whitnall et Moffitt(1989)]. La photogra-phie numrique et le dveloppement dalgorithmes numriques ont modifi la mthode denregis-trement et de traitement des donnes. Tout se passe au niveau informatique et les rsultats sontexploitables en 3D. De plus, des logiciels danalyse daccidents5 peuvent tre utiliss pour valuerle comportement des voitures lors de laccident, estimer la vitesse des vhicules impliqus et va-luer des hypothses sur les vnements [Balazic et al.(2006), Konosu(2002), Steffan et Moser(1996),Vera et al.(1995), Zhang et al.(2006), Zhang et al.(2008)]. Dans ce cas, les rsultats sont utiliss :

    1. pour un but dillustration, avec des plans 2D qui permettent de visualiser la position desvhicules, des traces et des personnes impliques ;

    2. pour un but danalyse, pour la reconstruction des vnements.

    Par ces qualits, lemploi de la photogrammtrie combine avec la modlisation 3D a tlargi aux cas qui demandent un relev des lieux tendus comme les catastrophes, les in-cendies, les accidents graves, non seulement de la circulation, mais galement aronautiqueset ferroviaires [Bureau denqute sur les accidents daviation(2004), Collectif(2005), Collectif(2006),Collectif(2007), Collectif(2008), Crowsey(2002), Duesing(2006), FIG Working Group 8.4(2006),Klasn(2002)]. Dans ce cas galement, les rsultats de ces travaux sont surtout utiliss comme moyendillustration et accessoirement pour lanalyse ou la dmonstration.

    Lutilisation dans les tats des lieux traditionnels est plus rcente et souvent lie des questionsprcises sur le droulement des vnements, le positionnement des traces sur des lieux de crimescomplexes ou lvaluation dhypothses [Bijhold et al.(2004), Berger et al.(2001), Galvin(2004),Heinert(1995), Lanzi(2002), Pfefferli(2001), Se et Jasiobedzki(2005)]. Le but principal est moinslillustration, mais plus ltude de questions particulires. Par la suite, le modle 3D ou le plan deslieux sera utilis pour illustrer ou dmontrer les rsultats de linvestigation. Certaines recherches ontt galement faites dans lapplication de la modlisation 3D pour la visualisation de scnes de crimes,au niveau oprationnel et pour la dmonstration au tribunal [Baldwin(1998), Howard et al.(2000),Marks(2001), Neis et al.(2000), Noond et al.(2002), Schofield(2007)]. Ces travaux exploratoires pr-sentent une utilisation pratique de la modlisation 3D sans se focaliser sur la faon dont elle peuttre obtenue ni sur ses limitations.

    Lutilisation de la photogrammtrie et de la modlisation 3D ne sest pas arrte auxlieux ; elle sest galement rpandue pour la documentation et linvestigation sur les ob-jets et les personnes lies des dlits. La Suisse a connu des dveloppements importantsdans la documentation et lanalyse des traces de blessures[Bolliger et al.(2008), Buck(2004),

    5Tel que PC-Crash, HVE-EDCRASH, ARSoftware.

    5

  • 1.4. But de la recherche

    Brschweiler et al.(1997), Brschweiler et al.(2003), Brschweiler et al.(2001), Buck et al.(2007b),Thali et al.(2000), Thali et al.(2003a), Thali et al.(2003c), Thali et al.(2003d), Thali et al.(2003b),Thali et al.(2005), Thali et al.(2007)]. Le projet Virtopsy6 a t dvelopp dans le but de trouverdes moyens efficaces pour lenregistrement, lillustration et linterprtation de donnes anatomiquespour linvestigation pathologique. La photogrammtrie est utilise pour lenregistrement des tracesde blessures de surface. Elle se combine actuellement avec dautres techniques de modlisation 3D etdenregistrement des organes internes.

    Dautres recherches et applications se sont focalises sur les mesures anthropom-triques sur des individus films par des camras de surveillance [Angelis et al.(2007),Bijhold et Geradts(1999), Compton et al.(2000), Criminisi et al.(1998), Criminisi(2001),Klasn et Fahlander(1996), Klasn et Li(1998), Lee et al.(2008), Lynnerup et Vedel(2005)]. Cer-taines tudes plus spcifiques se sont diriges sur lanalyse des informations mtriques surles visages [Fraser et al.(2003), Goss et al.(2006), Iscan et Loth(2000), Ruifrok et al.(2003),Yoshino et al.(2000), Yoshino et al.(2001), Yoshino et al.(2002), Yoshino et al.(2005)] et sur desobjets [Criminisi(2001), Klasn(2002)]. Dans ces situations, la photogrammtrie et la modlisation3D sont utilises principalement pour des buts danalyse : valuation de la taille de la personne oude lobjet, individualisation dune personne partir des images, tude du mouvement dun objet oude la dmarche dune personne.

    1.4 But de la recherche

    1.4.1 Situation actuelle

    Lutilisation de la photogrammtrie numrique dans les sciences forensiques est relativement r-cente. cause de la simplification des outils de photogrammtrie et de la qualit des rsultats obtenusaprs modlisation 3D, ces techniques se rpandent de plus en plus dans diffrents domaines foren-siques. La reprsentation sous la forme de modles 3D a galement ouvert des nouvelles possibilitsdans lillustration et la prsentation des rsultats. Les applications possibles et les bnfices de lutili-sation de ces approches ont t document, au moins en partie, dans plusieurs recherches cites dansla section prcdente. Etant donn le caractre saisissant des rsultats des restitutions photogramm-triques et surtout des modlisations 3D, certaines problmatiques lies ce genre de techniques nesont parfois pas approfondies, en mettant en avant principalement les qualits positives. Le dfaut deregard critique, touche divers aspects du travail photogrammtrique et de modlisation 3D, que cesoit au niveau du matriel, de la mthodologie ou de lexploitation des rsultats. Selon les sujets, lestudes proposent ou discutent dapproches, de mthodologies de travail ou des nouvelles applicationspour lutilisation des ces techniques sans approfondir :

    les besoins et les conditions de travail des systmes utiliss ; lapprciation des incertitudes sur les mesures, sur les rsultats danalyse ou dexploitations des

    donnes daprs les investigations ; la valeur des rsultats obtenus, notamment en diffrenciant les lments observes, les lments

    de reconstruction qui dcoulent de linvestigation et des lments qui dcoulent de tmoignagesou de reprsentations hypothtiques ;

    les risques de lutilisation de la modlisation 3D en rapport avec leffet "fascinant" dune re-construction virtuelle.

    Finalement, lapplication de la photogrammtrie combine avec la modlisation 3D semble tre peuproblmatique, car le matriel utiliser sur les lieux est la photographie, un moyen denregistrementqui est bien connu en sciences forensiques, et les rsultats obtenus permettent davoir une vision 3Dde lobjet photographi avec, en principe, une bonne qualit.

    Matriel

    Lors de linvestigation, diffrents moyens sont utiliss pour documenter les lments de la scne :prise de notes, mesures, photographies et ainsi de suite. Chaque outil a ses propres caractristiqueset usages plus ou moins spcifiques pour lenregistrement des informations lies laffaire : une

    6http ://www.virtopsy.com [Accd le 1.7.2008]

    6

  • Chapitre 1. Intrt et but de la recherche

    prise de vue, si elle est effectue selon les rgles de lart, enregistre linformation visuelle dunescne plus efficacement quune description crite, tandis que les prises de notes permettent de releverdautres donnes qui ne sont pas reproduites dans une photographie. La photogrammtrie est unetechnique qui se base sur la documentation des informations visuelles et mtriques de la scne.Lquipement ncessaire pour effectuer une restitution photogrammtrique, et par la suite un modle3D, comprends quatre outils de base : un systme de mesure, un appareil photographique, un logicielde photogrammtrie et un logiciel de modlisation 3D. Plusieurs autres composants additionnelscomme des repres, des outils de marquage, des trpieds et des systmes daffichages sont tout aussiimportants pour raliser un bon travail. Chaque situation documenter, reproduire ou analyserimplique une approche et du matriel qui peut diffrer selon les caractristiques de la scne, quellesoit tendue ou restreinte, sombre ou claire, simple ou complexe. Les recherches effectues jusquprsent proposent plusieurs solutions, en se focalisant sur la description des systmes employs, lamthodologie de travail ou le type de rsultats obtenu.

