la persecution raciale

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OFFICE FRANCAIS D'EDITION 92, A v e n u e des C ham p s - Ely see s Paris jacques LORRAINE: ' Les Allemands en France. ' Marcel PICARD (Prix Albert Londres 1946) : Yusuj, l'Aventurier Magnifique ; Emi]e DE CURTON : Tahiti. Leon MARCHAL, Ministre de France: De Petain a Laval. JOURNAL DE MARCHE DE L'EsCADRILLE NORMANDIE-NIEMEN. Publications du Service d'!nformation des Crimes de Guerre Collections : "Documents pour servir a l'Histoire de la Guerre" 1.- Les crimes ennemis en France Parus: ORADOUR-SUR-GLANE. TENTATIVE DE GERMANISATION DES ARDENNES (epuise). PILLAGE ECONOMIQUE (epuise). CAMPS- DE CONCENTRATION. LA PERSECUTION RACIALE. En preparation: LE LIVRE NOIR (phisieurs volumes). II. - Le Proces de Nuremberg Parus: L'ACCUSA.TION FRANCAISE 1. - ExposE INTRODUCTIF de M. F. de Menthon au requisitoire 2. - LETRAVAIL OBLIGATOIRE expose deMo J.-B. Herzog &LEPILLAGE ECONOMIQUE expose de MM. Gerthoffer et Delpech, avec un .. introduction de M. Edgar Faure. 3. - REQulslTolRE DUBOST (en preparation). 4. - LA CONDITION HUMAINE SOUS LA DOMINATION NAZIE (Europe occidentale), expose de M. Edgar Faure. L'ACCUSATION ALLIEE Exposes introductifs de MM. Jackson, Shawcross et Rudenko aux requisitoires america in, anglais et rosse. Preface de M. Champetier de Rihes. LE VERDICT. IMES ENNEMIS EN LA

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Crimes Ennemis en France, LA PERSECUTION RACIALE, Documents pour servir à l'histoire de la Guerre, par: Service d'Information des Crimes de Guerre, 20 février 1947. A utiliser avec: Les Juifs en France pendant la Seconde Guerre mondiale par Renée Poznanaki, 1994. C'est à remarquer en ce temps-là la France s'en prenait toujours aux Allemands et se prêtait pour 100% membres de la Résistance!

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Page 1: La Persecution Raciale

OFFICE FRANCAIS D'EDITION 92, A v e n u e des C ham p s -Ely see s Paris

jacques LORRAINE: ' Les Allemands en France. ' Marcel PICARD (Prix Albert Londres 1946) : Yusuj, l'Aventurier

Magnifique ; Emi]e DE CURTON : Tahiti. Leon MARCHAL, Ministre de France: De Petain a Laval. JOURNAL DE MARCHE DE L'EsCADRILLE NORMANDIE-NIEMEN.

Publications du Service d'!nformation des Crimes de Guerre Collections : "Documents pour servir a l'Histoire de la Guerre"

1.- Les crimes ennemis en France Parus:

ORADOUR-SUR-GLANE. TENTATIVE DE GERMANISATION DES ARDENNES (epuise). PILLAGE ECONOMIQUE (epuise). CAMPS- DE CONCENTRATION. LA PERSECUTION RACIALE.

En preparation: LE LIVRE NOIR (phisieurs volumes).

II. - Le Proces de Nuremberg Parus:

L'ACCUSA.TION FRANCAISE 1. - ExposE INTRODUCTIF de M. F. de Menthon au requisitoire fran-.ai~. 2. - LETRAVAIL OBLIGATOIRE expose deMo J.-B. Herzog &LEPILLAGE

ECONOMIQUE expose de MM. Gerthoffer et Delpech, avec un .. introduction de M. Edgar Faure.

3. - REQulslTolRE DUBOST (en preparation). 4. - LA CONDITION HUMAINE SOUS LA DOMINATION NAZIE (Europe

occidentale), expose de M. Edgar Faure.

L'ACCUSATION ALLIEE Exposes introductifs de MM. Jackson, Shawcross et Rudenko

aux requisitoires america in, anglais et rosse. Preface de M. Champetier de Rihes.

LE VERDICT.

IMES ENNEMIS EN

LA

Page 2: La Persecution Raciale

,..

DOCUMENTS POUR SERVIR A L HISTOIRE DE LA GUERRE

CRIMES ENNEMIS EN FRANCE

J~A ,.

PERSECUTION RACIALE

SERVICE D'INFORMATION DES CRIMES DE GUERRE

OFFICE FRANCAIS D' EDITION

l

Page 3: La Persecution Raciale

PREFACE

Le racisme, et sa jorme particuliere I'dIltisemitlS1lle, a eie l'une des bases de Ia pretendue « doctrine » nationale-sociaListe.

Ce jut d'abord un moyen de propagande, puis ensuite un moyen d'oppression qui mettait la terreur au service du brigandage.

Cette politique, qui a toujours efe dans I' histoire l' apanage des mou­vemerrts politiques a caractcre retrograde et Ia caracferistique des gou­vernements anti-democratiques. devait nre appliquee reUgieusement par tous les elements anti-progressistes qui se .trouvaient, par la grace des vainqueurs, a Ia tefe des pays occupes.

La France, comme Ies aufres, et ce fut l'un des aspects (non des rnoindres) de son caLvaire de quatre annees, a vu Ie pretexte de Panti­semitisme donner lieu aux pires exactions.

Nous ne pouviolls manquer de faire de cet aspect si particuLier I'objet d'une etude qui ilLustrdt Ie premier titre (titre racial) du crime contre La personne humaine dans: les « Documents pour servir a l'histoire de La guerre » (crimes ennemis en France) et nous envisageons de .donner ta meme place aux tUres reLigieux, poLitique et nationai.

L'enquete menee avec beaucoup de soin et d'appLication par M. Roger Berg, Docteur en droit, tut longue et difficile etant donne Ie peu d'abon­dance de documents et des elements de preuve. Neanmoins, et malgre toutes les conditions defavorables qu'il a eu a surmonter, l'auteur a pu realiser un expose qui, sous ceUe forme. aurait difficilement pu nre pLus complet. II apporte une pierre angulaire a i'edifice que nous avons i'ambitionde dresser pour aider a l'accomplissement de l'ceuvre de jus­tice universelle qui est en train de s' accompLir. Puissions-nous contri­buer ainsi, si peu q/le ce soit, a retablissement d'une paix stable dans un monde heureIU et llbre.

JACQUES BILLIET

Page 4: La Persecution Raciale

-

CHAPITRE I

LA LEGISLATION RACIALE

Le MilWirbefehlshaber in Frankreich (1) et Ie Gouvernement de Vichy commencerent, des l'automne 1940, it poser les bases du racisme antisemite. Les principes politiques de la collaboration rendent evidente I'inspiration unique de ces deux categories de textes. S'its manifestent parfois certaines divergences et si on connait quelques manifestations du pouvoir de Vichy, par lesquelles it justifie son opposition it certaines mesures prises it I'encontre des juifs en zone occupee, if n'en est pas moms vrai que Vichy, antisemite par principe, n'agissait contre les Israe­lites que sur ['instigation et apres avis des autorite's d'occupation. Une note rMigee par Ie Conseiller de Legation it l'Ambassade d' Allemagne a Paris, Carltheo Z,eitschel, Ie 12 novembre 1941, et desiine,e au Service Pol. A, contient ces phrases revel at rices :

En annexe, je vous envoie une note et des remarques sur les propo­sitions concernant de nouvelles lois contre les Jui/s. Ces lois ont ele pre­parees par Ie Commissaire General aux Questions Juives, Xavier Vallat, et ont ele transmises au Militiirbefehlshaber in Frankreich (Service' du ConseJler General pour l' Administration de Guerre, docteur Blanke) .

. Le docteur Blanke m'a propose, dans une conversation particuliere, d'accepter ces lois apres quelques modifications dans le sens de nos idees ...

Par ailleurs, la liaison a Vichy pour les questions juives devait etre rendue plus efficace par I'institution d'un « collaborateur pour les ques­tions juives », nomme par I'Ambassade d'Allemagne, paste dont Zeitschel proposait a Otto Abetz la creation par une note du lor octobre 1941.

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CHAPITRE I

LA LEGISLATION RACIALE

Le Militarbefehlshaber in Frankreich (1) et Ie Gouvernement de Vichy commencerent, des l'automne 1940, a poser les bases du racisme antisemite. Les principes poIitiques de la collaboration rendent evidente I'inspiration unique de ces deux categories de textes. S'i1s manifestent parfois certaines divergenceSl et si on connait quelques manifestations du pouvoir de Vichy, par lesquelles iI justifie son opposition a certaines mesures prises a I'encontre des Juifs en zone occupee, il n'en est pas moms vrai que Vichy, antisemite par principe, n'agissait contre les Israe­lites que sur l'instigation et apres avis des autorifes d'occupation. Une note rMigee par Ie Conseiller de Legation a \' Ambassade d' Allemagne a Paris, Carltheo Zeitschel, Ie 12 novembre 1941, et destine,e au Service Pol. A, contient ces phrases revelatrices :

En annexe, je vous envoie une note et des remarques sur les propo­sitions concernant de nouvelles lois contre les JUifs. Ces lois ant eie pre­parees par Ie Commissaire General aux Questions Juives, Xavier Vallat, et ant ete transmises au Militiirbefehlshaber in Frankreich (Service' du ConseJler General pour I' Administration de Gllerre, doctellr Blanke) .

. Le docteur Blanke m'a propose, dans une conversation particuliere, d'accepter ces lois apres quelques modifications dans Ie sens de nos idees ...

Par ailleurs, la liaison a Vichy pour les questions juives devait etre rendue plus efficace par I'institution d'un « collaborateur pour les ques­tions juives », nomme par I' Ambassade d' Allemagne, poste dont Zeitschel proposait a Otto Abetz la creation par une note du lor octobre 1941.

(1) Commandant en chef mUitaire en FrllllCe.

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« CeIui-ci devait avoir a Vichy Ia mission d'examiner ['activite de I'admi­nistration franraise en collaboration avec Ie Commissariat General atux Questions luives. de donner des directives et de l'eiller Ii ['application stricte des lois prol11ulguees depuis quelques mois ». Une note au minis­tre Schleier du 13 fevrier 1942 confirmait la nomination a ce poste de j'ObersturmfUhrer SS Dannecker, (2) qui, tout en continuant ses fonc­tions a Paris, devait faire Ie voyage de Vichy environ dew: fois par mois pour un jour ou un jour et demi, arin ,d' nre tenu i£lU coutant par Ie Consul general Krug von Nidda des evenements recents concernant les questions juives.

••• De la double organisation vichyssoise et allemande, naquit une

legislation antisemite presque identique pour les deux zones et dont on ctiscerne facilement I'unite de vues et de but.

Avant toutes choses, iI appartenait de donner une definition du juif. la legislation existant a I'armistice neconnaissant pas cette qualification en matiere d'etat-civil. Une fois les juifs classes dans une categoric a part. on pourrait prendre contre eux des mesures d'exception pour les eliminer definitivement de la vie sociale et economique fran~aise,

restreindre leurs libertes individuelles et les organiser en minorite natio­nale.

I. - L£ ST A TUT DES PEIRSONNES JUIVES

§ 1. - La definition de la qualitJe de Juif.

La premiere ordonnance allemande relative aux mesures contre les Juifs/ est publiee Ie 27 septembre 1940. Elle definit comme luifs ceu·x qui appartiennent ou appartenaient a La religion juive, ou qui ont plus de deux grands-parents (grands-peres et grands-meres) juifs. Sont con­sideris comme luifs Les grands-parents qui appartiennent ou apparte­naient a la religion juive.

Cette definition, assez simple, etait beaucoup plus confessionnelle que raciale. Or, tous ceux que les intentions allemandes auraient voulu ranger dans la categorie des Juifs et qui se trouvaient, soit par eux­memes, soit dans la personne de leurs grands-parents. detaches de la religion israelite ou tous ceux dont I'administration ne pouvait apporter

la preuve qu'ils etaient Juifs par Ie fait qu'ils n'appartenaient pas a un~ association du culte israelite, pouvaient fort bien echapper aux prises

(2) 0€It officier. qui appartenait aux services du eharge d'afl' aires en France de la Polic .. de Sfirete (SD), etait plus partlculierement charge d'appliquer lett mesure. racial ..

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de cette ordonnance et ne pas souscrire la, declaration a la sous-prefec­ture, prevue par son paragraphe 3.

Une loi de Vichy du 3 octobre 1940 reproduisaii'. a I'usage de la zone sud, les dispositions de I'ordonnance allemande. Le juif est la personne issue de trois grands-parents de race juive ou de deux grands­parents de la meme race, si son conjoint est lui-meme de race juive. Ce texte posait des principes raciaux qui n'etaient pas definis, mais dont Ie rappel justifiait suffisamment I'inspiration hitlerienne de ce texte.

Une ordonnance allemande du 26 avril 1941 developpe les principes poses par une lettre du Militarbefehlshaber in Frankreich (adressee en date du 7 fevrier 1941 au ministre de la Production Industrielle et du Travail) pour faire rendre a la definition du juif Ie maximum de resul­tats possibles dans l'ordre des incapacites patrimoniafes .

Si Ie texte propose aux autorites fran~aises et qui consistait en un renvoi pur et simple a la legislation du 3 octobre 1940 ne fut, en definitive, pas retenu, Ie nouveau texte allemand reprenait la loi fran­~aise en declarant juive « toute personne qui a au moins trois grands­parents de pure race juive » ou qui, issue de deux grands-parents de race juivc, est mariee a un conjoint juif. Un troisieme cas de quali­fication juive s'apprecie dans I'appartenance presente ou future a la communaute religieuse juive d'une personne qui a deux grands-parents juifs. Quant a la race de ces grands-parents, on la dMuit de I.eur adhesion a la communaute religieuse juive.

Ce texte elargi fut repris par la 10i fran~aise du 2 juin 1941, qui abrogeait la loi du 3 octobre 1940. On y fait deliberement abstraction de l'adhesion it une communaute religieuse de la personne consideree, si cHe a trois grands-parents juifs ou si, n'en possMant que deux, eUe est mariee it une personne qui rempHt les memes conditions.

On veut meme faire tomber sous Ie coup de la loi, c~est-a-dirc la [cndre retroactive, tous ceux qui appartenaient it la religion juive au jour de l'armistice et qui, ayant adhere depuis lors it une autre confes­sion, auraient ainsi tente d'echapper aux lois raciales. Pourvu que I'on appartienne, au jour de la promulgation de la toi, a la religion julve, ou qu'on y ait appartenu Ie 25 juin 1940, et que l'on possecte deux grands-parents de race juive, si I'on est marie a un conjoint qui remplit les memes conditions, ou, en tout etat de cause, si I'on possecte trois grands-parents de race juive. on se trouve compris dans la definition de la loi.

La seule difference qui existait encore entre les deux textes fran­<;ais et allemand ne.portait reellement que sur une date. Si la loi fran<;aise se pla<;ait au 2.5 juin 1940 pour apprecier la qualite juive d'une personne, I'ordonnance allemande fixait au 5 mai 1941 la date de cette appreciation.

f L'accord entre les deux textes se fit sur la solution la plus rigou-

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reuse et on considera toutes les conditions de determination de la qua­lite de Juif com me devant etre realisees au 25 juin 1940, faisant ainSI rentrer dans la categorie des « Juifs » tous ceux qui auraient pu adhe­rer a une religion autre que la juive entre Ie 25 juin 1940 et Ie 5 juin 1941. Le texte allemand, celui de la septieme ordonnance du 24 mars 1942, abandonna toute reference a une « communaute juive », les auto­rites d'occupation s'etant rendu compte qu'i1 y avait plus de Juifs, selon leur definition et leurs intentions, que d'affilies aux communautes israe­lites.

Finalement, les deux legislations etaient iden.tiques, sauf des diver­gences verbales de redaction et les deux textes englobaient les memes categories de personnes. Se trouvait donc soumise dans toute la France, a I'ensemble de la legislation raciale :

10 Toute personne issue de trois grands-pm ents de race juive, c'est-a-dire ayant appartenu a fa religion juive ;

2° Toute personne issue de deutX grands-parents juifs a) Si eUe appartenait au 25 juin 1940 ou ulterieurement a la religion

juive ; b) Si, au 25 juin 1940, elle avatt epouse un conjoint juif ou si,

depuis cette date, eUe epousait un conjoint juif.

~ 2. - Les incapacites personnelles speciales aux Juifs.

Le legislateur~ de Vichy et Ie Militarbefehlshaber in Frankreich deduisirent immediatement de leurs definitions du Juif des consequences tendant it frapper cette nouvelle categorie de citoyens d'une serie d'inca­pacites personnelles speciales. En gros, ces incapacites etaient basees, soit sur des motifs d'elimination de la vie politique, soit sur des motifs d'elimination de la vie economique.

Touchant les premiers, les Allemands s'en remirent au Gouverne­ment de Vichy du soin d'interdire aux Israelites franc;ais I'exercice de certaines activites. Cet antisemitisme se masquait derriere des pretextc::> d'interet national, precises dans une note parue dans la pre sse du 2 oc­bre 1940 ..

Partout, y lisait-on, et specialement dans les services publics, si reelle$ que soient d'honorables exceptions dont chacun pourrait fournir un ex empie, l'influence des luifs s'est fait sentir insinuante et finaLement decomposanie. , .

Tous les observateurs s' accordent a constaLer Les effets facheuc( de leur activite au cours des annees recentes durant lesquelles its eurent dans la direction de nos affaires une part preponderante, Les faits ~ont fa ef commandenl ['action du (Jol'vernement a qui incombe La tache patMtique de restauration. Notre .desastre nous impose ['obligation de

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regrouper les forces franraises dont une longue herMite a fixe les carac­teristiques. 11 ne s'agit pas de facile vengeance, mais d'indispensables securites,

Une loi du 30ctobre 1940, modifiee Ie 2 juin 1941 a, en consequence, prevu I'elimination plus ou moins radicale de tous les Juifs dont I'acti­vite, qu'elle s'exerc;at dans Ie cadre de la fonction publique ou dans celUI d'une profession IiberaIe, etait de nature it retentir sur Ia vie nation ale, seIon les conceptions de I'epoque.

A, - La fonciion pubUque et les luifs

L'artic1e 2 de la loi du 2 juin 1941 organisait !'interdiction radicale de I'exercice .de certaines fonctions ou mandats par des Juifs et subor­donnait it des conditions tres strictes I'exercice de certaines autres.

Les Israelites ne pouvaient : 10 occuper d'empiois superieurs relevant du pouvoir executif, des

corps administratifs les plus eleves (Mines. Ponts-el-Clzaussees, Inspec­tion generaleo des Finances), du pouvoir ju,diciaire sous to utes les for­mes (magistrature a tous ses echelons, jury, juridic!ions professionnelles) ou des assemb!ees issues de [,election ;

2° d'emplois relevant des cadres superieurs des Minis1eres. En particulier, ils ne pouvalent etre nommes ambassadeurs de France .ou a un poste superieur dans [,administration departementale ou dans la police, et ce a quelque titre que ce soil ;

3° des postes superieurs relevant ,du Ministere des Colonies; 4° des postes dans Ie corps enseignant ; 5° acceder aux grades d'officiers ou de sous-officiers dans Les

armes et services relevant des Departements de la Defense Nationale ; 6° occuper des postes superieurs dans les entreprises concession­

naires des services publics ou subventionnees par une collectivite publi­que.

Une loi du 17 decembre 1941 est venue completer cette enumeration en y ajoutant des fonctions nouvellement creees (Intendants ~es affaires konomiques, Intendants de police) et en etendant les incapacites d'exer­dce aux fonctions de chefs de cabinet de prefets, conseillers de prefec­tures, chefs de divisions des prefectures.

Sculs, des titres exceptionnels bases sur des services rendus it l'Etat franc;ais par Ie fonctionnaire et par sa famiIle, qui devait etre etablie en France depuis cinq generations, pouvaient permettre it un Juif de conti­nuer it exercer les fonctions enumerees ci-dessus, it condition qu'inter­vienne un decret individuel, pris en Conseil d'Etat et apres rapport du Commissaire general aux Questions Juives. Les formalites etaient telIe-

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f," ----~:nt~m~uses -que peu de fonctlonnalres jutls 50 vlrent ace order Ie

benefice du decret.

Iii L'article 3 de la loi du 2 juin 1941 visait les fonctionnaires autres que ceux enumeres 'Jimitativement a rarticle 2, .c'est-a-dire Ie personnel subaJterne des administrations pubJiques et des entreprises concedees ou sUbventionnees. Les fonctionnaires ainsi vises ne pouvaient conserver leur emploi qu'a condition :

10 d'etre decores de fa Legion .d'Honneur ou de fa Medaille Militaire pour faits de guerre ; d'etre tituLaires de La carte de Combattant 1914-18 au d'avoir ete cites pendant La campagne 1939-40 ; ou :

2° d'etre pupilles de fa Nation, ascendants, veuves ou orphelin~

d'un militaire mort pour fa France.

Les Juifs ont ete par 1a suite exclus du service aux Chantiers de 1a Jeunesse.

B. - Les Juifs dans fes professions liberafes

Les Israelites furent exclus des professions liberales avec moins de severite, peut-etre, mais dans les limites strictes du numerus clausus.

Des decrets en Conseil d'Etat reglerent 1a situation de chaque cate­gorie professior.nelle.

Un decret du 16 juillet 1941 fixa Ie nombre des avocats juifs, dans J.e ressort de chaque Cour d'Appel, a 2 % de I'effectif total des avocats non-juifs inscrits au tableau ou au stage dans les barreaux du ressort. Pour e,viter que des avocats juifs touches par cette mesure d'exclusion aillent s'inscrire a un autre barreau, on decidait que Ie nombre des avo­cats juifs inscrits a un barreau ne pouvait etre superieur au nombre des inscrits de cette categorl~ au 25 juin 1940.

Les avocats israelites remplissant certaines conditions relatives a leurs tit res militaires pendant les deux guerres ou pupilles de la Nation, ascendants, veuves ou orphelins d'un militaire mort pour la France, etaient maintenus par priorite. Le texte permettait egalement aux avocats juifs dont Ie merite professionnel etait eminent, de continuer leur activite. Le Commissariat general aux Questions Juives opposa son veto a toute application de cette disposition.

Un deeret du 16 juillet 1941 a fixe Ie nombre des officiers ministe­riels juifs a celui des membres israelites des diverses compagniesen exercice au jour de ce decret.

II va de soi que i'avocat ou l'avoue juif qui exen;ait sa profession ne pouvait,malgre les tenhes du code de procedure civile, mais en con­formite de I'article 2 de la loi du 2 juin 1941, remplacer un juge ou un conseiller empeche de sieger.

Des dispositions analogues it celles qui reglementaient I'ordre des Avocats furent prises en ce qui concerne les mMecins (decret du 11 aoOt

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1941) : numerus clausus fixe a 2 % ; interdiction de transfert du cabinet dans une circonscription comptant moins de 2 % de medecins juifs, d'exetcice d'un emploi medical dependant d'un organisme public (ou subventionne par une collectivite publique) dans les seules conditions imposees aux fonctionnaires subalternes par la loi du 2 juin 1941.

Les pro'Iessions dentaires (decret du 5 juin 1941), la profession d'ar­chitecte (dee ret du 24 septembre 1941), celie de pharmacien et de sage­femme (decret du 26 decembre 1941) furent soumises a des reglemen­tations analogues quant au nomore des Juifs autorises it les exercer. Elles prevoyaient les memes derogations et les memes formalites afin d'obtenir Ie benefice de celles-ci.

Le nombie des Juifs a admettre dans les carrieres Iiberales fut ega­lement regiemente a sa base par un numerus clausus des etudiants. Trois pour cent du nombre total des etudiants pouvaient, s'ils etaient julfs, s'inscrire a une faculte, un institut ou une ecole. Le choix individuel de ces etudiants eta it fait par un jury de professeurs qui devaient donner la preference aux orphelins des militaires morts pour la' France, aux anciens

·combattants des deux guerres ou a leurs descendants, it condition qu'i1s soient eux-memes decores it titre militaire (Ioi du 21 juin 1941).

C. - Les Juifs et i'activite economique

Sur Ie terrain economique, les incapacites auxquelles etaient soumis les Juifs n!sultaient, en zone occupee, de la troisieme ordonnance alle­mande du 26 avril 194!. Dans les entreprises ou un commissaire­gerant n'aurait pas ete designe, toute activite leur etait strictement interdite. Dix-huit categories professionnelles y etaient mentionnees, cel­les du commerce, des assurances, de la ban que et du credit, de la pubIi­cite et, en general, de toutes les entreprises de courtage ou ayant une activite d'intermediaires dans les transactions commerciales ou indus­trielles. Comme d'autres textes avaient organise la gestion par un com­missaire-gerant des entreprises juives, ce texte n'etait vraiment efficace que par I'interdiction faite aux Israelites d'etre agents, courtiers, repre­sentants ou voyageurs.

La deuxieme partie du § 3 de l'ordonnance du 26 avril 1941 stipu­lait que « dans aucune entreprise, les Juifs ne devront plus etre occupes comme employes superieurs 04 comme employes en contact avec Ie public ». Ce texte s'appliquait it to utes les affaires, qu'el\es fussent inter­dites ou autorisees aux Juifs. L'ordonnance considerait com me employes superieurs ceux qui possedaient conjoint-ement avec d'autres personnes la signature sociale, ceux qui etaient interesses dans les benefices de I'en­treprise. En outre, Ie Militarbefehlshaber ou les auto rites fran~aises com­pe!entes pouvaient designer individuellement comme rentrant dans cette categorie qui bon leur semblait.

Outre ces interdictions precises, Ie § 6, nOlI prevoyait Ie congedie-

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II 'I

I

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ment des employes juifs, meme si la continuation de leur activite n'etait pas interdite par Ie texte. En tous cas, aucun dedommagement n'etait accorde pour Ie prejudice resultant de la denonciation unilaterale du contrat de travail resultant du texte. Les employes juifs qui devaient etre congedies et ceux qui pouvaient I'etre n'etaient pas en droit de recla~ mer en justice des dommages et interets quelconques. Le patron qui leur en aurait octroye s'exposait it une peine d'amende ou d'emprison­nement.

En zone sud, des interdictions dll meme ordre ont ete orgamsees par la loi du 2 j uin 1941,. dont I' article 5 a ete modifie par la loi du 17 novembre 1941. Sauf dans les emplois subalternes ou manuels, il etait interdit aux Israelites d'exercer des activites bancaires, boursieres, la profession d'intermediaire (transactions immobilieres, courtages. commissions), Ie commerce de tableaux et d'antiquites, I'exploitation des forets et des concessions de chutes. Par ailleurs, les carrieres de la presse, ae la publicite, de I'edition, du spectacle, de l'industrie cinematograph i­que et de la radiodiffusion, quelle que flit la participation des Israelites, leur etaient formellement interdites.

Si les fonctionnaires juifs elimines par la h~gislation de 1941 se voyaient, sous certaines conditions, accorder un droit it la retraite, les commen;ants et industriels juifs it qui l'exerdce de leur profession etait interdit. ne pouvaient preiendre it aucune indemnite.

II. - 1.£ STA:ruT DES mENS JlJlFS

La legislation allemande et la legislation de Vichy tendirent it « arya­niser » toute I'economie fran<;aise en eliminant les Juifs de toute activite patrimoniale. L'exercice de leurs droits fut restreint tant en ce qui con­cernait la gestion de leurs entreprises commerciales ou industrielles. qu'en ce q!1i touchait la Iiberte de circulation de leurs biens capitaux

§ 1. - L'aryanisation des entreprises juives

Des Ie 20 mai 1940, Ie systeme de I'administration-gerance se trouve introduit dans les territoires de I'Ouestoccupes par l'Allemagne. L'or­donnance du Commandant en chef des troupes allemandes faisait obli­gation it tous leschefs d'entreprises de poursuivre leur activite « sui­vani leurs devoirs ». Au cas ou i1s ne resteraient pas it la. tete de leurs affaires, un administrateur provisoire y pourvoirait, muni de tous les droits necessaires it I'accomplissement de sa tache. Ce texte avait pour but d'empecher la desorganisation economique des territoires occupes, dans !'interet et des troupes combattantes et des populations que I'on desirait fixer au sol. Ainsi donc, les entreprises, dont les proprietaires

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juifs avaient cru utile de fuir it l'approche des Allemands, se voyaient nom mer des administrateurs en vertu d'un texte general.

Les entreprises, dont Ie proprietaire juif etait reste it la tete de ses affaires, furent designees it I'egard du public com me « entreprisesjui­yes » en vertu du § 4 de I'ordonnance du 27 septembre 1940, qui ordon­nait l'apposition sur la devanture d'une affiche speciale.

Une deuxieme ordonnance concernant les mesures contre les Juifs edicte un certain nombre de mesures preparatoires it I'expropriation des entreprises economiques gerees par des Juifs. Le texte allemand donne

. une definition economique de I'entreprise. Rentrent dans cette categoric toute entreprise qui vise it la fabrication, it la transformation ou it la vente de marchandises et, en outre, les banques, ·compagnies d'assuran­ces, societes immobilieres, charges d'agents de change, etudes d'avoues et de notaires.

Ces entreprises sont juives, si Ie proprietaire ou titulaire du bail est une personne physique juive. S'il s'agit d'une persanne morale, I'entre­prise est juive si elle est une societe en nom callectif dont un associe est juif ou une societe it responsabilite Iimitee·dont plus d'un tiers des asso­cies sont juifs (ou dont plus du tiers des participations sont en mains juives, ou dont plus d'un tiers des organes de gestion sont juifs). Une societe anonyme dont Ie president du Conseil d'administration, un admi­nistrateur-delegue ou plus d'un tiers des membres du Conseil sont juifs, est consideree comme juive.

Ces definitions paraissaient trop rigoureusement juridiques aux Alle­mands. lis pretendirent, en dehors de toutes regles preetablies conside­rer com me juive « toute entreprise it qui notification serait faite par Ie Prefet du lieu de son siege social qu'elle se trouvait sous I'influence pre­ponderante juive ».

Le texte faisait obligation it ces entreprises de se declarer, leur qua­lite juive etant appreciee it la date du 23 mai 1940. Meme les entreprises dont Ie siege social etait en zone Iibre et qui avaient des etablissements en zone occupee devaient etre declarees. La declaration devait contenir I'expose des raisons qui donnaient Ie caractere juif it I'entreprise au 23 mai 1940 ou posterieurement. Celles qui ne I'etaiel).t plus, it la date de I'ordonnance, devaient exposer les faits qui avaient fait disparaitre cette qualite. Ainsi les au tori tes allemandes pouvaient rechercher. s'il . n'y ava.it pas eu vente fictive ou interposition de personne. U~ com~lIssatr~ ad,ml­nistrateur-gerant pouvait etre nomme it ces entrepnses : II devalt gerer suivant les principes de I'ordonnance du 20 mai 1940.

Une circulaire du Delegue general du Gouvernement fran<;ais dans les territoires occupes en date du 27 octobre 1940 montre it quel point les auto rites de Vichy s'interessaient it la bonne execution de I'ordon­nance en recommandant aux preiets de ne pas se borner it un role passif d'enregistrement, mais de proceder it un controle serieux pour que Ie

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~ecensement fie comportat aucune omission. Le delegue general donnait egalement aux prefets Ie droit de trancher le\ cas douteux. En outre, il ordonnait a I'administration de proceder: a une classification par ordre d'importance economique des entreprises vi sees. Une nouvelle circulaire du 5 novembre l~ transmettait, par Ie canal du representant de Vichy a Paris les nouv~aux ordres des auto rites allemandes en ce qui concerne , I'influence juive dans les entreprises et les pouvoirs des commissaires­gerants. Ceux-ci. en vertu d'une instruction du 12 novembre 1940, du Commandement militaire en France (Etat-major administratif, Direction de l'Economie) avaient pour mission de <>: supprimer definitivement l'in­fluence juive dans ['economie fran~aise ». Le commissaire-gerant n'a qu'un role temporaire. Une situation economique normale devra etre creee, sans la moindre participation juive, soit que les Juifs se decident a ceder leurs droits et a condition que l'acquereur ne soit pas un hom me de paille, soit que I'administrateur procMe a la vente de I'entreprise a un non Juif - et c'est la Ie procede normal - soit que I'entreprise ne presente aucun interet economique vital, et elle devra etre Iiquidee Ie plus rapidement possible par la realisation du stock des marchandises.

Toute cette organisation de gerance par commissaires devait etre mise en place pour Ie 26 decembre 1940, ainsi qu'iI ressort d'un ordre donne par Ie Militarbefehlshaber in Frankreich au delegue general du Gouvernement en zone occupee, au moins en ce qui concerne les entre­prises declarees juives et consistant en magasins ouverts sur rue. Ces gerants, nommes par les preiets, avaient obligation de faire connaitre au public I'existence de leur mission en rempla~ant I'affiche jaune signa­lant Fentreprise comme juive par une affiche rouge, portant en allemand et en fran~ais l'indication : « Direction assuree par un commissaire­gerant aryen, nomme par application de l'ordonnance allemande du 18 octobre 1940 ».

En zone sud, une loi du 22 juillet 1941, modifiee par la loi du 17 novembre 1941, donna pouvoir au Commissaire general aux Ques­tions Juives de nommer un administrateur provisoire a toute entrep~i~e industrielle, commerciale, immobiliere ou artistique appartenant ou d1r1~ gee en tout ou en partie par des Juifs. Les entreprises juives vendues a des non-Juifs apres Ie 23 mai 1940 pouvaient egalement etre pourvues d'un administrateur si une influence juive y persistait.

Au cas ou Ie gerant vendait Ie fonds dont iI avait la charge, l'Israe­lite depossede ne pouvait pas en toucher Ie prix. La somme en pro­venant etait versee a son compte, a la Caisse des Depots et Consigna­tions. 10 % de cette somme etait preleve par Ie Commissariat pour sol­der les frais d'administration des entreprises juives deficitaires et cons­tituer un fonds de sotidarite destine a venir en aide aux Juifs indigents. Sur Ie surplus, que la loi du 23 mars 1944 amputait a nouveau de 10 :%

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>, de simples acomptes pouvaient etre remis aux <¥iministres par la Caisse des Depots et Consignations .

. ~ En fait, II n'y eut jamais possibilite pour un Juif habitant la zone non-occupee de recevoir Ufle somme quelconque sur les fonds bloques en zone occupee. Pendant quelques mois, les Juifs de zone nord purent toucher des subsides sur les fonds deposes a leur compte a la Caisse des Depots.

Mais, apres I'imposition de I'amende d'un milliard par ['avis du 14 decembre 1941, Ie Commissariat general bloqua la moitie des sommes proven ant des ventes de fonds. L'autre moitie, theoriquement disponi­ble, fut egalement I'objet d'une interdiction du Commissariat. II se borna a indiquer aux anciens proprieiaires que [,Union Generale des Israelites de France avait qu'alite pour attribuer des secours sur Ie fonds de soli­darite cree par la iloi du 22 juillet 1941. II fallait egalement tenir compte du privilege du fisc pour Ie paiement des impots dus par Ie proprietaire duo fonds et particulierement de I'imp6t sur les benefices de guerre, de I'impot sur les comptesprovisionnels pour renouvellement de marchan­dises et de materiel. De sorte que Ie fonds, en general vendu pour un prix derisoire, ne representait, une fois Iiquide, qu'une somme insigni­fjante, dont son ancien proprietaire n'avait pas la Iibre disposition.

§ 2. - La circulation des capitaux appartenant aux Juifs

Les Juifs ne furent pas depossedes de leurs avoirs mobiliers. Divers textes leur en enleverent la Iibre disposition et, par des ordres donnes aux banques ou aux agents de change, les auto rites allemandes Iimi­terent I'influence que les Juifs pourraient exercer sur I'economie en usant des droits que leur conferait la legislation sur les capitaux ou valeurs representatives de parts sociales.

Le § 3 de la deuxieme ordonnance allemande du 18 octobre 1940 disposait que toute personne physique juive ou toute personne morale (entreprise ou non au sens du § 1 de ce texte), qui avait plus d'un tiers de Juifs dans ses membres ou sa direction, avait obligation de declarer les biens de quelque nature qu'ils fussent (mobiliers ou immobiliers, entre autres, les valeurs mobilieres), dont ils avaient la proprieie ~u la gestion. Toute operation juridique effectuee par ces personnes apres Ie 23 mai 1940 pouvait etre dec1aree nulIe par Ie Chef de I'administration miIitaire en France.

La troisieme ordonnance du 26 avril 1941 prevoyait, dans son § 4, la nomination de commissaires-gerants, afin de gerer les parts socia\es ou les actions appartcnant a des Juifs ou a des entreprises juives. Le texte autorisait les commissaires, non seulement a faire exercer les pou­voirs d'administration attaches a ces biens, mais encore ales vendre.

La quatrieme ordonnance du 28 mai 1941 visait Ie cas, plus gener~l, des « moyens de payement, creances ou titres » appartenant a des Jutfs

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ou it des entreprises juives, pour qui un commissairewgerant n'avait pas efe nomme. Elle Mici;Jit une interdiction de disposition ou de transfert sans I'autorisation du Service du Controle des Adminlstrateurs provi­soires. Seules etaient exceptees les operations qui ne depassaient pas Ie cadre de l'activite habituelle au qui Haient destinees it I'entretien per­sonnel pour autant que ce dernier ne depassat pas 15.000 francs par mois.

Enfin, I'ordonnance du 17 decembre 1941, qui imposait une amenr' d'un -milliard aux juifs de zone occupee, reprenait cette interdiction ef maintenait les exceptions precectemment posees.

La U~gislation de zone sud en avait dispose de la m~me fa~on, posant (Ioi du 17 novembre 1941) Ie principe de la nomination d'un administra­teur provisoire aux valeurs mobilieres (actions et parts beneficiaires) possMees par des particutiers et des entreprises juives. En I'occur­rence, l'administrateur etait I' Administration des Domaines. En cas de realisation des valeurs, Ie produ!t en etait verse a la Caisse des DepOts et Consignations. Saus reserve du paiement des frais d'administration, du prelevement d'une somme destinee a constituer un fonds de solida­rite en faveur des Julfs indigents, l'ancien proprietaire ne pouvait tou­cher, avec I'autorisation du Commissariat, que de simples acomptes.

En zone occupee, les Allemands regie mente rent la circulation des capitaux appartenant it des Juifs grAce it des ordres donnes aux banques et aux caisses d'epargne par I'intermediaire de l'Office de surveillance des banques, cree par I'ordonnance du 22 juiJlet 1940. Le 21 mai 1941, cet organisme fit savoir a l'Union Syndicale des Banquiers que Ie com­mandement allemand etait sur Ie point de prendre une ordonnance qui devait rMuire considerablement, pour les juifs et les entreprises juives, la facuite d~ disposer de leur compte en banque et de leur depot de titres. Les prelevements ne seraient auto rises que dans la mesure oil its repondraient aux besoins essentiels de I'existence de l'interesse. Les banques se conformerent a eette circulaire et procederent au blocage immediat des comptes des Juifs, avant meme la parution de I'ordonnance du 28 mai 1941.

Tous ces textes n'avaient pose que des principes. Les auto rites alle­mandes s'en remirent au Commissariat General aux Questions juives du so in de veiller it·l'application· de leurs ordonnances, me me en zone occupee. Le 25 aont 1941, it publia une note. sur la circulation descapi­tau x juifs, destinee a donner des directives it tous les organismes inte­resses, banques, compagnies d'assuranees, agents de change, couJissiers, notaires, ctebiteurs de to utes categories. Ceux~ci devaient rechercher, avant· de procMer a un paiement, 5i leurs clients ou cn~anciers et.aient de race aryenne ou juive, par ta production de la carte d'identite. Pour

. Ie cas ou II s'ag\ssait d'un Juif, la vente des tltres ne pouvait se faire qU'a la condition du blocage de son prodult, que l'operation eut lieu

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sur Ie marche officiel ou de gre it gre. L'Israelite n'etait autorise it ache­ter des valeuTS que sur lesfonds qu'it possectait deja en compte Ott

qu'it pouvait apporter. Cette regie etait applicable meme aux valeurs emises par I'Etat. Toutes les autres operations sur les valeurs mobilieres appartenant a des Juifs etaicnt licites, sous reserve du versement des fonds ou des titres chez un banquier, agent de change" notaire, ... it un compte bloque. Les revenus de ces valeurs mobilieres n'etaient dispo­nibles pour leur proprietaire juif qu'autant qu'its n'excedaient pas 6.000 francs par an.

Pour eviter une fraude it cette interdiction, on institua Ie systeme du « compte de prelevement unique ». Un seul etabIissement de credit·

. pouvait etre debite des prelevements auto rises. La note etendait ses dispositions aux moyens de. paiement, creances et titres, dont dispo~ saient les juifs ou entreprises juives. lis etaient releves de I'interdiction posee par Ie § 3 de I'ordonnance du 28 mai 1941 pour autant que les operations faites au moyen de ces sommes ou valeurs n'etaient que

- des« operations ne depassant pas I'activite habituelle » (paiement de dettes anciennes, de loyers, d'impOts,. de primes d'assurance) au des « depenses d'entretien ».

Inversement, les debiteurs des creanciers juifs devaient s'acquitter par versement it un compte bloque, et obligation leur eta it faite de s'assurer au prealable que ce compte etait bloque.

Au cas oil les titrrs et valeurs ne se trouvaient pas en compte, mais etaient simplement deposes dans un coffre-fort, its faisaient I'objet de mesures identiques. Le juif locataire du coffre ne pouvait en retirer Ie contenu quesous Ie contrale direct et la responsabilite du banquier, qui avait obligation de procecter a son bloc age dans les ,conditions habituelles. De meme, les cheques, billets it ordre ou lettres de change dont Ie beneficiaire etait Juif ne pouvaient etre payes qU'a son compte bloque.

Les seules exceptions it ce blocage force consistaient dans la liberte du paiement aux juifs des honoraires, traitements et salaires, des pensions scrvies par l'Etat et des dettes tnferieures a 1.000 francs.

Les banques acccntuerent encore, par des subtilites juri diques, la gr~vite de ces textes. Les compagnies d'assurance ne procecterent it des versements it leurs assures juifs qu'autant que ce.ux-ci habitaient la zone ou elles avaient leur siege .social. Le paiement etait fait au compte uni­que bloque, sauf s'il s'agissait de versements inferieurs it 1.000 francs. Toutes ces mesures furent aggravees apres I'imposition de I'amende d'un milliard aux Juifs de zone occupee par I'ordonnance du 17 decembre 1941. Son § 4 obJigeait les banques qui gardaient ou administraient des biens juifs a en faire la declaration au Militarbefehlshaber in Frank-

. reich. Le president de l'Union Syndicale des Banql:1iers demanda a ses adherents de faire connaitre les soldes des comptes et des depOts de

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titres appartenant a des Juifs au 20 decembre 1941. Tous les coffres loues par des Juifs devaient etre signal~ au DevisenschutzkGmmando, avec Ie nom de leurs titulaires.

A toute cette n'glementation doit s'ajouter la severite du Com­missariat General aux Questions Juives dans I'octroi des subsides. II exigeait la presentation d'un certificat d'indigence pour les Juifs habi­tant la zone non-occupee et ne leur donnait que la possibilite de rece­voir un seul versement, d'un maximum de 20.000 francs.

Les Juifs de zone occupee ne pouvaient recevoir qu'une somme mensuelle et maxima de 15.000 francs pour toute leur famille. Mais toute cette reglementation etait si pleine de menaces pour les Juifs qu'i1s firent transferer leurs avoirs, quand ils Ie purent, au compte d'aryens. On vit beaucoup de deposants a la Caisse d'Epargne ou de titulaires de Iivrets de la Caisse de retraite sur la vieillesse mis dans I'impossibilite de toucher une somme quelconque a la suite de~ mesures de blocage, a un moment ou toute activite leur etait interdite et oil les produits de leur epargne leur auraient ete tellement n~cessaires pour sub sister.

§ 3. - Le sort des immeubles appartenant it des Juifs.

Com me les valeurs mobilieres, les immeubles, dont les proprie­taires etaient des personnes physiques ou morales, devaient faire I'objet d'une declaration aux termes d'une ordonnance du 18 octob,re 1940.

Une loi du 22 juillet 1941 posa Ie principe de I'administration pro­visoire pour tout immeuble. droit immobilier ou droit au bail quelcon­que, dont Ie proprietaire ou Ie titulaire du droit est Julf.

Sur la base des declarations anterieures, les nominations furent faites par Ie Commissariat General aux Questions Juives. Une intense publicite fut organisee par lui, ainsi qu'i1 ressort d'un communique publie au Moniteur a ffici el du Commerce et de l'Industrie du 27 novem­~re 1941, afin de voir mettre en vente, par tranches successives et au fur et a mesure de I'avancement des operations d'expertise, les immeu­bles prives appartenant a des Juifs. Les ventes avaient lieu sous forme de soumissions et, selon Ie communique, dans Ie cadre des dispositions legales qui conferent aux administrateurs les pouvoirs de disposi,tion les plus etendus. Certains immeubles trouverent acquereurs. D'autres ne firent I'objet d'aucune offre d'achat. Mais, en tout cas, si I'immeuble e1ait vendu, Ie prix devait etre verse a un compte bloque. S'i1 ne l'etait pas, Ie proprietaire devait passer par son administrateur afin d'obtenir des subsides indispensables.

Si les Juifs se voyaient depos~des de leurs immeubles, iI etait naturel que la loi leur interdit d'acquerir des immeubles. Ce fut I'objet de la loi du 17 novembre 1941. Elle disposait que les Juifs ne pouvaient detenir d'autres immeubles que ceux servant a I'habitation personnelle

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des lnteresses, de leur ascendants et descendants. En cela, elle ne faisait 'que confirmer implicitement une circulaire n° 418 du Ministere de l'Inte­rieur en date du 23 octobre 1941, transmettant une decision du Commis­sariat General aux Questions Juives, aux termes de laquelle iI etait decide de rejeter les demandes d'autorisation d'acquisitions immobilieres par des personnes de race juive, sauf s'i1 s'agissait de cas dignes d'intc­ret, par exempJ.e d'immeubles destines a I'habitatlon personnelle.

Pvur completer ce tableau general de la reglementation des biens j ulfs, il ya lieu de signaler I'ordonnance allemande du 2 decembre 1942, concernant la devolution au Reich allemand des biens des Juifs pos­sMant ou ayant possede la nationalite allemande. II s'agissait la d'une confiscation totale du patrimoine des Juifs allemands qui, au 21 novem­bre 1941, residaient a I'ctranger et avaient aussi perdu la nationalite allemande. Les Juifs apatrides qui etaient anterieurement allemands et dont la residence permanente se trouvait a I'eiranger, etaient touches par ce texte qui prevoyait formellement I'administration et la reaUsation des biens sis en France.

Deux autres ordonnances du 15 septembre 1943 ont Hendu ce prin­cipe de confiscation 'aux Juifs polonais ou apatrides ex-polvnais, cette qualite etant consideree a la date du 1" septembre 1939, et aux Juifs tcheco-slovaques ou apatrides ex-tchecoslovaques, leur nationalite etant appreciee au 11 novembre 1942. S'i1s residaient a I'etranger. a cette date ou posterieurement, I'ordonnance du 2 decembre 1942 leur etait applicable.

III. - LES A TIElNTES A LA UBERTE ET A L'HONNEUR D~ JllWS

La dispersion de Ia population juive sur Ie territoire fran~ais a 'peut-Hre empeche les Allemands de prendre envers elle la mesure de police la plus rigoureuse a laquelle Us aient assujetti les 'Israelites dans les territoires europeens occupes par eux. lIs n'ont pas ressuscite dans notre pays !'institution medievale du ghetto, Mais, sans confiner les Juifs dans un quartier determine, d'ou interdiction leur etait faite de sortir, i1s ont ado pte des mesures diverses qui, en fait, portaient atteinte a I'honneur d'une categorie determinee d'individus et visaient it jeter Ie discredit sur elle.

Ces textes ont, d'une part, impose des obligations positives aux ]uifs, desormais marques exterieurement d'un signe de reprobation, d'autre part, frappe les Israelites d'un certain nombre de restrictions ou de prohibitions dans I'exercice de I'activite de la personne humaine.

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§ 1. - Les obligations speciaIes aux Juifs.

ta premiere « Ordonnance relative aux mesures contre les juifs »',

en date du 23 septembre 1940, apres avoir defini la qualite de juif. edictait des dispositions pour interdire aux Israelites l'acces de lil zone occupee et pour recenser ceux qui I'habitaient.

Le § 2 de I'ordonnance faisait de la Iigne de demarcation une barriere infranchissable aux juifs. Les autorites administratives fran­~aises de la zone occupee se voyaient imposer par Ie § 3 la charge de proceder au denombrement de to utes les personnes juives. Celles-ci e~aient astreintes it eftectuer une declaration it la sous-prefecture de I'arrondissement ou elles avaient leur domicile ou leur residence habi­tuelle, et ce avant Ie 20 decembre 1940. Un registre special etait ouvert a cet eftet. Le chef de famille avait I'obligation de declarer les personnes vivant habituellement avec lui.

Cette fcirmalite ne prit un caractere d'atteinte a I'honneur de ceux qui y etaient soumis que lorsqu'une « decision d'application » de l'ordon­nance imposa aux recenses de faire apposer Ie cachet « juif » ou « Juive » sur leur carte d'identite. Les auto rites fran~aises ne virent dans cette declaration qu'une mesure de police analogue a celles aux­que lies etaient soumis les etrangers. A Paris, les indications compor­taient plutOt des mentions d'etat-civil et de na.tionalite que des ren-

. seignements susceptibles de justifier, aux termes de I'ordonnance alle­mande, la qualite de Juifs des ascendants du recense et la sienne propre.

Dans leur immense majorite,. les Juifs de la zone occupee - en parUculier ceux qui etaient Fran~ais d'origine - se conformerent a cette prescription, pensant qu'it valait mieux etre en regIe avec la loi, fOt-elle allemande, que de risquer les penalites severes dont etaient punis les contrevenants.

Une autre mesure vexatoire fut prise 11 l'encontre de.s commen;ants juifs. Obligation I~ur etait faite d'apposer it la vi trine de leurs maga­sins une affiche jaune, redigee en langue fran~aise ct allemande, et por­tant I'indication « Entreprise Juive ». Certains anciens combattants firent connaltre au public leurs titres militaires. La police leur intima I'ordre d'apposer I'affiche reglementaire sans aucune adjonction.

L'ordonnance croyait, pour permettre aux A\1emands d'obtenir toutes les justifications necessaires, pouvoir conitaindre les commu­nautes juives it fournir tous renseignements et documents. En fait, ces associations cultuelles n'etaient pas it me me de procurer aux auto­rites admlnistratives des renseignements complets, puisqu'aucune loi prealable ne faisait d'e lies des institutions publiques, dont la competence s'etendit obligatoirement it une categorie religieuse determinee. Leurs tistes n'etaient que partielles et comprenaient certainement moins de ren­seignements que n'en pouvaient apporter les resultats du recensement.

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Ces mesures n'etaient valables que pour 13 zone occupee. En zone sud, une premiere loi du 2 juin 1941 avait apporte des precisions a la loi du 3 octobre 1940 et avait determine les personnes auxquelles devait s'etendre desormais la legislation raciaie. Vne deuxieme loi du meme jour astreignit it la declaration les Juifs de cette zone. Un premier recensement, effectue en 1941, comportait des questions relatives it la « race » des personnes interrogees. Mais cette operation administrative n'avait concerne que les personnes nees entre Ie ler janvier 1876 et Ie 31 decembre 1927. Ses resultats furent donc completes par les indi­cations fournies obligatoirement par les Juifs de la zone regie par Ia· legislation de Vichy. lis devaient apporter des renseignements plus precis que ceux exig6s en zone nord relativement a la religion ges interesses et it celie de leurs ascendants.

Cette reglementation n'eut pas d'autres consequences jusqu'a I'occu­pation de la zone sud par les Allemands. Un mois apres cette atteinte aux clauses de I'armistice, les occupants obtinrent du Gouvernement de Vichy la promulgation d'une loi destinee it rendre pubJique la quali­fication juive determinee par la premiere loi du 2 juin 1941. Une loi du 11 decembre 1942 imposa aux Israelites I'obligation de faire apposer sur leur titre d'identite et sur leur carte d'alimentation la mention « Juif ».

Cette operation devait etre effectuee dans Ie mois de la promul­gation de la loi. Toute infraction efait passibled'une peine d'un mois a un an d'emprisonnement et d'une amende de 200 it 10.000 francs,ou d'une de ces deux peines seulement, sans prejudice « du droit pour I'autorite administrative de prononcer I'infernement du delinquant ».

La loi fut appliquee de fa~on stride. Certains Juifs avaient pre­tendu ne Ifas eire astreints a la formalfte du cachet« Juif », parce que, par ailleurs, its avaicnt ete releves, en vertu de I'article 8 du statut. des incapacites portees par ·celui-ci it leurs coreligionnaires. Le Secre­tariat general it la Police du' Ministere de l'Inferieur communiqua, Ie 6 janvicr 1943, une note par la voie de la presse. 11 y etait rappele que Ie Commissariat General aux Questions Juives n'avaitaccorde aucune derogation it ['apposition de la mention raciale sur les cartes d'identite.

Le cachet « Juif » appose sur les papiers delivres par les auto­rites officielles permettait aux Allemands, qui doublaient depuis Ie 11. novembre 1942 la police franc;aise dans l'ancienne zone non-occupee, de saisir facilement, all cours d'une rafte dirigee contre les Israelites, ceux et celles qu'ils recherchaient.

Par ailleurs les auto rites allemandes devaient prendre, pour la seulc zone ~-o'ccupee, une mesure renouvelee de la Touelle medievale et qui devait designer, par un moyen exterieur permanent, I'Israe­lite a la reprobation que 1'0n voulait creer chez ses concitoyens, et surtout faciliter par lit la tache des services de police.

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La huitieme ordonnance concernant les mesures contre les juifs, dll 29 mai 1942, rend it obligatoire en France occupee une mesure vexatoire que Ie Reich avait deja imposee a ses nationaux julfs et aux juifs dll protectorat de Boheme-Moravie. Cette ordonnance imposait aux juifs, ages de plus de six ans revolus, I'obligation de porter un signe distinctif, en I'espece l'etoile juive. Elle est constituee, selon Ie n° 11 du para­graphe premier du texte, par « une etoile a six pointes ayant les dimen­sions de la paume d'une main et les contours noirs. Elle est en tissu jaune et porte, en caracteres noirs, I'inscription « juif ». Elle devra etre portee bien visiblement sur Ie cote gauche de la poitrine, solidement cousue sur Ie vetement ».

TDut juif qui, a partir du 7 juin 1942, sortalt de son domicile sans etre porteur de cet insigne, etait punissable d'emprisonnement ou d'amende. L'ordonnance prevoyait egalement des mesures de police, telles que l'internement dans un camp de Juifs. Ce fut cette derniere sanctiorrc~i fut appliquee en fait et Ie camp de Drancy connut, dans Ie deuxieme semestre de I'annee 1942 un afflux considerable d'internes, dont Ie seul crime etait de ne pas porter I'etoile ou de la porter dans des cond1tions que les autorites de police consideraient comme une infraction aux dispositions de" I'ordonnance allemande.

Les autorites d'occupation avaient juge utile de connaitre Ie point de vue de Vichy sur I'opportunite d'introduire cette mesure en zone sud. Le gouvernement fran<;ais de l'epoque y repondit par une fin de non recevoir. La lettre que l'Amiral Darlan avait adressee en date du 21 jan­vier 1942 au Delegue General du Gouvernement Fran<;ais dans les ter­ritoires occupes fut rendue publique, vraisemblablement en vue de mon­frer Ie Iiberalisme des spheres gouvernementales de I'ep~ue, et leur desir de ne pas accabler les Juifs a un moment ou les Allemands com­men<;aient a arreter en masse et a de porter les Israelites de zone nord. Mais ce ne fut la qu'une manreuvre habile de propagande vis-a-vis des Etats...:Unis d' Amerique. Nous ne savons pas quelles furent les conces­sions de Vichy au regard des aut res exigences allemandes concernant les Juifs. Les textes et les documents, s'i1 en a jamais existe, ont ete soigneusement ctetruits par les ministres qui les ont reciiges.

Toujours est-i1 que l'Amiral Darlan, saisi par Ie Commandant en Chef des Forces Militaires en France d'une proposition de mesures contre les Israelites, declara qu'i1 n'etait pas d'accord sur ce point. II estimait que « les diverses mesures de rigueur prises jusqu'a ce jour a I'encontre des Israelites sont suffisantes pour atteindre Ie but recher­che, c'est-a-dire les ecarter des pouvoirs publics et des postes de com­man de dans l'activite industrielle et commerciale du pays ».

II ajoutait « qu'i1 ne saurait etre question d'aller au-del a sans choquer profondement l'opinion publique fran<;aise, qui ne verrait en

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ces mesures que des vexations sans efficacite reelle, tan1 pour I'avenir du pays que pour la securite des troupes d'occupation.

L'exces meme de ces decisions irait certainement it I'encontre du but recherche et risquerait de provoquer un mouvement en faveur des Juifs consideres comme des martyrs ».

Les Allemands n'insisterent pas. Ni a ce moment, ni plus tard. lorsque des Commissaires Generaux aux Questions Juives devoues, a leur politi que raciste furent en place) ils ne firent pression pour rendre ubligatoire I'etoile jaune en zone sud. Cependant apres avolr occup€ toute la France au lendemain du 1 I novembre 1942, les Allemands userent des procedes les plus barbares pour reconnaltre les Juifs qu'i1s voulurmt deporter. L'action de Brunner a Nice et a Marseille restera comme un des episodes les plus ignobles de I'occupation allemande en France.

§ 2 .. - Les restrictions aux hbert:es ir.dividueUes des Juifs

Par des ordonnances generales du MiIitarbefehlshaber in Frank­reich, par des avis d'application ou par des aetes d'application locale, les droits individuels des Juifs ~urent de profondes atteintes;. Les llber­tes fondamentales, telles celles d'aller et de venir OU celie de la commu­nication de la pensee, furent restreintes, sinon annihilees, pour les seuls Juifs.

line ordonnance du 13 aoOt 1941 intcrdit aux Juifs Ia detention de postes recepteurs de T. 5. F. Ceux qui en possedaient avaient obli­gation de les remettre contTe recepisse, au maire ou a I'autorite locale de police de leur domicile ou de leur residence permanente ett dans Ie departement de la Seine, a la' Prefecture de Police ou dans les commissariats d'arrondissements.

Tout Jurf qui, en contravention a cette prohIbition, ~It trouve detenteur d'un poste recepteur de radio, etait puni d'emprisonnement ou d'amende. 51 Ie poste appartenait a un tiers, it etait confisque. Les Allemands avaient voulu par cette mesure s'assurer que les Juifs n'ecou­taient pas les emissions radiophonlques des ennemis duReich, dont I'auditionetait interdite dans les territoires occupeo. En prenant la mesure extreme du retrait des post<:~ recepteurs, i1s allerent bien plus loin, empechant ainsi les Israelites d'entendre les nouvelles que\les qu'elles fussent, meme d'origlne allemande, des concerts ou des emis sions educatrices.

A la suite des attentats d~nt furent vietimes dans" toute la France des officiers allemands, a partir de la fin de I"annee 1941, les autorites d'occupation prirent des mesures repressives. Elles avaient debute par des amendes ; elles continuerent par des executions d'otages. Un avis du 14 decembre 1941 rendait les Juifs et les communistes responsables de ces attentats et imposalt aux seuls Juifs de zone occupee IDle amende

l

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collective de un milliard, prevoyait la deportation aux travaux forces I

a l'Est d'un « grand nombre d'elements criminels judeo-bolcheviks »

et decidait que « cent Juifs, communistes et anarchistes qui ont des rapports certains avec les auteurs des attentats seront fusilles ~.

Aces mesures repressives vinrent bientot s'ajouter des textes pre­ventifs. Les Juifs n'eurent plus la possibilite de sortir de leurs loge­IT)ents entre vingt heures et six heures, ni de changer Ie lieu de leur residence habituelle. L'ordonnance du 7 fevrier 1942 posait les prin­dpes de ces interdictions et en sanctionnait la violation par des peines d'emprisonnement, d'amendcs ou d'internement dans un camp special. , La lettre de Darlan du 21 janvier 1942 se referait a des propositions

faites par Ie Militarbefehlshaber in Frankreich de prendre contre les Juifs des mesures qui, outre Ie port d'un insigne special, visaient a leur interdire en general I'acces des lieux publics. Sur Ie refus du Gouvernement de Vichy de prendre la responsabilite' d'une tell,e legis­lation pour I'ensemble du territoire fran<;ais, les Altemands regie men­terent eux-memes la question, apres d'ailleurs que les 'partis politiques a leur devotion eussent pu, par des manifestations de force, faire croire a la population fran<;aise que la presence des Juifs en public etait un scan dale.

Une ordonttance du 8 juillet 1942 leur interdisait de frequenter certains etablissements de spectacles et, en general, les etablissements ouverts au public. Le Hoherer SS und Polizeifiihrer eta it . charge de leur designation. En application de ce texte, divers avis firent defense' aux Juits de frequenter les theatres, les expositions, les con-certs, les musees Ies bibliotheques, les stades, les terrains de sports, les piscines, les jardinS publics (a Paris, Ie Bois de Boulogne et Ie Bois de Vin-. cennes), les restaurants, les salons de the, etc •.. IIs ne pouvaien.t, se rendrelibrement que dans certains cafes ou restaurants du quatneme arrondissement, dont - cela va de sol - l'acces etait interdit aux

non-Juifs. Le § 2 de fa meme ordonnance n'autorisait les Juifs a faire leurs

achats soit personnellement, soit par I'intermediaire de tiers, dans les grand~ magasins, les magasins de detail au artisanaux, que' de 15 ,he~res a 16 heures. Mais, les magasins d'alimentation se trouvant fermes )US­qu'a 16 et parfois 17 heures, J'acces en fut au~orise au~ Juifs de 11 a 12 heures. C'etait en pratique interdire aux JUlfs de falre leurs achats, car les heurcs d' acces des magasins etaient celles ou i1s etaient depour­vus de marchandises. D'ailleurs, si en raison de la longueu: d'une qu~ue, l'Israelite rie pouvait etre servi a I'heure prevue par la reglemcntahon, iI etait contraint de renoncer a ses achats. Les Juifs ne purent se pro­curer les choses necessaires et essentielles it la vie que grace a la com­plicite et a la complaisance des non-juifs.

La sanction de ces interdictions etait la prison au I'amende. L'ordon-

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I nance y ajoutait des mesures de police, speciaiement la detention dans un camp de Juifs. En fait, taus ceux qui contrevinrent tant soit peu a ces interdictions payerent de la deportation et de la mort leur impru­dence.

Ces textes generaux, valables pour la zone occupee, etaient com­pletes par une regie mentation accessoire,. variable suivant les lieux. A Paris, elle fut par1iiculierement dense et resultait de simples avis, inseres dans les journatrx quotidiens. C'est ainsi que les Juifs voya­geant dans Ie Metropolitain n'avaient Ie droit d'cmprunter que Ie der­nier wagon. Interdiction leur etait faite de sortir du departement de la Seine, meme dUrant la journee, de demenager leur mobilier, de pos­seder une bicyclette, d'utiliser Ie telephone, public ou prive. L'adminis­tration des P. T. T. fut requise d'enlever leur installation a tous les abonnes juifs au tcle'phone.

Toutes les infractions a ces prescriptions d'importance secondaire etaient punies de la meme peine :·I'internement au camp de Drancy, et par suite, la deportation.

Bien plus, a partir de I'automne 1943, i1 fut interdit a un Juif de se faire soigner dans un hOpital, une clinique de l'Assistance pubJique ou un etablissement hospitalier prive. II devait obligatoirement entrer en traitement a I'hopital Rothschild, Oll, siMt admis i1 se tr9uvait sous Ie controle allemand et subissait Ie regime des internes.

En zone sud, les Julfs, a qui toute activite etait interdite, sauf I'exploitation d'une propriete agricole, ne furent pas soumis a de telles obligations et it de semblables restrictions. En dehors du timbragedes titres d'identite. les Israelites ne se sont pas vu designer ostensiblement a la reprobation' pubJique.

Une legalite speciale (val able pour toute la France) leur futcepen­dant appliquee. Elle tcntait de les maintenir dans la situation faite a leurs ancetres par l'interdiction qui leur etait opposee de chatiger de nom (1oi du 10 f.evrier 1942) « aftn d'eviter que la loi de l'An Irne soit detournee de son but en offrant aux individus de race juive' un moyen de dissimuler leur origine ». Ce texte etait retroactif, puisqu'i! organi­sait une revision de taus les changements de noms obtenus pat les Juifs . en vertu de decrets rendus depuis Ie 24 octobre 1870. II interdisait en outre it tous les Israelites J'usage d'un pseudonyme.

Le Gouvernement de Vichy eloigna les Juifs du siege du gouver­nement it partir de janvier 1941, de Riom pendant la duree du prod~s de la Haute-Cour, de Clermont-Ferrand a partir du 3 juin 1942 et d'une fa<;on generale, des departements de I' Allier, du Puy-de,.Dome et

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de la Loire. Les departements cotiers leur furent totaJement interdits au moment de I'occupation par I' Allemagne de \a zone sud.

Ell fi n, les institutions nouvelles ne furent ouvertes aux Juifs que sous certaines conditions. Ce fut Ie cas pour la Legion Frant;aise des Combattants qui n'admit comme membres juifs que des titulaires de la C<lrie du combattant de 1914-18, les titulaires d'une citation homologuee de la guerre 1939-40, ou de co res pour faits de guerre. Des 1942, I'action de la Legion prit un caractere antisemitique nettement marque. Ses dirigeants justifierent les deportations massives de zone sua d'aofit 1942. BientOt, il apparut aux Juifs, meme it ceux qui remplissaient les conditions originaires d'adhesion au mouvement, qu'i! leur etait impos­sible de continuer a vivre dans un milieu qui les rejetait plus ou moins explicitement.

IV. - L'ADMlNISTRATION DE LA

MINORITE NA TlONALE JUIVE

Avoir cree, dans ces conditions, une situation juridique speciale aux 1uifs dans Ie cadre des organisations existantes ne suffisait pas. On voulut saisir les biens et les personnes juives dans leur ensemble at )-es:doter d'un appareil special. Cette tache fut confiee it deux nou­veaux organismes specialement crees : I'un fut un nouveau service public, Ie Commissariat general aux Questions JUives ; I' autre. 1.1!It"

institution destinee it la solution, par ses membres cux-memes. des qUes­tions posees par I'existence d'une nouvelle «minorite nationale ", l'Union Generale des Israelites de France.

La tendance genera Ie de la premiere de 'ces deux Institutions sera suffisamment precisee en indiquant que Ie poste de Commissaire General fut successivement con fie a Xavier Vallat, Darquier de Pellepoix, du Paty de Clam et Antignac. Par leur attitude politique anterieure ou par leurs attaches familiales, ils se devaient d'adopter une ligne de conduite qui, a des degres divers, etait marquee d'un antisemitisme violent plutot que d'un reel souci des interets nationaux en I'affaire.

Le Commissariat General aux questions Juives trouve sa base dans la loi du 20' mars 1941. Elle lui donne pour mission:

}O de preparer et de proposer au Chef de l'Etat toutes mesure<; legislatives relatives a I'etat des Juifs, it leur capacite politique, a leur aptitude juridique a exercer des fonctions, des emplois, des profes­sions ;

2° de fixer, en tenant compte des besoins de I'economie nationale.

~a date de liquidation des biens juifs, dans Ie cas ou cette liquidation etait prescrite par la loi ;

. 3° de designer les actministrateurs scquestres et de oontroler leur activite.

Une loi du 19 mai 1941 etendit les pouvoirs du Co~missaire General en lui donnant des fonctions coordinatrices entre les differents secre­tariats d'Etat charges d'appliquer les mesures touchant les Israelites ~t, surtout en .lui conferant la mission de provoquer eventuellement a I egard des Jutfs et dans la mesure fixee par les lois en vigueur toutes mesures de police commandees par l'interet general.

Toute l'activite de cette administration est assez connue au travers .des diverses lois qui ont cree Ie statut des Juifs et au travers du r61e j~u~ par les administrateurs-gerants, nommes par elle, et qui a con­slste tant a gerer des biens qu'a suivre I'activite de leurs detenteurs pour les denoncer quelquefois et creer les conditions favorables a leu; deportation.

Les archives du Commissariat General a Paris ont ete detruites par Ie feu quelques jours avant l'arrivee des trotlpes Iiberatrices. Des quel­ques documents qu'on a pu retrouver, iI resulte que cet organisme etait un instrument fidele de I'activite antisemite de I'administration allemande. Les texes de loi promulgues ne I'e-taient que sur la demande ou apres avis de l'Ambassade d'Allemagne. Un conseiller de legation avait charge de suivre I'activite du Gouvernement fran<;ais en matiere de reglemen­tation juive.

Un organisme de liaison existait a Paris, place des Petits Peres ; son chef portait Ie titre de « Beauftragte des MilWirbefehlshabers in Frankreich fUr die Entjiidung der Wirtschaft beim Generalkommissar fUr judenfragen » (Delt~gue du commandant militaire en France pour I'aryanisation economique aupres du Commissaire general aux Ques­tions Juives). Ce service suivait Ie processus des nominations d'adminis­trateurs, demandait comm1.mication des rapports d'aryanisation et don­nait son avis sur toutes les mesures destinees a provoquer la liquidation des entreprises.

Sl Ie Juif procedait a une cession amiable, Ie service allemand inter­venait, recherchant, par tous les moyens de preuve, s'H n'y avait pas fraude <lJ la Ioi.

. Le.s orga~lsations economiques allemandes interesssees (Hotel Majestic, Abtellung WI 1/1, Ie chef de I'administration militaire) inter­v:naient pour voir nommer ou revoquer des administrateurs. De son cot~, Ie Commissaire general ne procedait a aucune nomination sans aV?lf, au prealable, I'assentiment des services allemands. Lorsqu'U s'agls­salt d'entreprises specialisees, des organismes techniques allemands apparais~aient : tel etai.t Ie cas de la Propagande Abteilung en matiere d entrepnses de productIOn de films cinemafographiques.

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Les acquereurs eventuels font l'objet d'enqu~te5 minutieuses, aux fins de savoir s'ils n'ont pas des rapports etroits avec Ie Juif proprie­taire du bien liquide. En fait, Ie Commissariat aux Questions Juives slest montre, dans son organisation et dans ses liaisons, un fidele valet de I'occupant. Sans que cela apparqisse au public, toutes scs volontes ont pu etre reaIisees dans tous les domaines de I'activite juive.

Sur Ie modele de la « Reichsvereinigung der juden in Deutschland », la loi du 29novembre 1941 crea, a la demande des auto rites d'occupa­tion une « Union Generale des Israelites de France» (U.G.LF.). Appa­rem~ent iI s'agissait d'un etablissement public autonome, ayant pour objet « d'assurer la representation des juifs aupres des pouvoirs publics, notammcnt pour les questions d'assistance, de prevoyance e~ ~e recl~s­sement ». II devait se voir attribuer les biens des reuvrcs ]Ulves eXIs­tantesdont la dissolution etait prononcee, et les faire vivre grace a des resso~rces speciales creees par la loi, en particulier par des cotisations obligatoires pour les juifs.

Tous les juifs demeurant en France etaient obligatoirement membres de l'Union. lis formaient ainsi une nouvelle entite, en apparence auto­nome et gouvernee par e1le-meme, « Ie peuple juif », ainsi que Ie nom­mait un communique de Vichy date du 3 decembre 1941.

L'U.G.LF. avait mission de prendre en charge. en principe, des reuvres secourables. Son conseil d'administration pour la zone sud tenta de restreindre son activite a ce seul but, en adopt ant, des sa premiere reunion une resolution en ce sens proposee par son president. Xavier Vallat la· contresigna formellement sur Ie livre des proces-verba~x. Mais les autoriies al\emandes et Ie Commissariat lui-meme se chargerent de f£lire endosser a I'Union une tache politique. Quelques jours aprcs la creation de I'U.G.LF. en zone nord, une ordonnance du Militiirbefehls­haber in Frankreich en date du 17 decembre 1941 lui imposa la tache de

. rassembler les fonds destines a payer I'amende d'un milliard imposee aux juifspar I'avis du 14 decembre. L'U.GJ.F. devenait ainsi respo~sab~e vis-a-vis des autorites d'occupation du paiement d'une somme prele~ee sur ses membres, et on faisait d'elle, en contravention avec les ~rf?­cipesposes des sa creation, Ie mandataire des juifs de France, Vis-a-

vis du pouvoir politique. ., Par contre Ie Gouvernement de Vichy voulut YOU dans I U.G.LF.

son representa~t au pres de Ia communaute des juifs de F.rance ~t tenta, par son intermediaire, d'imposer ses decisions. Les Israehtes qUI a~cep­terent alors des fonctions de direction a l'U.G.l.F. Ie firent en esperant attenuer par leur presence la rigueur de la le~islation ~a.c.iale. Leu~s espoirs ont ete de<;u9 et ils ont paye de leur vie leur des!r de servI~.

Les autorites allemandes empecherent en fait I'U.G.~.F .. ~e rempltr la tache d'assistance que son statut lui avait devolue. Des ]uII~et, 1~42, il fut interdit a cet orga~isme de visiter Ie camp de Draney, ou etatent

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internes Jes Juifs arr~tes dans toute la France. Cependant 'que les per­secutions contre les Juifs augmentaient, Ie role pratique de I'U.O.I.F. se trouvait limite a I'organisation de quelques cantines et a ladistribu­tion de quelques subsides en argent. Toute intervention de sa part aupres des pouvoirs publics et des autorites allemandes !>e revelalt inefficace.

Le champ etait Iibre pour un depassement arbitraire des mesures legales. Spoliations et profanations, arrestations et deportations pou­vaient se donner Iibre cours, puisqu'aucune instance judiciaire ni aueune demarche administrative ne pouvait les arreter.

* ** En Algerie, la legislation fran<;aise de Vichy fut appliquee aux

Israelites dans son integra lite. En otre, des Ie 7 oetobre 1940, une loi abrogeait Ie decret du Gouvernement de la Defense Nationale du 24 octo­bre 1870, dit « decret Cremieux », qui reglait les droits politiques des juifs indigenes des departements de I'Algerie et les declarait citoyens fran<;ais. Seuls conservaient cette quatite un certain nombre de' julfs dont la Iiste fut d'ailleurs etendue par une loi du18 f(~vrier 1942. La Joi de 1940 ne eonservait la qualite fran<;aise qu'aux juifs ayant appar­tenu a une unite combattante pendant les guerres de 1914-1918 ou de 1939-1940, a ceux qui avaient obtenu la Legion d'honneur a titre miti­taire, la Medai11e· militaire au la Croix de guerre. Les Israelites qui s'etaient distingues par des services rendus au pays conservaient ega­lement la nationalite fran<;aise.

Ces cteeheances et ces exemptions s'appliquaient aux beneficiaires du dec ret du 24 octobre 1870 et a leurs descendants. Des deerets uJte­rieurs etablirent les regJes de procedure de conservation de la natio­nalite fran<;aise.

La loi du 18 fevrier 1942 etendit la liste des Juifs algeriens habilites a conserver la nationalite fran<;aise et ajouta aux categories prevues par la loi du 7 octobre 1940 les pupiJIes de la Nation, ascendants, veuves ou orphelins de militaires morts pour Ja France et leurs enfants.

Un dee ret du 14 fevrier 1942 avait ·cree une Union generale des juifs d' Algerie, dont les buts et les ressources etaient du me me ordre que ceux de I'U.G.LF.· .

En Tunisie, des actes du Bey vinrent rendre la legislation fran<;aise applicable dans Ie Proteetorat. Une grande partie d~ la legislation antisemite de zone occupee (port de I'etoile, etc ... ) s'y a]outa lors de la retraite des troupes allemandes en Tunisie.

Des « dahirs » (1) successifs avaient deja, au Maroc, donne force

(1,) Acte ltlglslatif du Sultan du Maroc.

Page 18: La Persecution Raciale

;)2

de 101 a une partie de la legislation raciale de Vichy. Un train de dahirs complementaires allaH etre promulgue, lorsque toute cette legislation fut abrogee a la suite du debarquement allie du 7 novembre 1942.

"fOute la legislation raciale, en France, dans Ics colonies et dans les pays de protectorat fut abrogee definitivement par l'article 3, paragra­phe 7 de l'Ordonnance du 9 aoOt 1944 qui s'etend it tous les actes « qui etabl4ssent ou appliquent une discrimination quelconque fondee sur

la qualit.e de Juif ».

DRANCY : AVANT LA DEPORTATION Entree de la baraque pour la jouille

CAMP DU VERNET

I

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UN GROUPE D'INTERNES ARRIVE A DRANey

AFFICHE APPO­SEE DEVANT L 'HOTEL DES

VENTES

L'INSIGNE OBLIGATOIRE POUR LES JUIFS

CHAMPS-ELY SEES

CHAPITRE II

SPOLIATIONS ET PROFANATIONS

Si les Juifs n'avaient ete soumis strictement qu'it la legislation alle­mande ou vichyssoise, iI leur eftt ete peut-etre possible de vivre, meme en voyant leurs Iibertes reduites, me me dans I'attente d'une nomination q'administrateurs-gerants et de la liquidation de leurs biens.

La pratique administrative depassa les textes. Les autorites alle-mandes depouillerent les Juifs de leurs biens meubles dans touie la mesure du possible. Aides par leurs collaborateurs des partis politiques qu'i1s subventionnaient ou par Iw Mil ice, ils encouragerent les profana­tions des edifices du culte israelite, dont les auteurs ne purent jamais

. etre objets de sanctions.

En dehors de toute mesure d'administration provisoire, les autorites d'occupation entendirent faire main basse sur tout ce que pouvaient laisser les Juifs, soit qu'ils aient ete chercher asile dans une region plus sOre, soit qu'ils aient deja ete arretes.

Une lettre du 15 septembre 1941 du Conseiller de Legation Carltheo Zeitschel adressee au conseiller Rudloff, it la Chambre des Deputes, montre Ie souci de I' Ambassade d' Allemagne de s'emparer purement et simplement des stocks de marchandises appartenant aux Israelites (piece 10 du scelle du Ministere de I'Int£trieur, Direction de la Sftrete N atio-

nale) :

A ['occasion des arrestations de Juifs qui ant eu lieu les semaines dernieres, on a trouve des depOts assez considerables de tissus, vivres et autres objets. Comme ies arrestations sont en elles-memes assez dif­ficiles a realiser, if n' a pas efe possible de mettre ces stocks en lieu sur.

l

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A ['occasion de la conference flebdomadaire du S.D., la proposition devrait etre faite, en presence du representant du Militiirbefe'/llshaber et de l'Ambassade pour que la Chamhre des Deputes (Service ,du Conseiller de guerre Rudloff) constitue un detachement avec un fonctionnaire de la police allemande et une serie de fonctionnaires de la police franfaise a raison de 1 pour 10, pour pOl1voir, au cours des prochaines actions, saisir les stocks frouves chez les Juifs internes. Des renseignements seront a l' avenir fournis, tant par Ie S.D. que par I' Ambassade;, sur les depots de ce genre. Il serait egalement souhaitable que nous ayons sous la main un detachement -qui, puisse assurer la confiscation de ces stocks.

Je vous prie de me faire savoir si la question peut etre resolue sous cette forme et, dans ['affirmative, combien de temps if faudrait pour que ce detachement soil prN a fonctionner.

Les appartements des Juifs qui avaient quitte leur domicile ou qui avaient ete arretes etaient vides de leur contenu. C'etai~nt lit des « actes discretionnaires », ainsi qu'en fait foi une lettre du 4 decembre 1942 adressee par Ie Commissaire General aux Questions Juives (Direction de la Legislation et du Contentieux) au Prefet de Police :

Quelle attitude doit adopter un pro prieta ire lorsque des membres de l'armee allemande, ou se disant tels, se presentent pour dbnenager un appartement jUif et ,de quel ordre doivent etre les justifications qu'ifs

, sont en droit d'exiger pour degager ieur responsabili'te ? En raison de leur caractere d' actes discretionnaires, if est difficile

d' assujettir a des formes juridiques les pratiques actuellement suivies en ceNe matiere par les autorites d'occupation. Si, en s'abstenant de rechercher dans quelle mesure ces,actes sont fondes juri.diquement, on ne s'attache qu'aux modalites d'exercice, if semble que ['on puisse exiger, en application du reglement sur les lois de la guerre elabore par la Con­ference de La Haye en 1907 et touiours en vigueur, que l'exercice de ce pretendu droit satisfasse aux conditions suivantes ...

Que ces formalites exterieures imposees par Ie droit international et rappelees par Ie Commissariat General aux Questions Juives aient ete accomplies ou non, Ie mobilier des Juifs absents ou arretes etait oConfis­que par les Allemands et envoye en Allemagne, par des internes israe­lites contraints de se Iivrer it ce travail dans divers camps de la region parisienne.

Les tableaux et objets d'art faisaient tout particulierement I'objet des convoitises allemandes.

·M. Joseph Billiet, ancien Directeur general des Beaux-Arts, declare a ce propos:

3i

Quelque temps apres l'occupatiort de Paris, alors que j'eiais direc­teur adjoint des musees nationaux, je ref us la visite ,d'un officier alle­mand, Ie colonel vtJn Behr. Celui-ci connaissait particulierement bien la France, s'eo:primait avec facifite dans notre langue et encore mieux en argot. Il me demanda de lui donner la liste des cOllectionneurs juifs d' G?uvres d'art. Je lui rl!pondis que nos services ne s' occupaient que des collections pubUques ; au surplus, comment pourrais-je reconnaitre si' une collection privee appartenait a un Juif ou non. « On les reconnait par le nom, dit-il - Eh oien, alors, je suppose que M. Alfre.d Rosenberg est un Juif. » Le colonel von Behr compril parfaitement la plaisanterie. et, voyant qU'il ne pouvail rien obtenir par la douceur, if me fit savoir dans des termes d'une grossierete remarquable que ses services agiraient d' eux-memes.

Vn peu plus tard, c'etait au mois d'octobre 1940, les Allema.nds son! venus au Louvre m'y demander des locaux. Nous leur avons demande la raison " s' agissait-il d'y entreposer .des explosifs ? Ils nous ont fait savoil~ qu'if s'agissait d'y deposer des objets d'art. Devant notre refus" ifs nous onf fait connaitre verbalement qu'ifs requisitionnaient les lieux. et ifs ont occupe immidiatement cinq ou six salles du rez-de-chaussee, sur la Cour carree. Des Ie lendemain, des caisses arriverent au musee. VOll

Behr et deux nazis, membres de l' administration civile, presidaient aces operations. Nous avons voulu savoir ce que contenaient ces caisses. lls nous ont repondu " « Ce sont des amvres d'art prises aux Juifs >I.

Contre leur pretention de s'emparer de ces biens qui faisaient partie du patrimoine artistique de la France, nous avons eleve immidiatemenl une protestation, sllr la base de la ligislation en la matiere'. « If, y a deux categories de Juifs, avons-nous dil. La premiere se compose de Juifs qui ont iti dechus de la nationalite franraise. L'Etat possede un droit de preemption sur leurs biens. Les autres sont des citoyens fran[ais alJlX­quel~ l'Etat franrais doit protection. A ce point de vue, la Direction des Musees nationau.x ne peut preteI' la main a la spoliation de leurs biens ».

Vne reunion eut lieu dans mon bureau. Metternich, President de La Commission allemande de Protection des CEuvres d'Art, comprit fotl bien notre point de vue. Pour l'une comme pour ['autre des deux catego-

, ries de proprietaires, il defera a notre demande d'un inventaire contra­dictoire. Des Ie lendemain, on se mit a procider a cet inventaire, auquel participaient un officier du service Metternich et un attache du Lou.vre.. C'est alors que von Behr, au un de ses sOlls-officiers, je ne me souviens plus exactement, est intervenu et a interrompu le travail, au bout d'une demi-heure. Cet oftider s'est mis en rapport tiliphonique avec moi et comme je lui demandais " « Pourquoi ne permetfez-vous pas que ['on continue l'inventaire sllivant les conventions intervenues hier ? », il me repondit " « Le service! Metternich est dessaisi ». II mit immidiatement a fa porte l'officier allemand et l'.attache. NallS ne fumes donc mis direc-

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tement en possession que d'une partie de cet inventaire ,dresse pendant une demi-heure seulement.

Dans les memes conditions: qu'ils l'avaient fait pour Ie Louvre, les Allemands occuperent Ie Musee du Jeu de Paume. Une attachee, MIle Val­land, est restee dans les lieux posterieurement d leur prise de possession par l'occupant.' L'officier du service Metfernich a continue seul ses tra­vaux ,d'inventaire qu'il nous a fait parvenir jusqu'au mois de decembre. Apres cetfe date, nous n'avons eu connaissance que de fragments d'in­ventaire dresse par Mile Valland au peril de sa vie.

Apres un inventaire, les Allemands procidaient d ['expertise des tableaux et d leur classement. Puis ils les accrochaient dans' les salles du Musee comme pour une veritable exposition. Lorsque Geering venait d Paris, if faisait un double choh, Ie premier pour lui, Ie deuxieme pour les personnalites du Reich. Les caisses partaient ensuite pour l' Allema­gne, marquees du signe G ou H, par exemple, suivant que leur contenu eta it destine au chef de l' aviation allemande ou au Fuhrer.

/' ajoute qu'i[ n'y avait pas seulement des eeuvres d'art entreposees au Musee du Jeu de Paume. Les bibliotheques de certains Juifs (celles des chateaux de Dreux et de Ferrieres appartenant aux Rothschild, ceUe de M. Veil-Picard) furent ainsi conduites au Jeu de Paume. II y eut ega­lement des meubles et meme des objets de consommation qui furent dis­tribues d l'armee allemande.

Au Musee d'Art moderne du quai ,de New-York, on entreposait des pianos votes au,x Juifs.

Je ne peux donner d'autres precisions sur la destination de ces ceuvres d'art, car aussi bien leur demenagement chez les pro prieta ires que leur envoi en Allemagne, s' est fait en dehors des services des Musees natio­naux. Nous n'avions pas les moyens materiels de nous opposer d la volonte allemande de s'en emparer.

A de nombreuses reprises, les edifices du culte israelite ont ete l'ob­jet de profanations, soit de la part des membres des troupes d'occupa­tion, soit Ie plus souvent par. des membres des « partis autorises » par l'administration allemande ou par la Milice. .

En mai 1941, une bombe eclatait dans la synagogue de Marseille et y causait une breche dans Ie mur ~1aitre. A Vichy, une bombe etait cte-posee au Temple israelite en aout 1941. . . ,

Dans la nuit du 2 au 3 octobre 1941, les synagogues panslennes furent Ie theatre d'attentats en serie perpetres par des Franc;ais des milieux cagoulards. Une lettre du general von Stulpnagel (Ic-m464/41) adressee Ie 6 octobre 1941 au Grand Quartier general de I'Armee de Terre revele que Ie SS Obersturmfuhrer Sommer, sur I'ordre du chef de la Gestapo Knochen, a livre aux criminels franc;ais des explosifs de provenance allemande en vue de perpetrer les attentats contre les syna-

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go.~ues. Ces actes de violence prenaient pour cibJe. non seulement des ed.lft~es. cu.Ituels connus de tous, mais egaJement un oratoire purement pnve, Sttue dans une maison particuliere.

Les degats causes par cette serie d'explosions sont decrits dans u rapport emanant de l'Association Consistoriale Israelite de Paris: n

A I~ synagogue du 21 bis, rue des Tournelles, Ie 3 ocfobre, d 2 h. 30 du matm, un engin place d l'interiear du peristyle cause de nomb'reux degafs au batiment.

, A la synagogue de la rue Notre-Dame de NazQ/eth, un agent cycliste VOlt un paq,uet suspect place devant Ie Temple et va Ie signaler au com­missariat. L'engin oxpLose d 3 h. 40. .. Au Temple du 44, rue de la Victoire, un engin place d ['inUrieur ,du

penst)'ie explose d 4 h. 30, en causant des dommages importants aux murs .~t ~ux vit;a~x et en bouleversant l'appartement du gardien. Le propnetazre de I hotel du 45, rue de la Victoire, avail refu au prealable un coup de tetephone pour s'assurer que l'hOtel n'etait pas requiSitionne

, par les Allemands. Au temple du 13-15, rue Saint-lsaure, un cngm exp[ose d 5 heures

du matin. A 5 h. 15, des degafs nWfhiels sont ::auses l!.1! Temple du 21, rue

Copernic. A la synagogue de La rue Pavee, les Allemand, n'ont pas enleve une

bombe non explosee placee pendant la nuit. lis [,ont fait sauter, causant d'importanfs degdls materiels.

Un exp/osif a egalement ete place avenue Montespdfl dans. un ora­toire prive appartenant d des familles russes refugiees.

On remarquera que Ie Temple de la rue Buffault, situe en fa.ce d'un hotel occupe par les troupes allemandes, n'a pas ete victime de cette serie d'attentats perpetres au soir meme d'une fete juive.

Le 20 juiIIet 1942, la grande synagogue de la rue de la Victoire a Paris voyait se derouler it nouveau des actes graves de profanatiQn. M. O. Berg temoigne it cette occasion dans les termes suivants :

Vers II heures du soir, une bande de six d huit individus, fres jeunes pour la plupart, vetus d'un uniforme bleu fonce avec ceinturon, baudrier et poignard, porlant au bras l'insigne du P.P.F. escaladerent la grille d'entree du Temple. lls y penetrerent apres avoir ouvert par effraction une porte provisoire amenagee par les services d'architecture de la Ville de Paris d la suite des e.xplosions du 3 octobre 1941;

Un groupe se dirigea vers Ie;, logement du gardiell du Temple. M. Dreyfus, et lui ayant .demande si d'autres personnes habitaient !'edi­fice, ifs allerent reveiller un autre fonctionnaire de l' administration du Temple et sa famil/e. lis reunirent ces cinq personnes et les questionne-

Page 22: La Persecution Raciale

rent, exigeant d'eux la divulgation des noms des personnalites dirigean­les du juda/sme.

lls se flrent remettre les cies du sanctuaire, et, ayant penetre dans Ie Temple, ollvrirent les cases appartenant aux fidi!les. lls lacererent des livres et des chales de prieres. Les uns graverent avec leur poignard des inscriptions d' allure politique dans (e sanctllaire meme. Les autres bri­serent les objets dll culte, endommagerent I'harmonium.

lls s'en' prirent meme aux rouleaux dela Loi qu'ils profanerent en les jetant a terre, les deroulant dans la synagogue pOllr les lacerer ensuite. lls tenterent meme de m~ttre Ie fell a l'edifice. N'y parvenant pas, ils souillerent, avant de se retirer, les lieux du clllte t!tz urinant et en contraignant. sous la menace, l'd. Dreyfus, qui s'y refusait, ales imi­ter. lls l'emmenerent a la permanence de leur parti et ne Ie relacherent lju'apres lui avoir donne l'ordre .de revenlr Ie len demain, porteur d'une somme de 100.000 francs que Ie Orand-Rabbin de Paris devait lui remettre. Des menaces de mort devaient etre mises a execution au cas all cette mission ne serai! pas remplie.

Le 3 juin 1942, des incidents analogues s'etaient deroules it la syna­gogue de Marseille. Des individus, membres d'organisations collabora­tionnistes ou antisemites ant, selon un rapport adresse au Consistoire Central, assomme !es deux gardiens,. demoli Ie materiel, brise les can­delabres en argent, enfonce l' armoire oil sont deposes les rouleaux 'sacres et les ant profanes. D'autres en ant paif autant sur des objets deposes dans un oratoire annexe. Les fidfles ant eie molestes : l'un d'eux a eu les jambes brisees et une tracture du crane.

A Nice, la synagogue du Boulevard Dubouchage etait attaquee Ie sarnedi 2 mai, a 11 h. 30, du matin, au cours d'un office religieux auquel assistaient deux cents personnes, pour la plupart entants, femmes au vieillards... au moyen de lourdes pierres lancees a travers les vi/res. Non seulement les auteurs de cette lache agression ont brise les vitres de la fa-fade, des fenetres et du portai/ lnterieur de notre lieu de prieres, rnais ils ont encore blesse plusieurs personnes, atteintes par les pierres et les eclats de verre. Quelques-uns des agresseurs ant meme reussi a penetrer dans Ie vestibule et se son t livres a des actes de depredation ...

Avant-Izier, 3 juin, a 18 h. 30, avant Ie commencement de l'office, notre Association etait victime d'une deu,xieme agression. Vne trentaine de jeunes gens armes de matraques et de pierres ant penetre dans Ie Temple et se sont livres a .des voies de fait sur les assistants, leur por­tant des COlips d'une violence telle que huit ant eie blesses gravement.,.

Les agresseU'rs ant commis des ,actes de depredation sur les objets mobiliers du Templeainsi que sur les objets du culte, brisant notam­men! des candelabres en argent, des rouleaux sacres avec leurs orne-

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ments, declzirant fa draperie de l'autel, etc. (Plainte du 3 juin 1942 portee par Ie President de l'Association Cultue\le Israelite de Nice).

Le P.P.F. a egalement commis des deprCtiations au Temple de la rue Deloye, it Nice. Le 15 septembre 1942, Ie President de I' Associa­tion Cultue\le deposait entre les mains de I'intendant de Police de Nice une plainte ainsi con<;ue :

. .. Hier soir, vers 18 h. 30, au moment de l' office, soixante-dix indi­vidus environ se sont introduits dans Ie Temple ; ils ant violeml7lenl bouscule Ie minislre officiant qui a ete projete r1 terre el a ete conlll­sionne. lIs ant Ctxige de tout fouiller pour effectuer une « perquisilion »,

au cours de laquelle il ne fut trouve, evidemment, que des livres de pric­res et des Tables de la Loi. I1s ant profane Ie Temple. Ils ant decfare qu'ils ne quitteraient les lieux que si on lellr versait une somme de un million. Certains d' entre eux sont restes sur place toute la: nuit.

A Bordeaux, Ie 15 mars 1944 des SS de la Division Deutschland ont penetre dans la synagogue de la rue Palapral, armes de haches. Ils ont demo/i les boiseries, la chaire, les argues, ['harmonium, fes bancs, saccageant systematiquement fa synagogue, tirant dans fes fustres et les vitrau,x des ratales de l7litraillettes. Les boiseries ant ele clzargees dans un camionpour Nre ensuite bnllees. (Rapport au Consistoire Central).

A Lyon, au temoignage de M. Leon Meiss, president du Consistoire Central des Israelites de France, Ie 10 decembre 1943 des bombes ont ete jetees dans fa synagogue : IlUit per~onnes ant ele bfessees, et ce clziftre relativfment restreini de victimes n'est dO qu'au fait que les tideles ont vu les assaillants et ant pu se proteger SOliS les banes.

Dans Ie courant dUI, mois de juillet 1944, a une date qu'ignore M. Eugene Weill, president de la communaute de Lyon qui a redigc un tenioignage sur ce point, fa Milice s'est installee a demeure dans la synagogue du quai Tilsit. Ie me suis rendu a fa synagogue fe 2 sep­tembre, jour de fa Liberation. j'ai da forcer fa porte pour entrer. Les locaux se trouvaient dans un etat indescriptible.

La salle du Temple a servi de focal pour les beuveries des mlliciens ainsi que de stand de tiro Ce sont des plaques commernoratives des sol­dats tues en 1914-18 qui servaimt de cible, ainsi que les rouleaux de fa Loi. Les douilles etaient encore eparses sur fe sol. Du haut de fa gale­rie les bancs avaient ete precipites en bas. La chaire avait egafement eti precipitee par terre. Lustres, tauteuas, etaient renverses el livres et chafes de prieres eparpilles.

La synagogue de Verdun (temoignage de M. R. Gintzburger) a ete transformee par les troupes allemandes en ecurie et celie de N a~cy: dont Ie materiel avait ete mis en lieu sa,., utilisee comme parc samtGlre de ['armee.

l

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I

!

CHAPITRE III

ARRESTATIONS ET RAFLES

Pendant quatre annees, les Juifs qui residaient en France, qu'iIs fussent fran9ais ou etrangers - et meme parmi ceux-ci, ressortissants des nations amies de I' Allemagne - ont vecu veritablement comme des betes traquees.

La police alleman-de (Sicherheitsdienst ou Geheime Feldpolizei, Ser­vice de securite ou Police de campagne secrete) les recherchait et, soit directement, soit par la collaboration que ses chefs exigeaient de la police et de la gendarmerie fran9aises ou par celie qu'ellc recevait volon­tairement de la Milice et de certains partis « autorises », la police alle­mande procectait aux arrestations de ceux que la legislation antisemite designait comme Juifs.

II y eut it la fois des arrestations individuelles et des arrestations collectives sous forme de rafles. Nous examinerons la technique des unes et des autres. Nous verrons que Ie Juif etait depiste partout OU il se trouvait, it son domicile, sur la voie publique, dans les lieux publics, dans les synagogues memes. On recherchait les vieillards dans les hospices, les indigents dans les reuvres chari tables, les enfants dans les colonies scolaires et les pouponnieres.

Meme avant que la zone sud ne ffit occupee par les troupes alle­mandes, Himmler exigea la remise de milliers de Juifs etrangers habi­tant Ie midi de la France. C'est la technique de cette operation qui repre­sente une modalite particuliere d'arrestations que nous etudierons en detail. Nous ferons de meme pour une tentative avort'ee,. celie de l'ar­restation des Juifs denaturalises. Nous y verrons ·comment, progressive­ment, les mesures collectives de rafles qui, en 1942, ne cherchaient que des victimes apatrides ou relevant d'Etats aneantis par la temporaire

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V'ictoire allemande, s'etendirent petit a petit, en zone sud d'abord, puis sur tout Ie territoire fran<;ais, aux Israeli1Jes, Fran<;ais d'origine.

Toutes ces techniques de l'appre'hension des Juifs, preliminaires de la deportation et de la mort sous les coups ou par les gaz, seront I'objet d'etudes approfondies. Nous nous appesantirons davantage sur certaines , rafles qui ont laisse un souvenir durable et horrifie dans \'esprit des non-Juifs memes. Nous renverrons auxchapitres suivants la description de certaines gran des operations dont Ie resuItat a permis d'ouvrir divers camps. Nous nous attacherons a elles au moment de faire I'histoire de ces camps dont elles forment un prelude inseparable.

Pour justifier I'arrestation en France des Juifs par les organes administratifs et de police fran<;aise, les Allemands se basaient sur les lois constitutives de I'organisation des pouvoirs publics fran<;ais et leur competence generale en matiere de police, qu'il s'agisse d'actes d'autorite emanant des pouvoirs publics fran<;ais ou des auto rites occu­pantes allemandes. Une lettre adressee par un .SS. Sturmbannfiihrer, chef de la police de Securite du Kommando de Rennes, adressee Ie 5 mars 1943 au Prefet regional de Bretagne, precise ce point de vue d'llne faeon ires large.

D' apres les prescriptions de [,ordonnance relative au.x mesures cori­fre les fuifs - tant fran raises qu'aUemandes - la police franraise est chargee de la surveillance des fuifs en ce qui concerne [,observation des restrictions et des obligations imposees aux fuifs. Ainsi qu'il m'a ete sign ate, la gendarmerie franraise s' est refusee a assurer la sur­veillance des fuifs, en declarant l]u'elle n'etait pas competente pour l' execution de ces missions, elant donne qu' elle n' avait pas reru d'ins­tructions a cet eifet de la part des servi'Ces pre poses, et qu' en outre eUe n'etaU pas designee nommement, en vue de missions de surveillance, dans les ordonnances 8 et 9 du Militiirbefehlshaber relatives aux mesu­res contre les Juifs.

D'apres la loi fondamentale concernant la police jranraise, la Gen,­darmerie Franraise se cha'rge de toutes les missions policieres en rase ('ampagne ; elle doit donc eifectuer egalement la surveillance des fUifs.

f e VallS prie de bien vouloir faire Ie necessaire pour que la Gen­darmerie Franraise satisfasse immediatement au.x missions de surve:i­lance concernant les fuits.

Je vous prie de hien vOllloir m'informer des mesures que vous aure? prises a cet effet.

C'est pourquoi les ordres d'arrestations emanent parfois d'un~ auto­rite de police des auto rites d'occupation, parfois de certains services fran<;ais specialises dans ces recherches. Comme exemple d'arrestations

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operees sur les ordres des Allemands, signa Ions cctte lettre d'un prefer regional it un prefet departemental :

Suivant les ordres des all to rites occupantes, je vous' prie de faire arreter d'extreme urgence et de diriger au centre d'accueil, avant Ie \0 courant, les fuits dont les noms suivent .',

(suivent cinq noms) Les interesses doivent emporter deux couvertures, deu.x paires de

chaussures, les objets de toilette necessaires, des provisions pour plll­sieurs iours, tinge de corps et vetemcnts de reclzange ell llne valise.

Les malades alites sont exemptes provisoirement de cette meSllre et doivent produire un certificat medical. TOllS les membres d'une meme /amille doivent etre arretes, sans tenir compte ni de l' age ni du sexe:. Cette operation doit are tenue strictement secrete. Vous m'adresserez un compte rendu des qlle vous aurez execute ces prescriptions.

La delegation region ale du Commissaire General aux.Questions Jui­yes faisant egalement etablir des rapports et les transmettant aux auto­rites allemandes, se trouvait a la source des arrestations effectuees par les autorites allemandes. On retrouve dans les prefectures regionales des notes emanant du direc1eur regional des sections d'enquete et de contr6le.

LES .A;RRESTA110NS INDIVIDUELLES DE JUIFS

Les ordonnances allemandes qui limitaient l'activite des JUifs dans I'exercice des droits elementaires de Ia personne humaine, furent imme­diatement suivies de mesures repressives. Toute infraction aces textes se trouvait sanctionnee par l'internement dans un camp de Juifs, dans la plupart des cas a Drancy, ce qui signifie Ia deportation et la mort p04,r la majorite des personnes arretees.

Pour Paris et la region parisienne (Gross Paris), des instructions du Commandant du Grand Paris en date du 16 fevrier 1942 furent trans­mises a la police municipale. Le texte allemand etait ainsi con<;u

Le Commandant dl1 Grand Paris, a M. Ie Pre/et de Police, La 6" ordonnance en date du 7 fevrier 1942, consacree aux meSllres

contre les fui/s, leur interdit de sortlr entre 20 lzell1-es et 6 lzeures et de changer Ie lieu de leur domicile.

A cette ordonnance, j'apporte les precisions suivantes : 10 Limitation des heures de sortie. - Aucune derogation, en prin­

cipe, ni a titre exceptionnel, ni pour une certaine duree.

1

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2° Sejour hors du domicile pendant les heures interdites. - Ne pourra ~tre accorde exceptionnellement a un JUif qU'llU cas ou un danger' immediat menafant sa vie ou celle d'une autre personne l'obligeraif a quitter son logement et que ce danger ne pourrait etre evite autrement.

3° Interdiction de changer de domicile. - Les Juifs sont autorises a changer de domicile dans les limites du departement de la Seine ; en dehors de la Seine, en principe, aucune autorisation ne sera accordee.

4° Dispositions penales. - En cas d'infraction, Ie Jui! sera imme­didte'ment dirige sur Ie camp de Draney. Un bref expose de ['affaire, avec mention des nom, prenoms, date de naissance, situation .de famille , profession, domicile et nationalite du Juif me sera remis. Il devra nre declare aux Juifs conduits a Draney que leur internement a lieu en vertu de cette instruction et jusqu' a nouvel ordre.

Aprils huit semaines de detention, la Prefecture de Police devra me demander si Ie JUif en question doit etre libere, en joignant des rensei­gnements sur sa condtiite au camp et tous autres motifs pouvant justifier cette mesure.

Les Juives et les enfants au-dessous de 18 ans devront egalement nre apprehendes. Cependant, dans leur cas, if ne sera pas question de

. les envoyer au camp de Draney. Ils pourrotit nre remis en liberte apres une detention d'au moins 48 heures.

En general, une procedure pen ale ne sera introduite par moi que si les conditions particuW?res .de l'infraction (recidive, circonstances aggra­vantes) Ie font apparaitre comme indique.

Pour Ie Commandant du Grand Paris, Le Chef de l'Etat-Major administratif

Sign!!: K. V. I. - Chef.

Les exceptions posees par I'avant-dernier paragraphe de ce texte furent supprimees quelque temps apres. Elles Ie fUrent d'abord pour les Juives majeures, puis pour les mineures de 18 ans. Un ordre du direc­teur de la police municipale, transmettant Ie 16 jui\1et 1942. par voie de circulaires, une decision des auto rites allemandes, ecticte qu'il y aura lieu a l'avenir de procecter pour les Juives et mineurs de 18 ans « COlil\me pour celles de plus de 18 ans (soit ordre d'envoi au camp des Tourelles, remis au convoyeur charge de les prendre dans les postes). »

Apres la promulgation de la 8' ordonnance sur Ie port de \,etoile juive, les services de la police municipale ,communiquerent, par une cir­culaire du 6 juin 1942, d'autres instructions de l'autorite allemande. Elles creaient un certain nombre d'infractions auxquelles pouvait donner lieu la nouvelle reglementation antisemite.

L'application de ['ordonnance concernant Ie port de ['insigne des IUifs sera vigoureusement poursuivie, sans aucune exception.

Tauie manifestation qui pourrait presenter Ie caractere d'une mani.,.

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festation de protestation contre r ordonnance du Militarbefelzlslzaber devra etre severement reprimee. Il ne devra pas etre totere que celle-ci soit ridiculisee .

. Plusieurs cas sont susceptibles de se presenter: 1 ° ManifestafioT/s par les Juifs e/llx-memes qui porteraient plusieurs

insignes ; 2° Manifestations par des JUifs groupes dont Ie rassemblement

meme constituerait une manifestation ; 3° Aryens portant indument !'insigne juif ; 4° Salut adresse ostensiblement aux porteurs de ['insigne, ce qui

constitue nettement une critique; 5° Port d'un insigne fantaisiste qui, par fa couleur et par la forme,

tournerait en derision !'insigne reglementaire.

Les sanctions it ce texte etaient contenues dans des instructions de I,autorite allemande, transmises par une circulaire de la police munici­pale en date du 19 juin 1942 :

Les personfles ayant 18 an!> accomplis doivent etre trailees de la fafon suivante :

10 Juifs et lIon-Juifs ayant cJmmis des infractions a l'ordonnance sur ['etoile juive devront etre conduits a Drancy ;

2° Juives et 1I0n-Juives : conduites au camp des Tourelles. Les personnes .de moins de 18 ans devront m'etre presentees aussi­

tOt apri!s leur arrestation afin que je puisse faire Ie necessaire. Signe : P. O. (Illisible),

SS. Obersturmfiihrer.

Les mineurs de 18 ans des deux sexes, Juifs ou non, seront mis a fa disposition du Capit,llne Dannecker, 31, bis, avenue Foch.

Des Ie premier jour de la mise en application de I'ordonnance sur Ie port de ('etoile ) uive, des gendarmes allemands siIlonnaient les rues de Paris et remettaient aux mains de la police franc;aise les delinquants, m~l11e les plu~ minimes. Voici deux rapports dat~s du 8 juin 1942 qui emanent de deux membres du detachement de gendarmerie de Paris 913 (W de registrc : 42).

Le premier est ainsi con<;u :

Rapport cordre Zimmermann Esther, nee Ie 24-8-1921 a Paris, domi­cWie a Aujincollrt.

Soupfonnee de ne pas se conformer a [,ordonnance du Mililiir­befehlshaber in Frankreich sur fa signalisation des Juifs.

Livree Ie 8 juin 1942 a 11 heures, a la police f~anfaise du onzieme arrondissement.

Faits : Zimmermann Esther a eli rencontree en compagnie de JUifs.

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Ses papiers lui ont ete demandes en raison de son aspect juif eLI parce qu' elle ne portait pas d' etoile juive. Elle presenta une vieille carte d'iden­tife, etablie par la ville d' Aujincourt, aux termes de laquelle elle n' etait pas juive, mais Franraise. Comme la validite de cette vieille carte d'idet/­tife etait douteuse et que la societe juive dans laqu(!lle elle se trouvail, de merne que son aspect et son prenom jUifs permeltaient de supposeI' qu'en realite elle etait bien juive, j'ai rem is la femme a la police tranraise pour verification de la validite de sa vieille carte d'identite.

Signf: M ITTER, Feldgencarm.

Le deuxieme rapport a la teneur suivante :

Rapport contre joseph Zaoui, ne it Paris (12e) Ie 1-3-1925. Profession " mana!llvre, celibataire, vii vraisemblablement avec ses

parents rue Schubert (2e), vraisemblablement Fran{:ais.

Pour s'etre trouve en etat d'infraction it [,ordonnance .du Militiir­befehlshaber in Frankreich concernant la signalisation des Juifs.

Faits " au cours de la ronde effectuee par moi ce jour, Ie Juif a ete contr6U dans Ie vingtieme arrondissement. Il r(etait pas en possession de pieces d'identite. En outre, it ne portait !'etoile juive que sur sa che­mise. Sa veste floltait sur ses epaules de sor,te que !'etoile pouvait etre cacflee it tous moments. Je ['al arrete a 18 fl. 20 et ['ai remis it 10 police franraise du 20· aux fins de contr6le de son identite. L'interesse se trouve aCtuellement it la Prefecture de Police (depOt) dans Ie 1 er arrondissement.

Signf : DEIER, Caporal-Gendarme.

La pratique administrative fait apercevoi.r qu'il n'y eut aucune dis­crimination' entre mineurs et majeurs. Quel que tOt leur age, tous les Juifs apprehendes etaient envoyes au camp de Drancy. Le sexe ne jouait {~galement aucun role. Quelques femmes furent envoyees aux Tourelles, la majorite a Drancy. Quant aux li1;>erations dont la possibilite se trou­va it envisagee par les textes allemands, il en fut d'autant moins ques .. tion que la repression alia en s'aggravant. , .

Toute cette reglementation vise principalement des cas generaux, meme si leur application doit conduire a une seric d'arrestations indi­viduelles realisees au moyen d'une technique differente de celie de la rafle. II 'pouvait se faire que des personnes qui ~e trou~aient ainsi e.n infraction ne soient pas arretees, soit par inattention, sOlt par complai­

sance des services de la police. La police anti,-jU'ive allemande possMait un autre moyen de se sai-

sir des juifs ~< delinquants ». C'etait ce qu'elle appelait ses « Vertrauens­manner » ou hommes de con fiance, dont certains, quelquefois des Juifs, avaient pour tache de la renseigner sur les agissem~nts des. Israelites: Mais la plupart du temps, les denonciations provenatent de Jalou.x qUI voulaient evincer les Juifs de toute activite professionnelle ou qUI pro-

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fitaient de la politique antisemite des Allemands pour leur denoncer un j~if entretenant avec eux de mauvais rapports de vOisinage. On peut cl:er en exemple cette lettre d'un locataire d'un immeuble parisien, denon<;ant une de ses co-Iocataires juive. La lettre, datee du 14 novem­bre 1942 a ete retrouvee portant Ie' cachet du Militiirbefehlshaber in Frankreich avec I'indication = 16 novembre 1 94~.

Excellence, Je m'eXCllse de vous adresser ce petit mot, mais je voudrais vous

fa ire savoir que depuis un certain temps les agissements de certains israelites sont devenus beaucoup plus agissants.

Au-dessus de moi, depllis que l' on est venu cherclzer les personnes qlli Izabitaient [' appartement, les allees et venues de certains amis de ces Juifs sont devenues, Ie moins que I' on en puisse dire, anormales. C' est un defile incessant au point qu'if n'est plus possible de douter qu'if doit y avail' correlation entre les evenements actuels et ce remue-menage. II reste dans cet appartement une jeun~ fille de 17 ans, avec une fille de trois ou quatre mois. Il est venu egalement la mere des personnes qui sont parties, qui n' a pas ete en mesure ,de partir parce que, soi-disant, elle avait des douleurs et des rhumatismes, ce qui ne l' empecfle pas de sortir, meme sans son insigne de JUif. rai ma femme malade depuis la till de 1939 et if l/loi est impossible de se reposer. En ce moment, ifs clouent des caisses et je ne peux vous expliquer Ie bruit qu'its peuvent faire. /l ne peut taire de doute que ces gens ne peuvent vivre comme tout Ie monde " du reste, on ne les voil jamais fa ire leurs courses et ni la fille ni la mere ne travaWent. Je ne puis malfleureusement m'etendre plus longtemps sur ce sujet, car j'aurais peur de VOllS importuner, mais si vous pouvez faire venir quelqu'un pour laire cons tater ce que j'avance, ma femme se lera un plaisir de Ie recevoir et de VallS expliquer de vive voix tout ce qui se passe ou s' est passe, car, pendant un certain temps, it y avait des personnes qui venaie lIt couclzer et qui repariaient des Ie malin it 6 heures, de faf:on a ce qu'ils ne soient pas vus des locataires.

Esperant, Excellence, que ces quelques mots vous interesseront, et que vous pourrez taire Ie necssaire pour que cesse tout ce trafic, je vous adresse ['assurance de ma parfaite consideration.

La procedure intentee contre Ie signataire de cette lettre devant la Cour de justice de la Seine, mentionne que la jeune fille denoncee a ete arretee Ie 15 aoilt suivant.

Une affaire jugee par la Cour de Justice de la Seinerevele Ie cas d'une arrestation, sui vie de deportation, d'un Israelite, dans des cir­ton stances assez troublantes. Le livre de main courante du commis­sada1 de police d'Auteuil porte a la date du 3 juillet 1942 sous Ie nllmero 1494, les mentions suivantes:

M. L... efabli a Paris, 30, rue Boileau, se presente avec Ie Juif

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Ullmann, ne Ie 10 novembre 1882 a Paris (19"), representant de com­merce, demeurant 72 bis, rue Michel-Ange, carte d'identue 918.978.

lls sont en desaccord au sujet d'un travail l!txecute chez Ullmann. Le commerfant (L...) den once Ullmann qui ne porte pas /'etoile. Sur interpellation, Ullmann declare que M. Walter (Opera 47-64) expliquera pourquoi ; ce dernier repond teLephoniquement qu'il va chercher dans ,ses'services et qu'il rendra reponse. II est invite a formuler reponse ecrite valant dispense d'insigne. RappeLe' a nouveau a 19 heures il dit qu'il verra demain, 4 juillet. Le lendemain a 9 heures, M. Walter est absent. Ullmann est mis a la disposition du commissaire de voie publi­que du 16" arrondissement.

D'autres fois, iI s'agit d'un veritable. chantage qui mene a l'arres­tation. Dans une affaire jugee egalement par la Cour de Justice de la Seine, un temoin a declare it l'instruction: Pendant plusieurs 'mois, Rachel Golberg et sa mere se sont cachees, 6, rue Rampon. Sous menace de denonciation, Rachel Goldberg a du verser a B ... une somme totale de 6 a 7.000 francs. Faute de ressources, elle a du cesser ses versements. Elle a ete .denoncee. A l'occasion d'une autre affaire d'intelligence avec l'ennemi, un temoin a depose que M .H ... desirait, dans Ie mois de juin 1944, louer un pavillon sis a Ezanville, 18, avenue de Verdun et dont dispose M. Fabianovitch. Ce dernier donne la preference a un tiers. Le 25 j uin, Fabianovitch lui fait visiter Ie pavillon. Il est arrete par un Feldgendarme. H ... s'cst vante d'avoir provoque cette arres-

tation. Citons encore Ie cas d'un prisonnier de guerre, Marcel Rosenthal

originaire de Nancy, sous-officier rapatrie en mars 1944 avec un convoi sanitaire. Arrive au terminus de son voyage, au camp de Compiegne, iI est regulierement demobilise par les autorites militaires fran<;aises. Vraisemblablement S>lr denonciation d'un de ses camarades, iI n'est pas autorise a quitter Ie camp. Les forces militaires allemandes se saisissent de lui, Ie font transferer au camp de Drancy, d'ou il sera deporte vers

l'Est : iI n'est jamais revenu. D'autres fois, c'etaient les membres des administrations alleman-

des qui assouvissaient de vieilles rancunes personne\1es. Les services de la Silrete Nationale possectent quelques pieces qui ont pu etre retrou­vees sur la rou'te et qui se trouvaient dans les services allema~ds dc I'H6tel Majestic. La piece W 34, du sce\1e relatif aux questions juives,

comporte une note ainsi con<;ue :

Le Dr von Bose signale que la Societe des Isolants reunis est debi­trice des Vereinigte Stahlwerke. Celles-ci, a fa suite d'une mise en fai/­lite n'ont pu eire regles par les Isolants Reunis. M. Gaston Hirsch, un des associes, refuse de payer la creance. II a du laire passer ses biens

L'EXPOSlTION « LE JUIF ET LA FRANCE» AU PALAIS BERLITZ

Panneau d'enlree

UN CENTRE DE JEUNESSE

VI SITE L'EXPO­SIT ION «LEJUIF ET LA FRANCE»

AU PALAIS BERLITZ

Page 28: La Persecution Raciale

APRES LA LInERATION EXPOSITION ORGANISEE PAR LE SERVICE D'IN­FORMATION DES CRIMES

DE GUERRE

Un panneau

sur la tete de sa mere. Von Bose demande leur arrestation d tous les deux. « Peut-eire, de ceUe lafon, les Acieries Reunies ob/iendront-iJs satisfaction partiellement. » (3 novembre 1941).

Zeitschel demand£! qu'on arrete au moins Ie fils.

Toutes res plaintes etaient transmises au Commandant Supreme de la police de securite. dans Ie territoire du Commandant Militaire en France (Oer Befehlshaber der Sichel heitspolizei und des SO. in Bereich des Militarbefehlshabers in Frankreich). L' Abteilung IV B transmettait des Militarbefehlshabers in Frankreich). L'Abteilung IV B transmetiait pour execution, soit aux services. de police fran<;ais, soit aux annexes (Einsatzkommandos) de province, les ordres d'arrestation.Parmi It'S ordres que l'on a pu retrouver, iI s'en trouve de deux sortes. Les uns concernant des personnes nommement designees qu'i1 y a lieu d'apprt:·­hender, meme si Ie motif al1egue est inexistant. Voici la traduction d'un mandat d'amener.

Paris Ie 6.mai 1943

A Monsieur Ie Directeur de la Police judiciaire, Paris, Concerne : Ie julf Weill, 6, rue Longchamp. Dossier: neant.

D'apres un rapport que j'ai sous mes yeux, Ie susnomme ne porte­rait pas !'etoile juive. Je vous prie de prendre. les mesures appropriees pour Ie transferer avee tous les membres juifs de sa famille au camp de juifs de Draney. L'appartement de Weill ,est a mettre sous seelles.

Priere d'envoyer un compte rendu pour Ie 25 mai au plus tard.

Signe: P. O. HANERT, ss. Untersturmtiihrer.

Oans ce cas, les inspecteurs de police, lorsqu'i1s trouvaient a son domicile la personne recherchee, etaient imperativement Hes par I'ordre al1emand. lis arretaient Ie Juif designe nominativement, se bornant a indiquer, Ie cas echeant, sur leur proces-verbal. que I'infraction al1eguee, n'avait aucun fondement. Leur rapport annexe a I'ordre d'arrestation ci­dessus mentionne que !'interesse portait regulierement I'etoile.

O'autres fois, la section IV B de la Police de Securite procedait par listes entieres et transmettait aux services fran<;ais un ordre d'in­carceration, sans Ie baser sur quelque al1egation de faits, ni, a plus forte raison, sur quelque imputation delictuelle. La note. signee d'un sous-officier ou officier SS, portait simplement la mention suivante :

je v~us prie de bien voufoir faire une enquete sur les personnes desi­gnees dans fa liste annexee. Au cas ou if s'agirait de juifs, fes arreter avec tous les membres juifs de leur lamille. .

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* ** Les consignes pour les equipes chargees des arrestations confirment

I'intransigeance des procectes grace auxquels on s'empare des Juifs. En voici un extrait :

1 ° Les gardiens et inspecteurs, apres avoir verijie l'idenlm des juifs qu'ils ortt fa mission d'arreter, n'ont pas a discuter les difterentes observaLons qui peuvent etre formulees par eux. En cas de doute, its les conduisent de toute faron au centre, dont l'adresse leur sera donnee plus bas. Seul, Ie commissaire de voie publique est qualifie pour exa­miner les $ltuations. Pour les cas douteuoX, les gardiens mettent su~ la fiche « (I revoir ».

2° lls n'ont pas it discuter non plus sur retat de sante. Tout juif arrete dolt etre conduit au centre primaire.

3° Les agents charges de l'arrestation s'assurent, torsque to us les occupants du fogement sont it emmener, que les compteurs a gaz, de t'electricite et de I'eau sont bien fennes. Les animaux sont confies au concierge.

Et voici les deux derniers paragraphes de ce document :

6° Les entants vivant avec la ou les personnes arretees seronl emm.enes en meme temps. Si aucun membre ne reste dans Ie logement, its ne doivent pas etre conties aux voisins~

7° Oardiens et inspecteurs sont responsables de ['execution. Les operations doivent etre etfe'ctuees avec Ie maximum de rapidite, sans paroles inutiles et sans commentaires.

LES RAFLES

Les gigantesques operations par lesquelles, dans les gran des villes, les Juifs ont ete apprehendes et conduits ulterieurement dans un camp, sont innombrables. A plus ou moins breve echeance, elles se sont cterou­lees it Paris ou en province. Un 'peu partout, les memes scenes de desespoir se sont produites. Ce sont surtout les evenements des 16 et 17 juillet 1942 it Paris qui ont Ie plus impressionne l'opinion publique par leur ampleur et par leur brutalite.

Cette vaste operation poHciere. pour laqueUe des ordres secrets avaient ete donnes it la police quelque temps auparavant, ayaH pu, cependant, etre connue de certains interesses, grace it des indis~retions. Le j-ournal « France » du 8 aoat 1942 reproduit une lettre publiee par la « Berner Tagwacht » et adressee it M. Charles Schnerch par un ouvrier engage volontaire. On y lit :

!it

De difte.rents cotes. on nons cf.tIait Cl~ertis de ce que le3 eutorites avaient l'intention de taire. Ces avertissemel'lts, dans bien des cas, etaient tiemts de tonctionnaires charges de veiller a l'appLcation de ces mesures. Le vendredi soir, un de mes amis fut aborde dans Ie metro par un etranger qui lui declara ['avoir renconire quelque temps avant dans une usine et Ie pria de descendre avec lui a fa station suivante. La, it lui fit savair qu'il appartenait a la police, et lu,i conseilla de Ile pas passer La nuif a son domiczte. Cet avis donne, it prit con{!e de mon ami aores ravoir pousse aans le wagon'd'un train qui venait d'arriver. Ceci se pas­sait un pea avant huit heures, quelques instants avant ['heure du couvre­tell pour les fuifs. Nous fumes tous, mes amis et moi~ avertis d'une faroll analogue. Cependanf, nOEls nous refusions a)' croire. Nous pens."ons qu'it ne s'agissait que. d'wte rafle temporaire. cumme if y en avail eu tant de {ois.

Les operations policieres durerent plusieufs jours et les rapports, envoyes au moment meme des faits au Comite Fran<;ais de la libe­ration Nationale it Londres, s'exprimcnt dans les termes suivants :

Une ignominie sans precedent qui depasse en cruaute les horreurs de l'Inquisition vient de faire vivre a Paris des instants effroyables. Atin de montrer au monde un tehantillon de la barbarie nazie, nous vous envoyons un compte rendu objectif decritpar des Umoinsqui Ol1t vecu ces evenements. Sachez, chers amis, que Ie sort de 25.000 etres fzumains arretes ces jours-ci, ainsi que Ie sort de milliers d'autres, depend de volre action; en elevant par la radio, [a presse et: les reunions un vigoureux mouvement de protestation, vous pouvez cont'ribuer It empecher que s'accomplisse Ie lent assassinat deja commence de dizai­nes de m'!lliers e!'etres humains.

Le 16 et Ie 17 juillet it Paris, un veritable pogrom contre les juits a ell. lieu. En 'eflet,· fOilS {es fllifs poLonaL,>, tcheques, allemands, autri­chiens et russes. entre 2 et 55 ans, furent arretes. La circuLaire prefec­forale specifiait qrte les agents ne devaient prendre en consideration aucune recl.amation de l' etat de sante des interesses. Pour les femmes enceintes, on specifiait « qu'it faut epargner celles dont tetat est avan­d » sans preciser pIllS. Aussi, Les agents emmenerent-ilsdans les centres d'internement des enfants en pleine maladie contagieuse avec 41 ° de fievre. On.a meme emmene une maman avec son enfant mort La .veille, enveloppe simplement d"un drap. .

Des meres larent separees de leurs enfants. Ainsi nous. connais­sons de as enfants entre 5 et 8 ans, laisses seuls avec leUr grand'mere de 80 ans, sanS' ressources. Une vieille de 85 ans fut internee parce qu'eUe rre' pouvait justifier a.,01r depasse l'age de 55 ans, Deux enfants de 3 et 6 ans,· de nationalite franraise, farent pris en otage, paree que leur mere, et'rrJ1tgere, a rbl'ssi a s'ecMpper en se cachant devant la

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police. Puisque fa c!rculaire ne precisait pas exactement que les fem­mes enceintes sont exemptes de la mesure, les agents emmenerent toules les femmes enceintes sans exception. Ainsi, de nombreux accouchements prematures eurent lieu par fa suite. Une femme pres d'accoucher fut emmenee avec sa garde et vehicuLee pendant des heures dans fe camion 'qui ramassait d'autres juifs et peu s'en fallut que {'enfant ne naquit pendant Ie voyage.

Un autre document du Comite National franc;ais de Londres relate les arrestations d'enfants atteints de rougeole, de coqueluche, de vari­celie, de scarfatine et meme de typholde ... Les instructions portalent que les inspecteurs et les gendarmes ne devaient pas prendre les enfartis de nationalite franfaise. Sur ces points, les consignes ant ete appliquees de fafon im?gale selon les quartiers et les consignes individuelles ...

On a pris des femmes et des enfants de prisonnlers. On ne les a liberes qu'au bout de plusieurs jours, ou meme parfois de trois semaines. En province, on en a pris qu'on garde encore ».

L'atmosphere de ces journees d'angoisse est donnee par la lettre d'un ouvrier publiee par la « Berner Tagwacht » :

L'application des mesures raciales commenfa Ie 16 juillet a 4 hell­res du matin et n'a point encore cesse ...

Nous avons passe par des heures de souffrancelS indicibles. On cite des cas nombreux ali des femmes avec leurs enfants se jeterent pm la fenetre, de desespoir.

Le document diffuse par la radio de Londres ajoute :

Le peuple de Paris a assiste avec une emotion melee, d'une rage etouffee a des scenes dignes du Mo yen Age Ie plus recuLe. Des scenes dechirantes de separation des enfants de feurs parents provoquerent les larmes de milliers de personnes.

D'ailleurs, beaucoup de Franfais ont activement afde les perse­cutes en les cachant chez eax, en leur donnant asUc pour qu'lls echap­pent aux griffes de la police et aux ordres de la Gestapo.

. La lettre de la « Berner Tagwacht » precise sur ce point: Certains d'enfre eux donnerent asile a des families enfieres, leur

remirent les cles de leurs caves ou cfappartements vides, adopterent immediatement des enfants abandonnes. Dans une maison appartenant Ii mon proprietaire. trois enfants furent faisses seuls dans {'appartement apres {'arrestation de feurs parents. Un vois:n eveille par feurs cris pene­tra dans 10 maison, habilla ies enfants et les. accompagna devant les auto-

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rites allemandes pour protester contre ['arrestation de leurs parents. Les Allemands arreterent les enfants et envoyerwt Ie voisin dans un camp de concentration.

Si quelques Juifs se sont caches pendant les premieres heures des rafies, beaucoup d'entre eux, aux termes d'un rapport du Comite Nationa! de Liberation transmis it Londres, ne pouvant mener indefini­ment ni surtout faire mener a feurs enfants cetle existence de bete traquee, ont fini par renoncer a la lutle el par retourner clzez eux .'oil la police revenait sans cesse les chercher. Le danger pour les enfants des fugitifs est menarant. Epuises, apeures, nourris d'une fafon irre­guliere, Us tombent malades, restent sans soins. Plusieurs sont morts dans ces conditions. On cite l'exemple d'une famille qui se cachait dans une cave. Un des enfants est tombe mala de et est mort, et ses parents, ne pouvant declarer son deces, ont da l'inhumer dans cette meme cave oii ils habitent.

La declaration lue au micro de la B. B. C., au cours de I'emission fran<;aise, ajoutait que les Allemands ne s'etaient pas senti Ie courage d'effectuer eux-memes cette sinistre besogne d'arrestation.

Une differe.nce entre ['operation actuelle et les operations prece­dentes contre les fUifs : d'habitude les autoriUs occupantes se chargent elles-memes des operations de ce genre. Cette fois-ci, elles ont cru necessaire de rester comptetement dans l' ombre. Ce sont des policiers franrais en civil et en uniforme, des gendarmes secondes parfois par les sbires des organisations doriotistes qui furent charges de cette triste besogne. L'arrestation des petits enfants est peut-etre consideree comme trop lache par les chefs de la Gestapo. Ont-ifs craint la colere de fa population parisienne ?

Un rapport dresse par la Croix Rouge Fran<;aise a la date du 25 aoQt 1942 indique que : les arrestations a1'oient eu lieu sur listes nominatives remises par les autorites allemandes a 10 Prefecture de Police. £lIes devaient porter sur un total de 24.000 personnes environ dont plus de la moitie reussit a echapper. Pour parfaire Ie nombre demande, fa police fait des rafles, demande des papiers aux passants ; dans certains quartiers, procede a des verifications de toute sorte .

Les juifs etrangers, ressortissants .des nationalites visees, meme s'its ne figuraient pas sur les listes, sont arretes en toute occasion, par exemple, s'its se rendent a la prefecture pour renouveler le~r ca:-te d'identite, ou s'ils font une demarche quelconque dans un commissariat.

Les delations sont frequentes et une veritable panique atleint tous les fuifs etrangers qui s'atlendenf a tout moment a eire internes, puis deportes.

La situation-rapport dressee par la Croix-Rouge mentionne que

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parmi les miIUers de Juifs traques, it en est qui ne peuvent rester thez les personnes qui leur avaienl donne asile, ne aloalant pas les exposer a des represailles. Ils ne peuvent rentrer chez eux Leur Loge­ment etant m:s sous seeLles par La police. ILs n'ont plus aucun moyen <I'existence~ ne pourront biellt6.t plus se procurer un peu de nourriture, car leurs feuilles de tickets de rationnement sont /rappees d'opposition. II y a parmi ces malheureux des meres errant avec p[usieurs en/ants, ue couchant pas deux nuils au meme endroit, des jeunes filles qui ne savent oLi chercher asile, qui n'auront d'autre choix,' dema.n, que de mourir de faim ou de tomber aux mains de trafiquants ... Suic:de ou prostitution.

Ce meme rapport indique que les personnes (hommes et femmes) prises iso/ertzent ont ete immediatement dirigees sur le camp de Draney. Les familles ont eft! concentn!es au Velodrome d' Hiver, d Paris.

Environ 9.000 personnes, en comptant les elifanls, ont sejourne ,Ius d'une semaine au Velodrome d' Hiver, en attendant d' :tre transfe­rees au « camp d'hebergement » de Pithiviers et Beaune-la-Rolande.

Le rapport de la Croix-Rouge mentionne que des Ie 16 jui/let, .des Qutobus requis:tionnes amenaient au Velodrome d'Hiver des families entUres, y compris les enfants, d partir de delbX ans. Aussl bien lors des arrestations que lors du transfert au Velodrome d'Hiver, la police eut, en general, une attitude humaine et comprehensive. Les agents aide­rent les femmes d porter valises et ballots et se montrerent, sauf de rares .,xceptions, aussi secourables que possible. Certains n'hesiterent pas a exprimer leur indignation et ton en vit pleurer.

Rien n'avait He prepare dans cette vaste enceinte sportive pour fous ces internes. Le rapport que nous avons deja cite du Comite Natio­nal Fran~ais de Londres decrit la situation en ces termes :'

Pas meme de paille. Les internes se sont « instaltes » sur les banes ou assis par terre. Pas de ravitaillement les deux premiers jours et Ie rapport de In Croix-Rouge confirme en ces termes : La plupart des dete­nus pris au depourvu (les arrestations avaient commence a 4 fleures du matin) n'avaient pas emporte de vil'res et beaucoup, d'une extreme indi­gence, n' avaient meme pas une couverture et nc possedaient que les velements qu'ils portaient sur eux.

Le premier jour, les alltorites refuserent au Sccours National d'ac­ceder au Velodrome d' Hiver. Seuls, les Quakers purent ce jour-Ia faire une d:stribution ires insuftfsante (deutX caisses de biscuits pour 4.000 personnes environ).

C'est seulement Ie 17 juillet que Ie Secours National put organiser tln semblant de ravitaillement, fort ine/ficace, d'une part, en raison du

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mafUTtlt de produits alimentaires, d'autre part, £f! raison fhs difficuItes de di$tribation ...

Lt troisieme jour, s.eulemem, nne amelioration f,ut aPJWrtee grdce au coarours d'lenviron cinquante jeunes gens detaches d'un centre de jeanesse.

Encore ~ rations furent-eIies insuffisantes. La note de Londres mentionne qu'au troisieme jour, on a distribue un verre de fait par enfant et 70 grammes de pain et trois bois de bouillon par interne. Le rappbrt de la Croix Rouge expose les difficultes pour les internes d'utiliser Ie peu de nourriture mis it leur disposition. La plupart d'entre eux n'avaicnt pas pense a apporter des recipients, .assiettes, gamelles ou verres et la nourriture etait distribuee surtout sous forme de soupe qu'i1s recueillirent dans Ie creux de leurs mains.

Une assistante sociale a ecrit a son pere une lettre relatant les con­ditions generales de vie au Velodrome d'Hiver, document qui fut radio­diffuse au cours de remission fran~aise de la B. B. C. Touchant Ie climat de vie dans cette vaste enceinte, I'infirmiere dit textuellement :

C'est quelque chose d'horrible, de demon:aque, .quelque chose qui vous prend d la gorge et vous empeche de crier. Je vais essayer de te decrire ce spectacle, mais ce que tu comprendras, multiplie-le par mille et tu n' auras qu'une partie de la verIte. . En entrant, tu as d'abor.d Ie SOUffle coupe par l'atmosphere empuan­tie et tit te trouves dans Ie grand velodrome noir de gens entasses les uns sur les autres, certains avec de gros ballots deja sales, ·d'autres sans rien du tout. lIs ont d pea pres un metre carre d'espace ehaeun quand its sont coucMs, et rares sunt les debrouillards qui arrivent d se deplacer de dfx metres dans les etages. Les quelques W.-C. qu'il y a au Vel' d' Hiv' (tu sais comme ils sont peu nombreux) sont bouches. Personne pour les reinettre en etat. Tout Ie monde est oblige de faire ses dejectIOns Ie long des murs. Au rez-de-chaussee sont les malades, les bass:ns restent pleins d cote d'eux, cat1 on ne sail ou les vider. Quant a 1'eau, depuis que je suis la-bas, je n'ai vu que deux bouches (comme sur les troUoirs) au x-queUes on a adapte un caoutchouc. .

Inutile de te decrire la bousculade. Resuitat : les gens ne bOLVen! pas, ne peuvent se laver... . .

L'etat d'esprit des gens, de ces hommes, de ces femmes est zndescrtp-tible. Des lIurlements Izusteriques, des cris « Liberez-nous ! », des tenta­tives de su:cide (if y a des femmes qui veulent se jeter du haut des gra­dins). Ils se precipitent sur nous : « Tuez-nous, mais ne nous laissez pas ici ». « (Jne piqlire pour mourir, je vous en supplie », et tant d' autres. On vott des tuberculeux, des infirmes, des enfants qui ant la rougeole, /a

varicelle.

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L'organisation medicale etait inexistante it I'arrivee des internes. Le rapport de la Croix-Rouge traite de ce qui put etre fait en la matiere dans les termes suivants : Des Ie 16 juil/et, Ie Comite juif d'Assistance avait demande avec insistance l'autorisation d'organiser au Velodrome d'Hiver un service social et un service mMical. Seul, Ie service mMical fut autorise, en accord avec la Croix Rouge. Toutefois, bien que Ie Comite jllif d'Assistance ail propose une permanence d'une dizaine de medecins, deux seulement purent penetrer au Velodrome d'Hiver, ce qui Nait manifestement insuffisant. Les autorites allemandes semblaient dis­posees a admettre un plus grand nombre de mMecins, mais un fonc­tionnaire superieur franrais, apres s'etre rendu, Ie 17 juil/et, au Velo­drome .d'Hiver, estima que la situation sanitaire y eta it pleinement satis­faisante et refusa d'admettre un plus grand nombre de mMec4ns, mena­rant meme d'clXpulsion les deux qui s'y trouvaient en permanence.

De son cOte, la Croix Rouge avail pu organiser une permanence d'un mMecin et d'une dizaine d'infirmieres.

Parlant de la situation materielle des secours medicaux, I'assis­tante sociale note pour son pere les details suivants

Les malades sont au rez-de-chaussee, Au milieu se trouve la tente de la Croix Rouge. La, pas d'eau courante, pas de gaz. Les instruments, les bouillies, Ie lait pour les tout petits (if y en a qui ont treize mois), tout est chaufte sur des rechands a meta el a alcool. Pour faire une piqure, on met trois-quarts d'heure. L'eau est portee dans des latrines plus ou moins prop res. On tire l'eau avec des louches. II y a trois mMe­cins sur 15.000 personnes et un nombre inslIffisant d'infirmieres. La plu­part des internes sont malades. On est aile chercher meme les operes de la veille dans les h6pftau,x, d' oil eventrations, hernorragies, etc ... j'ai vu aussi un aveugle et des femmes enceintes. Le corps sanilaire ne sail oii donner de la tete,. de plus, Ie manque d'eau nous paralyse completement et nous fait negliger l'hygiene. On craint line epidemie.

Malgre cette situation lamentable, les evacuations etaient presque impossibles it la suite des instructions draconiennes donnees it ce sujet. D'apres Ie rapport de la Croix Rouge, les mMecins juifs n'avaient pas Ie droit de decider !'evacuation et, le premier jour, Ie mMecin de la Prefecture eut seul ce droit. Ce mMecin n'Naif pas sur place, if fallait donc l'alerter par telephone chaque fois qu'on envisageaif une evacua­Non, II refusa, d'ail/eurs, d'evacuer un enfant atteint de scarlatine et deux atteints de rougeole, pretextant que ces cas n'etaient pas assez caracterises. C'est ainsi que la contagion put se repandre et que, mdlgre les efforts du service mMical, line triple epidemie de diphterie, scarlatine et rougeole se dec/ara ensuite a Pithiviers et d 8eaune-Ia-Rold.nde,

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atteignant environ trois cents enfant~ et causant plusieur~ deces. D'aut~e part, les evacuations furent refusees dans des cas tres graves, mals moins contagieux : tuberculose, crises cardwques, append/clfe, cancer, diabete et autres maladies chroniques.

Les instructions donnees par la Prefecture 'etalent les suivantes Ne pouvaient etre evacues que : Maladies contagieuses d caractere epidemique, tuberculose avec hemoptysie, hemorragies mettant la vie en danger, ampules d'une jambe au moins, cas necessifant une intervention chirurgicale urgente. Toutefois, des Ie second jour, on libera les femmes enceintes de

plus de quatre mols. I

L'impossibilite de soumettre environ 9.000 intemes dune vislte mMi cale generale, puisqu'il n'y avail que trois medecins en permane~ce~

empeche de deceler un grand nombre de cas ... La pelouse eil la piste, seuls endroifs du Velodrome d'Hiver oil il aurait eie possible de se coucher etaient interdils aur internes, la piste etant reservee. a ['/nf/r­merie. TOus les detenus d/Jrent donc passer plusieurs jours et plusieurs f1uifs assis ; pour certains, cela dura si1.'( jours, sans sommeil et SllnS

repos. D',autre part, la prorniscuite fut, des Ie Vetodrome d'Hiver, un fac­

/('lIr de demoralisation. Tout isolement etait impossible, enfants et adultes etaient pete-mele d I'infirmerie Oll les exam ens gynecologiques avaient lieu au milieu de la foule ...

La Croix Rouge, les services d'Assistance Sociafe de .La Region Parisienne, Ie Secours National, la Prefecture de fa Seine, les represen­tants d'ceuvres [ai'ques et reZigieuses firent preuve du plus ma!!.ntfrqu' devouement. Seuls de rares fonctionnaires se firent remarquer par leur manque d'humanite. Du Velodrome d'Hiver, les Juifs arreies devaient etre transferes, selon les cas, dans les camps de Draney. de Pithiviers et de Beaune-Ia-Rolande.

Arrestations dans les muvres sociales

En vue d'effectuer leurs rafles ou leurs arrestations, les Allemands n'etaient arretes par aucune consideration. C'est ainsi qu'its se saisirent de fonctionnaires de I'Union Generalc des Israelites de ,France qui, avec l'accord des autorites d'occupation, etaient titulaires d'une carte indi­quant qu'ils seraient tenus en dehors de toute mesure d'internement, cette protection s'etendant a leur famille demeurant avee eux. « La pre­sente carte de legitimation est etablie avec I'approbation des autorites

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occupantes. Le service competen1t allemand possecte 1m doable de cette carte. »

Cependant, aussi bien a Paris que dans toutes les di,rectimr$ locales en province, des fonctionnaires de l'lL G. I. P., ou memedes personnes se troUv,llnt occasi'OlilJllI:eitement dans 'ies Iocaux ere ,cette ,association, furent arretes en violation de to us les engagements pri::; par J'adminis­tration allemande.

Celle-ci avait egalement pris en queJque sorte soussa protection un certain nombre de tailleurs et de fourreurs, tout partkulierement cl Paris et leur avait remis un Ausweis, dont i1s pouvaient esperer qu'i1 leur vaudrait d'etre exclu5 des mesur:es de deportation. Lorsque les Alle­mands n'eurent plus besoin de leurs services, i1s firent ,envoyera Drancy ces artisans au meme titre que tous les aut res.

On poursuivait les Juifs ages jusque dans les cantines populaires que les organismes de bienfaisance avaient instituees dans P·aris. Nous IisQns dans l'Arbeiter Zeitung de Paris, du 18 mars ,1945, un article signe L Lilienstein et qui, sous Ie titre <.: Journee nOIre », decrtt une ratle a la cantine israelite de la rue Elzevir :

Bien souvent des rafles et des arrestations avalent Ilea dans ces cantines. On venait verifier les pap~ers, vo:r si !'etoile jaune etait bien cousue, on. enfonrait un crayon entre les pointes de ['etoile pour voir s'iJ Il£ se trouvail pasane petite ouverlure et lorsqae ['efoile one resistait pas a [' epreuve, Ie porteur ela:t des!gne p(}ur Dmncyet pour fa deportation.

Je me trouvai un jour, fin levrier 1943, ala cantine cte la rue Elze­vir. Les « clients » commenraienf d venir vers 11 h. 30. On mangeait dans 1(1 grande salle 'du aeuxieme etage, mais avant de monter, les gens attendaient au premier etage et prena:ent des numeros d'ordre.

Vers m:di, au moment oil Ie Directeur de la cantine donnait Ie signal de monter, nous remarqudmes un homme d'dge moyen, elegamment vetu. II monta rapidement l'escalier et s'arretant .au premier etage, demanda comme les autres un numero d'ordre. II monta aussitbt all d.elYcieme etage et jeta un coupd'reil dans la cuis:ne, d' ou venait l'agreabfe odeur du dejeuner. II se retourna rapidement et descendit aussi vile qu'il etait monte. II nous ft une impression desagreable. Les . employes avaient le pressentiment que la journee ne se passerait pas sans incidents et, mafheureuscment, ils avaient raison. Cinq minutes apres, on entendil uil bru:t dans la rue et des pas pesunts et rapides. La maison Nail cernee par une dizaine de poliriers en civil. Deux d'entre eux se posterent pres de fa porte, afin de vefller a ce que personne ne puisse s'echapper, tand:s que fes autres se mcitaient a leur travail.

La pan:que s'empara des dineurs ; des hommes pieuraient, des femmes criaient. Certains essayaient de. se dissimuler 'sou's ,[esbancs,

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4'-aulres tentaiem de SQuter par la renare, .mais les pb/iciu.s ,11lf!J1l'tLIient

bonne garqe, ils veriliaient les papiers, louilLa:ent leSl1Ssistes. et ceux qui ne leur plaisaient pas etaient mis d part. Le policier qui dirigeait Us operations sorfit son revolver, declarant que si on ne Ie laissait pas travaWer tranquiUement, if aUait tirer. L' operation dura pres d~une heure et Ie resultat de la ralle a ete Z'arrestation de plusieurs ·dizaines ,de Julls, pour La plupart d'origine etranghe, venus d la can tine au peril de leur :vie, alin de satislaire leur faim.

Arrestations dans les hopitaux,

Les Allemands arreterent sans vergogne les Juifs en traitement dans les hopitaux, les vieillards dans les hospices, les enfants dans les orphe­linats. C'est ainsi qu'en province les pensionnaires de la Maison de Retraite Israelite de Nancy, repliee a Bordeaux, furent arretes et depor­ies. Le meme sort etait reserve aux vieillards de I'Hospice de Metz : i1s fUl=ent arretes a Limoges au nombre de 35. De nombreuses colonies d'enfants de I'CEuvre de Secours aux Enfants (0. S. E.) virent les jeunes -gan;ons et les jeunes filles qu'elles avaient recueillis prendre Ie chemin ·des camps d' Allemagne.

Les servic~s anti-juifs de la Gestapo de I'avenue Foch, a Paris, surveillaient tout particulierement la fondation de Rothschild. Situ~ <ians Ie 12· arrondissement, cet ensemble hospitalier comportait trois ,etablissements : un orphelinat, un hospice et un hopital destine plus specialement aux malades et aux vieillards juifs de Paris et de sa region.

Apres les premieres rafles de I'ete 1941, qui avaient conduit a Drancy une partie de la population juive du 11· arrondissement, les maladcs parques dans ce camp n'y avaient trouve qu'une infi·rmerie ·devenue insuffisante en raison de leur grand nombre, On ne tolera pas que les plus malades fussent envoyes dans les Hopitaux de I' Assistance Publique de la Ville de Paris et on requisitionna un pavilion de mede­-cine et un pavilion de chirurgie de la fondation de Rothschild. M. Hal­phon, directeur de I'Hopital Rothschild, temoigne que Ie colonel Weidi­ger, du Sanitatskreis de Paris, avait visite ces nialades et, les avait fait Iiberer en partie. Un contre-ordre du Hauptsturmfiihrer Dannecker les a contraints it reintegrer Drancy. Dannecker, selon M. Halphon, est venu une fois a I'Hopital Rothschild et a arrache violemment Ie panse­ment d'un malade.

Dans un rapport adresse au Service des Recherches des Crimes de Guerre. M. Salomon, directeur de la Fondation de Rothschild ecrit :

Pendant ['occupation, et ce, d dater d'aoi'lt 1942, les hospices ont tTe(:u des personnes ,dgees malades en provenance des camps (Draney,

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Beaune-la-Rolande.,. Ecrouves) ou arretees a leur domicile et conduites par les inspecteurs charges de leur arrestation.

Au debut, ces internes ant du etre places dans des locaux deter­mines, sans contact avec Ies fonctionnaires libres (pose de cloisons sepa­ratives dans tetablissement et les jardins). Par la suite. elant donne ll'ur wand nombre, les occupants adrczetlent qu'ils soient repartis dans les differents services. lls sont places sous la seule responsabilite de Ia direction. Beaucoup d'entre eux seront par la suite achemines de nou­veau sur Drancy et deportes.

D'autre part, un grand nombre d'hospitalises seront l'obiet d'ar­restations collectives ou individuelles, diriges vers la deportation. Ces vieillards, dont ['age oscille entre 70 et 90 ans, sont pour la plupart dans un etat de sante tres precaire, des aveugles, de grands cardiaques

. dont beaucoup n'ont certainement pas atteint le ferme du voyage. De to us ces malheureux, aucun n'a jamais donne de ses nouvelles; a notre connaissance, nul n'est revenu.

M. Salomon fait etat de deux arrestations operees par les Allemands les 11 novembre 1942 et 23 et 29 juillet 1943. En ce qui concerne la premiere, i! ecrit :

Le 9 novembre, Ie lieutenant Erichson, adjoint de Rothke, alors grand mditre de Drancy, se rend aux hospices. II est en civil, accompa­gne de Schnebelen, du Commissariat General aux Questions fuives. II a oblige del11X membres de l'U. G. I. F. a l'accompagner.

II se fait presenter individuelleme'nt tous les hospitalises, a ['excep­tion des Franrais, Turcs, Espagnols. II demande a un malheureux Alle­mand s'il desire retourner dans son pays. ,II designe trente-trois vieil­lards. Ceux-ci, repartis dans les differents services} dotvent etre imme­diatement remis dans des locaux distincts, prives non seulement de tout contact avec l'exterieur, mais meme de toute communication avec les autres hospitalises.

Le 10 novembe, d 21 heures, une brigade de la police anti-juive (rue Greffulhe), vient procMer a la fouille de ces malheureux. On les reveille, leurs bagages sont visites. II ne leur est laisse aucune piece de monnaie, si minime soil-eUe, aucun bijou, si simple put-il eire. Cette operation dure jusque vers minuit. Les inspecteurs demeurent dans ['etablissement et, Ie lendemain, 11 novembre, a 7 heures du matin, Schenebelen en per­sonne assiste au depart de ces pauvres gens ; nous avons l'impression tres nette qu'ils ont ete conduits directement au train de deportation.

Les arrestations de j uillet 1943 ont ete Mcrites par M. Charles

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Reine dans un ouvrage intitule Sous Ie signe de !'etoile, qu'it a com­pose au jour Ie jour au moyen de renseignements qui lui parvenaient de divers camps ou etablissements ou se trouvaient des Juifs.

Dans fes premiers jours de juillet 1943, le nombre des fuifs internes en traitement d thop:tal s'eLeve a 65 environ. I1s vivent en paix autant que c'est possible quand on est mala.de et que ['on est sous fa menace d'une deportation ...

Le 3 juillet, en fin de journee, confirmant les rumeurs qui s'etaient repandues, deu.x hommes se presenterent aux inspecteurs de police qui assuraient fa surveillance de l' hopital Rothschild et les miren! au cou­rant de leur missfon. lls venaient de Drancy avec les pouvoirs de Brunner ... Ils etaient charges d'organiser le transfert au camp d'un cer­tain nombre de malades. Ce transfert devait se faire Ie surlendemain, sous la presidence effective du capitaine Brunner qui tenait d se rendre lui-meme compte des dispositions prises. L'on se mit d l'ouvrage. L'au­torue nazie avail decide que 70 % des internes hospitalises retourne­raient a Drancy. L'on se recriait. II y avait ,des blesses intransportables, des grands malades, des femmes qui venaient d'accoucher, c'etait impos­sible ... Des le petit matin du 5 ... tout le monde eta it a son poste. II faUait touf prevotr puisque la visite de Brunner. etait annoncee pour 8 h. 30. Les malades stlvaient qu'un certain nombre d'entre eux devaient etre emmenes d Drancy, mais, com me le choix ne serait fait que par un mMecin de Drancy en presence ,du capitaine Brunner, on empaqueta les affaires de tous et to us contribuaient plus ou moins d l'affolement ... Enfin, Brunner parut vers 11 heures et if tint aux medecins de [,hopita/ un discours d' oil if ressortait qu'ils allaient eux-memes etre assocLes aux mesures d'evacuation des malades juifs. lls etaient tenus, eux et Ie personnel infirmier, responsables des malades jui}s et pris pour otages en cas d'evasion. C'etait, une fois de plus, lier Ie sort des Israe­lites a celui de quelques personnes dont la liberte aurait du etre com­plete et qui voyaient leur sort empirer paree qu'on ne voulait plus d'une surveillance policiere. Les Allemands se promettaient dans cet hopital, comme d Drancy, de meilleurs resultats s'ils confiaie~t la garde des fuifs d leurs coreligionnaires .... L'ordre fut immediatement donne de separer les malades aryens et les juifs. Puis Brunner s'en fut calme­ment visiter fes salles. 11 y avait parmi les hospitalises de nombreux ,:Tieillards qui avaient tenie de se suicider au cours d'un premier sejour a Drancy. Une femme, note dans son recit Charles Reine, une vieille fuive allemande de 62 ans qui s'etait livree d la meme tentative et qui avait connu de si serieu,x dommages qu' elle ne pouvait pas se tenir debout, fut designee pour relourner au camp.

On I'a faissee toute une journee d fa place oil elle s'etait -ecrasec. Un jour, c'etait trop court. Elle aura Ie temps de revoir Ie paysl1ge.

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La marl /'avait epargnee. Brunner ne tepargna point. L'Allemand ,confia Ie soin d'effectuer Ie cnoix des partants aux

medecins de Drancy et it deux internes, de vieille souche franc;aise, tous les trois blesses de guerre et decores de la Legion d'honneur. Le pro­bleme etait deticat pour eux, car i1s avaient it executer un ordre alle­mand, selon lequel I'h6pital ne devait plus heberger it I'avenir que qumze internes. C'est toujours la meme methode chere it Brunner: faire arre­ter les JUifs par leurs compatriotes ou leurs coreIigionnaires, les faire garder par eux, enfin, reaIiser un systeme de terreur par lequel un seul officier SS reussissait it d&barrasser la France de la race que les Nazi's voulaient exterminer et cela sans qu'on puisse desormais impu ter it la police de I'occupant une brutalite, ni surtout trouver trace d'un ordre donne, puisque les executants etaient; dans Ie ptincipe, les amis des arretes et des deportes. C'est ce raisonnement que Charles Reine reconstitue dans ce monologue interieur qu'il prete it Brunner: ]'al decide que tout ce que je ferai contre vous, je ne Ie ferai qu'avec votre conconrs, que c'est vous qui Ie ferez, et j'estime que vous Ie ferez mieuIX que n'importe qui, car vous serez dans ['obligation de Ie fa ire, car vous courrez de grands risques a ne pas Ie faire, car vous aurez plus d'inte­

. ret que moi a ce que cela se fasse. C'etait la une des formes les plus raffinees de la persecution. Pour­

quoi devaif-on sacrifier un cancereux afflige d'un anus artificiel, un enfant tuberculeux que secouait une toux continuelle? Le probleme devint veritabfement tragique lorsque la commission se trouva devant la mere . d'un de ses membres.

Le choix termine, non sans que les partants aient abreuve d'injures ceux qui avaient dresse leur Iiste, et s'etaient ainsi fait, malgre eux, Ie bras secuJier de I'inexorable volonfe ari eman de. on chargea dans des cars'desormais confiis a fa, surveillance des diUgues de Draney un cancereux, un cul-de-jatfe, une mere portant dans ses bras un nourris­son de frois mots, des petits enfants qui s'etaient refaits a fhopital et des corps qui n'etaient que des ombres. .

Quelques jours apres, ce fut au tour de I'hospice de la rue Picpus d'etre'l'objet des convoitises de Brunner. M. Salomon fait en ces termes Ie TeCit de cette arrestation :

Brunner donne fordre a un midecin du camp de Draney de designer les vieillards susceptibles de retoumer au camp. Quarante sont designes. lls partiront Ie 23 jUillet, parmi eux se trouvent des infirmes des con­joints d'aryennes, la plupart d'origine alsacienne, taus Fran~ais ..

lis font montre d'un courage admirablf! et c'est aux cris de « Vive la France » qu'i/s montent dans les autobus qui les conduisent a leur tragiqut destin.

Un de ces internes, M. Henri Levy, dit Duprey, grand mutile de

1914-18, presq,ue impotent, fait tobjet €fun ardrede rappel de Bnmnu. Sa femme d ses {mes se irouvant a Drane)J, il doit les y rejoindre,

jug-eant ce premier depart insutfisant, Bruckler est envoye. paur une seconde visite. Vingt internes sont designes, taus Fran {:G1s. /Is partent avec Ie meme caime que les. precedents.

Touchant les enfantsde l'Orphelinat de RO,thschild, M. Salomon ajoute que vingt-trois jeunes gan;ons et filles ont ete arretes it I'Orphe­linat de Rothschild: sept, Ie 16 juillet 1942; douze Ie 10 fevrier 1943 et quatre Ie lendemain.

Puis, la situation it la Fondation de Rothschild devient mains tendue. II semble que les. autorites allemandes s'en desinteressent pendant un certain temps, a condition qu'un service de police interieur franc;ais soit organise. II est confie a une agence de police privee, dont les inspec­teurs sont munis d'une canne en bois des lies de forte taille, afin d'eviter les evasions. Un simple employe de la Fondation 1'€c;oit Ie titre de sur­veillant general agent de liaison des auto rites allemandes, et j.J est charge de faire executer les ordres de I'Abteiluhg IV B en ce qui con­cerne les drolts des pensionnaires, leur possibilite de recevoir des visite~ ou des colis.

Au commencement de Tannee 1944, les Allemands voulurent donner a l'h6pital Rothschild l'exclusivite du traitement des malades juifs, afin de pouvoir les apprehender plus facilement et sans etre obliges de pro­ceder a des visites detaillees de tous les h6pitaux ou hospices de Paris. M. Miret, secretaire general de. I'Assistance Publique, en a depose dans Ies termes suivants :

En janvier 1944, je fUs mande par l'interprete de la Gestapo dans les locaux de favenue Foclz. Je m'y entendis accuser d'heberger des Juifs dans les h6p~taux. Or.dre me tut donne de les faire conduire dans les 48 heures a fhOpital Rothsch:ld. Taus les ma/ades juifs durent y eire trans{eres, les invalides et les contagie/1tX com me les autres. Des medecins juifs, autorises par derogation a cont:nuer leurs soins, tra­vaillaient dans leg services de l' Assistance PI/blique. Ordre me fut donne de les congedier sur Ie champ.

En date du II fevrier 1944, une fonctionnaire de I'Assistance Publi­que de la Vine de Paris se volt confier la haute autorite sur la Fondation Rothschild. Sur les arrestations auxquelles elle a assiste pendant les sept mOis qu'elle se trouvera a la tete des services de la Fondation, elle s' est exprimee par une lettre du 10 octobre 1945.

En fevrier 1944, I'hopUal vivait sous un regime de terreur constante des evasions d'internes israeLites. II m'a eli rapporte par Blondin,

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« agent de lia!son entre rhopital et les autorites allemandes », que la Gestapo avail menqce d'enlever d'autorite de l'etablissement, pour les deporter, cent malades en cours de traitement pour un qui s'evaderait.

Le regime des internes israelites etaft extremement severe : ni cor­respondance. ni colis, ni visifes, ni sorties dans Ie jatdin, a titre de sanc­tion depuis la derniere evasion remontant a fin 1943. Les evasions etaien! pretexte a represailles terribles en 1943 et 1944 : la Gestapo de Drancy et celie du 82 avenue Foch, se trouva:ent facilement d'accord pour ordon­ner de veritables coups de mains a I'encontre des malades internes ou non qui prenaient Ie chemin de Drancy, designes Ie plus sou vent sans controle medical.

us Nazis savaient que les malades internes, soignes a l'hopital de Rothschild, etaient voues d ['extermination via Drancy. Ce que nous prenions pour des mesures administratives resultant de ['application des lois de Nuremberg n'etait qu'une sinistre comedie destinee a donner Ie change.

La maniere de ces ¥essieurs n' etait d' ail/eurs pas toujours la meme: de ['extreme severite de la Gestapo de ['avenue Foch que j'ai constatee de tevrier a debut mai 1944, on passe, lies Ie 3 mai, a un regime eton­nant : hOpital libre pour res luits. Je dis etonnant, car on pouvait difficilement s'attendre a tant de mansuetude de la part du capitaine Brunner, Ie sinistre organisateur et maitre tout-puissant des camps d'lsraelites.

Hopitallfbre, voila cependant la declaration qui fut faite a l'epoque et pour bien marquer la volonte de transformer Ie penitencier Rothschild en hopital libre, Brunner libera 59 internes Ie 3 mai 1944. Ceci, toujours pour donner Ie change a ['opinion. La realite fut la suivante : ces 59 internes etaient tous de grands vieillards ou des impotents incapables de quitter Ie lit et que les Nazis ne pouvaient, sous peine de dhnasquer leur jeu, transferer a Drancy. Par (ontre, Ie meme jour, Brunner designa pour les amener d Drancy et les deporter, une douzaine d'internes dont la belle-sceur de M. Leon Blum et deux mamans ayant sur les bras des bebes n'ayant pas atteint les 6 mois pendant lesquels Us pouvaient demeurer d l'h8pital. Brunner emmena meme un garfonnet d'une dou­zaine d'annees qui aJlQit la jambe dans Ie platre et qui avail eu l'im­prudence de lui declarer que son pere etait deja a Drancy : if paraN qu'U importait de reunir les membres d'une meme famille.

Comme l'hopital devenait fibre, les colis, correspondance, visites fureni auiorises sans limitation; mais Ie service de garde ayani dispart/, les internes qui demeuraient encore a l' hopital devenaient solidairement responsables par groupes en cas d'evasion. Ce qui devait humainement se produire se produisit : les evas:ons reprirent. r ai note particulicre­ment celle d'une internee, Mme S ... , venue a I'hopital par le camp

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Levitan. Aprcs son depart, des represailles eurent lieu peut -etre au camp Levitan mais surement a l'hopital oil cinq malades prirent la direction de Dra~cy (dont le malheureux menage Ch ... , mari ayant subi l'ablation d'une grande partie de testomac. femme grande diabetique, bientOf deportes). M. Cohen souligne en note: Incomparablement plus graves ont ele les repercussions de ceUe evasion (25 mai) dans le camp de Drancy. Elle a entraine la deportation des malades de l'infirmerie et d'un certain nombre d'enfanis, restes jusqlle za au camp, ces departs ayant ete decides a titre de represaflles par Ie capitaine allemand Brun-nero

L'administrateur-delegue, M. Armand Kohn, fut arrete en juillet 1944 et Mporte a Buchenwald. Notons cette declaration de Mme Viart, I'admi­nistratrice aryenne de la Fondation: ... Il est evident que Ie machia­lIeiisme de Brunner risqua de compromettre la vie de la FondaLon. Mais Ie Illonstre se souciait peu de cela, puisqu' on nous atfirma que si les efforts de nos liberateurs et de la Resistance n'avaient pas paralyse Ie" moyens de' transport, malades et vieillards israelites, internes OU

non eussent ere deportes par les dern iers trains, en aoat 1944.

Arrestations de personnalites

Les personnalites les plus importantes du judai"sme furcnt I'objet de mcsures d'arrestations en cette seule qualite. Tel fut Ie cas de M. Jac­ques Helbronner, President de Section au Conseil d'Etat, President du Consistoire central des Israelites de France, que son activite en faveur de ses coreligionnaires aupres des autorites gouvernementales fran<;ai­ses avait ctesigne tout particulierement aux Allemands. Tel fut Ie cas de Raymond-Raoul Lambert, President de I'U.OJ.F. en zone Sud et dont I'arrestation est relatec dans un rapport tie I'Obersturmfiihrer Rathke du 15 aoQt 1943, adresse au detachement du Service de Secu­rite de Vichy. R6thke s'etait rendu Ie 14 a Vichy pour y entretenir Laval de la deportation generale des Israelites naturalises Fran<;ais depuis

1927. II ecrit : Quelques minutes avant d' eire admis en audience allec Ueissler par

Laval, celui-ci avail refll Ie Juif Lambert, president de ['Union des juifs en France en zone Sud. Le juif Lambert a explique all representant de Darquier, qui avail eu un court entretien avec Laval, qu'il s'etait « plaint» aupres du Presi.dent de l' arrestation des Juits par Ie:; detac/ze­ments de la Police de Sarele en zone Sud. Un ordre d'arrcsfatio{l fele­grap/lique de Lambert a ere donne dans rintervalle.

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Arrestations dans les synagogues ,

Les Israelites furent arretes dans les temples ou ils venaient cele­brer le~ offices religieux. M. Leon Meiss rapporte Ie fait suivant : Fin 1942, j' ai fail ouvrir la synagogue .de Lyon en permanence et, en raison de ['affluence des Juifs qui s'etaient refugies dans la ville et n'osaienf coucher a ['hotel de crainte d'etre pris, Ie Grand-Rabbin de France a fait apposer des affiches annonfant des prieres permanentes afin de justifier la presence de cette foule. Un jour, la police a penetre dans l'edifice et a procede a L'arrestationde 70 Juifs. Sur mon intervention, 54 ont ete liberes.

Selon un temoignage apporte par M. M. Berg, au soir du Nouvel An israelite de 1943, des inspecteurs de police arretel ent, dans toutes le~

synagogues de Paris, ceux qui s'etaient rendus a ['office sans etre munis de tous leurs papiers.

Au temple de la rue Notre-Dame de Nazareth, la femme d'un minis­tre offic:antet la femme .d'un prisonnier de guerre mort en captivite furent arretees dans L' enceinte meme de I' edifice religieux et deportees.