    Mthodologie

    Les applications dans lesquelles la photogrammtrie combine avec la modlisation 3D sont utili-ses ont fait lobjet de plusieurs recherches. Ces tudes proposent des mthodologies de travail plusou moins compltes selon les cas en examen. En comparant les diffrentes approches, il ressort que :

    dans quelques situations forensiques, la mthodologie de travail diffre peu des applicationspropres dautres domaines7 ;

    plusieurs outils et mthodes de travail peuvent tre appliqus pour obtenir un mme rsultat ; souvent, la procdure de travail sur les lieux est similaire entre des techniques photogramm-

    triques ou des situations diffrentes ; la phase qui demande le plus de rflexion et de travail est la phase de traitement des donnes

    au laboratoire : elle demande du matriel et des comptences spcifiques.

    Exploitation des rsultats

    Un des sujets les plus approfondis dans les tudes effectues jusqu prsent est la manire dont lesrsultats de la photogrammtrie combine avec la modlisation 3D peuvent tre valoriss en crimina-listique. Un modle 3D peut tre prsent sous diffrentes formes. Dans quelques cas, le choix dunemthode de prsentation par rapport une autre est dict plus par le fait de vouloir dimpressionnerlinterlocuteur, que ce soit un juge, un avocat ou un enquteur, plutt que de fournir des rponsesprcises au but de linvestigation. En quelque sorte, la modlisation 3D peut tre employe commemoyen dinfluence et non comme outils de travail8. Dans ces cas, la photogrammtrie et la modli-sation 3D sont utilises parce que les rsultats obtenus sont surprenants par leur qualit esthtique,sans se poser la question de savoir si la modlisation 3D est pertinente dans le cas en question : celaimplique lapprciation de lutilisation de ces outils dans les sciences forensiques. Chaque systme ases avantages et ses limites ; souvent le choix dutiliser une ou lautre mthode repose sur des facteurscirconstanciels et pratiques, notamment la configuration des lieux du crime, le temps disposition,la disponibilit du matriel ou les connaissances des intervenants.

    Les techniques permettant dobtenir des mesures et par la suite des donnes 3D partir dobjetsrels doivent tre considres comme des outils de travail pouvant tre utiliss pour atteindre le oules buts prfixs de linvestigation. Dans le choix du systme et de la mthodologie de travail, troisaspects doivent tre pris en considration :

    le but du travail ; les caractristiques de la situation laquelle le spcialiste a affaire, avec des donnes et des

    particularits qui forcent choisir une technique et une mthodologie de travail plutt quedautres ;

    les qualits intrinsques de certaines techniques, qui mneront le spcialiste appliquer uneapproche plutt quune autre.

    7Cela se remarque surtout en comparaison avec larchologie.8Dans certains contextes (publicit, politique, ...) la modlisation 3D est utilise comme moyen dinfluence.

    7

  • 1.5. Contenu de la thse

    1.4.2 Objectifs de la recherche

    Cette recherche touche les diffrentes tapes du processus du travail photogrammtrique combinavec la modlisation 3D :

    1. lacquisition des donnes : cela comprend les photographies, les mesures et tout autre moyendenregistrement fournissant des donnes pour la restitution photogrammtrique et la finitiondu travail ;

    2. la restitution photogrammtrique et la finition du travail : les images sont combines pourretrouver la troisime dimension. Le modle 3D obtenu aprs restitution est retravaill afin dele rendre le plus exploitable possible ;

    3. la prsentation des rsultats, que ce soit sous la forme de plans, dimages, de modles 3D ou devidos.

    Lobjectif de cette recherche est dtudier lapplication de la photogrammtrie combine avec lamodlisation 3D aux sciences forensiques en tenant compte des facteurs qui entourent linvestigationforensique. Cet objectif peut tre rsum en trois volets :

    tude de lapplication technique : observer lutilisation de diffrents systmes de photogramm-trie numrique dans la pratique : quel est le matriel ncessaire ? Quelles sont les mthodologiesde travail appliques ? Quels sont les rsultats obtenus et comment sont-ils exploits ? ;

    tude de lapplication forensique : identifier les difficults et les risques de lutilisation de laphotogrammtrie combine avec la modlisation 3D et apprcier les rsultats fournis par cesoutils. Cela revient tudier le processus de travail photogrammtrique associ linvestigationet valuer la plus value en contexte forensique des rsultats obtenus ;

    dvelopper des aides au travail et la rflexion : fournir des aides et des pistes pour le travail,linterprtation et la prsentation des rsultats. Aprs avoir tudi le travail et avoir discutdes problmatiques, des conseils et des recommandations quant la mthodologie de travailpourront tre fournis.

    Finalement, ce travail a lambition de pouvoir servir de rfrence pour les instituts qui travaillentou travailleront avec des systmes de photogrammtrie combine avec la modlisation 3D en four-nissant une revue des techniques, des applications actuelles ainsi que des considrations quant auxlimites, aux avantages, aux implications et la valeur des rsultats que ces outils fournissent. Ainsi,une partie de la recherche est consacre la revue des systmes de photogrammtrie et de modlisa-tion 3D utiliss actuellement dans diffrents services et instituts dans le cadre de la criminalistique.

    Cela permet dtudier certaines applications dans lesquelles ces outils sont employs, dtudier deplus prs les instruments et les mthodologies de travail et par la suite, de discuter des problmatiquesrencontres avec un regard oprationnel.

    1.5 Contenu de la thse

    Les rsultats et les discussions prsents dans ce mmoire reposent sur des travaux personnels etdes expertises effectues lInstitut de Police Scientifique (IPS) entre 2002 et 2007.Plusieurs autresaffaires, discussion et travaux faits lors de stages au service technique des accidents de la circulation dela police de la ville de Zurich (UnfallTechnischer Dienst, UTD), au service de police scientifique de laville de Zurich (Wissenschaftlicher Dienst, WD) et au service technique des accidents de la police ducanton de Berne (UnfallTechnischer Dienst, UTD) compltent la recherche. Les exemples prsentsont t anonymiss dans la mesure du possible et des autorisations pour la publication ont tdemandes aux autorits comptentes. Les visites au service photographique des accidents de la policedu canton de Zurich (Unfallfotodienst, UFD), lInstitut de Mdecine Lgale de luniversit de Berne(Institut von Rechts Medizin, IRM) et la police scientifique du canton Tessin (Polizia Scientifica) ontgalement permis dapprofondir plusieurs aspects des techniques prsentes dans cette recherche. Destravaux dtudiants en Bachelor et Master en sciences forensiques lIPS ont galement t proposset dirigs ; une partie des rsultats entrent dans le cadre de cette thse. Enfin, la participation etles rencontres avec le groupe dimagerie numrique (Digital Imaging Working Group, DIWG) delEuropean Network of Forensic Science Institutes (ENFSI) ont t trs profitables pour avoir unevue des approches utilises dans les autres pays et approfondir des sujets annexes la photographienumrique.