Dix jours apres, au soir du Grand Pardon, les Isradites reunis au Temple d'Enghien etaient arretes par la Gestapo. Ses agents avaient penetre dans !'edifice religieux sous pretexte qu'il devait y avoi", des reunions gaullistes sous Ie couvert des offices. Ils ont emmene ies assis­tants a la Kommandantur de Maisons-Laffitte et ont arrete trois per­son:nes d' Enghien et cinq d' Argentellil, sous Ie pretexte qu' elles ne por­taient pas !'etoile. Or, au moins ies trois Israelites d' Enghien portaient !'eto:le sur leur veston au sur leu/ pardessus. (Temoignage telephone par Mme Perquel Ie jour meme au Consistoire Central des Israelites de France).

D'autres fois, on penetrait dans les locaux attenant aux synagogues ou etaient loges les fonctionnaircs de l'administration des temples ou les ministres du culte. Tel fut Ie cas a Lyon. M. Eugene Weill temoigne a ce / propos: La millee a fait irruption a la synagogue quai Tilsit Ie 14 ju'n 1944 vers Ia fin de l'apres-midi. Les m.liciens arrete rent Ie secretaire du Consistoire Emile Cahen, Ie premier ministre officiant Ben­jamin Dreyfus, son neveu, M. Heymann, Ie concierge, M. Eisner, sa femme et la femme de menage. Tous ont ete deportes.

ARREST A nONS D'ENF ANTS

Pendant longtemps, Ie sort des enfants n'a pas pose de questions speciales, car ils etaient arretes tout camme les adllltes. On lit, dans l'ordre concernant les rafles des 15 et 16 juillet 1942, les enfants de moins de 16 ans seront emmenes en meme temps que leuTs parents.

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Le 8 octobre 1942, Ie Prefet regional de Bretagne prenait, « suivant les ordres des auto rites d'occupation » des mesures concernant l'arres­tat ion de Juifs. Elles comportaient l'indication que taus Ies membres d'une meme famille doivent etre arretes sans tenir compte de ['age ni du se,xe.

Cependant, lors des grands mouvements de rassemblement adminis­tratif, les enfants purent etre sauves ou, en raison de leur age, ne pas etre compris dans les transferts en zone Nord.

A titre preventif, et des avant leur arrestation, les familIes juives qui se sentaient menacees ~achaient leurs enfants chez des non-Juifs qui, par leur aide, detournaient les pistes et mettaient les enfants a l'abri des recherches. Petit a petit, toute une organisation se crea. Les <£uvres catholiques d~ la region lyonnaise, sous l'impulsion du R. P. Chaillet, mirent les enfants juifs menaces sous la sauvegarde de la croix du Christ et ne consentirent jamais a Iivrer leurs jeunes proteges.

Des <£uvres juives, telles que 1'0. S. E. (CEuvre de Secours aux Enfants) prire~t en charge la jcunesse juive que l'on avait pu sauver des rafles (enfants non bloques) ou ceux que I'U.G.I.F. ou I'Aumonerie des Camps avaient pu momentanenent sauver de la deportation (enfants bloques). Les Eclaireurs Israelites de France prirent une grande part au sauvetage de la jeunesse juive. Leur organisation crea a cette inten­tion, un « Service Social des Jeunes ». Un rapportdrcsse a Lyon Ie Ie, octobre 1944 sur son activite mentionne que, SallS Ie nom de guerre de « Amicale » ou « Sixie171e », il etad rec1zerclu! par la Milice et la Ges­tapo.

Fonde en aoat 1942, a un moment oil des camps de concentration surpeuptes partaient les premiers convois de deportes « vers une desti­nation inconnue », Ie Service fut tout d'abord confu comme une (llde a ['evasion des enfants et des adolescents de ces camps ...

De ['idee de !'evasion, on passa vile a ceUe de la defense preven­tive. Il s'agissait de soustraire les enfants aux recherches des 'agents: nazis, fn les camouflant et en les plafant dans des milieux qui echap­paient encore a la surveillance officieUe.

Si I'on peut evalucr ;l 5.656 Ie nombre des enfants au-dessous de 15 ans, gan;ons et filles, tous Juifs, que les Allemands ont arretes pour les deporter, on peut chiffrer a quelques centaines Ie nombre de ceux que l'activite du Service Social des Jeunes au ceIle des organisations catho­Iiques et protestantes ont pu sauver.

Cependant, les Allemands s'acharnerent, au printemps 1 944, ~vec encore plus de ferocite; sur les enfants qu'ils purent trouver. C'est a1l1S1 que Ie 6 avril 1944, ils s'emparerent du home d'enfants d'lzieu. Lc ch~f de la Police de Securite de Lyon adressait Ie jour meme a son supe-

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rieur hierarchique de Paris Ie telegramme suivant. re\,u Ie 7 avril par l'Abteilung IV B :'

Origine : Lyon.

Objet: Maison d'entants juits a Izieu (Ain) , ,Ce. malin, la maison d'entants jUfs Colonie d'enfants d'iziell (Ain)

a ete dissoi:te. All t~tal, 41 entants, ages de 3 a 13 ans, ant ete arretes. En outre, I arrestatIOn de la totalite du personnel juif comportant dix personnes dont cinq temmes, a ell lieu avec succes. On n'a pu mettre en securite ni l'argent comptant ni d'autres biens.

Le transport a destination de Drancy aura liell Ie 7-4-44.

Quelques semaines apres, Ie 25 juillet 1944, aux termes d'une deposi,tion f~ite par M. Jean Bader, « ies Allemands, de~ireux de taire une deportatIOn et n'ayant pas ['etfectif necessaire, deciderent d'interner les entants q,ui se :rouvaint dans les centres d'hebergement de [,U.G./.F., avenue Secretan, a la Varenne-St-Maur, a [,Ecole de Travail de la rue Vauquelin.

~:elui des S~ qui etait charge de ramener ies enf~ts de la pou­ponnu:re de Neut/ly est rentre (a Drancy) en disant qu'il n'avait pas eu /(' courage de Tall/ener des pOllpons. Brunner a fait partir un autre auto­bus. qui est revenll avec 350 enfants, qui ant ete deportes pour Aus­ChWitZ. »

LE REGROUPBMENT ADMINISTRATIF DE 1942

. Vers Ie milieu de I'annec 1942, les quelques pelsonnages allemands qUi, a la section IV B et IV J de l'Etat-Major du Haut Commandant de la Police de Surete en France, etaient charges de la liquidation de !:~ qu;stio~ j.uive, voulurent etendre leur acfivite it la zone non-occupee. J Ii'! sen etalent prealablement ouverts au Commissaire General aux ~.l1estions Juives, ainsi qu'i1 ressort d'un rappon du SS Haupsturm­fuhrer Oannecker, date du 15 juin 1942. II taut compter y lit-on sur iii mis,e a notre disposition de plusieurs milliers de Juits' de zane 'non­O(CllpeC pour la deportation.

Cet offici~r du Service de Sccurito (SO) explique, Ie 27 j uin 1942, au docteur ZeItschel, conseiller de legation it l'Ambassade d'Allelllagne (rapport de Zeits~hel du mellle jour) qu'i! avail besoin Ie plus tOt possi­ble de 50.000 Jl1lts de zone non-occupee pour les deporter a l'Est et ... (fU~, sur la b~IS(, du rapport ill! COlllmissaire General aux Questions jurves, I?arql1ler de Pellepo6.:'(, il fallait l' aider callte que coiite.

Le haut fonctionnaire de l'Ambassade, specialise dans l'dude des

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Questions Juives, note son action: j'ai saisi immediatement de cette affaire ['(lJmbassadeur Abetz et Ie ministre Rahn. Le ministre Rahn ren­contre aujaurd'hui encore dans Ie courant de ['apres-midi Ie President Laval et if m' a promis de l' entretenir immediatement de Ia: remise de 50.000 juits et, en outre, de taire pression sllr lui pour voir accarder a Darquier, pleine liberte d' action dans Ie cadre des lois nouvellement pro­mulguees et lui pro()curer immediatement les credits promis.

Un nouveau rapport de Dannecker du 29 juin 1942 mentionne I'ori­gine de ces ordres : c'est Ie R. S. H. A., Ie Reichssicherheitshauptamt, (l'Office Supreme de Securite, du Reich, dependant du Reichsfiihrer SS).

a) Un entretien a eu lieu Fe 11 juin 1942 au Reichssicherheitshaupt­amt, IV B 4. On y a .demande dans ['interet du rendement, en vue de l'equipement des Waffen SS, un plus grand nombre de juits pour Ie camp d'Auschwitz. Il a ete convenu que 100.000 juits de zones occupee et non-occupee seraient mis a notre disposition.

Les principes du choix sont les suivants : Porteurs d'etoile, non maries a des non-Juives juits ages de 16 a 40 ans, des deux sexes; 10 % de juits plus ages peuvent y eire joints.

Sur la base de cet ordre superieur, les discussions commencent avec les representants it Paris de' l'Etat Fran\,ais. Le rapport du 29 juin de Oannecker mentionne :

b) En liaison avec l'entretien qui s'est derouie if y a quelques semaines entre Ie S S Brigadefiihrer et Ie S S Standartentiihrer, Dr Knochen, d'une part, et Ie Secretaire d'Etat a la Police Bousquet, d' autre part, if a ete communique au representant .de Bousquet en zonel occupee, Legay, a la date du 25 juin 1942, qu'i! nOllS serait agreable de reavoir ,des intormations de la part des auto rites tranr;aises, pour que nous sa­chions a quelle date nOllS pourrions compter sur la livraison des pre­miers 100.000 Juits. En meme temps, nOIlS' avons demande que nous so;t soumis un plan aux termes dllquel 22.000 jllifs remplissant les conditions ci-dessus pourraient etre arretes dans la Seine avant la mi-jllillet.

Une conference elargie se tient it Paris aux locaux de la Gestapo, avenue Foch. Knochen, Oannecker et Ie S S Obersturmfiihrer Schmidt, charge vraisemblablement des rapports entre la Police allemande et la Surete Gcnerale franpise, y prennent part. Le Secretaire d'Etat it [a Police et Ie Commissaire General aux Questions Juives composent la delegation fran\,aise. Dannecker rend compte de cette conference dans un rapport qu'i1 adresse it ses chefs hierarchiques Ie 6 juillet..

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, Le ~ S Standartenfiihrer Knorhen par/a de /a question de /a ~eportatlOn des !~{!s. Bousquet expliqua que, £lUSS; bien le Chef de f Etat que Ie President Laval, etaient tombes d'accord au cOurs d'un recent Conseil des Ministres pour voir deporter les jUits apatrides de zone occupee et de zone non-occupee.

E.n c~ qui concerne fa realisation pratique, Ie soussigne a propose ce qUl suzt : une commission fran(:aise sera instituee, qui comprendra un representant du Commissariat Oem!ral aux Questions juives un representant du Secretaire d'Etat a la Police et du Ministre du Ravi­taillement.

En raison de la deportation de zone non-occupee, Bousquet voulait prom.ulgu~r ~n nouveau statut des juifs. Le soussigne lui rep/iqua qu'if fa,[[att aglr vlfe et proposa de determiner Ie nombre des jUifs deja inter­nes dans les camps fran(:ais de zone non-occupee. Ces juifs remplis­sen.t sans auc~n doute la majorite des conditions fi.xees pour la depor­tatLO.n .. Il s'aglf, en particulier, d'apatrides, ex-ressortissants po!onais, autnchlens, tchecoslovaques ou russes.

A la der:zande duo soussigne de procMer a une visite des camps avant.la rel~lse d~~ fU,lfs, Bousquet repliqua qu'il ne pouvait pas en etre ques~lOn. ~lnon, lmdependance souveraine de la zone non-occupee en serGlt atiemte. II ~ut repondu a Bousquet que, nonobstant la guerre, fe transfer~ d~s j~lfs de France representail plus qu'un geste de l'Alle­n;~gne et mdl~uGlt sa claire volonte 'de resoudre la question juive a I e~he~le e~ropeenne. II ne faudrait pas croire que l' Allemagne trouve­rmt Sl factiement des possibilites d'accueillir fant de fUifs. Ma!gre cela on voulait bien aborder Ie probLeme. '

, Finalement, Bousquet comprit qu'il ne pouvait s~opposer a une visite prealable du c.heptel jaif (Judenmaterial) par un charge d'affaires alle­mand. A la fm de. l' apres-midi du 4 juillet 1942, Ie president Laval a eu une. conversatIOn avec! Ie S S Standartenfiihrer Knochen : if a approuve les decisions ci-dessus.

La visite des camps d'internement de zone sud fut operee par Dan­necker. II en retrace les resuitats dans ,une note du 20 jUillet 1942 :

II avait et~ conl'enu aV,ec Ie Secretaire a la Police, Bousquet, au cours des entretlens sur la deportation des fUifs qu'un representant du Com­:an.dan~ en Clzef de la POI.ice de Surete effectuerait un voyage d'infor-

atlOn a travers fa zone lzbre, en examinant plus particulierement les camps de concentration juifs.

Accompagn~s d~ direc~eur de la Police aux Questions juives en zone ,n~n-oc,cupee, Sclzwebfln, et munis d'une lettre d'introduction du SecretOlre d Etat a la Police a tous les prefets, Ie S· S Hauptsturm-

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fuhrer Dannecker et fe S S Unterscharfiihrer Einrichsohn ont sejourne du 11 aU' 19 juillet 1942 en zone fibre.

... Les autorites allemandes avaient exige 50.000 Juifs de zone non­

occupee. Le nombre reel des Israelites remis aux Allemands est gene­ralement fixe it plus de 10.000. L' Aumonerie generale des camps chiffre it un total de 12.494 les Juifs qui, entre Ie 5 aotit et Ie 4 septcmbre ont quitte les camps de rassemblement de zone sud. Un brouillon sans date, trouve dans les ar,chives du Ministere de l'Interieur de Vichy, et cons­tituant, sous Ie timbre de la direction de la Police du Territoire et des Etrangers un « resume des operations concernant la remise des Israe­lites etrangers aux auto rites allemandes », confirme Ie chiffre de 10.000. II est vrai que la statistique de l'Aumonerie generale comprend un depart du 5 au 10 aotit, de sorte que ces resuitats sont en accord, pour les departs de fin aont et commencement septembre 1942, avec les dOt).nees officielles. Le document de Vichy se termine ·par la constatation sui­vante, basee sur des renseignements arretes au 28 septembre 1942 et susceptib\es de modifications ulterieures : Malgre de nombreuses dif­ficultes, les operations de regroupement .des Israelites etrangers se sont effectuees dans des conditions, somme toute, saUsfaisantes et Ie nom­bre des remises aux autorites d'occupation ()xci:de sensiblement Ie chif­fre de 10.000 qui avail ete prevu.

L'ensemble de ces Juifs provenait, a la suite de tres importantes me­sures administratives, de deux origines essentielles : les camps d'inter­nement et les groupes de travailleurs etrangers, en particulier les grou­pes dits « palestiniens ».

Les camps d'internement speciaux pour etrangers ont ete constitues aux termes de la loi du 4 octobre 1940, completee par une loi du 28 octobre 1941. Le prefet du departement de leur residence pouvait ordonner leur internement ou leur assigner une residence forcee. Parmi ces etrangers se trouvaient de nombreux Juifs. Les groupements de tra­vaiIIeurs·visaient les etrangers ages de 18 a 55 ans. U ne loi du 27 sep­tembre 1940 les avait organises en vue de rassembler les etrangers en surnombre dans I'economie franc;aise ou qui, ayant cherche refuge en France, se trouvent dans I'impossibilite de regagner leur pays d'origine. Un Israelite qui s'est vu appliquer cette mesure, M. E. Marcus, temoi­gne que les fUifs de ces formations furent mutes les' uns apres fes autres dans des groupes de travailleurs speciaux, dds « palestiniens ».

Cepen dan t, fin corporation .des travailleurs juifs dans ces compa­gnies palestiennes n' a jamais ete integrale et un nombre important d'/sraeEites ont continue a rester attaches au groupe dont Us faisaient

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partie auparavant. Ce fait nous permet d'avancer l'hypothese que l'idee de former des comp~gnies de trava!lleurs juifs n'a pas ete imposee au

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gouvernement de Vichy par les autoriies allemandes, mais est due a l'initiative du Commissariat General aux Questions Juives, desireux de tenter un (!txperience avec les JUifs etrangers. •

Internes dans ces camps ou groupes dans des compagnies de tra-vailleurs, les Juifs ont ete soumis au regime Ie plus severe. La detresse des internes israelites est attestee par les rapports des aum6niers qui ont eu Ie droit de les visiter periodiquement. .

Pendant tout son internement a Ours, M. Maurice Meier, a pu cor­respondre clandestinement avec sa famille et, de ses lett res publiees sous Ie titre « Lettres a mon fils » (Editions Steinberg a Zurich), ressort tout Ie tragique de la situation reservee aux Juifs dans ce camp, Ie plus tristement celebre, dont Ie nom seul a eie considere pendant bien des mois comme Ie symbole de la plus atfreuse menace pouva{1t peser sur un etre humain (rapport de la Commission centrale des camps, 31 j uillet 1941). Des Ie commencement de I'hiver 1940-41, Meier ecrivait a son fils (p. 84) : Les conditions de vie empirent de jour en jour. La nourriture est devenue encore plus maigre. Le matin, nous touchons un quart de litre de cafe, a midi de ['eau avec quelques feu:lles de choux et des navets, et une cuille'ree de confifure ou, a la place de. cette der­niere, cinq dattes ou figues. Le repas du soir ressemble a celui du midi. Nous ne recevons ordinairement qu'un petit morceau de pain.

Dans la plupart des baraques if n'y a pas de chautfage. Les gens geLent de l'interieur et de l' exterieur ...

La semaine derniere, if y a eu seize morts ; jusqu'ici il n'y en avail eu en moyenne que quatre a six hebdomadairement ...

Un homme age d'environ 55 ans a confie a un Franrais venu en visite une lettre adressee a ses parents dans Le Sud de La France. Il y deerivait Les conditions de vie au camp. En quittant Le camp, Le visiteur fut fouille ; La Lettre fut trouvee et confisquee'.. Le visiteur se'vil interdire desormais ['acces du camp et l'expediteur fut maUraite. Dans notre inYirmerie, Les medecins s' occuperent de lui. QueLques heures pilUS tard, Ie chef d'i/ot vin! avec une sentinelle et Le fit conduire en prison pour trois semaines ... Dans La meme prop orLan que s' aceroit la faim, s'aceroissent aussi les rats, les' poux et toutes sorfes de vermi­nes.

Il est emouvant d'etre force de voir comment les corps des internes morts d' epuisement, qui ant pris une consistance de pierre, sont charges Ie malin sur un corbillard et transportes en dp..hors du camp. C'est jour­nellement dix a vingt personnes, c'est-a-dire, en 24 heures, plus qu'all­paravant en une semaine. (p. 89).

Dans la nuif, une femme se rendit aux cabinets. Elle glissa dll

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caillebotis, tomba sur la figure sans pouvoir s.e dega~er, de, l~ ~ou~. C omme son absence se prolongeait, sa !ille, qUI dormatt a c~te d eill , vint se rendre compte de ce qui se passait. Elle trouva sa mere morte itoutfee, couchee Le visage contre terre. Ce n'est qu'un des nombreux episodes tragiques qui se derouLent journellement... .

Deux jeunes garfons sont amenes a l'infirmerie pLus morts q~e VI!S. Que s' est-il passe ? Les rats s' etaient permis de faire ,~u brUIt dans la baraque de radministration, comme ifs le font dans n zmporte qllel~e autre. Le repos dll chef d'itot en fut trouble et il fit repand~e dll palf~ empoisonne a' l'entour de sa baraque. Deu,x jeunes gens avatent trouve ce pain. Ernest, if taut que tu saches que tout ce qui est mangea~/e, peu importe oil on Ie trouve, est ramasse et avaLe avidement. Des bodes de sardines, par exempLe, qui se trouvent sur les tas d' ordures, sont souvent a plusieurs reprises lechees par un deuxieme consomm.ateur, dans l'espoir d'y trouver encore une goutle d'huife. ~es deux J~unes gens mangerent ce pain avec joie'. Ils n'en avaie~t mange qu'un petit ~eu et deja de violentes douLeurs d' estomac les prtrent. ,Les. yeux de l.U~ lui couLent a un teL point qu'it voit double. Le medecm leur a Vide l'estomac et s'est occupe d'eux jusqu'a ce qu'ils soient sauves. (p.93-94).

Une atmosphere lourde, qui vous coupe la respiration, pes: sur Ie camp et particu/ierement sur notre itot. Les gens meurent touJours en plus grande quantite. La diarrhee fait d~s progr~s. Les dents les ~Lus saines tombent. D' autres voient leurs pleds attemts par la gangrene. Cela commence par La chute des ongles. Quelques jours apres se for­ment des abces purulents et Ie pied devient noir, consequence de ia faim qui s' aceroit avec intensitC. (p. 96-97)... . '

Dans ta derniere lettre, tu m'as demande comment II se fart que tant de menages meurenl, un epoux apres l' autre apres un court Laps de temps. Presque sans exception, ceLui des deux qui est Ie pLu,s fort met de cOte pour Ie plus faibie une partie des quelques. b~uchee:; de pain qu'if touche. Si ['un vient a mourir, l'a~tre est attalbll au point qu'it ie suit dans la tombe quelque temps apres. '.

La diarrhee s'etend rapidement a tout Ie camp et les plus Vlgoureux en souttrent. Ces derniers meurent main tenant proporti.onnellemenf ~fus vite que ceux qui sont amaigris. Beaucoup de ceux qUi en sont atteints rze peuvent pillS se tenir cOllrbes aux cabinets. L:!, "!a{{, des se s.ont {fccoapies par deux. L'un accompagne ['autre aux crtbmet, et fe., tlen~ par ia main. Ces deux-fa sont a peine rentres a la baraque que I mdre a un besoin urf!.ent. Des dOl1zaine s d'internes entrent et sortent sans interruption, ['un soutenant i'autre,. sans pouvoir trol1ver ,de repos .de jO/lr ni de nuit. II n'y a pas moyen de fa ire autrement et c est une mde raisonnable et reciproque. (p. 109-110).

Meme ie desert est par comparaison avec Gllrs, Ie camp de la mort, lin paradis. (p. 138).

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Dannecker lui-meme, dans son rapport du 20 juillet 1942, est oblige deconstater que ~our les intellectuels, les conditions de vie au camp de Ours sont trop mauvaises.

Le cimetiere de Gurs compte plus de mille tombes, dont I'immense majorite contient la depouille de Juifs morts dans les deux hivers 1940-41 et 1941-42.

Partout ailleurs, les conditions de vie etaient aussi miserables, tant en ce qui regarde la nourriture qu'en ce qui concerne I'hebergement des internes. Un rapport de la Commission centrale des camps donne des exemples concrets :

On peut voir les enfants de Rivesaltes qui refoivent du cate au lail sans pain Ie matin, rester depuis 6 heures du soir jusqu'au lende­main midi sans percevoir un gramme de nourriture ... Ce regime est Ie plus courant dans la plupart des camps .... U y a plus de 20 % des enfants nerveux et debiles qu'if faudrait arracher d'urgence au camp.

Sauf au camp de Rivesaltes, qui Mberge des families entieres, les menages ont ete separes et les quelques heures de rencontre sont regLees suivant un systeme qui les rend tres rares et tres insuffisamment recon­fortantes. Toute a,atorite paternelle est rendue impossible, toute edu­cation impraticable. Ainsi, les malheureux qui ont subi des epreuves affreuses menent une vie quotidienne atrocement penible et les libera­tions sontl si rares qu'its ne peuvent meme pas se refugier dans l'espoir d'un avenir meilleur. Le refuge que beaucoup d' entre eux voudraient trouver dans la celebration du culte leur est rarement accorde.

M. E. Marcus, dans son temoignage, rapporte Ie fruit de son expe­rience personnelle dans une compagnie de travailleurs et de celie de ses compagnons incorpores dans des formations differentes :

Un total de 3.500 fuifs se trouvalent groupes dans r ensemble de t' organisation des travailleurs etrangers d la veille des deportations d'aout 1942 .. Environ 1.200 etaient rassembLes dans des formations exclusivement juives. fe crois devoir ajouter qu'd la meme epoque 7.800 autres Israelites se trouvaient dans differents camps et environ '1.800 en « residence assignee ».

En principe,. les conditions de travail et de vie devaient etre les memes dans les groupes de T. E. f. que dans les groupes de T. E .. sans determination d'origine. L'encadrement des compagnies dites pales­tiniennes etait choisi par des hommes aux sentiments particulierement an tis em ites. If en resuUa que, presque toujours, la vie d'un travailleur juif fut plus dure dans une compagnie « palestinienne » que dans un groupe qui n'etait pas compose exclusivement d'/sraelites.

Les chefs de groupes de « palestiniens » imposaient d leurs hom-

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mes les travaux Les pLus penibles, sans distinction d' age et de profes­sion, queLquefois jusqu'd IO hew'es par jour ei sans preparation aucune (1 un labeur manuel qui necessite un corps entraine et resistant.

A Ruffieuox (Haute-Savoie), au 974e O. T. E., Les fuifs etaient forces de travailler parfois onze heures par jour dans les forets. La nourriture se compo sa it de cafe le matin, d'une soupe de Legumes d midi et Ie soir, avec 350 grammes de pain. Une fois par semaine, ces « travailleurs de force » recevaient de la viande. Us etaient litleralement affames.

Le 6€W O. T. E., d Mauriac, dirige par un antisemite notoire, fll.; converti, Ie capitaine Levy, etait egalement un groupement compose uniquement de fuifs. Les chefs de chan tiers d qui ces travailleurs etaient loues, prenaient un plaisir evident dies epuiser par un labeur quoti­dien de dix hew'es, sous peine de mutation dans un camp disciplinaire. L'hebergement de certaines equipes detacMes hail infect: un taudis sans lumiere et sans fell l'hiver.

En mars 1942, Ie groupe de T. E. « palestiniens » fut mute de Mauriac d St-Oeorges d' Aurae, dans la Haute-Loire. La plupart des T. E. juifs y furent designes pour la construction d'une route de mon­tagne d 1.200 mCires d'altitude. L'entrepreneur n'avaU pu embaucher pour ces travaux particulierement durs que des Franfais sortis de pri­son au des etrangers en situation irreguliere. Tpndis qu'une centaine d' hommes travaillaient d la route, une trentaine furent diriges sur une usine d'arsenie oli tous, l'un apres ['autre, tomberent malades par suite d'intoxication.

Les operations d'arrestations de ces Juifs furent ordonnees par la depeche 2.765 P que Ie directeur de la Police du Territoire .et des Etrangers adressait de Vichy aux prefets regionaux Ie 4 aofrt 1942. Elle

disposait :

Vous informe qu'Israelites allemands, autriehiens, tchecoslovaques, polonais, esthoniens, lithuaniens, letlons, dantzicois, sarrois, sovietiques et refugies russes entres en France posierieurement au I er janvi,er 1936, incorpores Oroupes T. E., heberges Centre Service Social Etrangers, Centres comites prives ou centres U. O. I. F., places centres regroupe­ment israelites, en application circulaires 3 novembre 1941, et 2 janvier 1942 ainsi que ceux en residence libre seront transferes en zone occupee avant Ie 15 seplembre d r exception :

1° Vieillards de plus de 60 ans. 2° Enfants de moins de 18 ans non accompagnes. 30 Individus ayant servi dans l'armee franfaise ou armees ex-allUes

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pendant trois mois au moins, OU ayant pris part a combats sans duree service. Leurs coitjoints, ascendants ou descendants beneficient meme mesure. CeUe-ci ne s'app/ique pas aux prestataires.

4° Ceux ayant conjoint ou enfants jranrais. 5° Ceux ayant conjoint n'appartenanl pas a des nationalites ci-

dessus 'enumerees. 6° Ceux intransportables. 7° Femmes en etat de grossesse. 8° Pere ou mere ayant enfants de mo:ns de cinq ans. 9° Ceu.x donl noms figurent sur liste annexee cireulaire 20 janvier

194 I et lisles annexes. 10° Ceux qui, incorpores ou non dans groupes de T. E., semblent ne

pouvoir 'quitter emploi sans prejudice grave pour economie nationale I 1° Ceux qui se sont signales par leurs lravaux artistiques, /itterai­

res ou scientifiques et enfin ceux qui a un autre titre ont rendu des ser­vices signales a notre pays.

Pour rendre possible I'arrestation du nombre de Juifs prevu, la circulaire instituait un certain nombre de mesures preliminaires :

Vous referant mon telegra!l1me 18 juillet 1942, vous conjirme qu'il convient suspendre foute emigration etrangere susceptible eire remise, meme pour ceux deja. en possession visas sortie. Stop. Suspendre egale­ment liberation et mutation Israeiltes incorpores dans groupes T. E. ainsi que fransjerements Israelites du Centre du S. S. E. et centres de to us organismes prives, a l' exceplfon de celles ordonnees a dater de ce jour par mon departement. Stop. Ces instructions ont caractere r!gou­reusement conji.dentiel.

Au re<;u de cette note, les pretets regIOnaux prennent les mesures de di!fusion et d'application. Celui de Limoges precise dans une circu­laire aux prefets delegues : Il y aura lieu de me signaler par tel/!­gramme les personnes qui, par leurs actes au par leur attitude, entrave­raient au chercheraient a entraver Ie. rassemblement des Israelites en cause, ajin que je puisse proposer sans delai leur internement adminis­tratif a M. Ie Chej du Oouyernement, ministre secretaire d' Elat a !'lnte­rieur. Un addijif de I'Intendant de police fait connaitre que lors de leur arrivee au camp, if conviendra de loire connaltre aux Israelites qu'Ns seront diriges vers f Europe centrale, specialement en Oatfcie, oii II's auloriles allemandes envisagenl de constituer une grande colonie ;uive. Il y aura lieu d'insisler sur les assurances donnees par Ie Reich concernant Ie.· lraitement bienveillant dOllt les Israelites serollt l'ob;et el de leur laisser elltrevoir qu'its auront vraisemblablement fa possibilite de se jaire envoyer par la suite les objets mobiliers qu'ils auront laisses en France. La suite des evenements allait se charger de prouver que

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par l'Intendant de police de Limoges etait loin I'eventualite envisagee de se realiser. '

On tentait en meme temps de justifier ces mesures par des p:e-textes errones. Une Jettre adressee par Ie Secretaire general a la police (N" 1.115 S. G. Pol.) du 13 aolit 1942 s'exprime, en effet, de la fa<;on

suivante : II m' est signaie que les fuijs actuellement en residence dans votre

ctepartemellt se livrenl sur une grande echelle au' march,e floir. fe, v.ous demande de prendre iTlllllediatemenf des mesures extremes e.t se,veres pour placer sans exception au camp de Rivesaltes to us les fUlts etran­

gers en residence dalls votre depat1ement. fe vous laisse Ie soin de porter cefte mesure a la cOllllaissallce de

la population, en indiquant les raisons qui l'ont motivee. Vous pourrez, d'autre part, indiquer que si Ie trajic ne cesse pas, d'autresmesllres plus

o'l'aves ne manqueront pas d'etre prises. >- Comme les rcsultats statistiques preliminaires ne paralssent pas devoir donner a I'administration de Vichy la possibilite d'accorder inte­gralement satisfaction au~ exigences ~'~immler, ,Ie, 18 aofit, leo 9° burea~ de la police telegraphie aux prefets reglOnaux (telegramme N 12.519).

Suite mes instructions 5 aout demier relatives operations regroll­pemcnt Israelitcs, vous in/orllle que onze derogations prevues sont sup­

primees. Seuls ne devront pas Circ regrollpes .-

1 ° Vieillards de pillS de 60 ans. 2° Ceux intransportables. 3" Femmes en etat grosscsse apparente. 4 ° Pere et mere ayant en/ants mains de deux ans. 5° Ceulx ayant conjoint Oll enjants jranrais. 60 Ceux dont noms figurent sllr liste annexee circiliairc du 20 jan-

vier 1941 ct sllr listl's anflc,xi!es. Faculte de laisser enfants moills .de 18 ans zone fibre sllpprimee. Etablir extremc urgencc,' sans me les communiquer au prealable,

listes complementaiies con/ormernellt aux presentes ~nstruct~ons. , Je vous rappelle necessite ~re~dre m~su~es poll~e e~tremen:e~t se­

veres en vue rendre ejticace operatIOn pro Jetee et preventr tout mCldent.

Le lendemain 19, Ie ministre de I'Intc.rieur dblait aux prefets (tclc­gramme 12.510) qu'i1 avait decide de d~riger s~r, zone o:~u~ee en plus des individus designes conjormement a la depec17e prectfee (ce.lle ~11 18) : primo : etrangers israelites cntres en France apres Ic 1" JanVier 1933 qui sont incorpores groupes T. E. SeCllndo : Israetite~ etrang~rs e~ j'('sidencc fibrc, signaies comme se livrant habituellelllent a lIlarche .nolr ou a trafic les rendant indesirables. Tertio : Israelites etrangers memes natiollalites entres en France apres Ie 1 eT janvier I 933 ~ provcllant zone

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non-occupee, ont fra'Rchi recemment irregulierement ligne de demarcation et qui se trollvent camps relevant mon departement ou centres assignes.

Certaines mesures primitivement prevues en faveur d'etrangers pos­sMant des titres militaires ... n'ont pas ete maintenues, ainsi qu'il ressort d'une lettre datee du 24 aofit 1942 et adressee par Ie prefet des Basses­Pyrenees au sous-prefet d'Oloron et au secretaire general d'Aire-sur­l'Adour.

En outre, des mesures administratives tres importantcs devaient empecher toute possibilite d'echapper au regroupement. Elles sont men­tionnees dans un resume des operations, non datp., destine au Directeur de la Police du Territoire et qui faisait Ie point it la date du 26 aout. Le fonctionnaire du Ministere de l'Interieur qui en est I'auteur, suggerait aux prefets de prendre les mesures suivantes :

10 Inviter les maires a demander a ceux qui se presenteront pour obtenir les tickets de septembre pour Ie compte des etrangers l'adresse de ces derniers (ci-joint copie du tetegramme adresse a cet egard allX difterentes prefectures) ," il y allrait Heu, en outre, d'inviter les servlccs des con troles fechn:ques a fa ire surveiller la correspondar/oc et les com­munications teiephoniques et tetegraphiques de l' U. O. I. F., des rabbin3, des personnalites marquantes israelites et generalement de tout Israelite non soumis aux mesures de regroupement et des proprietaires de /ogc­ments oil se trouveraient ceux qui ont disparu.

20 De faire surveiller les immeubles des interesses. 3° De se faire renseigner sur les interesses par les hOteliers. 4° De fa:re surveiller les abords des immeubles de I'U. O. I. F. 5° D'inviter chaque prefet regional a commliniquu a ses sf,x colie­

gues la liste des manquants de sa region en les priant dt les laire recher­cher.

Les operations de regroupement commencent sur ces bases dans la deuxieme quinzaine d'aoQt. Une note de service n° 5563 C 3 du groupe­ment de travail leurs etrangers n° 2 it Toulouse, en date du 20 aoOt 1942, prevoit Ie regroupement sur leur cantonnement central des travailleurs vises par les telegrammes officiels. lis seront rappeles par convocation individuelle, imperative, sans en indiquer Ie motif et sans emploi de la force publiqlle. CeUe-ci ne sera demandee aux prefectures locales que pour les Israelites n'aymzt pas rejoint Ie 25 aota au soir.

.L'etat de ces derniers devra ~tre fourni au commandant de gendar­merie departementai Ie 25 aOllt au matin, afin qu'il soit proceGe a teur arresiation dans la jOllrnee meme.

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Le 24 aoOt, Ie ministre de l'Interieur fixe, par un telegram me n° 12.882, Ie 26 comme date des « mesures d'arrestation et regroupe­ment Israelites etrangers ». II ajoute it l'intention des prefets regionaux :

Vous appartiendra fixer heure declenchement des operati?ns au mome~t .qu'il vous apparaitra Ie pillS opportun. Stop. Vous slgnale toutefols /'interet qu'il y aurait a ce que celies-ci aient lieu au pefit jour, de prefe­rence vers 4 ou 5 heures.

Pour que les exigences allemandes soient satisfaites, il convient d'obtenir Ie resultat numerique que I'on s'est propose. Les mesures que prend Ie prefet des Basses-Pyrenees it cette occasion justifient ce souci. Dans une circulaire destinee aux commandants de gendarmerie, il pres­crit : Au moment du ramassage, s'assurer par une surveillance et meme par des fouilles d:scretes que les interesses n'emportaient pas tfarmes, de toxiqU8S ou d'instruments dangerellx.

Eviler les suicides . . Dans Ie cas oil certains sujets se declareraient malades, en instance

</")peratiun ou intransportables, les signaler d'urgence a la prefecture qui fera procMer a une vis!te mMicale et qui pourra decider du sursis ~ur Ir. vu d'un certifieat mMical.

Le port d'argent, de titres, de bijoux n'est pas interdit. Ces ordres furent strictement respectes ainsi que nous Ie prouve ce

TeCit extrait de la deposition de M. E. Marcus :

Certains chefs et surveillants des groupesdes T. E., au iieu de se preter avec bonne grace aux ordres de livrer Ie betail humain a tabattoir, a l' heure precise, pfl!feraient avertir ceux qui etaient vises et meme Ies aider, si cela etail possible, a s' evader.

Il y eut aussi des gendarmes charges d'amener les vicfmes de la per­;ecution qui ont eu Ie courage et Ie sens de leur responsabilite qui. leur aictait .de prevenir les malheureux. Helas ! cela n'elail pas la regle. La p/upart ont execute les ordres sans broncher et, s'ils avaient certai.ns scrupules, leur conscience a flechi q l'appel de ce qu'ils croyaient leur devoir.

I'ai ete temoin de l'arrestation des T. E. juifs detaches d Saint-Pro­jet, a 12 kilometres de Mauriac. Le 23 aoat 1942, vers 9 Izeures du soir, Ie eapitaine du groupe departemental du Cantal, accompagne de deux surveillants, arriva dans sa voiture au eantonnement, suivi d:une cam:on­nette de la gendarmerie de Mauriac avec six gendarmes. On arreta six des quinze T. E. juils qui travaillaient depuis un an dans ce chan tier. La liste de ceux qui etaient designes pour la deportation comprenait Ie nom des etrangers entres en France apres 1937. Com me I'un d'eux n'etait pas present, Ie capitaine laissa l' ordre au manquant de se presenter Ie len-

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demain malin a 8 heu'Fes au camp du groupe a Mauriac. S'il ne s'y rendait pas, Ie chef de groupe ne manquerait pas de prendre des represailles sur tOllS ceux qui etaient encore epargnes. De peur que ses camarades eussent a subir ce sort cruel, l'absent dut aller Se livrer lui-meme a son bourreau.

Peu de jours apres, a 4 h. 1/2 du matin, les gendarmes revinrent arreter, pendant leur sommeil, quatre autres detenus. La forme de cefte arrestation noctnrne fut particulierement brutale. On tirait les victimes de Icur paillasse, apres les avoir reveilles en braquant sur eux La [lIIlllat:

d'ane lampe de poche. Les gendarmes presserent les personnes arretees de faire leurs bagages avec la pillS grande rapidite et its ne trouverent me me pas un mot pOllr les calmer dans leur angoisse.

* ** Les Israelites ainsi « regroupes ') rej oignent dans les camps les

Juifs que la mort ya epargnes. Apres un bref sejour, les departs it des­tination de Drancy s'organisent. Des aU1l1oniers ont ete aUlOrises a assister moralement et materiellement ccux qui vont prendre Ie chemin des camps de Silesie. Leurs rapports it l'Aumonerie Centrale des Camps renseignent sur I'atmosphere de ·cette deportation. Le rabbin Schilli, par­lant du convoi du lor septembre 1942 au depart de Rivesaltes, ecrit : Le moral des parfants eta it bon, en general, et sans doute Ie fait que Ie depart avait eu lieu par une fin d'apres-midi ensoleillee n'y etail point etranger. Le depart du 14 septembre coYncidait avec les fete. israe­lites. Des Ie mercredi 3, je soulignai verbalement aux auto rites prefec­torales des Pyrenees-Orientales la date des fetes israelites et demandai qu'aucun depart ne colncidat avec elles. Ie confirmai cefte demande par leftre au prefet des Pyrenees-Orientales.

Le vendredi 5, au cours d'!lne audience aupres du prefet reglillld' de Montpellier, je renouvelai cefte demande, alors que, par telep/lOne et par .leftre, j'avais Sllggere a M. Ie Orand Rabbin de France de faire une demarche dupres des autorites competentes a Vichy. Toutes ces demarches s'avererent vaines puisqu'aussi bien l'embarquemenf d'u'n convoi eut lieu au cours de l'apres-midi du deuxieme jour de Rosch­Hachana et Ie depart d'un autre convoi dans la journee de Kippour. On nc respectait pas toujours les regles de determination des personnes dc,portables. Le rabbin Schilli mentionne un incident qui se produisit it l'occasion du convoi du 14 septembre : All moment de l' appel du soir, l'ers 10 hell/'es, 43 persor~nes environ etaient manquantes. Pour les rem­pfacer, on cherche dans les baraques 43 personnes qui avaient ete exemp­fees ou reservees. Parmi ces personnes se trouvail notamment une femme qui avail ete exclue comllle ,!tant venue en Frallce ell 1926 et avait pll Ie prQuver. Cefte personne, nommee Mme Buch, nee Lallsberg, s'etait ren­dlle all camp de Rivesaftes, sur ['invitation du commissaire de police

81

de Bhiers pour etre « criblee » et are liberCe reglllieremellt. Elle partit donc, contrairement aux regles edictees.

Ayant assiste au depart du camp de Sept-Fonds, Ie rabbin Kahlen­berg consigne dans son rapport it l'Aumonerie : Ie me sllis rendu a Sept­FOllds. Je les ai trouves dalls un etat moral lamentable. Leurs camarades qui etaiellt encore en liberfe etaient comme fous. TOllS craignaient Ie pire. L'effervescence fut a SOil comble.

Le fils de At. I ... , age de 57 ans et qui eta it ell liberte, est venu SPOIl­tanement au camp pour partir a cote de son pere. r ai essaye de l' C/l dis­suader, mais rien n'aurait pu Ie decider a quitter son pere, Beaucoup parmi ces travailleurs avaiellt des vetements en toques, pas de chemise et pas de chaussettes.

A Mon(allban, il y eut Ull affolement gelleral, des suicides. Cinquante personlles, femmes et ellfants du Lot, avaient eft! arretees

et envoyees a Sept-Follds. Les /zommes eta:erzt separes des femmes et fe desespoir eta it a son comble (jeune fille qui craillt d'etre deportee pour fa debauche, jeune femme dOllt Ie frere et la SCRur s' etaient suicides dans Ull camp de concentration, famille qui avait acquis une fenne et s'v etail illstaflee au compLet). .

On avait arrete les ellgages volontaires, les arzciells combattallts. 220 persollnes devaient eire livrees. On prit 'certaines persollnes pre­

vues dans les mesures d' fwception. L' ordre fut donne d' emmeller les enfants.

Visitant Ie camp des Milles, Ie directeur de I'U. O. I. F. en zone sud, note, it Ja date du 2 septembre 1942 : Il manquait trente personnes pour remplir un wagon. On ne les a pas choisies. On a pris au hasard. A sept /zeures du malin, all a fait descendre des hommes en pyjama, des femmes en chemise de nuif. Oil les a portes de force au wagon.

Un rapport du Urand Rabbin Salzer, sur ce meme camp, donne des details sur Ie depart du 10 aout : Le 10 a 3 heures 1/2, a eu lieu rappe' dans la cour du camp. 260 personnes ont eft! designees. Vers 4 hell/oes, ont lieu les premiers suicides. II faut compter quinze telltatives. Six sont morts .deja. II y eut une vingtaine de syncopes.

Ayant assiste au depart du 2 septembre 1942, a Saint-Sulpice. Ie Rabbin Apeloig note dans son rapport : .;.Il etait "elltelldu qu' a part les intransportables reels, dOLlze autres personnes malades seraient decla­rees intransportables au demier momellt. Le midecin-inspecteur et le chef du bureau des Etrangers de fa prefecture d'Afbi ont eft! impifoya­bles. Et c' est alnsi que I' on a compris dans Ie convoi, en leur reservant a eux et aux ellfants, un wagon de voyageurs: une femme avec fib rome, tm flomme avec un lupus tuberculeux, un autre avec un uicpre du duodp. num et un poumon gauche tres suspect, une jeune femme avec la maladie

6

Page 45: La Persecution Raciale

82

de Basedow, l'un ave( un souffle all c(Pur, une femme avec Ie bras drIJit ampute jusqu' a l' epaule, etc.

Les internes s' etaient promis de ne quitter Ie camp que par la force et en manifestant violemment, mais quand vint Ie moment, Ie mercredi 2 septembre a 14 helll'es, ces paul'res gens etaient deja passes par de teUes alternatives d'espoir et de desespoir (reconnaissance ou protec­tion de nationalite roumaine, hongroise, beIge, hollandaise, abandon pos­sible des enfants) qu'i!s n'etaient plus capables de reagir, je note toute-lois dcux tentatives avortees de suicide. .

Le Or~lnd-Rabbin David Berman, dans son rapport sur Ie depart du Vernet d'Ariege consigne eette observation: Les persofllles arretees dans la journee et la nuit du 30 aolit, principalement sur les plages des Alpes-Maritimes et du Var, [w'ent e mbarquees en tenlle legere : chemise Lacoste, short, ,~andales pour les hommes, robe de plage pour 'Ies femmes.

Le voyage de ces deportes, a partir des camps de rassemblement jusqu'a Draney, s'effectua dans les conditions les plus penibles. Le Capitaine Annou, commandant la section de gendarmerie de Cahors, accompagna jusqu'a Vierzon Ie convoi des transferes israelites qui quitta Ours Ie 1 e, septembre 1942 .. II note dans son rapport : Etxception faite des occup~nts de deux wagons de voyageurs, la masse hait parquee sur la paille humide d'urine. Des femmes se desesperaient de ne pouvoir satisfaire des besoins naturels hors Ie regard d'inconnus. Des evanouis­sements, dus a la chaleur et oux odeurs degagees, ne purent pas etre hailes. Des cardiaques ne refurent LIn traitemen-t par piqilres qu' a partir de Feuga ,(Haute~Oaronne'. Le spectacle de ce train impressionna forte­ment et defavorr:blement les populations franr;aises non juives qui eurell! iz Ie voir, dans les gares en particulier.

* **

On pourrait multiplier les exemples: leur ensemble evoque I'at­mosphere d'angoisse et de persecutions qui entourait ces departs. Signa­Ions ici que Ie general de Saint-Vincent, gouverneur militaire de Lyon, donna sa d.emission plutot que de consentir a mettre la force armee au service de ces actes de violence.

De nombreuses protestations s'eleverent. Les plus hautes autorites religieuses franc;aises firent entendre Ie cri de leur conscience indignee. II convient de citer ici, outre Ie temoignage de reconnaissance apporte Ie 9 septembre 1942 par Ie Orand-Rabbin Hirschler au Comite de Coor­dination des CEuvres d'Aide aux Refugies, Ie message de Monseigneur Saliege, Archeveque de Toulouse :

83

II Y a une moraie chretienne, il y a llne morale humaine qui impose des devoirs et reconnait des droits. Ces devoirs et ces droits tiennent a ia nature de [,homme. Ils viennent de Dieu. On peut ies violer " if n' est au pouvoir d'aucun mortel de les supprimer. Que des enfants, des femmes, des peres et des meres soient traites comme un vi! troupeau, que les membres d'une meme lamille soient separes les uns des autres et em barques pour une destination inconnue, if eta it reserve a notre temps de voir ce triste spectacle ...

Dans notre diocese, des scenes d' epouvante ont eu lieu dans les camps de Noe et de Recebedou. Les jUifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. Les etrangers sont des hommes, les etrangeres sont des femmes. Tout n'est pas permis contTe eux, contre ces hommes, .contre ces fenllnes, contre ces peres et meres de families. Ils font partie dll genre lllimain. Ils sont nos freres cOlllme tant d'autres. Un Chretien ne peut [' oublier ...

Ce message fut lu dans toutes les eglises du diocese de Toulouse Ie 26 aoftt 1942, fut polycopie et depose dans les boites aux lettres de la region du' Sud-Ouest. L'Eveque de Montauban s'adressait Ie 30 aoOt 1942 aux fideles de son diocese dans les termes que void :

Des scenes douloureuses et parfois horribles se deroulent en France, sans que la France en soit responsabfe ... Voici que, dans nos regions, on assiste a un spectacle navrant : des families· sont disloquees ; des hommes et des enfants sont traites comme LIn vii froupeau et envoyes vers une destination inconnue, avec la perspective des plus graves dangers.

Je lais entendre la protestation indignee de la conscience chretienne et je proclame que taus les homllles, « aryens » au « non-aryens ».

sont freres parce que crees par Ie meme Dieu, que taus les hommes, quelie que soil leur race au leur religion, ani droit au respect des indi­vidus et des Etats.

Or, 12S mesures antisemitiques actuelles sont un mepris de la dignife humaine, line violation des .droits les plus sacres de fa personne et de la famille.

Le:> eglises protestantes de France s'associerent a ces protestations. Dans Ie but de limiter la portee de ce l11ouvel11ent de regroupement administratif et d'el11pecher que soient livres au Reich des exiles pour des motifs politiques, Ie Pasteur Marc Boegner, President de la fede­ration protestante de France, vice-President du Conset! CEcumenique des Eglises ChrCiiennes, adressait Ie 27 aoftt 1942, a Laval, une lettre expresse ainsi conc;ue :

Qualifie pour parler au nom des Eglises protestantes du monde entier, dont plusieurs ant deja so/licite mon intervention, et connais-

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I

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sant les faits survenus ces jours derniers, je vous demande avec la plus vive insistance de bie'n voufoir me donner l' assurance que ne seroll! en aucun cas diriges vcrs la zone occupee, des ressortissants etrangers ayant, pour motif politique, subi condamnation dans leur pays, ou pour raison semblable, demande asife a fa France.

. **

L'ensemble de ces operations de « remise des Juifs etrangers aux autorites allemandes» se resume de la fa<;on sUivante, aux termes d'un brouillon de rapport dresse pour Ie Directeur de la Police du Territoire et de\, Etrangers :

I. Entre Ie 6 et Ie 15, 3.456 individus internes dans les camps du departement ont ete remis aux autorites allemandes.

ll. Notre direction de Paris ayant fait connaitre Ie 13 aOltt qu'un convoi allait quitter Ie 28 aout la zone occupee a destination de la Oalicie, la Direction a ele priee de mettre en route sur Drancy un effec­tif suffisant pour alimenter ce convoi... Les individus qui Ie compo­saient furent preleves sur :

10

Dix-huit groupes de travailleurs ;

2" Les camps de Ours, de Noe et de RecebMou .... Le 24, ce convoi a pu franchir la ligne de demarcation : il compre­

nait l.I50 individus.

lli. Sur les 15.000 individus recenses, 5.000 ont et£! rassembles dans la journee du 26. Ci-dessous, tableau indiquant les previsions faites et Ie nombre des individus recenses. S'y ajoutent 600 personnes qui etaient deja groupees dans fes camps.

I I Israelites

I Israelites Individus etrangers etrangers Pourcentage diriges recenses regroupes sur la zone en jUi!let 1942 Occupce

12.500 7.000 58 % I 5.000 I La difference provient :

1" du gonflement des stat(stiques de juillet 1942

2° des deces et des departs ciandestins ;

-~

I P"""n',.,

I 41 %

3° des changements de residence pendant les operations;

40

des indiscretions (Israelites prevenus - radio anglaise annonce le 25 aOIlt, a 21 h. 15, que 600 fuifs de la region lyonnaise seront Femis aux autorites occupantes).

85

I. Region de Clermont-Ferrand

[ Departem~nts ! r AP;re~e!1deS n Partis I 0 Recenscs

" " I ~ i i

,

I 90 5:1,2 i 60 44,4 , Puy-de-Dome (1) " 213

73 i Haute-Loire .. .... i 154 78 Allier . .......... ! 89 68 I 61 ,

21 18 17 i

i I

Cantal. .......... i

477 I

254 I i

211 I

: L I I ... -

ll. Limoges

Departemcnts Recenses- -~pprehenctes II 0,0 I Partis %: I ! __________ I~ _________ ,

II-H-a-u-tc-_-V-ie-n-ne-.. - .-. 447 227~211 70 II I 12

g6

34 II

Indre ........... 261 Crcuse. . . . . . . .. . . 101 250 I 154 Correze ......... '1 280 102 70

I Doc'"", p p p r~:: _, 90G :---44=6==

Trois tentatives de sUlclde a LImoges, au camp de Satnt-Pardo~x-la-RlVlere ( or ogne e . .. D d ) t a' Saint-Oermain-des-Befges (Haute-Vlenne). Aucune n'a abouti.

1Il. Montpellier --- - -.--- --

I Departements. I Recenses

I

Partis % :1 -, 310 211 Aude ....................... 320 I 175 Aveyron .. ...................

50 I 37 60 I Lozere ...................... Herault ..................... 1.024 400

553

I

407 I pyrenees-Orientales ...........

I I 2257 1230

IV Lyon -

I Apprehendes ~ I Partis I 0/ Departements Recenses /0

I 2.156 i 896 41 I 546 . 25,3 Region de Lyon ... 1.000 I I

220 I

Ville de Lyon .... --

Deux vaines tentatives de suiCIde.

e at ·011' la majeure partie des Israelites resl­(1) Entre leI> recdeneSDe~r:;~t ae\~i~ ?'~I~etl de' rnesures d't:loignement. dant dans Ie uy· - u

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, V. Marseille

Departements Recenscs I Apprehendes I % [ , I 1

Partis o· :0

! ---~ ---1----

: BOllches-dll-RhfJlle .' 950 200 I

. Hautes-Alpes ..... ,32 43 45 590 43 Gard .. . . . . . . . . . . 141 132 V(;zrClli:i_' ........ 209 214 Var ............. i L; I 39 Corse ....•....... , 0 0

1-~~3~~__ __ --~~·--~-· -28-_---~' ~~~==~~=-~=-~~~=--=~

VI. Toulouse , ,

Departements I r~ec'[ls0, _________ 1 c •••

,Apprehendes ';" Obslrvations i !

Ariege ................ 1 321 Tarn-et- Garonne ........ i 252 Haute-Garonne ......... ' 310

! Basses-Pyrenees ......... 320 , Lot-et-Garonlle .......... 301

I 214 1

1

--

. 157 200

10 370

5S

Deux suicides :, un dans Ie Tam' et - Garonne,; ['autre dans Ie' Lot.

, Tarn .............. · .... ! 425 , Lot ................... '[ 53

Gers................... 143

250 3~i

107 lSI H autes-Pyrenees ........ i 290 1

I~--=='====

I 2.415 I 1.525

VII. Nice 1.083 recenses, 60S apprehendes, soit 56 %

Or, nous devons en voyer a Drancy pour alimenter les quinze con­vois qui partiront vers l'Est entre Ie 26 et Ie 3U scptembre, 15.000 per­sonnes. Avec les 1.150 remises Ie 24 aottt, nOliS avons les effectifs neces­saires pOllr aj,menter les trains qui partiront de Drancy d'ici Ie 29 sep­felllbre inelus.

Il convient d'inviter les prefets a intensifier leurs operations de police pour retrouver d'ici-la une partie ,de ceux qui ont disparu.

Le meme document contient en annexe les resultats definitifs. Au premier octobre 1942, Ie nOlllbre total des Israelites etrangers

remis auoX auto rites d' occupation s' eleve a 10.410. 10 Israelites etrangers internes ou hebcrges ............... . 20 Incorpores dans les formations de T.E . ............... . 30 En residence libre: '

)usqu'au 5 septembre 1942 ......................... . Convoi du 14 septembre 1942 ....................... . Convoi dll 21 septembre 1942 ....................... . COl1voi £/u 28 septembre 1942 ....................... .

Total .................. .

3.456 1.150

4.939 592 IS3 790

10.410

87

Posterieurement a ceite date, des arrestations sont encore operees et les Israelites etrangers apprehendes sont regroupes au camp de Rivesaltes. Il sera possible, en consequence, de former de nouveaux corlvois pour la zone occupee.

RAFLES MASSIVES ET DENA TIONALISA TION DES JUIFS

Les mesures d'arrestations collectives des ]uifs commencerent, dans Ie courant de I'anhee 1943, a se reveler insuffisantes pour permettre aux autorites allemandes de se Iivrer a des deportations regulieres et quasi quotidiennes de ]uifs. Nous n'avons encore aucun document offi­ciel du Gouvernement de Vichy qui puisse nous permettre d'affirmer que les spheres gouvernementales fran<;aises etaient opposees a des mesures generales contre les Israelites fran<;ais. Cependant, tout laisse suppo­ser que Laval avait pris position en ce sens et ait donne des ordres a ses subordonnes afin que les ]uifs possedant la nationalite fran<;aise, tout au moins ceux qui n'avaient pas commis d'infractions aux ordonnances allemandes, ne soient pas arrctes dans des rafles collectives. Une lettre du 14 octobre 1942, adressee par Ie Preiet de Meurthe-et-Moselle au Charge d'affaires du Chef de la Police de Sftrete, s'exprime ainsi :

Vos services ont pro cede ces derniers jours a ['arrestation dans mon departement d'un certain nombre de juifs. 138 d'entre eux m'ont ete signalt!s, parmi LesqueLs se trouvent 45 individus ayant La qualite de ciloyens franrais, soil d'origine, soit par naturalisation. Les arrestations de juifs franrais ne paraissent pas conformes au,x indications qui m'ont ete donnees par mon gouvernement a la suite des accords survenus entre les autorites sl1perieures et lui.

Le 16 Qctobre, Ie kommando de Nancy du S. D. repondait au prefet regional que certains juifs tranrais ont ele egdement arretes parce qu'i/s avaient depuis Longtemps contrevenu aux reglements concernant les Juits.

Devant cette attitude des autorites fran<;aises et afin de pouvoir se saisir de certaiQs Juifs fran<;ais, au moins ceux qui avaient obtenu cette qualite par naturalisation, les chefs du S 0 en France i!11aginerent de demander au Gouvernement de Vichy de lui fournir les moyens juri­diques de se livrer a l'arrestation de cette categorie d'Israelites. Leur denationalisation eftt rendu ces ]uifs apatrides et, ainsi, nul obstacle legal ne s'opposerait plus a des mesures generales contre eux.

Un premier projet de denationalisation collective avait ete prepare

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par Ie Commissaire a'llx Questions Juives, Darquier de Pellepoix, et ce Jernier I'avait soumis au Gouvernement de Vichy (1).

Ce texte ne fut j amais discute.

Un deuxieme pro.iet fut presente par Laval et Bousquet, sous fa

pression du commandant en chef de la Police de SeCllrit.: et all SerlJ:Cc de Sarete. Ce projet fixait comme date limite de la denaturalisation Ie lor janvier 1932. N ous avons, ecrit R6thke, propose Le 10 aout 1927 et maintenu notre point de vue pour le choix de cefie date.

Un troisieme projet est constitue par Ie projet N° 2 « ameliore ».

Le Gouvernement fran<;ais a accepte la date du 10 aoUt 1927. Ce projet a ete soumis officiellement aux autorites allemandes. Apres sa pre­sentation. n') IS avons fait en sorte que soie,lt prlses les mesures de police necessaires. Mais, a la date du 10 aout 1943, R6thke note:

Le Oouvernement franrais est revenu sur ce pro jet. Il est pret i'l promulguer la loi, lIlais it ne veut pas etendre les lIlesures aux femllles et aux enfants des luifs a denaturaliser. Nous proposons pour la date de publication le 18 aoftt 1943. Ce jour-la, les arrestations de luifs f ouches par la loi auront lieu a Paris. Les meSllres preparatoires ant ete prises.

Le lIecret Laval-Bousquet, dans son article 1"r, annulait les decrets de naturalisation des etrangers intervenus depuis Ie 10 aout 1927 et s'appliquait a tous ceux qui etaient regardes comme Juifs au terme de la loi du 2 juin 1941. Son article 2 faisait exception en faveur des pcrsonnes qui en feraient la demande dans les trois mois de la proIllul­gation du texte, et qui remplissaient les conditions de derogation prevues par I'article 3 de la loi du 2 juin 1941, a condition que la nationalite fran<;aise ne leur ait pas encore ete retiree. Le decret n'etait pas nOll plus applicable aux prisonniers qui se trouvaient en captivite.

Le projet n° 4 s'etendait a la femme et aux enfants mineurs du denaturaliseet n'accordait de derogations au retrait de nationalite qu'apres avis conforme du Commissariat General aux Questions Juives.

Dans une note du 12 avril 1943, R6thke indique les raisons du choix de la date du 10 aout 1927: c'est parce que La masse des juifs etrangers a ete naturalisee dans les annees 27 a 30. Dans une note du 17 mai, il estime « d'apres des estimations certaines, que 50.000 Juifs seraient touches par cette mesure ». II faut les atteindre tous en meme temps car les fuifs qui ne seraient pas touches par La premiere action n'attendraient pas la promulf!,ation d'une del/lxicl7le loi, mais lie metfraient de toufes farons en securitC. Il convient du premier coup de

(1) Voir dossier : « Projet de deerets concernant la dech';a!1ce de la nationalite rran~aise des Jnifs naturalises apr". I'annee 1927 ». Centre de Documentation Juiyp Contemporainc. Rapport Rothkc tIu 10 aout 1943.

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saisit: Ze plus grand nombre de fuifs ·possible. La masse .de !uifs de l'Est emigres apres La guerre 1914-1918 a obtenu sa naturalcsat/On dans

Zes annees 1927 a 1930.

Le docteur Knochen, dans une lettre du 21 mai 1943, expose les raisons pour lesquelles la date du In janvier 1932 ne lui scmble pas

souhaitable : Le nombre des juifs touches, si on s'en tenait au Ier janvier 1932,

serai!, d' aprils les estimations, de 20.000. Le nombre des .('tx-Alleman~s juifs serai! minime, cm;, aprcs la prise du pouvoir par HItler, les fUlfs alle/nands emigres n' ont fait en grande partie que traverser La France et its sont aues se fixer dans les pays d'Outre-Mer. Ce n'est pas en 1933 mais seulement en 1935 (aprils les lois de Nuremberg) et en 1938 (apr&s les mesures populaires qui ont eu lieu a l'occasion du meurtre . de. l'ambassadellr von Rath) que la l7lajorite des fuifs allemands a qUltte Ie Reich. Coml7le La Loi de nationalite franraise demande normalement un sejour de trois ans pour le naturalise et que les demon des de natu­ralisation en cours ont ete interrompues par la declaration de guerre, ces juifs, dans leur grande majorite, n'ont pas encore ete ~atu;al.ise~. Ils sont apatrides, Il y a lieu de considerer, a propos .des fUlfs emIgres en 1935 que radministration franraise travaille dans des conditions de lentellr ;elles que ces dossiers ne sont pas encore regles, meme si a la declaration de guerre, les interesses avaient deja trois annees de resi­dence en France.

Il faut faire fond sur les natllralisations reaLisees depuis Ie 1 er jan~ vier 1927, parce que la loi de naturalisation du 10 aout 1927 a apporte beau coup d'allegements a la procedure. .

Les exceptions de l'article 2 au projet Laval-Bousquet en faveur des juifs privitegies par les lois franraises (anciens combattants, orplze­lins de guerre), de meme qu'en faveur des prisonniers ne correspondent pas aux interets allemands. .

Cependant, me me avant d'etre avise par une lettre de Darquier de Pellepoix qui ne lui sera envoyee que Ie 26 juin 1943, de la signature du dCcret con forme au projet n" 3 par Lwal et Gabolde, R6thke a deja pris toutes ses dispositions pour en tirer les consequences policieres, afin de lui permettre d'accelerer Ie rythme des deportations. Dans une note'du 14 juin 1943, iI decrit les operations de rafles telles qu'il les

con<;oit :

A Paris, il y a, a l'heure actuelle, environ 70.000 fuifs ; la tdclle principale consiste dans l' action d' arrestation. Il faut que Ie fic/lier cen­tral de la Prefecture de police, qui classe les fuifs par arrondisselllents et par rues, soit reparti entre les divers commissariats, Les commis­saires de police se feront amener par des agents franrais les chefs de

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families juifs un a lm et se feront presenter leurs papiers. Pour ce tra­vail de verification, it faudrait considerer qu'environ 20.000 familles et personnes isolees de race juive et de nationalite franraise seraient ['ob­jet de ces mesures, sous deduction des personnes de nationalites non susceptibles d'etre deportees. Cela prendrait deux jours et demanderait Ie concours d' au moins 1.500 agents de police.

Les Juifs auxquels la loi s'applique seraient reconduits chez eux par des agents; ils auraient a y prendre Ie plus rapidement deu·x cou­vertures, deux paires de chaussures, couverts et articles de toilette, et seraient reconauits avec leur famille au centre de rassemblement de ['arrondissement, d'oLl II'S autobus - com me lors des autres rafle's -mis a la disposition de la Prefecture de Police, les ameneraient a Drancy.

Dans chaque commissariat d'arrondissement ,devra se trouver lln chef 011 sOlls-chef du Service de Securite, pour surveiller les operations de contrOlI' et pour en referer, dans les cas dOl/teux, all IV B-BOS et au Commandeur de Paris.

Les Juifs ayant contracte un mariage Illixte seront' mis en liberte. Il en sera de meme pour les Juives dont II'S maris sont prisonniers de guerre, qu'ils soient Juifs ou non.

En province, dans la zone primitivement occupee, il ne pourrait s' agir que de la revision des cas de 6.000 Juifs de nationalite fra/1l;aise. Pour fa plupart des komlllandos des SD, 200 a 300. Seuls, Nancy et Bordeaux doivent venir a bout d'lIn travail concernant 1.500 a 2.500 Juifs.

Dans II'S differents departelllents de province, II'S operations de revision se deroil/eront de faron telle que II'S commandeurs !ocaux se mettront, pel! de temps avant {'action, en relation avec II'S intendants de police. Sur la base du fichier de 'Ia Prefecture, II'S juifs en cause seront conduits par la gendarmerie au la police municipale, Ie meme jour qu'a Paris, dans les sous-prefectures, dans II'S grandI'S villI'S, dans II'S commissariats de police. Dans Ie cas all la longueur du chemin a parcourir ne permettra pas de raccompagner les Juifs, II'S membres de leur famil/e, pour autant que, dans des cas tres clairs, leur arresta­tion immediate n'aura pas eu lieu, seront, sur convocation telephonique, arretes a leur domicile. Les juifs auront egalement a apporter II'S ob jets necessaires a I'usage quotidien.

Les Juifs arretes seront ensuite conduits par II'S voies les plus rap ides, sous la surveillance de la gendarmerie et de la police franraises, aux points de rassemblement regionaux, qui se trouvent au siege des kOl11mandos et transferes sur Ie camp de juifs .de Drancy.

Dans la zone nouvellement occupee, ['action d'arrestation depend de la confiance que ['on peut avoir dans la police francaisI'. Dans la zone d'influence italif,mne, ['attitude des Italiens ne permet d'entreprendre

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quai que ce soit dans la question jllive. 50 it 60.000 Juifs sont hors de CallSI'.

. Restent donc 70 a 80.000 Juifs a prendre en consideration. Ce soin dod etre laisse a la police fran raise. 25 a 30.000 juifs

devront Nre I'objet de mesures de r4vision si les operations se passent comme dans la zl)ne anciennement occupee. L'action devra avail' lieu Ie meme jour dans II'S deu,x zones, pour empecher que des Juifs touches par ces mesures ne fuient en zone nord. ,

Leur deportation devra, sur l' ordre du ReiclzsfiJ hrer SS aJ!oir lieu avant Ie 15 juillet .1943. Les mesures devront donc etre executees les 24 et 25 juin.

L'action ordonnee par Himmler devait donc toucher les Juifs ex­polonais, luxembourgeois, tcheques, yougoslaves, bulgares, grecs, hol­landais, belges, csthoniens, lithuaniens, leHons, dantzicois, autrichiens, sarrois, norvegiens. Exccption etait faite pour les proches parents des prisonniers (femmes et enfants), les Juifs maries avec des aryennes, les fourreurs juifs munis d'Ausweis, les Juifs non transportables. La reali­sation de ces operations, ainsi que Ie note Hagen Ie 16 j uin 1943 est, au dire du general de brigade SS Oberg, « des plus pressantes ».

Dans une conversation qu'i1 a eu.e aviec Himmler Ie 8 juin 1943, Ie Reichsfiihrer SS a donne l'ordre d'agir avec toute la fer17lete neces­saire pour obtenir Ia publication de la loi de denaturaIisation des Juifs.

La promulgation de ce texte se fait attendre. Bien que signe Ie 20 juin 1943 par Laval et Gabolde, H ne peut paraitre au journal Offi­ciel en raison de I'opposition de Petain de mettre sa signature sous un texte qui lui parait trop general. Le 7 j uillet 1943, Rathke reporte la date d'arrestation au 16 du meme mois. Le 16, il ecrit au Prefet de Police que cette date est a nouveau fixee au 23 et au 24. Devant Ie silence definitif du Journal OfficiI' I, on renonce a agir contre les Juifs fran~ais en s'entourant de formes legales.

LES RAFLES DE JUIFS FRAN<;AIS

La premiere action d'ensemble contre les Israelites, a quelque natio­nalite qu'ils appartiennent, fut entreprise par les Allemands a la suite de leur entree dans la zone d'occupation italienne, decidee par eux apres I'armisticeconclu par Hadoglio avec les armees alliees. De. nombreux documents attestent que la Gestapo de Paris, sur les indications trans­mises par Ie kommando du SD de Marseille, avait eu a se plaindre amerement de la mauvaise volonte que mettaient les Italiens et leur Commissariat aux Questions Juives de Nice a collaborer avec eux, dans la zone qui leur etait impartie, en vue de III Iiquidq,tion de la question

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jui~e. lIs ne conseRtaient meme pas a appliquer la legislation franc;aise racla.le, e~ .prenant motif de ce que la loi italienne ne connaissait pas de dispositions telles que Ie timbrage des cartes.

Lorsque les troupes allemandes supplanterent les armees italiennes dans Ie Sud-Est de la France, la Gestapo trouva une occasion d'y mener une action d'autant plus vigoure'use que Ie probleme juif y restait presque entier. Les intentions et les ordres de la Police de Surete sont consignes dans un rapport de R6thke a Hagen, suppleant du chef de la Gestapo de Paris, en date du 4 octobre 1943. On y lit:

. Comme taction prevue dans la zone italienne d'occupation doit aVOlr un succes satisfaisani, elle doit €Ire realisee sans auwlle exceu­tion. Ouire que la plus grande partie des forces de police mises a not-re ~isposition .ne possede pas les moyens de decider si tel ou tel fuif doil etre compTis dans les mesures antisemites en raison de sa naiionalite ~/U~ ,ou moins occasionnelle, ce serait desservir au plus haUl point les Inter~t~ de n?tre propagande que de vouloir faire des exceptions en conslderant Sl Ie fuif de nalionalite franraise n' a obtenu cefte nationalite que depuis Ie 10 aoat 1927 ou s'il possedail deja auparavanl cefte qualite. ., Des arg~ments. ~emagogiques sont utilises par Rathke afin de jus­

tifier la rafle tncondltlOnnelle de tous les Juifs, meme de ceux de nationa­lite franc;aise :

. ~e fuif I~ plus riche et Ie plus influent n'a pas acquis la natio­naMe franrGlse depuis 1927, mais ilia possede de naissance. Meme I~~ gen~ qui ne sont pas antisemites ne comprendraienl pas que nous n Intermolls pas en premier lieu les fuifs les plus dangereux, c'est-a-dire les ~/us ric~es et les plus influents (meme si, en fait, une deportation partLelle ou totale de ces fuifs n'apparaissait pas comme possible en rai­son de con~ide:~tions po~itiques, leur internement est, cependant, une 11lesure partlculLere11lent necessaire). Nous ne pouvons tenir compte d' au­cun facteur, tel que Ie fait d' appartenir a une nationalite a11lie neutre ou alliee. '

On recherche encore des justifications d'ordre militaire : . Le c011l~/et n~ttoyage de ce qui etait jusqu'ici zone d'influence ita-

lr.enne est neces~alre: ~on seu~ement dans l'interet de la solution defini­tIVe de !a ?Uestl~n JUlve,' maLS des raisons de securite de l'armee alle­man~e I e,xlgent Instamment. Ces arguments pourront, d'apres notre con­~e~tLOn, et:e opposes au Gouvernement franrais, au cas oil il viendrait a lntervemr pour les fuifs qui possMaient deja la nationalite franraise avant 1927, ou ~u cas oil, comme if faut s'y aitendre, il interviendrait pour to us les fUlfs de nationalite franraise. . Au .surplus, si on voulait entrer dans les details de nationalite on

nsqueralt, selon Rathke, de voir la police allemande en butte a' des

----------------------------'g;~

verifications de papiers inj ustifiables qui provoqueraient d'innombrables exceptions. Si Ie contr61e, ell une certaine meSllre, devait €Ire fait par nos forces, llne telle C1xperience favoriserait des marUEuvres fraudulellses et des actes de corruption de to utes sortes.

Les ordres superieurs s'opposent a de telles discriminations ; si Ie Gouvernemeni franfais devait demander un traitement d'exception impor­tant pour les fuifs de nationalite franraise, de telles tentatives pourraient etre rePOllSSeeS en se basant sllr fordre indisclltable du Reichsfiihrer

des SS. D'ailleurs, la Gestapo de Paris cst disposee a. ne p.lus tenir aucun

compte des lois franc;aises sur la nationalite. La ctenationalisation d,es Israelites naturalises depuis 1927 a ete refusee par Ie Gouvernement de Vichy, qui a simplement con senti a. souscrire it des retraits individuels de nationalite apres avis d'une commission. Si cette commission n'ac­complit pas sa tache suivant les ordres des Allemands, c'est-a.-dire en declarant apatrides Ie nombre fixe par eux de Franc;ais par naturalisa­tion, Juifs scion les lois, une decision sera prise de notre cOte oil, en princ:'pe, nOlls ne ferons plus d'exception basee sur les dispositions des lois fran(:aises. Dans une lethe du IO octobre 1943, Knochen ecrit au General de SS Oberg, qu'iI a prie de Brinon d'informer Petain de cette decision. Elle allait etre mise a. execution dans r annee 1944.

* ** Au mois de fevrier 1944, la Direction gcnerale de la Police de Vichy.

adressait a. tous les Prefets regionaux une circulaire n° 001045, evo­quee par M. Maurice Schumann dans son emission du 16 mars 1944, :1 la radio londonienne et dont la teneur etait la suivante :

fe vous informe que vous devez commllniquer aux autorites alle­mandes qualifiees la liste .des Israelites etrangers ... ou franrais.

Le 19 fevrier 1944, la Sicherhettspolizei de Dijon, par un ordre Tgb. N° IV B 175/44 Giransmeti:lit au Prefet regional de Dijon des listes en triple exemplaires de Juifs qui, pour des raisons de police ct de secl1rite ... devront are arretes et transferes au camp de concen­tration de Drancy. Si I'on n'a pas retrouve les lis,tes jointes a. cet ordre, il est indeniable que ces ordres aient concerne des Juifs fran­c;ais. Divers temoignages no us permettent de reconstituer les rafles de Juifs, et uniquement de Juifs franc;ais it Hericourt Ie 24 fevrier. a. Besan­c;on Ie 25 fevrier 1944. Ces deux vi lies se trouvaient alors dans Ie re5sort

de la Gestapo de Dijon. • 11 en fut de meme, quelque temps apres, des Juifs franc;ais de la

region de Nancy. Le livre d'ecrou de la prison du Fort d'Ecrouves per­met d'indiquer que rensemb1e des Juifs franc;ais a ete l'objet de rafles

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Le 28 fevrier 19~4, it Toul, Liverdun, Pagny-sur-Moselle, Thiaucourt, Vandieres.

Le 29 fevrier, it Mailly-sur-Seille, Malleloy, Nomeny. Le I" mars, a Repaix, Avricourt, Frcmonville, Gelaincourt, Bertri­

champs, Baccarat. Le 2 mars, it Luneville, Nancy, Pont-a-Mousson, Blenod, Sorneville,

Rosieres-aux-Salines, Chaligny, Champigneulles, Manoncourt-en-Ver­mois, Xermamenil, Dombasle, Bauzemont, Vandceuvre.

Le 3 mars, it Saulxures, Flavigny, Briey. . On ne lalssa que quelques malades qui furent d'ailleurs I'objet de ra,fles posterieures it Luneville en mai 1944, it Bauzemont, Ie 18 juillet 19'14, a Nancy Ie 13 j uillet. Ces derniers furent emprisonnes au Fort d'Ecrouves et ils turent sauves de la deportation par la liberation de Tou\'

Une rafle generale de tous) les Juifs, etrangers et fran~ais, qui se trouvaient encore a Paris au debut de 1944, avait ete ordonnee par les Services allemands. Malgre les ordres venus de Vichy, les fonctionnaires subalternes de la police munkipale firent trainer en longueur la reali­sation pratique de cette operation, qui n'eut jamais lieu (declarations du Comma ire de Police Agrcge).

CHAPITRE IV

LES CAMPS DE PITHIVIERS ET DE BEAUNE .. LA .. ROLANDE

En zone nord, les camps de Pithivierset de Beaune-Ia-Rolande ont ete utilises les premiers comme camps de Juifs it la suite des premieres mesures « d'internement administratif » prises sur Irs ordres des auto­rites allemandes Ie 14 mai 1941.

M. Martin Steg raconte en cesiermes les circonstances de son

arrestation : J' habitais ie 12e arrondissement de Paris [orsque, Ie 13 mai 1941,

je ref us une convocation de me rendre ie lendemain 14, a 7 heures du malin, au commissariat de police de man quartier. L'ordre de convoca­tion ne portait que ces mots : Verificalion de situation. C omme il n'y avait pas eu encore a Paris de grandes operations dirigees contre les juifs, je me rendis sans mefiance au commissariat. La, je rencontrai plusieurs centaines de mes coreligionnaires qui avaient ete convoques dans ies memes terme'S que moi.

Des membres de la Gestapo en civil etaient presents a ['operation. Sur leurs ordres, ceux qui avaient ete convoques et qui ne se pres en­taient pas volontairement furent recherches a leur domicile.

On nous avait demande de Ti'OUS faire accompagner par line per­sonne que la convocation ne touclUlit pas. SlIr l'ordre du Commissaire de Police, cette personne se rendit au domicile de celui qu' elle accom­pagnait afin de chercher ses bagages, la piupart d'entre nous ayant satisfait d la convocation sans prendre soin de se munir de quai que ce soit. Au commissariat de man quartier, nous avons tous ete assez cor­rectement traites. j'ai appris que dans d'autres commissariats, if en est alie ditteremment.

II y avail ell au total 7.000 convocations. Elles visaienl les etran-

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gers de tous Les qUG/jiers et de la banlieue, to us jUifs au regard de La Legislation recente. C'etait la premiere operation de ce genre dans la Seine.

Nous fumes emmenes en camions jl/SqU'cl la gare d'Austerlitz, 011

nous attendaient des officiers et des soldats allemands. Des gendarmes franrais devaient completer /'escorte. Nous somflles alors montes dans des wagons de voyageurs, accompagnes par les gendarmes, tandis que les Allemands escortaient Ie convoi en se tenant sur Ie marche-pied cl I'exterieur des voitures. je crois me souvenir qu'il y eut en tout 5.150 personnes arretees, dont 2.140 se rendirent au camp de Beaune-Ia-Ro­lande et Ie reste cl Pilhiviers.

Je fus emmene cl Beaune-la-Rolande. II n'y eut aucune distribution de nourriture dans Ie train, ni pendant toute la journee qui suivit notre arrivee au camp. Nous y sommes restes debout, en attendant qlle soient ten/linees les operations d'immatriculation. Elles durerent jllSqU'cl minuit. Seuls des gardes mobiles sont restes avec nous. I! y en avait de bons et de l11auvais et certains ne se privaient pas de fa:re du marche nair avec nOlls, pllisqlle nous avions de ['argent.

Vne fois matricules nous avons ete introdllits dans les iJaraques. ~~ camp avail ete auparavant destine aul.' prisonniers de guerre. NallS etlOns les premiers juifs cl y penetrer. On ne trouvait parmi nous qlle des hommes dges au maximum de 65 ans. Les plus jeunes avaient 17 ou 18 ans. '

N ous fL1m€s d'abord parques a 210 dans une baraque. La Croix Ro~~e fran raise est passee quelques jours apres, accompagnee d'un offlCler allemand. Ordre fut donne de ne laisser que 160 hOl11mes par baraque.

Le ravitaillement efail mauvais " pois chiches, pommes de terre, rutabagas, betteraves. Ies cuisiniers etaient pris parmi les detenus. Le camp' possedait de ['eau en sUffisance, une installation sanitaire satis­faisante et, qllelque temps apres notre arrivee, on installa des douches. I.es baraques etaient au nombre de 20. Des medecins detenus oxerra:enf leur activ:te dans llne baraque-h6pital, mais ils ne disposaient pas de beaucoup de medicaments. je n'ai connaissance que d'un seul deces pen­dant les treize mois que j' ai passes au camp.

j'ai ete autorise a organis.er un service religieux, non seulement ~e vendredi, Ie samedi et les jours de tetes, mais egalement tous les Jours. Vne Thora et des livres de prieres individuels nous ont efi env~yes par les organisations jl/ives de France. I' o/ticier de gendar­mene commandant Ie camp nous a personnellement remis les objets. de piete, se preoccupant seulement de sa voir s'ils ne contenaient pas de lettres clandestines.

Comme dans tOllS les camps, c/zaque baraque avail SO:7 chef cf chaque bloc Ie .~ien, tous designes par l'ofticier commandant Ie camp.

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CeLui-ci (Hail correct avec nous et je pense que ceLa est du' au fait qu'it n'y eut pas de tentative d'evasion. Ce~end,ant, avec La: comp~i­cite des gardes, if etait faciLe de s' evader grace a quelques blllets dlS-tribues a bon escient.

Dans les premiers temps de notre detention, nous ne travaillions pas. Les jeunes faisaient du sport ; Ie camp possCdait. un f?y.er, une bibliotheque dotee .de livres envoyes par les organisatIOns Ju:ves, ~a plupart en tran/;ais. Nous avons demande a correspondre avec nos tamzl­les et nous avons obtenu satisfaction au bout d'un mois. Nos lettres etaient censurees au depart et l,es reponses a leur arrivee au camp.

Le maire de Beaune-la-Rolande venait tous les mois fa ire une visite. Nous lui avons fait demander si la population agricole accepte­rait des volontaires. On esperait ainsi mieux manger et entrer en rela­tions directes avec les membres de nos familles restes fibres. Parmi ces detaches qui vivaient seuls chez les paysans, it y eut de frequentes evasions.

Toutes les semaines, un Obersturmfllhrer venait inspecter l' orga­nisation de Beaune-La-Rolande. II n'eut jamais dt rapports avec les internes et s'en prenait aux seuls gendarmes, entrant en fureur lorsqu'il }' avait des evas:ons. .