    8

  • Chapitre 1. Intrt et but de la recherche

    Cette thse est divise en trois partie principales, une premire partie sur la thorie de la photo-grammtrie et la modlisation 3D. Cette partie fournit les bases thoriques de la recherche qui sontensuite dtailles au dbut de la deuxime partie. Cette dernire contient une revue des approchesutilises en sciences forensiques avec des exemples pratiques et les rsultats obtenus ainsi que desconsidrations sur le processus de travail au niveau criminalistique. Cette partie expose quelques-uns des travaux qui ont t raliss durant cette recherche. Outre un chapitre qui fait le point dela situation sur les systmes utiliss en Suisse, 3 autres chapitres traitent des objectifs du travailphotogrammtrique combin avec la modlisation 3D. Finalement, la troisime partie contient unesynthse critique des outils et des rsultats obtenus dans cette recherche ainsi quune rflexion surlutilisation de ces techniques en sciences forensiques.

    9

  • Premire partie

    Les principes de base

    11

  • Chapitre 2

    La Photogrammtrie

    2.1 Introduction

    Le mot photogrammtrie a t propos pour la premire fois en 1893 par larchitecte allemandAlbrecht Meydenbauer qui assembla les trois mots grecs photos, gramma et metron. LAmericanSociety of Photogrammetry donna en 1980 la dfinition suivante, incluant la tldtection et autresmthodes denregistrement dimages comme la vido, les images radar ou les photographies UV etIR :

    La photogrammtrie est lart, la science et la technologie permettant dobtenir des infor-

    mations fiables sur lespace naturel ou sur les objets physiques par lenregistrement, la

    mesure et linterprtation dimages photographiques ou produites par rayonnements lec-

    tromagntiques ou autres phnomnes.

    Traduit de [Slama(1980)].

    La photogrammtrie est une technique de mesure qui, partir dinformations en 2D, permetde retrouver la dimension et la position des sujets enregistrs. Comme son nom lindique, la pho-togrammtrie se base sur lanalyse des photographies. Elle se divise en deux branches principales :la photogrammtrie grande distance, pour des distances de prises de vue suprieures 300 m, g-nralement comparable la photogrammtrie arienne, et la photogrammtrie rapproche, lie laphotogrammtrie terrestre, pour des distances de prises de vue infrieures 300 m, sujet dintrtde cette thse. Lors de la photographie, les donnes 3D sont rduites sur une surface en 2D. Cechangement enlve linformation de la profondeur : limpression de distance, quun observateur peutpercevoir sur une image, est donne par la connaissance a priori de la taille des sujets observs et parla comparaison de leurs dimensions apparentes. Cette sensation peut se rvler fausse ou imprcise,comme dans les cas dillusions doptique. Le but des techniques photogrammtriques est de retrouverlinformation 3D par lanalyse de donnes en 2D. Un exemple danalyse dimages pour la saisie dela 3D est ce quaccomplit le systme visuel humain. Les yeux fournissent, du fait de lcartementinterpupillaire, deux images lgrement diffrentes. Le cerveau analyse ces deux informations et res-titue une seule image, celle de lil directeur, avec une information ajoute : le relief de la scne.Cette capacit percevoir la 3D est galement lie lloignement des sujets regards : limpressionde profondeur sera plus claire courte distance des yeux (dizaines de mtres) qu grande distance.Cet exemple dvoile aussi les 2 tapes principales du travail photogrammtrique. La premire tapeconsiste collecter les informations, dans lexemple prcdent, les images cres par les yeux. Ladeuxime tape consiste traiter ces donnes de manire valuer des distances sur les sujets pr-sents sur les images. Pratiquement, les techniques utilises pour faire des mesures sur des imagesdiffrent selon les conditions dans lesquelles les photographies ont t prises et selon les informations disposition :

    la photogrammtrie avec une seule image regroupe les techniques de mesure sur une seuleimage : les mthodes graphiques, par lesquelles les mesures sont faites par le dessin de lignes et le

    calcul de distances par les principes de la perspective ;

  • 2.2. Les principes

    la projection inverse, mthode par laquelle un ngatif est projet sur la scne originale. Laposition et la taille des objets sont retrouves par comparaison entre les objets prsents et laprojection ;

    les mthodes analytiques grce auxquelles la position et lorientation de la prise de vue sontdtermines. Ensuite, il sagit dvaluer les informations gomtriques des objets de la scne ;

    les mthodes numriques, comparables aux mthodes analytiques : la diffrence rside dansle fait quelles se basent sur des oprations informatiques.

    la photogrammtrie avec deux images ou strophotogrammtrie est une technique par la-quelle les mesures sont retrouves grce deux images et des conditions de prise de vuestandardises. La mthode de restitution peut tre : analogique, par lutilisation dun strocomparateur. Le travail de restitution est fait mca-

    niquement ; analytique, par le calcul de lorientation interne, lorientation externe et ensuite lvaluation

    des distances. Le travail est fait par des oprations mathmatiques ; numrique, qui correspond la mthode analytique mais ralise informatiquement.

    la photogrammtrie avec plusieurs images ou photogrammtrie multi-images , appli-cable seulement travers des mthodes analytiques et numriques. Il sagit de trouverlorientation interne et externe de chaque image pour pouvoir ensuite effectuer des mesures.

    Ds les annes 1980, les systmes de photogrammtrie numrique se sont rpandus. Kraus etWaldhusl [Kraus et Waldhusl(1998)] dfinissent la photogrammtrie numrique comme toute tech-nique de photogrammtrie analytique dans laquelle les images sont acquises par un appareil numriqueou numrises avec le scanner. Ces systmes effectuent les oprations mathmatiques par des algo-rithmes issus des principes analytiques de la photogrammtrie. Ce dveloppement a t initi par lacartographie, lindustrie et larchitecture, domaines dans lesquels il peut savrer ncessaire dextrairedes donnes mtriques partir de donnes en 2D. Par la suite, larchologie en a galement profitdans le cadre de relevs de sites et monuments historiques. Les sciences forensiques utilisent des m-thodes de photogrammtrie analogiques depuis le dbut du XX sicle, au moment o les systmes destrophotogrammtrie ont t introduits pour le relev des accidents de la circulation. Maintenant,elle profite des nouveaux logiciels de photogrammtrie numrique pour le relev des lieux daccidentsou de dlits.

    Ce chapitre fait une revue des principes de photogrammtrie. Pour plus de dtails,se rfrer [Atkinson(2001), Fraser(2005), Kraus et Waldhusl(1998), Luhmann et al.(2006),Mikhail et al.(2001), Moons(1998), Slama(1980)].

    2.2 Les principes

    2.2.1 Gnralits

    Lors de la formation dune image, la profondeur disparat. A cause de la perspective, des lignesqui dans la ralit sont parallles peuvent ne plus ltre sur limage et les dfauts de lobjectif peuventles rendre courbes. Pour retrouver la profondeur, il faut avoir des informations sur les conditions deprise de vue, disposer dimages du mme sujet depuis dautres points de vue, complter les donnesavec des mesures faites sur les sujets, disposer dautres donnes permettant de retrouver la positionet lorientation des prises de vue ou dterminer la forme et la grandeur des objets. Il existe plusieursmthodes qui peuvent tre utilises pour combiner ces informations et ainsi calculer les distances vou-lues. En photogrammtrie, le principe de base veut que pour identifier la position dun point Q dansun espace 3D, il faut au moins lintersection entre un rayon et la surface qui inclut ce point (figure2.1) ou lintersection de deux rayons (figure 2.2). La mthode qui utilise lintersection dun rayon avecune surface ncessite des donnes permettant de situer et orienter la prise de vue dans lespace rel,processus appel relvement spatial (resection en anglais), et des informations concernant les carac-tristiques gomtriques et de localisation des sujets photographis. Les informations gomtriquesdes sujets peuvent tre de diffrentes sortes : plans, droites parallles, mesures ou coordonnes depoints dans lespace. Un exemple forensique est la mesure, partir dune image, dune trace sur unesurface plane, par exemple une trace de semelle sur le sol. La mthodologie veut que la photographiesoit prise avec le plan image parallle la surface o se trouve la trace. Cela dfinit lorientation et

    14

  • Chapitre 2. La Photogrammtrie

    la position de la prise de vue ; de plus, en sachant que la trace se trouve sur une surface plane, unedonne gomtrique sur le sujet est galement connue. Pour calculer la taille de la trace, il suffit unemesure de contrle sur le sujet, venant par exemple dune rglette.

    Fig. 2.1: Schma illustrant le principe pour la dtermination du point-objet partir dune image. Lepoint-objet se trouve sur un objet (en brun) de gomtrie connue. Lintersection entre le faisceau partantdu point-image et lobjet permet de dterminer la position du point-objet.

    La mthode qui se base sur lintersection de plusieurs rayons se rfre la technique photogram-mtrique qui combine au moins deux photographies pour retrouver les donnes mtriques des sujetsphotographis. Pour que cela soit possible, il faut connatre les conditions de prise de vue et lescaractristiques de lappareil photographique. Depuis chaque image, en connaissant lorientation delappareil, il est possible de tracer un rayon, ou faisceau, qui part du point-image et passe par le centreoptique de lobjectif. La position du point-objet est retrouve en combinant au moins deux rayonsvenant du mme point-objet, partir de deux images diffrentes (figure 2.2). Si plus de deux rayonssont prsents, cest--dire que le point-objet est visible sur plus de deux photographies, une compen-sation des faisceaux est possible. La strophotogrammtrie et la photogrammtrie multi-images sebasent sur ce principe.

    Fig. 2.2: Schma illustrant le principe pour la dtermination du point-objet partir de deux images.Chaque image fournit un faisceau pour le mme point-objet. Leur intersection permet de calculer laposition du point-objet.

    2.2.2 Notions de gomtrie

    Principes mathmatiques

    Ce paragraphe rsume certaines notions de base de mathmatique lies la photogrammtrie. Unsystme de coordonnes est dfini par trois vecteurs de base de longueur 1 qui suivent les axes X ,Y , Z. Le changement de systme de coordonnes peut tre effectu par une srie de transformations.En photogrammtrie, les principales transformations sont la translation, la rotation et le changementdchelle.

    Un point Q dans un espace 3D cartsien est dfini par trois coordonnes X , Y , Z.

    15

  • 2.2. Les principes

    Q =

    XYZ

    Les transformations de systme de coordonnes sont dcrites par des vecteurs et des matrices. Latranslation peut tre dfinie par un vecteur :

    T =

    TXTYTZ

    Les rotations sont dfinies par des matrices de rotation autour des axes X , Y , Z. Les matrices derotation dangle , et autour, respectivement, de laxe X , Y , Z ont la forme suivante :

    R =

    1 0 00 cos() sin()0 sin() cos()

    R =

    cos() 0 sin()0 1 0

    sin() 0 cos()

    R =

    cos() sin() 0sin() cos() 0

    0 0 1

    Les diffrentes rotations dun systme de coordonnes peuvent tre combines entre elles en multi-pliant les diffrentes matrices de rotation rsultantes. Il faut noter que la multiplication entre matricesnest pas commutative, cest--dire que R1 R2 6= R2 R1. Lors de rotations successives, il est doncimportant de savoir dans quel ordre elles ont t opres.

    Le changement dchelle selon les facteurs (X , Y , Z) dans la direction des axes X , Y , Z estdfini par des matrices de type :

    =

    X 0 00 Y 00 0 Z

    Dans le cas o le changement dchelle est uniforme, cest--dire que X = Y = Z , le facteurdchelle peut tre dfini par une valeur scalaire.

    Finalement, travers ces vecteurs et matrices, il est possible de calculer le nouveau point Q,rsultant du changement de systme de coordonnes du point Q, par la relation :

    Q = R Q + T (2.1)

    Le principe de colinarit

    Les photographies sont des projections coniques sur un plan. Pour retrouver les dimensions desobjets photographis, il faut connatre de quelle manire se forme une image et ensuite effectuerlopration inverse pour reconstituer la scne observe. Le modle de la camra contient toutes lesinformations qui dfinissent dans quelle rgion de limage un point-objet de la scne va tre dessin.Ce modle sert pour calculer le faisceau ou rayon des points issus de lappareil photographique surlesquels le point-objet en question peut se trouver. Le rayon, combin avec dautres rayons issusdautres prises de vue, ou combin avec les surfaces des objets sur lesquels se trouve le point-objetrecherch, permet de dterminer sa coordonne relle. Le modle de camra qui est prsent icisappelle modle stnop linaire. Ce dernier dcrit lappareil photographique par un plan image,correspondant la surface photosensible, que ce soit le film argentique ou le capteur numrique, etun centre optique ou centre de projection reprsentant lobjectif. Il est possible de dfinir un plande projection appel image positive et situ lavant du centre optique, sur lequel la projectionconique se reproduit. Les diffrents concepts sont dcrits laide de limage positive, mme sils sont

    16

  • Chapitre 2. La Photogrammtrie

    gomtriquement semblables la projection sur le plan image1. Compte tenu de ces considrations,un point-image correspond lintersection de la droite qui relie le point-objet, le centre optique et leplan image (voir figure 2.3).

    Fig. 2.3: Reprsentation du modle stnop. Lappareil photographique est caractris par le centre deprojection O et sa focale. Le point Q dans lespace rel est projet sur limage positive au point q. Cedernier est le point dintersection de la droite passant par le centre de projection O et le point Q avec leplan image. Laxe optique est la droite passant par le centre de projection O et qui est perpendiculaireau plan image. Le plan focal est le plan se trouvant sur le centre de projection O et qui est parallle auplan image. C est le point central de limage.

    Dans cette reprsentation, se dfinissent trois systmes de coordonnes : le systme de coordonnesdu monde rel, le systme de coordonnes de lappareil photographique et le systme de coordonnesde limage. Pour passer dun systme de coordonnes lautre, il suffit dappliquer les transformationsdcrites dans le paragraphe prcdent. Le passage du systme de coordonnes du monde rel ausystme de coordonnes de lappareil est dfini par la relation suivante :

    XYZ

    = R (Q O) (2.2)

    o O(X0, Y0, Z0) correspond au centre optique de lappareil photographique selon le systmede coordonnes du monde rel. Pour dterminer les coordonnes du point q sur limage, il fautconsidrer que ce dernier se trouve sur le plan image la distance focale f . De plus, des dcalages parrapport au point central C(u0, v0) de limage peuvent avoir lieu. Finalement, le passage du systmede coordonnes du monde rel au systme de coordonnes de limage est donn par :

    u u0v v0f

    =

    r11 r12 r13r21 r22 r23r31 r32 r33

    X X0Y Y0Z Z0

    (2.3)

    Cette relation peut tre transforme en trois quations scalaires :

    u u0 = (r11(X X0) + r12(Y Y0) + r13(Z Z0))

    v v0 = (r21(X X0) + r22(Y Y0) + r23(Z Z0)) (2.4)

    f = (r31(X X0) + r32(Y Y0) + r33(Z Z0))

    o X0, Y0 et Z0 sont les coordonnes du centre de projection selon le systme de coordonnes dumonde rel, X , Y et Z sont les coordonnes du point-objet, toujours selon le systme de coordonnesdu monde rel, un facteur dchelle, u et v sont les coordonnes du point-image par rapport au