N ous al'ons pu recevoir un colis par semaine. Au debut, tous les vivres qu'ils contenaient nous 'etaient integralement remis. Puis les gen-darmes confisqllerent les boiles de conserves. .,

138 detenlls fl1rent deportes Ie 8 mai 1942. A Complegne, if~ .ont rejoint d'autres internes venus de Potfzivicrs. La veille, des offlcl~rs allemands etaient venus au camp et avaient demande la list.e des JUJs. II s'agissail de gens qui avaient commis quelque peccadllle, a~a:en~ fait passer des [ettres en frau de et eaient pour cel~ p~n_s . ~e clnq ~ dix jours de prison. L'Obersturmfll/zrer qui ~enm~ regulzeremen.t {!

Beaune-la-Rolande assista au depart des 138 deportes. je me souvlens qu'il Naif accompagne d'un Vnterc~arsfiifz~er: Depu:s. quelque t.e~np~ deja, nOlls apprehendions Ie sort qlll nous etmt reserv.e et, ~ous etLOns impatients de nous evader. Apres Ie 8 mai 1 9't2,. notre Inqwetude gran­dit encore. Cependant, on faisait des listes (anCiens combattants, eng.a­ges volontaires, peres de quatre enfants), dans Ie but. de ~ous fmr~ croire qlle ceux qui etaient portes sur ces listes pourrment ~ch,ap~er a La deportation. Les faits demontrerent ql1e tout ala ne servazt a. r~En.

je dois cependant ajouter qu'en're Ie 14 rna! et /e 2~ ,IUIn, on a libere dell':\' c( nts anciens combattants. Ii cond'tion qu zls ~lent effec­tivement servi sur Ie front. En ce qui Ine cnncerne, C01ll:ne" e:ant ~onne

°a et Ie fo t qlle je su:s pere de qllatre enfants, Je nat servI que mon a,.,e . . . I b ' " C' t' 'e moment dans les /ormat'ons de l'arriere, je n'a l pI'"~ etc ele. es a ( . qu'eurent liell les evasions les plus nOml)/'ell,ses" quat;e cents envu;on. Le 27 juin, llne nouvelle deportaf'on conce,Tlmt mIlle detenus. lis ava,ent

7

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efe ~ris par ordre alphabelique. Apres leur depart - j'etais parmi eux - il ne resta plus .gue 350 detenus, dont les noms commenraient par W. X. Y. Z. On les fit partir pour Pithiviers.

* ** A Pithiviers, des renseignements sur la vie du camp purent etre

transmis a I'exterieur grace a des travaillcur~ civils en relations avec ceux des internes que I'on employa au travail dans divers detache­ments.

La presse de I'epoque avait voulu fairr croire que ceux des JUifs qui avaient ete internes a Pithivicrs et a Beaune-Ia-Rolande n'e,taient que des ctelinquants du marche noir et qu'i1s etaient incapable s de toute activite. « j'ai vu des Juifs travailler », Iisait-on dans Paris-Soir quel­que temps apres, Ie 14 mai 1941.

Or, sur les 1.578 internes que comptait Ie camp apres que certaines liberations eurent ete ordonnees, on comptait :

885 ouvriers salaries 189 artisans ; 70 employes ; 22 etudiants ; 43 travailleurs it fa~on ;

III petits commer~ants et marchancts forains ; 56 personncs appartenant aux professions Iiberales 99 manreuvres ; 33 petits patrons.

Repartis par' professions, les internes se c1assaient ainsi 638 tailleurs ; 66 cordonniers ; 98 maroquiniers 33 coiffe)1rs ; 29 menuisiers.

1.186 etaient maries et perc s de families de quatre, cinq, six et sept enfants. Leurs families etaient restees sans ressources.

D'apres la meme source de renseignements, les internes travaillerent volontairement, apres quelques jours d'inacfion. 800 d'entre eux avaient offert de se livrcr a une activite manuelle. 250 furent envoyes dans une raffinerie de sucre a Pithiviers.

lis furent obliges de travailler quinze jours sans interruption et ce n'cst qu'apres cette periode qu'i1s eurent droit it un jour de repos.

Ceux qui travaillaient aux fours a chaux n'avaient pas de gants et se brfilaient. les mains. 300 internes' furent envoyes au defrichage dans les marais de Sologne.

Des cours d'education, des chorales furent organises dans Ie camp.

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Les journaux collaborationnlstes s'inquieterent du trop bon ordre qui regnait dans Ie camp. Des religieuses etaient venues soigner les malades et Ie « Pilori ~ s'offusqua que I'une d'ell~s ait ose se promener avec un Juif. A la suite de cette campagne, on supprima la vi site des families. La nourriture devint plus mauvaise. L'envoi des colis fut limite aux denrees non rationnees. Chaque interne n'eut droit qu'a une lettre par mois.

Le 7 avril 1942, des officiers allemands firent sortir du camp de Pithiviers un ouvrier juif et quelques semaines plus tard, sa femme re~ut une lettre l'avisant qu'il avait ete fusille.

* ** Les familIes ayant des enfants de moins de 16 ans qui, victimes

des rafles des 16 et 17 juillet 1942, avaient ete transferees au Velodrome d'Hiver, y passerent cinq a huit jours. Elles furent alors dirigees sur les camps de Pithiviers et de Beaune-Ia-Rolande.

Le rapport de la Croix Rouge fran~aise sur ces evenements exprime la difficulte de loger cet afflux d'heberges dans des camps devenus trop petits. Ces camps etaient ambzages pour recevoir un total de 3.500 a 4.000 internes. IL y restait environ 1.500 internes juifs, pris lors des premieres mesures de mail 941.

On imagine dans queUes conditions lamentables s'y trouverent 9.000 internes qu'il lallut compresser dans deux mille places disponi­bles. On imag:ne a queUes ignobles prosmiscuites durent etre soumises femmes et jeunes filles exposees sans defense a taus les abus, a tous les sevices, a loutes les contagions, misesdalls l'impossibilite de s'isoler pour les soins les plus indispensables.

Un recit adresse au Service d'Orientation du Co mite National fran~ais de Londres donne des precisions materielles plus gran des : Deja, a quelque distance du camp, on est surpris par ulle odeur sus­peete; plus on approche, plus l' air devient infect. En ettet, dans les deu>x camps, Ie nombre de cabinets est insuffisant. J[s devena:ent vile inutilisables. De plus, la nuil, les petits ne pouvant sorlir des baraques accompagnes ,de leurs meres, avaient peur de s'eloigrier. De toutes ces circonstances, if resultait que les deux camps se transforma:ent en depOts d'immondices et que l'air etait devenu irrespirable.

On a entasse 200 personnes par baraque. On dormait sur la paille, presque toujours sans drap. Non seulement les internes etaient infestes de puces, mais les enfants etaient couverts de POllX, leurs meres n' ayant aumn moyen de les preserver.

Surtout les tOllt-petits, note Ie rapport de Croix Rouge, impos­sibilite de les laver, de les changer, de les alimenter. D'une faron generale, Ie ravitaillement etait tres insuffisant, mqis les petits en souf-

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100·

frirent tout particuUerement : manque de lail, nourrilure indigeste, etc ... ,

Diphterie, rougeole, scarlatine en atteignirent trois cents environ, et if y eut plusieurs deces.

Ce point de vue est confirme, d'ailleurs, par Ie rapport envoye a Londres :

A cet entassement et a cette crasse, s'ajoutait la famine : 165 a 200 grammes de pain par jour, un cafe noir Ie matin et delJlX fois par jour des haricots, tel Bait Ie regime identique pour les adultes et les enfants, les bien portants et les malades. Dans ces conditions, les epi­demies ont commence a se propager. A PiChiviers, la diphterie sevissail ; en quelques jours, trois enfants moururent. Les ambulances emmenaient tous les jours des mourants vers les hOpitaux .du Loiret. Six meres, devenues folles a cause des souffrances de la mort de leurs enfants, durent etre transportees dans des asiles d'alienes.

C'est alors qu'eut lieu la separation des meres de leurs enfants.

Au bout de quelques jours, indique Ie rapport au Comite de Londres, on proceda a fa deportation des femmes. A Beaune-la-Rolande, eUes tenterent de resister. II fallut feur arracher de force leurs enfants, ce que les gendarmes firent a coups de matraques, n'epargnant pas les petits. Les enfants ages de plus de 13 ans furent deportes avec les a.dultes en wagons plombes. II y eut de nombreuses tentatives de sui­cide, ont note les collaborateurs de la Croix Rouge. On signafe des cas de meres devenues /olles. Des meres, auxquelles on arracha leur en/ant qu'elles allaitaient encore, /urent deportees. D'autres, qui pres­saient contre elles leurs petits, durent eire brutalisees pour leur faire ouvrir les bras. Cas entre mille autres parmi les cris de douieur de ces meres a qui on arrache leur propre chair.

Les parents et les grands en/ants farent deportes par trains de 1.000, homl7}es, femmes et en/ants, a raison d'une soixantaine par wa­gon, sans paille ni materiel de couchage, sans fa moin.dre possibilite d'hygiene. Les wagons etaient plombes au depart et ne devaient etre deplombes en cours de route que pour les besoins du ravilaillement qui consista exciusivement en pommes de terre.

Dans de nombreux cas, ies familles ont ete separees, Ie mari et fa femme ne partant pas ensemble ; il est meme arrive que les en/ants de 13 a 15 ans soient deportes avant leurs parents.

Les enfants de 2 a 13 ans, rapporte la note du Comite de Londres, au nombre de 5.000 environ, restaient, survei/tes par quelques femmes malades qu' on avail laissees. On leur avail donne des nll melos et c' est ainsi qu'on les appelle desorma;s. L'absence des meres a (onsidcrable­ment aggrave leur sit.uation deja affreuse. Les petits, devores de vermine, macerant dans leurs excrements sur la paille dcvenue in/ecte, n'ont

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pas tarde a presenter des maladies de peau et des, u!ceres. A Beau.n~-/~­Rolande, lin en/ant est tombe dans une fosse. d a/sance et a. fa/Ill S Y

• noyer. La place faisait de/aut a l'infirmerie ou on n' admettatt que. les enfants ayant 40 de fievre. Ceux-Ia, seuls, reAcevaient. ~n ?e~ de lad.

n semblait que ces enfants auraient pu etre confles a I U. G. I. F. qui avait ete saisi de nombreuses demandes de familIes jUiv~s ?u a~yen­nes desireuses de recueillir des enfal1ts. En outre, cette assoCiation dIS~O­sait de plusieurs maisons d'accueil pour y accueillir tous ces petits. Ses efforts furent vains. Plusieurs departs par groupes de 1.000 ont eu lieu. Les enfants ant ete emmenes de Pithiviers et Beaune-la Rolande a Drancy. On les a reveilles a minuit et ils ont attendu de~x heures Ie depart. Ceux de 5 ans et all-desslls devaient porter eUtX-memes leurs

paquets.

Nous verrons it I'occasion de I'etude du camp de Draney que ces enfants ont fait I'objet de convois speciaux it destination des camps de Pologne, d'ou pas un n'est revenu.

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I

I

I' I

CHAPITRE V

LE CAMP DE COMPIEGNE

Au debut du niois de septembre 1941, la presse parisienne avair publie un communique ainsi con<;u :

Les juifs anciens combattants ayant servi dans I'armee franraise pendant la guerre 1914-1918 ou 1939-1940 devront se presenter Ie 5 et Ie 12 novembre all commissariat de police de leur quartier ou de leur c:rconscription pour faire connaitre leurs etats de service, duree de sejour au front, blessl1res, citat:ons, decorations, etc ...

Mis en confiancc, tous ceux que concernait cet avis y avaient defere, estimant que leur conduite au front leur \'audrait un adoucis­cement de leur sort et leur eviterait de subir des mesures de police. lis s'appuyaient sur Ie precedent fourni par la legislation raciale alle­mande. jusqu'au 30 novcmbre 1938, les textes hitleriens avaient prevu des derogations speciales concernant les incapacites dont etaient frap­pes les fonctionnaires, avocats et n~cdecins juifs et dont beneficiaient les anciens combattants de la Grande Guerrc.

Ce recensement particulier n'etait qu'un moyen pour les autorites allemandes de s<~ procurer une Iiste d'otages de choix. Ils s'en servirent Ie 12 decembre 1941, a Ia suite de l'entree en guerre des Etats-Unis d'Amcrique, Iorsqu'ils ch~ciderent d'arreter un millier de juifs parisiens, choisis parmi les plus notables et dont la tres forte majorite se com­PQsait de citoyens fran<;ais anciens combattants.

Ces arrestations eurent lieu au petit jour, entre trois et cinq heures du matin. M. jean-jacques Bernard a, au debut de son livre, « Le camp de la mort lente », fait k tableau de ces arrestations, operees par la feld-gendarmerie. On lui laissa Ie temps de se munir des objets de toilette et des vetements rendus nccessaires par la saison. Ce ne fut pas Ie cas de tous ceux que visait ceUe vaste operation. M. Georges

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104 ,

Holm temoigne que beaucoup de detenus aVaient ete pris soit dans la rue, soit a domicile et sans qu'on leur laisse Ie temps d'avoir, des t'etements.

. De .Ieur ,~omicile, les anciens combattants juifs sont amenes en vOltur~ ~usqu a .d.es Centres de rassemblement. M. ]'_). Bernard est conduit ~ la MaIrie du 17" arrondissement. Au milieu des vociferations on Ie fal~ entrer dans une vaste salle. A la lumiere blafarde, verte des lampes ,electr;ques. camouflees, je me trouve devant une sorte de Tri­~unal revolullOnnGlre. Debout derriere I'estrade, sept offiriers allemands .~ont 1!1l.llloblles ... fl y a vingt-cinq ou trente hommes assis sur les bancs. Le president fait I'appel, puis toutes les personnes arretees sont conduites vers les autobus, qui attendent devant Ie batiment :

Deux soldats en armes sont montes avec nous. fls restent debout, la main sur Ie fusil, prets a tirer.

Apres quelques detours dans Paris, les voitures de la T.C.R.P. se dirigent vers l'Ecole Militaire.

A l'Ecole Militaire.

Les prison~i~rs .sont immatricules, numerotes, toujours dans un vacarme de vocIferatIOns et des coups de poings de leurs sentineIIes ~1I:mandes. Puis on les pousse dans Ie manege. Nous commenrons a etre plus nombreux. De quart d'heure en quart d'heure, en effet, la lourde porte s'.ouvre .avec les mem.es grincements, laisse passer des groupes de qumze, vmgt ou trente hommes, puis se referme comme un clapel qui ne laisserait eireuler que dans un sens. On reconnait de~ personnes arretees dans tous les arrondissements de Paris. Lorsque Ie JOu~ c~mm~nce a ecJairer Ie manege sans lumiere, M. ]'_). Bernard apen;OIt am/-hauteur du mur oppose a ['entree ... une galerie itroite : sur eette galerie deux soldats allemands encadrant une mitrailleuse braquee Sur nous.

Vers onze heures du matin, Ie manege contenait environ six cents pe~so~nes, to utes franc;:aises etarretees par des Allemands. II appa­ralssatf, not.e notre auteur, qu'aueune raison politique n'avait joue dans ces aru;statlOns, et qu'on s'etait seulement efforce de choisir, dans ehaque professIOn, des hommes representatifs, des personnalites : industriels, commerr;ants, hommes de lettres, hOnimes de 10L Il n'y avail a Paris qu'un notaire jUif : on {'avait arrete. Un President de Chambre ala Cour d'Appel : on ['avail arrete. Un Conseiller a la Cour de Cassation : on ['avait arrete. La plupart etaient des anciens combattants de la guerre 1914-1918 : donc des hommes ages en moyenne d'une cin­quantaine d'annees.

Mais iI y en avait de plus vieux, meme des septuagenaires. Des Ie premier jour, i1s eurent a souffrir de leurs nouvelles conditions d'exis-

105

tence. M. j.-j. Bernard rap porte un incident dramatique : A un mo­ment un grand remous se faisant vers la porte, je m'y precipitai : je vis /;n llOmme d' environ soixante-dix ans, etendu a terre, inerte. II n'avait pu supporter la fatigue d'une marche trop rapid~, e~ait tom.be en arrivant. « Il faut prevenir », criaient des' gens. Mms ou ? QUt ? Plusieurs poings frappaient avec viguellr contre la porte fermee. Elle finit par s'entrebailler, et un soldat allemand passa la tete. On lui mon­tra l' homme a terre. /l regarda, baragouina quelques mots et referma la porte brutalement. « Qu'a-t-it dit ? - Que nous n'avions qu'a cher­cher un' medecin parmi nous ». Alors un appel se repercuta d'un bout a l' autre du manege: « On d.emande un medecin. Y a-t-if un medecin ? » Deux homllles accoururent, se pencherent sur leur compagnon d'infor tune, l' auscuiterent, Ie palperent, se releverent rassures : l' homme viva:"t. M ais que pouvaient-its pour lui, enfermes, prives de tout ? /ls deman­derent des couvertures. On en etendit trois ou quatre sous lui. Une autre fut roulee sous sa tete. Il resta ainsi deulx heures, evanoui, Ie teinl blanc ...

Dans les heures suivantes, Ie groupe des )uifs franc;:ais anciens combattants s'accrott de quelques )uifs et~angers, ramasses dans la rue ou au restaurant pour completer Ie nombre exige et que les rafies a domicile n'avaient pas procure. .

Dans la soiree, vers 17 heures, parait Ie lieutenant Dannecker, a qui est devolu, par les hautes autorites de police allemande Ie s~in

de decider en France, et particulierement a Paris, du sort des JUifs. Il penetra dans Ie manege en vociferant, a note M. J.-J. Bern~rl1

Je n'ai jamais entendll hurler comme ce jour-lao Chaque Alleman~ a la ~Uitf du lieutenant Dannecker vociferait a se briser Ie goster. Il fit renvoyer a leur domicile un medecin-auxiliaire et un .i~firmier, arre-tes au Val-de-Graae, pour q.u'ils puissent se mettre en CIVIl. .

Plus tard, dans la soiree, la porte du manege s'ouvre et les pn­sonniers aperc;:oivent des autobus dans la cour. Des soldats allemands font ranger les sept cents personnes arretees par rangs de cinq de cha­que cote du biltiment. Apres trois heures d'attente, on forme des grou­pes de tn~nte. Chaque groupe correspond a la charge d'un a~tobus et l'embarquement se fait, pendant que les soldats allemands voclferent et attrapent par les poings les trainards. .

Arrives a la gare du Nord, les prisonniers montent dans Ie tram qui va les conduire a Compiegne au milieu des cris et .des coups. Com­bien de nos compagnons rer;urent alors coups de pled ou coups de poing ! Aucun menagement, meme pour les hommes ages au infirmes -if Y en avait qui peinaicnt a marcher ou a porter lfUrs bagages. "!ous avions affaire a des soldats ayant perdu toute retenue, et eela tO~Jo.urs pour ccUe raison que je commenr;ais a demeler : les. soldats etalent terrorises.

Page 57: La Persecution Raciale

Ion ,

Dans l~ .wagon oil monte J.-j. Bernard, un des occupants eiSt vio­lemment salS) pa r Ie ~)ras par un officier allemand. Celui-ci Ie precipite avec rage sur Ie qual. pour ne pas avoir compris qu'i! doit laisser une place Iibre a un soldat de J'escorte.

Ap~e~ PI.usi~urs heures de voyage, Ie train s'arrete a Compiegne. Les voclferatlUns rrprennent et Ie cortege des internes se met en route vcrs .le camp. Malheur a ceux qui trainaient : Us risquaient Ie coup d{' p:ed ou Ie coup de crosse. r ai dil qu'i! y avail des vieillards et des infirmes . ./'ai vu des hOl71mes tomber ... comment tous ces hommes arri­ve~{'nt-,i1s a~ bout? Les viellx montrerent, il fallt Ie dire, une extraordi­na~re ener?le. Qu'on songe qu'il y avail quinze hommes de plus de sO/xante-dlX ans, un homme de soi.xante-dix-huit ans un autre de quatre-vingt-deux ans. '

Au bout d'unc heure de marche, on fut en vue du camp de Royal­lien.

Le Camp de Royallieu.

Apres avoir traverse en entier Ie camp de Compiegne, les prison­niers penetrenf dans la baraque qui leur etait reservee. lis y furent it quatre heures du matin, vingt-quatre heures apres avoir quitte leur domicile. Leur premiere nuit se passa sur la paille.

Le camp etait organise de la fa<;oll la plus classiq:2e. Le secten occupe par les detenus juifs se composaJt de huit batiments blancs, couverts en tuile, surveilles a chaque extremite par une sentinelle en faction sur un mirador aupres d'une mitraillcuse. La nuit, deux pro­jecteurs balayent Ie camp.

Les occupants etaient alors de deux catcgori~s : tout d'abord les sept cents personnes arreh~es dans Paris, puis trois cents eirangel1s, detenus depuis Ie mois d'aout et qui avaient ete amenes de Drancy it la Gare du Nord, pour completer Ie convoi d'un millier.

Les conditions de vie parurent dures les premiers jours. En ce qui concerne la nourriture, M. J.-j. Bernard note : Notre ordinaire se cOl71posait .d'une soape a midi, et nous touch ions Ie soir un quart de bOllle d{' pain avec un petit morceau de margarine. Sauf Ie jus, dont on ne fut iamais avare et qui trompait un instant la faim en remplis­sant d'eoll' chaude l'estomac, c'etail tout, en principe, pour vingt-quatre 'mITes. Parfoi" une petite cuilleree de confiture s' ajolltait a cet ordi­naire. C'etaient les fOllrs fastes. M. Georges Holm depose: La nourdure du camp consistait en une seule soupe par jour; cette soupe eta:t faile Pll" fes internes puxquels les Allemands passaient chaque jour dans une voitllre a bras la quantile de legumes (rutabagas, navets, etc .... ) corres-

107

po.'ldant a une ration de 200 grammes par tete et Ie bois necessaire pour (aire la soupe. Nous avions egalement 7 grammes de maliere grasse et 275 grammes de pain. On nous donnait en plus, malin et soir, un /iquide clzaud, genre de tisane.

AU debut de I'ouverture du camp des Juifs, les communistes, ayant touche suffisamment de legumes, proposerent aux mille nouveaux hates du camp de leur envoyer une soupe Ie soir. .

Je dois dire que Ie commandant du camp ne se montra pas inhu­main, dit M. J.-J. Bernard, ,et donna son consentement. Trois jours de suite, nous beneficidmes de cette soupe suppiementaire. Puis nous appri­mes qu'elle etait supprimee. La Kommandantur de Compiegne, mise au courant, avail interdit cet adoucissement comme contraire au regime des camps de represailles.

Ces internes etaient en effet des victimes innocentes des repre-sailles allemandes priselS it l'occasion des attentats commis a Paris contre des officiers de troupes d'occupation. Leurs conditions d'interne­m{'nt etaient donc fixees en. consequence. Les conventions de Geneve ne les protegeaient pas. M. Henri Jacob ecrit: Nous etions mi~ au secret Ie plus absolu possible et nous ne recevions ni lettres ni COllS.

L'alimentation insuffisante reagit vite sur ces internes dont la plu­part etaient d'age eleve, et souffraient de la vessie. A cela s'ajo~­taient les boissons chau.des, La soupe aux caroites et surtout Ie frold qui n'etait pas encore viI, mais ~ui ne cessa de croitre ~t a~issait s~r les reins. Une premiere visite medicale eut lieu en plem air, passee par des medecins internes, qui presentaient ensuite les indiv.i~us r.e~e­nus au medecin allemand pour decision definitive. Cette deuxleme Vls)te se passait egalement en plein air. Le medecin allemand de va it' avoir des ordres severes. Son tri fut impitoyable. II ecarta presque tout Ie monde. Seuls furent reserves quelques dechets humains ... A ['un de nos compagnons qui lui signalail une affection qui devait d'ailleurs Ie con­du:re a l'infirmerie, if repondit de son air Iroid : « Bon pour la Rus-

sie I ». II y eut donc tres tOt de nombreux cas de d~tresse .physique.

Olland Ie /pndema.·n Oll Le surlendemain de notre tnstaliatlOn, rap­porte M. J.-J. Bernard, les chefs de clzambree ~'inrent noUS d~mander de laire une liste des objets indispensables qUI nous manqument, . un de mes c(Jl11pagnons, assis, sombre et renfrogne, sur une botte de pa:ll~, s'ecria avec mauvaise humeur : « Un pot de clzambre ! » .. ~ II s.ouffralf d'une cystite. Ce fut jllge insuffisant pour Ie renvo.yer chez lUI ... II se relevait quinze ou vingt lois la nUlt. II ffni! par urzner du sang. Alors on Ie transporta d'urgence a I'hOpilal. Il y mourut. . . .

. Quant it ceux qui n'etaient pas victimes du froid et de la sous~ah-mentation, i1s souffraient violemment de constipation et d'ocduSlOns

intestina\es.

Page 58: La Persecution Raciale

108 ,

A l'interieur du camp depose M. Georges Holm, les internes n'etaient soumis a aucun travail. Les Allemands n'exerfaient d'autre surveillance que la garde et deux nppels par juur. Ccs del/x appel>' etaient d'ailleurs 0xtrcmement penibles. I1s se passaient, quelles que soient les in temp eries, pendant une duree minimum d'une denu-heure et quelquefois allant jusqu'a deux heures. Des hommes tombaient par­fois de froid et certains sont morts peu apres.

Les raisons de la longueur des stations en plein air residaient dans Ie fait que Kuntz (Ie sous-officier allemand commandant Ie camp) avail, aux dires de M. J.-J. Bernard, fixe les deux appels quo­tidiens a neuf heures et a dix-sept heures. Cela pour les quatre camps a la fois. Comme if finissait par Ie nOtre, apres avoir controle succes­sivement Ie camp amerlcain, Ie camp russe et le camp poUique, nous restions rassembles dehors d'une ,demi-heure a trois-quarts d'heure et par n'importe quel temps. Ce fut une de nos premieres souffrances. Tant que la temperature' demeura clemente ce ne fut pas grave. Mal­heureusement, cela ne dura pas. Et jamais nous n'obtinmes que les rassemblements eussent lieu dans les bdtimeTlts. Nt Ie froid, ni La pluie, ni la boue, ni la neige n'y change rent rien. Deux {ois par jour, nous nOlls rangions devant nos bdtiments sur cinq files. Les deux soldats venaient d'abord et nous comptaient minutieusement. Par­fois ils se trompaient, car les hommes geles par l'impassibilite avarent derange l'alignement en tapant du pied au mcme e.n bougeant un pell pour se rechauffer. Alors c'elaient de' grands cris, des insultes. L'un de nos escogriffes lanfa un jour cette apostrophe qui nous fut imme­diatement tradaite par ceax de nos eompagnons qui comprenaient l' alle­mand : « On dit que e'est des gens intelligents et c' est bete comme des cochons » !

M. J.-J. Bernard narre un de ces appels qui entrainerent la mort d'hommes. Seuls les mala des dument autorises pouvaient ne pas sortir a l'appel. Or, un jour, if manquait lin homme. On nous compta quatre ou cinq fois dans tous les sens : il manquait toujours un homme ; Kuntz dedara que nails resterions rassembles jusqu'a ce qu'on I'eut retrouve. Puis il ordonna de faire sortir taus les malades. Je vis sortir des viellx, elllmitoufles, des infirmes appuyes sur deux camarades. f' en vis mcme qui ne pouvaient pas marcher, souffrant des pieds, partes ados d'homme. Nous restdmes ainsi line heure dix. II faisait 15° au­dessous de zero. On finit par decouvrir que l'homme recherche etait a l'infirmerie ... Quelques vieux payerenf cher cette brimade inutile. Deux au frois moururent dans la semaine qui suivil.

La vermine contribua egalement a rendre difficile la vie au camp de Compiegne. Nous n'etions pas a RoyaUieu depuis qulnze jours qu'il y avail des chambrees au I'on se grattait ferme. On commenfa donc a parler des pOUIX. Notre bloc, au if y avail peu de Dranceens, se

109

Mats tout ie camp finit par etre defendit plus longtemps que les Gutres.

infeste. 'billte de iutter efficacement. Ni dou-Nous n'avions aucune pOS~I. f t' La lutte individuelle etait La

. 'de desln ec zon. clles instaltees, III servIce. I f ol'd qui ne cessail d'augmenter,

. '1 y faumt par e r . seule possible, mals I , t: t soir pour inspecter son Lznge.

, . se mettre nu ma .n e ' ~ I un certazn cour~~e . . . les Allemands deciderent de hr~ler a Devant la gravlte de la sItuatIOn., t ' depuI's plus d'un mois, a leur

II . aient les In ernes , ' paille sur laque e VIV . b ce changement eut lieu a la ml-donner des lits (selon M. Henn ~afco. 'I douche et it faire passer tous

. 2) .' nvoyer les Jut s a a , . janvier 194 ,a e . I"t e Cependant cette operation ne

t I rs bag ages a e uv . , leurs vetements e, eu "La meme charrette qui avail e~porte donna pas les re,sultats esperes·

d, . f fl'on aMi! ramene peLe-meLe Les

, 't ts a La eszn ec pele-mele les ve emen 't ents se reinfectaient sur La char-

, . f t' Ainsi Les ve em vetements deszn ec es.. entrerent donc avec des poux. rette. Ceux qui elaient partls sa.ns poux r

L'hiver au camp de Compiegne

ent de I'hiver des secours de la Croix-II y eut bien, au. commencem . nier~ juifs qui n'avaient pas

Rouge. Destines untque.men~1 a~.~ ~:I:eo; repartis entre tous les prison­droit aux colis, ces envOiS co ec 1S

t d chacun se limita it un biscuit,

niers du camp. En sorte que la par e deux morceaux de sucre.

une demi-orange ou . . ~ I d'tenus M Henri Jacob depose: Le froid atteignalt ble~tot es e n'cor~ actuellement. A I'infir-

. d I' dont Je me ressens e l' eus les pIe s ge es, t juifs internes comme nous, merie nous etions soignes par des doc eurs

, , . t . comme medicaments. mais quI' n avazen nen [' faisait aux orteils ouverts

Aussi, a dwque panse.ment que 0: ~~iS en mars, je fUS pris de qui s'infectaient. je tom~azs en. SYflC~~ ~vacuer sur l'hopital. dysenterie a form.e typhl~ue qlll, m~ :~fro abLe par su:te de cette famine,

L'etat sanitalre du camp etad J y. 'amais noUS debarrasser. du froid et des poux dont nOllS ne pOuvLOns J

Tres nombrewx etaient L~s morts;, t ient astreints a aucun travail epui-pourtant tous ces detenus n e a. une duree d'un mois que

r T 'avait pas attemt encore sant. Leur cap IVI e ~ tt ulation composee en grande par-la mort faisait des vldes dans ce edP~Pd' e Ja mort de' I'auteur drama-

~. M J J Bernar In Iqu . . tie d'hommes ages. ., ,-.: debut de fevrier 1942, comme Ie cm-tique Arnyvelde (Andre Levy), ~'t 't le commencement de l'hecatombe. quieme ou sixieme de ce camp. M> e atl

l t cite en suite Ie cas de cteces

C mp de 1 a .or en e » . . )}autel1r du« >3. d t Le premier homme, dlt-Il, .. ts de faGon fou royan e. ,

de pnsonmers mor . "envo e a l'llopital etait un jetne f!.ar~on ql~l qui mourut sans GVozr ete, Y '11 est vrai qu'tl etalt fut emporte brusquement par une pneumome .

Page 59: La Persecution Raciale

110

impossible d'hospitaliser les internes juifs dans l'h6pital du camp q . t

.t Ul ne compor al pas de places prevues pour eux, et que c'etait une veri-~able ~uesti~n de conscience que d'admettre tel malade, quand dix mternes etment egalement atteints.

On en venait meme a envIer d'etre puni de prison. Quefques-uns dr: nos compagnons ?J firent un sejour. Au lieu d'un quart de boule par vI~gt-quat~e heures, on touchait la boule entiere, rien d'autre. Mais la prtson etmt dans fe cam~ des politiqllcs. Et ceux-c' , ' nngeaient pour a~porter deux fOls par Jour de la sOllpe aux prisonniers. L'un d'eux dtsait en revenant: « Le seul ennui, c'est qll'on avait plus froid. Mais o.n a m~nge ». Les autorites allemandes se deciderent finaleme:1t a auto­fl,ser, sinon les colis del vivres, du moins les colis de vetements. C'etait d autant. plus ~rg~nt q.ue, selon M. Georges Kohn, beaucoup de dete­nus avment ete prts soli dans la rue, soita domicile et sans qu' on leur faisse Ie temps d'avoir d~s vetements. Certains d'entre eux n'avaient pas de pardessus, malgre la saison et ils allaient a l' appel COllverts de COll­vertures. Dans Ie courant de janvier, les Allemands interdirent cette maniere de faire et ceux qui n'avaient pas de pardessus €taient obliges d'aller a l'appel tels qu'ils etaient. Ce n'est qlle Ie 12 mars 1942 que Dan­necker, SS Hauptstllrmfiihrer dll service dll 31 de l'a(Venue Foch est venu au camp, accompagne d'une deli!gation. J[ y eut un rassemblement general et Dannecker demanda qllels etaient les internes qui n'avaient pas de pardesslls.

Cependant, I'insuffisance du ravitaillement en charbon intensifia la mortalite, contre laquelle, au surplus, n'existait aucun moyen preventif. M. Georges Kohn declare que les Allemands refuserent de laisser ins­faller une infirm erie et on ne put constittter, dans une chambre qu'on evaclla, qU'Ull « depOt d'eclopes ». Les fits se touchaient, la salele efait repollssante, aucun medicament et presque aucun instrument de soins. Les scenes de detaillance physique se succedaient. Us hOInmes dit ;\t ).-1. ~ernard, qui tenaient etaie'llt surtout des jeunes - et ellcor; pas Ii'S tOl~t /('un!'s, Ci'lX, qai avaient line cOllstitutlon particlllierement forte, 011 ~1l1 avarl'nt ell III chalice d'Nre /lien ravitailles. Mais if ne se pas.sait de .loa.: Silll, que, dar/)' !lotre cll([lIIbree, ['un de nos compagnons s'efton­(~ra:. (~/fLlIll:' :'~st:lIelll. quelques jours a [,infirm erie dll camp ou, ce qui elm! mteux, a [ tnftrmerte russe. D'autres ne revenaient plus.

Aussi les anatomies des internes ctaient-elles peu difterentes de celles des detenus des camps d' Allemagne, au moment de la liberation de 1945. lis n'avaient plus, au sens Iitteral du terme, que « .Ia peau sur les os. » •• comme M. J.-J. Bernard eut I'occasion d'en faire I'experience su~ 1~I-melJ1c .. Cel,x de mes compagnons, ajoute-t-il, don! je pouvais vO,lr I anatomIc au lavabo OIL a l'infirmeric, n' etaient pas moins dechar­TIes. Dans ~e longs bdt.ons qu'etaient les jmnbes, les genoux, plus gros que (es elllsses, formatent une protuberance, evoquant ces populations

111

fameliques des lndes ou du Centre A~ricain dont les chairs eo~/~~t aux squelettes. Les coudes saillaient parelllement sur les bras efttles. Les cOtes les clavicules, les omoplates semblaient pretes a crever fa peau,

Les {esses n'etaient plWi qu'un peu de chair ridee. 350 etait une temperature normale au camp et on n'autorisait pas

[,hospitalisation. Les dcces succectaient aux dec6s. Une trentaine d' /zommes avaient

deja paye de lellr vie la fatalite d' etre Juifs, ou pLutOt, he/as ! po~r mieux traduire les sentiments de la plupart d'entre nous, Ie seul fat! que fa France fat vaincae. Le massacre des innocents comme~~ait. l'!0n ~oint un massacre brutal et avoue, !mais la destruction frOlde, methodtquc,

con~ue par des bureau!>: specialises... .' Des Izommes arrives en bonne sante, etaient an beau Jour emportes

a l'lnfirmerie, fie~reux, delirants, ayant perdu la tete. Je vis partir, ain~i deux de mes camarades de chambree qa: ne savaient plus ce qu'lls dl­saient : to us les symptOmes .de La demence. L' un .d' eux mourllt. eet lzoTT/me avail simplement ell faim. Tl eta it mort de faim.

D'un autre detenu, M. J.-1. Bernard decrit la fin en ces termes : J[ donnait ce soir-la fimpression de tenir l11erveilleusement. « Ell voila un qui ne fLanchera pas. J[ pass era 0 travers l' orage ~v,ec son bOll sou­rire ». Hllil jours apres, nous apprimes sa 1110rt. Ar:I~~, ,sou,s ~es appa~ rences tegeres, jusqu'd l'extreme limite de ses possstbtlites d eXistence, tl s' etail eftondre d'Ull coup. On l' emporta d' u~gen~e iI l'i~~in~erie ,dU camf russe Oil une congestion le terrassa. Les llledecms de L mftrmene pass(-

rent loute une nuit a Ie disputer a la mort .. Sur Ie millier de Juifs rassembles a Compiegne en decembre 1941,

bien peu jasque-La €lalellt partis, sauf line quinzaine de ~lu: de ,65 ~ns et quelques grands malades, liberes en decembre, Une dlzatne, a pellle,

avaient ete rappelcs illdiJliduellement. Les internes ages de plus de 55 ans devaient etre, selon les rl'-

meurs Iiberes dans Ie mois de fevrier. II n'cn fut rien, , Enfin, Ie 13 mars 1942, apres un hiver terrible et .une hecatombt

considerable, les Allemands se dedderent a Iiberer des detenus, au nom­bre de 130, dont reiat physique etait des plus precaires et dont la plu, part figuraient sur une Iiste etablie depuis deux mois e.t oenll .par h. mMecin allemand. Pour beaucoup d'hommes de cette llste,. ecnt J.-J Bernard la liberation vint trap tard : Ull certain nombre €tawllt morts. QueLqlle~-uns mOllrurent chez eax. L'auteur du « Camp de la Mort Lente » lui-meme, etait, a son retour, scion I'appreciation. de son (rere Ie' professeur Leon Bernard, dans l' etat au se troallent les grands , typhiqlles.

Page 60: La Persecution Raciale

112

L' evacuation du camp.

Trois jours apres la liberation des grands mala des les h d I d " Vlllmes e

p ,us. e 55 ans furent avises qu'ils allaient etre liberes. Leur depart est decnt dans un rapport avec I'annotation « confidentiel N° 665 I Comm' . d P r " '», que e

Issalre e 0 Ice de Complegne adressait au prefet de l'Oise, Ie 20 ma.rs 1942, sur Ie transfert des Juifs encore internes au camp de Royalheu sur Ie camp de Drancy.

/'ai l'honneur de vous rendre compte que Ie 19 mars 1942 . l de~ande des auto rites allemandes, 178 JUifs ont (He transferes ~a~ fe~ S~I~S ;de 100 gendarmes franrais du camp de RoyaWeu a Paris pour etre dmges ensuit~ sur fe camp de Drancy (Seine).

Ce convOi a. par~ourtl les arteres exterieures de fa ville sur une dis­tance de deux ,kLlome~re~ et demi environ, qui separe fe camp de la gare.

Les 17R detenus etG/ent enchaines deutX par deux et en cadres par les gendarmes franrais.

. /Is sont .restes en station une demi-heure environ Place de la Oare ou se trou~G!ent environ 200 curieux parmi lesquels de nombreux parents (femmes, filles des detenus).

. En, !fen,era!. c~s JUifs paraissa:ent assez deprimes, sans qu' on puisse dl~e qu Ll s aglssmt de personnes se trouvant dans un extreme etat de fmblesse.

. .Beau,couP.d' entre ~u~ arboraient a la boutonniere les insignes de la Le.gLOn d Honneur (oftlClers et chevaliers) et ceutX de la Medaille Mili­tmre et de fa Croix de Ouerre.

. . /Is mangeaient avec avidite des morceaux de pain, qui leur etaient 1 emls par lellrs parents.

A .un certain moment, sur Ie quai de la gare, ['un des hommes qui se trouvmf da~s le convoi m'a demande fe nom du Procureur etdu Presi­de.nt du Tnbunal de Compiegne ; je lui ai demande a quet' titre if vou­laL!. aV~lr ces re.nseignements. /I m'a repondu : « C'est parce que je suis mOI-m~me. m~glst~at ». Invite a me preciser son nom et l'endroit ou i1 e.xerraa, zl '~ a repondu : « Je suis monsieur Laemli, Conseiller a la Cour de Pans, c'est moi qui ai preside Ie proces Weidmann» puis re­g~rda,n~ dans fa. ~irecfion ,de son bras enchaine et IlOchant I; tete,' if a aJoute .. « Et vO.la, malgre cela je reste toujours Franrais ».

. Un Instant plus tard, une personne a tendu deux barres de chocolat a cet h(~.,,!me. S~n com~agnon de chaine s' est empare avec prec'p:tation de ce p ~<;ent,. f a serre contre lui en disant : « C' est a moi, c' est pour mOl; tn rmson de ces constatations et de l'avidite glolltonne avec laquelle ces hommes mangeaient tout ce qui leur efai! tendu on 1"-Pres' "f 'f' , a 1m ,5'01' 'til I S ,q meni aftames.

L'em')urquement s'est effectue dans un ordre parfait et, a 16 h, 30,

113

It's quatre wagons 1 eserves, dalls lesquels avaient pris place gendarmes ef defenus, ant eie accroches au train de Paris qui est parti a 16 h. 58.

AucU/ll; manifestation ne s'est produite, pas plus sur Ie parcours qu' en gare. Les persollnes qui se trouvaient sur Ie parcours consideraient ce triste cortege avec commiseration, elles ne formulerent aucun com­mentaire.

Les mains de 55 anf, au Hombre de 564, furent deportes Ie 27 mars 1942, dans un cunvoi COrilplete par 567 hommes venus de Drancy. Ce fut Ie premier transport en jlrection des camps de Silesie : il se dirigea vers Auschwitz.

I.e camp en 1942 et 1943

D'autres Juifs turent internes au camp de Royallieu au cours de l'annee 1942. lis navaient pas ete arretes pour leur qualite raciale. mais ia prevention de del it politique qui pesait sur eux etait parfois tres fai­ble. Ce fut Ie cas de quelques jeunes gens de Nancy. La mere de l'un d'eux, Mme S. Nathan, decrit ainsi son arrestation: II y eut dans rete 1942, une rafle dans Ie quartier Saint-Sebastien, operee par des forces .Ie la Wehrmacht et qui visait a rechercher les refractaires au S. T. O. En tant que jui!, mon fils n' eta it pas vise par cette mesure. Cependant sa curiosite l'avait amene avec quelques calnarades a regarder Ie derou­lement ,de ceite operation. On m'a rapporti que, designant mon fils Robert, quelqu'un de mal intentionne aurait dit a un allemand: « Tenez en voila encore un ! ». Mon fils fut arrete, emmene a Compiegne, puis /L Draney d'ou il fut deporte.

Le Docteur Drucker donne son temoignage sur la vie de ces Juifs a Compiegne, dans I'ete 1942 : f' ai passe res mois de mai et de juin au petit camp « C », reserve aux Ju;fs.

Dans ce camp, nous avons subi .des seviees de toutes sorles : la faim, Ie manque d'hygiene, appels interminables, coups, vermine, chiens­loups de garde particulierement feroees, interdiction .de communiquer avec ['exterieur, interdiction de recevoir des colis. Nous vivions dans la terreur perpetuelle. Arrivages de Juifs de Draney, de Pithiviers, retours a Draney, retransferes a Compiegne. De sorte qu'au bout de deux mois, la cachexie' et les maladies s' emparaient de la plupart,des detenus. Une infirm erie tres sommaire oil if manquait les medicaments les plus ele­mentaires.

Les sous-officiers charges de ce camp juif etaient deux brutes infa­mes qui passaient leur temps a frapper. a vociferer et a nous rendre la vie intenable. .

Le medecin-capitaine allemand, charge comme inspecteur de notre infirmerie, venait, presque to us les matins, nous or.donner d'examiner taus

8

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r--­I

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les malades dll camp, a/in de lui presenter les cas les plus graves, sus­ceptibles d'etre eVaC/ulS a /'//l5pilal.

Mais ceei n' (Hait que comedie, car il retusait syslematiquement l'hos­pitalisation de ces malades. Ce midecin a/l.emand ne cessail, d'ailleurs, de nous montrer sa haine et tout son mepris pour les fuits, et, iz maintes reprises, quand nous lui demandions d'autoriser /'evacuation d'un grand malade, il repondait : « Tllez-vous entre vous, comme fa on dum la paix » ...

Le 5 ou Ie 6 juin 1942, un appel qui durait une journee entiere, pen­dant lequel un triage etait fait par les sOlls-officiers du camp, et, Ie soir meme, plus de 1.200 fuifs ont ele parques dans les ecuries du camp et Ie lendemain all petit jour, loute line section de Felgendarmes falsait son entree dans ie camp. Les 1.2,00 camarades, par rangs de cinq, parmi lesquels if y avail au moins 500 malades, tunent amenes iz coups de crosses iz la gare de Compiegne et deportes,

Le lendemain, un autre groupe, apres un nouvel appel, a ele amene iz Drancy et, dans ce groupe, se trouvaient Maitres Ullmo et Montel, avo­cats a la Cour d' Appel de Paris et un autre groupe, qui est reste, a ete transjere de ['autre cole des barbeles, dans ce qu'on appelait Ie camp « A » des politiques.

Ie me trouvai dans ce dernier groupe ; nous etions to us plus 011

moins cacf?ectiques et avons ete soignes par les camarades midecins de . ce camp.

Le camp « C » juit de Compiegne a ete supprime Ie 6 jllillet 1942, date a laquelle la prremiere deportation de politiques a eu lieu. Dans cette .premiere deportation de politiques au nombre de 1.200, se trou­vaient cinquante fuifs, meles aux autres, parmi lesquels Ie docteur Pe­cker, de Caen, Indictor, coiffeur a Caen, Lehmann, de Cabourg, mais origillaire de Sedall, et d'autres camarades dont Ie nom m'eclwppe ...

Dans Ie camp « A », nous avions comme chef Ie docteur allemand Fortwangler ; dans ce camp, if avail une attitude moins brutale. Nous etiolls restes Ull groupe illit de 18, separes des autres dans Ie bloc, portant r etoile jaune. Parmi ces 18, se trouvail Ie Orand-Rabbin Oins­burger, de Bayonne. Nous avons ete autor:ses a recevoir des colis et a correspondre deux lois par mois, comme les autres. A ce moment, les detenus du camp « A » etaient consideres comme des otages et nous avons compris que ce groupe de 18 fuits, dont je taisais 'partie, elait maintenu la comme otages.

Le lor aout 1942, un groupe de six personnes a ete amene dans notre camp, de la prison de la Sante, parmi lesquelles if y avail cinq fuifs polonais dont un medecin, Ie Dr Burstyn, originaire de Lodz, un journa­lisle du nom d'Adler, et mis avec nous. lls etaient lous dans un etat lamentable. Notre groupe juit comptait donc 23 personnes iz ce moment.

Le 11 aout 1942, a 2 heures du malin, nous devinns (Illoir la preuve

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I . amarades H'I/U, de la Sante, doni .de notre qualite d' ot~g;s;ll:~~iSese:l~i~in sommeil par des SS venus. el1 Ie Dr Bllrstyn, ont ete , I aillasse et amenes iz UIle desttna­[Illtobus, brutalement arraches d: ell~ .fs av~ient ete !llsilles Ie lendemain tion inconnue. NOllS avons apprts qll I

au Mont Valerien ». I 'nce au milieu de deux

Le Dr Drucker parle egaleme~~ de a ~r~see M~rseille et arrivees a mille personnes ar~etee.s dan~ie de l~~~ ~~~fS. Vers la fin du mois de Compiegne Ie 26 Jan:ler 19 t ele transferes a Drancy, d'0I1

, 1943 les 650 'lilts de ce camp on mars,. . ils ont efe deportes deux jOllrs apres . . 'f du camp « A » comportait 90

... Le 26 mai 1 943, notr~ groupe Jlll e'te' an1ene's a la gare de Com-6 . air nous avons

personnes ... Le 2 n: a1 all S , ao iz bestiallx plombe, escortes par piegne et embarqlles ~ans lin wa"'d n ( (on inconnlle. Apres 18 helll'cs des gendarmes franfGls vers line es ma I

de voyage, nOlls sommes arrives iz Drancy.

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CHAPITRE VI

LE CAMP DE DRANCY

]usqu'en aofit 1941, Drancy n'etait, pour tout Ie monde, qu'une com­mune de la Seine dans I'arrondissement de Saint-Denis, dont la popula­tion s'elevait a une dizaine de milliers d'habitants. Aux enVirons de 1936, la legion de gendarmerie de la region militaire de Paris y fit cons­truire des bAtiments en forme de gratte-ciel pour Ie casernement des militaires et officiers de cette formation. Ces hautes batisses connurent, dans l'hiver 1938-39, une certaine popularite. La presse se fit l'e,cho de l'inconfort qui y regnait. Les canalisations de chauffage central avaient eciate et ces constructions etaient pratiquement inhabitables.

Pendant la guerre de 1939-1940, la caserne de Drancy et ses annexes furent utili sees comme camp d'internement de communistes, gar­des par les gendarmes loges a proxirriite, Les Allemands utiliserent en suite ces locaux comme camp de passage de prisonniers de guerre. Lorsque ceux-ci eurent ete envoyes dans les stalags ou oflags d' Alle­magne au commencement de l'annee 1941, les bAtiments de Drancy fu­rent libres et les autorites d'occupation eurent !'idee de les transformer en un « ]udenlager », ou devaient etre rassembles tous les ]uifs de zone occupee arretes par les Allemands. Ce camp se transforma bientot en un « Abwanderungslager », ou camp de depart. En principe, c'etait la qu'etaient detenus les ]uifs de France en attendant Ie jour de leur depart en transport pour une « destination inconnue », c'est-a-dire pour les camps de la region d' Auschwitz, en Haute-SiJesie .

• *. Drancy n'affecte pas les apparences exterieures du ciassique camp

de baraques. 11 se presente sous la forme de trois batiments en ciment arme, disposes en equerre sur les cOtes d'une cour rectangulaire. Cette

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COllr etait faite, pour reprendre la description qu'en donne Mme Denise Aime (I), dans son livre Relais -des Errants (p. 77) d'un sol bossele, irregulier, plein de saillies et de creuox au stagnaient souvent des mares, et entierement couverte d'une sorfie de poussiere de charbon· Seul, Ie cOte droit restail fibre pour la promenade ... Au milieu se trouvaient des carres entoures d' autnes barbeles dont je ne compris I' usage que plus tard ; sur Ie cote gauche, se trouvail une altee etroite disponible, Ie reste etant barre de longues auges Oil les femmes pouvaient laver leur linge. En/in ... une baraque coupait la COllr dans sa longueur, el servail tanlOt a la fouille des arrivanls el des deportes, tanlOt au depOt des pates ali­mentaires que les internes, en longue file venaient - grace a llne faveur toute recente - apporter pour les faire cuire... La cour, comme on l'imagine, etait Ie centre de toul : rue, place, carr'Cfour, antichambre et forum a la fois.

Sur quatre etages, les bdtiments entouraient la cour. Au rez-de­chaussee, toute Faile gauc/ze etail occupee par les cuisines, les c1zambres d' epluchage et de lavage des legumes, les reserves ; toute l' aile droite que longeail une arcade, par les bureaux du camp: plwrmacie, dispen­saire, service social elzarge du contact indirect avec les families, des demandes de vetements pOllr oeux qui arrivaient dhlluni,)' de tout, ser­vice des effectifs charges de tenir constamment a jour les listes des detenus, de preparer ceUes des deportations, bureau militaire ou l'on exalllinait les papins des IWI/l/lles et leurs etats de service dans ['annee (au debut, cela avail une certaine importance, au moment des deporta­tions, d' avoir bien fait son devoir ; en suite on ne s' en occupa plus et il y eut meme de grands /Ilutiles deporUs), bureaux administratifs, vaguemeslre (p. 75 et 76).

Lotsque Mmc Aime arriva a Draney" a Noel 1942, Ie fond etroit du rectangle constituait I'infirmerie, qualre etages de petits apparte­ments reunis a r arriere par de longs balcons ... L' amenagement interieur en etait a peu pres termine, du moins quant aux planchers, plafonds, installations sanitaires. Heaucoup plus inachevees, les deux longues ailes taterales se composaient chacune de dix escafiers desservant une piece unique par palier ... On n'y rencontrait pas deux chambres pare illes, je devais Ie constater par la suite ; pour ['instant, je ne voyais de ces c1wmbres que les verrieres, dont certaines a demi-bouchees par de vieuox journaux ou des cartons. Quant aux escaliers, je ne tardais pas a apprendre cOl11bien leur numero avait d'importance et a quel point loger it ['un ou a r autre pouvail entrainer a des consequences graves. Vne adresse, a Draney, signifiait autant et meme plus qu'a Paris et donnait egalement un rang social. Ainsi, les escaliers I et 2, dans Ie bdtiment de gallche, actuellement vides, etaient reserves a la deportation : c' cst la qu'on mettait, la veille de leur depart, les mallleurellx qui, ayant ete

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. '. de contact avec les autres internes. A~res fouilles ne devment plus aVail 'I" de I'infirmerie venment, , . 't t' les plus e olgnes " les escailers de depor a lOn" Il " avait la trois escalzers

h eux des deportables... j , I sur la gaue e, c ' E f'n Ies derniers escaliers avant lang e d'h nfes deux de femmes... n I , I't' . can om , . I' 's 'ecents suspects po I Iqlles, -etaient ceuxdes douteux : natlOn~ lse ,1 ,

, sans papiers suftlsants... . joints d aryens A ' t" t /wbite comprenait dix escallers

Tout l' autre batlment, .e~ lCremen d' ori~i!1e » devaient se meter .. · de Francais ou les naturallses et le~ «t ' dl're la partie etroite du rec-

.. b t d la cour c es -a-Le quatneme ou e, ,', b T et donna it sur la cam-tangle parallete .a /' infirmene n' etaztd:a:anl~e:~e dominee par un vague. pagne, c'est-a-dlre sur une a~e~uele rang de barbetes separait les pri­cote~u ; naturellement, un qllln ~~x i.dy/lique puisqU'i! represenfait la sonlllers de ce paysage poubr I' trouvaient ce qu' on est convenu I'b t' L'n long de ces bar e es se . , 1 er e... <- , , " I' u'i! y eut a Drancy, pUlSqU auwn

d' appeler les lieux d. al~ance: Ie:; s,eu s ~ssedait. Les dits « lieux » for-batiment, sauf les m!l:menes, n en Pri ues ue fout Ie Illonde appelait maient une longue baflsse plate, ~~ b q t ' ie CMteau » (p. 75 ct 76).

Ie « Chdteau Rouge» au ~Ius, b,neVe17::~ s:mblcr assez accueillant, Ics Dans ce decor, dont 1 exteneur

A Pt' 'es 01,1 Ie ciment se mon-

, ' 'd ., es pas meme ermIne , chambrees etment es ~zec . " t ouvert par la poussiere de trait a nu. Vn sol irreguller entarel;len aCce sans forme precise, OLI la charbon ramenee de la coar. o.ans, ce des~ loca'ax n'arrivaient pas a se

, , h't te la destmatlOn es Pensee de 1 arc I ec , , dl'sposes dans tous les , ' t tous les espaces, disce'rner, des Ids OCCupalen d bre Des Il'ts I Qaels /its ! . I I gran nom . ' .. .'lens pour qu'il pUt, en te~lr e P, us ouble etage . la couchette dll dessllS En planches mal equarnes et a d f ts dis~arates toujours prefs a reunie a celie du dessous par des mO/~ an I 'S de bdis qui cherchaient crouler et qu'if fallait .defendre contre es va elll , partouf du materiel pOllr alimenter leur feu clandestm.

d " . II arrive qu'il faille mettre deux

C ' 'eux-Dunan precise. , , Mme reml A' 'neral if a une cinquant{llne d occu-

personnes dans un mem,e ~It. En geT ' 72 Yet on a vu jusqu' a 120 per-pants, mais, a man arTlvee~ nous : ::e

s aillasse par terre ... Au milieu,

sonnes ; beaueoup cou~h(/le~t ~,u ~aqlle de zinc plaqllee contre Ie ce qui sert de lavabo, c est-a-dll e une. d Illontants en boiS, plusieurs

b' soutenlJ o pal es mur une autre recour ee, ~ b' t" fonce' d'une couleur pell , b d seaux en OIS les . robinets, sur ces lava os es h 'her Ie cafe et la soupe. Pres de appetissante, avec lesquels on va

d c e~~belle au s'amoncelleni boites de

la porte, un autre seau servant e p , '( 46 et 47). . 1 't ,'t 'et tous autres decllets. p. ,

conserves vldes, (e 11 us hera a meme la paillasse. SI Si on n'apporte pas ses drapS't °dne rC:~~l et de haut-Ie-caw,. e,n aper-., ·t on a un momen

aguerrz qu all Sal, . . il va falloir s'Ctendre. lis sont nOlrs, cou-cevant {es matelas sur lesquels I VallS previent qa'ils sont verts de taches. Pour vous conso er, on

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'I"~ \1 ;1li ','

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« propres » et reviennent de ['etuve. Jusqu'a la fin oefobre 1941, les internes ont ete couches sur Ie bois du lit sans pailiasses, celles-ci n' ant ete distribuees que dans les tout derniers jours de ce mois (juillet 1943) (p. 49). Des la premiere nuil, afin que vous soyez habitues a leurs fan­taisies, leur gourmandise et leurs gouts sportifs, les puces et les punaises se disputent {' espace vital de volre corps. Des femmes a fepiderme sen­sible furenf piquees des pieds a fa tete, elles etaient meconnaissables avec leur visage enfle (p. 80).

Du 20 aout 1941 au I'" juillet 1942.

Le eamp de Draney a commence it fonctionner comme camp de Juifs it la suite des mesures policieres prises contre les Israelites, sur les ordres des autorites allemandes, Ie 20 aoOt 1941. C'etait la premiere fois qu'une tel\e operation etait realisee dans de pareillcs conditions. L'internement administratif des Juifs etrangers s'etait deroule Ie 14 mai precedent, dans le plus grand calme et avec Ie minimum de publicite.

Le 20 aoiH, on proceda it I'arrestation des avocats israelites restes it Paris. L'un d'eux, Me Theodore Valensi, depose 11 <;e propos :

Nous avons ete, au nombre de 52, arreth a notre domicile par des inspecteurs de la Police Municipale, agissant sur les ordres des Alle­mands. Il y avail parmi nous Pierre Masse, que son titre d'ancien co11a­borateur de Clemenceau dans Ie ministere de la Victoire en 1917 'desi­gnail particulierement a nos vainqueurs provisoires, Albert Cremieux, Ie petit-fils d'Adolphe Cremieux, qui accorda par deeret la nationalite franraise aux Israelites algeriens, Weill-Raynal, que ['on avait con­fondu avec son frere, Ie militant socialiste bien connu, UlImo, presi­dent des Anciens Combattants des Dardanelles, Edmond Bloch, pre­sident de l'Union Patriotique des Franrais israelites.

Quant a moi, qui avais (He depute, mais qui n'avais jamais fait de politique combattive, je fUs assez surpris de m'entendre repondre par les inspecteurs a qui j'avais demande la raison de mon arrestation : « Justification' d'activite politique. » Depuis 1936, je n'etais plus mele aux choses de fa vie pubUque. On me conduisit .dans les [ocaux de la Pn}fecture de Police. ]'y rejiJignis mes confreres et on nous conduisit au camp de Drancy.

II y eut, d'autre part, une rafle qui necessitait I'intervention d'un nombreux personnel policier. Les Allemands e,taicnt absents de ces ope­rations, dont ils avaient laisse Ie soin aux seuls membres de l'adminis­tration franc;aise.

M. Markenitz, un ancien combattant, aveugle de guerre et qui devait etre mis en liberte quelque temps plus tard, Merit ainsi cettc rafle :

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. ',. oil vivai~nt en grand nombre d~s, L 11' et Ie 12" arrondlsse.menfs, 'dant encore 10 nationallte

e . , d UIS peu au posse , ·t ' I f 'f franrais naturaUses ep 's La police possedGl J a a UI S" ' furent cerne . , de leur pays de rest europeen, t de 1941 un double moyen de s as-suite des ordonnances .de 1940 e 'nter~ellees. Le recensement four- . surer de la qualitt! juive de~ ~erso~?i~: Ine s'etaient pas trouves a leur

. ·t l'adresse des /sraeltfes. "d t·t' eut permis ,de decou-nlssal . dt! 10 carte d I en Ie, tation domicile, Ie ftmbrage 'bUc taus ceux dont I arres vrir dans, la rue ou ~ans, un l1~:s ~~its 'Ie montrerent - de to us Ie,S eta:t projetee. II s'agl~sGlt - • es de 60 ans au plUS. On les ap~re­hommes, Franrais au etran~ersJ :Z~que dans les boutiques, aUx statIOns

d . doml'cile sur La vOle pu I , hen a a J • •

d me·tro particuaerement. l' . 5 000 hommes environ qUi e P I' assemb a amsl . . h't La Prefecture de 0 Ice r lls furent Ies premzers 0 es

larent amt'nes Giu camp d.e ~;~:~i~ret pour les accueillir. Les ,cham­juifs de Drancy. Au camp, "en I La cuisine n'etait pas en etat de bres efai/Nlt S(lns [its et sa~s mate as. . ni gamelles, ni cui/teres. ~e,s

tonctionner. II n'y avait nI coubv~'-;iUrae~'tur et a mesure de leur arrlvee , 't les cham rees .

internes rempllssGlen , I sur Ie sol irreguller. et s'instal/aient tant bien que ma , . laree

{'administration du camp etQlt P . M Roland Fain rapporte que D ker charge par Ie Service

. t t" hrer annee J •

sous les ordres de l'!1a~pt~ L1rm u S en liaison avec Les orga~lsmes , de Surete (Sicllerhettsdlenst) ~e. [a S de resider a la liquidatIOn. du

centrGLlxde la Gestapo pa(/sl.en::~ acti~n que par des manifestatIOns

]"udalsme franrais. On ne co~nattd' 'geait J'amais en personne les rafles. t 'L qu'IL ne m . I couvert exterieures. Encore es -I 'La olice franraise qUi, sous e ,

II preferait donner ses o:dres. a ~onsi nes donnees verbaleme~~ paJ

de la collaboration, executmt les D' gecteur de la police MllnlClpale. , d police et aU Ir . t

Dannecker au Pretet e , ' "I uestions de police de ires hau . Dannecker se bornait a regIe", e;o~verture du camp .de Dranc~ un

II avail donne ses ordres pou~ ~~ apar les fonctionnaires de /a pre!ec~ regiement soit etabli. Il ['avm . e , ensee allemande. Ce texte VIS~I

t de police. transcrivant amsl.la P uveaux internes. Le service ure ' d l' tefieUr les no· d s a separer c01llpl~tement e elX Mait assure par des gen arm~ d;~rdre et de surveillance du ca7P 'etablir entre eux et les int~rn~s. , an ais Aucun r~pport ne devm s. . lett res ni colis. InterdictIOn ~eu~-c~' lI'avaient Ie droit· de ~:t~ev~:; :;ambree~ en dehors des heures leur etait taile de fumer, de qUI r

, ve'es a la promenade. d police etaient responsables reser d 'specfeurs e En

. Des gendarm.es et es m marche des services du camp; _ '. a' -VI'S de Dannecker de la b~nne 'f qu'aux rteneralites de la regie

1'15- "nteressm f', '. toute fait ('officier allemand ne .s I . , ux fonctionl1.aires franrms

, blait avo" IGlsse a . mentation et sem. I vie interieure du camp. liberte pour orgamser a

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122

Des la constitution rill ('(imp, les dOOllllCllts relatifs aux internes se limitaieni a de simples fiches contenant les renseignements d'etat­civil. Au mois d'octobre 1942, lln « Bureau des Effectifs » fut orga­nise. Son personnel se composail de detenlls travaillanl sous ta sur­veiTlance des inspecteurs de Police. Ell fait, c'£!taif l'organislne cfzarg(; de preparer les listes de deportation. Comme, pendant les premiers temps de l'existellce dll camp, fonctionnaires de fa Prefecture et internes avaient, par WI accord tacite, decide que les Fran(:ais et les anciens combattant" srraiellt ("X(Wptes du depart pour l' Allemaglle, fa creatioll d'un bur('all militaire s' avera necessaire. Il £!tait appe!e a rassembfer les dOCllments et a attestrr de fa qllalite d'llllcien combattant, et, plus lard, de femllle de prisollllier.

Dans un memoire qu'il a redige sur sa detention a Drancy, M. Georges Wellers 0crit : Nominalel7lcnt, toute l'administratioll juive etait SOilS les ordres d'un chef de camp interne, nommi par Ie commandant franrais du camp. Entre Ie 20 aofit 1941 et le 18 aoM 1944, Ie camp a conn,tl sept chefs internes. Le premier etait fibere au dibut du mois de novembre 1941 comme grand malade ; Ie second a eti envoye a Compicglle en janvier 1942 et deportc Ie 27 mars 1942; Ie troisieme a ete envoye a Compiegne Ie 27 avril 1942 et deporte au mois de sep­lembre de La meme annee. Le quatrieme, nomme Ie 8 mai 1942, a gardi son poste jllsqU' au 3 juillet 1943 et SOil rlJl/e dans la vie du camp a et£! de tOllt premier plan ... Le Cinqllieme a ite deporte Ie 17 novembre 1943 ; Ie slxierne, destitue au mois de janvier 1944, a eie deporte Ie 11 aotLt de la rneme annee et Ie septieme, Ilomme au mois de janvier 1944, a eli Libere Ie lR (lotIf, lors de la libii'ation dl! camp. »

La premiere preoccupation des internes concernait la nourriture. Certain~, arretes dans la rue, n'avaient pu prendre aUCLlle provIsion avec tUX. Ce ne lut pourtant que Ie troisieme jour de la vie du camp que CtJnJmencerent les distributions. La soupe n'avait aucune valet:r nutritive. Cependant, elIe etait attendue et recherchee avec avidite par tous ces affames. La distribution du « rabiot » se passait au milieu dc la ncrvosite gCI,l'rale. Chaquc'interne avait droit a 250 grammes de pain. soit un septiel11e de boule. Ces parts individuelles etaient pesees ,wec win et on ne procectait a la repartition qu'apres une egalisation rigoureuse des portions. M. Wellers rapporte. que la fallll faisait sentir ses diets it un pOint tel, qu'un jour, au mois d'octobre, les prisonniers firent une veritable demonstration de protestation contre la directrice de l'economat en criant en chceur, tout de suite apres ('appel du matin : « Manger, manger, ».

Ull interne pouvait faire passer clandestinement a sa famille unc lettre avec ces !ignes : Les premieres sernaines, nous recevions chaque matin et soi,. une ration d' eall chaude avec un peu de marRarine et 1111

"

123

l destinee a huil llOl/ll/les ; c' est tout. VOllS morceau de pain d'une bou ~ . sur l'etat de nOLl'e systeme digestlf· imaginez ['eftet d'un tel ~egl171e t Nous aV.OllS tOllS l'impression qu'oll La diarrhee en jut le premier e!t~ /' pOllr tlue /lOllS penlions tou, tes flOS

.' b' une cure specLG 1'., .' I' tut nOUS fazsazt su Lr, ' donna allcun legumt. ",e nes 011 ne now; "

f orces. Pendant des semm " . d' sci pOlIr asslllSOflllL'l I eau . " I d' ir meme Wt PCII c. , "b

un reve Irreallsab e avO ./ . It on s etlsllivit : all dl:;tll uo . . l·t pc Ulli' ame 1Of(,· , " .

chaude qu' on mutu at sou '. . L . Illliar/ies .'Ie muillpll('!,e/l[, sur-.' . appe/e cafe. e.s I'd

Ie matin un Ilqulde nOLI' , I'e"tomac crises llIgue:;. Ull e . d' ,t mac . crampes (,,' . ,

tout les maladIes es 0 '" . l'estomac depuis pluslturs annees, illes vo:sins, malade dun ulccle .tad '(ZII'lnefzt" Nous croyions tous de-

. "1 renUi es v. vomissait c/wque 10ls qu I P vell'r tOllS ,de {aim. d 'b t

• . . " . ors ecrivait a sa famille : Au e u , Un autre interne, ltbere depUls 1 " I' t Plus tard la {aim noUS , ge run a au reo ,

on s'est taus donne du coura 0 teste couche com me dans un transtorma en ombres humaines'rta~sesne r purent pas, n' avaient pas, l~ coma, sans bouger de place. Ce 't 't un travail penible. Par la swte,

F ie un pas e al . • d f orce de se lever. a I' t fut le bonheur des mternes e

I ' s apparuren , ce it lorsque quelques egume d mme de terre ou de caro e, b II une epluchure e po . . , f t

trouver dafls la pou ,e e . t ces epluchures avec aVldlle. Ce u Les internes aftames mangealen reI' une pomme de terre oU une

Une plus grande joie encore de se procu. e a' celui qui se laissait , . d . ines malS gar

carotte egarees pres es CUiS 0' lui minageait pas les coups et , tid '(I·t de « vol ». n ne . t atre

prendre a un e e .' urriture pendant vzng -qu on ie punissait souvent ~e pnvatLOn~ d~ nOes debout. heures et on I' obfigeait a rester doUd eur

, el s conditions, que la situation san i-On ne s'Ctonnera pas, dans . U note sur Ie fonctlOnne-

. \. , 't ',. plus mauvalses. ne« , , .' taire des Illternes SOl ues . . t e's du camp de Draney a

, onsacrcs aux III ern 1 went d'un des services c., 941 . uillet 1942 », redigee par e l'h6pital Rothschild ~- . decembrc 1 e; l~etat des internes a l'ouverture D' Robert Worms, decnt en ces term

du camp : ., un .. ' "e all camp, ll'avaiellt iti SOUllZIS a auc

CeO' /wmllles, 101.) lie lentIl'. I des graves des tuber-11 t, Ivait parmi euX des lila a , I

contr61e lIZedical. se 101 es diabitiljues dont I'interruption de a culeux en cours de tr!lltement, ~ 'l'atement les jours en danger, etc.·.

. . [Wlit mettre 1lI1f11el If' , . St ClIrC insulmlque POI. , e une intimzerie COil lee, am pour ces malades jut ouvert au camp m~; ~I du camp, a Iln medecin

que fa direction de to~t Ie servlc; :~ze I~e D' Tisne. lju'avait designe fa Prefe~ture de ,O.IC:, isante.

Cette infirmerie s'avera blentot msuft

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124

De plus, aux malades dont ret t '" ration, s'ajouterent dans Ie da mor.blde etail anterieur a l'incarce-t' cours u mots d' oct b I Imes du regime de famine, aiteints d'rede 0, re" ~s premieres vic-

Certains d'entre eu,x moururent . me et .d anemle par carence. ~'a declare qU'on les trouvait m t ;apldemen~ Sur place. Le Dr Tisne jours precedents, accuse de troo~: ans leur lit, sans qu'ils eussent. les d'redeme cerebral... u es notables. Peut-etre s'agissait-il

, M. Samy Halfon, directeur de l'h A 't I . a l'occasion des evenements pt.. °PI a RothschIld, s'exprime ainsi

. os eneurs : A la 1m du mois d' octobre I 94·j I . . .

kreis de Paris s' est rendu ' D ,e colonel Weldlger du Sanitiits-en ,a fait liberer uncertain ~om~ancy. ,E~ifie sur !'etat des malades, if

. cker n'efait pas au courant d re, generalement estime a 800. Danne-. e ces ordres donnes par un oftlcier qui, selon lui n'a' ' ' ,en son absence par

sort des fUits. Lui seu! POIlV;U re~~~d~eas compete~ce pour decider du Dannecker, a son retour fit a At, des questIOns de cette nature

, , rre er a nouveau ces d . ml eux se trouvait Me Ull ' gran s malades. Par-e mo, avocat a la Cour ependant, I'infirmerie de Dran ,,'.

lIla/ades graves note Ie Dr W cy s averalt insuffisante. Certains r bl' or-ms dans SOn rapport . d I Pica e, n'avaient pas ete ar .At' 1 qUi, e aron inex-

Une salle isotee leur avail et:~e:~r ~rent tra~s~ortes a l'h6pital Tenon. police. vee, surveillee par des inspecteurs de

En raison de la difficulte qu'it av' , dans un grand h6pital fa P 'f Yair a, exercer ceite Surveillance P '1 ' re ecture de POlLce . . t re ecture de fa Seine re't' ' conjoin ement avec la d d " qUi, au debut du mois d d' e eux pavillons a l'h6pilal Rothschild e ecembre, ['usage . Une convention fut pas see ar M .

mlques de la Prefecture de I ~. . Halfon avec les services econo-Rothschild assurerait Ie tra't a ~I~e, ~ux te:mes de laquelle l'hOpital lui etre confies. II eta it ente~deUm~: /s d I,nternes de Drancy qui allaient rerait complete, tant en ce . e In ependance des medecins demeu­du traitement. qUI concerne la nature des soins que la dure.e

le 8 d' " ecembre 1941, Un service medic I '. destInes specialement aux I d a et un service chlrurgical t" rna a es de Drancy , ' lonner a l'hOpital Rothsch'ld C. ' COmmencerent a fonc-

convention. II fallut en ,I. ~nt CInquante lits etaient prevus par la t · creer environ deux cents d I OUs les Internes dont I'etat' 't. e p us pour accueiIIir

d'etendre les services dest. ~ec:ssl alt I'hospitalisation. On projetait bl' mes a cette catego' d

eme, selon Ie rapport du D" Worms e .' ne .e malades. Le pro-nous rerumes r ordre de la Prete t ,~rdlt so~ objet quand, peu apres Drancy un certain nombre d c

i ure e la Seme d'avoir a renvoyer a

t d e ma ades que son m'd . e ont Ie sejour a l' h6pitai lui '. e eC/n avait designes 'liste etablie, c'est a grand' pein/::I~~G/t. de trop lo~gue duree. Sur la malades particufierement tou h' q D J btms un. sursls pour cinq ou six

c es. e cellx qUI ne Pllrent echapper a

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ceUe mi!sure, il en est un souftrant d'une affection au creur, qui mourut pell apres son retour au camp.

La situation sanitaire du camp de Draney, deplorable en aoftt, s'ameliora a partir de la fin du mois de septembre. Des internes ont rapporte a M. Georges Wellers Ie systeme de fonctionnement de la paste des colis.

A ce moment, ie fI!giement s' est trouve adollci grace a l'autorisation .de ia correspondance et des colis. Chaqlle interne avail Ie droit d'ecrire et de recevoir deux cartes par mois. II pOllvait egalement, llne tOis par semaine. recevoir un colis de vivres dont Ie poids ne depassait pas trois kilogs et, Ilne fois tOllS les quinze jOllrs, Iln colis de linge. Cependant Ie tabac etail interdil, de meme que tous les objets susceptibles de four­n:r des moyens de sabotage (boissons alcoolisees, medicaments) et Ie pa­pier a lettre. Les livres etaient auto rises dans les colis de linge : cepen­dant les ouvrages traitant des probLemes politiqlles et ceux qui etaient interdils par la Propaganda Staffel etaient prohibes.

La fouille des colis etait faile soigneusement, parfois d'une faron rigoureuse. On perrait avec un couteau les pots de confiture. On cassait Ie pain en petits morceaux. M We vexations qui etaient certainement imposees par Dannecker aul'( gendarmes.

Outre la valeur sentimentale de ces colis, dont fe contenu rappelail aux internes la chaleur de fa tendresse familiale, ifs etaient une neces­sitr pour tous ces hommes. Certes, Us n' etaient pas obliges de se livrer d un travail quelconque. Mais fa sous-alimentation faisait sentir ses effets tragiques. Seule l'arrivee des colis a pu sauver beaucoup d'internes d'une mort menarante.

Au surplus, les officiers de gendarmerie et certains gendarmes ;aisaient regner dans Ie camp un regime de terreur (temoignage de M. Kahn). Le marche noir sevissait, favorise par des sous-officiers qui sa­vaient profiter des ressources dont disposaient les internes, desireux de se raccrocher malgre tout a la vie. La necessite d'une nourriture suffisante se faisait d'autant plus sentir que les conditions d'hospitali­sation ala Fondation Rothschild etaient devenues plus severes.

Le rapport du Dr Worms montre les difficultes de laisser les mala­des en traitement aussi longtemps que leur etat de sante ou leur age l'auraient necessite. La question de fa ,duree d'hospitalisation des mafa­des resta la prvncipafe pierre d'achoppement dans nos rapports avec fa Prefecture de la Seine. [[ fut ditticUe de faire comprendre a cette admi­nistration que la majorite des malades etaient atteints d' affections chro­niques (cardiaqlles, renales, pufmonaires), que Ie sejour d l'hopital n'avait ceries aucune raison d'ameliorer, mais auxquels Ie 'regime risquait .de porter un prejudice considerable. Par la suite, les services prefectoraux, d'une part, Ie Dr Tisne, d' autre part, multiplierent leurs instances auprcs

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de moi pour obtenir Ie retour a Drancy d I de ma!ades, me representant qu'une ho ~ p ~s f!rand nombre possible de paraitre aux autorites d'occupat' ISPltaltsatLOn prolongee risquait plaisan t' LOn a marque d'un ' ce e d apoir pour l'ensembl d' e excessive com-graves. e es detenus des consequences assez

Devant !'interet general je dus lars, chaque semaine un pet'l't b me rendre a leurs raisons et des

, , nom re de mal d I 1

lin etat en~ore precaire, quifterent l' h6 ital ~ es", e. plus ~ouvent dans eux, certmns qui devaient re . p ,Helas, ] al apprts que, parmi \' t ' cepolr au camp des ' , .

O!/ partls en deportation! SOInS indispensables,

* **

Cette vie penible et monotone s'es " cembre vers 6 heures de I' ' . " t trouvee IDterrompue Ie 12 de­rer Dannecker M R' I j Fap:es-mldl, par l'irruption de l'Obsturmfiih_

. . 0 ane aID en temoigne:

Les Allemands /irent descendre dans I chassant des chambres d coups d . d a cour,les 4.500 internes le~

. . e pie s et de eros d t· " nes avment l'ordre de preparer I b se e uSII. Les inter-line tempete epouvantable ,eurs ~gages dan~ les dix minutes. Par '/ " , apres aVOlr rassembl' I .

L WISlt au hasard 43 Encad ' e es mternes on en . res par un imp' ' de gendarmes allemands armes d 't. ressLOnnant serv:ce d'ordre autour d'eux, ifs furent' emmen' e ml r~lllettes et disposes en cercle Cherche-Midi avec d'aut . es ~our etre [usUUs. lis ['ant ete au

, ., res pnsonnters Leur clmetlere de Suresnes Du 12 dol . scarps sont enterres' au

. , " . t:cembre 41 au 28 4 venaLl regul.erement d Drancy prendre dix' . ma~s 2, un peloton ler. II yen a eu en tout 150 fe . . a qUlnze fui[s pour les [usU-n' [ , , . me sou viens des nomb .

es us Illes ulterieurement : 13 9 8 t ' ' res SUlvants d'inter-, , e del.ox [OIS 5.

Le meme jour, trois cents internes f Royallieu pour completer Ie milI' d ' urent envoyes au camp de arrestations de ce J'our -t l.~r ,e JUJfs qui devait, a Ia suite dc c , , e re envoyes a Comp" D .' au trmoignaae de M Well D legne. eux fOurs plus tard

, b. ers annecker sa" t ' Ii {It'0/,. laisse d Drancy ir" , , lSI cer ainement de remords M OIS avocais particuliere t . fl

asse, Albert Ullmo et P I L ' men In uents, Me, Pierre au eon leur [it don I' d camp pour Royallieu. ' ner or re de quitter Ie

Apres une tentative avorte.e d'envo Nord les detenus de Draney les d' re

; aux travaux agricoles dans Ie mars 1942. Les internes reJ'o'I'gna' eptotr a IOns ccmmencerent au mois de t . len out d'abo d C " alent les trains vers la Haute~S'I" A . r Omplegne d'olJ par-

Ies deportations sefaisaient O(n I e~le.. parflr du 22 juin 1942, tnutes M. (jeorges W.ellers deC~it d:~lI1clpe, au ?epart de Draney.

convoi de deportation : a fa\on sUJvante Ia preparation d'un

...

1 ')~ -, Deux au trois jaw's avant fa date du depart, Ie Bureau des Effec­

tifs etablissait la liste des partanls. Dans Ie choix des victimes, on tenait compte de leur etat de sante et taus ceux qui etaient reconnus par Ie medecin aryen COlllllle inaptes au travail etaient ecartes. L' examen medi­cal etait rapide, superficiel, et les erreurs etaient nombreuses. Lars de la deportation du 23 juin, pour la premiere fois a Drancy, les maris d'aryen­nes ant ete eeartes.

Ensuite, dans une certoine mesure, il etait tenu compte de la natio­nalite : plut6t les etrangers que 'Ies Franrais, plut6t les naluralises que les Franra's d'origine et on cherchait a proteger les anciens combattants. Toutes ces distinctions etaient .l'ceuvre des « fonctionnaires » internes, plus au mains apprOllVeeS psr les inspectellIs de police et tOlljours igno­rees des Allemands· Certaines categories, comme celie des anciens com­battants de la guerre 39-40, etaient assez mal definies ; parmi les etran­gers, se trollvaient des anciens combattants incontestables. Tel au tel employe du eamp semblait indispensable at:,x uns et inutile aux autres, de sorte que l' arbitraire jouait un rMe appreciable. En plus, Ies inspec­teurs de police rayaient de la .Iiste au y afoutaiel1't un certa,:n nombre de noms sans donner de raisons et, les (Jrdres de deportation arrivant toujours cl {'improviste, f'etablissemcnt des li:,;tes se faisait dans une grande Mte.

Cetaient des hellres d'une grande nervosite dans Ie camp en tier. Les energies, Ies intelligencs, les Iwbi/etes de centaines d'hommes etaieTlt tendues a r extreme ; les espoirs et les deceptions se succedaient rapi­dement et sans transition ; Ie sOllrd desespoir pianaU.

En/in, les lisles etaient etablies sous reserve de retouches de L(I derniere heure et les interesses avises par leurs chefs d' escalier. Dans chaque chambre, on ecoutait ['ann once du chef d'escalier dans l'angoisse: les uns pour lellr pro pre compte, les autres pour Ie compte de leurs amis, les troisiemes pour l' aven!r general, '

Chose remarqllable : peu de temps aprils la lecture de ces lisles, Ia tension nerveuse s'apaisait rapidement. Les detenus designes se faisaient llne ra"son, envisageant avec beaucoup de courage leur avenir, se plon­geant dans les mille soucis duo proche depart; les autres Ies encoura­g:eaiclli dans l'optimismc avcc [[flC conviction souvent tres sincere au Ies consolaient par la fatalite du sort : « Man vieux, aujourd'hui c'est toi. La prochaine fois, c'est man tour. Nous y passerons taus ... »

Le len demain, des 7 heures du matin, commenraient les operatiom rituelles. Appele par son chef d'escalier, chaque deporte descendait son bagage dans la cour, au milieu de laquelle, entre les fils de fer barbeles, llne equipe de coiffeurs internes l' aftendait. On Illi c&upait les cheveux, la barbe et la moustache.