    1Dans le texte, le plan image est confondu avec limage positive

    17

  • 2.2. Les principes

    rfrentiel image, u0 et v0 sont les coordonnes du point principal et f la distance focale. En divisantles deux premires quations de 2.4 par la troisime, sobtiennent les quations de colinarit :

    u u0 = fr11(X X0) + r12(Y Y0) + r13(Z Z0)

    r31(X X0) + r32(Y Y0) + r33(Z Z0)

    v v0 = fr21(X X0) + r22(Y Y0) + r23(Z Z0)

    r31(X X0) + r32(Y Y0) + r33(Z Z0)(2.5)

    Lquation 2.3 peut tre galement utilise pour aboutir aux quations :

    X = X0 + (Z Z0)r11(u u0) + r21(v v0) r31c

    r13(u u0) + r23(v v0) r33(f)

    Y = Y0 + (Z Z0)r12(u u0) + r22(v v0) r32c

    r13(u u0) + r23(v v0) r33(f)(2.6)

    Ces quations rsument le principe de base utilis en photogrammtrie. Elles expriment le faitque le point-objet Q, le point-image q et le centre optique O se trouvent sur la mme droite. Ellessont la base de ce qui est appel Transformation Linaire Directe, TLD (Direct Linear Transform,DLT). En ladaptant depuis lquation 2.5, sobtient :

    u =L1X + L2Y + L3Z + L4L9X + L10Y + L11Z + 1

    v =L5X + L6Y + L7Z + L8L9X + L10Y + L11Z + 1

    (2.7)

    o L1, L2, L3, L4, L5, L6, L7, L8, L9, L10 et L11 sont les paramtres TLD.Ainsi, tout point sur une image peut tre utilis pour dfinir un faisceau qui passe par le centre

    optique de lappareil. Si plusieurs images prises de diffrents points de vue contiennent le mmepoint, lintersection des diffrents faisceaux qui y sont issus permet de retrouver les coordonnes dupoint-objet.

    Le principe de coplanarit

    A partir dun point-image, il est possible de dterminer le faisceau passant par le centre optiqueet le point-objet. Cependant, il est impossible de dterminer sa position exacte. Pour y parvenir,il est ncessaire de considrer plusieurs images contenant le mme point et de combiner les diff-rentes lignes de vue correspondantes. Cela implique de connatre lorientation interne et externe dechaque photographie. Lorsque deux images sont prsentes, le faisceau d dun point-image q1 peut treprojet sur la deuxime image. De cette manire, sur la deuxime image seront reprsentes toutesles positions possibles du point recherch. La recherche de la correspondance de q1 sur la deuximeimage, appele image homologue, cest--dire q2, se limite la droite d2. Pour pouvoir dterminer d2,la gomtrie interne des deux appareils photographiques et la position et lorientation relatives desprises de vue doivent tre connues. La relation gomtrique entre des points-image homologues estappele gomtrie pipolaire. La droite d2 est appele droite pipolaire de q1 dans la deuxime image(voir figure 2.4). De la mme manire, la droite pipolaire de q2 se projette sur la premire image.Ces deux droites crent un plan dans lespace du monde rel, appel plan pipolaire du point Q. Celareprsente le principe de coplanarit des faisceaux : les deux faisceaux homologues du point-objet Qet le segment (O1, O2) se trouvent sur le mme plan, le plan pipolaire (figure 2.4). Ceci se traduitpar la relation :

    O1O2 (

    O1Q

    O2Q) = 0 (2.8)

    Le point de base dun faisceau de droites pipolaires est appel piple. Lpiple e dans une vueest limage du centre de projection de lautre vue.

    18

  • Chapitre 2. La Photogrammtrie

    Fig. 2.4: Reprsentation du principe de la gomtrie pipolaire. La droite pipolaire d2 contient lepoint image q2. Elle est dtermine grce la connaissance de la gomtrie interne des appareils photo-graphiques et la connaissance de la position et de lorientation relative des deux prises de vue. e1 et e2sont respectivement les piples des images 1 et 2, cest--dire la vue du centre de projection de limagehomologue.

    Reprsentation par les coordonnes homognes

    Les principes prsents ici peuvent tre illustrs par lutilisation des coordonnes homognes.Il sagit dune manire de dcrire les coordonnes avec une valeur supplmentaire qui dfinit unfacteur multiplicatif. Pour dfinir un point Q dans lespace 3D par les coordonnes homognes, troiscoordonnes X , Y , Z et un facteur multiplicatif sont dfinir.

    Q =

    XYZ

    Le point Q, ici dfini par des coordonnes homognes, correspond au point (X/, Y/, Z/) dansle systme de coordonnes 3D cartsien habituel. Ce type de reprsentation simplifie les explicationsdes transformations mathmatiques par des multiplications matricielles. Grce la notation descoordonnes homognes, il est possible de reprsenter la translation, la rotation et le changementdchelle dans une seule matrice qui sera le rsultat de la multiplication des diffrentes matrices destransformations homognes. En utilisant les coordonnes homognes pour la description du point-image q(u, v), lquation 2.3 devient :

    X X0Y Y0Z Z0

    = 1/ RT K

    uv1

    (2.9)

    avec K la matrice de calibration interne :

    K =

    1 0 u00 1 v00 0 f

    Lquation 2.9 permet de distinguer deux informations : la position (X0, Y0, T0) et lorientation RT

    de lappareil photographique lors de la prise de vue, appele orientation externe, gomtrie externeou proprits extrinsques, et les caractristiques internes de lappareil photographique K, appelesorientation interne, gomtrie interne ou proprits intrinsques.

    Lorsque deux images homologues sont prsentes, lopration de projection dune droite pipolairepeut tre synthtise sous la forme dune matrice projective de donnes en 2D 2D. La matriceainsi construite sappelle matrice fondamentale et aura une dimension de 3x3. F12 est la matricefondamentale de passage de limage 1 limage 2. La matrice fondamentale F21 = FT12 est la matricede passage de limage 2 limage 1. Ainsi, la droite pipolaire d2 du point q1 sur limage homologuepeut tre calcule par la relation d2 = F12q1. La combinaison de la matrice fondamentale avec les

    19

  • 2.2. Les principes

    matrices qui caractrisent la gomtrie interne des appareils K1 et K2 permet de calculer la matriceessentielle E, cest--dire la matrice qui dtermine linformation sur la position et lorientation relativedes appareils photographiques partir des seules images.

    E = KT2 F K1 (2.10)

    Si plus de deux images sont combines, des relations plus complexes doivent tre considres. Troisimages et plus fournissent diffrents rayons de vue pour le mme point-objet. Il est donc possible derduire lincertitude de la position du point-objet dans lespace rel. Les vues supplmentaires serontgalement utiles pour vrifier la qualit de lvaluation faite avec les deux premires images.

    2.2.3 La procdure

    Le processus de dtermination dun point 3D partir de photographies peut tre rsum en troistapes :

    lorientation interne est dtermine par la connaissance de la gomtrie interne de lappareil pho-tographique ; il sagit de dterminer la focale et les coordonnes du point principal, dfinissantainsi la position du centre de perspective par rapport au plan image. Il faut galement connatreles erreurs engendres par la dformation du film, pour les films argentiques et par les distorsionsde lobjectif ;

    lorientation externe permet de connatre la position et lorientation des prises de vue dans les-pace. Elle peut tre calcule de plusieurs manires. Dans le cas prsent, deux situations vonttre dcrites : lorientation en deux tapes :

    1. orientation relative, qui permet de dterminer la position des images, les unes par rapportaux autres ;

    2. orientation absolue, obtenue par la dtermination de la position et lorientation de lap-pareil photographique dans le systme de coordonnes du monde rel. Les six paramtresqui dcrivent lorientation absolue sont les trois coordonnes de la position de lappareilet les trois angles des rotations.

    lorientation en une tape, par lajustement des faisceaux (bundle block adjustment, enanglais). Lorientation externe est dtermine par calcul itratif. Cette approche permet decalculer simultanment les donnes de lorientation interne.

    la restitution : une fois que lorientation interne et externe de chaque image sont connues, tous lespoints qui sont prsents sur au moins deux images peuvent tre retrouvs dans le systme decoordonnes du monde rel.

    A cela peuvent tre ajoutes des tapes en amont qui sont lies lacquisition et en aval qui sont lies la finition du travail. Cela rsulte dans le processus complet du travail photogrammtrique rsumdans le schma de la figure 2.5.

    Lorientation interne

    Pendant longtemps, en photogrammtrie rapproche, seuls les appareils photographiques mtriquesou semi-mtriques, avec des paramtres dorientation interne connus et stables, ont t utiliss. Denos jours, grce aux dveloppements technologiques et informatiques, plusieurs systmes permettantlutilisation dappareils photographiques non-mtriques sont disponibles. Les appareils non-mtriquesont des paramtres intrinsques inconnus et instables dans le temps. Ce fait implique une valuation, rpter plus ou moins souvent selon la qualit de lappareil photographique, afin de dterminerles paramtres de lorientation interne. La simplicit et le prix des appareils non-mtriques les ontrendus attrayants, mais cela a ncessit le dveloppement de programmes capables de calculer lescaractristiques intrinsques. La solution a t trouve dans le traitement numrique. Les imagespeuvent provenir dun appareil argentique ou numrique. Dans le cas dun film argentique, les imagesdoivent tres numrises, tandis que les images numriques sont immdiatement exploitables. Lemodle stnop linaire est applicable pour la plupart des appareils conventionnels. Par contre, ilne tient pas compte des distorsions lies lobjectif, qui sont non ngligeables pour certains types

    20

  • Chapitre 2. La Photogrammtrie

    Fig. 2.5: Schma reprsentant le processus de travail lors de lapplication de techniques de photogram-mtrie depuis lacquisition des donnes jusqu la finition du travail.

    de lentilles, et quil faut galement considrer. Ces paramtres sont pris en compte par dautresmodles, comme le modle stnop non-linaire. En gnral, deux types de distorsions sont considrs[Brand(1995), Guillotin(1997)] :

    les distorsions radiales sont attribuer au fait que les lentilles ne sont pas parfaitement minceset quelles prsentent des dfauts de courbure. Elles provoquent un dcalage du point-imagepar rapport sa position dans le cas dun systme de lentille parfait. Ce dcalage est radialpar rapport au point principal et est de lordre du dixime de millimtre pour les appareilsphotographiques damateurs ;

    les distorsions tangentielles, de lordre du dixime de micron, apparaissent lorsque lassemblagedes lentilles sur lobjectif est incorrect. Elles sont souvent accompagnes de distorsions radiales.

    21

  • 2.2. Les principes

    La question de la caractrisation des distorsions dun systme optique est trs importante lors delutilisation dobjectifs courte focale, cas frquent lors des tats des lieux forensiques dans des espacesrestreints, dun zoom ou dobjectifs bon march. Dans ce cas, la matrice de calibration K de lappareilnest pas pratique car elle ne tient pas compte des distorsions. Pour remdier ce problme, plusieursmthodes ont t proposes afin de modliser les distorsions. Cela a amen la dfinition dunesrie de coefficients qui reprsentent les distorsions. [Criminisi(2001), Remondino et Fraser(2006),Sturm(1992), Triggs(1999)] fournissent plus de dtails concernant cette problmatique.

    Dans le cas dappareils mtriques ou semi-mtriques, les donnes de lappareil photographiquesont connues ou peuvent tres facilement tablies par calibration au laboratoire. Pour les appareilsnon-mtriques, lestimation est plus laborieuse. Deux possibilits de calibration sont envisageables[Godding(2002)] :

    Au laboratoire, il est possible de dterminer les paramtres intrinsques dun appareil par luti-lisation dun support de contrle avec une trame rgulire connue, comme une grille ou unrseau, qui est photographi dans des conditions spcifiques. En comparant limage obtenue etles donnes relles du support de contrle, il est possible de calculer les donnes de lorientationinterne. Ce genre dorientation est utile dans le cas o lappareil photographique a une orien-tation interne stable, ce qui nest pas le cas pour des appareils damateurs. En outre, il fautconsidrer que lorientation interne varie en fonction de lobjectif et des conditions de prise devue.

    En utilisant lajustement des faisceaux, lorientation interne peut tre calcule, en mme tempsque lorientation externe, par la rsolution du systme dquations par calcul itratif. Cetteapproche permet de calculer de faon complte toutes les donnes de lorientation interne etexterne. De plus, il est possible de calculer lincertitude pour chaque paramtre et ainsi fournirune apprciation de la qualit du rsultat. Plusieurs sortes dalgorithmes permettent deffectuerce travail.

    Orientation externe en deux tapes

    Orientation relative Lorsque plusieurs images sont employes pour effectuer une mesure sur unobjet photographi, il est possible de les orienter les unes par rapport aux autres. En strophoto-grammtrie, la dtermination de lorientation relative est plus aise (paragraphe 2.3.2). Du point devue gomtrique, le but de lorientation relative est de dterminer les coordonnes dun point-objet Qvisible sur une image dans un systme de coordonnes dfinies partir dune image. Chaque prise devue est identifiable par 6 inconnues : X1, Y1, Z1, les coordonnes du centre de perspective O1, et 1,1, 1, les angles de rotation de la prise de vue autour de laxe X , Y , Z de lappareil photographique.La direction de vue de lappareil photographique dfinie par ces angles peut tre remplace par unvecteur unitaire avec comme composantes R1, S1, T1 dcrivant la direction de laxe optique. Pour seplacer dans le systme de coordonnes dun appareil ainsi dcrit, il suffit de reprsenter la position dudeuxime appareil selon le nouveau systme de coordonnes. Au dpart, la position et lorientationdes prises de vue ne sont pas connues. Il est donc possible de dfinir un systme de coordonnes partir dune prise de vue quelconque, ici dfini par lappareil 1 :

    (X1, Y1, Z1) = (0, 0, 0)(R1, S1, T1) = (0, 0, 1)

    Ainsi, la direction de prise de vue est laxe Z, tandis que le plan image est parallle aux axes Xet Y . Pour une deuxime prise de vue, faite avec lappareil 2, il est possible dimposer X2 = 1, carpour linstant, dans le systme de coordonnes, seules lorigine et la direction Z ont t dfinies. Ace moment, le systme de coordonnes selon la vue de lappareil 1 est fix. Le calcul dorientationrelative de lappareil 2 comporte cinq inconnues : Y2, Z2, 2 coordonnes du centre de perspective O2,et R2, S2, T2, les composantes du vecteur unitaire de laxe de vue de lappareil 2.

    Ces inconnues peuvent tre dtermines par lutilisation des quations de colinarit (quations2.5) ou lquation de coplanarit (quation 2.8). Dans les deux cas, au moins 5 points-image homo-logues prsents sur les images en examen sont ncessaires. Le systme de coordonnes ainsi constituest appel modle photogrammtrique. Ltape suivante consiste transformer ce modle photogram-mtrique en le systme de coordonnes de lespace rel.