Apres etre remonte dans sa chambre, Ie detenu attendait que fftt passee la formalite de 1a fouille, Un rapport de 1a Croix-Rouge, redige

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it la suite· des arrestations des 15 et 16 juiIlet 1942, decrit ainsi cette fouille :

Avant Ie depart, les internes etaient fouilles par la police des Ques­tions Juives (les femmes etaient, elles aussi, foaillees par les hommes) et on leur prenait argent, bijoux et valeurs, sans aacane verification ni garantie, dans des conditions qui fonl prevoir un veritable pillage. 11 est impossible de recuperer des JlGleurs et on ignore a quel usage elies sont ofticiellement destines.

Les internes etaient ensuite eondlJits dans 1es esealiers de deporta­tion OLI, definitivement separes de leurs eamaradcs, i1s passaient leur derniere nuit au camp de Draney. II y avait, selon M. Wellers, cinquant{' hommes par chambree. Les ,premiers instants etaient occupes par la recherche d'un co!n Ie moins maLivais, Ie moins sale, en suite a laire deiinitivement ses bagages et a jaire plus ample connaissance de ses voisins. Chacun commentait la jouille, s'inquietai/ de la qualite duo futur casse-croUte, discutait des difficultes eventuelies de fa route. La conver­sation se poarsuivait sur un ton amical, poli, serein, par moments gai ef toujoars optimiste, car, a cette epoque, {es deportes avaient confiance en . leurs forces phJ'siques et morales, en la fin prochaine de l'hitierisme, en les conditions vivables des futurs camps de travail en Allemagne et avaient peu d'inquietll.de pour ses prvches. Puis, avait lieu la distribution du casse-croute destine it la route et la redaction de la derniere carte envoyee de France par les ,deportes it leur famille. Chacun ecrU tant bien que mal sa carte, en s'appuyant sur Ie mur ctasseux et en utillsant Ie crayon d'un camarade d'infortune. On ?I joint aux mots de fendresse qllelques phrases d'optimisnze profond, recommandant a la femme de prendre patience, da1ns l'espoird'un proche retour. A cette epoque, on nP

"II;! (I{fS encore ce qu':l y a au boat .de fa deportation. Aucun evade n'{f encore communique ses impressions par fa radio lpndonienne et on peut croire, tout IIU 'moins tors des (J'n" premiers departs des 27 janvier, 6 fe­vrier, 27 mars, 29 avril et 22 juin 1942, ne comprenant que des hommes, qu'il s'agit de travailler quelque part en Allemagne. Apres une nuit agitee et sans sommeil, les deportables sont reveilles au petit matin par les chefs d'escalier: Ceux donI Ie nom commence par /a lettre A doivent passer les premiers. Les deportables defilent dans l'ordre alphabetique. /Is repondent : « Present» a ['appel de leur nom et reroivent une feuille d'identite, Tout cela ne va pas sans difficultes et celai qui n'a pas entendu assez vile son nom est menace d'un coup de poing, Celui qui veut entrer dans {es barbefes avec un -paquet en sus de ses bagages reglementaires se Ie voil arracher·

Le capitaine Dannecker arrive, suivi de .deux ou trois Allemanils en uniforme. Tou{es les fenetres du camp se sont fermees. Les operations de l' appel du cO/nvoi s' accelerent. Dans I' enceinte de barbeles oil viennent se placer les deportes, on les range par groupes de c:nqllante, separes

129

haque groupe sous fa surveillance de deux entre eux par quelques p~s; ~ot de cinquante personnes repre~e~te an oa trois gendarmes. Ch~q , . I de passer d'un groupe a I autre,

du convoi Ii est mterdLf, des ors, . wagon . de bouger, de parler. . d cam et les deportes suivent avec

Dannecker va f~lre Ie tour. U hom~e, constamment agile par un anxiete la longue sllho,uett~ de cet fons aux internes ... Quand if a ter­tic, et qui va {aire sublr, ~tl,le ve~ap~end conge des autorites du camp. mine son tour dll proprtetatre, I he vers la porte de sortie du

'eb allie se met en marc , La colonne s r, I ontellt par groupes de cm-c.amp. Des autobus Ies attell~ellt. I s Y m pagllent sur cJwque plate-

ts de police les accom 'I qaante : deux agen I d' clion de Ia gare du Bourget ; I s forme. Les aut?buS prennellt a ire . arriverrtdix mmutes ~ltlS, ~?rd.. ' t Ie detachement allemand qui devatf

Dannecker Y avatt deja reJom . ,~ en gare d' Auschwitz. . ' qu'a son arrtVee assurer {'escorle du conVOI JUs ! mpagnenl les forma lites d'em-

, (d Los ! los »acco Les cris Iwbtfue s e« ,t des coups de crosses, '/' des coups de pomgs e 1 barquement. Au ml leU femmes montent dans es

vieillards ou jeunes gens, hommes au ' _

wagons.

" ** , . 'une ordonnance allemande oblige~

Au debut de JUI~,l~42,. 10(Squles

internes du camp de Draney, ou les Juifs au por~ de I etOile )aun:'elites furent astrdnts it la meme for­se trouvaient umquement d~S Isr , ' vigueur de l'ordonnanee al\e­malite. Quelques jours apres la ~l1Set en , er au camp une dizuine de

. mande les internes d,e Draney vlren a,rn~te' lis avaient exteriorisant , "f 't d'ants en ma]on . , I

ieunes gens non-]UI s: e u I f Ie tournee en ridicule la nouvel e avec eranerie les sentiments de la oU

II' ds Certains avaient con fec-

, . see par les A cman . r mesure vexatOlre lfllpO t t en lettres gothiques, au leu tionne des insignes it six ~ra.nchcs ~O~~~ncy ils furent obliges au port du mot « Juif ) Ie mot « SWing ». d I ile eta it apposee une bande de I'etoile reglementaire, au-des~ous e

J ,~que

biaIlLne avec l'indication « Ami desd

U1 s ~. rapport redige it I'epoque, , t ciale signale ans u . d' • t Une asslstan e so " "d' s Ie courant du mOIS aou,

que parmi les femmes non-lulves qu~. and s Tourelles se trouvait une , enant de la pnsoil e ' ·t

arrive rent it Dra~cy, v, du boulevard Saint-Michel. Elle aval vieille marchande de lournaux I II' de son chien une etoile jaune tolen~ qu'un etudiant att,ache au co ler

portant rin(\iea~ion « Chlcn » •. fut internee it Drancy en juillet 1943, Mme Cremleux-Dunand, qUI '_' s au camp de Draney avec

. ' 'en rester qIltnd Jour ,t signale : J at VII un ar} h fa poUrine qui portatt ces mo s u~e petite bande de toile blanc e sur « Ami dt!s Jui!s ».

c

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130

Du 10

' juillet 1942 au 1 er juillet 1943 . L'annee qui s'etend da let ' 'II •

M. G, Wellers a ete I'anfle'e la ilUi et, 1942 au Ie, jufllet 1943, eerfl

, , ' . p us rIC/ie " Elle se dLstzngue nettement de la hiode e~ ~venements dramatfques. ments qu'el/e a apportes dans la P, d' precedente par les change-

Le h' . VIe u camp p enomene capital cons,.sta dans les " " .

En an an, Drancy a va la d' .t ' deportatiOns zncessantes , , epol atiOn de pres de 40 000

ne s agit plus exelusivement de deportat' d'l ., personnes. 1/ des femmes et des enfants C t iOn IOmmes valides. On deporta

t . . e vas e mouvement de e~ razna des changements profonds da ' ,~asses /Illmaines fllstration et Ie climat moral d S ns la v.e mater.eUe, dans l' admi­du mois de jaillet 1942 u camp. < til/lies cadresimmuables Draney d' ne 1 essemble que de 10' D '

avril eu mai de la meme annee. Ln au rancy du mois

Des Ie Ier juillet. J'administraticn 'd de la place pour 3 000 nouveau ' u camp re~ut ordre de faire

t 2 a . x amvants On pr' 't e , . 00 hommes pour Ie 15 juiIlet En e:' evoyal 1.000 femmes les lletenus dans 'I'aile ou t d' xecutl?n de cet ordre, on groupa I'aile ,est et la maj eure pa;t~e d~ ~~~p, destmant aux nouve~ux toute les detenus, sauf les personnes " 3. Pendant deux semames, tous travaux de nettoyage des locaux a~:e~tt les malades, p~rticiperent aux las. On proceda a la nominati;n de se en ordre des hts et des mate­leurs adjoints. Des brassards fUrent di nto~~e:ux chef~ d:escaliers et de du camp. s nus aux pnnclpaux employes

.Le 16 j uillet, des 7 hell res du matin partIe d~s victimes des rafles de la \,' ,I,es autobus amenerent une Ve,lodrome d'Hiver M W II ,edle, prealablement rassemblees au I · . . e ers rapporte que ]'U ,. 6 es vlctimes de la vaste ope f d ,squ a heures du soir

ne s'agissait pas de I 000 f ra Ion e, pOlice affluerent au camp. Ii 2000 . emmes maLS do 2200 e ' , hommes, Drancy en refllt . 1 -. nViron ,. au lieu dr' C'etaient des etrangers de tou/;e~ollr .8.00. En to,ut, , 4.0?0 personnes. 60 ans. II y avail lIn petit nombre de F~~~rtI~rs d: :arzs, ages de 15 a Ie 16 juillet on n'arrNait que des elra fais arretes pa: erreur, Puc'sque ment liberes. Leur situation e t ,ng~rs. Les Franfais furent rapide-D s presentee par Ie ra t d . "ougc sur les rafles de ]' uillet d ppor e la Crolx-

, ansces termes . Un tfl d" . nouveaux parmi lesquels de no b . a ux mternes y arrivaient en une periode a'~;i:;~~~s femme,S et beaucoup de malades

.sanitaire etait deplorable, c:" les au~1 ~ ~l~nt ~efavora?le. En eftet, r etat ger Ie renvoi au camp de tOllS I 't orz~es d oecupat18n ,Vena.'ent d'exi-( , es zn eflles soignes a 1'/' 't I parmI lcsquels tes operes de I 'II ) 10PI a Rothschild d 'b a vel e et les infil'l" 't' e ordees ; il avait falhi declarer '.' nzeres e a.ent deja firmer!e et les renvo)'er dans I . gUle/is to us les malades soignes a !'in-

D ' eUi s c zambres. e plus un certa'n b • . nom re de fOlls avaicnt e't' . 't' . e al re es dans divers

131

as:les pour etre transferes a Drancy. De meme qu'a Pitlziviers et a Beaune-Ia-Rolande, la promiscuite aeheva d'y demoraliser femmes et jeunes filles deja aecabiees par Ie sort.

Un certain nombre de liberations purent etre obtenues. Le rapport de la Croix-Rouge signale celles des veuves de guerre, fc mmes de pri­sonniers, et personnes travailla;nt pour les auto rites allemandes ainsi que leurs families. Mais if est a remarquer que les autorites d'occu­pation Ollt refuse de liberer les enfants franrais pris les 16 et 17 juillet en mcme temps que leurs parents elrangers. Elles ont sysUnzatiquement refuse de les eonsiderer comme Franrais, mcme quand ifs etaient nes en France et indiscutablement Franrais aux ?Jeux de la loi.

Apres un classement sommaire, entache souvcnt d'erreurs par suite de l'impossibilite ou se trouvaient certaines personnes arretees de jus­tifier leur nationalite ou leur situation de famille, les deportations com­mencerent a une cadence rap ide, en execution des exigences formulees par les autorites allemandes. La statistique des deportation.,>, ecrit M. Wellers, revi:le Ie caraelere systematique de i'elltreprise. Des Ie 19 juil/et, les nouvau,x arrives sont conzpris dans les eonvois. fusqu'a fin septembre, if y aura 'trois deportations par sema:ne qui affeeteront pres de 30.000 personlles. Dans ces deuoX nzo:s et denzi, environ Ie tiers de ['ensemble des fuifs deportes de France dans les trois annees 1942 a 1944 qu:ttera Draney.

On note six convois au mois d'oetobre, deux en novembre. Du 11 novenzbre 1942 au 9 fevrier 1943. if n'y eut pas de deportation. Du 9 fevr:er au 1 er juillet, les convois reprirent leur cours ... II est indeniable que les mesures generales de rafles etaient ainsi organisees, que ehaque sema:ne, du 16 juillet au 1 er oelobre, 3.000 personnes arrivaient au camp. Avec une regula rite parfaUe, les lundis, mercredis et samedis, les ser­vices de la Prefecture amenaient 1.000 fuifs arretes. II ell parta:t un nombre egal les dimanehes, nzardis ct vendredis.

Quelles relations y avail-if entre arrestations et deportat :ons ? 11 semble que, suivarrt les epoques, c'elaie.'?f les resultats des unesou les previs{ons des autres qui condotionnaient les departs. De juillet d oetobre 1942, on arreta les fuifs en assez grand nombre pour satisfaire au pro­gramme trZ-hebdomadaire des convois· Ce fut egalement Ie cas d partir du 9 fevrier 1943. Par contre, dans I' !ziver 1942-43, les decisions re.la­tives aux deportations ne pouvaient etre prises qu' au vu du resultat des rafles et des arrestations.

Qui deportait-on ? A partir du 16 juillet, les examens mCdicaux sont completement supprimes. M. Wellers note: Parmi les malades qui se dec/araient, on retenaif au debut les plus serieux : les fractures recentes. les maladies ehroniques telles que Ie diabCte ou la neplzrile

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dans leur phase aigue, La tuberculose pulmonaire evo/uee, les maladies mentales incurables. Au mois d'aout, la tuberculose etait liqu:dee dans Ie camp par la deportation expresse des malades et, a chaque deporta­tion, on portait sur des bran cards jusqu'au.x auto bus cinq a sept malades dans Ie pldtre, des asthmatiques en pleine crise, des fous qui se debattaient. /l n'y avail que les maladies infecfeuses qui pOllvaient deci­der de r ajournement de la deportation du malade jusqu' a la guerison ou convalescence.

La .limite d'age superieure, fixee auparavant a soixante ans, est sup­primee. Viei!lards et enfants seront desormais deportes. On deporte en pretextant qu'i1 s'agit d'envoyer de la main-d'ceuvre en Allemagne. Mais, ecrit Ie redacteur du rapport dela Croix-Rouge it la date du 25 aofit 1942, si l'on examine !'etat physique des deporUs parmi lesquels if Y II

des malades, des enfants, des femmes de 55 ans et des Hommes de 60 ans, on se rend compte qu'a peine IO % d'entre eux seraient capables d'un travail quelconque, d'autant plus qu'un grand nombre de ceux qui itaient valides ont ete liberes comme trava:lleurs pour les auto rites d'oc­cupation. Le mensonge elail donc trop transparent, c'est pourquoi on parle maintenant de reinstaller les nationaux dans leur pays d'origine.

On avait pu croire, pendant un certain temps, que Ies enfants ne seraient pas deportes. Les autorites allemandes, ecrit ce meme rapport, semblaient disposees ales confier a [,Union Oenerale des Isra¢lites de France, qui est une association juive de b:enfaisance. L'U.O. I. F., sai- . sie de tres nombreuses demandes de familles ju:ves ou aryennes desi­reuses de recueillir des enfants, disposant en outre de plusieurs maisons

. a'accuei! placees sous Ie contr61e medical, avail offert de placer tOllS les enfants. HeIas, tOllS les efforts dans ce sens ont ele vains ! Et plu­sleursdeparts de cinq cents enfants chacun ont eu lieu .. ces enfants, ages de 2 d .t2ans, ont d'abord ete transferes de Pith:viers et Beaune­la-Rolan de a Drancy. C'est la qu'i/s sont partis dans les memes condi­tions que les adllltes, par wagons plombi:s, sous la garde des femmes deportees a raison d'une femme pour di.x a quEnze enfants. Dans cer­tains wagons it n'y avait me:ne que des enfants. Au depart, on remit iz chaque enfant un morceau de pain et une boite de lait concentre. Pour tout ravita:llement en cours de route, un wagon contient des pommes de terre. Beaucoup .d' enfants sont malades, to us sont couverts de vermine et de pfaies causees par le manque de soins et d'hygiene. Prives de leurs meres, les tout-petits n'ont ete ni laves ni changes, faute de linge ...

Officiellement, on deporte les enfants par humanite pour reunir les familles. Ma's tout s'est deroule dans un tel affolement que beaucollp d'enfants de deux a cinq ans n'ont pu eire identifies a Drancy et ont

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I

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Peut-etre n' avaient-i1s pas eli lie deportes sans qu.'o.n sache ,le~:a::~la_Rolande, ou leurs fich~S se immatricutes a Pithlvlers et ~m s et Draney? Quoi qu'il en so:t, on sont-elles perdues entre ces ~ P qu' its retrouveront leurs parents. ne peut raisonnablement esperer

. . es Fran<;ais, maintenue quelq~e te~p.s L'exemption de deportatIon d . ee Ce privile~e, cent

f t apidement suppnm . ., 't , Ie 16 juillet 1942, u r .'" I fin du mOIS d aou .

apres . ' l'dement etabl1 qu a a M. Wellers, semblall Sl so, I . . Fran ais qui n'exerc:aient pas u~e on renvoya au camp de PLth!Vlers l~S Dra%Cy. On semblait vouloir n Y fonction dans les cadres du. cam~ble: Mais ces 2.000 nationaux fran­retenir que les personne~ dep~~t dir~ctement de Pithiviers ... Des arres-ais ont elf envoyes en deport~ .on ui s en dehors des grandes ratles,

~ations individuelles ou collectIVes ~e} t Fran(:ais. C'etait egalement Ie avaient amene a Drancy de nom reu~ts auX ordonnances allemandes. sort qui attendait tous les c~ntr~ve.nat de orles. On cite Ie cas de con-

D ' Ie mois de fevrier 1943, lis et.men P, Leur nombre s'accrut au es . de }UltS fran(:ms. , I

vo/s entierement compo.ses . ividuelles et les ratles devinrent Ia reg e moment oil les arrestatlOns znd. ar Ies Allemands. en zone sud apres son ~ccupat~o; ~ coneernait les conjoints d'aryens et

Le seul privilege qUI se m~tn tn ., 1942 cette categorie fut syste­les demi-Juifs. A la fin du mOIS ~e lU~ans 1~ deuxieme moitie de 1943, matiquement exclue de la deporta.ttOn. \es cotes de \' Atlantique ou dans la plupart d'entre eux f,ut e?v~yeeS!~~ les Suisses, les Tur?s ve,rs cer;

l'ile anglo-normande d Aung y. . d' Ausweis ont e.te deporte . . t rs meme mums ' taines epoques, \es e range ,

* ** . la technique des deportati~ns a ete

Pendant toute cette pen~de, Les formalites etaient moms n~m­a la fois simplHiee et aggravee.. 'accelerait. Elles etaient condu~tes breuses, car \e rythme des c~nvo~~t:urs de la police Judiciaire aV~lent plus rigoureusement, car les tnSp t de police des Questions JUlves. "t" dessaisis au profit des inspec eurs· cadres administratifs, se t:;. t: . . appartenu aux d Ceux-ci, qui n'avaient l.amals. blaient reeevoir directement des or res recrutaient par volontan~t ~t se~unand les represente comme d.es .gens de la Gestapo. Mme ~remle~x- s bi'ou.x pour les re:nettre, s~l-dlsant, d mine patibulaire qUl gardment Ie t~' ns ont ete operees qUl se sont au Seeours National, mais des trac a 10 certains. Les P. Q. }. etaient,

t • ment fructueuses pour reveIees ex reme , . nt les femmes. dit-on, des doriotistes. lls glllOle rit . L' equipe de Draney, toujours. la

A leur propoS, M. Wellers ec . et une femme. Tous etmenf

m~me etait constituee par sept hom:netS

I'aspect el les manieres brutes t: , h mes aVa/en . 're

.de jeunes gens. Tous le~ ?m. ses collegues. Celie derniere avalf e et la femme s' harmomsOlt a

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134

envoyee a Draney specialement pour la fouille des femmes. Auparavanf, c'elait les sept Ilommes qui en ela:ent clzarges et exigeaient qu'eUes se presentent devant eux en sous-vetements ...

ies inspecteurs de la P. Q. I. n'enlevaient plus seulement aux inter­nes en instance de deportation les divers objets prollibes jusque-liI par. les consignes et qui, tlleoriquement, restaient toujours les memes. Un manteau de fourrllre, une serviette Oll lin portefeuille en cu!r, une clze­m:se ou une combinaison en soie n'avaient aucune cllance d'ecllapper desormais a la saisie. Les inspecteurs et l'inspeetrice, arrives au petit jour a Drancy la veille de cllaque deportation, etaient munis de delltx valises vides. Le soir, cllaque fouilleur qui repartait avail pu remplir ses deux valises. Ce petit trafic dura jusqu'au mois de fevricr 1943 OIl l'inspeetion des bagages des deportes jut a nouveau assuree par de,~

inspecteurs de la Police ludiciaire. On raconta que les membres .de la P. Q. I. ava:ent ete arr{:tes par les Allemands pour abus dans leurs actes de pillage.

Pour obtenir un convoi de 1.000 personnes, on en designait a l'avance 1.100 : Ics 1.000 premiers devaient partir et, s'iJ y avait des dMaillances, on completait avec des personnes prises dans la reserve. Puis les deportables passaient aux escaliers de depart, ecrivaient leur derniere carte, touchaient leur ·cassc-crofite et Ie lendemain, c'etait Ie depart vers les camps de Haute-Silesie, via Ie Bourget.

* **

Quelques deportations furent marquees d'incidents significatifs. Telle fut ceIle du 19 juillet, que M. WeIlers, decrit ainsi :

Dans un camp arclli-plein, on a pris 1.000 Ilommes sans elloix prealable, se contentant de comprendre dans la liste la totalite des habi­tants de certains escaliers. Faute de place, on ne 'put pro ceder preala­blement a la fouille. Les deportes avaient ete rassembles au milieu de la cour entre les fils de fer barbeles. Dans les clzambres des femmes, tOlltes celles qui reconna~ssa;ent dans la foule, leurs maris, lellrs freres ou leurs fils pleuraient. Il y eut un simple appel des noms des partants. Apres l'arrivee de trois officiers allemands, les deportes se dirigerent vers la sortie du camp en passant devant les bdtiments de l'aile Ouest, sur tOllte leur longueur. Les fenetres des c!wmbres des femmes s'ouvri­rent a ce moment et elles jete rent sllr la colonne leur ration de pain du jour. Des paroles d'adieu et d'encouragement accompagncrent la colonne. Puis, quand Ie demier deporte eut quitte Ie camp, ce flit Ie desarroi dans les chambres des femmes. Elles se mirent a sanglofer. Au bout d'un quart d'lzeure, on assista a des scenes dementielles. De nombreuses inter­nees se roulaient par terre, s' evanouissaient, tentaient de se jeter par

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• A e contre Ie mur. Les rares femme~ qui les fenetres ou se cOgn~lCnt la ~~ient les cllefs d' escalier pour empe~lzer gardaient leur sang-froid ~econ gestes irreparables. Au bout dune leurs compagnes de se Ilvrer ,au~ de ces mallzeureuses se transfor-heure d'efforts, les violentes react;ns I suite on ne deporta plus sepa-merent en un lugubre abattement. ar a ,

'ment de proches parents. re h t avec

42 ont ete retracees plus au, Les deportations d'enfants de 19, rtations de H~vrier 1943 furent,

leurs dramatiques. peri~etie:'1 ~:~a~:~r~ de cruaute ~u'il imp~rt~ 1e ~~: e\les aussi. marquees d ~n. e e Denise Aime, qUi Y a asslst~ ep decrire avec quelques details. Mm re plusieurs chapitres de son livre. Les

leur can sac . 'f mes de ces l'infirmerie de Drancy. "ff' londonienne furent m or

. d la radlOdl uSlon . . services fran<;als e " t dans plusieurs chromques. la evenements qu'ils retraceren . nt quitter \a gare du Bourget po~,r

Trois trains com~lets devale I 9 11 d 13 fevrier. Chac~n ':ux . . stre « destination mconnue », es , e les ordres des naZlS recla-

SIn! 1 000 personnes qu . '( 143) w' dev;:.it (omprendre ces. . rtirail? ecrit Mme Alme p. '. mai.ent impitoyablement. ~Ul pa d'abord: if y en avail 1.800 au c~mp, ne savait pas encore. Les etrangl~r: par ordre de date, les pLus re~em-

. ns doute les natura Ises . s A La fin de La Jour-ensude, s~, t' aUte fram;aise Les premier.... r d'hommes ment admls a La na IOn • . feurs Les premiers esca lers nee (du 8), on appela chez IAes co;f premiers clients sortir, tondus, avec etrangers, et bientOt n~us, vlmes es '1 t de pauvres visages cTlspes... ures de l'apres-midi, un coup ~e slff ~e

Le len demain, vers deux [he clzambres et ils apprenGlel~t qde . d't nus dans eurs dies esca lers

consignart les e ~ 't revete des manquants ans ll'ons etre « l'appel du matm avaz . I·t deux evasions et nous a, : ta

, s On sIgna at • t ['on nous po.n deportation l~ ho~:;~e ~o'mmenfa dUllS les .clzadmbr~~: ;remiere ceJ'l?monie, contre-appe es., .'s une heure et demle e ce escafier. Tout et repoint~ P;Us, d:1s:endre dans la cour et group~r !e~r des infirmeries, on nous fl: .ous meme ie personnel et les ma a mmes allaitant Ie monde etalt en bas" On vit la, des vieillards, de~ fe dire qu'il y ies contagieux ()xceptes. . t ' peine debout... Inutile de

t . se tenmen a des enfants e qlll 149)- , eut piusieurs evanouissements (p. . . fallut trouver de quai co~pleter

Un premier convoi etant ~a.rh, i1 t »deja arretes et reparhs d~n_~ ensa a des « delmquan s " ut verifier les dlres

un second. On p ·tale L'apres-mldl, on p uveaux. les diversets. p,r:soqn:e~qeU~~ c~~~ObU~ arriver~nt, ame~n~?;d:~t:S n:es deux de la ma me , . es de Jeunes t t ,II! D'abord,il y eut plUSleurs gro~rt des po/ftiques vena~t du . or l~s

'C' elaif, apprit-on aUSSI a . , uand on vzt arT/ver . sexes.. ' eut un sentiment de gene q ? 'ho ital Rothsclzild, Romamville ... II y " . t tous des etrangers .dl I ~ v'eillards « lots» suivants : c etmen

d t 'beaucoup l' etaient a peme, et '

malades transportables et on

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de I'H . OSplce. Quelques-uns se train . '. Enfin, il y eut un dernier arriva . ~u:n~ et etment lamentables d vOir avaient ete deportes et qu'on g:'e~;i:,~ent d~s enfants dont les pareni; con que POur les «regrouper' I e retlrer d'un orphelinat quel-beau '. » avec eUrs families L' aVOlr eie bien trouvee ell d' . expression avail per oil, et comment ? Nul' e ~nnmt quelque malaise / Les regrou et f II . . . ne sa,valf ce qu'eta: t d -

a alf-i/ compter SUr la b" .en evenues ces familles (p. 159). lenveillance nazie POur les decouvrir ?

Pour faire nombre, on ap ela' . ~es, mais iI semble qu'une inferve a .Ia fouIile les Hongrois deja inter­fm de compte. Le premier depart a nt7~ ?e leur consulat les sauva en ~able, Ie troisieme fut tragique vm te douloureux, Ie second lamen­lmplique d'element theatral a;ec ~out ceo q~e !'idee meme de tragique un troisieme depart de I .000 <~~e~es »m: Alme. (p. 155). Pour realiser les Fran<;ais internes. Pour les e ' 1\ a~ralt fallu prendre cette fols de Police eut I'idee de rafter da~:r~ne~, Ii semble que la Prefecture e.trangers d~ toutes nationalifes. ans tout ce qui restait de ]uifs

Le 1 I fevrier, iI fut done roce les autobus de la T C R P P ~e a cette rafte monstre. Vers m'd' d . '. amenerent d' t I I,

e deportes leur triste carg~ison P !rec em:nt vers les escaliers donne une note transmise it Lond'res Our s en tenlr aUK chiffres, qUe cO.mpta 1.496 personnes arretees do t ~ar « Fr~~ce-Informations », on talt de la fa<;on suivante : ' n a repartItIon par age se presen-

Plus de 90 ans.... 4 De 81 a 90 ans... . 54 De 50 it 41 ans.... 28 De 71 a 81 ans .,.. 447 De 31 a 40 ans 33 De 61 a 70 ans. . .. 689 De 21 it 30 ans .... 8 De 51 a 60 ans .... 170 De II a 20 ans.· .. :.· 41 « Le temoin oculaire »que 't I ~oins de 10 ans. . .. 20

~st consigne dans Un document c~ e a r~dlO de Londres et dont Ie reclt I Information, decrit de la f u d.ossler B 2935/2 du Ministere de cortege . a<;on SUIvante l'arrivee a D . rancy de ce . II fallail voir quels debris D

Vleillards. II y en avail de 70 80 ranc! ressemblait d un hospice de bl~nts, quasi impotents qui ~ar le~r m:m.~ ~O ans, to us vieux et trem­d ~ arrestation. Le tableau e;ait it semllf.e, avaient echappe jusqu'ici pletement invalides, avaient et/a::e~::e et il y en avail meme qui, COm­bran.cards ... A peine y avait-il a . da~s. leur lit et amenes Sur des partlculier des femmes avec de .p rml ces vleillards quelques adultes en Alme les compare it un cor::u;es e.nfants su: leurs bras. Mme De~ise Miracles : des vieillards a' c ftg qUI semblmt sortir de la Cour des mem a ans avec de b b

e. avec ces bouc1es spectales u' ont s . ar es longues, certains e~ chale, des bossus, des boiteux ~vec I les Ju~fs . orientaux, des vieilles tlques dans des petites vO/fures. eurs beqUllles, plusleurs paraly-

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Le lendemain matin on conduisit vers la fouille ces lamentables vi {'times qui 'avaient deja passe des heures au commissariat de police apres avoir ete arrachees de leur sommeil en pleine nuit. Ce fut it ce moment qu'on vit apparaitre la voiture automobile des officiers alle­mands. lis regarderent sans mot dire Ie defile devant la foui\1e, puis ils aile rent au bureau du commandant du camp, it qui its donnerent de nouveaux ordres, puis its repartirent. Le temoin oculaire que Cite la radio de Londres rapporte que, quand its virent quels lamentables debris Ilumains on leur preparait a Ia deportation, its (Ies officiers allemands) pousserent des hurlements. Ces vieillards etaient voues a une mort pro­chaine et spontanee. Pour satisfaire leur frenetique desir d'extermination des luifs, ils reclamerent des adultes valicies qui, avant de succomber, pOllrraient au moins travailler pour eux. I1s exigerent immediatement 1.000 Juifs franrais ou naturaUses Franrais qui devaient etre deportes Ie len­demain. II faUail aller vile. Ce fut une effroyable panique dans Ie camp.

Certes, Ies anciens combattants ne furent pas portes sur la Iiste des departs, mais o,n y trouvait des femmes d'aryens que cette qualite avait protegees jusque-lit, de jeunes poitrinaires, des veuves de guerre.

Impossible de decrire Ies scenes atroces qu'if y eut : un pere venant annoncer son depart a sa femme et a ses filles et celles-ci hurlant qu'eUes voulaient partir avec lui, puis hurlant encore plus fort qu'elles ne vou­laient pas partir quand on vint leur apprendre qu'elles etaient deportees aussi. (D. Aime, p. 178.)

Entre temps, it avait fallu demenager to us ces vieiIlards, dont beau coup d'impotents qu'on conduiS'd par fa main e1 doni on porta it les bagages. On les parqua dans Ies fameux escaliers de Drancy qui etaient a ce moment-la une glaciere. Le mpport de la radio londo­nienne continue par ces phrases : Comme it faisait deja nui!, La cour etait eclairee par des projedeurs. Vous pouvez imaginer ce spectacle lugubre dans cette atmosphere d'aube d'execution capitale. Le moral des deportes etait bon, car if y avait parmi eux beaucoup de jeunes, coura­geux. C'etait affreusement penible de voir fouiller les hardes de ces mallzeureux qui ont deja tout perdu et dOll! les seuls biens terrestres se resument en quelques effets ou quelques objets personnels. La fouille terminee, les deportes regagnent les escaliers de depart. Le Iendemain, conclut Ie temoin, a 5 heures du matin, eut lieu l'embarquement. L'atti­tude des deportes etait epatante. Pleins de cran, ils chantaient « la Mar­seillaise » et tous Ies spectateurs, meme les gendarmes du service d' ordre, avaient les larmes aux yeu.x. Au contraire, parmi les deportes, les jeunes riaient et plaisantaient.

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* ** Ccpendant, dans Ie camp, certaines ameliorations s'etaient pro-

duites. L'U. O. I. F. avait pu installer un service social. Un refedoire d'enfants, une ecole, organises par des internes et des internees, fonc­tionnaient pour Ics enfants qui n'avaient ete epargnes ni par les rafles en zone nord, ni par Ie mouvement de regroupement administratif en zone sud. Des Ie mois de septembre 1942, on constata une moins grande immixtion des gendarmes dans la surveillance de l'execution du regle­ment· Cette tache fut confiee, en grande partie, it des internes.

II convient d'ajouter que les changements dans Ie mode de vie it Drancy n'etaient pas seulemcnt dus it des circonstances exterieures. On en trouve une explication dans Ie depart de Dannecker, auquel fut substi­tue Rathke. Le premier, ecrit M. Wellers, atta:chait la plus grande impor­tance aux minimes details du tra:tement que subissaient les juifs enfer­mes a Drancy ... Son successeur etait different. Fort occupe par Ie nombre des deportations, it ne se melail que de loin a l' existence de ceUoX qui etaient deja solidement sous sa griffe. J[ venail tres :wuvent pour assis­ter aux departs des convois, presque sans s'interesser aux deta:ls de ce qui se passail autour de lui. Assez grand de taille, visage sec, l'epaule droite levee, it restait immobile pres de la sortie au faisait gauchement quelques pas dans la cour. J[ ne se montrait jamais dans les cham brees, en trait rarement dans les bureaux et on ne l'a jamais vu battre un pri­sonnier. Toute son energie etait entierement consacree aux deportations. La, if pouvait etre fier de son effort.

Du 18 join 1943 au 18 aout 1944

Au mois de juin 1943, un officier SS, Ie Hauptsturmfiihrer Brun­ner, commen<;a (vraisemblablement de son propre ·chef, car il etait alor~ charge d'un tout autre service et scmblait dependre de la Riistungsin­spektion) it s'interesser a la vie juive, et particulierement au camp de Drancy.

Mme J. Cremieux-Dunand se trouvait alors it ce camp. Elle decrit, dans son livre « La vie it Drancy - 1941-1944 », la premiere visite de celui dont Ie nom est devenu synonyme de cruaute ct de deportation. C' est un specialiste de la mise au pas des Juifs. II a deporte tous ceux de Vienne, et tous ceux de SaJonique. Drancy est, clit-on, Ie dix-ncuvieme camp dont il va s'occuper. Voici son a,rrivce dec rite par Mme Cremieux :

18 juin. - L'apres-midi, un coup de sifflet interrompt toutes les conversations. Les promeneurs dans la cour s'arretent quelques instants, avant de regagnerleurs c1zambres respectives, comme ce seul coup stri­dent leur en intime l'ordre. La cour se degage et les fene:tres se gar­nissent de grappes humaines de taus ages; Les visages reflCtent la curiosite et un peu I'inquietude ... Quelques minutes s' ecoulent et I1n

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la cour accomp'agne d'un inspecteur otficier allemand penetr~ dan~d t ;zne table' est instailee SOLIS les

f fran aise Tres rapl emen , de la P.. f ., ffieier etale les papiers. , arcades, Sllr laqllelle 10 . b' t~t des listes ali.X chefs d esca-

d ffectifs enVOIe len a , Le bureau es e t; ategorie d'internes : les etran-

. descendre une cer a.ne c liers pOllr fatre . '0 tion les natllralises. gers d'abord, les Franfats d p, t' s alarmants vont leur train.

. scendo les pronos IC . t L'inquietude va cre, ile lci les bruits qUI couren , ies « bobards de Drancy », com me on appe

eircllient. .' antant encore : « (:a, c'est un depart Les plus crimes dlsent,. ~lals I ' our designer Ie grand depart,

pour Pitchipol », nom fantatslste emp 01 ye ::ande oil ils vont eire ()xiles· ..

r queique part dans e 1, f 'il des Oil mieux, un leu, t' porte surtout sur ia ami e On sait rapidement que l'interroga olre t d nne' des adresses, mais bien-

. is de court on a h intemes. Les premIers, pr 'exposer Ies siens encore de orS t et afn de ne pas e tOt ie danger apparu " "f it les internes ignoreront ce qu

ou en zone libre; avec un ensemble pal a g'eneralisee qui eut Ie don de t devenus Ignorance , I' que

leurs parents son :. Brunner et lui, fit dire: «I n y? . porter sur ies nerfs du captiazne A res avoir ajoute : « S'il ne s agls­des orplzelins dans ce c.amp .' ... » i fuifs qui sont iei. ~ Il pose ceUe sait que de moi, je fus/~le~at~ tOU~it e:st votre mari ? - A l' ~6pitai questfon a une femme agee . «, 'l'estomac. _ Taus les fUlfs ant ROtllSclzild, soigne pour un .ulcere d,a stomac « vieille vache », ils font fOLl]' ours LIne mala die de fOle o~ e

d,· t 'e's ant ete ainsi interroges,

. U centame m ern I . trap la bombe I ... » . ne d b t alignes dans la cour, en p em apres etre restes plusleurs heures e au ,

soleil. .' les chefs d'escaliers

t Ime Dans la SOIree, Le samedi 1 9 es ca. d' matin Ie cafe it 6 heures

f . rvir Ie len em am t re<;oivent l'ordre de alre se t it 10 heures comme les au res et de procecter it l'appel it 7 heures e non ·t Mme Cremieux-Dunancl,

, "nterroger poursUl 't . dimanches. Les internes a I , t' dure de huil heures a reue descendent dans Ie preau et l'interrof~a. ol~e 18 heures L'appel est egale­heures. Il est repris a 13 h. 30 pour

l md: ~1 Bnll1ne; est attendu to ute

ment avance a 7 heures pour Ie un I I' our II ne se presente qu'a . t ' debout dans a c . h

la matinee par les m ernes, . t' qui durcra jusqu'a 18 eures. 11 h 30, pour proceder a un mterroga °t Irt~ est rendue officielle. Elle

. u er la depor a IOn . t Au depart de urunn , I Hauptsturmfiihrer a m erro-

. . e tous ceux que e 'ent doit atteindre en prmclp . r eviter que des noms SOl

.. rde la liste sur lUI, pOu . ges. Mals II a ga ou d'interventions. . fayeS, it la suite de manreuvres t donnes plusieurs fois, les

. t . Les noms seron Mme Cremieux aJou e .

premiers a 22 lleure~. . ,. 3 hell res dll matin, au nOllS parvien-A partir de cette hellre ]IlSqU a

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dronf Les derniers nOT!,S, Les chefs d'esca/ier et Leurs adjo:'nts aUront La friste mission de prevenir ceux. que Ie sort frappe.

Les internes, to us consignes, sont aux fenetres ; seuls circulent ceux qui ont un service. Le travail se fait en sourdine, un silence lourd et impressiannant plane Sur Le camp. Il ne sera trouble que par les cris des femmes, celles qui ont des crises de nerfs, qui /zurlent et sanglotent. Dans les chambres, on s'affaire autour de celles qui tombent en syncope.

Il faut bient6t transporter a L' hOpital Une femme qui (/I avale une forte dose de veronal, pUis en surveiller une autre que j' ai Sur­prise en train de S'ouvrir les veines du POignet. On ne pourra plus la quilter, Son regard hagard et son entetement a rester pres de la fene­tre font craindre qu'eUe veuille escalader Ie balcon ...

On assiste a des scenes dechirantes entre membres d'une meme' famille qui vont etre separes, ne faisant pas partie du meme convoi, ce/a volontairement. Dans la nuit, chacun se hate pour essaycr d'obte­nir, quelquefois a des prix astronomiques, les objets indispensables. Le­Service Social du Camp subvient a ceux qui sont demunis de tout en leur procurant du Iinge, des vetements, des chaussures..

Le 22 juin 1943, des 7 heures du malin, ceux qui vont eire depoT­Us viennent se ranger entre les fils .de fer barbeUs. Les /zommes sonf tondus ; apres, tous les partants passent par la baraque de la fouille. Des fouilleurs professionnels de La P. J. verifient to us les colis au balu­chons ; bijoux, argent sont pris. Aucun!! bouteille au objet en verre, couteau, fourchette, rasoir, stylo, crayon ne sont toUres. On ne leur Laisse meme pas d'aspirine ...

La fouille terminee - eUe a dure des heures en pLein soleiJ en ete, au a l'intemperie en hiver - on trace a fa craie une croix SUr Ie dos de l'interne, comme sur les bagages au passage de la douane. Ensuite, ils son! diriges, d'apres la lettre afphabetique .de Leur nom, vers les escaliers de depart, d'ou ils ne pourront plus bouger, sous aucun pre­texte. Un gendarme e! un planton civil ne quitteront plus Ie bas de rescalier.

Hommes, femmes et enfants sont reunis pele-mete dans ces cham­bres compLelement nues, aucun lit, pas de tabouret, sans un brin de paille ...

Sur les paliers et au pied de i'escalier deux seau,x serviront de W. C., total : 10 seaux pour 320 personnes, 80 par chambre. Bientot les excrements et ['urine deborderont, souilleront les mUrs de haut en has et. dans cette ctfmosphere el71puantie, les dernieres heures a Drancy seront affreuses pOur les depor!es ... Nuif tragique, ou eclaient les san­glo!s, bientOf couveds par des chants ... Ce 22 juin 1943, la Marseillaise entonnee par tous les partarrts lHreint Ie C(J!ur de ceux qUi restent, mais pour c()mbien de temps encore ? ... Puis, c'est Ie chant des Scouts:

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t ~ '1 y a un grand t t parmi les .depor t:s 1 . Ce n'est qU'un au revoir ; pour an ,

nombre (I' etrangers... . I hef d' escalier est venu chercher, p~u~ T 'd dans la SOiree, e c de la resen,,; 1" pa, c ar e L' on nomme « 'At

les retirer du convoi, bC~uX E~U effet, pour un depart de. 1.000 te ::~d~; u'lls sont en surnom ,e. . es en cas d' evaSIOn, de m q. 't 1 060 pour combler les vld t mme ils sont haletants en mscrt ., . t I C(f!urs batten, co ler On se dOllte a quel pom ~s . d) s'entendre nommer, rappe . dalls ceUe perspective d:ULtr;e !~~~~t ;~nt vUe reconnus, PUisquelle~ Les soixante environ qUI re Aesc . A 20 heures, on fait Cappe, I homl71es priviLegies ont la te/te ra~~~ sont retrouves et passeront leur a plusieurs disparus ... que ques-

J' . ent Ils derniere nuif en priso~. . t 6 heures, les autobus arr~v . It! lendemain 23 JUin avan t d soLdats allemands Vlent pren-

entre;zt dans La cQur. ~~ /1:a~~;:r~n co;mence. Les deportes s'en vont, dre livra.'son du conVOI e d ans une larme.

dignes, cr nes, s , t 0 voit des meres d'h reur se deroulen. n , I

Cependant, des scenes or lies dans la crainte qu'on ne e5 tenant leurs enfants se:res contre t e ber~uleux sant transpories sur un

. e a la derniere mlOute. Les. u t bien qu'its n'arriveront pas sepa, c , , n,s - ,Is sa"n 'I llongi, bra~zcard, calmes et reslg ui a les deux jambes brulees, para a .destinai:'on. Une femme q .

. ore repns ses egalement.. 'em oisonner .n'a pas ~ne. " L'internee qll! a ~oulll ~ ~ et ramenee d I'lf1ftrfnelle ..

esprits ; el/e est retiree de.1 auto ~~e taus crux qui sont en IOstance Mais une intense emotIon. se~ur est peut-etre encore reserve cet~e

de deportation. Un ultime espOir 1. ..'.f 1 085 tetes. La veille au SOlI uuu If'rl(t't.,·, (;/1 II IflSCI [. . '1 reste encore Juis-ci, pour 1. ( A la dernii!re 1I1mute I en. _

60 ont ete retires des clwmbres. '. dans Ie camp et restent mtrouva

t . 5 sont« planqlles » '. au depart e ) 20 a ellO:s[r. se t A e limite VOllt ecfU/ppe, Ie

hies. Vingt done qll~, ci l' ~x ;e1l~eportation. C'est it qui avancera eut-etre, pOllr touJours a a . t se trouver dans Ie groupe en ~oins vite po", @I" dans les d:,~~e::n; {'omel" allemand. lnlmogis.

surnomhre. Un a un, [Is ~as:'>cn etenlls selon lellr origine: franr~ls; ils seront CflOisis, c'est-a-~lre r tOllt I;ur pflys.'que qui plaLt ou .dep al

Ption mats sur . . d'abord, Oil lellr 0 .',. . as ,wlI de cognac. oit~ . et offC"er qui a pns deJa p ." . les Internes. II met it dr a, L'omd« allemand fait, un In pa;n~d du jO"" A sa gauche, ",ux ceux qui ne feront pas partIe d~r tr~~~fes de raisons ou p~'rsUite d u~ .qui seront du nombre, p~urd' toeu le: internes qui ont commls une que .. I c'cst-a- Ir . « ordrc spccla », t du camp I

tiC infraction aux reglemen s , ma'nd arme est assis su~ es .con

qSlIr cfwque autobus, un soldat afle Apres que la derniere vOlture

b.agages amonceLes sur la plate-forme.

Page 75: La Persecution Raciale

142

a quitte Ie camp I ' ... ' a cour reste vide M . une prume Jonchee de boutons d' . alS, son centre est jaune co petits morceaux d'etoile I . or. Ce ne sont point des fleurs ' '}1me ~::t a defcoupees pour don~e:~:n;r;~~t~~~ Cdl1ute~ ~e ces etbi7e~ISq~:

neu s. s es InSlgnes tout p ropres

Le voyage va s'effectuer . , ' besti~ux. OU Ics « lfuarante h~~mme a lordinaire, dans dcs wagons it ~"ut ,uste, on n'hesite pas a y m:;: ' de ta tradition mmtal" tlennent d:~ :-agons, qui ne sont jamals ba~~ ~mquante personnes sans pattie

e rIS de ciment. Les /lOlllmes s'cnt yes, ont leur plancher jonche d~ f~nts ;, if y a deux seallx : lin conte assent a;ec les femmes et les en-reserve au,x beso:ns naturels Ccs nont de I eau potable, Ie second est

Quelqucs incidcnts 011t' wagons sont plombes. d' cncore rna . I' epart, les Allemands ont aper u . rque . en?barquement. Avant Ie f::

U ,~elo~ ef podanf une poc';elt::;:~e;ne. deporle colffi d'un chn-

r deplad sans dOllte car d' a poc/le de son veston Cela peau . I" un COllP de p" . , qIll cOllvre la moiiie du v'sa omg, tis enfoncent Ie char I el1}portera vers la deportati(Oll' ge et Ie ,.nettent face au wagon qui de bouger pendant loute la pr~ aLI ft.arde-a-voLls, sans avoir Ie droit ~~ndS ~Vlsenf oussl une femme j:~~~o;, d'~ ~iPort. Les offld", olle­a. lire n esl sans doute pas de leur ' A o~ e, un peu excentrique. Son glflent et La placenl en penitence d gO.ltlt , a~ors, a tour de role ils la , un autre wagon. ' rOI e el Immobile devant '

* ." Mme Cremieux-Dunand ra ort

:tlemandS, amenant des Intern,:Pont ev;~~e, Ie. solr mime, des officlers es excrements que les d '. U VIsIter Drancy. Ayant d' . cux chlens d .n . apen;u

en rOlt au ccs officiers devaient et u c~m~ avaient deposes it un hommcs et fcmmes ales ramasser re amenes a. passer, ils ant oblige

avec les ma1l1s.

* ** La fin de mois de juin est cons ' . ,.

il un rythmc plus Icnt ccpcndant ~cree a IlI1terrogatoire des internes et Ie sous-officier qui Ie rcm) . runner ne procede plus )ui-mem~ res. pace ne reste au camp que que) h . ques eu-

. . Dans les journees qui suivcnt regIme administratif du cam ' ' ,une transformation complete d Ie dAp t f . p va s operer Des Ie ler . . u ~ . ~ ar, Ixe aiU lendemain de . . :. .' JUlllet, on apprend Lollcc aux Qurst' J' '. s ll1flrmlelcs aryenl1es de D d I' mns l"ves fera de m' .. r.ocy. La

e a .Prcfccture de Police, I'ccono eme, ?1l1.S1 que Ics representants charges du ravitaillement. me, Ie calSSlcr et les fonctionnaires

r e ll1tencurement Le camp sera ga d" .. p:tr des membres des troupes

143

d'occupation

. Les gendarmes, en qui on craint de trouver des temoins genants des exactions nazies, sont eli mines eux aussi, en meme temps que Ie Commissaire de police. lis ne feront que la survei11ance exte­rieure du camp. lis continueront a occuper les miradors, a longer Ie chemin de ronde et monter la garde au poste d·entree.

Le vendredi 2 j uillct, vers midi, deux sous-officiers allemands penetrent a Drancy. C'est Ie moment ou les internes font la queue dcvant la « baraque aux fouilles » ; ils sont venus chercher les quel­ques alimcnts qu'i1s ont donne a cuire. Mme Cremieux-Dunand a assiste a cette scene, qu'eHe decrit dc 1a fac.;on suivante : Quelques mots brefs que traduit l'interprCle : « Tout Ie monde dans les clzambres ! ». Imme­diatement, et sans aLlcune llesitation, l/Onimes et femmes font demi­tour et S'CII vont. P6urtant, lin des sous-officiers fail des gestes d'avoir a vider les [iellx et ajoute en fral1i;ais : « Allcz ! Allez ! ». Puis if se met a marcher, c' est-a-dire a sllivre ies internes, qui, sans se retour­ner, sans demander leur reste, regagnent lellr escalier. Pas un seul ne s'est arrete, !'obCissance est absolue, 1I11anime, ce qui n'empeclle pas de vo:r le sous-ofticier se [wisser, ramasser des pierres et les lancer

sur les /IOl1l1l1es et sur les femmes. Un nouvcau regle111ent entre en vigueur dans Ie camp. L'autorisatio

n

• de fumer cst donnee, 111ais seulement dans la cour, pas da:ns les cham­bres et aux 110111111es seulemcnt. Cettel11esure, qui pcut paraitrc de nature a alleg

er Ie poids de l'internel11ent, n'cst en realite qu'une ruse.

MM. Darville et Wichene Y voient une mesure prise en realue pOllr permettre aux Allemands de saisir pour eux un quart de ['allocation de tabac fourni au camp par la Regie, au prorata des rationnaires. En etfet, entre fa cOl11mande et fa riistribution, un depart a lieu en general, et, de ce fait, le tabac ne va pas toujours a ceux pour qui if est com·

mande. Depuis Ie 12 nowmbre 1941, les internes ctaient autorises a rece-voi r un colis de trois I,ilos de nourriture. Dorenavant, les paquets indi­viduc\s sont suppri111es ~t leur contenu sera mis en coml11un pour etre distribue it la collectivite. Les deslinataires n'auront plus, note Mme Cre-1111l:11)o. •• !>unand, celte douce emotion d'aller cherclzer ce colis qui appor­fait un peu de ['eire cher qui ['avail prepare a volre intention et y ref.ouver un peu de son C(J'.ur parmi les ffiandises, ces extras qu'il allai( ell tnnt de mal a reunir. Cette l11esure parait apporter une stricte cgalite. A la verite, elle coupe dCfinitivement tout lien qui relie I'interne a sa famiHe ou a scs amis. La corrcspondance n'est pas Iibre. A son arrivce au call1p, cl1aquc nouvel interne aura I'obligation d'ecrire a sa falllille une lettrc. C'est cgalel11cnt une 111Csurc de faveur hypo­crite. E\le n'a .pour but que dc l11ettre Ics autorites a\lemandes sur la pistc de Juifs encore en.libcrte et dont les internes Icur donneront

involontairement I'adresse.

Page 76: La Persecution Raciale

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,. Car Brunner pOUsse Ie raWnement. " . d mternement volontaire des Israelites u.JusqU a organIser une sorte par les rafles. Les adresses sont q I ne sont pas encore touches

connues Mais po If' sous sa coupe, Ie SS. Hauptsturmf" h . ,ur es alre tomber S(JdiquE' d'agir par la persuasion U u rer ~rouve, ~Ius commode ou plus d'internes qui auront accept. d" n se:vlce spe.clal de police, compose d" h' e accompiJr cette ta h d . ec apper a la deportMion allai' .... c e ans I'espoir Internes it rejoindre les leu' t a domIcIle InvIter les families des t b rs sous la menace de '. a Ie chantage est exerce Sur II. represallies. Un veri-

I'execution de leur parent infern: e~ '11 on les menace notamment de bref delai. ' Sl e es ne se presentent pas it tres

Un rapport du 15 juilIet 1943 d . it Paris, constate que les rE'pres~'lIresse, par Ie president de I'U.OJ.F. execution, mais qu'on a pu constat I es n ont pa~ encore ete mises it nements « volontaires ». er, en une semaIne, environ 150 inter-

Une lettre du 2 aoGt 1943 adre . Rabbin de France et M J ' ssee par M. Isale Schwartz, Orand C . acques Helbronner pre'd t d

entral, au Chef du Gouvernement d'al . '. Sl en u Consistoire nouvellement instaure aD' ors, decnt en ces termes Ie regime

r,lncy par les Allemands . Dans les saus-sols ont ete inst II' .

sains, oll les malheurellx p : . a es des cachots hum:des et mai-l r.sonnters sont reduits a . .P'l sevices corporels s' ag(1 t d' u ~ain et a r cau. ,

des vieillards sont giflis . de <atven, e Jour en Jour .: des femmes II 's ,n emes sont obFge' I '

a emands qui les frappent a cou s de" " spar es gardiens ce qu'ils tombent d'~p . P baton, a tourner en rond J'usqu'd

t: ltlsement.

Pour ilIustrer ces quelques hr . . nombre d'anecdotes, qui sont p asC's, ~I convlent de citer un certain la radio de Londres clles presque dev( nues classiques. Diffusees par internes qui ont pu temoigne

se dsonl t t:ou:,ees confirmees par tous les

rea vIe a Drancy.

. Un SS plante son cOllteau dans Ie ' interne d cour:r autour de ce couteau Cha

SOI de .Ia c?~r ef oblige un

to.ur et qu'il passe devant ['Allemand q~e JOl~ qu I~ a accompli un baton. Qua;nd /'interne tombe en i ,', ce~ltl-Cl Iltl assene un coup de rendre d l'infirmerie. f n d epltlsement, on lui interdit de se

Un iour, un gendarme franrais racont M . apporte un paquet de lettres au All ent M. Darvdle et Wichene, Ie paquet rem!s. Les deux coupa~1 emands .. : ~eux sont signees. dans . Puis, quelque tem s a r' es sont arretes et remis au caclwt. rassembles dans la c~r :n e;, to,us les homm,es du ca;np (J .500) sont

Sruckler et Weiszel (deu,x ;;;e:n:~b;earde-a,-~ou.s, tete nue. mands) arrivent porteur~ Ie' . s de I equ:pe de gardiens al/e-

, .• premier d'un g d' I canne de jonc flexible Un . t . " our in, . e second d'une

Il t . in erprete JUtf le~ accompagne mon e sur la table el, apres avoir racont': les .

t: faits, annonce

45

d'un ton salennel qui resonne camme un glas : « Vous allez assister au c,Mtiment des deux coupables ».

W eiszel choisit aiors parmi ies internes un homme assez solide. L'un des condamnes est pousse sur ia chaise, de maniere que Ie menton repose sur Ie dossier. L'mterne designe Ie maintient fermement dans cette position. L'autre « coupabie » a qui a ele remis ie gourdin, reroit l'ordre de frapper. Les coups sont d'abord timides (n'est-ce pas la son camarade, son frere, son ami de souffrance ?). Weiszel frappe alors de sa canne. Les coups se precipitent de part et d'autre. Puis, forsque les bourreaux estiment que cette scene a' assez dure, Us changent de patient et La seance continue ...

Les coups lombent n'imparte Oil et principalemenf sur fa tete. De/11.'( etres presque sans vie vont au cachot et seront deporles ensuite ... pour l'exemple I

Une autre fois, un interne est surpris par Bruckler facilitant 13 sortie d'une lettre clandestine. Pour comble de malchance, la missive saisie comporte des renseignements sur la vie du camp. Le malheureux J. P. qui est M. S. (service d'ordre juif du camp) est « passe a tabac »

d'une fa<;on magisfrale, puni de ,cachot (35 jours de cellule nue). 1\ devra rester prisonnier jusqu'a sa deportation. II e.tait classeaupara­vant non deportable. Les internes veilleront sur ce bo'n camarade ; heureusement, la liberation Ie tirera des griffes des SS.

La discipline est devenue toute militaire dans Ie camp depuis l'arri­vee des SS. II convient de les saluer sous peine des plus mauvais trai­tements. Mme Cremieux-Dunand ,nous conte Ie fait suivant, qui s'est deroule Ie 3 juillet 1943, quelques jours seulement apres la mise en vigueur du nouveau reglement : Un saus-officier se promene dans fa cour Ouest. Un interne assis sur l'herbe ne se feve pas assez vite, a son gre, pour Ie saluer. Ne connalssant pas encore la consigne : s'immo­biliser, rester sur place pour attendre et encaisser La semonce, l'interne a fait demi-tour et s'en va. L' Allemand a ramasse une pierre assez grosse et la lui lance a bout portant, a un metre environ, et de to utes ses forces. L'interne titube, if a la figure couverte de plaies et un frou beant derriere r oreille droite, ses vetements sont macules de sang. Panse au dispensaire, Ie chirurgien placera. plusieurs agrafes sur ceUe plaie Iftendue. Plus tard, l' Allemand viendra Illi-l1leme a l'infirmerie. s'enque­rir de La gravtte de fa blessure.

Mme Cremieux-Dunand a ete, au cours d'un sejour pourtant rapide au camp de Drancy, temoin de nombreux autres actes' de brutalite, commis par les quelques atllemands charges d'y assurer la discipline.

Le 3 juillet, a 20 h. 30, note Mme Cremieux-Dunand a la page 113 de son livre, un coup de sifflet retentit. Renseignements pris, c'est pour

10

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[Hi

rassembler dans un coin de La cour tous ceoo qui ont participe B: fa manipulation et a l'ouverture des colis (qui viennent d'arriver d.e I'U. O. I. F.). lls sont places sur deu.x rangs. Quelques mots brefs et un ordre est transmis par l'interpride. Les internes ainsi alignes sortent fout ce qu'i/s ont dans leurs poches et en font un petit tas qu'ils depo­sent a leurs pieds.

Quelques internes, dont je tais partie, sont fa i1 une vingtaine de pas, causant paisiblement entre eux et observant la scene de fouille. Subitement, Ie second sOlls-otficier pousse des hurlements, gesticule, sort son revolver et tire dans la direction de notre groupe ; nous nous eloignons, comme ceux qui se ·trouvent dans ce parage malsain.

La touille et l'interrogatoire continue-nt, les hommes se detachent a tour de role pOllr que Ie sous-otficier puisse palper les vetements, pour s' assurer que les poches sont vides. Soudain, celui qui est sorti des rangs apres avoir ele questionne, doil ouvrir largement la bouche. L'Allemand regarde ses dents (je n'ai jamais su pourquOl), puis if Ie trappe avec violence sur Ie" visage et a la tete, avec un cuir a repasser ies rasoirs qui n'a pas quitte sa main depllis Ie malin. Les auto rites . allemandes ne se promenent jamais sans ce cuir, un ner{ de breut ou une canne. Les coups qu'il a assenes ne suffisent pas a ce teuton sadi­que ; if prend !'interne par les cheveux et lui cogne la tete contre Ie mur, /es coups resonnent ef font mal a ceux qui, de pres ou de loin, assistent a ceite sauvagerie. Entin, Ie grade vocitere un autre ordre et voici ce qu'il indique de faire : ['interne, soumis a la sanction du tourniquet, doit mettre sa main gauche par-dessus Ie crane sur son oreille droite, appuyer son index de la main droite sur Ie sol, tentr son corps ecarte du bras et tourner toujours dans Ie meme sens aussi vile que possible. Pendant cef oxercice, coups de pied et coups de baton pleuvent sur Ie pauvre diable, qui ne tardera pas a s'etfondrer. Les coups de pied ne cesse..nt pas et r ob/igent a se relever.

L'ordre a ete donne de ne pas s'adresser directement aux autorites allemandes. Le 5 juiIlet, au malin' : un homme i1 cheveux blancs, mar­chant avec difticulte, tout casse, s'est permis cfadresser la parole au capitaine Brunner, qui Ie toudroya du regard et lui tit signe de s' eloi­gner. J' (Mme Cremieux) etais a une dizaine de pas de ce pauvre vieux, un peu senile, mais trop loin de lui pour l' entrainer et Ie taire obejr. II tormula, pour la seconde fois, la question qu'il avail posee. Alors Brunner qui lenait de sa main gauche une grande serviette en cuir, bourree de papiers, s' en servit pour assener sur la tete du mallzeureux septuagenaire plusieurs coups violents qui l'etendirent a terre (p, 126),

Quelquefois; meme, ce ne sont pas seulertlent les Juifs qui sont victimcs de ces brutalites. Le 5 juillet 1943, un inspecteur de la police judiciaire, qui amene des malades de I'hopital Rothschild. rec;oit de nf·'ll·

hr~ux coups de poing d'un sous-officier allemand qui trouve que Ie

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ide Quand l'Allemand s'aperroit qu'; dechargement n'est pas assdez rap '~ur et serre la main de nnspecteur n'a pas ,d'etoile, if compren son elf

battu (p. 128). ,.( 400 de tievre Les mMecins dil L A e soir une mternee a .

e mem , ., ' ite . consulte Ie chirurgien se recuse. gnostiquent une cnse d ~ppendlc I~S conditIons du camp l'en empe­f[ ne veut pas operer, dlsant que , deoo mains va trouver

, h f enant son courage a . , chent. Le medecm-c e ,pr . tt Ie cas et lui expliquer l'urgence Ie Hauptscharfiihrer pour lUI s~ume r;heureuse idee de se faire accom­qu'il y a a evacuer la malafd~. es aIleuy a interet en eftet, de. n' eire pas

ar un de ses con rer . , pagner p . certaines re{lexions, pour renforcer et sou-s~ul parfors Pt~ur /n~:n~~fficier allemand a reftechi quelques seconde~, lrgner leur au en IC " t 1 ort prevenez-moi pour obtemr

. d' Cinq mmutes avan am, et repon .« " dans la voiture sanitaire, pas ICI, line ambulance pour qu elle creve t' difiants il fait demi-tour n'est-ce pas I Compris ?. » et sur ces mo s e ,

et s'en v~ ~P:1I1;O~. 20 h 30 les sous-officiers en trent dans Ie cam~1 ils Le JUI ea· I 's u'une demi-tranquillite, les mter-

ont laisse leur cravac~~ ; ce, ,n e t q he Quelques' vieiIlards, pre­nes semblent se volatlllser a leur ap~rocIUS' lents a se mouvoir et a nant Ie frais, assis ~ur un banc, s~: pferres et une femme est gilIee. s' eloigner, its sont cnbIes de coups

(p. 138). I r ee Mme Cremieux-Dunand en tra-Le 10 juillet, dans a ~~ l~ I outenir un homme qui paw

I Ollr doit se preclprrer pour s S 0 versant a c ... A 'rt secOllTt1 par deux M. . . et clzancelll', il a la tete bandee: UtSSI,O d 't a' sa chambre. Rensf'i-

, d' dre) 11 es con UI (Membres dl~ servIce o~ , nd lle' cet interne, pOllr n'avoir gnements pns, la narratnce appr~; q embres de sa lamiIle, a ete pas Jlolllu donner l'ad:esse de cer a,n~i;a rerus Sllr Ia tete l'oat mis ires fOlzement baltll hler, Ies COllPS qu

dans cet etat (p. 159).., 1 bloc III oil seuls resteront I es . Le 14 jui11et on dOlt demenager e

f ? A' cette question ['Alie-

f t on des ous. » , contagieux. « Alors que, era- - t fe~e dans Ies chambres communes: mand a repondu : « Qu on les rans t Ie mur et on les abattra 0'ifs deviennent furieux, on les mettra con re ., '172) ([line balle dans la tete ». (p. d detonations et, so us Ies arcades,

A 19 heures, noUS en tendons e: mettent a courir. Le sous-f t d hommes meme se

fe'mmes et en an s, . es 'e u'il y avail trop de monde sur officier allemand a slmplement tlOUV q,

. t" d COllPS de revolver. . son passage et If a I~e es roduit Ie 15 juillet. A partir de ce

Un incident du meme ordre se P s du bloc III. En cas t' '1 est detendu de se promener SlIr les balcon ,

mG In, I '. '. ternes qui y seront vus. de desobeissance, on tlrera Sllr Ies I;t u camp voil quelqu'un cir-

L'apres-midi, l'otficier .en ren ran a ~oiture, descend, sort son re-clller all premier etage. 11 fali stopper s .

Page 78: La Persecution Raciale

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volver et vise Ie ba1con, mais i'interne s'est precipite dans ltfle chambre, if evitl! la balle et nous ramassons, quelques instants apres, la douille. (p. 174).

La meme scene se reproduit Ie lendemain 16, parce que la cour ne se vide pas assez rapidement. Des coups de revolver retentissent, des pierres sont lancees sur des femmes res tees it la fenetre.

Le 17 juillet, six officiers et delbX civils viennent visiter Ie camp. Cetfe visite efait sans doute annoncee au sous-officier de garde, paree qu'if est monte jeter un coup d'reif dans plusieurs chambres. Ayant trouve qu'une internee ne se rangeait pas assez vite, if se saisit d'un bol plein d'eau, qu'il lui envoie a la tete (contenll et contenant). Dans une autre chambre, il voil un vieillard, 72 ans, se levant peniblemerzt de son tabouret. II s'approche et lui administre deux gifles, puis, un peu plus loin, il surprend un autre pauvre vieux itendu sur son lit. En vociferant, il Ie fait lever et lui assene un coup de potng qui Ie jette a terre. Non content de ce resultat, if lui inflige la punition de ramper d'un bout de la chambre a l'autre.

Ramper est la punition au gout du jour. A 14 heures, en plein soleil, je vois, en bas de ma fenetre,. un docteur age de 56 (ms, a plat ventre par terre,. if est sur 10' liste de deportation du lendemain.

Ma premiere pensee est que ce medecin est lombe, a eu une fai­blesse et je Ime propose d'aller Ie secoudr. Ces jours-ci, tant d'internes avaient des syncopes causees par la fatigue, Ie surmenage ou Ie manque de .nourriture. Je m' aperrois vile que ce docteur essaye de ramper sur Ie ventre et les genoux, en s'aidant de ses coudes. Les deux sous-officiers l'encadrent et I'allure s'etant ralentie, a tour de role ils frappent Ie malheureux" docteur sur les reins avec une canne, puis en riant d'un rire satanique. L'lnterne est epuise, la chaleur est torride, il rampe ainsi depuis la porte du camp et se dirige vers la prison. II a done a parcourir toute la .cour dans la largeur, ce qui represente quarante met;es. A la bastonnade qui ne cesse, s'ajoutent des coups de revolver tires dans les jambes ... Enfin ce pauvre homme, foujours en marchant, gravit les deux marches de la prison, et la, if est encore battu. Les Allemands Ie laissent dans un etat pitoyable (p. 186 et 187).

La raison de cette punition tient dans un rapport fait par un offi­cier de gendarmerie fran<;ais aux sou's-officiers allemands. L'officier fran<;ais, qui pCl>ssait dans la rue, n'aurait pas ete salue par Ie docteur qui circulait sur Ie balcon. La sanction ne s'est pas fait attendre.

Le 19 juillet, Mme Cremieux-Dunand aper<;oit dans la cour du camp un interne qui travaille comme terrassier. II est appete d'urgence par Ie capilaine Brunner. Pour ne pas se laire attendre, if jette sa pioche, court tel qu'if est et se presente en manchesde chemise au bureau du capitaine.

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Le pauvre diable conserve, sans broncher, un garde~a-v?~s impec­cable . Brunner ['observe. Apres quelques secondes, 10fflCLer de· la Grand~ Allemagne, lui dit : « Voila votre liberation ... et voici ce que j'en fa is, parce que vous avez ose vous presenter devant moi'dans cette tenue ». En disant ces l110tS crue/s, if dechire en petits morceaux Ie papier liberafeur (p. 200 et 201).

Bruckler est particulierement connu dans Ie camp sous Ie surnom du « Boxeur ». Dans sa deposition, Ie ~ Dr W,eille dit de lui (dossier R PS 5004 du Service de Recherche des Crimes de Guerre de la Region Parisienne) qu'i1 a frappe les internes avec Ia derniere brutalite. Je l'ai vu Irapper Jean Claude Aron avec une canne. Il a, ti;e une .bal.le de revolver a bout portant sur Jean-Guy Bernard. Arme d Ii,ne mltratl­lette, if ~ tire sur des internes qui n' obeissaient pas assez vite a ses ordres (aout 1944). II a frappe les deporUs a coups de cro~se ~e revol­ver. II a ordonne la mise au cachot, nus, en pletn hlver, de tres nombreux internes. II a ordonne ie depart en deportation de ma/~­des mourants ou tres graves (notamment M. Fuizen, l'allZiral Haarblel­cher), malgre nos objections et nos supplications. Le meme temoi~ affirme avoir vu l'Oberscharfiihrer Weiszel battre des femmes,. qUt ne repondaient pas exactement suivant ses desirs lars des recherches concernant l'aryennete ou les lieux de depOt des comptes en banque. MM. Darvilleet Wichene confirment ces dires (p. 80 de leur livre : « Drancy la Juive »). lis ajoutent les faits suivants :. Un jour de depart, 59 personnes ont efe comptees par Bruckler. II en manque une pour. que l'autobus soil complet. La phys(onomie de Bruckler marque un ahurlsse­ment menarant. Un responsable lui indique que Ie soixantieme est lou.­L'interesse est adosse au mar, marquant sa volante de ne point partir, car meme les fous partent en deportation et celui-la, G., est sans mechan-eete, doux et obstine.

La brute s'approche de lui. Et les coups pleuvent sur la tete et sur Ie visage du malheureux ; cela ne suttit pas. Il sort son revolver, selon une habitude qui lui est chere et lui appuie farme sur Ie ventre O. ne reagit pas; alors Bruckler, prenant son arme par le canon, mar­tele l'innocent sur Ie crane, la figure, les epaules. Et c'est une loque sanglante qu'on reussit a entrainer vers La plate-forme, sous l'ceil epou­vante des partants qui assistent a ce drame.

Bruckler va chercher des malades pour nettoyer la cour. L'un d'eux a ['imprudence de dire qu'il est souffrant. Une grele de coups s'abat sur lui ; il est jete a terre et pUtine de coups de bottes .. L' Alleman.d vocifere : « Ah I tu es malade ? Que peut me laire ta chlenne de vIe pendant que des milliers d'Aliemands tombent sar Ie champ de ba-

taille ! ».

Page 79: La Persecution Raciale

150

Le principal soud de Brunner consiste it envoyer regulierement des deportes vers les camps d' Allemagne. Son organisation doit etre implacable : 1.000 deportes it chaque convoi. A Le propos, M. R. Fain conte cette anecdote :

Les Allemands de Drancy voulurent fair!! parvenir chez eux avant Noel 1943 des pores gras. /Is n'avaient d'autre moyen de transport que Ie materiel ferroviaire mis a leur disposition par la Reiclzsbahn pour Ie voyage Drancy-Auschwitz. /Is mirent donc leurs cochons dans trois de ces wagons, ce qui ne permit de deporter, dans les dix-sept wagons restants, que 847 fuifs. La difference fut comblee par l'envoi en Alle­mggne, au prochain convoi, celui du 20 janvier 1944, de 1.153 deportes au lieu de 1.000.

Au surplus, la preparation des convois se faisait des l'arrivee it Draney des personnes arretees. Elles etaient immectiatement ciassees suivant des categories correspondant it leur destination ulterieure. Plu­sieurs categories de fuifs furent creees : fuifs A, fUifs B, fuifs C. Tout fuif dCienu ou arrive au camp etait soumis a l'interrogatoire brutal par Ie capitaine Brunner ou ses acolytes et un fichier etabli. Les fuifs maries a une non-fuille dite conjointe aryenne, ou inversement, etaient classes fuifs A, non deportables a tEst, mais deportables a ['Ouest ou utilises comme travailleurs dans un kommando a Paris (Levitan, gare .d'Aus­terlitz), travailleurs a ['expedition des biens voles au,x fUifs a Paris ou ail/eurs, ou encore envoyes aux iravaux forces a Cherbourg ou a l'ile d' Aurigny, ou en dernier lieu, utilises aux travaux dans Ie camp de Drancy meme.

Les fUifs B, fuifs 100 %, ont ete deportables d l'Est, Ii coup sur. Les fuifs C etaient les fuifs faisant partie des travailleurs du camp : cuisiniers, menuisiers, peintres, tailleurs, cordonniers, mMecins, infir­miers, corvees generales, bureau, interpretes, police, environ 400 per­sonnes (temoignage du Dr Drucker).

Tout manquement it la discipline ou au reglement etait severement sanctionne, par la deportation de 20, 30 ou 50 personnes de la cate­gorie C par mesure de represailles en cas d'evasion. C'est ainsi que Ie president de ru. O. I. F. M. Andre Baur, fut deporte it 1a suite de I'evasion d'une personne qui l'avait donne pour repondant. Ce fut Ie cas, egalement, lors de la tentative d'evasion collective realisee au mois de septembre 1943. MM. Darville et Wichene racontent ainsi I'histoire du percement du tunnel destine it l'accomplissem~nt de cet exploit.

Un interne, Ie commandant C ... , occupant de hautes fonctions dans Ie camp, fournit les plans et donnees tech.niques : Ie travail est prepare, organise methodiquement. Tous les moyens materiels (!1xistant au camp sont mis en G!uvre. Au besoin, on se foumira au dehors ... Le tunnel

151

. part d'une cave ~tfuee dans le bureau .du commandant juif du camp (pres de l' escalier .22) ... Le souterrain doil passer Ie plus pres possible des barbeles ; it se dirige perpendiculairement au chemin de ronde pour aboutir Ir un oori contre Ie danger aerien.

Une liaison ~'etablit avec un agent de La defense passive de l'exte­riellr qui possCde la cle de l' abri. Il doil t ouvrir au moment oppor­tun. Il y a troisequipes de travai/leurs qUi (Euvrent de jour et de nuif, au iola!, soixante-dix hommes. Les eqllipes sont protegees par les guetteurs M. S. (police jllive du camp), et un systeme d'alerte. Au debut, Ie travatl est relativement facile. Un puits de 1 m. 50 de pro­fondeur est crellse, d'ou part une galerie sOllterraine d'environ 1 m. 20

de hallt et 60 centimetres de large. Ceffe galerie, veritable travail de Titan, est realisee dans un ter­

rain argileux, en plan legerement incline. Elle passe SOilS Ie chemin de ronde et remonte en suite doucement apres quinze d vingt metres de langueur ...

Quan.d une equipe a termine son travail, pour en effacer les tra-ces, lin couvercle de bois est place sur Ie cadre limitant Ie pllils. Sur cellli-ci, on etale une grande toile recollverte ensllile de terre. A la reprise de l' ollvrage, on souleve la toile et Ie puils se trollve degage ... La composition des eqllipes constitue lin amalgame de tOlltes les COll­ches sociales : des manuels, des intel/ectuels, des militaires, des mMe­ciTts, des commerrants, etc... dont la pLupart SOiflt Franrais ...

Un jour, Weiszel, Bruckler et Soellner font irruption dans Ie camp. Selon un code convenu a l'avance, des lellr arrivee, Les gardiens juifs de La porte d' entree coupent dellx fois Ie courant electrique. Ils aler­tent ain$li ies travailleurs en plein jour. Grace a cela, tOllte l'Cquipe a

. Ie temps de s'esquiver et de fermer la porte d'entree de La cave. Cependant, un des travaillellrs dll camp Ciant parti po~r ~ompieg~~

commet ['imprudence, regrettant son depart de Drancy, d indlqller qu tl etait en passe de s'evader. Un mOllchard inconnu recueille ces propo.s et avertit La Gestapo. Celle-ci avise Drancy teiepf1Oniqllement. Les troIs Allemands Jlisitent Ies caves de fond en comble. Parvenus d celIe qui sert de depart au tunnel, Us decouvrent evidemment la terre fr~ichement ment remuee. Cherchant longllement, sondant Ie sol, ils parlliennent a degager l'entree du puUs. Ils fouillent rageusement et trouvent les vete­mentj de fIavail abandonnes. Parmi cellx-ci, ['lin porte encore lin nu­mero matricule oubUe par une bLanchisseuse.

L'identification du proprietaire est rapide. Arrete, if est frappe line Izeure dllrant avec une brutalite qui depasse ['imagination. Coups de pied, de poings, coups de nerf de bcellf, rien ne Illi est epar.gne. ,lis Illi cognent La tete contre Le mur et Le matraquent sans an:,et. ~ e~t llne loque humaine qui balblltiera quelques noms de La derntere eqlll-

pe.

Page 80: La Persecution Raciale

~--~--~~ ----~

152

A chaque nom arrache c'est fordre ' . mes\ attendent avec ango:;se ltd arrestatLOn. Soixante-dix hom . t . ' eur our de minute' - . In ~rnes sont arretes, baltus et tortures de I A en mtn~~e. Quatorze nalssent Ie cachot oii ils seront J'et' L' a meme mamere. Us con-

rev I d ,es. un deux reroil b

over ans la cuisse tiree 'b t .. une aile de subi les sevices les P/~s atro:es o~1 portant. ~i~alement, apres avoir plombes de la deportation's sero~t dmges vers les wagons

d ~ , non sans aVOII" ete as! . t epart, a rebollcher et a murer Ie 'f' rem s, avant leur s OTI Ices du tunnel

Les represailles sont terribles . Ie col . et finterprete, chef du bureau de li~is onel ~lum" chef de camp, cadres du camp choisis abs I ton, sont deportes. Avec eux 65 o umen au hasard. '

Au surplus, les evasions . , . deviennent de plus en plus ' qUi nescessltent unecertaine preparation . rares. elon I'expres'" d '

a partir de juin 1943. Ie cam de D " . vlOn U Dr Drucker, ternement, mais une Veritab/ r;nc

y. n etalf plus un camp d'in-

juifs vers une direction myst:ri:are

L e t~age, destinee a deporter des vailler », sans toutefois nous e:~~' e~ Ilerr:ands disaient « pour tra­enlants, des vieillards et des malPdquel la raison de la deportation des

a es.

On deportait desormais les memb ' . nationalite qu'i1s appartiennent et Ie res de. la categone B a quelque composes de Franc;ais arretes d sl conv~ls de 1944 furent surtout rEst de la Frapce. I1~' avait ans e~ ~Itt~es rafles du Sud et de cal a Drancy et si quer f" pour amsl dire, plus de service mMi­l't~tat des infirm~ries iI I~~; OIS. Ie~t Allemands amelioraient au camp ex-interne, a appele dans un darnval t~e ?rocMer a ce qu'un docteur ocumen mtttule . «Med . 44). , cy », « Ies expeditions en bloc I . ecme i:1 Dran-en ,ces termes les s . . ' e ~ettoyage des ir;firmeries ». II decrit .

cenes qUi se deroulerent . I" f permirent d'envoyer coute _ a m Irmerie du camp et pretexte etait bon pour ce;ue co~te ~es !u.ifs vers Auschwitz. Tout cipline, mauJlaises nouvelles du ~eur/es lI~medLats: manquement a la dis­ques ... Dans les infirmeries Ie ron ou simples acces d'humeur d'alcooli­feb riles et les blesses rec:nts s ~?uran~s et I~urs proches, les grands dans l'incertitude et I'espoir q I a~azent vecu les Jours precedents avons-nous vu la scene se ;e:pp;e?alr~ Ie verd~ct. Combi(!fn de fois scarlatine en pleine eruption rOdiul~:e' neumome au quatrieme jour, n'avaient pas encore cede a; e p TIe dont les fausses memb,[anes dantes et non encore taries . s rum, .hematemeses, hemoptysies abon­lulion, nephrites (Edemateu' endocard~tes rhumatismales en pleine evo-t{Jtion plaies su ses, gangrenes par arUrUe en mal d'ampu dant dans Ie frofr::;:t~t p.ar b~lles, fractures no.n consolidees, alten~ bus de [a T C R P ; 1;ur . evant les portes de l'infirmerie I'auto-bestiaux. Combie;/ de q:~ e~azt les tr~ns~orter au glacial wagon a

romques aussl plfoyab[es, vieillards graba-

153

taires et incontinents, aveugles, paraLytiques, hemipiegiques, parkinso­niens, qu'U lalla it porter ou conduire jusqu'au marchepied de i'autobus. Les diabetiques a l'insuline necessaire etaient frequents et nous nous souvenons en particuUer de ce jeune homme de 15 ans, infantile atteint de diabi!te avec denutrition exigeant soitxante unites quotidiennes, par­tant avec une provision suffisante pour quelques jours. Les femmes enceintes a terme, les recentes accouchees, les nouveall-nes, les nour-

rissons malades partaient ces mauvals jours.

Les deces au camp etaient frequents : on y mourait de mauvais traitements, de vieillesse, ou tout simplement de desespoir. Le poete Max jacob, depuis \Qngtemps detache de la religion juive et qui, cepen­dant, avait ete arrete dans sa retraite de st_Benoit-sur-Loire, arrive it Draney Ie l er mars 1944, Y mourut Ie dimanche 5 it 9 h. 30 du soir.