    22

  • Chapitre 2. La Photogrammtrie

    Orientation absolue Lorientation absolue est ltape qui consiste changer le systme de coor-donnes du modle photogrammtrique tabli aprs lorientation relative en le systme de coordonnesde lespace rel. Du point de vue mathmatique, il sagit dappliquer lquation 2.1 pour modifier lescoordonnes dfinies dans le systme de coordonnes de lappareil 1 par la matrice de rotation R,le vecteur de translation T et le facteur de changement dchelle ncessaires. Pour passer du mo-dle photogrammtrique obtenu aprs lorientation relative au nouveau modle photogrammtrique,il faut dterminer R, T et dans lquation :

    A = R A + T (2.11)

    Cette quation contient sept paramtres inconnus, aussi appels lments de lorientation absolue :les trois coordonnes de translation, les trois angles de rotation et le facteur dchelle. La dtermina-tion numrique des sept lments requiert un minimum de sept quations. Pour rsoudre ce systmedquations, il faut disposer de points exprimables dans le systme de coordonnes du monde rel(A) et dans le systme de coordonnes de lappareil 1 (A). De tels points sont appels points dappuiou points de calage.

    Orientation externe en une tape

    Lorientation externe en une tape est effectue par lajustement des faisceaux issus des images.Elle nest possible que par des mthodes analytiques ou numriques et sappuie sur les relations decolinarit. Il sagit de la mthode de choix lors de lutilisation dappareils photographiques non-mtriques. Lorsque lorientation interne des appareils photographiques utiliss pour le relev photo-grammtrique est connue, les paramtres de lorientation externe sont calculs en une seule tape parla rsolution des quations de colinarit (quations 2.5) par itrations, selon le critre des moindrescarrs. Les inconnues sont les 6 paramtres de lorientation externe et les 3 coordonns du point danslespace. Si le travail est ralis selon les rgles de lart, les rsultats obtenus sont gnralement plusprcis que ceux qui sont obtenus par les mthodes en deux tapes, car toutes les images sont orien-tes simultanment. De plus, lajustement des faisceaux permet le calcul des paramtres dorientationinterne au mme moment que celui de lorientation externe. La difficult rside dans le fait que lesystme dquations comprend plusieurs inconnues qui sont dtermines par calcul itratif : cela peutrsulter en une divergence des valeurs. Pour cette raison, la valeur des inconnues doit tre estime defaon raisonnable, gnralement par le calcul de lorientation relative et/ou par des tapes successivesde relvement/intersection2.

    Plusieurs situations permettant la rsolution du systme dquations sont possibles. Thorique-ment, pour effectuer un ajustement des faisceaux, au moins 3 points de calage connus et des approxi-mations initiales des inconnues des orientations externes et/ou internes sont ncessaires. Dans lapratique, un nombre suprieur de points homologues, la prsence dobjets de morphologie connue, ladfinition prcise de points de calage, ainsi que le nombre dimages prsentant les mmes points-objet,permettent dobtenir des modles photogrammtriques prcis.

    Restitution

    Une fois lorientation interne et externe de chaque image dtermines, il est possible de calculerla position de tous les points-objet reprsents sur au moins deux images. tant donn quil sagit dersoudre un systme de quatre quations avec 3 inconnues, X , Y , Z, sa rsolution permet dvaluergalement lincertitude sur la dtermination du point-objet. Le rsultat de la restitution conduit la dfinition des points, qui, couples avec les points dfinis lors de ltape dorientation interne etexterne, fournissent la base du modle 3D de la scne. Ces points peuvent tre ensuite utiliss pourcrer des lignes ou polygones et tre retravaills dans des logiciels de modlisation 3D.

    2Le relvement est la dtermination de la position de lappareil dans lespace partir dau moins 3 points de calage.Lintersection est la dtermination dun point dans lespace partir des images orientes.

    23

  • 2.3. Les mthodes

    2.3 Les mthodes

    2.3.1 Extraire des mesures dune seule image

    Pour faire des mesures en utilisant une seule image, il faut avoir des donnes concernant le sujetphotographi. En sciences forensiques, cela correspond par exemple la mesure dune trace sur uneimage, la mesure de la taille dun individu photographi ou film par une camra de surveillance, la mesure dun objet sur une photographie de tmoin ou lvaluation de la distance parcou-rue par un vhicule sur une vido [Compton et al.(2000), Criminisi(2001), Criminisi et al.(1998),Klasn et Fahlander(1996), Lanzi et al.(2006), Shor et al.(2006)].

    Les mthodes par comparaison

    La mesure par comparaison est envisageable lorsque les sujets prsents sur la photographie peuventtre compars avec dautres sujets. Le cas le plus simple est limage contenant une rgle ou un objetde taille connue. Grce des informations sur le sujet et la prise de vue, il est possible de calculerla grandeur recherche. Un exemple simple est la mesure dun sujet grce une rglette (figure 2.6).Ce type de mesure par comparaison est possible lorsque le plan image est parallle au plan du sujet mesurer. De plus, la rglette doit se trouver sur le mme plan que le plan du sujet. Les problmespeuvent apparatre lorsque le sujet nest pas plan, il nest pas net sur limage, le paralllisme entreplan image et plan objet nest pas respect ou si loptique prsente beaucoup de distorsions.

    Fig. 2.6: Exemple dune image sur laquelle les mesures sont faites par comparaison. La rglette sertde rfrence. Par la suite, les mesures sont faites par comparaison avec cette grandeur. Pour ce genrede mesures photogrammtriques, il est important de limiter au maximum les erreurs de distorsion etdformations lies une mauvaise optique ou une mauvaise position de vue.

    Dans le cas o aucun objet de rfrence ne serait prsent, il faut effectuer une deuxime pho-tographie depuis la mme position et dans des conditions identiques la premire image. Un objetde rfrence doit tre plac dans la mme position que le sujet mesurer sur la premire image. Envariant la taille de lobjet de rfrence et en le comparant sur les deux images, il est possible destimerla dimension du sujet. Cette situation est trs particulire, car il faut que la deuxime prise de vuesoit effectue dans la mme position/orientation et que lappareil nait pas subi de changements af-fectant ses paramtres internes. Gnralement, les camras de surveillance respectent ces conditions,bien quune vrification soit toujours indispensable (figure 2.7).

    Les mthodes bases sur les rgles de perspective

    La mesure sobtient directement sur limage par lutilisation des informations visuelles. Cette m-thode se base sur la recherche des points de fuite par les droites ou plans parallles et lintgrationdune ou plusieurs distances. Ce type dexamen a t dcrit de faon dtaille, dans un cadre foren-sique, par Criminisi [Criminisi(2001)]. Pour amliorer la prcision, il faut compenser les distorsionslies lobjectif en valuant, par exemple, la dformation dune droite ou dun carr sur limage.

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  • Chapitre 2. La Photogrammtrie

    Fig. 2.7: Exemple dune image provenant dune camra de surveillance sur laquelle la mesure de lataille de la personne (image de gauche) est faite par comparaison, avec une rfrence place au mmeendroit que la personne mesure (image de droite). Pour ce genre de mesures photogrammtriques, ilest important que la camra nait pas t dplace.

    Certains logiciels et algorithmes peuvent tre utiliss pour la dtermination des paramtres internesde lappareil photographique. Les paramtres internes, combins avec la position de la prise de vue,langulation ou la disposition des lments mesurer peuvent influencer ngativement le rsultat.

    Les mthodes analytiques-numriques

    Il sagit dun cas particulier o limage en question est oriente par relvement spatial, partirdes informations gomtriques de la scne, et elle est par exemple intgre dans un processus dephotogrammtrie multi-images (figure 2.8). En prsence dune seule image qui prsente un sujet mesurer, il faut dterminer les donnes X , Y , Z de plusieurs points-objet qui vont tre utiliss commepoints de calage pour le relvement spatial. La solution dintgration dans le processus de crationdu modle photogrammtrique par la photogrammtrie multi-images implique lenregistrement pho-togrammtrique des lieux. Limage en question est ensuite intgre dans le processus de cration dumodle photogrammtrique. Dans ce cas, toutes les informations dorientation interne et externe delimage doivent tre dtermines.

    Fig. 2.8: A gauche, schma illustrant le principe du relvement spatial : lorientation interne et externede limage est dtermine partir des points de calage Ai, prsents sur limage en points-image ai. Celapeut tre fait par lintgration de limage dans un modle photogrammtrique de la scne ( droite).

    La projection inverse

    La projection inverse correspond un procd, dans lequel lorientation de limage est dterminemanuellement. Par la suite, la comparaison de la projection de limage sur les objets permet de faire

    25

  • 2.3. Les mthodes

    des mesures. Deux applications du principe de la projection inverse sont envisageables, une relle (1)et lautre virtuelle (2) :

    1. retourner sur les lieux et appliquer le principe de la projection inverse. Lappareil photogra-phique avec lequel limage a t faite doit tre disposition. Une diapositive de limage estcre et place dans le systme optique de lappareil. Limage est ensuite projete sur les lieux ;la position de la prise de vue est dtermine en comparant limage projete avec les lmentsfixes de la scne. La mesure des sujets en question peut ensuite tre faite par comparaison dela projection avec les objets de la scne [Goodin(1993), Whitnall et Moffitt(1989)].

    2. intgrer limage dans un modle 3D des lieux. Il sagit dune forme de projec-tion inverse virtuelle o limage est projete sur le modle 3D. En sciences fo-rensiques, le mme principe est notamment utilis dans des cas de comparaisonde visages [Fraser et al.(2003), Goss et al.(2006), Iscan et Loth(2000), Ruifrok et al.(2003),Yoshino et al.(2000), Yoshino et al.(2001), Yoshino et al.(2002), Yoshino et al.(2005)].

    2.3.2 La strophotogrammtrie

    Les premiers systmes de strophotogrammtrie terrestre analogique sont apparus autour de1910 et ont t ensuite adopts par plusieurs services de police, principalement pour le relev desaccidents de la circulation. Lvolution technologique a ensuite modifi la mthodologie de travail.Autour des annes 1950, les systmes de strophotogrammtrie analytique sont apparus. Le relevdes lieux tait comparable lanalogique, seule la technologie de la restitution variait : la mthode dedessin dans le strocomparateur ntait plus mcanique, mais lectronique. Par la suite, divers sys-tmes numriques et programmes informatiques de dessin ont t mis point, jusqu larrive, dansles annes 80, de systmes de strophotogrammtrie compltement numriques. Pour ces systmes,tout le travail passe par linformatique [Burtch(2007)]. Daprs les principes dcrits dans la section2.2, deux prises de vue du mme point-objet faites partir de deux endroits diffrents peuvent treutilises pour retrouver sa position. Les mthodes utilises en strophotogrammtrie ont t dve-loppes de manire rduire les tapes dorientation et simplifier le travail. Lappareillage consisteen un double appareil photographique mtrique ou semi-mtrique et un strorestituteur. Les deuxappareils sont fixs et orients sur une base fixe de taille variable ; dans le cas normal, les deuxplans image sont coplanaires. De plus, la direction de la prise de vue est connue. Du point de vuegomtrique, cela signifie que lorientation relative des deux appareils et langle de la prise de vuesont connus. Il suffit encore de connatre la position dans lespace pour pouvoir calculer lorientationabsolue. Ces deux images sappellent stropairs, stroimages ou strophotographies. La restitutionphotogrammtrique est ensuite faite avec un strorestituteur analogique, analytique ou avec un pro-gramme informatique. Le principe est bas sur la strovision humaine : pour le systme analogiqueou analytique, loprateur regarde travers deux oculaires qui renvoient les deux stroimages lildroit et lil gauche. Ensuite, grce des manivelles, il est possible de dplacer les images diaposi-tives dans les directions x, y, z. Le but est de repositionner les images dans une bonne configurationpour que la vision stroscopique soit rtablie. A ce moment, les images sont dans une position oles deux rayons issus des points-image homologues se croisent en un point correspondant au point-objet. Avec un systme analogique, le point est marqu par une tte scripturante sur un plan 2D,tandis que dans un systme analytique, le point est enregistr lectroniquement. Le strorestituteurnumrique se diffrencie du systme analytique du fait que tout est trait numriquement. Il existediverses solutions en ce qui concerne laffichage, tandis que le principe du travail reste le mme. Lorsde laffichage sur un cran, pour les distinguer, les deux stroimages peuvent tres colores avec deuxcouleurs diffrentes ou visualises avec un cran et des lunettes spciales fonctionnant en polarisationcroise. Le dplacement x, y, z est accompli en utilisant la souris ou un autre outil informatique.Le but est dobtenir une superposition du point recherch sur les deux stroimages. Dans ce cas, larestitution permet dobtenir un modle 2D ou 3D.

    Dans des cas particuliers o les lieux stendent sur une grande surface, la restitution peut n-cessiter une suite de plusieurs strophotographies. Pour lier cette suite, lors de la restitution, lesmodles strophotogrammtriques doivent comporter des points de calage communs prsents sur lesautres modles. En unissant ces points, il est possible dlargir la zone de restitution.

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  • Chapitre 2. La Photogrammtrie

    2.3.3 La photogrammtrie multi-images

    La photogrammtrie multi-images est une technique qui sest dveloppe grce lvolution in-formatique. Les oprations analytiques et mathmatiques ncessaires pour lorientation interne etexterne ont t traduites en algorithmes numriques. La photogrammtrie multi-images numriquecomprend tous les logiciels et algorithmes qui utilisent les principes de gomtrie plusieurs images.Elle nest pas lie aux contraintes qui rgissent la strophotogrammtrie lors des prises de vue carun simple appareil photographique suffit. Il nest pas ncessaire dutiliser une base ou de noter laposition et lorientation de lappareil photographique : il suffit de faire quelques mesures et, si besoinest, de positionner des points-objet bien visibles. Les images sont ensuite introduites dans un logicielde photogrammtrie multi-images et compltes par la localisation des points-image homologues etlintroduction dans le programme des mesures effectues. Des algorithmes calculent ensuite lorienta-tion interne et externe des images par des oprations mathmatiques qui se basent sur les principesdcrits dans la section prcdente. La technique gnralement utilise est lajustement des faisceaux.Cette dernire permet lvaluation de la qualit du rsultat quant la fidlit, en fournissant desvaleurs dcart-type pour chaque point restitu dans les directions X , Y , Z (voir aussi section 4.2).Par contre, la justesse doit tre apprcie par des informations mtriques recueillies directement surles lieux. Finalement, les rsultats des restitutions photogrammtriques sont facilement exportableset maniables dans des logiciels de modlisation 3D.

    La photogrammtrie multi-images se diffrencie de la strophotogrammtrie principalement parles oprations de restitution. Les stroimages sont gnralement acquises en connaissant dj lorien-tation interne et relative des appareils, tandis que, pour la photogrammtrie multi-images, tous lesparamtres peuvent tre dterminer. Les paramtres fixs dans la strophotogrammtrie simpli-fient le travail et tendent minimiser certaines erreurs. Lors de lajustement des faisceaux, les prisesde vue sont effectues librement. Waldhusl et Ogleby [Waldhusl et Ogleby(1994)] ont dcrit lesrgles de base lors dun r