En avril 1944, on prepara une deportation uniquement composee d'hommes jeunes et valides destines a l'organisation Todt. Avant leur depart, Ie 15 mai 1944, ils furent employes aux travaux de deblaiement mis en train it la suite du bombardement de Ia gare de Noisy-Ie-Sec et leur depart constitue une deportation d'un caractere particulier, ou les femmes et les vieillards sont absents. Un de ces hommes put cependant

amener avec lui un enfant adoptif. Les brutalites s'appesantirent durement sur ceux des juifs qui, arre-

tes pour faits de resistance, se voyaient transferer it Drancy. En 1944, temoigne M. jean Bader, vinrent des internes dont La fiche portait la mention « Resistance ». Ils firent ['objet de sevices nouveaux. Des leur arrivee, ifs etaient matraques, descendus dans ies cachots instalies dans les sous-soLs de La prisoll apres avoir ete deshabilles et enclzaines. Voici les noms: Philippe Lazare-Levy, Claude Aaron, jean-Guy Bernard, chef de [a « Resistance Fer », Biltz et Ie Dr Drucker ajoute : Parmi les juifs arrives au debut de 1944" on trouve beaucoup de resistants qui avaient deja subi des tortures a Montluc ou d'autres prisons et parais­saient avoir ete signai€s specialeme/lt aux autodtes du camp car, des leur arrivee, Us turent sauvagement frappes par ies bourreaux et enfer­mesdans La prison du camp. Au moment de ia deportation, les juifs re­sistants ou politiques partirent enchaines. Lors du debarquement des troupes aIIiees, l'armee allemande ne possectait plus les moyens suffi­sants' pour procecter it des arrestations regulieres des juifs. Vers I' ete, temoigne it ce propos Ie Dr Drucker, [es Allemands faisaient des efforts desesperes pour alimenter les deportations en juifS, mais on voyait nette­ment qu'ils avaient fort a taire, car fa Resistance s'organisait partout et les bombardemerrts sur Les voies terrees, effectues par Les· Allies, leur

creaient de grosses difficuLtes de transport. • Aussi, se rabattit-on sur la region parisienne. On proceda it une

raflesystematique des juifs franc;ais dans Ie 16" arrondissement. On alia

Page 81: La Persecution Raciale

15·1

chercher des enfants et des poupons dans toutes les institutions j uives ; iIs furent deportes Ie 31 j uillet 1944. Ce fut Ie dernier convoi. II restaH, selon Ie Dr Drucker, 1.600 detenus au camp, y compris Ie kommando de la gare d'Austerlitz, de Levitan et 120 personnes detenues it l'h6pital Rothschild. M. Jean Bader signale dans sa deposition qu'une deporta­tion generale devait avoir lieu Ie 14 aoftt. Elle ne put avoir lieu en raison de la situation militaire. Ce meme temoin declare : Les F. T. P. de Bobigny purent eire prclJenus. lis [irent sauter la locomotive, ce qui empecha Ie depart du convoi. •

Les Allemands cvacuerent Ie camp emmena,nt avec eux 50 internes, comprenant les derniers arrives de Fresnes et quelques internes de mar­que: Marcel Bloch, Ie constructeur d'avions, Armand Kohn. Le 18 aout 1944, les Forces Franraises de l'lnterieur liberaient defini!ivement Ie camp de Drancy.

Des personnes de reUgion juive et appartenant aux nationalites !nnemles de I' Allemagne ou neutres se trouvaient internees, les hommes it Saint-Denis, les femmes it Vittel. C'etait Ie cas des Anglais, des Ame­ricains, des Palestiniens et des citoyens des repubJiques de I' Amerique du Sud et de I' Amerique Centrale. Toutes ces personnes furent protegees par les lois de la guerre sur Ie regime des internes dans les cCimps de concentration et elles attendirent en France la Liberation. Elles ne fu­rent pas emmenees en deportation.

11 faut cependant mettre it part Ie cas de· trois cents personnes appartenant aux natidnalites ci-dessus qui rejoignirent Vittel en deux transports, aux mois de janvier et mai 1943, venant de Polr,gne /\u mois de fevrier 1944, quelques Juifs palestiniens transferes de Belsen it Vittel vinrent les rejoindre. lis ne furent pas proteges comme leurs co­tnternes du camp de Vittel car, Ie 18 mars 1944 un ordre venait de Ber­lin et ce groupe d'internes fut sorti du camp et dirige sur I'H6tei Beau­Site. Le 18 avril, des SS armes leur firent savoir qu'i!s allaient etre deportes. II y eut quatre suicides et plusieurs dizaines de tentatives. Le meme jour, 173 hommes, femmes et enfants etaient deportes apres un an de sejour it Vittel vers Auschwitz.

Le 16 mai, un second transport fut mis en route et dirige vers la meme destination. Seuls echapperent it la deportation les malades de l'h6pital et certains internes qui purent se cacher dans Ie camp. II ne restait plus it Vittel que trente personnes sur Ie groupe des ressortissants sud-americains transferes de Pologne dans Ie camp anglo-americain. Ules devaient etre. toutes deportees au debut d'aofit 1944. A ce moment la reconnaissance de leur nationalite leur ac~orda it nouveau la protec~ tion du droit international et elles echapperent ainsi aux fours crema­toires d'Auschwifz.

CHAPITRE VII

LES CAMPS DE lUIFS A PARIS

. ' ., ' . , ts d'aryens et d'aryennes, ranges a Les deml-juitS et les C01l1,1°d1l1 , t pas rester longtemps inactifs.

I t' rie A ne evalen . J. Drancy dans a ca, ego , 0' 'lberte Jacob et d'un article sign"

• "olgnage de Mme I ·t' II resulte uU lem 'd I'hebdomadaire « Fraterm e » Muriel (Mul icl Schatzmann), paru anbs 1943 les Ju;fs maries a des

945 e Ie ler novem re " , Ie 24 octobre 1 ,qu , 'd' ens les femmes de prisonnters

d .' 'fs les epouses ary , , . aryennes, les eml-jUl , d travail d'Austerlitz. Ii s agls-quitterent Drancy pour aller au. C~t(~Pde e

la gare du reseau du Midi, 43

, enage a proxlml e 'd ' salt d'un camp am 'L' ternes etaient installes dans eS O 'Pans (13e

). es 111 '" . quai de la are, a , t d' trep6ts de marchandises et qu I>S

• " qu' servaten en t locaux en ma<;onllt'r, ~ , . . A t I't Dans notre camp, no e . t Oalene us er I Z ». , appelaient iromqueme,n « . 'd'im ortantes fonctions administrafl-Mme Schatzmann, qUi rempltSS~lt ,P hom'mes et femmes. Pour nous,

. t i on 400 Internes "es, se trouvmen enV r 'tt ' Drancy car Draney sous-enten-ce fut un soulagement !ntense de ~Ulm~~t. Evide;nment, pour la moindre dait la pologne, et fa po/~gne, letour a Drancy. Beaucoup d'entre nous peccadille, on nous menaratl d~ r t d fa deportes vers l'Est. Tres peu

Y furent etfectivement renvoyes e e, 'gne que ce fut entre autres

M Schatzmann temol ' ~ en sont revenus. me ,"t eu I'imprudel'..::':" d~ f2lr ... Ie cas du compositeLlr Malrel Lattes, qUI ~t~al, proximite de I'enceinte signe avec un mouchoir a sa femme, arre ee a

du camp. . . " A terlitz etaient assez supportables, a~sez Les condItIOns de vie a us,, ' II de Drancy. Nous aVlOns

. t de vue matenel a ce es 'If semblables du p01l1 .' M J cob mais pour une peccadl e, , des CUllS dlt me a , " , Ie droit de rece~ol~ ,'ravail s'etendait a 7 heures du mat:n () ce droit noUS etmt enleve. Le t de vl'ngt minutes chacune pour

, pe de del/tx poses 1 10 heures du sOlr, cou 'I pe' nible et dur selon a . C' 'tait un traVG1 '

Ie ,dejeuner et Ie diner. e ." urna a Austerlitz pendant quatrc deposition de M, Andre Cohen qUI seJo

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156

mois en qualite de porteur de meubles. Cette activite demandait Une force physique constante. Mon travail consistail a remplir des wagons, destines a l'Allemagne. Oil on vidait des camions. Les autres trois jours de la semaine, c'elail l'arrivage de cars avec des meubles de toules paris que les Allemands pillaienl dans les apparlemenls juifs de louie la France. II fallail vider les cars el ranger les meubles. Nous etions cinq cents personnes a fa gare, quatre cenls hommes el cent femmes. Celles­ci s'Occupaienl du triage et de l'emballage de la vaisselle. On (!tait surveilIe par des SS, une trenlaine a peu pres. Le quai de la gare etait entoure et garde par des soldats mongols. lis etaient environ 80.

j'ai remarqlle que Brunner a tire de son revolver qans les jambes de la foule des detenlls dans la Cour du camp et a blesse un homme et une femme. Le travail etail particulierement dur pour les femmes. Au temoignage de Mme Schatz mann, elles etaient obligees de gratter les cscaliers du batiment de quatre etages avec des morceaux de verre.

Le travail etail, selon Mme Jacob, organise d'une maniere me­thodique. C'etait des rayons camille dans un grand magasin. Au sous-sol, precise l'article de Mme Schatzmann. reception des marchan­dises voIees. QUotie,liennemenl, on dechargeait quelques milliers de caisses. Environ 150 internes devaient les videI' et mettre leur conlenu dans d'aufres caisses etiquetees a l'avance " porcelaine, medicaments, tinge, jouets, montres. objets d'art, articles de menage. Au so us-sol se trouvait egalement un rayon de livres epures mis a la diSPosition des Allemands.

Au premier etage : exposition de montres, medicaments, brosses, articles de Sport, maroquinerie. Des groupes de dix personnes travail­laient dans ce rayon ef etaienf responsables de chaque Objet. Tout devait briller, fout devait etre neul, to utes les montres devaient mar­cher ... Les jouets aussi redevinrent neals et larent a Noel envoye,,: en Allemagne pOllr la plus grande jOie des enfants nazis.

Ce premier etage abritait enfin un atelier de couture ou l'on con­fectionnaif en grande serie des manteaulX destines aux « dames » des membres inlluenfs du parti et des generautX se troavant a Paris.

Au second etage, porcelaine, verrerie, batteries de cuisine. Des coupes de grand prix et des verres de crislal reposaient sur des velours somptueux .et des dentelles de Bruges et de Venise. Sur Ie plan­cher de bOIS, les tapis d'Orient. Des collections ineStimables 'de porce­laines anCiennes.

Au froisihne etage, tapis, rideaux, layettes.

Les. ({utorites. allemandes s'entouraient de toutes les garanties pour Ie choix des objets qll'elles entendaient se n!server. Les experts de la rue Drouot, note dans sa deposition Mme JaCob, appeles pour donner leur avis, signalaient apres l'Ixamendes objets choisis parmi les

157

, avaient un certain style, un certain plus beaux (des l.ampes) ceux qU,1 Tout ce qui n'etait que d'impor-caractere (des. objets. en f~ :o;~e~llemagne pour y etre dislribue aux tance secondaIre etmt .env y ,. d dons du gouvernement fran­victimes des bombardements a tztre e«

-rais. » . . ., uniquem€nt aux bonzes du En fait, ces envois etment destines u la femme du general Sepp

parti. C'est ainsi que M~e SChatz:~~; ;a~erie, car elle n'arrivait pas Dietrich se promener. a travers., e un ot de chambre en verre pOllr a y trouver, nzalgre toute lao varze:

aire s:n choix et meme une ancienne

son fils. Alfred Rosenberg vI~t y d uoi meubler un appartement vedette du cinema allemand s y pro~ura ,e ~lie pas de joindre a l'envoi de six pieces, en insistant pour qu on n ou

un piano a queue. . . ent plaisir a emballer ces Pour eviter que les internes ne prenn • 'tat leur nu-

"1 rrivent brises ou en mauvals e, . objets de far;on telle qu I s.a, " ,. t a I'exterieur des calsses, mero matricule etait inscnt a I mtene~r e

ce qui permettait de pren~r~ de~;~:C~~;e~orie de demi-juifs, d'epoux Un autre camp, reserve a la f t 'e aux Etablissements Levitan,

d'aryennes ou d'epouses d'arye,ns, L~rs c~: ces vastes magasins furent Bd Magenta et Fbg St-Marhn, t d

q stock de meubles appartenant

. 'I suite de la yen e u . ' d devenus hbres ~ a '" a I'entrepot de meubles de mom r: a un Israelite, lIs furent utlhses, A terlitz Mme jacob a note

1'0n dirigeatt vers us. r valeur que ceux que '11' t dans des conditions iden Iques que deux cents per~onnes ~ traval, Aa~:~erlitz. ,

a 'celles des Magasms gene raux d de profession travaillalent t rsonnes fourreurs " t Soixante au res pe " les Allemands avalcn

d S l'hOtel Cahen dAnvers, que rue Bassano an

trans forme en atelier. . les Allemands dans les I ouvrages trouve.s par , .

Notons ici que e~, "s illaient etaient egalement envoy;s, bibliotheques des Israehtes qu II PR' h I' soit a la bibliotheque de

d la rue de IC e leu, , soit dans un garage ~ 45 La Bruyere, dont la magnt-l'Alliance Israelite Untverselle, ,r~,e me avait ete transferee, des les fique collection d'ouv;ages sU,r Ie JaUd~lrsancfort_sur_le_Main, a l'Institut premiers temps de I occupation, les Questions juives, Les plus National-Socialiste de Recherche~ sur,taient dirigees sur l'Allemagne. belles collections d'ouvrages de u~:n~ ulations etaient fa,ites par un Mais. dans les, ~eux .c~n:res~r I~es fon~tionnaires allemands. Le: o~­personnel non-julf, dmge p I Propaganda-Staffel avatt mlS

'vrages des auteurs juifs ou ceux que a, II en fut e.galement ainsi d omme vieux paplers, a l'index furent yen us c f' de grande valeur et de souve-

de photos de fa~li1le,. de let,tres par ~I~n interet historique. nirs precieux qUI avalent t:es souven

t live dans ces deux depots quan­

A la Liberation de Pans, on a re r~ t pas eu Ie temps d'envoyer, tite de livres que les Allemands n'avalen

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Au parc des Expositions a la P . sols du Musee d'Art M d' orte de Versailles et dans Ie

. 0 erne du Quai d N s sous-pla~os, d'importants mobiliers et un e ew-York, de nombreux avalent egalement ete entasses 1 nombre considerable de poupees de . spoliationf. effectuecs d!:r ~:s Allema;nds. lis provenaient tous ~ans et de la province, sait qu'i1s aie appar!ements des JUifs de

. e~e obliges de quitter en hate leur a nt ete deportes, soit qll~j1s aient all leurs un abri plus Sur. ppartement pour tenter d~ trouver

CHAPITRE VIII

LES CAMPS DE TRAVAIL DU NORD DE LA FRANCE

Pendant un certarn temps aprcs que la nouvelle classification des internes eut ete introduite par Brunner, les maris d'aryennes, declares indeportables vers l'Est, mais deportables vers rOuest, continuerent a sejourner au camp de Drancy. Vers Ie mois demail 943, ils y furent separes des autres deicnus et diriges sur I'ite d' Aurigny au mois d'aout. Les prisonniers qui vivaient dans cette ite, ou existait depuis longtemps un camp de travail pour les detenus de droit commun et les musulmans, I'avaient surnommee l'ite Adolf ou ile du Diable.

Le docteur Uzan, qui faisait partie de ce groupe d'internes, a depose sur leur voyage et leur vie au camp dans les termes sui-

vants : Nous avions ete embarques a Drancy dans des wagons a bestiaux

et, au bout de cinq jours de voyage, nous arrivames a la gare mari-

time de Cherbourg. 11 y avail deja dans cette ile des forrats de droit commun. Trois d'entre nous s'eiai,mt echappes a La gare maritime de Cher­

bourg; ifs filrent repris par la Feldgendarmerie. Le capitaine de La Feld­gendarmerie nouS reunit dans une salle d' attente et nous dit d'une faron

solennelle que « dorenavant pour cha'que evasion, if y aura dix otages fusilles » et que, d'autre part, if ne voyait pas l'utilite de nous evader, etant donne que nous serions des « travail/eurs libres », que nous COll­

tribuerions a fa construction de l' Europe et que nous serions bien traites, qu'un salaire honorable noUS serait donne pour nous et nos 'families.

Contrastant avec ces declarations, les mauvais traitements pleu­vent sur les Juifs deportes : Deja, nous savions que nous aUions etre deportes dans une ile disciplinaire. Puis, nous fumes descendus, fa

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.~~~~~-~--.---~-~--~-~---------

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nuif, dans une cole de bateau, a coups de crosse, avec des injures et les cris tr,aditionnels de « Schnell, weg, heraus ! ». Les soldats cra­cha/ent du pont dans La cole Oil nous etions ; nous sommes restes ainsi vinft quatre heures, sans que Ie bateau quitte Ie port. Le lendemain, nous sommes partis par Ilne nuit tres agitee : tous les membres de 'l' eqlli{)agt et les voyagcllfS fibres etaient munis de bouees de sauve­tage, mais pas nous. Ce bateau eta it un bateau de guerre hollandais, Ie T)'fida. Le voyage a eu lieu Ie IO aoat 1943. II '!lOUS a ete tout Ie long du voyage interdit de manter sur Ie pont. 0,., la majorite eta if mala de et on ne pouvait meme pas soulager ses besoins naturels. L'ar­rivee se fit en pleine nuit ; nous fames accueillis par la police de l''orga­nisation Todt.

A l'arrivee dans l'ile d'Aurigny, les sevices ne font que s'accroitre. Le docteur Uzan poursu'it : J'avais a transporter mes deux valises. Un sol.dat m'arracha des mains les valises comme je passais sur la pas­serelle et me ,dit de retourner chercher dans la cale deux gros b'lgages en rapport avec rna force et if me choisit deux enormes colis lIlal ficeles, m'affirmant que je pOll/'rais ve'nir etlsuite reprendre mes valises. La traversee de la passerelle me fut penible avec ces peu pratiques fardeaux, d'autant que je ref us deux coups de crosse sur Ie pont. Apres avoir depose ces bagages, je voulus aller cherclzer les miens, mais Ie soldat m'en empecha absolument el m'ordonna de continuer ma route; tout ceci en langue allemande. Comme je n'a~ais pas compris imme­diatement ces cris presque ininlelligibles, je ref us encore un coup de crosse. Ainsi mes bagages furent definitivemenl perdlls, mais pas pOllr tout Ie monde.

Le trajet jusqu'au camp s'accomplit dans les conditions les plus penibles. Une jois debarques, nous partons en rangs Clxtremement ser­res vers une destination lointaine, a {'autre boul de file. Nous avions ete places quatre par' quatre et touie evasidn etait impossible. Nalls alldmes tOllt d'abord dans un depOt oil nails dames deposer nos baga­ges. Nous passions dans un etroit collloir, oil chacun d'enlre nous recevait un coup de crosse et des injures de la pari d'un jeune soldat. Sortis de ce local, nails fimes environ quatre kilomelres a une allure qui nous obligeait a courir. Ceux de {'arriere recevaient sans arret des coups de crosse et 10' colonne elait' sans cesse derangee, car ceu,x de l'arriere essayaient de se faufiler dans Ie cenlre a/fn d'echapper aux coups. I'ai eu ['occasion de voir a trois reprises un des soldals qui marchait aupres de nous trebucher et tomber. Or, if etait jeune ef vigou­reux ef nous a,vions parmi nous beaucoup d'homlTles de plus de soixante an-s, de malades et d'infirmes.

La colonne arrive au camp. Son chef cammenfa par distribuer une serie de gilLes, de coups de bottes et a nous menacer a taus mo-

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, '/lette Puis on mous con.duisit dans ments de son revolver et de sa mltradl 'eudo:cafe chaud et du pain.

, 'l' on nous donna u ps un refectolre au , ins qui nouS restaient encore. Il nous fallut ~aisser I~ Ies bag;~;~ :n:~: baraques-dortoirs, oil il ~n'y Puis, ~ous, fum~s ITlIS dans I ercomme /itiere, quelques fellWes se­avail III pal lie, III couvert~re, ave,c, nails couchtimes dans Ie nair et ce ches de fougeres. H~rasses: nous 'veil que nails constattimes qlle nous n'est qlle Ie lendemam maim au re . les baraques efaienl « infec­etions collverts de puces el de poux ,

fes ». . ' . 'e les prisonniers au travail. Les Des Ie lendemam mahn, on e~:ol . 'de a la vi site mMicale

corve.es sont interrompues pour qu 11 so~t proce

par un docteur allemand. t d' oser au loin taus nos vetements, Nails devions rester torse nu e ep . . us

, uets La visite n' eut lieu que quatre heures a{Jr~s , ~o . par petds paq . I 'I Il vint un jeune medecm qUI Vlt attraptimes taus des, coups de, so e;/ se contenta de designer les ina pies

~~~, ~~n;~~:(Jn ::s;~I~~t~:n~~v;;'~~'aite la visite medica Ie d'embauche au

travail. , D If· de I' orga-Elle est immCdiatement suivie de la, foullle: es c Ie s "

, " I' t d t s les bagages que nous n aVlOns nisation Todt nous depoUlI eren e au. I' 'il nous fut pas deposes la veille. Vne seule col1verture, la p us I vlel ,e, de chaus­accordee, une seule chemise, un seul calefon, une seu

ri: patre

Sllr(S, Iii pIllS IIsee. Montre, argent, slylos, tout fut P . E Lc repas de midi est constitue par une soupe for~~ment aq~~use'd ~

I' " idi vail se derouler les formali'tes de I Incorpora 1O~ es ap' es-m . - "d I s chanUers des diverses fames.

prisonniers recemment arnves ans e . d (DEU BAU). Le temoin est designe pour les construchons alleman es . ,

Le lendemo:n reveil a cinq heures par des cTis et, co~ps'ldde ,s,lf~ , EV BAU IIqllel j' appartenms etat mge

flels, fA' p;roape de la D. . a. 'us fumes 'dans UII grand atelier a lin kilometre e~ demlldu c~mp~ ~~onff~Cier etait

" ' t -, to're rap'de Je slgnale e mIen. SOUllliS a UII In e1l oga. ..,' . t' d'un secretaire jranfais m'sis derriere line petite table. Il et~lf ,assls ~ertains de mes camarades a qui il dicta it les noms et les conc astOns. , " ' , terras- .

'd'" comme specialistes (charpentlers, menUlslers, furent consl e/ es r ff" lie tint ces pro-siers, e/ectriciens). Quand man lour arriva, a ICIer I

pas Naill? -- [JZIIII

Prenolll ? ,- Henri " . 'L I' 't . , f ' ? Je lUI' ten dais une carte de vlslfe all I ISat ' Pro e,SIOII, --- -, d ' 'd' de la Faculte de Paris, AnCIen exlerne es

« Doctellr en me eClne "Sf-Cloud ». hopitatllX, M edecin residant de La cllnlqUe,

't mancruvre non specia-A cela, sans hesiter, il dit au seere atre : «

lise, » 11

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Meme rubrique pour un depute, un avocat celebre, un pianistc de reputation mondiale, un lieutenant-colonel, un conseiller general ...

Le lendemain, a cinq heures, nous partions au .chantier. J'etais desi­gne pour porter des sacs de 50 kilos de ciment a un chanNer construit au sem meme du roc. Tout a coup apparut Ie chef contremaitre du chan tier. Il' etait Obertruppfiihrer. Il engagea assez gentiment la con­versation, demandant quels etaient ceux qui parlaient allemand. Nous etions deja heureux d'avoir affaire a un homme comprehensif, qui avait fair humain.

Or, ce n'e!ait autre que Ie Matraqueur qui, des Ie len demain, sans motif, nous battait sans repil a coups de poings, de pelle, de pIOche, de tuyauterie de caoutchouc, d'une fa~on quasi criminelle. Trois 10urs apres, nous eumes a faire un coulage de beton. NOI1S travaillames c-ammc jamais for~ats « de droit commun », au dire d'anciens bagnards, ne Ie {irent.

Nous travaillames salns arret pendant 13 heures, harasses par la fatigue, les coups et fa faim. A un moment, la betonneuse etail en panne. Nous crumes a un repos temporaire, reparateur, mais. Ie .matra­queur arriva, fou de rage et ecumant presque et nous ordonna d'aller porter les rails d'un endroil a un autre, travail ni urgent~ ni utile, mais tres penible.

Le docteur Uzan rapporte une scene de brutalite, dont fut victil:1E' un interne juif, Jacques Plotzitzki : la victime donne elle-me.me un recit des faits :

Lf'; I6 octobre 1943, nous avions, mes camarades Pi moi, a crcuser une tranchee au chantier du ~ Pain de Sucre» a l'ile d'Aurigny.

Le contremaitre Graff, donnail les ordres en allemand ; comme je ne comprenais pas cette langue, j'attendis qu'il m'explique par gestes ce qu'il attendail de mol. Or, subitement, il me donna un violent coup de poing dans la po Urine qui m' e'nvoya rouler a terre et, en tom­bant, mon poignet s'est fracture. Je me relevai pour recevoir un deuxieme coup de poing ; je roulai de nouveau a terre, et re~us alors des coups de pelle et de pieds. Lorsqu'il cessa de me frapper et m'ordonna de me reI ever, je lui montrai ma main ca'Ssee ; il frappa alors dessus et me montra fa pioche que' je devais prendre. Je dus ainsi travailler de 10 heures a 18 heures, les deux os de l'avant-bras droit fractures.

Le dodeur Uzan ajoute que ce co'ntremaitre, surnomme Ie Matra­queur avail a son actif de nombreux cas de bLessures et certains cas de mort au chan tier au dire de ceux que j'ai interroges. Voici quelques cas typiques :

Un matin, vers dix heures; un des nOtres ne remplit pas assez sa pelle. JI l'assomme de coups, puis lui fracture les delllX os de l'avant-

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bras gauche avec gros deplacement des fragments. Le pauvre coL­Legue a du continuer sans irzterruption et reprendre son travail avec La main droite et La poitrine pour appui. Il a ainsi pellete jusqu'a six heures de ['apres-midi. inutile de decrire /'etat dans /equeL il se trou­vail apres une telle journee.

Un de nos camarades, M. Veuglier, etant occupe a la cuisine de la firme KnifLer, Street Victoria, fut pris a partie par un des membres de l'organisatiOll Todt, chef du service de La firme qu'on nommait M. Oscar. Il pril M. Veuglier a la gorge et, sans l'intervention d'un de ses cC1,marades, I'aurait etrangle et acheve sur place ...

En dehors de ces actes de brutalite, les internes souffrent des con­ditions tres dures de la discipline du camp. Les sanctions sont dispro­portionnees aux fautes. Le lagerfiihrer ou ~hef du camp constate une fois qu'un couvercle de bois des trous des cabinets n'a pas ete remis par un camarade de travail. Nous touchions vingt francs, sou un mark par journee de dix a dix-lzuil heures de travail. Il impose alors une almende collective de douze mille francs a remettre dans Ies vingt quatre heures. Par crainte de sanctions plus feroces encore, f'ordre fut exe­cute.

Un h011lme est pris en faute, et quelle faute ! Le chef du camp, furieux, dechaine, siffle Ie rassemblement general trois par trois et par baraque ..

Si L' execution n' est pas immediate, c' est a coups de crosse et avec des cris- incomprehensibles, terribles et bestiau.x que les retardataires sont rappe!es a l' ordre. Les tabourets voltigent et, attention !

Le responsable est prive de flOurriture pendant un temps variable. II est humiLie. ['opinion generale doit se dresser contre lui sous l'im­pulsiO'(I du lagerfiihrer.

,Puis UTI de ses camarades et parfois Ie meilleur est charge de Ie frapper suivant une techn:que tres raffinee et cmelle. Si les coups ne sont pas assez energiques, Ie pauvre camarade, etranger a toute taute reroit lui-meme du lagerfiihrer de tels rappels a I' ordre qu'il se voil dans l' obligation d' assommer son meWeur camarade, tache cmelle entre toutes. Ainsi se cree un fosse entre une amitie solide, scellee par fa misere et la sympathie La plus desinteressee. Cette methode de monter les uns contre les autres est tres repandue dans les camps. C'est ainsi que les chefs bagnards ou « Vorarbeiter l' reroivent de tres gros avan­tages de touies sorfes pour denollcer et battre leurs camarade$ d'infor­tune. Leurs avantages sont en relations directes opec fa detresse qu'i/s peuvent imposer a leurs co-bagnards.

D'autres fois, on tent~ d'humilier des savants par les lI10yens les plus bas. C'est Ie cas d'un vieux me dec in de soixante-six ans, ancien chef de service it l'Institut Pasteur de Paris. Le docteur Uzan rapporte qu' apres avoir efe pendant des mois aux chan tiers ,diaboliques, if est

! ,I

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mis, grace a notre vive intervention, comme infirmier, gardien de ta bara­que des mala des, « Krankenhaus Revier ». Le commandant du camp, ivrogne chronique, accompagne du lagerfiihrer, essuie du doigt ie pla­fond d'une armoire, constate un peu de poussiere, crie : « Vous, bac­teriologue ? lci, la peste, Ie cholera ». Puis, avec un rire sardonique, projette l'armoire sur ce vieUoX confrere et lui donne des coups de bottes. /lIe charge de toutes les corvees de latrines et de charbon de l'infirmerie, ainsi que du lavage des parquets.

Les internes juifs ont Ie droit theorique de recevoir des colis. En moyenne, sur trente colis envoyes, on en touchail trois a six, si une punition collective ne "les confisquait pas encore.

La faute d'un homme -est tres generalement l'objet d'une punition collective pour la totalite du camp et, parmi ces sanctions, la plus fre­quente etail deux a trois mois de « Postsperre », ou privation de toutes lett res ef colis.

Si, sur l'enveloppe, la mention complete: « nom, matricule, adres­se » figurait avec une omission du numero de la baraque, ces leltres etaient bruLees toutes fermees devant les interesses.

Le cimetiere du camp de I'Be d'Aurigny compte environ ROO morts. Les ordres allemands ne permettaient meme pas qu'une sepulture decente ffit donnee a ceux qui tombaient victime? des mauvais traitements. Le premier d'entre nous qui mourut n'eut comme les autres morts, ni biere nr linceul, ni meme un cercueil de transport. II devait etre envelopp~ d~ns une vieille cOllverture avec deux epingles a nOllrrice. Le corps fllt mlS dans une baraqlle, sur une table abandonnee. Deux jours apres, on en~oya chercher Ie cadavre : deux medecins furent designes pour etre pres du corps et ordre leur fut dot:nc de deposer Ie corps dalls fill

cimetiere qui comptait deja plusieurs centaines de tombes orthodoxes et des tombes sans aucune inscription. Ces tombes n'etaient faites que d'un peu de terre noire sans aucune pierre. Nous dames deposer i e cadavre, qu'un membre de l'organisation Todt devait se charger d'enterrer.

Trois jours apTl's, ayant a passcr pres du cimetiere, ['idee nous vint d'aller nous reCl/eillir un moment aupres de la tom be de notre mma­rade. Quelle ne fut pas notre surprise de voir Ie corps en plein vevlt, la couverture s'etant en grande partie dechiquetee. Nous primes la deci­sion de creuser nOliS-memes la tombe et d'enterren cet affreux et nau­seabond cadavre ...

Le comble du .cynisme est qu'un haut grade de ['organisation Todt chargea deux de mes camarades d' eriger un monument a la go ire de ces morts qui ant contribue a la construction de ['Europe nouvelle. Ie suis parti avant Ie coulage du beton de ce monumcnt, dont jl' lI'ai Vll

que Ie chdssis.

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En mai 1944, les internes juifs quitterent rile d'Aurigny et furent diriges sur Hazebrouck,. apres avoir sejourne un moment a Cherbourg. Le voyage ne manqua pas d'incidents dramatiques. Voici comment Je Mcrit Ie docteur Uzan :

j' etais dans un wagon dit « sarzitaire » qUi elait en realife un wagon a bestia/llx, sans croix rouge, all nous etions' une qllarmztaine avec, en plus, les bagages que les camarades n'avaient pas eu Ie temps de meitre dans leurs wagons respectits.

II y avail environ !1llit personnes qui avaient la diarrhee. Les portes etant scellees, n' ayant aUCl1n recipient, elles durent se servir tour a tour d'llne de nos gamelles, et on projetait ces e.xcrements a travers une petite lucarne. II y avail ea plus des operes recents, un ampule. de grands cardiaques, un gros phlegmon.a la' jam be.

A un moment du trajet, il nous fut accorde de descendre du wagon p0ll11 nous soulager. Un des notres n'etant pas monte assez vile re(:ut une balle dans la jambe qui lui fractura les deux os, tibia et perone. II fut mis dans notre wagon.

Quelque temps aprils, Ie tra,n s' arreta brusquement ; Ie cliauffeur de la locomotive avail entendu des cris atfreux., Il s'agissait d'un des nOtres qui, tentant de s' evader, avait ea une jambe broyee sous line roue. Ie descendis avec un confrere sur les lieux de l'accident ei je trouvai un jeune hom me de vingt-deux ans, eleve ingenieur. Un Alle­mand voulait l'achever a tout PriX : c'etait l'ordre, mais nous l'avons precipitamment mis dans Ie wagon '« sa.nitaire », et if eut une Ctxplo­sion de pleurs en tirant de sa poche la photo de sa femme, disant que c' etoi! pour elle qu'il avait fait cela.

N ous n' etions pas maitres de l' hemorragie qui elait tres abondante. Les douleurs etaient atroces. Le blesse voulait se tuer en se donnant des coups de tete contre les parois du wagon.

Ie trouvai dans le fond de ma trousse quelques ampoules de mor­phine qui Ie soulagerent pendant quelques heures, mais aussit6t aprils, fa meme scene recommen(:a.

Ainsi, nous /lous trouvions plus de quarante sans pouvoir nous etendre, ni meme nous asseoir, to us malades, blesses, sans soin, nl comprehension, porte close et sceltee,.

Un chirurgien-dentiste, conseiller general de la ville de Rauen, fit dans la nuit une crise de confusion mentale avec agitation. Toute ta nuit, je dus lui tenir les deux mains pour qu'if ne commette pas de violence a l'egard de ses amis.

Le voyage devait durer huit jours. La psychose gagnait to us les malades. L'air etait irrespirable. La gangrene mena(:ait les blesses. Les hemorragies n'etaient pas arretees. La chaleur etail accabtantel. Des odelus nauseabondes emanaient de cette aftreuse gamelle. Une solution devait s'imposer : c'est grace a ['ingeniosite de ['un d'entre nous que

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nous avons pu demander aux Allemands de se faire accorder une de­charge de responsabilite pour les deux plus grands blesses, par la Kommandantur locale, sollicitant leur hospitalisation. C'etait notre serIfI' possibilite de tenir.

Cette idee fut retenue. La Kommandantur accorda qu'une ambu­lance vint les chercher : c' etait a Amiens.

j'ai revu ces deux blesses, l'un a la jambe amputee et l'autre est completement impotent. II a ete question ces jours-ci d'une amputation. Voici en quelques mots ce qu'est un wagon sanitaire dans nos voyages avec les Allemands.

Ce convoi devait avoir pour destination Ie camp de Camiers (Pas­de-Calais). Les prisonniers juifs n'y sejournerent pas. lis y toucherent simplement du pain vert de moisissure. Pendant quatre jours et quatre nuits, ils durent accomplir une marche forcee dont Ie terme etait Ie college Mariette a Boulogne.

Le chef de camp allemand qui n' avait pas d'ordre pour rccevoir Ie convoi refusa d'accepter ces prisonniers. Nous primes Ie train a Bou­iogne, note Ie docteur Uzan, nous traversames la frontiere belge. II fal­lait nous emmener au but (on avail decide de deporter ces prisonlliers en Allemagne), en nombre integral, morts ou vivants, teUe eta:! la con­signe ,donnee a nos surveillants ... De mon wagon a bestiaux, nous de­mandames par la lucarne si un cheminot beIge voulait bien couper les sceltes. Cette mission delicate fut executee tres discretement et, grace a cela, notre wagon, Ie seul, a pu compter quelques evasions.

pendant la nuit, je pris moi-meme la decision de me jeter du train entre minuit et une heure du matin ... Mon camarade Roger Bernard, arrete par les Nazis Ie 12 decembre 1941. en represailles de l'entree en guerre de l'Amerique, se jeta avec, mOi, mais son ombre fut aperfue par la police, Ie train stoppa et fa fusillade commenfa.

Mon camarade refut une balle dans la clavicule, Uf/e balle dans l'abdomen et une dans la cuisse.

Je ne fUS sauve que grace a l' obscurite totale et a un petit caniveau qui se trouvait pres de nous. Mais Ie train ne put repartir, car les Forces Interieures Belges commenfaient leur magnifiqlle travail de sabotage et Ie train Ifle put faire que quelques kilomt'tres, apres lesquels toute tentative de depart devenait incertaine et grave.

La Croix Rouge, aidee des aumoniers et des F. I. B., put, a force d'intimidation et d'arguments, faire liberer la totalite du train, soit 175 personnes, treize he.ures apres man eV(f.sion .

• *. Sur les 650 internes en provenance du camp d' Aurigny, 150 sejour­

nerent au college Mariette. lis avaient ete separes de leurs camarades

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a Hazebrouck. M. Marcel Blaustein, un des membres de ce groupe, a adresse" Ie 6 j uin 1945, un rapport au service de recherches de~ Crim~ de Ouerre. II y ·confirme les dires du docteur Uzan en ce qUi a t~alt aux conditions deplorables du voyage, qui dura: dix jours et neuf nUlts. et au cours desquels les internes re<;urent une nourriture consistantl en un peu de margarine et de fromage. M. Marcel BICl(tlstein poursuit :

Arrives a Hazebrouck, ['organisation Todt avait demande qu'on envoy tit 150 hommes pris parmi les plus ages et les plus deficients, . pour des travaux soi-disant fatiles. .

Les 150 internes ant quitte Hazebrouck dans des cars et sont arrt­ves a Boulogne-sur-Mer Ie 16 mai au soir.

I1s ant ele conduits au college Mariette, oil residait rD. T. de Bou­logne-sur-Mer (rue Beallrepaire).

Les interrnes ant ete loges au quatrieme etage du college Mariette qui etail entoure de fils de fer barbetes.

M. Blaustein ajoute que Ie travail commen<;a immectiatement. Les ISO internes arrives au college Mariette fe 16 mai au soir apres un voyage extenuant de dix jours, sans qu'on leur perm!t de prendre ~e moindre repos, ont ete contraints d' aller sur les chan tiers Ie lendemam 17 mai et ont ete reveilles a cet effet Ie matin a cinq heures.

Ce fut Ie commencement d'une peri ode penible, ou, aux dires de M. Blaustein, les internes juifs n~ jouissaient d'aucune libe:te et devaient travailler tous les jours, meme Ie dimanche. 11 a]oute: Il y avait autour de Boulogne plusieurs chan tiers o~ le~ internes devaie?f travailler 11 heures par jour, de,S heures du matln a 6 heures du SOlr.

Les chan tiers etaient a des distances diverses, les uns d quatre kilo­metres et les autres a dix ou douze kilometres. II fallait faire chaque malin deUtx heures de marche' pour parvenir aux chantiers.

Pour ce qui est de la nourriture, el\e etait insuffisante sur Ies chan tiers, mais Ie soir, au college, elle etait bonne.

Les conditions de vie au college sont ainsi de,crites par M. Blaus­tein. Les internes etaient loges ,a cent dans une grande chambre et d dnquantei dans une plus petite. lis etaie,llt reveilles a cinq heures du matin et quelquefois, sous un pretexte quelconque, a quatre heures el demie. iLe rassemblement dans la cour se faisait trois quarts d'heure apres Ie reveil ; de sorte. qu'its ne pouvaient procMer a a~~un soin de proprete. Les lavabos ~taient au sous-sol et Ie temps ma~eflel man~ qu,ait pour s'y rendre. Le soir, lorsqu'ils arrivaient du trava/I, Ie lage~­fuhrer leur imposait des corvees de camp jusq~'a 8 et g, heur~s du so~r de sorte que de nouveau bes internes ne pouva/ent proceder a leur tOI-

lette. Mme Belval, qui a travaille a la caserne Mariette comme f~mme

de charge depose : Les fits de bois couverts de paillassesremplles de

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vermine etaient places cOle a cOte et chaque chambre etait pieine de pensionnaires au maximum.

II n'est pas etonnaflt, dans ces conditions, de constater, com me Ie rar>porte M. Blaunstein que les internes etaient tous infectes de para­sites et ce n'est que deux mois apres notre arrivee que Ie camp a efe desinfecte.

Au camp, il eta it impossible de soigner ces travailleurs ages. Il n'existail, rapporte M. Blaustein, a.u college Mariette, aucune intirmerie pour les internes israelites, GilCUn dispensaire, et il leur etait interdit sous peine de sanctioJns graves, d'acheter des medicaments. Le travail etait une obligation, quel que fUt I'etat de 'sante des internes. IIs de­vaient se rendre chaque matin aux chantiers. S'ils etaient dans l'inca­pacite de marcher, ils devaient etre transportes par leurs camarades. M. Albert Mendelbaum depose it ce propos : La Inuit du 3 juin, je fUs pri~ d'une crise cardiaque aigue. fe dus quand meme au matin partir au travail soutenu par mes camarades. Une syncope m'ayant pris en cours de route, je tombai dans une rue de Boulogne. Les gardiens alle­mands voulaient qu'on me porf/eau chan tier quamd meme, car tels etaient les ordres des ,deux commandants. Les passanls boulonnais s'y opposerent et c'est ainsi que j'ai eu la chance de sauver ma vie.

Suivant la propre expressIon du lagerfiihrer du college Mariette, « il fa\Iait travai\Ier ou crever ». Ce fut la mort pour un des internes, dont parle M. Blaustein. M. Belair, qui etait gravement malade, devait aller taus les matins au chan tier par la pluie et Ie vent. Au bout de quelque temps, epuise de fievre ef de fatigue, M. Belair succomba faute de soins, Ie 7 aout 1944.

Outre ce travail force, les internes juifs etaient contraints de se livrer tous les soirs it de violents exercices physiques, incompatibles <\vec leur age, leur travail et leurs conditions generales de vie. Apre, une journee extenuante ,de onze heures de travail et trois heures de marche, Ie lagerfiihrer passail son temps, dit un interne, M. Claude­Ferdinand Dreyfus, a 'nous faire faire une heure de gymnast!qlle 011 de courses dans les champs. Ceux qui tombaient etaie:nt frappes a terre. Plusileurs camarades sont morts de ces trailements et ont ete enterres da,ns Ie jardin du college Mariette.

Mme Belval drpose dans Ie meme sens : Personnellement, ] at

assiste a des ScCI'/ICS d'llne brutalite eC(J!urante. f' ai vu une fois Ie chef de camp frappant a coups de pied et de poing les detenlls et il semblait heureux de satisfaire sa /zail'/le. Il disail d'ailleurs qu'it fal/aii detruire la race juive.

A table~ en ma presence, if se vantait constamment de ses trisles exploits.

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II faisaU effectuer aux fuifs des travaux tres Fenib/~~, .non exe-eutables pour la plupart, sans tenir compte de le~r etat deflClent. .

De retour du chantier, sou vent situe fort lOin, vers 19 heures, Ils devaient se livrer iI des travau,x durs, faisant les corve'es d'eau et de trallsport des materiaux a l'interieur du camp. !l y avail egaleme~t des brimades, appels prolonges au cours desquels Fes hommes devment se mettre au garde-a-vous durant des heures, !ls avaient un peu de repos vers 23 heures.

Ces exercices constituaient la «pelote », une gymnastique forcee, au cours de laquelle les hommes devaient courir, se coucher, se trainer par terre, cependant que les chefs de camp allemands et les int~rnes politiques frappent les Juifs it coups de barre de fer. Mme Belval ajoute sqn temoignage it celui des internes. Un jour, K ... (Ie chef de camp) a baltu foute une chambre de fuifs avec, une barre de fer. II est revenu avec une barre de fer tordue ... II m' a montre en riant la barre de fer en me disant qu'if Nail h(!l1reux de les avoir battus ...

Un jour, un jeune, a bout de force, a ete contraint de manter les escaliers a quatre pattes. J'd:,i vu un jour taus les fuifs ramper sur les genoux et les monter a son commandement. Certains jours, K .. ., ,une barre de fer a la main, obligeait les fuifs a son cor~mande~ent ~ se coucher a terre. Il les faisail relever 'et recommencer clnq au SIX fOls de suite. On aurait dit des Arabes fdisant leurs prieres. Celui qui ne ~e couchait pas ass~ez vile etait conduit au tennis et, montre en main, il Ie faisail courir et, s'il tombait, it Ie relevait avec la ba(rre de fer.

C'est jusqu'a 23 heures Ie soir qu'on e:ntendait des hur/ements pro-venant du college Mariette.

* ** D'autres detenus juifs de Draney ont ete, it des dates diffe,rentes,

transferes vers differents camps de travail de J'Organisation Todt, situes dans Ie P as-de-Calais, et particulierement it Condette, Dannes

et Camiers. . Les Juifs qui ont ete internes dans ces deux dernier~ camps pa:~ls-

sent ne pas avoir ete arretes ~n France. Ce seraient plutot des '.sraehtes belges qui y avaient sejourne pendant la plus grande partie de Ja guerre. Les Israelites de France n'ont passe dans ces camps que vcrs la

deuxieme moitie de 1944. . . A Dannes selon Ie temoin Leroy, en 1942, Ie camp de Jlllfs venall

d'etre constitu~ et commcnrait a recevoir les premiers intern/is. ~ mai~­tcs reprises, j'ai VLl les officiers aussi bien que les g£lr~iens counr :7

pr:es ies fuifs, leur donner des coups de crav£lche, de baton o~ ~e cro.s.~e de fusi!. Si,x de ces internes sont morts .au camp c,t ,ont ete enter r es dans Ie cimetiere communal sans cercued. Ils ont ete seulement enve-

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lop~~s dans une couverture ... Les fUifs du camp de Dannes etaient mal­' f:attes comm~ des animau~ par leurs gardiens. Ceux-ci les conduisaient

a coups de tnque au travazl et les internes n'avaient pas Ie droit d'adres­su La parole a la population civile, sinon ils etaient battus.

Six Is:a~li!es so~nt enterres au cimeW~re de Dannes. Deux sont morts Ie 1.:> J Ulllet 1942, un, Ie 28 decembre et trois Ie 30 decembre 1942.

, ~~x dir~s, de M. Victor Caloche, un camp d'internement de JUifs a. ete mstalle a Condette, au lieu dit la Carriere aux Sables en 1942 jusqu' ~u, debut, de, 1944. Les fUifs qui se trouvaient dans Ie ca:np ont et~ brutaltses et vIVment dans des conditions epouvantables. Trois de ces malheureux ont eie enterres dans le cimetiere de Condette. Les tom­bes por~ant I~s dates des 19 jUillet, II et 13 septembre 1942, sont celles de WaZlck Vmcent. Kornblut Leib et Korzene Jacob. '

. L~ camp de Camiers a ete cree a la meme periode. Le regime des mtern:s Y,a toujours ete, tres severe. Le commandant du camp, un Hol­landa~s" depose M:n~ Docq~OiS, etait tres dur pour les fUifs. Illes ~attal.t sl~uv~nt,\, d ~Illeurs il avail toujours un fusil et un bdt~n. Les ~~t~rnes etment tres mal nourris et faisaient peine a voir. Un jou; '.,m, entendu ~es hurlements provenant du camp, je suis sortie et ] m vu deux ]ellnes gens qui tenaient une barre de fer d bout de bras pen~a~t que I~s Allema.nds les frappaient a coups de barre de fer, leur tumeftant Ie vIsage. Ces ,matheureux etaient d peine vetus, parfois sans chaussur~s. lls se mettalent des chiffons autour des pieds. Quand ils ne pouvment ~/us ~archer, ils recevaient ane volee de coups de baton.

M. Magmer aJoute d'autres faits : rai vu un interne juif baltu par ~n soldat, Todt allemand a coups de pelle. Ce malheureux a eu Ie bras casse en trOIs endroits. Un autre jour, j'ai vu un autre fUif baltu a coups ~e c:o~se ,d~ fusil par un ~oldat allemand. Le fUif est reste sur Ie sol manzme. f m vu beaucoup d atrocites commises tant par des sol­da!s qu~ par ~es 0., T: ~nvers des fUifs ... A maintes reprises, Fai vu les fUlfs qUl, ,apres avon ete battus, tombaient inanimes et avaient des mem­b:es .cass:s. Les, blesses devaient, n'importe comment, etre sur Ie chan­tter ]usqu au sOlr et ce n'est qu'd la fin du travail qu'ils etaient ramas­ses p~r !eurs, ~amarades. Mais, Ie lendem(lin, its devaient retourner au travml, ]usqu a ce que la mort s'ensuive. fe n'ai jamais vu un Alle­mand donner des soins d un fUif In tern e.

M. Capron parle de la.' difference de nourriture entre les ouvriers fran~ais et les Israelites. La n'ourriture eta it la meme pour to us les ouvners, tres in.~uffi.,!ante. La soupe etail comme de l' eau et, pour vingt­qu~tre heures: tis touchaient un pain de un kilog pour quatre. Les su]ets ,franfal~ pouvaient encore se ravitailler d I'exterieur, vu qu'its pouvmen.t sortlr lellr travail termine, mais les sujets juifs n' avaient ~/Ue la nournture qui leur etail donnee par les gardiens.

171

Des detenus, dont certains avaient ete arretes it Paris Ie 20 aofit 1941, au cours de la premiere grande rafie, avaient ete, transferes a Camiers Ie 17 mai 194-1, apres avoir travaille pres de Cherbourg, a Querqueville, puis a Aurigny, ou ils sejournerent huit mois. Leur con­voi, celui de Boulogne et celui ou prit place Ie docteur Uzan a destination de l'Allemagne representaient l'effectif total d' Aurigny.

L'une de ces personnes, M. Meyer Schrock, a depose sur la vie de ce camp dans l'ete 1944 : Le commandant dll camp etait terrible,' il frappait et faisait frapper les detenlls pOllT'les motifs les plus fuWes. La nourrilure etait partiCllliereme'!t insuffisl1nte et, sur les petites quan­tites allouees, Ie chef de camp trouvait encore Ie moyen de distraire a son

'profit, line certaine quantile de denrees. Un exemple : if y avail au c~m~ une reserve de! pain. Jamais ce pain n'etait distribue mangeable, malS II attendait qu'il soit moisi pour le distribuer.

N ous etions to us couverts de poux et pas moyen de se laver faute d'eau, L'unique point d'eau, un puils, etait absolument interdit aux prisonniers.

Si, par hascl/'d, ['un d'entre nous etai! surpris d prendre de l'eau. il etai! immediatement mis e,n prison (car it y avail une prison au camp) et jrappe avec la derniere des brutalites a coups de poing et de pied.

Les memes faits se produisaient lorsqu'un prisonnier etail porteur d'un peu de ravitaillelllent qu'it avail reussi d se procurer a,u cours de son travail a l'exterieur, soil qu'il ['ait re.(:u gradeusement des habi-tants, soit qu'il l'ait athete. , ,

Les latrines etaient infectes. Un jour, alors qu'elles deborddtent, l' ordre fut dd-nne de les vider dans une fosse speciafement creusee d cet efiet dans Ie milieu du camp et, pendant quinze jours environ, la fosse ne tut pas rebouchee, ce qui fait qu'une odeur epouvantable se dega­geail et incomlllodait les prisonniers.

Le reveil etait fi.xe a quatre hell/'eset demie. Apres ['absorption d'une lasse de soi-disant cafe, nous partions au travail a l'exterieur, travail qui cO/nsistait en la construction de blockhaus. La duree du tra­vail elail de douze heures, avec une coupure de irente minutes a onze heures pour manger fa soupe quand elle arrivail.

La distance separant Ie camp des chantiers etait de six d huil kilo­metres et Ie trajet s'eftectuail d pied aller et retour, ce qui etait parti­culiere,ment penib,le pour des hommes qui etaient deficients par man­que de {lourriture, et par fa fatigue des longues journees ~e labeur.

II nous est~ arrive de travailler trente six heures de fIle sans ren­trer au camp, sans aucun repas supplementaire. Nous touchions pour ce fail deux cigarettes allemandes. ," .

/l elail absolument defendu d'etre malade. Les medeczns ~v~lent ie droit de garder au camp un nombre tres limite de, ma~ades !/~e ~ar Ie chef de camp et, si Ie chiffre etail depasse, les medeclns qUi etalent

Page 90: La Persecution Raciale

172

des prisonniers,' etaient punis J'a '0 t ' lnexistant faute de me'd' . 1 u e que Ie service medical eta it

, Icaments. II etait assu ' Les autres, et ils etaient nombreux all' . re p~r deux medecins. prisonniers. Je puis d' aill d ~ , Glent au,x chantlers comnle tous les

eurs Ire que Ie seul l 'd' camp a fa disposition des medt!cins ' , . ne Icament existant au rine au nombre de vingt. etalt llne bOlte de comprimes d'aspi-

Une lettre du Dr Ivan D f Ie 30 mai 1944 d rey us, adressee de Damnes a I'U, G. I F , onne un son de cloche 'd t' b' . .

de la censure allemande elle ait d~ 1 en lque len que, en raison Dans Ie calnp d'ou' J'e vo' " u se montrer assez circonspecte ' • llS ecrls se t ' , '

I ile d'Aurigny qu'its 0 t 'tt" ,rouvent 124 Israelttes provenant de 2 n qUi ee If y a environ ' t'

70 autres camarades se trouve t d vlng ]Ol1rS, Environ A beaucoup d'entre eux manque

n ," adn,s d'autres camps de la region.

t' t' . . III Ispensable au poi t d Imen Glre, souliers, clzemises ant n e vue ves-

ments . de travail. A tous Ie 'm~teri~:ons., ~Izaussettes, cales;ons, vete­totalement defaut Nou " medlcal et plzarmaceutique fait

, . s avons pense que I'U 0 IF' vemr en aide car, dans notre situ t' •.... pourrGlt nOllS est impossible d'obtenir quoi que ~:on, 'tmeme

avec de l'ct,rgent, it nOllS A ' t SOL '"

II POlll de vue alimentaire la sit t' l7lais if est evident que que! ' , ua LOn est heaucoup moins grave

ques enVOlS notamment de d ' (l.ccueillis avec reconnaissance et '. , . .' ouceurs, seraiellt

L ' aUSSI avec lOle. , es tra~sports etant desorganises, I'U. O. I.

falre achemmer les colis del1)ande.s. F. ne parvint pas a

CHAPITRE IX

LES PERSECUTIONS ANTISEMITIQUES EN PROVINCE

C'est par Paris, Oll la concentration de la population juive etait particulierement dense, que les mesures de rafles generales ont debute, La province ne s'en est pas trouve, pour autant, epargnee. Sauf en Alsace-Lorraine, aes Israelites n'habitaient que tres rarement, avant 194u, dans de petites agglomerations. Apres I'occupation de In France et des les premieres mesures le.gislatives raciales, les Juifs recherchc­rent un refuge jusque dans les moindres villages, au ils se mirent assez

souvent au travail de la terre. Meme lorsqu'ils ne se livraient a aucune activite politi que parti-

culiere, ils se houverent (~n butte, ou qu'ils aient etabli leur residence, aux recherches de la Gestapo et des SS, Ceux-ci accompli rent leur besogne, au la firent accomplir par la police fran<;aise, d'abord dall1s la zone occupee du nord de la France. Dans la zone sud, les mesures d'internement et de groupement dans des compagnies de travalilleurs, deliberees par Ie gouvernement de Vichy, avaient constitue une premiere etape de la repression, qui devait etre suivie en aout et septembre 1942 de la deportation. Cependant. seuls les Juifs de nationalite ctratlgere

etaient alors vises par cette politique, Lorsqu'apres Ie 11 novembre 1942, les Allemands penetrerent en

zone sud, au mepris de la convention d'aflmistice, ils y appliquerent les memes mesures qu'en zone nord. Seule, demeurait une enclave de rela­tive liberte pour les Juifs : elle comprenait la zone du sud-est, occupee par les troupes italiennes. La Wehrmacht en prit possession en septem­bre 1943 et la severite des mesures prises par la nouvelle police d'occu­pation fut d' autant plus impitoyable que Ia: Gestapo trouvait devant elk plus de victimes a qui toute possibilite de fuite etait ctesormais inter-

dite.

Page 91: La Persecution Raciale

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~our mener a bien ~a ta~he qu'annc!nce Ie titre de ce chapitre, il a.ural~ convenu de proceder a une enquete exhaustive et d'etudier la slt~atlOn ?es groupes israelites dans toutes les localites, gran des ou petItes, ?U des co~munautes juives etaient installees, soit de longue ?ate, SOlt temporalrement au gre des circonstances. Les mouvements Incessan!s auxquels cette population etait contrainte a se livrer rendent ce travaJI assez malaise. Au surplus, il est difficile de retrouver des documents officiels mentionnant des ordres d'arrestations et, eventuel­lement, de~ comptes rendus de ces operations, emanant, soit de leurs auteurs, SO.lt de tem.oi.ns qualifies. On se bornera donc ici a esquisser un tableau qUI, pour Sl Imparfait qu'il so it, degagera, par la presentation d,e quelques exemples typiques, une vue d'ensemble des mesures adop­tees pa.r les Allemands et par leurs complices des mouvements de col­laboratIOn contre la population juive disseminee dans toute la Fralnce.

I. - L'EXPULSION DES JUIFS 0' ALSACE ET DE LORRAINE

, L'import~nte population juive d'Alsace et de Lorraine, composee d une populatI~n autochtone et de quelques refugies polonais (Ie gouver­n.~ment fran\a;ls n'ayant pas tole,re dans les trois departements fron­heres la presence d'une niasse importante d'emigres allemands ou a.utrichiens), avait ete repliee vers les departements fran\ais de I'inte­neur des les premiers jours de la guerre, du moins en ce qui concerne les zonesfortifiees et leurs abords. Lors de la percee de la ligne Magi­not et de l'irruption des troupes allemandes dans Ie Haut-Rhin Ie Bas-Rhin et fa Moselle, la plupart des Israelites demeures dans' ces regions avaient egalement cherche un refuge plus sGr. De nombreux Israelites ,dem.cu:a.ient encore en Alsace et en Lorraine lors de la signa­tu~~ de, I a~mlshce. liS. f~rent expulses de ces villes ou de ces villages qu 1Is n avalent pas quIttes lors de I'annexion de 1871 et Otl ils auraient bien voulu demeurer.

Les « Cahiers », alors ciandestins, « du Temoignage Chretien nous ont fourni des 1942 des indications sur Ia, politique antisemite suivie dans les trois departements soumis a I'administration civile alle­mande. Des Ie 14 juillet 1940, Ies mesures. de transplantation (Umsied­lung) de la population furent mises a etxecution. Le Gauleiter Burckel faisait diffuser un tract, ou if affirmait que « ce pays est allemand depuis toujour~ ». En. consequence, ceux qui n'appartenaient pas a la communaute populGire germanique doivent Ie quitter. L'ordre et la securite exigent une separation entiere entre les Allemands et leurs ennemis ...

Deja au debut de /'occup3!tion, les Israelites restes sur place avaient

175

ete expulses. En Alsace, du propre aveu du Gauleiter Wagner, 22.000 Ju.ifs ont fait partie des premieres expUlsions.

Des Juifs etaient cites en premier lieu dans les categories d'incte­sirables dont Ie Kreisleiter de Thann demandait "U maire de I'arron­dissement de lui fournir la Iiste. II ajoutait : L'eIimin'Ztion des Israelites est actuellement en cours. Si vous deviez encore rencontrer des Juifs, il y aurait lieu de me les signaler sans de/ai et de faireprocMer a leur arrestation par la police. Les etats pour les Juifs n'ont plus a etrle fournis. Sont egalement a considerer comme Juifs to utes les personnes dont trois grands-parents sont Juifs ainsi que tvus ceu,x quine sont pas Juifs d'origine, mais qui, par leur attitude, reconnaissent leur adhe­sion au culte juif.

Un rapport envoye au Consistoire Central Mcrit certaines scenes auxquelles ont donne lieu ces expqlsions :

A Mulhouse, Ie I er juillet 1940, Ie secretaire de la Communaute a ete oblige ,d'informer tous les ho.mmes israelites se trouvant encore. dans la, ville de se presenter dans la cour de la synagogue, munis d'une pell:e, d'une pioche et d'un balai. Les invalides, les vieillards au-dessus de 65 ans et ceux qui travaillaient chez un patra.n furent renvoyes chez eux. Les autres, environ vingt cinq, durent aller dans la villa d'une dame juive partie .depuis Ie debut de la guerre. La, ils ont du neltoyer t(Jute la m,aison, arracher chaque petite herbe dans Ie jardin, couper les arbres, fendre du bois, becher Ie jardin quatre fois de suite~ deme­nager les meubles, nettoyer les camions, etc ... Pendant ce travail, on les torturait de to utes les farons, on les obligeait a se coucher a plat ventre dans ['eau, a faire plusieurs fois Ie tour ,de la cour en courant, suivis d'un soldat allemand qui leur donnaif des coups de pieds.

Pendant qu'ils nettoyaient les camions, on les arrosait en plein visage. Plusieurs ont ete baltus. Ils durent se couper mutuellement les

. cheveux et crier devant la foule qui venait regarder : « Nous, les Juifs, nous sommes responsables de la guerre .. nous Ie crions bien haut ! »

ou bien : « Toute notre vie, nous avons trompe les gens » et comme la foule restait tranquille, les soldats .demandaient : « Mais, pow'quai n'applaudissez-vous pas ? Ces Juifs disent la verite ». Plusieurs fois on leur demandait leur nom et ils devaient repondre : « Saujude ! » (cochon de Juif). Ils furent plusleurs fois photographies en groupe ou isoles, la bouche grande ouverte. Enfin, Ie 16 juillet au matin, on leur a dit de rentrer chez eux et de ne pas sortir jusqu'anouve[ordre.

Entre temps, les Allemalnds ont visite la synagogue et Ie secretariat, ou Us ont pris des tables, des fduteuils, Ie panier a papier, du papier a lettres, voire meme les agrafes de bureau et les plumes.

Le secretariat de la communaute israelite dut etablir la Iiste des membres de la communaute se trouvant encore a Mulhouse, celie des

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Page 92: La Persecution Raciale

176

Israelites non rnembres de la communaute, celie des proprietaires d'im­meubles et de magasins ; les comptes en banque de taus les fUifs ant ete bloques. Un SS Hauptsturmfiihrer a pris en depot contre quittance une grande partie de I'argent de la communaute.

Le 16 juillet,. vers II heures, I'ordre d'expulsion est signifie au president de la communaute israelite par deux soldats allemands qui viennent Ie trouver it son domicile et lui deciarent : Va us savez qu'en I9I~, les Fran{:ais ant expu!se les Allemands au-dela de la frontiere. Mainte­nant, nous faisons de mhne aux Fran{:ais et aux Juifs qui sont consi­deres egalement comme des Fran{:ais. Vous avez une heure pour pre­parer les bagages que vous etes capa{)[es de porter VOllS-m'emes. Vous avez Ie droit d'emporter all pillS 5.000 francs par personne, ainsi que les bijo/11X que pous pouvez porter sur vous.

Le depart de Mulhouse des Israelites qui s'y trouvaient encore est ainsi decrit par les temoins oculaires ,: Les fuifs des environs de Mulhouse ant du se reunir dans la cour de la synagogue. Ceux du Bas-

. Rhin ant passe la ligne a Schirmeck et on leur a encore vole une partIe de leur argent et des bijoux. Le lendemain, on nous a encore donne du cafe nair et nOllS avons ete transportes en cam ions jusqu'iI Dole, au-dela de la frontiere. La, on nous a declare : « Maintenant, vous etes en France, libres d' aller oil vous voulez. Les, Franrais seront heu­reux de vous recevoir et ifs vous transporteront en caroions en France.

Slir I'expulsioll drs Juifs de la Lorraine, un rapport ccrit Ie 20 Juillet 1940 et adress(' au Consistoire Central s'exprime ainsi : ... J[

semble que les evenements ant ete parliculicrement tragiques en Lorraine. Tandis qu'en Alsace, les soldats allemands ant execute les ordres de la Gestapo sans trap faire soullrir les victimes et parlois avec lin

regret visible, cellx de Lorraine ont employe lous les artifices d'une cmaute raffinee dans I'execution de leur mission.

A Uxheim, Ie ministre officiant s' elanl Silicide en se tranchant la gorge, sa lille a eft! obligee d'essuyer Ie sang et de preceder {e convoi . funebre en brandissant Ie torchon imbibe de sang pailI' Ie jeter dans (a tombe. A une pauvre fille de Phalsbourg, all a enleve son maigre pecule de mille francs qu'elle avait cache a I'll/teriellr de $on vete­ment. Un vieillard de 93 ans est mort, un autre est devenu fou. Beau­coup ant prefere se suicider plut;6t que de quitter la terre natale.

L'organisation speciale aux trois acpartements recouvres a permis aux communautes israelites de la Moselle et du Bas-Rhin de dresser un tableau aussi complet que possible des spoliations et de profana­tions do:nt les Allemands se sont rendus coupables dans les edifices du culte et dans les eimetieres juifs, penda'nt tout Ie temps que l'Alsace et une partie de la Lorraine se trouvaient soumis it I'~dministration civile allemande. Voici les listes fournies par les organismes israelites officiels.

" . APRES LA LIBERATI01'< EXPOSITlONORMANIS~E. PAR LE 'SER~' Ii'IN' FORMATION DES CRIMES

DE GUERRE

Un panneau

Page 93: La Persecution Raciale

..

... lIIl4 .... JNOIV~I'1l'R£ 3336

... 1II .. ~III." .. MARs saoo

f!' ............ MAf45GO

APRES LA LIBERATION EXPOSITION ORGANISEE PAR LE SERVICE D'IN­FORMATION DES CRIMES

DE GUERRE

Un panneau

..... CONSISTOIRE ISRAELITE DU DEpA~TEMENT DE LA MOSELLE

NOTE SUR L'~TAT A LA LIB~RATION DES BATIMENTS DU CULTE ET DES CIMETIERES ISRA~LITES DU D~PARTEMENT DE LA MOSELLE

Communes

Arrondissement de BOULAY

BAtiments du ~ulte

BOULAY ........... Synagogue completement detruite par l'occupant.

Cimetieres

Le cimetiere, situe rue' de Sarrelouis, est intact. Le nou­veau cimetiere se trouvant route de Faulquemont a ete degrade. Les monuments fune­raires ont ete demolis, les fosses ouvertes et les osse­ments disperses. Le terrain a ete affecte a la sepulture des prisonniers russes.

BIONVILLE ........ Synagogue abattue par les Cimetiere profane. Les tombes Allemands. ont ete renversees et brisees.

NIEDERWIES.. . . . .. Synagogue abattue par les CimeHere dans un etat .de Allemands. delabrement total. Toutes les

tombes renversees et brisees. Mur de cloture endommage par faits de guerre.

BOUZONVILLE .... '. Synagogue demolie par les Le cimetiere a subi des degra-Allemands. dations volontaires aux monu­

ments funeraires·.

FREISTROFF.. . . . .. Synagogue detruite par les Cimetiere ne parait pas avoir Allemands. de dommages.

FAULQUEMONT .. .. Bfltiment du culte detruit en 1940 par les autorites allemandes.

Arrondissement de CHATEAU-SALINS

CHATEAU-SALlNS... Synagogue en partie de­truite.

Quelques monuments detruits par suite de faits de guerre. La cloture fortement endom­magee a ete reparee.

DELME. . . . . ... . . . .. Synagogue completement Aucune degradation n'a ete detruite. faite au cimetiere.

D lEUZE.. . . . . . . . . .. Synagogue incendiee par Cimetiere sac cage, monuments les Allemands. renverses et brises.

INSM INO .. . . . . . . . .. L'interieurode la synagogue est devaste. Exterieure­ment les murs ont souffert

I par suite du bombarde­ment. La toiture est detec­tueuse.

12

l

Page 94: La Persecution Raciale

178

Communes Batiments du culte Cimetieres

VIC-SUR-SEILLE '" Importants d~gats. Le mo­bilier a disparu.

Arrondissement de FORBACH

FORBACH .. . . . . . . .. Synagogue endommagee Cimetiere detruit en partie par tir d'artillerie. L'inte- par les Allemands. Pierres rieur se trouve en tres tombales enlevees. Mur demoli. mauvais etat.

MORHANGE ....... , Synagogue demolie; bati- Cimetiere en tres mauvais ment du ministre officiant etat. Mur de cloture detruit partiellement detruit par par faits de guerte. tir d'obus.

MELLIMER .. . . . . . .. Synagogue et ecole entie- Cimetiere intact, mais non rement detruites. entretenu.

PUTTELANGE-LES-FARSCHVILLER Synagogue fortement en- Mur d'enceinte detruit. La

dommagee. commune a installe une clo­ture en fiI de fer.

SAINT-AVOLD •. . . .. Synagogue completement Profane par les Allemands, detruite par bombarde- remis en etat par les soins ments. de la municipalite.

ArrondIssement de METZ -Campagne

COURCELLES­CHAUSSY

AUGNY ........... .

Synagogue en tres mauvais Monuments mortuaires ren-etat. verses ou demolis.

Degats par bombardements.

ENNERY ......... " Les objets destines au culte Monuments mortuaires ren-ont ete voles. verses ou demolis.

THIMONVILLE .... .

TRAGNY .......... ..

VANTOUX ........ ..

Fortement endommages.

Trous d'obus, tombes 'renver­sees, demolies.

Degrade, quelques pierres tom bales sont demolies.

• LOUV IGNY .. . . . . . .. Synagogue pillee en J 940, Partiellement detruit.

detruite lors des combats.

REM ILL Y ........ " Synagogue detruite. Cimetiere endommage.

T .. ~".

Communes

ArrondIssement de SARREBOURG

BAtiments du culte

FENETRANGE ..... Non-endommagee.

179

Cimetieres

Les pierres tombaIes de I 'an­cien cimetiere ant etc em­ployees pour paver la place devant la partie Ouest de I 'eglise catholique. Ces pierres ont ete retransportecs au cimetiere. Les pierres tombales du nouveau cimetiere ont ete brisees et renversees, une p<lrtie du cimetiere a ete trans­formee en sabliere.

SARREBOURG ..... . Synagogue endommagee, Pierres tombales brisees et mais reparable, objets mo- renversees. biliers en grande partie endommages et demolis.

PHALSBOURG .. . . .. Synagogue' intacte, objets du culte et meubles enle­yes.

Pierres tombales profanees, cependant restees sur place. La refection sera donc pos­sible mais coCtteuse.

SCHALBACH. . . . . . .. Pas ou peu de degats. Le Intact.

Arrondissement de SARREG U EMINES

contenu a ete mis de cOte par les soins du maire.·

SARREGUEMINES .. Synagogue totalement de- Degats partiels par suite de truite par faits de gue,rre. bombardements aeriens.

GROSBLIEDER- en- Pierres tumulaires renversees. STROFF .. . .. . .. Synagogue gravement

BITCHE ........... .

dommagee, mobilier de­truit par I'occupant.

Batiment legerement en­dommage par faits de guerre. II servait de loge­men tau x prisonniers serbes. Le logement du ministre officiant est en­core occupe par des refu­gies.

Page 95: La Persecution Raciale

180

Communes Batiments du culte

FRAUENBERG ..... Synagogue detruite' entie- Intact. rement par faits de guerre.

Arrondissement de THIONVILLE

THIONVILLE .. .. . .. Synagogue rasee, if ne reste Disparu. que les fondations et une partie des soubassements.

BUDING ............ Synagogue privee de son installation interieure, en­dommagee par les obus.

Cimetieres

HAYANGE . Synagogue et batiments Degats mmlmes, monuments annexes completement ra- en majeure partie intacts. ses.

KOENIGSMACHER . Synagogue transformee en maison d'habitation. La maison de la Communaute est inhabitable par suite des faits de guerre.

METZERWIESE .... Interieur de la synagogue Mur partiellement enleve, mo-degrade, mobilier enleve. numents partiellement dispa­

rus ou renverses, une partie des pierres a ete employee pour la construction d'un pont.

MOYEUVRE-GRANDE. . . . . .. Salle de religion videe de Aucun degat.

son contenu, transformee en logement.

SIERCK-LES-BAINS. Synagogue abimee parfaits Etat deplorable de guerre.

METZ .............. Deux synagogues entiere- Cimetiere intact. ment spoliees. Les 4 murs et toiture existent a la grande synagogue. Hospice israelite spolie et devaste, maison d'reuvre degradee et spoliee.

181

CONSISTOIRE ISRAELITE DU BAS-RHIN

Nombre de

Communes Immeubles Etat Nombre deportes d'ames ou

fusilles

BALBRONN ....... Temple. Saccage, meubles enle- 62 en 1936 12 Yes.

BARR ............. Temple. Sac cage, meubles enle- 108 en 1936 yes.

BENFELD ......... Temple. Endommage par un obus.

Annexe. Completement brCth!e en 1942.

Cimetiere. Ravage d'un bout a I'autre, 75 tombes ren-versees par vandalisme. 171 en 1936 31

BISCHHEIM ....... Temple. Saccage, puis demoli par bombardement.

Annexe. Demolie. Annexe Sacca gee et touchee par

contenant bombardement. temple

auxiliaire et salle

de c1asse. Cimetiere. Peu touche. 149 en 1936 5

BISCHWILLER .... Temple. Demoli, entierement 193 en 1936 19 rase.

BOUXWILLER ... Temple. Saccage, banes brCtI es. 7

BRUMATH ........ Temple. Saccage. 185 en 1936 6 Cimetiere. Mauvais etat.

DAMBACH-LA-VILLE ..... Temple. Saccage, meubles de- 65 en 1936 4

molis.

DAUENDORF ...... Temple. Demoli entierement. 19 en 1936 2 Annexe. Toute detruite par

bombardement. . Cimetiere. Tombes renversees.

DUPPIGHEIM ..... Temple. Tout demoli, complete- 59 en 1936 6 ment a refaire.

EPFIG ............. Temple. Pille, meubles enleves. 22 en 1936 6

ETTENDORF ...... Cimetiere. Tombes en partie ren-versees.

Page 96: La Persecution Raciale

182

! Nombre

Communes de

Immeubles Etat Nombre deportes

I d'ames ou

fusiIles

GUNDERSHOFFEN Temple. Mauvais Hat, meubles enleves.

4

Cimetiere. Quelques tombes ren-versees.

GERSTHEIM ...... Tem;::e. N'existait plus en 1939. 17 en 1936 Cimetiere. Rase.

-----DUTTLENHEIM ... Temple. Encore aucun rensei- 65 en 1936

gnement.

DIEMERINGEN .... Temple. " Encore aucun rensei- 88 en 1936 5 gnement.

HAGUENAU ...... Temple. Saccage, objets cultuels 564 en 1936 111 disparus, vitraux cas-ses. A la fa\ade demolie par bombardement.

Annexe Degradations. con tenant

temple auxiliaire

et logement de service. Cimetiere. Encore mine, touche

par faits de guerre. ----

HATTEN •......... Temple. Completement arase. 34 en 1936

HERRLlSHE 1M '" Temple. Saccage puis end om- 80 en 1936 mage par bombarde-ment.

Annexe. Saccage puis end om-mage par bombarde-ment.

Cimetiere. Partiellement detruit par faits de guerre.

HOCHFELDEN .... Temple. Encore aucun rensei- 128 en 1936 22 gnement.

Cimetiere. Depend de Ettendorf. I

I '

HOENHEIM ....... Temple. Sac cage. 30 en 1936 3

INGWILLER. ...... Temple. Saccage. 166 en 1936 12 Cimetiere. Un peu saccage, tombes

renversees.

ITTERSWILLER .. Temple. S~ccage, meubles enle- 19 en 1936 6 yes.

Communes Immeubles

i

KUTTOLSHElM .... Temple.

KOLBSHEIM ......

~.---

KRAUTER-GERSHEIM .,.

.-~-~

LAUTERBOURG ... Temple.

--~-

L1NGOLSHEIM .... Temple.

._-- , _. ~'--

LEMBACH ........

--- - - -----MACKENHEfM .... Temple.

Anncxe.

Cimetiere. --~--

MARCKOLSHEIM . Temple.

I I

Cimetiere.

MARMOUTIER .... Temple. Cimetiere.

MOLSHEIM ....... Temple.

MOMMENHEIM .. ·1 Temple.

MULHAUSEN ..... Temple.

MUTTERSHOLZ ., . j Temple.

Etat

I

Saccage, detruit par vandal.sme.

Encore aucun rensei-gnement.

Encore aucun rensei-gnement.

Aucun renseignement encore.

Sac cage, meubles enle-yes.

La communaute n'existe pas jusqu'it present. Aucun rensei-gnement.

Saccage. Interieur sert cO.mme depot de muni-tions. Detruite completemcnt par bombardement. Tombes renversees.

Endommage en 1939 par bombardement ; le-gerement endommage encore en 1940 ; vu par M. Alfred Levy. Arase par Rempel Bau-gesellschaft Freiburg. Tombes renversees.

Saccage interieur. Tombes renversees.

Pille.

Entierement brule par vandalisme.

Encore aucun rensei-gnement.

Encore aucun rensei-gnement.

i

J

Nombre de

Nombre deportes d'ames

1

ou fusilles

27 en 1936 5

44 en 1936

43 en 1936

66 en 1936 20

8 en 1936,

26 en 1936 3

~----

56 en 1936 6

43 en 1936 Encore pas

de liste.

55 en ;936 4

125 en 1936 Encore pas

de liste.

19 en 1936 En<;ore pas

de liste

43 en 1936 8

1

Page 97: La Persecution Raciale

184 185

Nombre Nombre

Communes de

Immeubles Etat Nombre deportes d'Ames ou

de Communes Immeubles Etat Nombre deportes

d'Ames ou fusilles fusilles

MUTZIO .......... Temple. Sac cage it I'interieur, 54 en 1936 9 meubles enleves.

QUATZENHEIM ... Temple. Saccage it I'interieur, 60 en 1936 Encore meubles enleves. pas

MERTZWILLER ... Temple. Saccage it I'interieur, 113 en 1936 31 meubles enleves. .

de Iiste.

REICHSHOFFEN .. Temple. Aucun renseignement. 59 en 1936 Encore

NIEDERBRONN ... Temple. Saccage it I'interieur, 82 en 1936 19 meubles enleves.

pas de liste.

OBERNAI •........ Temple. Saccage it I'interieur, 138 en 1936 Encore meubles enleves. pas

Cimetiere. N'a pas souffert. de Iiste.

ROSHEIM ......... Temple. Saccage it I'interieur, 69 en 1936 35 meubles enleves.

ROMANSWILLER. Temple. Saccage it I'interieur, 43 en 1936 11

NEUWILLER-LES-SA VERNE. Temple. Saccage par vandalisme 13 en 1936 3

Cimetiere. Tombes renversees.

meubles enleves. Cimetiere. Tombes renversees,

maisonnette detruite.

NIEDERROEDERN Temple. Aucun renseignement. 33 en 1936 ROSENWILLER ... Cimetiere. Environ 200 tombes de

date recente renversees.

OBERSC (- AEF-FOLSHEIM .... Temple. Sac cage a I'interieur. 27 en 1936 Encore

RINGENDORF .... Temple. Saccage a I'interieur, 15 en 1936 2 meubles enleves.

pas de liste. OBERBRONN : .... Cimetiere. Tombes touchees par

eclats d'obus et en par-OFFENDORF ...... Temple. Entierement demoli par 36 en 1936 12

acte de vandalisme. Annexe. Demolie entierement

par les Allemands. Cimetiere. Tombes renversees par

des obus, Ie mur est ouvert par suite des batailles qui s'y sont deroulees.

tie renversees.

SARRE-UNION •... Temple. Saccage it I'interieur. 81 en 1936 Encore Annexe. Partiellement demolie. pas

Toit ouvert. de Iiste.

SAVERNE ......... Temple. Coupole enlevee, fac;ade cachee derriere un mur de beton. Construction completement transfor-

OSTHOFFEN ...... Temple. Intact. 12 en 1936 2 - mee par division en 2 etages et c1oisonne-

ODRATZHEIM ... . Temple . Aucun renseignement. 13 en 1936 Encore pas

de Iiste.

ment interieur. Cimetiere. Beaucoup de tombes 244 en 1936 Encore

renversees. Maisonnette pas detruite, grillage et c1o- de Iiste.

OSTHOUSE ....... Temple. Aucun renseignement. ture enleves.

PFAFFENHOFFEN Temple. Saccage, puis touche 69 en 1936 11 par un obus. Date de construction 1791. Vendu par les Alle-mands it la Brasserie

SELESTAT ........ Temple. Detruit. 213 en 1936 Cimetiere. Bon etat sauf quelques Encore

tombes renversees, gril- pas lage enleve sur ordre de Iiste. des Allemands.

Moritz E. V. ; partiel-lement demoli par les employes qui I'avaient

SCHWE IGHOUSE .. Temple. Aucun renseignement. 24 en 1936 Encore pas

de liste. utilise comme depot de charbon. SCHERWILLER .. Temple. ,Saccage. 39 en 1936 4

Page 98: La Persecution Raciale

- -----~- - ----- ------------------~--- ----------,--

186

. ---- ---

Communes Immeubles Etat Nombre I d'ames

I I

SCHARRACH-I

BERGHEIM .... Temple. Saccage. I 4 en 1936

SCHIRRHOFFEN .. Temple. Aucun renseignement. 38en 1936

STOTZHEIM ...... Temple. Aucun renseignement. 21 en 1936

-STRUTH .......... Temple. Aucun renseignement. 45 en 1936

SOULTZ-SOUS-FORETS Temple. Saccage a I'interieur. 116 en 1936

Temple Detruit par obus. auxiliaire. Cimetiere. Une rartie des tombes

renversecs.

SCHIRMECK ....... Temple. Saccage. 25 en 1936 Cimetiere. Tombes toutes renver- Labroque.

sees. ~.

TRIMBACH ....... Temple. Encore aucun rensei- 14 en 1936 gnement.

-VILLE ............. Temple. Encore aucun rensei- 45 en 1936

gnemcnt ..

WASSELONNE ..... Temple. Encore aucun rensei- 7gen1936 gnement . . '--

WESTHOUSE ..... Temple. Encore aucun rensei- 40 en 1936 gncment.

WE ITERSW ILLER Temple. Saccage a I'interieur. 9 en 1936 Cimetiere. Tout demoli par acte de

vandalisme.

LA WALK ........ Temple. Saccage et detruit par 12 en 1936 acte de vandalisme.

WESTHOFFEN .... Temple. Encore a,ucun rer.sci- 63 en 1936 gnement.

WINGERSHEIM ... Templc, Encore aucun rensei- 53 en 1936 gnement.

WCERTH ..........• Temple. Legerement sinistre. 33 cn 1936

WOLFISHEIM ..... Temple. Saccage a l'interieur. 114 en 1936 Cimetiere. Cloture en fer enlevee

et une partie du mur demoli. I

Nombre de

deportes ou

fusilles

Encore pas

de liste.

8 deportes

'7 '

3

----5

.----

Encore pas

de liste.

6

2

3

6

I

16

187

Nombre de

Communes Immeubles Etat Nombre deportes d'ames ou

fusilles

WISSEMBOURG ... Temple. Completement arase 146 en 1936 8 par acte de vandalisme.

STRASBOURG ..... Temple. BrOlc et arase jusqu'a la derniere trace par vandalisme.

Annexe BrOle et. arase jusqu'il du temple la derniere trace par

I contenant vandalisme. logement.

Bureaux du Consistoire. Bureaux de la COlll.munaute

I Temple auxiIiaire.

.~ .. . "--

Nous ne connaissons pas les auteurs de totttes ces profanations. Nous n'avons de renseignements precis qu'en ce qui concerne les viola­tions de sepultures du cimetiere israelite de Brumath. M. Henri Weil, ministre officiant, declare : Lorsque je suis arrive a Brumath fdn mai 1945, )e me suis rendu au cimetiere israelite. j'ai constate que celui-ci avail ete saccage par des mains criminelles. Les pierres tombales sont renversees, les vases casses et les plaques de marbre sur lesquelles etaient les inscriptions des defunts sont egalcment cassees. II est im­possible de trouver les tombes ap.partenant au.x famBes.

ees actes de vandalisme emt eu des temoins. L'und'eux, M. Albert Schneider, cultivateur it Brumath, a depose it ce sujet : Au courant de ['annee 1941, au mois de mai, un jour que je ne puis preciser, je travaillais dans /tn champ pres du cimetiere juif. II eta it 10 heures env;­ron, lorsque deux gendarmes sont venus en bicyclette dans Ie cimetiere. II y avail Ie nomme Komer et un autre gendarme allemand dont je ne connais pas Ie nom. lls ant quWe leurs vestes et ont renverse les mar­bres et les vases de ce efmetiere. Us ont travaille pendant une heure et demie. Il parait que plus tard its sont revenus et ont casse les marbres. mais ceef je ne l' ai pas vu.

l

Page 99: La Persecution Raciale

188

D. - LA Sl1UATlON DES JUIFS DANS UNE

GRANDE VILLE DE PROVINCE : BORDEAUX

Une communaute juive tres importa;nte est etablie depuis fort long­temps dans la ville de Bordeaux. Le loyalisme de ses membres vis-a­vis de la France et I'anciennete de leurs attaches ont ete un des motifs qui ont decide I'Assembh~e Constituante ,a accorder la qualite de citoyens franc;ais aux Israelites vivant dans Ie rbyaume. jusqu'en 1939, les juifs bord.el~is ~vaient .intimement me Ie leur activite a la vie €conomique, admInistrative et mtellectuelle de la cite. L'exode avait, en outre attire a Bordeaux des Israelites franc;ais originaires des departement~ de l'Est.

La vie qu'a connue cette communaute se trouve depeinte dans une lettn~ adressee par M. Cohen, Grand Rabbin de ~ordeaux, au pretet de la Glronde, Ie 7 decembre 1944.

Les Allemands se Iivrerent d'abord a des brimades vis-a.-vis des Israelites pris en corps.

f!es les premiers jours de l'occupation allemande, ecrit Ie Grand Rabbm Cohen, 200 internes juifs allemands avaient ete amenes 'on ne salt pour quelle raison, des cdmps de Ours et de Saint-Cyprien' a Bor­deau.x. On les a places a la caseme Boudet. Le Commandement alle­mand eleva la pretention d'imposer la charge de leur habillement et de le,ur entretien a notre communaute. Apres mes demarches au pres de la Ville de Bordeaux, cette premiere brimade s'est finalement traduite en une sorte d'amende s'eleva'nt a pres de quatre-cent mille francs des­!inees a secourir ces malheureux.

En juil/e! 1940, la presse publiait une note avisant tous les Israe­lites en, vilUgiature Ie long du Bassin d'Arcachon qu'ils devraient s'en aller avant Ie 25 du mois; a ['exception de ceux ayant un domicile fixe ou habitant leur proprieU personnelle.

Les Allema,nds trouverent dans ces mesures une occasion de proce­rje~ a des rafJes et. ~ des arrestations sans fondement : une rafle fUl

fazte avant Ie 20 lUlllet et .des vieillards, des enfants, des femmes --,. dont une veuve de guerre 1939-1940, la femme du capita:ne Alexandre et ses aeux fillettes, respectivement agees de six et huil ans - etaient co~du~tes au Camp de Merignac. Plusiellrs de ces internes etaient pro­pruUatres de leur. villa et ils n'etaient pas vises par la mesure an­noncee.

Des arrestations individuelles eurent lieu en suite. M. Maurice Uhry, ancIen secretaire du Consistoire israelite de Bordeaux, marie it une

189

orpheline de guerre, fut arrete, interne et deporte. Professeur d' Alle­mand a [,Ecole Normale de Talence, suspendu de ses fonctions en rai­son du statut de Vichy, Uhry entra comme interprete dans une maison d'automobiles avec une autorisation en due forme de 10 Kommandantur. La Gestapo a passe outre.

Le Grand Rabbin de Bordeaux cite encore Ie cas suivant : celui de M. Baumann, de Strasbourg, dont Ie seul crime etait de s'etre endormi dans Ie train alors qu'il se rendait a Agen et d'avoir depasse la ligne de demarcation. Il av,ait sur lui to utes ses economies ; il en avail eEe, naturellement, depossede.

Ont encore He victimes d'arrestations individuelles Ie Dr Schinaei,. pere de neuf enfants, qui avait cesse d'exercer sa profession pour se mettre a travailler la terre et qui a ete arrete, interne et deporte sous une vague accusation : propos gdullistes ...

Le Dr Stark, de Cd,stillon-sur-Gironde, engage volontaire des deux guerres, marie avec une non-juive castillonnaise, subit Ie meme sort que'son co!legue Schinazi. Son fils a ete arrete ei deporte pour avoir deman.de a la Kommandantur des nouvelles de son pere.

Le professeur d'Allemand Myrtil Bloch du Lycee de Longchamps, replie de Strasbourg, avail refuse Ie poste de traducteur-interprete aupres de la Komman.dantur, malgre les appointements si seduisants ,,'e 10.000 francs par mois. Il a vu d'abord son fils aine, laUl'eat df l'Institut Agronomique de Pra.lce, arrete et deporte ; puis lui-meme et so femme ont eu Ie meme sort.

Madame Sclzwartz, de nationalite roumaine, septuagenaire demeu rant a Bordeall.x, rue Sauteyron,.a eu un fils tue a [.(1 guerre 39-40 e.. un autre fils grievement blesse. EUe- etait en instance pour [' obtentiol d'une pension d' ascendant. EUe fut arretee et deportee ainsi que sO{ fils, grand blesse.

Le caporaL Cyrulic, grand, mutile de guerre 39-40, a ete arreti ainsi que sa femme. Ils furent deportes to us deux, bien que lui-meme" infirme d'une jambe a fa suite de sa blessure de guerre, ne pouvait marcher qu' avec des be,lUilles. .

Lors de la deportation des vieillards de notre asile, 34, rue Henri IV, notre directrice, la malheureuse, se donna La mort de desespoir. Parmi nos pensionnaires se trouvait M. Aron, age de 84 ans, replie de Nancy, ancien conseiller a la Cour, ancien administra;feur des hos­pices, officier de la Legio'li d'Honneur, Sa JlaUse confJenant toutes ses economies lui a ete derobee.

Nous ne pourrons nommer tous les deportes qui sont mallzeureu­sement nombreuc<. Pour clore ce chapUre, nous citerons Mme et M. Jo­seph Benzacar, ancien professeur d Id Faculte de Droit de Bordeaux, ancien adjoint all maire et chevalier de la Legion d'Ho';'neur. M. Be1I-

Page 100: La Persecution Raciale

190

zaca:, .bie~ con~u. et bien estime dans notre ville oil if jouissait de La ~onsl~e~a~lOn generale, aya~t dl1 qu:tter la municipalite paree que Israe­Me,. ecnv,.t une le:tre admlrable au maire de Bordeaux, dans laquelle, apres ~vol.r r.appe!~ qu~ sa f~mille s'etait etablie daVIs notre ville depuis 1 ~79, II ~lSaL.t qu ~I lUi seraLt foisible d'invoquer r article du statut de Vlchy q~l prevoyalf des derogations en faveur des Israelites ayant rendu d~s serVlces ~u Pays, mais qu'if preterait rentrer dans l'ombre, la cons­cu;nce ~n paLX cornme Ie plus humble senitellr de la France et de la Republtque. .

Parall~Ie~ent it ces arrestations individueIles, des rafles massives ,fi~ent des vl.etJ~e~ dans Ia eommunaute juive bordelaise. Le Grand Rab­bm .Cohen eent a ee propos : En juin 1941, la Gestapo avail seme la pant que et la consternation dans plusieurs quartiers de notre ville. Elle am~na, avec Ie concours de la police de Vichy et des services de la ~re~e~ture; au m!lieu de la nuif, a Merignac, plusieurs familles israelites d ongtne etranger~, ayant des enfants franfais. La prefecture me con­voqlla Ie lendemam pour m'aviser que la Gestapo avail decide de met­tre so us m~ ga:de et /1 ma charge tous les enfants, car seuls, les p'a.­rents dev.ment etre deportes ... Vn mois plus tard, nouvelle convocation de la ~refecture ~our n:e notifier que seuls les enfants ayant des pa­~ents dlrects en Glronde pouvaient y demeurer. TOllS les autres devaient etre deportes sans delai. 50 % de ce malheureux petif monde est parti pour. des. d~stinafions inconnues sans que nous ayons jamais eu signe de Vie, nt. deux, ni de leurs parents ...

. De. nouvelles' rafles massives iU1'ent effectuees en decembre 43 et en !aVlVler 44. Celte fois, to us ceu.t qui n'avaYent pas reussi a se cacher etment pr~s ~t de~ortes. Rescapes efdeportes ont eu leurs foyers entie­rement dem~n~ges par les agents de la Gestapo, ou saccages. Pour' do~ner un~ zdee de tOllS ces ravages occasionnes a la suite des depor­tatIOns, dlson~. que no:re communaute a perdu les 2/3 de ses effectifs. Da.n~ les derlnte~es aanees, la Gestapo semble avoir organise un service special ~e ~ense;gnements pour connaitre instantanement les deces qui se Pro.dUls~lent dans notre communaute. Apres chaquc enterrement, quel­quefol~ meme avant, ces agents devaient se rendre chez les families en deull et, gros:ierement, ifs reclamaient les meubles et Ie vestiaire ap­pa:tenant a~ defunt. Ils en profitaient pour en prendre d'autres par la meme occasIOn.

Le Grand Rabbin Cohen cite d'autres exempIes de spoliations : M . . Kahn, commandant en retraite, officier de la Legion I' H onneur, CrOloX de guerre, a eu Ie desagrement, alors qu'if etail malade et alife d'avoir la visite des gens de la Gestapo. Il avait sa montre en or SU/~

191

la table de nuit. L'un des visiteurs, sans se gener, empocha sa montre en lui disant :« Vous, fuifs, vous n'en avez pas besoin. »

II nous est revenu qu'apres Ie premier bombardement de Ia banlieue parisienne, des agents de Ia Gestapo se, presenterent au bureau de la Compagnie Generale Transatlantique et exigerent la Iivraison imme­diate des bagages qui etaient en souffrance dans les magasins de Ia Compagnie et dont les proprietaires avaient des noms it consonnance juive, alleguant qu'ils allaient les utiliser it dMommager les sinistres de la banlieue parisienne. Le chef de service demanda une decharge, mais il n'en obtint que Ia promesse. Comme les Allemands mettaient du te1l1ps it s'executer, Ie chef de service, revenant it la charge quelques semaines apres, fut rec;u' par un officier qui lui dit : « Que venez-vous reclamer ? ... Ah ! pour les colis, mais il y a bien longtemps qu'ils on1 ete expedies it Berlin ! ».

Le temple consistorial de Bordeaux fut pille et profane it diverses reprises pendant I'occupation. M. Ie Grand Rabbin Cohen decrit les faits de la fac;on suivante : Des le debut de l'occupation, notre syna­gogue ainsi que notre HOtel grand-rabbin:que ont ete a plusieurs repri­ses l'objet d'attentats de la part des bandes a Doriot. Sous la conduite de leur chef, un nomme Thurotte, elles se sont livrees a des actes de vandalisme et de profanations dans nos immeubles et nos maisons de prieres. Tant6t des projectiles etaient lances du dehors a travers les croisees et les vitraux, tant,6t les assaillants faisaient irrupt:on a l'inU­rieur et se livraient a leur ab jecte besogne.

Vne fois en 1942 Us arriverent en nombre, l'un d'eux en tenue mi/ifatre rerle, d'aut'res munis de matraques. Apres avoir moLeste Ie concierge Gustave Pereyre, ancien combattant 14-18, reforme a 80 %, its defru;'sirent des carreaux et des tableau.x jusqu'au deuxieme etage et 'wiltllirent notre synagogue, ainsi que les tableaux de marbre com­mbnorant Les noms des enfants de La communaute morts au Champ d'Honneur. Une plainte fut alors deposee au Parquet. Le principal me­ncur, nomme Mariani, incarcere au Fort du Hd, argua pour sa defense· qu'il avail agi par ordre de ses chefs. Il fut relaxe. . ,

Le 17 decembre 1943, trois agents de la Gestapo, accompagnes dun ind:cateUl de La police speciale des Questions juives, Ie nomme Dean, se presenferent chez moi vers les 8 heures du soir. L'un des chefs de cette equipe, bien connu pour sa brutalite, m'interpella et me demanda l'adresse de mes enfants habitant en zone sud. Comme je. n'obtemperais pas a cette injonction, if me !Ionna l' ordre de preparer mes paquets et de Ie suivte. Tous les autres me cernerent pendant que je faisais mes preparatifs. Puis Us ordonnerent au concierge et a sa femme, ainsi qu'a un pauvre malheureux qui logeait dans les depen.dances de La synagogue de se preparer pour se rendre au camp de Merignac. Profi-

Page 101: La Persecution Raciale

192

tant d'un moment d'inattention, j'ai reussi a m'evader. A man retour, apres 1(1 Liberation, j'ai retrouve la synagogue, les appartements, les bureaux, Ie siege de notre Consistoire entierement saccages et devas­tes de fond en comble. Ce que les vandales n'ont pu emporter, ils l'ont detruit a coups de crosse et de mitraillettes. Rien ne subsiste plus, ni notre arche sainte, ni nos rouleaux sacres .de.fa Loi, ni notre mobilier du Temple qui comptait 1.800 places, ni nos grandes orgues. Nos tre­sors sacres, faits de pieces d'or{evrerie d'une valeur inestimable, nos archives et les livres de ma bibliotheque personnelle ont disparu.

Le Grand Rabbin Cohen ajoute qu'i1 lui est difficile de parler des meurtres commis par les Allemands sur des membres de la commu­naute israelite de Bordeaux, ni meme des sevices qui ont pu etre causes a ses coreligionnaires detenus, les Allemands lui ayant interdit toute relation avec eux. Cependant, di,t-iI, nous avons note Ie premier mois de ['occupation ['execution d'un Israelite polonais (notoirement desequi­fibre) qui avait eu l'imprudence d'agiter fe baton qui lui servait de canne en voyant passer fa fanfare allemande. Ce malheureux avail sol­licite tassistance de notre ministere, mais cette satisfaction lui avail ete retusee.

Ill. - L'AGGLOMERATION JUlVE DU CANTON DE LUNEVILLE

Les Israelites sont efablis depuis fort longtemps dans la Lorraine de langue fran~aise. L'antiquite de leur residence est attesfee a Lune­ville par une synagogue construite en 1785 et qui est un veritable chef­d'ceuvre de I'art du 18" siede. II y a lieu de remarquer que I' Abbe Gre­goire, depute. du Tiers-Etat de Luneville aux Etats-Generaux de 1789,

. a pu connaitre les mceurs et les sentiments des membres de cette com­munaute. Se basant sur ~ette experience, et particulierement sur la con­naissance qu'i1 possedait de la fidelite de ces ]uifs envers la France, if a ete amene a proposer a I' Assemblee de leur attribuer la qualite de citoyen fran~ais.

D'autres communautes juives sO'nt insta~lees egalement dans des localites moins importantes de I'arrondissement de Luneville, particu­lierement a Einville, a Baccarat et a Blamont.

D' apres les declarations faites par les representants de la com­munaute israelite de Luneville, Ie nombre des Juifs dans Ie ressort de cette communaute s'etablissait de- la fa<;on suivante au lor septembrr 1939 :

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FENETRANGE (MOSELLE) CIMETn'mE PROFANE PAR LES ALLEMANDS

LA FICHE DE MAX .lACOn A DRANey

193

Environ

Luneville ........ 350 Einville . . . . . . 10 Baccarat .... .,. 5 Blamont ........ 32

Au 25 juin 1940, environ 130 personnes juives avaient quitte Lune­

ville et 20 Blamont. Apres l'occupation de la France par les troupes allemandes, la popu­

lation israelite de LuneviIle et de l'arrondissement a subi de constantes fluctuations. Des Juifs d'Alsace-Lorraine sont venus se fixer it Lune­ville et certains ant quitte cette localite au fur et a mesure que Ie danger

s'accroissait. Le nombre. total des Juifs deportes se presente de la fac;:on sui-

vante : Luneville ...................... 155

Einville ............ . .. . . . . . .... . 6 Baccarat ...................... 5 Blamont ....................... 40 Autres communes .............. 36

Des habitants israelites de LuneviIle ont de arretes dans des loca­lites de refuge, it Vichy et it Aigueperse (Puy-de-Dome).

Les premieres arrestations furent operees Ie 19 juillet 1942 par les troupes d'occupation et par la Gestapo. Elles cOflcernaient 19 person­nes, toutes de nationalite etrangere, en grande majorite polonaise, hom­mes et femmes. On ne note pas d'enfants au cours de cette rafle, les deux plus jeunes parmi les personnes arretees sont des femmes de

21 ans. Une deuxieme serie d'arrestations est operee Ie 9 octobre 1942

et concerne 50 personnes. Cette fois, il s'agit egalement d'etrangers d'origine polonaise et egalement d'enfants nes en France, it LuneviIle et en Moselle. C'est ainsi que dans une famille Glicklich, dont la grand' mere et Ie pere ont ete arretes Ie 19 j uillet, les enfants nes en France et ages respectivement de 18, 15, 13, 11, 10, 9 et 5 ans sont arretes Ie 9 octobre. La famille Tepfer es~ deportee : avec Ie pere d'origine polo­naise se trouvent cinq enfants nes it Luneville, ages de 17, 14, 11, 8 et 5 ans. On note I'arrestation d'une miette nee a Luneville qui n'a pas

atteint 2 ans 1/2. Le 2 mars 1944 voit la deportation de taus les JUifs restant it Lune-

ville, sauf de quelques malades. On y trouve pele-mele des Juifs origi­n;tires de Pologne, d'autres originaires de Luneville et enfin de nombreux rcfugies d' Alsace. Parmi les refugics d' Alsace, on note deux vieiIla,ds de 86 ans. Des families entieres sont attcintes. Avec M. et Mme Szym­kowitz, Ie mari ne it Sarrcbourg et la femme it Baccarat, on arrete, pour

L3

Page 103: La Persecution Raciale

194

les deporter, quatre enfants, tous nes a Sarrebourg, ages de 14, 11. IO et 5 ans. La famiIle Rosenwald est deportee tout entiere, la grand'mere, originaire d'Odratzheim, agee de 90 ans, ses enfants nes en Alsace et une petite-fiIle de 8 ans. Mentionnons encore la famiIle Sticki: trois fillettes de 15, 10 et 8 ails sont arretees en meme temps que leur pere et leur mere.

Le 19 mai 1944, seize personnes, malades et infirmes, la plupart nees dans les departements de l'Est de la France, sont emmenees en deportation. La plus agee a 86 ans et la plus jeune 51 ans.

Neuf personnes sur 155 deportees sont revenues a Luneville. A Einville, les arrestations ont ete operees en mars 1944. A Bauze­

mont, elles ont eu lieu les 6 mars et 18 juiIIet 1944. A Baccarat, la rafle des cinq Juifs vivant dans la. viIle date du debut de mars 1944, ainsi que celIe de Bertrichamps qui fait neuf victimes a la meme date. Dans la commune de Repaix, les refugies lorrains de Morhange' et de Berthel­ming sont atteints au nombre de six par des operations de police du l er mars 1944; deux refugies d'Insming sont transferes sur Ecrouves et sur Drancy Ie 13 juillet 1944.

On note cncore a FremonviIle six arrestations de refugies alsaciens en fin fevner 1944 ; a Xermamenil, quatre arrestations Ie 4 mars 1944 de refugies de, Vandreching (MoseIle).:

Dans I'importante communaute israelite de Blamont" apres une arrestation individuelle Ie 14 juiIIet 1942, line rafIe du 13 aoOt 1943 conduit a I'incarceration de trente-trois personnes; cinq autres sont victimes des operations du 13 juillet 1944.

11 y a lieu de noter que Ie representant de I'U.G.LF. de Luneville, qui aura it dO etre couvert par sa carte de legitimation, a ete arrete en meme temps que tous les Juifs franc;ais Ie 2 mars 1944.

La synagogue de LuneviIle a ete completement pillee par les trou­pes d'occupation qui ont fait en lever jusqu'au plancher.

IV. - UNE PETITE COMMUNAUTE ISRAELITE EN ZONE NORD. - EPERNA Y

La communaute israelite d'Epernay gl'Oupait en 1939 une qua­rantaine de familIes. Celles-ci s'etaient dispersees a I'approche des troupes allemand~s qui avaient occupe, la ville Ie 10 juin 1940. Selon un rapport du Docteur Netter, President de la CommunaJUte israelite d'Epernay, la plupart de ses coreIigionnaires, crux du moins qui, n'avaient pas gagne Ie centre ou Ie Midi de la France, nipondirent a ['appel.des auto rites en rejoignant leur residence alors qu'ils en avaient encore la possibilite. C'etaient presque tous des commerfants ou des medecins.

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lls y retrouverent la synagogue et l'appartement du ministre offi­ciant sac cages et devastes par les Allemands. Ulterieurement, lei temple devait etre cambrio!e et souil!e par de jeunes collaborateurs, ae nouveau pille Ie 15 novembre 1942 pour l' amenagement du bureau de placement allemand, enfin endommage par !'eclatement d'une bombe lors des com­bats de la liberation.

Ceux des Israelites qui etaient retournes dans leurs foyers ne tar­derent pas a subir de multiples vexations et sGvices. Le D" Netter (loil se preter des les premiers fours de septembre 1940 a une perquisition de la Gestapo et a ['apposition des seelles sur la section de sa bibliotheque contenant des livres de prieres et des ouvrages religieux. Son frere; Lucien, est faussement accuse .d'avoir declrtre dans sa boucherie que si ['on manquait de viande, c'est parce que les Allemands enlevaient Ie cheptel. II est garde a vue au commissariat de police pendant quinze jours, du I 6au 3 I janvier 194 I, en depit de ses denegations et sans pouvoir obtenir d'etre confronte avec sa pretendue denonciatrice~

Au moment de I'application des premieres mesures d'aryenisation des entreprises juives, un commerc;ant d'Epernay exposa ses decora­tions militaires a la devanture de son magasin ; mais if fut bient6t invite a cesser cette prUendue provocation. Le Dr Netter cite Ie cas de plu­sieurs personnes qui furent retenues au commissariat de police pour avoir ete vues dans leurs boutiques apres la nomination d'un commis­saire-gerant. II ajoute : en septembre 194 I, lorsque les Juifs duren! deposer leurs postes de T. S. F. au commissariat, ceux qui n'en avaienf pas a remettre fournirent a la gendarmerie allemande une occasion d'une perquisition. .

Les arrestations commencerent Ie 7 mars 1942. Deux agents de la Gestapo se firent conduire 'par Ie ministre officiant chez M. Jacques Dreyfus, citoyen franfais, et M. Aron Wiener, citoy:en polonais. Ils vou­laient simplement, disaien{-its, « verifier leurs papiers » ; mais deUtx h'eures apres, its revenaient seuls pour les emmener a Chdlons, puis it Reims et a Compiegne. Le premier fut amene d Drancy ou it put beneficier en aout 1944 de l' accord propose par la Croix Rouge sue­doise. Quant a M. Wiener, if fut em barque Ie 27 mars 1942, probable­ment pour Auschwitz : Oil ne l'a plus revu. Deux autres, personnes furent laissees en liberte lors de perquisitions operees Ie meme jour. Deux autres Israelites n'etaient pas a leur domicile ce jour-Ia.

La chasse aux etrangers ne commen<;a de fac;on systematique que Ie 20 juillet 1942. Ce fut les inspecteurs de police franc;ais qui en etaient charges. Le Dr Netter retrace quelques scenes de ces drames.

Mme Wiener et sa petite-fille faillirent etre victimes, au cours d'une scene dramatique ou leurs cris de desespoir ameuterent tout le voisi­nage. Elles furent relaxees Ie jour meme, apres confirmation de leur

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nationalite franr(lise. M. Morse Zygelbaum, nligociant, etait ne a Var­sovie le 7 mars 1905. Conduit a Chdlons puis a Drancy, oil il ne passa que quelques jOllrs ,: maltraite, mal nourri, harasse par un travail quo­tidien de 18 heures, il sejollrna treize mois a Auschwitz, nellf mois a Varsovie, dOllze mois a Dachall, d' ou il fut lib ere Ie I er mai 1945 par [' entree des trollpes americaines.

II aurait vu mourir a Auschwitz Ie 5 aoUt 1942 un autre Polonais, M . . Rzepnick Naphtali, deporte en meme temps que lui ainsi que sa femme. Ce couple de forains al'ail ete expulse du Nord par l'autorite ennemie et etait venu eehouer a Epernay Ie 30 mai 1941.

Quelques mois pillS tard, c'est une Roumaine de 66 ans, Mme Ida Herman-Segal, mere d'un mMecin engage dans l'armee fran{:aise et prisonnier de guerre, qui etait arretee par des gendarmes franrais. Sa trace a pu etre suivie jusqu'a Chdlons et Draney, .d'ou elle fut deportee Ie 5 novembre suivant.

Une autre vieille femme de 78 ans, Mme Helene Kahn, etait de memc arretee a Dormans par la gendarmerie tranraise le IO octobre 1942, dirigee sur Chdlons, pllis sur Draney.

Ces a'rrestations repetees semaient l'angoisse parmi la population israelite. Tous ne cherchaient plus qu'une chose, c'etait de fuir en zone litre pour y trouver un asile plus sur. L'obligation de porter I'etoile jaune n'etait pas de nature ales rassurer non plus. Cependant, certains l'arboraient jierement en la portant· a cote de leurs decorations militaires.

Epernay se trouvait sur la' ligne qu'empruntaient les convois de deportes partant de Draney. Le Dr Netter conte a ce propos une scene dramatique qui se produisit au passage d'un de ces trains.

A travers line breche qu'ils avaient pratiquee a travers la paroi d'un wagon, plusieurs fuifs avaient tente de prendre la fUite au moment du ralentissement de {'entree en' gare. Les soldats allemands de l'escorte avaient tire sur eax, en avaient tue un, blesse les autres, et les ar.'aient taus recharges tels quels dans Ie train qui poursuivit sa route vers CMlons.

Quelque temps apres, les. arrestations d'Israslites reprenaient en serie et concernaient sans distinction Juifs fran\ais ou etrangers. Le 17 septembre 1943, Ie Dr Netter. M. Cohen, M. et Mme Kahn furent arretes. Le Dr Netter conte ainsi son odysse,e :

II n'avait jamais consenti a abandollner les postes oil les lois de Vichv lui avaient perm is de se maintenir. Il ne put Nre averti a temps par ies services de la mairie que trois agents de la Gestapo, dont un lieutenant venu tout oxpres de Chdlons, s'appretaient a l'arreter dans son service d' hOlpital. Apprehende par eux, il oblint, sous leur escorte, de repasser a son domicile ,. la it repondit a leur inte,.,.ogatoir~, leur fit faire de bonne guice Ie tOllr du proprietaire et, les ayant mls en COI/-

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fiance, put descendre, sans etre suivi, chercher la ele d'un debarras ; il en profita pour quitter Epernay, muni de fausses pieces d'irJentite et passer en zone sud. Par une chance providentieUe (un malade en par­tance pour l' Auvergne), il avail pu, aussit6t apres sa fuite, alerter sa femme et ses enfants demeures a Cham a lie res apres l' exode et les sous­traire ainsi aux represailles de la Gestapo qui, deux fois dans la semaine, se presenta a leur domicile pour les arreter.

Les Allemands, apres avoir vide la cave du Dr Netter, demenagerent son mobilier et sa belle bibliotheque qui furent, comme tant d'autr'es mobiIiers juifs, transportcs en Allemagne.

Ignorant que Ie Dr Netter venait d'avoir maille a partir a:vec la Gestapo, un pauvre bougre, M. Cohen, faillit se jeter dans la gueule du 10 up en se presentant l' apres-midi au cabinet de consultations. II s'y heurta aux Allemands de faction. Ayant laisse paraitre Ie bout de son etoile jaune, if fut aussit6t in car cere, mais heureusement re16che au bout de huit jours comme sujet syrien. Quelques heures plus tard, M. Daniel Kahn, Alsacien replie, de Bischeim, eta it arrete au cours de son travail aux ateliers de, la S. N. C. F. et deporte avec sa femme. lIs n'ont jamais donne signe de vie.

Quatre Allemands, dont deux en civil. procederent Ie 25 janvier 1944, it l'arrestation de cinq personnes israelites qui furent deportees. Trois etaient originaires d'Epernay, Ie quatrieme un Polonais et la cin­quieme une Roumaine, veuve d'un inspecteur de la Sante Maritime. Apres leur arrestation, il ne restait plus a Epernay que deux Israelites. L'un d'eux dut sa liberte it la complaisance de voisins qui I'avaient averti que d'indesirables visiteurs etaient vel1us Ie chercher. Quant it I'autre, un marchand boucher qui, bien que nanti d'un administrateur­gerant, n' avait jamais, cesse de paraitre dans sa boutique en tenue pro­fessionneile, if se iit passer tout simplement pour Ie gerant, atfirmant que Ie patron etait parti quelques mois auparavant sans laisser d' adresse. Evidemment, il n'habitait pas a son domicile et, de ce fait, son mobilier lui fut vole par les Allemands, comme I'avait ete celui de taus les Juifs ayant quittt, de gre ou de force leur habitation.

Le 23 fevrier 1944, la Gestapo arretait it Igny-Ie-Jard un couple d'Israelites d'une soixantaine d'annees, originaires de Meurthe-et-Moselle, qui furent conduits it Epernay, puis it Draney.

Le Dr Netter mentionne qu'outre I'arrestation presque totale des Israelites d'Epernay demeures a leur domicile, de nombreux Juifs qui avaient cru trouver ailleurs des retraites plus sures furent arretes. Ce fut Ie cas du Dr Haimovici, arrete Ie 21 juillet 1941, a Ia. sortie du metro Clichy, sur Ie vu de sa carte d'identite portant l~ timbre « juif » et qui ne dut sa liberation qu'a son etat de sante. La famil\e Felix LeIVy' s'etait

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refugiee en juin 40 a Cholet (Mainc-et-Loire). Des enfants, puis Les parents furent arretes par La Gestapo Ie 17 juillet 1942. La mere ayant mordu une de ces brutes, fut frappee a coups de crosse. Emmenee avec son mari a Angers, elle eut une crise de desespoir en reconnaissant ses enfants sur Ie quai de la gare et fut achevee par un Boche, au temoi­gnage d'un gendarme.

M. Friedman Herch, s'il n'avait pas ete inquiete a Epernay lors de la rafle de mars 1942, avail cependant compris qu'il etail prudent de pren­dr.e Ie large. II vivait en residence forcee a Saint-Germain-des-Bois (Saone-et-Loire), lorsque Ie 27 aottt 1942 la gendarmerie locale vint Ie querir pour un camp de travail pres de Macon. La nuil suivante, il etait trans/fre a Venissieux, pres de Lyon et Ie lendemain deporte sans retour. Sa femme de qui nous tenons ces details reussit a gagner la Suisse avec leurs deux enfants en bas age.

Vers la meme epoque, on apprenait par une carte griffonnee en hate ef jetee sur la voie au passage en gare d'Epernay que M. Fichelsohn. interprete au Tribunal, sa femme et sa fille, tous trois de nationalite allemande et sur Ie point d' etre naturalises fran9ais se trouvaient dans Ie convoi. lls avaient ite arretes a Gueret, trois semaines apres leur fllite d'Epernay.

Le 2 octobre 1942, c' etaif la mere du Dr Matkovid qui etail arretee a Soulec (Au be) par la gendarmerie locale, transferee a, Drancy, et depor­tee Ie 2 novembre, a Auschwitz. Quant au frere de ce docteur, qui, lui aussi, avail cru en quittant Dannery trouver un del plus clement, ce n'est que Ie 27 fevrier 1944 qu'il fut pris dans une rafle de la Gestapo a Chambery. Apres avoir passe dix jours a Drancy, il fut, lui aussi deporte sllr Auschwitz, oil ['entree! des Russes Ie delivra Ie 27 janvier 1945.

Et Ie Dr Netter mentionne qu'on est sans nouvelles de deux sujets autrichiens, refugies it Epernay avant la guerre et disparus apres l'exode de juin 1940. 11 en est de meme de M. Salomon.

V. - UN£. GRANDE COMMUNAUTE DE L'EST NANCY

M. Ie Rabbin Arthur Willard a enquete sur l'etat de la commu­naute de Nancy et, dans un rapport du 20 fevrier 1946, il indique que Ie nombre des Juifs de la communaute de Nancy eiait Ie Ie. septembre 1939 de 3.800 environ, appartenant it deux communautes, celie des Juifs fran.;ais de vieille souche, et celie des Israelites d'origine etrangere resi­dant it Nancy, la plupart de nationalites polonaise et russe. La premiere de ces communautes comptait environ 1.200 personnes, la seconde 2.500.

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Sur [,ordre des Allemands, ecrit Ie Rabbin Willard, les Juifs de Nancy furent recenses des septembre 1940. Leur rLOmbre itait a cette date de 2.625 (chiffre fourni par la Prefecture, 1 re Division, 2e Bureau). Apres la promulgation des mesures ob/igeant les israelites a faire tam­ponner leur carte d'identite et surtout apres ['ordonnance allemande du 8 mai 1942 sur Ie port de l' etoile jaune, les Juifs de Nancy quitferent la ville pour la zone sud. On n'a distribue a Nancy que 974 etoiles. Tel etait donc Ie chitfre officiel de la population en 1942.

En 1943, Ie nombre des Juifs it Nancy n'etait plus que de 357, d'apres une « liste des Juifs habitant Ie departement de Meurthe-et­Moselle» et remise it la date du 7 juillet 1943 au Commissariat Cen­tral de Nancy par M. G. Nordon. representant local de I'U.G.LF.

S!il n'y eut pas a Nancy de massacres de Juifs'it proprement parler, les arrestations y furent nombreuses, etant donne la forte densite de la

population israelite.

Outre les arrestations individuelles, continue M. Willard, if ya eu plusieurs rafles de Juifs d' origine etrangere Ie 19 juillet 1942,. Ie 9 o~to­bre 1942 et Ie 23 /fvrier 1943. Pour la premiere ratle, it y avatt une itste de 350 personnes a arreter. La Gestapo, accompagnee de .Ia pO,lic;e e~ de la gendarmerie, n'a pu en trouver que 32, les autres avatent ete pre~e­nues soit par les policiers et gendarmes, soil par diverses autres v~les. Dans ces trois rafles, i/.y a" eu en tout, ainsi qu'i/ ressort du reglstre d' ecrou de la prison d' Ecrouves oil ces personnes eta~e~t trans(eree,s, 130 fuifs d'origine etrangere arretes a Nancy. L~ .ComLfe polonats "! a donne Ie chiffre de 550 (460 raciaux et 90 polltlques). L~ surplus a evidemment ete arrete dans les diverses regions de la~ zone Ilbre.

Il fautenfin mentionner la grande rafle du 2 mars 1944 dans laquelle furent arretes environ 230 fUlfs d'or.igine fra'n9alse~ ~ont .Ies noms sont consignes sur les livres de la prison d'Ecrouves. SI I o~ tle~t compte d,es fuifs fran9ais precedemment arretes, Ie nombre des deportes de cette categorie est de 250.

Cependant, et la correspondance duo Grand-~abbin Haguen~u~r .en fait foi, on aurait pu croire que les JUifs nanceens ou c.eux d ongl~e alsacienne et lorraine qui s'ctaient refugies a Nancy seralen~ exem?te.s des mesures extremes de persecutions. Le rapport de M. WIllard ecnt expressement : Dans cette rafle du 2 mars 1944, ,il faut donner u~e me~­fion pariiculiere au Grand-Rabbin Haguenauer, ag,e de 72 ans qU.l. depUls ['armistice, indifferent au danger qui pouvaif en resulter pour IUl.per:on­nellement, pour sa sante deja aLteree par la faf~g~e ef les prIVatIOns, avail mulfiplie les demarches aupres des aufordes locales fant p~ur secourir les fuifs refugies d'Alsace ef de Lorraine que pou~.ses cor~lL­gionnaires nanceens, lorsqu'i!s se sentaient menaces et qu lis venmen!

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implorer son aide. II n'est pas e.xagere de dire qu'il a pousse Ie devoue­ment jusqu'au sacrifice de sa vie. Maintes personnaliies de Nancy ['avaient informe qu'it eta it surveille et tout particulierement vise par la Gestapo et lui avaient conseille de quitter la ville. Rien n'y fil. II declara a maintes reprises : « fe resterai a Nancy tant qu'it y aura un fuif a Nancy. »

Une quarantaine de personnes malades ou impotentes avaient ete iaissees it leur domicile lors de la rafle du 2 mars 1944. Le registre des arrivees au Fort d'Ecrouves mentionne leur inca.ceration dans ce « cen­tre d'accueil » it la da,~e du 13 juillet 1944. Elles en furent, libere,es au debut de septembre par les troupes americaines.

Notons que, outre la propagande antisemite faite a. la radio et par la voie de la pre sse, en 1941, les Allemands installerenl au Point­Central un haul-parleur qui, durant toute la journee, deversait des injures sur les fuifsl qui etaient les instigateurs de la guerre. Ce genre de propagande n'eut guere de succes aupres des Nanceens et au bout die quinze jours Ie haut-parleur cessa de foncti(lnner.

Us batiments du culte et les divers etablissements hospitaliers appartenant aux deux communautes israelites eurent a. souffrir des aetes de depredations commis par les troupes d'occupation.

M. Ie Rabbin Willard en p'arle en ces termes: Quelques jours a peine apres, ['arrivee des Allemands a Nancy, ceux­ci prirent possession du Temple dont its firent un centre d' appro­visionnement ; les offices devaient etre celebres a I' oratoire. Les Alle­mands avaient donne un deLai de 24 heures pour meltre Ie temple a leur disposition. Le Grand-Rabbin mit a profit ce court laps de temps pour obtenir dies dirigeants du Musee Lorrain et des Archives departementales qu'ils veuillent bien abriter dans leurs locaux les objets les plus precieux du culte. lls s'empresserent de donner satisfaction a cefte requete. Comme il y a une section juive au Musee Lorrain, ce camouflage pouvait passer inapercu. On y envoya donc un magnifique dais nuptial qui ne datait que de quelques annees, Ie rideau du Tabernacle, les ornements en argent pour la benMiction du « Kiddousch », veritable objet d'art et divers ob jets d' argenterie. Les rouleaux de la Loi furent places awx Archives departementales qui y apposerent Ie cachet « Arch. Dep. » pour indi­quer qu'ils en etaient les proprietaires. La municipalite de son cOte, autorisa Ie Grand-Rabbin a deposer les bancs de la synagogue dans 1m

local du cimetiere du Sud. Le manque de transport et Ie court laps de temps imparti au Grand-Rabbin ne lui permirent pas de les transporter taus, ni de meltre en lz1eu sar un certain nombre de rouleaux de la Loi que beau coup deco/1l'munauies de l'Est de la France avaient confies rl celle de Nancy lors de la debacle. Ces rouleaux ant efe vendus par les Allemands a un marchand de chiffons chez qui on les a retrouves, apres la liberation, dans un etat lamentable ... Les degats causes aux instal-

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lations de la syna"gogue par les Allemands pendant les quatre ans d' oc­cupation sont considerables. Deux superbes chandeliers a sept branches ont eteenleves ainsi que taus les bas-reliefs; les gran des o'rgues ant ete rendues completement inutilisables ainsi que les lustres; les vitraux ont ete brises ; la plupart des bancs qui y etaient restes ant ete deteriores, beau coup ont efe brazes, d'autres ant disparu. Bien entendu, taus les livres religieux, les chales de prieres que les fideles avaient laisses dans lellrs cases ant ete dechires au voles.

La maison de prieres de la communaute polonaise a ete piller dans les memes conditions. Quant a. la maison de refuge israelite, les Alle­mands s' emparerent de l'immeuble apres la rafle du 2 mars 1944, jeterent par les fenetres les meubles et la literie. Des travaux y furent entrepris par eux pour remeltre la maison a neuf et en faire un fl6pital. La libera­tion de Nancy les empecha de meltre leur projet a execution.

Le Rabbin Willard signale enfin que, sur 550 deportes appartcnant a. la communaute polonaise, 22 sont revenus des camps d'Allemagne et 3 seulement appartenant a. la communaute franc;aise sur les 250 arrete" a. Nancy.

VI. - ,LES JUIFS EN ZONE D'OCCUPA TION ITAUENNE

L'attitude des autorites italiennes vis-a.-vis de la population juive a deja ete evoquee dans ces pages. II convient de rappeler ici qu'en novembre 1942, a la suite du debarquement anglo-americain en Afri­que du Nord, trois divisions italiennes occuperent six departemems fran­c;ais, a savoir : les Alpes-Maritimes, les Hautes-Alpes, les Bouches-du­Rhone, I'!sere, la Haute-Savoie, et la Savoie. Des I'entree des Italiens dans cette zone, iI s'avera que ceux-ci ne partageaient pas les vues antisemites de leurs partenaires de I' Axe. Selon les indications fournies par M. Donati, ancien Consul general d'ltalie en France, des milliers de fuifs gagnerent Nice, Grenoble 'et d'autres centres de la zone italienne, devenus Ie refuge des Israelites traques. A Nice, ils etaient accueillis a la gare par des representants des organisations juives qui leur remeltaient une convocation en blanc des autonit's ita­'liennes. Celte « convocation » sauvegardait la Liberti! de ces !lOmmes vis-a-vis de {'administration francaise aux yeux de qili its s.! trou­vaient en situation irreguliere, vu {'impossibilite au ils se trouvaient de satisfaire aux formalites relatives au droit de voyager, de quitter une commune pour s' etablir dans une autre, formalites imposees par les ser­vices de police francais aux fuifs.

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Le 2? decembre, Ie prefet des Alpes-Maritimes decreta I'expulsion de son departement, dans les 72 heures, des juifs etrangers qui devaient se rendre da'ns la Dr6me 'et l'Ardeche, en zone d'occupation allemande. Sur I'intervention de M. Donati, Ie Consul general d'Italie a Nice prit aussit6t la decision de notifier a tous les juifs presentes par M. Donati un ordre officiel de se tenir a la disposition de la Commission d'armis­tice. Le 27 decembre 1942, les autorites italiennes d'occupation rece­vaient d'Italie I'ordre de s'opposer ~anu militari, si besoin etait, a I'execution des mesures d' expulsion et de prendre tous les Isra.~lites

etrangers sous leur contr6le. Une note etait envoyee a Vichy sur cetfe question, ou on lisait,

entre autres : Le Commandement Supreme affirme a nouveau Ie principe que les arrestations et internements de sujets juifs en resi.dence sur Ie ter­ritoire franfais, occupe par les forces armees italiennes, sans distinction de nationalite, relevent de la competence exclusive des auto rites italien­nes qui regis sent, sur la base des droils de la puissance occupante, tout Ie territoire de fa France occupee par les forces armees italiennes ...

Le Commandement Supreme italien insiste enfin pour que Ie G01l­vernement franfais annule les arrestations et internements deja effec­tues par les prejets dans les territoires precites, et pour qu'ils rendent les sujets arretes ou deportes.

Cette attitude encouragea les juifs, tant Fran<;:ais qu'etrangers, qui affluerent dans la zone d'occupation itaIienne. Cependant, poursuit M. Donati, Ie Gouvernement italien dut, sous la pression allemande, deleguer a Nice en janvier 1943, un haut fonctionnaire du Ministere de l'Interieur, M. Lo Spinoso, avec la mission d'etudier Ie probleme juif· M. Lo Spinoso, oblige de donner au,x Allemands un minimum de satis­faction, prit la decision d'expulser de la COte les jUifs etrangers. Ces expUlsions commencerent effectivement, mais if etait visible que ['ad­ministration italienne les appliquait a contre-cceur et avec beaucoup d'indulgence. On s'en prit aux derniers arrives en zone italienne dont , , par surcroit, les papiers n'etaient pas en regIe.

Les autorites itaNennes s'opposerent au timbrage des cartes d'iden­lite des juifs et elles firent tout Ie necessaire pour envoyer, en collabo­ration avec les organisations juives, dans des localites de refuge des Israelites en situation irreguliere, la plupart evades des camps de tra­vailleurs itrangers. Quelque sept cents juifs furent envoyes a Saint­Martin-de-Vesubie, huil cents a Saint-Gervais, sept cents a Megeve, pres de trois cents dans d'autres communes. Cette fois, la mention « E » (ebreo-jui!) etait apposee sur les cartes d'identite par les auto rites italiennes.

Prevoyant une reI eve eventuelle des Italiens par les Allemands dans partie ou totalite de Ja zone d'oecupa1ion itaJienne, M. Donati partit

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pour Rome afin d'obtenir l'autorisati?O' pou,r les Jui~S se. trouvan~ en residence forcee de se rendre en Italle et d obtemr I envoI en Afnque du Nord de vingt a trente mille Juifs. Ces negociations allaient aboutir lorsque, Ie 8 septembre 1943, les Allemands prirent sous leur contro\e Ie trafic ferroviaire dans toute \'ItaIie et y decleneherent des mesures de police generales, dont les Juifs n'etaient pas exclus. La promesse de faire evacuer les Juifs de zone italienne en Italie meme ne put done

pas etre tenue. Les Allemands envahissaient I'ex-zone d'occupation italienne et,

fuyant devant eux, femmes, enfants et vieillarcts, instruits par les arres­tations et les deportations de zone nord et de la zone d'oceupation allemande, partirent a \'aventure, fuyant ceux qui les promettaient a une mort certaine.

L'organisation Juive de Combat possede dans ses archives un rapport sur les evenements qui retrace cette fuite :

Le 8 septembre dernier, la colonie juive de St-Martin-de-Vesubie, voyant comment se presentait la situation et esperant Ie salut en /tali~, s'est decidee a passer de l'autre cOte de la montagne. On se preparGlt a de telles eventualites depuis Ie 26 juillet. Tout Ie monde s' etait em­presse de se procurer ou de se fabriquer de~ sac.s a dos; d'~xped~er ses effets aux amis et connaissances. La capltulattOn de l/taite, bIen qU'attendue, avail sllrpris tout Ie monde.

Des Ie matin, une effervescence insolite regnail sur la Orand'Pla~e. Les auto rites italiennes ont quitfe St-Martin a dix heures du matm. Nous autres, nOllS avons commence ales suivre vel's midi... Sac aU

A dos,

des vieillards de 80 ans, des femmes enceintes. des parents tramant leurs enfants par la main, se pressent.

Vers midi une interminable file de gens part vers la montagne. Nous avons ";arche pendant 48 heures, .avant d'atteindre ~es, premiers villages ilaliens. Pendant deux nuils, no us dvons dormz a I~ be/~e etoile ... je crois que la sortie d'Egypte (!tait un jell en comparGlson ae ce que nous avons du souffrir. N ous avons fr~n~hi. des hautellrs de 2.600 metres par des chemins deserts, sans vegetatIOn aU~llne,. s~s eau, par un froid glacial. Deuxieme miracle, if n'y a ell m accI~ents ni mort... Le lendemain, nous avons repti~ notre marche. et a~res un trajet qui a dure huit hellres, nous avons atteint les premIers VIllages ... Le lendemain matin, a six keures, alerte : les Allemands approchent. Les gens s'affolent. La panique regne a nouveau. ,T~~t !e. monde ~e hate de partir de cette loca.lite pour penetrer. pillS (i I mt.erzellr. Apres une heure de marche, nous arrivons a Valdlera. Deux Jours se s?n!

, On commenrait deja if s'organiser quand Ie malheur est amve. passes. l" l' t {' ement Des formations de S8 ont sllrgi dans Ie village et ~n e,~ IeI' . cerne. Nos gens ont ett! invites a se presenter, sous peme d etre fUS1I-

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les ; 60 % des nOtres, environ 500, ant ete pris de la sorte. Le reste s'est refugie dans les montagnes environnantes. Je me trouvais dans un groupe encercte par les Allemands. Voyant que toute tentative de fuite eta it inutile, je me suis dirige vers un S8 et lui ai adresse la parole, lui disant que j'etais Hongrois, non Juif, et que je voulais aUer voir man consul a Turin, afin de me faire rapatrier. Tout heureux l'autre m'a repondu que lui aussi etait Hongrois. Nous avons engage un; 10,n~~e. co~versation, puis il m' a conduit dans une voiture jusqu' a Cuneo, ou J III pns Ie train pour Turin.

Cependant, tous les autres Juifs qui fuyaient devant les SS ~'avaient pas eu la meme chance. Une fois mes affaires regiees, poursuit I auteur du rapport de 1'0. J. C.,. je suis retourne dans la montagne pour voir dans queUe mesure on pouvait s'organiser. J'ai appris que les personnes qui avaient eft! arretees (f,t'aient eft! emmenees a la caserne de Bargo san Dalmazzo, puis deportees via Nice et Drancy Ie 27 no­vembre 1943.

Aux termes meme du rapport, confirme d'ailleurs par un compte rendu adresse au Service d'Evacuation et de Regroupement, un certain nombre de Juifs avaient pu, deut""( au trois jours avant l' encerclement de Valdiera, continuer leur route vers Genes au Florence ... Au COllrS de leur derniere fuite, ces gens ont tout perdu et la plupart d'entre eux ne possCdent meme pas Ie strict necessaire. lls habftent dans des baraques abandonnees ou chez des paysans, et dorment sur la paille.

Des rafles continuelles de jour et de nuit traquent ces fuyards et Ie rapport du S. E. R. donne it supposer que sur un groupe d'environ soixante personnes refugiees dans la vallee de la Stura, vingt d'entre eUes ont ete fusillees au deportees, M. Tepper a ete arrete pendant quinze jours. II fut terriblement battu' et torture. Finalement, comme if etait porteur de faux papiers, if fut relache, ayant soutenu qu'il etait aryen. II fut Ie seul a pouvoir s'echappier des griffes de la Gest'{1po. Un partisan italien lui fournit des faux papiers ainsi qu' a quarante a,utres personnes cackees dans les environs. Un pretre leur a verse sept cents lires par mois. M. Tepper dut, pour echapper a nouveau aux re­cherches de la Gestapo, se cacher dans un frau dissimll'le dans un tas de fumier.

Le rapport de 1'0. J. C. signale qu'un millier de Juifs fuyant les communes des Alpes ou ils et:aient en residence surveillee, purent se retugier it Rome .. On ne saurait affirmer s'ils y ont ete I'objet, de la part des forces de police allemandes, des mesures d'arrestation et de deportation dans Ie Reich qu'eurent it subir les Juifs italiens ou s'ils purent eire sauves par I' avance victorieuse des troupes alliees.

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VII. - LES PERSECUTIONS A NICE

Deux jours apres la conclusion de I'armistice avec l'Italie, les Allemands ont envahi la partie du Sud-Est de la France occupee jus­que lit par leurs ex-allies. lis y trouverent un nombre considerable de Juifs, que I'attitude relativement liberale des autiorites italiennes avait attires dans cette contree. Leur situation se trouve decrite de la fa<;on suivante,_ par une brochure publiee en fevrier 1944 par I'Union des Juifs pour la Resistance et l'Entr'aide, sous Ie titre : « Cinq mois

de persecutions anti-juives ».

A Nice meme .et dans la region, un grand nombre de Juifs se trou­vail rassemble, constamment augmente par Ie flat des refugies qui, apres l' occupation par les AUemands de la zone dite « fibre », c~e~­clwient un refuge dans la zone d'operations italienne, ou les autontes se montraient envers eux beaucoup plus clementes. Encore deux jours avant la capitulation de l'Italie, Ie Comite de la rue Dubouchage (Comite de Bienfaisance) s'accrochant a on ne sail plus queUes illusions, a commis la faute impardonnagle de fa ire venir a Nice quelques milliers de Juifs de plus, de ceux quise trouvaient en residence forcee dans les Savoies. Ces TI?fugif!s sont arrives a Nice en veritables convois orga­nises d'l1ccord avec [,U. G. I. F., et sous ['mil bienveillant de l'armee italie~ne qui devait quitter deux jours plus tard La region en grande hate. Taus etaient demunis de ressources et sans logement. lls etaient forces de s'installer dans les hOtels de La ville et c'est ainsi qu'ils se sont trouves taus, ie lendemain, a la merci de La Gestapo.

Sous la condtiite de Brunner, venu tout expres de Draney, des Allemands specialistes de I'arrestation des Juifs et qui se sont distingues en Ho\1ande, commencent les operations en fouillant les hofels : Mitrail­lettes au poing, ies Nazis barraient u~e ;ue, Jaisaient .i:rupti~~ da~~ les hOteLs et ramassaient taus ceux qUI, d apres Leurs PICceS d ldentlfe au seion leur physionomie paraissaient etre Juifs. Dans ces operations, la Gestapo se fiait peu a la police fran{:aise qui n'y jouait ~u'un role efface. 8es agents, surveilles d'ailleurs par des S8, gardlllent ,se~le­ment [' acces des rues barrees ou les Nazis operaient. Les ratles etlllent intentionnellement sauvages. Les gens etaient bouscutes, jetes avec brutalite dans ies camions et emmenes sans Ie moindrebagage. On lirait des rafales de mitraillettes sur quiconque essayait de fuir.

Les rues sont barrees et tous les passants sont soumis a un con­trole qui permettra de reconnaitre les Juifs . .one fo~s. ~ lao Ges~~po, ~e~ brutes nazies ne se contentaient pas d'une Simple ventlcatwn d ldentlte.

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lis faisaient subir une verification odieuse a tous les hommes : ils les deshabillaient pour voir s'ils etaient circoncis. Tout homme circoncis n' etait plus relache, etant considere comme jUif. Plusieurs musulmans et ~u~lques catholiques, circoncis a. la suite d'une maladie, avaient ete arretes et quelques-uns meme deportes malgre leurs plus vives pro­testations.

La furie hilterienne s' exerfait aussi contre les femmes. Ainsi par exemple, une infirmiere cafholique de la rue de la RepubJique ~ ete arretee dans une mfle uniquement parce qu'elle avait pour prenom ~sther. El~e a ete deportee a Draney et liberee a grand peine, plusieurs fours apres.

Dans les gares, tous les voyageurs etaient interpelles, soumis a une verification d'identite. Le controle de la circoncision decelait encore plus facilement les ]uifs. Des dizaines d'entre eux, qui cherchaient a fuir la ville, furent arrNes.

Dans les rues circulaient, dans de petites voitures de tourisme des agents speciau1x de la Gestapo, des « physionomistes ». Ils long:aient Ie .... trottoirs silencieusement et « cueillaient » tous les passants ,sus­ceptibles d' are juits.

Doriotistes et Miliciens leur pretaient, main forte. Des membres du P. P. F. procedaient, avenue de la Victoire, en particulier devant la « Maison de l'Emancipation Nationale », a I'arrestation des passants juifs pour les remettre entre les mains de la Gestapo.

Les Allemands s'en prirent meme aux personnes qui suivaient un enterrement, lorsqu'ils surent que Ie d6funt etait ]uif. Ainsi ont-its deporte tous les participants d'un convoi funebre parmi lesquels se trouvaient plusieurs personnalites bien connues de la communaute de Nice, dont M. Alter. Vne autre fois, au mois de decembre, la Gestapo a, de nouveau, arrete un convoi (unebre, celui d'un officier superieur, et ceci sur dtJilOnciation que Ie detunt etait juit. Tous les assistants ont ete envoyes a la Gestapo oil it s'est avere, apres une visite medi­cale, qu'il n'y avait pas un seul juit parmi eux.

L'U. G. I. F. fournissait des secours aux refugies israelites. Pour apprehender ceux-ci, il suffisait de transformer les locaux de cette orga'nisation de bienfaisance en une souriciere. Les Allemands ne se priverent pas de ce moyen. Dans le local de la section « Famille », plusieurs personnes venues pour toucher leur allocation, ont ele arre­tees a la sortie. Lorsque cene section (erma un jour ses portes, eUe recevait le lendemain l'ordre d'ouvrir. A la section « Sante» de l'V. G. I. F., anciennemenl O. S. E., qui conNnuait son fonctionnemenl, en pleines rafles et cela malgre les avertissements, Ia Gestapo a arrete un jour fonctionnaires et visiteuses. Trente temmes et entants ont eft pris ce

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jour-La. La Gestapo s'est embusquee dans les bureaux, et a continue a arreter cewx qui y venaient. Apres ceUe terrible experience, les fuits nifois ne se sont plus laisse prendre dans ce genre de souriciere.

Ces vastes mesures de police durerent quelques semaines. Lorsque Brunner et ses acolytes se rendirent compte que les Israelites ericore libres ne frequentai~nt plus les lieux publics, ils se livre rent alors a des recherches it domicile, afin de deceler tous ceux qui pouvaient y trouver un refuge. Chaque ,nuif, c'etaif un autre pate de maisons qui Nail ebranIe par les coups de bottes dans les portes, par des coups de matraques el les cris des victimes. Les portes qui ne s' ouvraient pas etaient enfondes ; tout eta if fouille a l'interieur et renverse de fond en comble et les victimes, hommes et fffmmes, enfants et vieillards, emmenes au sinistre hOtel-prison « Excelsior ».

A la moindre protestation, au mo:ndre essai de fuite, les Nazis baitaient sauvagement ou assassinaien1 puremenl et simplement. Le docteur Spatzierer qui, au moment de son arrestation, a essaye de se defendre, fut terriblement battu, Ie docteur Rosanoff a ete tue dans les memes circonstances.

Avenue des Fleurs, Ull jeune hom me juif fut tue au moment .Dli il sautait d'un balcon pour se sauver. Vne jeune fille juive qui, inter­pellee par les SS boulevard Dubouc/zage, s' etail mise a courir, fut tuee net d'une rafale de mitraillette.

. Vn autre juif, pere de famille qui, sur Ie point d'etre pris, tentail de fUir, fut aiteint de quatre balles au ventre. Lorsqu'i! fut transporte a I'h6pifal Pasteur, les bourreaux firent savoir qu'ih; l'acheveraient si sa iamille ne 3e presentait pas avant, 14 heures. Sa femme s'y rendit. Sacrifice vain, car Ie blesse a succombe le meme jour a ses blessures, torture jusqu'au bout pour reveler la cachette des siens.

La perseverance des policiers nazis ne connaissait pas de limite. Lorsqu'ils ne trouvaient personne dans les appartements juifs, ils reve­naient a plusieurs reprises, terrorisant les autres habitants de l'immeu­ble, comme ce fut Ie cas dans une m3,ison de la rue Fran~ois-Grosso. Ces perquisitions. indefinimen~ renouvelees leur permirent quelquefois de mettre la main sur des ]uifs qui, mis en con fiance par Ie resultat nega.­tif des premieres perquisitions, revenaient it leur domicile pour y pren­dre du linge.

La population non-]uive n'echappait pas a toute cette sauvagerie, les maisons visitees l'etant de la. cave au grenier. Dans Ie but d'intimider la population, la Gestapo procectait partout avec la meme brutalite, et ses agents criaient souvent des I'entree et avant !a, verifi·cation des papiers : « Papiers faux, vous Juif ».

Le zele des Allemands les amena it fouiller de fond en comble les Heux les moins in diques pour etre les repaires des ]uifs. L'eglise de Notre-Dame du Port a vu l'irruption, un malin, d'Aliemands mena-

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, O~ cite de' nombreux autres cas de crimes commis Sur des ]uifs a I occaSIOn de leur arrestation. '

A l'an~/e du boulevard Gambetta et de la rue de la Buffa, ils (~es ~S) tlrent sur un jeune homme arrete dans une ratle. L'homme s aftazsse, blesse. Les Nazis lui intiment l'ordre de se lever et de mar­che~ jusqu'a la camionnette qui stationne a lOa metres de liz. Celui-ci, apres un effort dOUloureux, affirme qu'il ne peut se lever. « Tu ne peux pas », tonnent les sadiques, et its Ie pietinent a coups de bottes a la tet,e et a la pOifrine. Quelques instants plus tard, Ie jeune homme n'etai! qu une masse gluante de chair et d' os broyes.

Une scene semblable se repeta au marche du boulevard Gambetta q~e /es A/~eman.ds avaient ceme, mifraillettes braquees sur la toule, et ou zls avalent arrete plusieurs fuifs, apres avoir sauva.gement maltraite quelques-uns d'entre eux.

De ces brutalitb: me,ne les femmes et les enfants n' etaient pas ex­CilIS. Boulevard Franfois Grosso, une femme juive traquee par la Ges­tapo, la, figure en sang, se refugia un jour .dans un magasin de chaus­~ures ou on la cacha immediatement dans l' arriere-,boutique ; quelques Instants plus tard, les deux agents qui la pOllrsllivaient arrivent its la retirent de l' arriere-boutique et commencent a la rouer de coup; au ve~tre, la femme c?mmence a vomir Ie sang et c'est toute ensangfantee qu on fa emmmenee.

Un autre jour, dans un cate de la rue Massena, les Allemands' etfec­tuent une rafle. Tous les hommes devaient passer la visife medicale. Un enfant, .do~t Ie pere se trouvai[ dans Ie cate, s'approche pour regar.der la porte vlfree. Le SS qui etaif de garde lui assena UN coup de pied'si bru­tal que Ie gosse roula jusqu' au milieu de la rue. Devant !'indignation de fa louie, Ie soldat braqua sa mitraillette et menafa de tirer.

La persecution atteignit son comble, lorsque les Allemands ne se contenterent plus de maltraiter les enfants qu'i/s arretaient meme les plus petits. lIs les exterminaient sur place, par des methodes de bru­t~li~e o~ . p~r des moyens pseudo-scientifiques, en employ ant des pro­cedes utIlIses de fa<;on systematique dans les camps d' Allemagnt! et de Pologne.

Un cas significafif entre to us s'est produit vel'S la mi-decembre dans un hiJtel oil Ia: Gestapo a trouve une jeune mere juive avec un bebe de si.x mois. Comnie reponse aux implorations de la mere, atfolee de douleur, suppliant de laisser I' enfant chez une voisine qui voulait s'en charger, ces bandits qui; un instant avant, jouaient encore avec ce bebe souriant, Ie jete rent contre Ie mur et lui fracasserent Ie crane.

Ce cas de sauvagerie a peine concevable n'est pOUl'tant rien si on Ie compare au raffinement abject auquel la Gestapo est arrivee en ma­tiere de crime.

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Un nouvelle s'est repandue en ville que les Allemands enlevent les enfants fuifs a leurs parents adoptifs et qu'ils les tuent au moyen de piqiires. ControLee, cette nouvelle incroyable s'est reveiee par!aite­'ment exacte. Le cure d'une paroisse nifoise I'a signatee Ie premier en citant Ie cas d'une de ses paroissiennes qui s'est vu en lever l'entant jui! qu.'elle avait depuis 3 ans. Les Alleman.ds sont venus chercher l'en­tant dans r apres-midi. Sur les protestations de la mere adoptive, ils expliquerent qu'it s'agil d'une simple veritication et prometient de rame­ner l'enfant dans quelques heures. En effet, l'enfant a ele ramene dans la soiree. Il etait tres excite. Il a raconte qu'on l'avail mis .dans une salle avec plusieurs autres enfants, qu'i/s se sont bien amuses et qu' on leur a meme donne des bonbons .. Un medecin est venu, dit-il, et leur a declare qu'il y avail une epidemie en ville et qu'il [aUail les vacciner pour les immuniser contre la maladie. Chaque enfant a subi une piqiire, apres quoi on les a renvoyes a la maison.

Le soir, l' enfant a eu une forte fievre et ta nuit, it est mort dans des souffrances atroces.

Dans plusieurs cas semblables, un me.decin fut appete au chevet de l'enfant malade ou deja pres du cadavre. Tous constaterent que les enfants avaient subi des piqiires de strychnine.

D'apres des renseignements recueillis en ville, au moins 40 enfants juijs ont ele mis a mort de cette fafon.

Le docteur Drucker, que I'equipe d'arrestation venue de Draney avait emmene a Nice afin de creer a I'h6tel, Excelsior une infirmerie sur Ie modele de celIe qui existait au camp de la banlitue parisienne, te­ll10igne de I'etat physique des personnes mises en etat d'arrestation.

Jour et nuit, Ie plus grand nombre des arretes necess~taient. des soins medicaux : pansements de blessures par balles aux cUlsses, Jam­bes, jesses, coupures du cuir chevelu, decollement d'une oreille par la crosse du revolver hematomes et ecchymoses multiples sur tout Ie corps, dents cas sees, lev~es fendues, ecorchures de la face, cotes brisees, en­torses, etc ...

Je puis donner des precisions sur quelques cas particuliereme!llt graves dont i' etais Ie medecin trailant :

10 Le cas du camarade Roz (Dr Rozenbaum), dont la veritable identite a ete revelee par la doctoresse Spigel. Au mois de no­vembre 1943, sans pouvoir preciser la date, un hom me sans connais­sance a efe amene a l'Excelsior et dirige sur l'injirmerie (chamb,e d' hotel). Cet homme eta it couvert d'ecchymoses sur tout ,Ie. ~orps, .,es­pirait a peine, presentait un pouls imperceptible, extremltes !roldes, en etat de choc.

La doctoresse Spigel et moi faisions des efforts desesperes pour Ie ranimer (injections de cafeine, huile camphree, boisson et bouilloties

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chaudes). Quand il a repris un peu connaissance, il nous demanda deses­perement de lui fa ire des piqtires afin de I' aclzever car il a,vait peur d' eire soumis a nouveau aces interrogatoires terribles et que la souf­france lui !aissat echapper un aveu.

Le len demain, les bourreaux sont venus Ie cherclzer et nous avons appris par la suite qu'il avait eli interroge a l' Ermftage, siege de fa Gestapo, et ramasse ensuite, Ie soir, dans un etat lamentable, enferme au quatrieme etage, ficete sur son lit avec interdicfion de lui donner quai que ce soit. La nuil, la doctoresse Spigel et moi avons reussi a penetrer dans cefte chambre afin de lui porter secours. {I nous a implo­res fraternellement de lui administrer des piqtires pour en finir, car sa resistance physique etait a boui. II avait peur de ne plus pouvoir tenir. j' ai essaye de Ie remonter, lui ai deman.de de tenir cotit,e que cotite esperant que ses bourreau,x allaient se lasser devant sa tenacite et son courage. je I'ai quifte pour aller voir d'autres malades lorsque tout a coup, j'ai entendu un cri. Nous nous precipitames a plusieurs vers I'endroit d'oil paraissait venir ce cri, et, ouvrant la porte oil s'e trouvail Ie camarade Roz, nous trouvames la fenetre ouverte et realisames [,hor­rible tragedie qui venait de se passer.

Nous nous dirigeames vers la cour oil notre mall/eureux camarade gisait sans connaissance, avec de multiples fraelures. Aides de deux camarades, nous Ie montames dans une chambre. II respirait encore ; son cas etai! extremement grave. La premiere chose que Ies bourreau('c dirent a la doctoresse Spigel et a moi fut " « Soignez-le a tout prix. II faut qu'il vive, nous voulons qu'il parle. » Nous avons veilte notre' camarade une grande partie de la nuit et, vers Ie malin, sans avoir repris connaissance, if est mort.

2° Le cas du camarade Bertrand, probablement fausse carte d'iden­tile. Fin novembre, debut decembre 1943. Ce camarade a eie amene egalement sans connaissance, autant que je me souvienne, arrete sur Ie marche car il portait un sac a provisions. II porfait de multiples ecchy­moses et a tres vite presenli des signes d'hemorragie meningee. Lui ayant donne a boire, il a commence a vomir et il est reste dans Ie coma. Une fracture du crane avec to us les signes cliniques paraissait Nre la cause de son etat. Pendant Izuit jours, j'ai supplie Ie capitaine Branner d'accorder /'evacuation a l'hopital de ce blesse afin de tenter une ope­ration et bratalement, il a chaque fois refuse en disant " pas avant qu'il ail parte. Il est meme venu dans la chambre voir Ie maiade et nous avons essaye de lui montrer la gravite de son etat et l'impossibilite oil il se trouva,it de parler, etant dans Ie coma. Branner repondaif " « c' est un simulateur, il faut qu'il parl,e ». Le camarade Bertrand est mort des suites de ses blessures a ['Excelsior, deces d'ailleurs constate par Ie docteur Mazel de Nice.

3° Le cas du camarade Prince. Amene a l'Excelsior en septembre

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43, mutile de ia guerre 1914-18, atteint de tuberculose pulmonaire !Ira~'e. Pendant quinze jours, j' ai supplie l' adjudant Ullmann d' accor­Jer /'evacuation de ce malade a l'hopital, etant in transportable. Refus Ce camarade a ete emmene a Drancy oil il est mort des son arrivee.

4° Le cas du camarade jacobi, preparateur dans une pharmacie de Nice. II efai! interdit au,x internes d'approcher des fenetres. Le camara-de jacobi ayant oublic cetle consigne a eie tue par un couo de fusil dans la nuque, tire: par une sentinelle SS qui gardait l' Ex.cel­sior. Deces par blessure, egalement constate par un medecin legiste de Nice.

5° Le cas d'un vieillard arrete la nuit avec sa temme, mort d'une syncope cardiaque dans Ie Izall de ['IzOfel.

6° Le cas de Georges Spoliansky. Ce camarade a ete amene a fa meme epoque que Ie camarade Rozenbaum, couvert de blessures et em­mene ensuite probablement a l' Ermitage. Il n' est jamais revenu. D' apres ce que j' ai appris, ce camarade aurait ete assassine par les bourreaux de I'Ermitage.

Dans cet enfer dantesql1e, pendant les trois mois que j'y ai passes, je n'ai mallzeureusement pas retenu tout. Mais tout n'etait qu'assassi­nats, coups, brutalites, crises et larmes des internes.

Les Juifs rafles etaient, dans les premieres journees des rafles, con­duits a la Synagogue, ou la Gestapo avait instaIIe son quartier general. Lorsque celui-ci fut transfere a l'hotel Excelsior, c'est la que les victi­mes des mesures policieres se trouverent entassees par centaines.

Pendant to ute cette periode de terreur, des convois de deportes quittent regulierement fa ville pour Drancy et de fa pour I' enfer polo­nais. Le clzemin entre ie sinistre Izotel-prison « Excelsior » et la gare est devenu Ie calvaire de 'Ia population juive de Nice. Deux au trois fois par semaine, ie meme defile declzirant s'y deroule, devant une [oule silencieuse et emue jusqu'aux farmes, retenue par d'importantes forces de police. C' est un spectacle poignant et lamentable que ces femmes por­tant leur bebe sur Ie bras et tenant de ['autre un enfant en bas age. qae ces l'ieillards clzancelants qui se soutiennent l'un l' autre, que as hommes extenues portant leur maigre baluclzon et ceux de leurs [re­res de misere, que ces malades et infirmes qui se 'trainent de feurs der­nieres forces. Un silence fourd, un silence de mort pese sur cefte pro­cession de cauclzemar, mais sur taus les visages se lit la meme expression qui semble dire,' « La justice est en marclze, nous serons bient6i ven­ges ». Quelquefois Ie silence est rompu par Ie cri declzirant d'une mere au d'un fils qui, perdus dans fa foule, bravant Ie danger, veulent revoir pour la derniere fa is peut-etre un etre clzer. Aussit6t fes bourreaux aux aguets se .jettent dans la direction d' Oil Ie cri a jailli, comme une meute de clziens a fa recherclze d'une proie. Il arrive, Izelas ! que les mall1eureux

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sont appfl!hendes, pousses brutalemenl ; ifs viennent aLors augmenter Le nombre des deportes qui continuent leur chemin vers La gare, vers les wagons a bestiaux, vers ['abattoir de Pologne.

Bien que la population de Nice ait cache spontanement des milliers de Juifs et que Ie c1erge et les milieux cathoJiques de la ville aient con­tribue au sauvetage des enfants, Ie bilan de cinq mois de terreur reste terrible. L'Union des Juifs pour la Resistance et l'Entr'aide la presente de la fa<;on suivante :

Plus de 5.000 deportes, auxquels if faut ajouter 600 juifs amenes recemment d'Italie et sauvagement massacres, un grand nombre de bles­ses ...

Un grand nombre de juifs a quitte la ville. Ceux qui y restent vi­vent dans des conditions epouvantab/.es. Caches dans des greniers sans jenetres, dans des caves humides, dans des granges et des cavernes de la montagne environnante, sans eau ni lumiere, n'osant pas se montrer dehors pendant des ser/wines entieres. La plupart de ces malhellrellx n' a,uraient pu sllpporter cette existence sans I' entr' aide de tOllS. sans la solidarite maRnijique de la population fran{:aise.

II convient de signaler ici que, des juillet 1940, certains Israelites aises qui purent transferer en Suisse et aux Etats-Unis leurs avairs en valeurs mobilieres, ou sauver les capitaux de Belgique et de Hallande, s'etaient refugies it Monte-Carlo.

Selon des renseignements fournis par M. D. Knout, apres ['occu­pation de la cOte par les Allemands, la principallte de Monaco benefi­ciail du statut d'Etat neutre,. et des rescapes de Nice vinrent augmenter la population luive de Monte-Carlo.

Ce repit ne dura que six mois. Au debut de mars 1944, la Gestapo passa brusquel7lent a l'ac,tion et

cerna ['hotel Astoria, puis I'hOtel Bolmoral: Quarante quatre personnes y furent capturees, dont deux anciens membres du Centre d'AccueiL juif du BouLevard Dubouchage a Nice.

Les 15, 18 et 24 mars 1944, d'autres rafLes Liquiderent definitive­ment cet oasis de securite que fut pendant quatre ans La principaute de Monaco.

VIII. - QUELQUES HEURES DE LA VIE DES JUIFS A MARSEILLE

D'un rapport ecrit par Raymond-RaoUl Lambert, alors directeur de I'U. O. I. F. en zone sud, en date du 30 janvier 1943, nous extrayons quelques precisions sur les grandes rafles de Marseille du debut de I'annee 1943 :

Des Les premieres heU/'es du jour ( du 23 janvier), des arrestations

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ont Lieu dans taus les quartiers. Une conference s'est tenue le jeudi 21 entre Les auto rites fran{:aises et allemandes pour etudier l' emploi de 18 trains prepares pour des departs. On ne savait pas s'i/ s'agissaif de convois d' ouvriers destin,es a la releve ou d'individus arretes a la suite de mesures de pOlice.

Vers mi.di, Les polices allemande et fran(:aise arretent sans discrimi­nation et conduisent a La sarete nationale les personnes arretees pour verification d'identite. Les juifs sont arretes sur Ie vu de leurs cartes, tamponnees. Les arrestations continuent Ie soir et les rafles la nuif. L'lntendance regionale de Police repond au,x questions qui lui sont po sees en disant qu'if s'agit d'une mesu~e generale, decidee d'accord avec les autorites allemandes pour proci!.der a repuration definitive de la ville.

Le 23 janvier, les operations continuent. Les juifs fran(:ais sont systematiquement arretes. Le 24 les. rafles continuent de plus belle et avec une rigueur plus grande, se developpant surtout dans Les quartiers du centre habites par des familles juives de Marseille. Aux pre'mieres heures du jour, dn train est parti a destination de Compiegne, contenant environ 1.500 personnes prises surtout parmi les juifs arretes et qui se troul!aient pOllr verification d'identite a la Prefecture au transferees dans la nuif a la prison des Baumettes, sans avoir eu Ie temps ni l' auto­risation de communiquer avec leur famille ...

Le 25 et Ie 26 les arrestations continuent. Une personnalite juive venue trouver Ie Chef de Cabinet de l'lntendant. Regional de Police s' entend confirmer que La Police fran{:aise est desormais impllissante. « Tous'les juifs seront arretes. »

Vichy contirme que les juifs ant la Liberte de circiller ... L' embarquement du 24 s' est fait dans des conditions particuliere­

ment cruelles sous la surveillance d,e la PoNce allemande. Un officier declare : « Nos soldats meurent de taim depuis 8 jours a Stalingrad. Ces jUifs-la n'ont pas besoin de manger. »

Entassees dans des wagons a bestiaux, 1.500 personnes environ, en grande partie des juifs, ont ete embarquee-s avec des filles pub/iques du port, des condamnes de droit commun. Pas d'eau, pas de nourr:iture, pas de bancs dans ces wagons plombes, gardes par deux Allemands et deux fZardes mobiles.

Parmi les deportes, se troll vent des passagers venus a Marseille pour la journee, sans linge et sans manteau, des anciens combattants, des jeunes tilles, des malades, des vieillards en traitement, un pulmo­naire 100 % prisonnier lib ere, la femme d'un aveugl,e, La veuve de guerre d'un capitaine d'artillerie, des familles entieres eiabLies it Marseille depuis des generations, des peres de 7 a 8 enfants.

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IX. - QUATORZE JUIFS DANS UNE PETITE COMMUNE DU TARN

La petite commune de Labessonnie n'est qu'un petit chef-lieu du canton du Tarn. On J1'Y connaissait pas d'Israelites avant rexode de 1940.

Des Juifs etaient venus s'y etablir depuis cette date. lis y vivaient paisiblement, lorsque des agents de la Gestapo firent irruption 3_ l'h6tel ou ils s'etaient etablis. Le maf(~chal d~" logis chef Rouanet, chef de la brigade de Labesonnie, a assiste a cette rafie, quil comporta des suites tragiques.

On lit dans son proces-verbal :

Le mardi 4 janvier 1944, a 9 h. 45, elant a notre caserne, nous ovans ete prevenus par Maurel Marcel, 36 ans, hOtelier a Labessonnie, que trois individus se disant policiers allemands, arrives dans une cam ion­nette immatricuIee sous Ie N° 3404 FS 6, s'etaient presentes chez lui et l'avaient avise qu'its venaient pro ceder all controle des juifs se trou­vant dans son elablissement.

Pendant que l'un d'eux restait dans Ie hall, les deuox autres, accom­pagnes par AIme Maurel, sont montes au premier etage, all sont situees les chambres.

Ils se sont fait indiquer ces pieces, puis ant fait descendre M me Maurel a la cuisine, au rez-de-chaussee, all se trouvail tout Ie personnel de l'hOtel.

Dix minutes apres environ, ces personnes ant entendu une_ ratale de coups de feu, provenant du premier etage. Un instant apres, WI des policiers arme d'une mitrail/ette, a fait irruption a 10 porte de la cui­sine et, sous fa menace de ceUe arme, intime l'ordre auox occupants de rester dans cette piece.

Un deuxieme policier, blesse il la tete, est alors descendu. Cun des trois, qui parfait fe franrais, a demande a Maurel de conduire Ie blesse chez un docteur pour y etre panse. Au retour, Maurel a ete charge par ['un des trois hommes de prevenir la gendarmerie, ce qui fut fait.

Le chef de la brigade de Labessonnie se rend sur les lieux avec ses deux gendarmes. N ous avons ensuite penetre dans l' hOtel et sommes montes au premier etage, au nous avons trouve un des policiers, arme d'une mitraillette, devant la porte ouverte d'une clzambre portant it! numero 6. Un autre policier, la tete entouree d'un pansement sanglant, se trouvail a ses cutes. Leur ayant demande ce qui s'etait passe, les poticiers ant fait signe vers la porte ouverte. Nous avons alors cons­ted,,') entre les deux lits se trouvant dans la chambre, fa presence de

217

deux cadavres, baignant dans une mare de sallg , les corps {'Iln S'lr [autre, la tete du premier sur fes pieds du deuxieme et reciproquemellt, Le policier blesse qui par/ail allemand nous a fail comprelldre qu'il avail ete frappe a la tete par une des victimes. Ce que voyant, son ca­marade avait tire sur eux avec sa mitraillette, les tuant taus les deuox.

Les policiers aHem'ands ecarterent les gendarmes fran~ais des lieux du crime. lis n'ont pu faire les constatations d'usage qu'apres Ie depart de~ agent::, de la Cestapo. La piece ou s'etait deroulf Ie drame etail, continue Ie proces-verbal du marechal des logis chef Rouanet, occupee par Chimenes Pierre, 54 ans et son fils, jacques, couche a plat ventre, SlIr /e (orps de '}un pere, La tete contre les pieds de cc canier el reci­proquement. Chimenes Pierre parle fa trace d'une balle a la base du CUll par all Ie sang s'est ecoute abondammenl.

SOil fils jacques a efe blesse mortellement par une balle ayant penetre sous l'aisse!!e gauche.

La chambre est en desordre et it est a presumerqu'il y a ell lutte entre les victimes et les policiers avant ['execution.

Srlr la base da mur faisant face a la porte et a 40 cm environ du sol, nous constatons 5 it 6 traces de balles, ainsi qu'une autre a la base dll bahut place contre le mur.

Taus les papiers ayant ete enleves par les policiers, aucune piece d'identite n'a ele trouvee sur Ie corps des victimes ainsi que dans In chambre.

Les agents de la Gestapo avaient eloigne pendant un certain temps les gendarmes de l'etage de I'h6tel ou on devait decouvrir les deux cada­vres. Pendant ce temps, ils ont fait descendre les aut res ]uifs occupant les chambres et les ont groupes dans une chambre de l'h6tel.

Apres l'arrivee du commandant de la section de gendarmerie, les Allemands, selon Ie proces-verbal du marechal des logis chef Rouanet, leurs operations terminees, ant prevenu Ie capitaine commandant Ia section qu'ils avaient fini et qu'its allaient partir. Ils Ollt alors fail man­ter dans leur camionnette treize juifs, dont six 110m III es, cinq femmes et deutx enfants et ils sont partis en direction de Castres.

Le proces-verbal de gendarmerie a consigne I'identite des personnes arrei'ees. Sauf une, probablement une aryenne, russe et de religion orthodoxe, epouse d'un ]uif, il s'agissait d'Israelites. Les douze per­sonnes que Ie -document etabli par Ie chef de la brigade de Labessonnie mentionne comme etant de « race juive », possedaient toutes, sauf une, la nationalite fran~aise.

On trouve parmi elles : ,Une femme de 34 ans ; Un homme de 46 ans et son fils de 19 ans ; Un menage.: Ie mari 68 ans, la femme 64 ; Un menage: Ie mari 60 ans, la femme 48, un fils de 14 ans

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Vne femme de 66 ans, vraisemblablement la belle-mere de la vic­time Pierre Chimenes ;

Deux enfants de celui-ci, une jeune fille de 20 ans, un jeune homme de 14 ans ;

Vne femme de 52 ans, refugit~e d'Alsace.

X. - LES PERSECUTIONS DANS LE NORD DE LA FRANCE

La situation des Juifs dans les deux departements du Nord et du Pas-de-Calais merite une etude speciale, en raison du rattachement de cette tegion au Haut Commandement MiIitaire Allemand de Bruxelles.

Vn rapport du delegue. regional du service des Crimes de Guerre de la region de "Lille, en date du 22 fevrier 1946, signale qu' au cours de la premiere quinzaine du mois de mail 940, avant I'invasion .du departement du Nord, la grdrzde majorite des Israelites de nationalite fran{:aise avail quifte la region pour aller s'installer a Paris et en zone SUd. C'est pourquoi toute ceUe categorie de personnes a pu echapper en grande partie autX exaC'tions qui ne manque rent pas par la suite de toucher cruellement la communaute juive.

D'autre part, tout Ie littoral etait passe dans la zone speciale des operations de guerre ; les autorites allemandes refoulerent au dela de la ligne de demarcation de la Somme ou encore sur les arrondissements du sud du departement, toutes les familles juives qui s' etaient cram­ponnees a leurs biens mobiliers e! immobiliers.

Comme dans Ie reste de la France, les premieres manifestations de I'activite antisemite allemande ont consiste dans la promulgation de textes, definissant Ie Juif et restreignant sa capacite personnelle et son activite professionnelle. '

Du 6 decembre 1940 au 16 octobre 1942, mentionne Ie rapport ci-dessus, [,Oberfeldkommandan'tur 670 a Lille a fail paraitre en plu­sieurs langues (allemand, flamand, fran{:ais) un recueil con!enant une serie d'ordonna.'1ces s'appliquant aux differentes categories sociales d'lsraelites domicilies habituellement dans les localites des departe­ments du Nord et du PalS-de-Calais ...

Toutes ces ordonnances son! signes Niehoff, Generalleutnant-Ober­feldkommandant, ou encore sous la fo-rme anonyme et sans qualifica!if « pour Ie Commandant Militaire pOllr la Belgique et Ie Nord de la France» " Ie Chef de ['Administration Militaire. Ordonnance du 28 novembre 1940 (recueil du 6 dCcembre 1940) :

,Definition de tappartenance a la race juive.

I

f.

Interdiction de retour dans Ie Nord et Ie Pas-de-Calais. Inscription au registre special. Affiches speciales designant les entreprises juives.

. Declaration des entreprises. Ordonnance du 5 j uillet 194 1 (recueil du 16 j uin 1941) :

219

Definition de l'appartenance a la race juive. Interdiction d' exercer certaines activites economiques et d' employer des personnes juives. Interdiction de se servir d'un poste de T. S. F.

Ordonnance du 17 juillet 1941 (recueiJ du 24 juin 1941) : Restriction de I'emploi des capitaux et marchandises et objets de valeur (necessite de ['avis de 1'0ffice Central pour Ie Nord de la France ou du prefet).

Ordonnance du 29 aoiit 1941 (recueil du 5 septembre 1941) : Interdiction au.;'( fuifs de circuler entre 20 heures et 7 heures et de s' etablir ailleurs que dans certaines villes.

Ordonnance du 16 fevri,er 1942 (recueiI du 27 fevrier 1942) : Mesures economiques relatives a la gestion par commissaire (de~ pot de tactif realise a fa Caisse des DepOts et Consignations).

Ordonnance du 21 fevrier 1942 (recueil du 5 mars 1942) : Interdiction de disposition des 'biens juifs sans I'assentiment dtl

prefe!. Ordonnance du 22 avril 1942 (recueil du 24 avril 1942)

Confiscation des biens des juifs ex-Allemands au profit du Reich. Ordonnance du 13 juin 1942 (recueil du 23 juin 1942) :

Port de !'etoile juive - Interdiction aux fuifs de porter des deco-rations et des drdres.

Ordonnance du lor aofit 1942 (recueil du 12 aoM 1942) : Gestion des biens juifs confisques au profit du Reich par la Brus-seIer Treuhandgesellschaft.

Ordonnance du 25 aout 1942 (recueiI du 2 septembre 1942) : Interdiction de frequenter des manifestations, spectacles, [ieux et etablissements publics (arret d'application de ['0. F. T. 670 de Lille en date du 25 aout 1942).

Ordonna:nce du 21 septembre 1942 (recueiJ du 2 octobre 1942) : Interdiction de disposition des biens des fUifs sans I' avis des Feld­kommandanturen ; interdiction de deplacer les biens mobiliers juifs. Interdiction d'execuiion d'une saisie au d'une mesure judiciaire provisoire contre les fuifs. .

Ordonnance du 13 octobre 1942 (recueiI du 16 octobre 1942) : Declaration des objets appartenant a des fuifs et gardes actuelle­ment par une fierce personne et interdiction de disposition de ces

biens. ees mesures ont ete suivies d'arrestations et de deportations.

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220

Le rapport du service regional des crimes de auerre signale d' 'I . I'> ' que

apres, es renselgnements recueillis,tant aupres des services de pol" qu'aupres des comites d'aide aux fuifs, il ressort que, dans I'arrondis;~~ m~n~ de Dunkerque, les arrestations et les deportations ont ete insi­gmfwntes, alors que fes centres cultuels de Lille et de Valencil?lnnes ont ~ouftert plus partlculierement. La cause en reside dans I'evacuation forcee de la zone littorale par les Juifs des 1940.

, " L,e~ ~rrestati~ns et deporta~ions .de fuifs fraTl(,:ais et etrangers ont e.te dec~de~s p~r I? F. K. de Lille, qui a donne a l'epoque des instruc­t;ons . d executIOn a ses Kreiskol1l.l1landanturen et Ortskommandanturen etabltes sur son territoire de controle. Dans certaines villes importantes; les Ortskommandant et les Kreiskol1lmandant ont exige qu'un certain nombre d.e '~olicier~ franrais accompagnent les feldgendarmes au Cours de leur l1l~sslOn. Ma.ls, en fait, la presence des gendarmes etdes gardiens de la patx francats fut surtout symbolique, ces agents de l'autorite n' ayant participe en aucun cas aux arrestations. Un rapport du 11 s~ptem.bre 1942 du Commissariat central de LiIIe au prefet regional de LIII.e slgn~le que, .malgre la presence de gardiens de la paix, les ope­ratIOns (d arre~tat.lOn du 10 septe17lbre 1942) ayant eli effectuees par la feld.gendarmerle, tl ne m'a pas ete possible de connaitre Ie nombre des personnes arretees.

Les AIIe.mands ~sai~nt parfois de ruses pour s'emparer de la per­sonne des JUlfs. Le temotn Gruszkiewicz Charles depose: j'ai eli arrete Ie 26-6-1942 a Lille (Nord) par la Gestapo. D'abord en prison a Loos­les-Lille, j'ai ete dirige sur Malines ... Vers Ie 22-7-1942 sont arrives a la prison de Loos-!es-Lille, plusieurs lsraelites {iont je ne pourrais plus donner Ie nombre exact.

Ces personnes ont eie arretees dans les conditions suivantes : Un chauffeur etait entre en relations avee; elles disant qu'en vertu

d'un ordre prefectoral, it pouvait emmener vers Lyon avec son vehi­cule, ~es. personnes quittant la zone nord. Or, il n'elZ etail rien. Le chauf­feur etmt un membre de la Gestapo qui d fait procMer a ['arrestation des voyageur~. Le temo~n cite les noms et les adresses de dix-sept per­sonnes, dont II se souvlent qu'eIIes ont ete arretees pour Nre deportees de Malines vers Auschwitz.

, En dehors des arrestations partielles qui s' etirerent de juin 1942 a septe17lbre 1943, note Ie rapport du service regional des crimes de guerre, ce fut surtout l' operation d' envergure faite au cours de la nuit d~ 10 au 11 septembre 1942 ql1i decima la commUI1Gute juive des deux departements. .

A ce sujet, it y a lieu de relever certaines cOl1lplicites et it est avere que les auto rites allemandes trouvcrent un concours absolu dans cer­tains groupements politiques et {eurs fWales dont l' activite en zone interdile eta it autolisee. Parmi ceux-ci, Ie Co mite des Amis Antijuifs de

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221

Lille joua un role important et plus specialement son animateur, Ie Fran­fa is Grevez Leonce, actuellement detenu a la prison de Fresnes, fut lin des individus qui marquerent farouchement leur Iwine aux .Israe­lites.

Les enfants furent, comme partout, pourchasses inlassablement. Lorsqu'iJs n'etaient pas arretes avec leurs parents, on les recherchait soigneusement, ainsi qu'en temoigne ce fait relate par Ie Commissaire Central de Police de LiIIe dans une lettre du 12 septembre 1942, adres­see au prefet dt! Nord : La feldgendarmerie de Litle, Ie 11 septemb,:e 1942, s'est presentee chez une dame Flyth, 37, rue Kleber a Thumesnil chez laquelle etaient en nourrice les jeunes Juifs Stubac Oscar, 10 ailS, et son frere Jean, age de 21 mois.

Ces enfants auraient eli arretes pour etre !"assembles avec leur jamille qui avait efe arretee la veille a LiUe.

Fran~ais et etrangers ont ete indifferemment arretes et ctepor-tes.

Voici quelques renseignements statistiques fournis par la Delega­tion regionale de Lille du Service des Crimes de Guerre.

En avril 1942, it Lille it la suite d'un attentat survenu d Lille (deux officiers allemands tues par coups de feu), 1'0. F. K. 670 fit fusiller 10 otages (trois fuifs de Lille, un a Mdubeuge), dont un luit francais et trois etrangers.

Pour Ie cte.partement du Nord, 41 Juifs fran~ais ont ete arretes et deportes : 39 sont disparus, 2 sant rentres. Trois ant ete fusi!1es en zone sud.

Au cours des annees 1942 et 1943, 329 Juifs etrangers (11 Roumains, 231 Polonais, 3 Hongrois, 12 Russes, 5 Neerlandais, 3 Belges, 3 Alle­mands, 29 apatrides, 32 de nationalite indeterminee) ont ete arretes. 206 sont portes disparus.

Dans I'arrondissement de Douai, 11 Juifs etrangers (dont 9 Poionais et 2 apatrides) ont ete arretes : aucun d'eux: n'est revenu. Dans l'arron­dissement de Valenciennes, les 76 deportes etrangers (36 polonais, 25 apatrides, 11 de nationalite indE:terminee) sont tous disparus. Dans l'arrondissement de Cambrai, 3 Polonais arretes en 1942 et 1943 ne sont pas rentres de deportation. II en est de meme de 5 Juifs etrangers (2 Polonais, 2 Russes, 1 Neerlandais) arretes dans I'arrondissement d'Avesnes.

Pour i'ensemble du departement, sur 461 deportes juifs fran~ais et etrangers, 336 sont disparus.

Pour Ie departement du P as-de-Calais, sur 1.650 cteportes (dont 150 Fran~ais, 74 Roumains, 1.311 Polonais, 62 Hongrois, 26 Russes, 12 apatrides et 15 Allemands), 1'.647 ont disparu. 7 ont ete, fusilles et 3 pendus it Auschwitz.

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Taus ces deportes ant ete transferes a la Caserne Dossin a Mali­nes, au Ie regime etait sensiblement Ie meme qu'a Drancy (voir j'ouvrage de Jos. Hakker - La mysterieuse Caserne Dossin a Malines - Editions « Outwikkeling » a Anvers). De la i1s ant He deportes sur Ie camp d'Auschwitz.

XI. - ISRAELITES ~UTOCHTONES ET REPLIES A SAINT-ETIENNE

~: ~e Rabbin Champagne, qui se trouvait a la tete de la commu­naute Ju~ve. de St-Etienne pendant la majeure partie de la periode 1940-1944, decnt dans les termes stlivants la vie du groupe des fideles de cette ville :

A la ve.ille de la guerre, en 1939, la population juive de St-Etienne se composazt de quatre-vingts familles environ, appartenant tant a l' ele­me~t stephanois de vieille souche qu'a des groupes sociaux nouvellement arrives dans la regio~, en provenance de Pologne et d' Allemagne.

, ~n I ~39-40, ~nvlron quarante familles alsaciennes sont venues se refugter a St-Etlenne, oil leurs proches etaient deja installes depuis 1870. Pendant l'exode, d'autres Israelites de zone nord ont cherche un refuge. dans cette ville, de telle sorte que Ie rabbinat de St-Etienne pouvazt'5uelque temps apres i'armistice, denombrer une population juive compo§ee de deu,x cents foyers connus de lui et officiellement declares a~x auto~iles administratives, soil environ six cents personnes. II COT!­

vtent d'aJouter que d'Qutres fuits ont tenu a rester ianores tant de I' administration tranfaise que de toute organisation r/iigieus~.

. I~e . rabb.in Champagne passe a I'examen des mesures prise'> pal I ~dmmls,t,r~tt?n ~ranc;aise a In suite de la promulgation du statut des jU,lfs : I elimmatlOn des fonctionnaires, la nomination de commissaires­gcranls. pour ce~t~ines des entre?rises juives, et en particulier P(l;11" Ie grand Journal nglOnal « La Tnbune de St-Etienne ~).

, En ~rincipe, souligne Ie rabbin Champagne, la vie des Israelites ~tephanols fut calme jusqu'a l'arrivle des Allemands. Cependant les fuifs etra~g~rs e~rent a subir Ie contre-coup des mesures de regroupement ~dmlntstratlf ordonnees par Ie Gouvernement franrais en aout 1942 ... ~ous ceux que c.es mesures frappaierrt etaient envoyes pour Ie criblage a Lyon: Un certain nombre .revinrent dans leur foyer. En tous cas, it nous fa~t dire que ces arrestations ont ete operees sans brutalite, mais sans me.na?ement, sans souci des conditions materielles dans lesquelles on fatsalt ,atte~d~e, Ie .depart aces malheureux. Aucune disposition prea­lable n avail ete prise concernant leur flebergement, leur nourriture. La

..

I',: "

223

Croix Rouge a fourni des secours a titre onereux. A la fin des opera­tions, afin d' arriver au nomlJre requis par les ordres otticiels, on a ega­lement arrete, pour les deporter, femmes et entants.

Les Allemands firent leur entree a St-Etienne Ie 11 novembre 1942 et immectia,tement on constata une rigueur plus grande dans l'application de la legislation taciale promulguee pAr Vichy. Toutes les entreprises appartenant a des Israelites furent pourvues d'administrateurs. Mais les Allemands depasserent bientot Ie cadre de la legislation et se livre­rent, a St-Etienne ,comme partout ailleurs, a des mesures plus graves et a des sevices.

Le premier acte de repression decide par les Allemands, declare Ie rabbin Champagne, Ie fut a la suite d'un attentat perpetre contre un mess d' ofticiers en mars 1943 et dont les auteurs sont restes inconnus. Bien qu'il n'y eut que des' blesses Legers, les Allemands deciderent l'arrestation de 120 otages, dont 12 luits.

Apres ces evenements, on sentit une severite de plus en plus grande de la Fel.dpolizei. Les fuits etaient arretes etu compte-gaulle a leur domicile, sous Ie prete,xte de march£! nair au d' autres infractions aux regles de la police economique. On n' arreta ni femmes ni entants jusqu'en novembre 1943, oil des familles entieres, une quarantaine envie

ron, furent ['objet de rafles. /l s'agissait surtout de Franfais, anciens [ulllbaitants ou non, Ce fut Ie cas de M. Uopold Schneeb ancien president de la communaute,.apprehende avec sa femme, son trere et son petit-fils. Son fils etait tombe devaflt Dunkerque. Il etait lui-meme age de 84 ans ; son trere en avail a peu pres autant.

Les arrestations se pOllrsuivirentainsi jusqu'a la Liberation. Des enfants en bas-age, un de quatre semaines, des malades turent deportes. Apres Ie depart des fuits, les appartements etaient pilLes. Avant l' enle­vement des gros meubles, deux hommes de la Gestapo venaient avec des valises et' emportaient les objets les plus precieux. Des Turcs ont ite arretes. Les fuits hongrois ont ete menages quelque temps. Fin juin 1944 devait avoir lieu la ratle finale qui ne put reussit taute' pour fa police de trouver les victimes designees. On peat estimer a 280 ou 300 Ie nom­bre des fuifs stephanois a'T'retes par la police allemande, soil un bon tiers des Israelites habitant la ville. D'autres ont ete apprehendes aux environs, a St-Alban, mais pas a Roa'llne, oil une torte communaute com­posee en partie de retugies messins, ne tut jamais inquietee.

II me faut signaler tout particulierement Ie fait suivant : la syna­gogue de St-Etienne comporte sur sa fafade deux appartements des­tines au logement des tonctionllaires du Temple, Ie gardien et Ie minis­tre officiant. Pendant la guerre, ces appartements etaient occupes par une tamille alsacienne et une tamille d'etrangers retugies. Un jeune

1

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Alsacien habitant la sygnagogue se promenait un jour avec un de ses coreligionnaires qui (Hait lui-meme recherche. Les deux hommes sont arretes. Les Allemands sont venus {} l'appartememt pour proceder a ['ar­restation du pere et de la mere dll jeune homme. Ne les ayant pas irou­ves, ils ant rafle les neuf personnes habitant l' autre appartement, doni un bebe de vingt mois ... Les rafles ant ensuile continue jusqu' a la libera­tion de St-Etienne.

En ce qui conce'rne les massacres, Ie rabbin Champagne cite Ie cas d'un marchand forain, Naphtali Wiener. Il a ete abattu, dit-i1, fe samedi de Paques 1944. Son frere, proprietaire d'un magasin, avail quilte St­Etienne et son neveu etait recherche. Ce samedi-l{}, Wiener s'(Hait abs­tenu d' assister a l' office religieux, craignant que la synagogue ne fat transformee en souriciere. A l'heure precise de cet office, il entre au magasin qui appartenait a son frere. La gerante de la boutique lui fait signe de s'en aller, car la police allemande est sur' les lieux. Les poli­ciers Ie suivent, l'interpeUent. Wiener continue son chemin. Les Alle­mands l'abattent. On a deporte sa famille. Sa femme a ete trainee par les cheveux au moment de son arrestation et elle a du etre emmenee de force avec son fils.

Le jeune rabbin Sa my Klein a ete arrete a:vec ses deux cousins. II etait en rapport avec la Resistance et avait manque: d' etre arrete a Roanne. A Lyon, il avait eli?, arrete aux Brotteaux, puis reldche. De la, il avait rejoint sa femme a St-Symphorien. Regagnant Ie maquis, if aUait prendre Ie train d la gare de St-Etienne-Belle;vue avec ses deu,x compagnons. Les details de son arrestation me sont conn us par les reve­lations faites au proces d'un bourreau de la Gestapo. Si Samy Klein a e(e arrete sous l'inclllpationde « terrorisme », son interrogatoire a per­mis d ses bOllrreaux de connaitre sa religion et ceUe de ses dell x cou­sins. Leurs corps ont eft! abandonnes par les Allemands sur la route, d des endroits differents. Les Jllifs de St-Etienne n'ont pas eu connais­sance de ces crimes au moment meme Oll ils lurent commis.

I' ajoute que les jeunes gens israelites qui, par leur age, se troll­vaient astreints au S. T. 0., ont tite conJloques. Ce fut Ie cas de Samy Klein. Pour ne pas travailler pour ['Organisation Todt,ils ont prefere rejoindre les rangs de l'Organisation JUive de Combat.

CHAPITRE X

LES JUIFS DE TUNISIE SOUS L'OCCUPATION ALLEMANDE

Les troupes allemandes n'ont occupe la Tunisie que pendant une courte periode, du 15 novembre 1942 au 9 mai 1943. Pendant ces six mois, ils ant montre que la question juive devait etre, selon eux~ reso­lue par une politique de sevkes. Si les circonstances ne leur: ant pas permis de deporter en masse la population juive, du mains ont-ils exerce sur ses membres une contrainte tres dure, en leur imposant des amendes et en les soumettant au travail force. pour les besoins de leur propre armee, Ie plus souvent a proximite de la Iigne de feu.

Nous possedons des details precis en ce qui concerne Ie traitement des Israelites de la ville de Tunis. Mais celui de leurs coreligionnaires du protectorat a ete de meme nature. Les lois raciales de Vichy avaient ete appliquees, avant novembre 1942, en Tunisie par des actes succes­sifs du Bey. Des commissions d'armistice veillaient a la stricte mise en c£uvre de ces mesures. Mais elles n'avaient pas pris Ie grave carac­teTe! d'atteintes aux droits de l'individu que leur donna'l'occupc.nt.

Au surplus, celui-ci n'a pas agi par la voie d'ordres imperatifs. II a employe, ici comme ailleurs, la methode cautcleuse qui consiste a montrer aux autorites juives constituees (en I'occurrence, les membres du Conseil d'Administration des diverses communautes locales) qu'i1 valait mieux sa;tisfaire aux volontes allemandes que de s'exposer a des maux plus considerables. Nous sommes donc ki, comme dans certains do­maines de lapolitique raciale en France, en presence de mesures soumises au bon plaisir des officiers charges de les appliquer. On y decele une volonte continue de nuire aux Juifs. Mais, comme CC' sont les circons­tances ou lal fantaisie des hommes qui en ctetenninent la mise en c£uvre, on ne peut se Iivrer a une etude systematique de ces persecutions.

15

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226

Force est donc de recourir it un simple expose chronologique, ou les faits seront decrits dans leur diversite, les mesures antisemitiques rela­tees ave<: leur alternance de cruaute et de relachement.

* ** Selon M. Robert Borgel, qui a fait, dans un ouvrage intitule « Etoile

jaune et Croix gammee » (Editions Artypo-Tunis 1944), Ie recit de la persecution antisemite : sur une population totale de 2 millions et demi d'habitants, la Tunisie comptait, en 1943, environ 85.000 Juifs, dont une cinquantaine de mille dans la. region de Tunis. Leur, arrivee dans Ie pays, note M. Eugene Boretz (Tunis .sous la Croix Gammee. Alger O.F.E. 1944), date de plusieurs siCcles, aussi doit-on Les considerer comme un element autochtone. Les premiers sont venus de ['Est. /Is forment La grande masse de La communaute et sont connus sous Ie nom de fuifs « Tunisiens » dans Le sens Ie plus etroit du terme. Puis it y a eu une vague d'immigration, venant de ['Ouest et du Nord, plus recente quoique egalement multiseculaire. La Tunisie, centre geographique de la Mediterranee, a ete Ie point de rencontre de ces deux courants judai"­ques. Point de rencontre, mais non de fusion. Pendant longtemps, it exista deux communautes israelites distinctes, ['une groupant les fuifs tunisiens, l'autre les fUifs livournais. Lorsque les Fran{:ais etendirent Leur protectorat sur la Tunisie, l' appellation livournaise fut abandonnee et remplacee par Ie terme de portugais, qui avait un accent de neutralite sur Ie sol. SimpLe temoignage de loyalisme a ['egard de la France, cd.-, a la meme epoque, to us Les israelites indigenes furent reunis en une communaute unique, dont les organes directeurs etaient elus en commun. Ce n'est qu'en 1939 que les eLections furent suspendues pour la duree des hostilites et Les chefs de la communaute israelite nommes par l'admi­nistration centrale ...

Les Allemands, qui debarquent depuis Ie 15, commencent it s'ins­taller it demeure it compter du 20. M. Paul Ghez, avocat au barreau de Tunis, 3l tenu Ie journal de leur occupation ct" ayant ete charge, par Ie consistoire israelite, d'une fonction importante, il a retrace toutes les vicissitudes de la politique antisemite en Tunisie. II a publie ses notes quotidiennes SOUSI Ie titre « Six mois sous la botte » (Tunis et Paris, S.A.P .1.- I 943). A la date du 20 novembre, il ecrit : On commence a parler de r.equisitions de villas dans Le secteur du Belvedere.

Bien entendu, les fUifs font les frais de ces operations et les expul-sions se font avec une brutalite inhumaine ...

L'inquietude' est grande surtout chet les fuifs. Les recits des atrocites d'Europe centrale sont presents a l'esprit.

Le 23 novembre, les Allemands inaugurent Je programme de})~~se-cutions. C'est au chef de la communaute qu'ils s'en prennent d'abord.

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Le Lundi 23, vers 11 heures du soir, note M. Borgel, un martelement sinistre de pas dans Ie silence de la nuif ; on frappe a coups redoubles au domicile de M. Borgel (Le president de La communaute israeLite ef Ie pere du narrateur). Un peLoton de SS fait irruption dans l'apparte­ment .. Parmi eux, Ie Hauptscharfiihrer Boh!.

/Is demandent Ie President de la Communaute. Ce dernier est souffrant, mal remis d'une !ievre typhoi'de qui I'll

• beaucoup abattu. Sans ega ids pour son age, on l'arrache aux larmes de ses petits-enfants ... a sa fWe epouvantee ; on a egalement enleve a celle-ci son epoux, dont Ie seul crime est d' etre Ie gendre Jll PrJ ;i­rftnt.

Enfin, ces louches policiers n' ollblient pas d' em porter l' appareil de / 't . .s. F. 'lu'iLs ont vu dans La chambre a coucher ...

DatiS d'autres maisons juires, d'autres epouses, d'autres enfants pleurent : l'ancien president de la Communaute, Mesamarna et son beau-frere ont ete emmenes ; Ie consuL de FinLande, facques Ciftanova, est egalement arrete dans La nuit.

Les prisonniers passent la nuit dans un cachot, sans couverture. Les Allemands auraient eu I'intention de les considerer comme otages

et de les executer. Mais la qua1ite de diplomate allie de M. Cittanova les en aurait dissuades. Toujours est-il que M. Bargel pere fut inter­rage avec les pracedes habituels it la Gestapo que son fils detailJe ainsi : Reveits dans La nuif pour proceder a des interrogatoires, « incul­pe » dans l'obscllrite, Ie visage eclaire par des lampes eLectriqlles a­lumiere projetee, pistolets sur la table, questionnaire mene par des officiers se reLayant, les memes questions revenant par des voix diffe-. rentes pour amener des contradictions, manceuvres d'mtimidation, mena­ces de maintien en prison, de deportation. On obligea M. Borgel it faire un expose politique sur la situation generale en Tunisie, puis il dut rendre compte de la population juive du protectorat, de la Communaute,. de ses idees, de ses sentiments, de ses riches&es.

Pendant ce temps, les Juifs coritinuent it etre expulses des appar­tements que les Allemands convoitent. M. Ghez note, it la date du 26 novembre : Des boches se sont presentes aujollrd'hui a ma villa, rue Kellermann, et nous ont enjoint de vider les lieux dans les vingt-quatre heures.

fe n'etais pas present, retenu a mon etude. Ma mere a essaye d'obtenir au moins lin sursis, en invoquant !'etat

de sante de ma pauvre Ada (Mme Palll Oflez). En presence de La maLheureuse qui pLeurait dans son lit, un sous­

officier a repondu en souriant : « Qu' elle aille fl., l' hopitaL, cUe y sera tresbien ! ».

Le 30 n6vembre M. Borgel est rei ache. Un offider SS 'qui parais­sait Le chef lui dlt - c'est M. Roberf Borgel qui rapporte Ie fait - que

"'ill " ~j

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ces ~eclaralions ont ete reconnues exactes. II est libre a condition tou­~efols d' aller taus les jours, soir et malin, fa ire constater sa presence a la Kommandantur, au 168, avenue de Paris.

Ces vi sites se bornerent pendant une semaine a n'etre qu'une sim­ple form~lite., .Un jour, cependant, alors que les requisitions d'appar­tements lsraeltfes prenaient des proportions inquietantes I' Allemand demanda, se defendant de vouloir les occuper, une liste'd'un millier d'appartements juifs. Le chiffre fut tout d'abord reduit. Puis on oublia • de regler la question. Le calme renalt jusqu'au 6 decembre.

Ce jour-Ia M. Borgel a ete rendre sa visite a la Kommandantur. Revenu au bureau du Consistoire Israelite, il etait en train de s'occu­per du pr.obl~me des refugies bizertins lorsqu'une nouvelle d'un fdcheux ~ugu:e Vtnt Jeter Ie trouble ... On est aile querir d'urgence M. Borgel II dOlt s.e .rendre aussitOt d la Kommandantur, assiste du Grand Rabbi~ de TUnlSle.

, !"- son retour, dans I'apres-midi, M. Borgel expose au conseil qu'il a ete re~u par Ie chef de la Gestapo tunisienne, Ie colonel Rauf. Nous em~ru~t?~s au livre de son fils Ie recit de I'entrevue : Le colonel Rauf ... a Slgnzf1e. qu~ par mesure de represailles, « en raison de la presence d~ ~ommlssa~res politiques juifs dans l' armee anglo-americaine », Ie gene~al N~hnng avait decide d'astreindre les JUifs de 17 d 50 ans au trava,il ob/tgatoire. Ils seront employes d des travaux de'terrassement tra~chees, etc ... , mais n'auront pas a etre envoyes sur les terrains d'ope~ ratIOns ...

. Rauf ajoute qtre ce sont les Juifs qui ont declenche la guerre, qu'ils dOLV~~t supporter Ie poids de cette responsabilite generique ; ici, en :unzSle,. leur pa~t de souffrances sera ce .travail qu'on leur impose et ,.uquel LIs ne do/Vent pas essayer de se dlstraire ; s'ils ne Ie faisaient pas de bon gre, ils y seraient contraints sous une forme beauc~llp plus brlltale et avec des sanctions tres graves pour la population.

Le Grand-Rabbin et M. Borgel exposent la difficulte de recruter ces tr~ailleurs : ,c'est en vain. Rauf precisa qll'il pensait se sllffire d'un chlffre de 3 a 4.000 travaillellrs, qu'il chargeait les Juifs eux-memes d'o~ganiser lellr ravitaillement dans les camps, leur eqllipement jllsqu'en Olltlls. de terrassement, la distribution des secollrs d lellrs families. Ces trava'zllellrs devraient porter, cousae all vetement, sllr la poUrine et dans Ie dos, Aune etoile jaune large et apparente, « POllr permettre de les reconnaLire, meme de loin, et de tirer dessus en cas d'evasion » ajollta R~ , . II exigea pour Ie jour meme, a 5 heures de I'apres-midi, la designa-tJo~ des ~er~onnes responsables de cette organisation et, pour Ie lende­mam matm a 8 heures une Iiste de 2.000 noms sur laquelle seraient pre­leves au fur et a mesure les ouvriers necessaires. Pourtant la commu­naute israelite n'etait qu'un organisme religieux. Le Grand-Rabbin fit

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valoir qu'elle ne possectait pas la Jiste de la population juive et qu'eIle n'avait entre ses: mains aucun pouvoir de police et de coercition. Rauf tut impitoyable et termina I'entrevue par ces mots.: « Si vous ne savez pas trouver vous-meme 2.000 Juifs. je me fais fort d'en reunir par mes hommes 10.000. C' est ce qui vous arrivera si, dans Ie delai imparti, je n'obtiens pas l'execution de tout ce que je viens d'e.xiger.

Le Conseil de la' Communaute designe les neuf responsables du serv!ce du travail juif, mais iI intervient aupres des autorites fran~aises afin d'obtenir un delai pour rassembler les travaiIleurs requis. M. Ghez note, a la date du 7 decembre, la reponse a cettc requete : Les Services de la Residence informent que, sur l'intervention de l'Amirai, Ie Colonel Rauf ai bien voulu consentir d accorder un court delai, mais en exigeant que Ie nombre des hommes recenses sera porte d 3.000.

Une premiere liste de 1.000 hommes sera remise Ie jour meme d 18 heures.

Une deuxieme dememe importance Ie lendemain d 8 heures et La troisieme tranche de 1.000 a 18 heures.

Des equipes sont constituees et notent les noms des jeunes gens nes de 1924 a 1916, de religion juive. Le Grand-Rabbin a fait apposer des affkhes avisant les Juifs de 17 a 50 ans de se tenir prets it partir au travail.

Le lendemai'n 8, M. Borgel va remettre les listes preparees it la Kommandantur. On lui impose de nouveIles exigences. M. Borgel fils en precise les termes : Il faut, pour Ie lendemain, non plus des noms, mais des hommes, des hommes equipes pour Ie travail, munis de couvertures, de provisions de route. II (Rau!) en veut 3.000 et ifs devront se trouver, pour moitie d la Caserne Foch, ['autre moitie d un embranchement sur la route conduisant a Moghrane.

La communaute juive ne se decide pas a appeler un certain nombre de classes au travail obligatoire. Au debut de l'apres-midi, note M. Ghez, des h9mmes de bonne volonte parcourent les quartiers juifs en invUcmt les jeunes gens sans charges de famille d se devouer pour la collectivite.

On promet aux volontaires un salaire de cellt francs par jour et on les invite d s'inscrire d la Grande Synagogue.

Cent vingt travailleurs se presentent. IIs sont rassembles Ie lendemain 9 'a la Caserne Foch. Dans Ie

meme t,emps, se deroulait a la Synagogue une scene renouvelee des po­gromes du 30 novembre 1938 en Allemagne. M. Ghez la decrit ainsi : Les SS armes font sortir, avec une brutalite inoui'e, tous les occupants du temple. Le Rabbin, l' officiant, le bedeau, les tideles.

Dans les rues environnantes, on rafle taus les fuits qui passent. /ls sont la, transis sous to pluie, des Jlieillards a barhe venerable,

des infirmes, des enfants. Je distingue dans Ie groupe plusieurs de mes amis pris dans la souriciere.

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M. Borgel ajoute d'autres details : Les mitraillettes tirent : atroce debandade ; c' es~ dans la rMlite l' horrible, l' obsedante vision des po­gromes de Nuremberg... Rauf invective. II demande au President de Ie conduire it l'adresse du Rabbin qu'il veut fair~ fusiller sur Ie moment meme, devant tous ses coreligionnaires assembles, it titre d'exemple. « Quant it vous, ajoute-t-il, votre tour viendra it midi ». M. Ghez s'inter­pose et promet de tenter Ie rassemblement des hommes exiges. Un comite se forme qui fait placarder une affiche convoquant sans delai les .Iuifs de toute nationalite nes entre 1915 et 1924.

A l'ecole de l'Alliance Israelite, les memes llIesures de force ont ete prises. A l'interieur, raconie M. Ghez, j'aper[ois les instituteurs de l'ecole charges d'assumer Ie recrutement, ainsi que de nombreux hommes de tous les ages, accuLes sur les cOtes de la cour et tenus en respect par les mitraillettes.

Des femmes, des feulles filles ont ete empris,onnees dans les salles de classe.

Au milieu de la cour, deux officiers verifieTlt /es cartes d'identite. Les hommes de moins de cinqllante ans sont refouLes, sur la gauche.

Us iront au travail. Les vieux seront conduits en prison, comme otages. Dans Ie local de la Communaute, les membres du Conseil sont gar­

des it vue par des soldats en armes. C'est, aux dires de M. Borge\, un va-et-vient d' officiers allemands. Les autres, juifs ou non fuifs presents, jeunes et vieUox, hiJmmes et femmes, employes des services ou personnes venues aux nouvelles, tous sont repousses par les soldats iusque dans une piece voisine assez vaste donnant sur la rue. Rauf exige cent nota­bles juifs, qui seront pris e11 otages, responsables de la non-execution des ordres de l'autorite militaire.

lei se place une scene de pillage, dont M. Ghez rend responsable Ie Colonel Rauf ; M. Borgel, lui, estime qu'il s'agit d'un de ses subordon­nes. Le Major Hoth, adjoint de Rauf, ecrit M. Borgel, circulant dans les pieces du fond avec une lampe electrique, decouvre des ballots : ce sont les tapis de M. Borgel et de ses enfants, enroules avec de fa nap/z­taline et entreposes generalement la pendant la saison chaude. On les y a laisses cette annee, n'ayant pas songe au bien-etre des apparte­ments. L'officier s'en va et reapparait peu apres dans une petite camion­neUe accompagne de deux portefaix ; ils vont droit a la petite piece du fond OU sont enfermes les tapis. Hoth interroge en allemand Tem­mam (Ie secretairede la communautes accouru. Ce dernier croit com­prendre qu'il' demande si les tapis sont a M. Borgel: il opine. Le Major, satisfait de la reponse, fait t:nlever les ballots. Temmam essaie de protester, faisant Ie geste de demander un bon de requisition. L'autre, pour toute reponse, continue Ii parcourir les pieces et fatt enlever egale-

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ment les machines a ecrire qui se trouvaient liz en grand nombre pour ['etablissement des listes de recrutement.

Tous les Juifs pris dans la rafle sont emmenes en \Toiture cellulaire it I' Alliance Israelite. II est procecte a leur tri : C eUoX qui ont plus de cinquante ans iron! en prison grossir Ie nombre des otages, les autres pren.dront la pelle et la pioche. Dans la journee du 9 decembre arri­vent ainsi, it l'ecole de l'Alliance Israelite de Tunis d'autres rafles, qui von! rejoindre les premiers; ils ont efe apprehendes sans avoir pu pre­v,enir leurs families, au hasdrd dans la rue et, d'autre part, les jeunes gens des classes appelees. Les services de ravitaillement ont fait appor­ter tous les vivres existants dans les magasins juifs. On peut distribuer it chaque travailleur 2 jours de vivres. II en part, dit M. Borgel, dans la seule journee du 9, 1.700 environ en y comprenant quelques centaines de rafLes. Parmi ces ,derniers, de tout jeunes enfants de 15 ans, des vieux, des malades. Le service medical, embryonnaire, n'a pas elf! auto­rise ales selectionner, comme il l'a fait pour les, classes appeLees. Pour celles-ci, il Nait reellement difficile de constituer aussi rapidement un Conseil de Revision parfait et d'examiner, en quelques heures, un aussi grand nombre de recmes.

Dans la journee du 10, on reunit it la Prison Militaire, dans des cellules contenant de 16 it 20 personnes, des rafles, de la veille ages de plus de 50 ans, les jeunes filles alrretees it I'ecole de I' Alliance Israelite, et les otages. Ceux-ci, dit M. Borgel, ont ete reunis a la Synagogue dans ['apres-midi. La police, chargee par Ies Allemands des convoca­tions, a fait des erreurs parfois surprenantes. Par l'effet d'homonymies, elle a arrete certains a la place d' autres du meme nom ; dans la meme famille, 2, 3 freres ont ete pris, a la suite de confusions regrettables.

Dans la journee du 10, Ie lieutenant nous avise, ecrit M. Ghez, qui, des ce moment, sera charge du recrutement des travailleurs juifs; qu'il viendra chercher a quinze heures mille travailleurs qui doivent tous eire equipes de pelles et de pioc/zes. A 15 heures, les hommes sont prets. Mais une meprise des officiers allemands fait qu'ils ramassent de leur propre mouvement des hommes eli mines par les mectecins. Quand ils se rendent compte que Ie contingent exige par eux est rassemble un peu plus loin, pour ne pas reconnaitre 'leur erreur, les Boches conservent les 400 hOll/llles pour la plupart inaptes qu'ils avaient ra/Les et y joignent . les 600 premiers du contingent pret.

Ces travailleurs, comme ceux de la veille, sont partis pour une des­tination inconnue. Les Allemands ne consentaient it donner que des indi­,cations fort vagues. II faut aller it leur recherche, puisque Ie soin de leur entretien et de leur nourriture incombe it la Communaute Israelite. Le resultat de l'enquete est consigne de la fa~on suivante par M. Ghez.

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S'agissant du premier groupe constitue Ie 9 et groupant les victimes de la rafle et Ie contingent de volontaires, iI ecrit :

Le groupe entier fut mis en marche sous la pluie. Au bout de quelques kilometres, les plus ages, les mala des commen­

cerent a donner des signes de fatigue. Des coups de crosse dans Ie dos les rappellent a la realite. Un jeune homme de 18 ans, nomme Mazouz, qUI porfait au pie.d un

appareil orthopedique, ne pouvait plus avancer. Les compagnons plus valides Ie porterent a tour de role.

A la tom bee de la nuit, la troupe parvint, epuisee, transie, auO( envi­rons d'une ferme et les soldats allemands deciderent de faire halte.

Mazouz qui s'etait rem is a marcher au.x approches du but trebucha contre une motte de terre et tomba.

Froidement un soldat brandit son revolver. Trois detonations. Le pauvre petit demeura etendu.

Ce n'est que le lendemain que ses compagnons rerurent l'autorisa­tion de l' enterrer decemment.

Le reste du groupe est oblige, it la suite d'une erreur d'itineraire de leurs sentinelles, de parcourir 65 kilometres dans la journee avant d'arriver it leur cantonnement. Tous ces hommes sont disperses en plu­sieurs kommandos. 750 hommes; note M. Ghez, sont dans la region de Massicault repartis en 3 groltpes d Fords-Frendy, Ksai-Tyr et Bridja.

500 son! a Zaghouan et 250 a Sainte-Marie du Zit a la disposition de l'armee italienne. Enfin 150 ont-ete envoyes a Hatach Bay, dans la region de Mateur.

* ** A cote du service du travail obligatoire, dont its avaient impose

l'execution par l'emploi des otages, les Allemands exigerent des ]uifs de nombreuses prestations.

lis avaient, au debut de leur occupation, chasse de leurs Ia-caux des families dans la nuit .et vide leurs appartements.

Le moment vint, declare M. Borgel, oil ils desirerent des fournitures importantes qu'il eta ete difficile de decouvrir en quantites suffisantes chez des particuliers. lis s'adresserent alors a la communaute. « II nOllS faut 500 metres de tissu pour camoufler les lumieres a la Wehrmacht­Kaffee avant' midi ». C'etait, en rea lite, une maniere de brimade, de con­trainte nouvelle; toutes les marchandises etaient alors so us Ie controle des Affmres economiques, dont it nous fallait obtenir l'autorisation de deblocage. PlutOt ·que de nous la faire demander pour leurs besoins, it leur elit ete plus facile de s'en charger eux-memes directement.

.'V1.enace : « Si nous n'Gvons pas six appareils photographiques Leica a·ans une heure, nous ne ferons pas la reteve des otages annoncee pour

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cet apres-midi ». Une autre fois : « Si nous ~'avons pas. t~lle fourniture dans le delai prescrit, vous serez mis en prison ou fusllles ». Nous en ovions pris l'habitude et attachions moins d'importance a ceUe f~rllle de conversation. Mais ce qui nous inquietait davantage : « Nous Irons nOlls-memes chercher chez les fuifs ce dont nous avons besoin ».

Aussi convient-on de quelques principes qui fourniront desonnais la base de I'activite du Consistoire Israelite, et que M. Ghez formuIe de la fa<;on suivante : .

1 ° Eviter tout acte de desobeissance ou d' obstruction ostensible entrainant Ie declenchement des represailles ;

2° Paralyser dans toute la mesure possible Ie recrutement des tra-vailleurs juifs ;

3° Ameliorer au mabimum Ie sort des fravailleurs que nous serons charges de fournir.

* ** Les demandes de travaiIleurs continuent de Ia: part des Allemands.

3.985 hommes sont partis au travail force dans les trois premiers jours, note M. Ghez it la date du 15 decembre. Les Boches en exigent encore 650 pour Ie 17 decembre, 300 pour Ie 20 et 350' pour Ie 21. Le contingent du 21. est fourni ponctuellement. Malgre les assurances initiales que ces hommes ne seront pas employes it des taches militaires, 500 travailleurs sont aussitOt em barques sur ie train electrique et diriges vers l' aero­drome de L'Aoudra. 100 autres iront au port et 50 au depOt de munitions dll parc du Belvedere. Le contingent du 21 est dirige sur Biz·erte.

II est a peine en route, que Ie Colonel Rauf convoque Ie president de la Communaiute « pour une communication speciale et tres impor­tante ». A son retour, M. Borgel declare, selon les notes journalieres de M. Ghez : II nous faut vingt millions avant demain soir. II (lei president), nous expose fa nouvelle exigence des Nazis.

Les Anglo-Saxons ont bombarde la ville, taisant plusieurs victimes et des degats importants.

Les fuits etant leurs allies, doivent supporter les consequences de ces crimes. Une premiere contribution de vingt millions do it etre l'Pfsee

immediatement pour etre repartie entre les victimes et leurs families Si cet ordre n' est pas execute, les otages seront fusillt!s.

La somme doit etre fournie pour Ie lendemain it 18 heures. II est difficile de rassembler Ie montant de cette amende. Les Juifs les plus fortunes fournissent une contribution d'un dlemi-million par jour pour subvenir aux necessites de I'entretien, de la nourriture et du cantonne­ment des travailleurs requis. Les autorites nubIiques se tefusaient it

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accorder une participation financiere, les Allemands exigeant que ce soient les seuls Juifs qui paient.

Cependant, un arrBlngement intervient. La Communaute Israelite fera un emprunt hypothecaire it la Caisse Fonciere du Protectorat dans les conditions de gage qui verront les Juifs les plus fortunes ap~orter la garantie immobiliere de leur patrimoine. Des instructions sont don­nees par la Residence it la Caisse Fonciere, ainsi con<;ues :

I. Les autorites o'CCupantes vhmnent d'imposer a la Communaute israelite de, Tunis une contribution de guerre de 20 millions, payable demain, 22 decembre, avant 18 heures, sous peine des sanctions les plus severes.

Etant donne la brievete du delai imparti, les interesses sont dans l'impossibilite de se procurer les fonds exiges, soit qu'its n'aient pas /es disponibiUtes necessaires, soil qu'it ne puissent trouver Ie credit voulu dans les Etablissements bancaires de la place qui, coupes de leur siege, ne peuvent prendre La responsabilite d'une telle (Jperation.

II. Dans ces conditions, j'ai decide que la Caisse Fonciere consen­lirait aux interesses un pret hypothecaire de pareille somme.

III. A cet effet, un acte intervien.dra d'urgence entre la Caisse Fon­ciere d'une part et d'autre part Les membres. les plus importants de la Coml1lunaufe Israelite, proprietaires fonciers d'immeubles ruraux ou urbains.

Pour constater Ie pret, lesdits membres contracteront ['engagement, conjoints et solidaires, d'en rembourser Ie montant dans les six mois de r acte ; La delfe sera indivisible entre leurs heritiers.

A fa garantie de leur obligation, le~ nnteresses affecteront l'inte­graiite de leurs biens immeubles, qu'its constitueront en hypotheque au profit de la Caisse Fonciere;

Independamment de cet engagement d'ordre general, chacun des interesses specifiera nettement les immeubles donnes en garantie.

II ne sera pas necessaire que tous les biens soient designes . des alors que l'etendue du gage specifie sera jugee suffisante pour c;uvrir ie pret.'

V. Les conditions financieres du pret seront les conditions hab'i­tuelles de la Caisse Fonciere, c'est-a-d:re l'interet a 8 %, pretevement au profit du fonds de reserve de 1 %, les frais d'acte et d'enregistre­ment seront a la charge des efnprunteurs.

Les articles VI et VII de ces instructions prevoyaient Ie versement i~mectiat de la somme empruntee, sans attendre la regularisation des formalites habituelies des prets hypothecaires ; les sanctions des inexac­titudes dans la declaration des bi.ens,. objets du gage reel consistaient dans la mise sous sequestre de la totalite du patrimoine des signataires. Tout manquement des debiteurs devait etre suivi d'une r~siliation auto-

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matique du contrat, dans les 48 heures suivant la mise en demeure par lettre recommandee.

Le 23 decembre au soir, la somme de vingt millions est remise aux autorites allemandes. Elles vont I'utiliser it des fins humanitaires, d'ou toute idee de propagande pro-hitlerienne et d'attaque antisemitique n'est point ex'clue. Le Marechal von Arnheim, adresse par voie d'affiches, un « avis aux victimes des bombardements anglo-saxons », reproduit par « Tunis-Journal » du 28 ctecembre :

La guerre a ete voulue et preparee par la fuiverie Internationale. La population de Tunis, franfaise, italienne et musulmane, souffre

durement de la guerre par les bombardements de ces derniers jours. C'est pourquoi j'ai decide de prelever sur les fortunes juives de

Tunis une amende de 20 millions, destines a servir de secours immediat aux victimes civites des bombar,dements.

La distribution des secours est confiee a un Comite de Secours immediat (C. O. S. I.), qui viendra directement en aide a to us ceux qui ont souffert, dans leurs personnes ou dans leurs biens, des criminels bombardements anglo-americains sur des populations desarmees. En consequence, tous les habitants de Tunis, fran fa is, italiens ou musul­mans, qui ont souffert de l'agression anglo-americaine, n'ont qu'a adresser une demande, avec ju<;ti{ication detailLee des dommages subis, au bureau central du C. O. S. I.

La fin de I'annee 1~42 voit la releve des malades, des enfants et des vieillards rafles Ie 9 decembre. Par contre, la Communaute doit fournir 200 hommes pour Ie 24 decembre : M. Gh,ez reuss\t al ramener ce chiffre it 150. 166 partent en outre Ie 28 do?cembre pour Bizerte.

L'annee 1943 debute par une alerte, qui n'a pas de suites. La ('0"/1-

munaute, note M. Ghez it la date du 4 janvier, vient d'etre aviseeque Les auto rites jndigenes' ont refu des ordres ife fournir a l'intendance alle~ mande huit mille travail/eurs tunisiens. Interpretant Ie mot « tuni',sien », les autorites locales ont decide qu'iJ y aurait 5.000 Musulmans et 3.000 Juifs. A cela, Ie Consistoire Israelite repond : Nous ne pouvons pas admettre d'Nre sous Ie coup d'une double requisition et de fournir des travail/eurs directentent et par l'entremise des auto rites locales. -

Au surplus, nous considerons avoir fOUi'ni l'effort maximum tt nous ne ferons rien de plus.

Dans Ie contr6le civil de Tunis, il y [J environ 500.000 Musulmans et 50.000 fuifs. Nous avons 4.000 hommes au travail.

Lorsqu'on aura recrute 40,000 chez les autres, la ql1estion de noU­veGlltX contingents pourra eire examinee.

Cette these, soutenue devant les autorites fran<;aises,. est maintenue devant les officiers de la Kommandantur, qui n'insiste pas.

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* ** Les jours suivants connaissent de nombreux bombardements d'ob­

jectlIs militaires. Malgre les assurances donnees Ie 6 decembre par Ie colonel Rauf, aux termes desquelles les hommes n'auraient pas it etre cnvoyes sur les theatres d'operations, et malgre la presence, de tralVail­leurs italiens evacues de Tripolitaine et fort aptes aux travaux de ter­rassement, les Juifs requis travaillent au port de Bizerte, dont Ie carac­tere militaire est indeniable. II en est de meme du port de Tunis; M. Ghez note qu'il a subi Ie ti un violent bombardement : Nous avons eu plu­sieurs blesses .

. Un travailleur nomme Amram a disparu. Le Comite s' occupe d' organiser des recherches aupres des autodtes

allemandes et dans les hOpitaux. ' On fin ira par ridentifier. Il est mort.

A Jefna, les travailleurs juifs connaissent les dures conditions de la vie en plein front. Ce camp est, aux dires de M. Borgel, un bagne oilles hommes etaient condamnes a travailler 18 heures par jour, trans­portant des munitions en premiere ligne, montant des rails sur les col­lines, dormant a peine un court instant dams la boue et dans ['eau, eloi­gnes de tout, recevant seulement de temps en temps la yisite du camion de ravitaillement venant de Mateur. I.es malheureux, affaibl.is, ma/ades, epuises, sombraient dans une desesperance a//r«use.

Pour eviter de coucher dans la boue, certains avaient juge oppor­wn de placer dans un bassin vide quelqttes u,ieilles planches !rouvees par hasard, sur lesquelles ifs s' etendaient. Dans fa nuit, ifs se reveillaient souvent en train de flotter " par/ois, les planches{ se retournaient et its plongeaient dans [! eau de pluie glaciale qui avait empli Ie reservoir.

A Dumergue-Fretissa, les travailleurs juifs etaient sous les ordres d'un indigene, espion allemand, qui les fouettait et les marfyrisait.

Le meme auteur raconte encore Ie fait suivant : Au Djebel-Kebir, pour un moment d'arret a essuyer un front ruisselant, un jeune rabbin fut mis entierement nu, encore tout suant de la! longue marche et de M montee difficile qu'il venait de gravir, et expose une heure durant atI froid et a la pluie. Pour un sac tombe a ['eau, un autre pris sur Ie fait, /aiflit perdre la vie.

* ** Dans la capitale du protectorat, les Allem~nds, ne cessent pas, par

des decisions d'espece, de persecuter les Juifs non encore requis. Voici un fait qui se situe Ie 8 janvier 1943 et que note M. Ghez.

Pour reparer les voies ferrees deteriorees par les derniers bombar­dements, la compagnie des tramways a embauche un certain nombre de

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journaliers arabes, charges de transporter les materiaux a pied d' a?uvre. Les reparations terminees, ces journaliers ont ete licencies. Ils considerent cette decision comme une injustice et adresserent

une petition aux Autorites allemandes, declarant que la compagnie renvoyait tous les Arabes et conservait les fuifs.

Sans autre information, Ie Colonel Rauf intima l'ordre au directeur de liquider sur l'heure tout Ie personnel juif, et de ['envoyer travailler dans les camps. La Communaute intervint et, seul, ['un des ingenieurs, ancien combattant, pourra rentrer au service de la Compagnie ... Les hommes de plus de cinquante ans pourront reprendre leur emploi. Sur soixante-dbt ouvriclfs revoques, cinquante environ sont constitues en groupf' nouveau qui ne quittera pas Tunis et travaillera au port.

Les Juifs se sont toujours montres soumis et ont execute de leur mieux tous les ordres des autorites militaires d'occupation. Les troupes allemandes provoquent des incidents, dont I'intensite va croissant. lis sont! decrits ainsi, sous la plume de M. Ghez :

Des soldats boches, accouptes avec des voyous arabes, font des incursions nocturnes dans les quartiers juifs.

Il n'y a eu au debut que des insultes et des Lazzis, puis des violen­ces sur les passants, des /enetres defoncees.

Les agents de police sont impuissants devant les soldats armes et resolus. Ils ont comme consigne d'eviter autant que possible des inci.dents.

Le 12 janvier, les Allemands et leuTs acolytes ont penetre 'dtzns des logements, ont extorque sous menace de ['argent et des vivres.

Deux femmes ont ere violees sous les yeux .de leurs maris et de leurs en/ants, tenus sous la menaJCe de leurs revolvers.

Le Consistoire insiste aupres des autorites allemandes pour que des mesurc~ soient prises, afin de ne plus voir se renouveler de, pareils faits. Le quartier juif est interdit aux troupes de I'Axe et cette prohibi­tion est affichee a I'entree de chaque rue conduisant a la Hara.

* ** Les Allemands accordent, fin du mois de janvier, une pause pour la

fourniture de nouveaux travailleurs juifs et consentent meme it la libe­ration des derniers otages.

Le 22 janvier, un grave incident se produit a la suite du bombarde­ment de I'aerodrome de l'Aonina, ou deux requis israelites ont ete tues. Une femme tres emue, ecrit M. Ghez, vient me rendre compte que six travailleurs juifs, parmi iesquels son mari, viennent d' etre incarceres •..

Apres Ie bombardement, des travail/eurs arabes ont pris a partie des fuifs et les ont assaillis. Une ambulance allemande etant passee et

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ses occupants etant intervenus, les Arabes ant accuse les nOtres d'avoir fait des signauoX avec les bras aux avions.

Six Juifs ant ete arretes sur cette denonciation.

La pause du recrutement est supprimee Ie 4 fevrier, en raison des evasions massives dans les camps. Deux officiers allemands viennent trouver M. Ghez et exigent de lui 300 hommes pour Ie 10, afin de com­bier les vides. Ce nombre, reduit it 200, pose un probleme tres ardu, car la ,population juive est exasperee et se refuse it fournir volontaire­ment les travailleurs exiges par les Allemands.

Le 6 fevrier, nouvel acte de pillage des troupes d'occupation. Elles se sont introduitcs dans l'immeuble de recasement de la Hara, enorme cube de ciment dans lequel on a loge tous les habitants des taudis demo­lis en execution du plan d'urbanisme. Des soldats allemands, viennent declarer les spolies aux organisations juives, sont entres brutalement,

. ant au vert toutes les partes et ant emporte taus les matelas, toutes les couvertures et une grande partie dll mobilier.

On s'en est pris au,x Juifs les plus pauvres et on les a depouilles de tout ce qui eta it Ie plus ntcessaire.

Des dizaitzes de familles vont souffrir dll froid.

A la meme date, au cours du bombardement nocturne de Bizerte, deux Juifs sont tues, 13 blesses ont ete conduits it l'hOpital de Ferryville,

Malgre les tentatives de pression des officiers allemands, malgre leur'menace de se saisir d'un membrede la famille d'un travailleur desi­gne et refractaire it la convocation, les deux cents homm~s exiges pour Ie 10 fevrier ne sont pas fournis. Le 15 fevrier, nous sommes avises que la Communallte doft payer dans les vingt-qllatre heures, a titre de sanction, une amende de trois millions de francs.

Les Boches considerent que nous sommes en retard de mille hOTTlimes sur leurs ordres. Ils ont du reerUler d' autres travailleurs qui lew couten( environ cent francs par jour chacun. Pen.dant un mois, cela fait trois millions. Cette amende est paye.e par les moyens ordinaires qui servent au financement des depenses occasionnees par la solde et I'entretien des travailleurs, c'est-it-dire par une contribution exceptionnelle levee s\lr les fortunes juives, grosses et moyennes et sur la base d'une propor­tionnalite equitable.

Ce sacrifice financier ne suffit cependant pas it apaiser les SS et, Ie 18 fevrier, la Communaute israelite se resout it faire un nouvel appel de cla;sses, touchant les hommes ages de moins de quarante ans. Ce n'est pas un medecin allemand qui contrale I'activite des praticiens du centre medical israelite mais des officiers SS.

Aussi les decisions sont-elles prises au petit bonheur. M. Ghez cons­tate que des tuberculeux, des inaptes m.alades du CCEur sont recuperes

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camme aptes. Des hommes atteints d' affections Legeres sont maintenus auociliaires. ,

Le 27 juillet, un travailleur de Bizerte avait eM abattu par une sen­tinelle au moment Oll iI tentait de s'evader. Le 22 janvier, on apprend qu'un de ses compagnons a ete surpris en cours d'evasion et execute par un. soldat allemand, auquel I'avait confie Ie lieutenant commandant Ie camp. Une heure apres un camion ramena Ie corps de Saadoun (Ie travailleur eva,de) horriblement mutiLe.

Une large plaie s' ouvrait dans sa poitrine et Ie CCEur eclate sortait du trou beant.

Le soldat avait tire trois balles a bout portam. Le 25 fe1vrier, quatre travailleurs du port de Bizerte sont victimes

du bombardement aerien du port. Le 26 des membres du P. P. F. font irruption dans un immeuble

de Tunis 'entierement occupe par des Juifs et expulscnt les occupants, qui doive~t abandonner leurs provisions, leur linge, leurs medicaments, leurs bijoux. 200 personnes sont sans anri.

Le capitaine Zaewecke est partien inspection dans Ie Sud. Les amendes pleuvent sur Sousse et sur Sfax, note M. Borge!... Homme~, femmes et enfants portent !'etoile jaune : ils subissent to utes les humi­liations ef rer;oivent un ravitaillement tres insuffisant.

Depuis l'imposition d'une amende de trois millions, les Allemands ont cesse d'exiger des travailleurs pour I'exterieur. Les notes de M. Ghez mentionnent it la date du 1"" mars, qu'ils en reclament pour des tra­vaux a Tunis dans des ateliers requisitionnes : sa.cheries, fonden~es, fabriques de ~amouflages en alfa. Le 2 voit la delPortation de trois sur les quatre Israelites a,rretes fin fevrier en me me temps qu'une vingtaine de personnalites tran~aises.

Tout Ie mois se passe en demarches afin d'assurer la rei eve des travailleurs les plus exposes et particulierement de ceux de Bizerte. La mau~aise humeur de la toule empeche cette operation de s'effectuer.

le 25 mars on apprend qu'une nouvelle execution a ell lieu a Bizerte. Ii s'agit 'd'un homme de qu~rante-cinq ans, qui, selon M .. Ghez, a ete un joun conduit au camp de Bizerte en raison de propos Impru­dents qu'il aurait tenus, disaient les boches, par vengeance d'une femme,

.' affirmaif1'interesse. ' , . En raison de son age et ses capacites, Ie chef de camp l'avmt af­

fecte au service de l'habillement, puis a celui du ravitaillement. . Un laissez-passer lui avait ete remis, lui permettant de clrculer

hors du camp ... Brusquement, deux jourS avant Ie dtante, Ie lieutenant donna l'ordre de l'envoyer au travail sur les quais.

Le lendemain soir, Lellouche raconta en rentrant que Ie soldat alle­mand qui Ie surveillait ['avail misl en joue et l'durait certainement abattu si d'autres travailleurs n'etaient survenus opportunbnent.

., .. ~

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L' histoire paraissait invraisemblable et on ne la prit pas au serieux. Le ma&in a l'appel, Lellouche confia ses economies a des amis

aUtxquels il serra la main avec effusion. A midi, lin cam ion arriva au camp ramenant Ie corps de notre ca­

marade atfreusement mutiLe. II avail reru une balle dans la poitrine. Une autre lui avait traverse Ie bras droit puis creve un G!il, revelant

'Ie geste instinctit de detense. Comme Lellouche n'etait pas mort, on ['avait acheve a coups de crosse et une partie de son visage etait en bouillie.

Malgre les menaces d'execution publique des refractaires au tra­vail obligatoire, malgre les arrestations, malgre les centaines de con­vocations lancees a des hommes des classes 1920 a 1928, les Allemands ne se verront mis en possession que de six hommes seulement, ramenes Ie 22 avril par une equipe de six Allemands, mitraillettes en sautoir.

Le 7 mai 1943, la libera,tion de Tunis et du Protectorat vit la fin de ces persecutions. La totalite des travailleurs reunis dans les camps a cette epoque avaient pu etre evacues.

* ** Voici quelques chiffres sur les depenses les plus importa!ntes effec­

tuees durant les six mois par la Communautc israelite de Tunis :

Premiere amende ., ......... , ' ..... , ......... , , .. Solde des travailleurs .,., ..... , ......... ,', ..... . Allocations familiales ',' .... ' ........ , ... , ....... . Ravitaillement :

R~lVitaillement Communaute (par Tunis, Bizerte Sidi-Ahmed, Djelloula, Mateur, Zag-houan) ............ 2.741.502,30

Ravitaillement allemand ........ 1.721.000

Deuxieme amende ........... , . . . .. . ...... , ..... . Habillement ....... , ............ , .......... , ... . Transports .......... , ....... , ........ , ......... . Secours (aux malades, aux accidentes, aux families

des travailleurs decectes) ............. ,',., ... . Pharmacie ......... , ........................... . Outillage ..................................... . Cantonnemeht, etc, etc. . ........................ .

Francs ..... .... .

Francs

20.000.000 15.255.603,70 3.817.700

4.462.502,30 3.000.000 2.071.304,60 1.017.921,05

463.340,70 154.192,15 147.726,70 139.510,95

50.529.802,15

CHAPITRE XI

LES MASSACRES DE JUIFS EN FRANCE

Les troupes d'occupation ont mis a mort un grand nombre de Juifs . en France, choisis pour leur seule qua-lite raciale. Deux periodes peu­vent eire distinguees a ce propos : celie de fin 1941 et commencement 1942 ou les Juifs furent executes par mesure de represailles, et celie du printemps et de l'ete 1944, ou dans certains departements du Sud et du Centre de la France, les Juifs furenf systematiquement extermines par les troupes allemandes, soit dans leurs operations contre Ie maquis,

, soit au cours de leurs mouvements de repU.

Les mc:;sures de represailles contreles Juifs

A la suite d'attentats commis les 6 et 7 decembre 1941 a Paris, des mesures generales visant la population parisienne avaient ete prises. Ces mesures ne furent levees qu'au moment ou d'autres plus severes encore s''lIPpesantirenti sur les Juifs en particulier. Par un avis en date du 14 decembre 1941, Ie chef des troupes d'occupation en France, Ie genaral von Stulpnagel, proclamait : Ces dernieres semaines, des atten­tats a la dynamite et au revolver ant de nouveau efe commis contre les membres de l'armee allemande. Ces attentats ant pour auteurs des ele­ments partois meme jellnes, a la solde des Anglo-Saxons, des Juits et des Bolcheviks et agissant selon les mots d'ordre intames de ceux-d. Des soldats allemands ont ete assassines dans Ie dos et blesses. En , aucun cas, les assa,ssins n' ont pu etre arrefes.

Pour trapper les veritables auteurs de ces laches attentats, j'ai ordonne l' CtXecution immMiate des mesures suivantes :

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1 ° Une amende d'un milliard de francs est imposee aux fuifs des territoires franrais occupes.

2° Un grand nombre d'etements criminels judeo-bolcheviks sero'nt deportes aux travaux forces a ['Est. Outre les mesures qui me parai­traient necessaires selon les cas, d'autres deportations seront envisa­gees sur une grande echelle si de nouveaux attentats venaient a etre commis.

3° Cent fuifs, communistes et anarchistes qui ont des rapports certains avec les auteurs des! attentats seront fusiltes.

Ces mesures ne frappent point Ee peuple de France, mais unique­ment des individus qui, a la solde des ennemis de [,Allemagne, veulent precipiter fa France dans Ie m(1(heur et qui ont pour but de saboter la reconciliation entre I' Allemagne et la France.

Cet avis, publie ie 14 dfcembre, avait deja re<;u un commencement d'execution. Des Ie 12, on avait emmene, du camp de Drancy au Cher­che-Midi', 43 internes pour y et~e executes. Leur choix avait ete fait par un inspecteur de la Prefecture de Police, qui a; comparu devant la Cout de justice de la Seine (dossier Greffe 2.050), Sadoski Eugene. Un des temoins de ce proces" Mme Louit, parle en ces termes de I'acti­vite de l'accuse' : Sur des livres personnels de Sadoski, saisis par Ie Comite de Resistance de ta troisieme Section, ou if a mentionne tous les fuifs arretes et suspects, on trouve pres de 70 fiches portant la mention D.C.D. qui en realite ont ete fusil!es.

La pEupart de ces personnes internees du camp de Drancy avaient une fiche mentionnant leur tendance politique. Cette appreciation aait l'(£,uvre de Sadoski qui l'etablissait suiv.ant Ie rapport de ses inspec­teurs tout en ckangeant parfois la teneur ou en mettant cette appre­ciatidn .de son propre chef. M. Mengeot, inspecteur principal a la troisieme section des renseignements generaux, ajoute' : A ma con­naissance, if (Sadoski) s'est flatte d'avoir au mains 60 a 80 fuits fusilles au Moizt-Valerien, dont if a fourni la liste aux autoritis allemandes. L'inspecteur Beaulieu du meme service signale : .Au debut 1941, devant de nombreux attentats, les Allemands demanderent des listes d'atages de race jllive a la direction des renseignements generaux. Le directeur general transmettait au commissaire de la troisieme section des ordres dans ce sens et celui-ci chargeail Sadoskl d' etablir les listes. Sadaski les etablissail en' choisissant parmi les adherentsd' associations politiques d' obedience communiste. Sur ce dernier point Sadoski avait d'aiIIeurs des idees precon<;ues, ainsi que Ie fait ressortir l'inspecteur Crouzert : ]'ai fait .des enquetes pour Sadoski sur Ie compte des fu.ifs qu'if avail catalogues comme membres de la sous-section juive du parti communiste, car ifs appartenaient a une societe de secours mutuel,

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societe de bienfaisance ou corporative qui, d'apres lui. etait d'obedience politique d'extreme gauche.

Sadoski avait eu avant guerre r occasion d'enqueter sur I'activite des membres .d'associations, telles que les « Brocanteurs de Belleville ». S(Ju~ IE' pretexte qu'une personne ou deux de son comite appartenaient au parti communiste, Sadoski en avait deduit necessairement que tous les membres de l'association de secours mutuels entre Israelites etaient necessairement communistes. Ayant conserve ces fiches d'avant-guerre, Sadoski les utilisa pour designer les « judeo-Bolcheviques » dont les autorites allemandes lui avaient demande la liste. C'est ainsi qu'il agit en decembre 1941 pour satisfaire a la lettro::~ W C. R. 19-41 G. ch. du 'Commandant du Grand Paris. La majorite des juifs qui par mesures de reprosailles allaient etre, fin 1941 et dans Ie cours de I'annee 1942, emmenes de Draney au Mont-Valerien pour y Nre executes,· ont ete choisis sur les indications de Sadoski.

II envoya au poteau d'execution entre autres Caisman Huna, Ie 14 decembre 1941, sur lequel l'inspecteur charge de l'enquete n'aiVait rien eu a signaler et que Sadoski avait de son propre chef note comme « suspect au point de vue politique, dangereux pour I'ordre inte­rieur ».

Outre I'execution de 43 juifs en vertu de I'a'vis du 14 dc.cembre 1941 et 'qui furent fusiIIes Ie 16, d'a,utres subirent Ie meme sort (voir deposition de M. R. Fain). Un avis du29 janvier 1942, paru a la suite d'attentats commis durant tout Ie cours du meme mois dis­posait : Six fuifs et Communistes en relations avec Ie milieu auquel appartiennent les criminels ont ete fusiltes. La procedure intentee contre Sadoski montre que des ;Juifs dc.signes par lui ont ete executes Ie 21 fevrier 1942 et Ie 31 mars 1942. Le 20 avril 1942, a la suite d'un attentat contre un membre de I'armee allemande. Ie Commandant du (~r:1nd Paris faisait afficher un avis ainsi con<;u : .,. f'ordonne ce qui suit :'

a) Dix communistes, fuit:) et personnes solid.airement responsables seront immediatement tusilles.

b) Si d'ici huft jours apres la' publication de cet avis, ['auteur n~a pas ete arrete, v!ngt communistes et faits seront passes par les arm:!s.

Un avis du 9 mai 1942 indique qu'a la suite d'un" attentat du 2, cinq communistes et juifs « touchant de pres au milieux des auteurs de I'attentat » ont ete fusilles. La meme mesure visilnt 15 autres com­munistes et Juifs a ete prise, dans Ie ca:s ou, dans Iii huitaine, Ie cou­pable n'aurait pas ete decouvert. Le 23 mai 1942, dix personnes c?~­munistes, Juifs et. personnes' touchant de pres les" milieux des cnml­nels sont fusillees it la suite de I'evasion des auteurs d'un attentat c?m-

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mis contre I'atrmee allemande. Les noms de ces victimes ont ete egale­ment designes par Sadoski.

En province, les attentats contre les membres de I'armee allemande ont ete egalement suivis, partout oil des arrestations de juifs avai-ent pu avciir lieu, d'executionsi d'Israelites, aux cotes d'otages communistes. C'est ainsi qu'une lettre du 20 mars 1942 du Feldkommandant de Caen au Bezirkschef A. de Saint-Germain, signale que, sur 13 otages fusilles Ie 15 ctecembre 1941, se trouvait un juif et que sur deux otages fusilles dans la meme ville Ie 14 fevrier 1942, il Y avait un juif.

Les massacres de Juifs en 1944

En 1944, au cours de leurs actions contre Ie maquis, les troupes allemandes se Iivrerent, la oil elles I~ purent, a des massacres de juifs, souvent tres ages, qui avaient cherche refuge dans de petites localites, et qui n'avaient en rien participe a I'action de la Resistance. C'etait du pur massacre racial. Nous examinerons successiv£ment· trois faits par­t.iculierement importants, puis Ie massacre systematique des juifs dans deux departements : I'Ain et la Dordogne.

LE CHARNIER DE MIREMONT (Haule-Garonne)

Vers la fin du mois de mai 1944, un groupe important de juifs se trouvait reuni a la cas erne Caffarelli a Toulouse, a la suite de rafles operees dans cette ville et dans sa region. Selon Ie temoignage de Mme Zara, qui apparienait a ce groupe de detenus, les Allemands vinrentextraire de cette prison quatorze Israelites, dont Ie temoin se souvient des noms, ce sont :

Siessel Marcel, Holin Hans;Wulfson Simon, Lahana Roger, Schra­meek, jean, Kapelowicz jean, Schonholz Jean, Lipszyk jankiel, Zara Hai'm, Stein Leon, Gouzy Etienne, Nahon Maurice, Auscaler Maurice, Auscaler Da~niel.

Le vendredi 2 juin 1944, vers IO heures, un camion ferme venant de la direction de Toulouse, stoppait sur la route de Miremont, a Saint­Sulpice sur jeze" a hauteur du cimetrere de Miremont. Aux termes d'un rapport du capitaine commandant la section de gendarmerie de Muret, dresse Ie 4 juin, six hommes en civil, escort.es par des militaires alle­mands en unifor"me en descendaient aussit6t. Tous prirent la direction du cimetiere, a proximite immediate de la route. .

Le meme jour, vers 21 heures, Ie maire de Miremont prevenait la brigade de genda~merie d'Auterive de la decouverte, a proximite du

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ci~etiere local, d'une fosse contenlllnt des cadavres. L'enquete de g~n­darmerie permit de decouvrir les corps de six hommes dont run seule­ment put etre identifie. II s' agissait de Schra:meck jean, ne Ie lor fevrier 1896 a Strasbourg et domicilie 12, Grande Rue Nazareth a Toulouse. Des cinq ,cadavres non identifies, il ressortait qu'on se trouvait, entre autres, en presence de deux freres.

La decouverte du cadavre de Schrameck et I'identification presque indubitable des deux freres Auscaler permettait de croire qu'il s'agis­sait bien ,en l'oc-currence de quelques-uns des Israelites extraits quelque temps auparavant de la caserne Caffarelli.

One seconde fosse wntenant neuf cadavres ~tait decouverte Ie 12 septembre 1944 : elle etait longue de 2 metres et large de 1 m. 30. Les cadavres y etaient enfouis pele-mele sur une profondeur de 1 m. 50. En raison de leur etat de decomposition avancee, on ne put identifier les cadavres. Aucun papier, aucune piece d'identite ne se trouvaient sur eux.

Le rapport du medecin legiste venu pour proceder a l'autopsie des cadavres Ie lor octobre 1944 constate qu'aucune trace de biessures n'a eie reveiee par fl!tXamen des cadavres en dehors de celles siegeant sur Ia. region occipitale. La mort a eie determinee par coup de feu tire Ii bout portalJlt dans la nuque. Aucun projectile n'a pu eire retrouve, mais ies nombreuses traces de projectiles ayant frappe avec violence Ie mur .du cimetiere paraissent indiquer que ces projectiles sont res­sortis, apres avoir determine fa blessure martelle.

Le rapport mentionne, en outre, que la mor! et I'inhumation de ces cadavres paraissent remonter au mois de mai 1944. Leur examen individuel montre, pour trois d'entre eux. au moins, qu'il s'agit vrai­semblablement d'Israelites.

Les circonstances de cette tuerie restent assez mysterieuses. Aux dires des habitants de Miremont, et particul.ierement selon Ie temoi­gnage de Mademoiselle Jeanne Rogal, consigne dans Ie praces-verbal de la gendarmerie de la brigade d' Auterive du 3 octobre 1944, « 1a formation ca!ntonnee a Miremont faisait partie de la division SS Verfugungstruppe 52° R. S. T. SS, Deutschland. »

Deux jeunes AIsaciens incorpores avec leur ciasse dans cette for­mation allemande, ont depose sur ces faits a la gendarmerie d~ Mul­house et leurs dires sont consignes dans un proces-verbal du 16 decem­bre 1945.

L'un d' eux declare : Le 2 juin 1944, alors que nous occupions tout fe village de Miremont, -tous les officiers appartenant a la compagnie, au nombre de sept et cinq sous-officiers de la meme unite ont ramene vers fa soiree quinze partisans, je precise que c'etait un samedi. Dans fa meme soiree vers 22 heures, Ie Haupfscharfilhrer Tenk a astique son fusil, dans sa chambre situee dans fe chateau .de la rae Basse. j'ai

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demande a cet otticier pourquoi il astiquait son anne (j'ajoute qu'il avail contiance en mOi). Il m'a repondu : « Ce soir, nous avons rame­ne a Miremont quinze partisans que nous allons executer de main (di­manche) vers 9 heures, derriere Ie cimetiere ». Il ne m'a pas dit oil etaient les partisans pOllr passer la nuif. Comme a l'habitude, lorsque i.es SS operaient une execution, its demandaient l'autorisation a la Milice a Toulouse, j'ai donc demande a cet officier s'il ava.:t demande l'autorisation de cette Milice. Il m'a repondu : « Nous sctvons ce que nous avons a .taire, nous n'avons pas besoin de demander des ordres a la Milice » •••

Le lendemain matin, dimanche, tai reveille a 7 !wures mon officier Philipp ainsi que I'otticier Tenk. Ils se sont !zabilles et sont partis re­trouver les, aLtlres offic:ers qui couchaient dans I' autre chateau. Les sept otticiers, armes de leurs tusils automatiques, sont rentres au cha­teau vcrs 11 heures et ont commande Ie diner qui leur a ete servi une demi-heure apres ... Je suis persuade que les quinze executions ont he operees par les sept otticiers de ma compagnie ...

j'ajoute que la lleille de ces executions, {e sous-lieutenant Tenk m'avait annonce que ces quinze partisans etaient des Juits, siMS me contier leur nom et leur adresse.

Un autre Alsacien mobilise dans I'armc~e allemande confirme que, se trouvant it Miremont, iI a appris, par la rumeur circulant dans sa compagnie que Ie 2 juin 1944, nos otficiers et sous-officiers avaient arrete et execute quinze partisans, soi-disant Juits, derriere Ie cimetiere de Miremont.

Au surplus cette fusillade n'a paseu de temoins. M. Felix Oeguil­hem, cultivateur it .1\\iremont, a declare it la gendarmerie d'Auterive : '" Je me rendais dans mon champ situe a proximite du cimetiere de la commune de Miremont. Comme j'arrivais a fa hauteur de ce lieu, j'ai vu une camionnefie arretee au bord de la route sous la surveillance d'un soldat allemand. Ce demier, voyant que je m'approcha:s, m'inter­pel/a et me demanda oil j'allais. Je lui ai repondu que j'al/ais sarcler des pommes de terre. Il me repondit qu'it etait inteldit de circuler dans les environs etque, dans trois helll'es, je pourrais aller dans mon !-·{nul/p. Voyant cela, j'ai continue ma route et me suis rendu ,dans un autre champ m'appartenant. .

Atin de savolr ce qui aUait se passer, j'ai tait wt detour a travers champs et j'ai alors vu des soldats allemands creuser une tosse a proxi­mite du cimefiere.

Un moment (lpres, j'ai vu des personnes en "civil monter Ie talus et aller vers l'endroit oil se trouvaient les soldats allemands.

Une !wure apres, environ, it ne m'a pas ete possible de ,determiner Ie nombre exact des personnes amenees sur les lieux d'ou sont parties les detonations.

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Les executeurs, !;elan M. Henri Rouch, garde-chainpetre it Mire­mont, appartenai'ent a une compagnie specialement chargee'des exe­cutions.

Le prod~s-verbal de gendarmerie en date du 30 septembre 1944 de la brigade d' Auterive mentionne que, parmi les neuf cadavres trouvcs dans la deuxieme fosse, un seul avait rec;u une rafale de mitrailleite. II pourrait s'agir du corps d'un Franc;ais tue par les Allemands dans d'autres circonstances et enterre dans la meme fosse que les quatorze Juifs dont Mme Zara a donne les noms et qui. eux. ant ete :xecutes dall1s les circonstances revelees par les rapports de gendarmene de la brigade d'Auterive et de celie de Mulhouse.

LE DRAME DE SA VlGNY EN SEPT MNE

Le vendredi2I juillet 1944 - ainsi s'exprime l'Inspecteur principal Breton, dans son rapport au chef de la cinquieme brigade de la Poli~e region ale de Bourges - vers 23 heures, deux cam ions et deux ou trots voitures venant de Bourges et dans lesquels se trouvaient une douza'ine d'Allemands en unitorme, un au deux civils et quelques miliciens fran­fais, arrivaient a la sous-pretecture de Saint-Amand-M?~trona. Ce~ hommes turent ref us par Ie chet de la Milice de cette lowlzte, Ie nomme Lecussan, taisant /onction de sous-pre/et, lls turent repartis avec un certain nombre de miliciens de St-Amand en quatre groupes, lesquels, dans Ie milieu de la nuit, procederent a ['arrestation des Juits habitant cetfe ville, la pIll part Alsaciens-Lorrains au venant de cette region. .

Nous etions couches, declare Mme Armand Brunschwig, man mart (73 ans) ~t moi-meme, 55 ans, ce vendredi 21 juillet, quand vers mi­nuit nous entendons des l'oix d'hommes dans Ie corridor meme de notre , appartement. . . . .

Nous nous levons en sursaut : vingt Allemands et mtllClens aVaLent deja torce La grille du jardin et la, porte d'entree de la maison. J'en~ tends: « Brunschwig, vous etes arrete ». Dix hommes poussent inion mart brutalement dans une autre chambre et dix autres restent avec moi, m'ordonnant de m'habiller devant eux. lis se moquent de moi et me donnent trois minutes pour eire prete. Pendant ce temps, et devant mes yeuix, ifs toument les tiroirs et les armoires et metfent dans leurs poches tout ce qu'ifs trouvent a leur goat, bijoux, argent, etc ... Me dou­tant qu'if s'agissait d'une ratle d'Israelites, je. v~ulus, leur m?~tre:, ,m~s papiers d'identite, etablissant que, quoiqueconJomte d un Israeltte, J etatS aryenne ; leur chef ne vou1ut rien savoir : « On ,verra au camp ». Us n'autoriserent pas mon mari a venir prendre ses vetements dans'la chambre a coucher et.il dut sortir en pyjama, un simple manteau sur Ie

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dos. On ne lui aceor.da pas plus la taveur de prendre son den tier 'et ses I~ne~tes. Ils n~u~ bousculerent vers fa voiture. Au moment d'y mon­ter, ]e ViS mon VOiSin, M. jeankelowilsch, paralyse du cOte gauche, que des. Allemands trainaient par les pieds sur Ie dos e~ qui geignail. On Ie. leta devant moi dans Ie camion pendanf qu'un Allemand faisait a man mari un croc-en-jambe, ce qui Ie fit tomber, face en avant, dans Ie camion.

L'arrestation de Mme Salomon est eon tee par eelle-ci de la fa~on suivante :' .

Dans la nllit du 22 jllillet, a llne hellre du matin, nOllS sommes reveilles en sursaut par force coups de sonnette. Au meme instant, nous entendons la porte d'entree ceder sous les coups de crosse de MM. les M ili(iens et de la Gestapo, au nombre de treize, venus pour nous arre­ter, mon mari, blesse de guerre, ma petite fille agee ,de 10 ans et moi­me,ne. ~oll~llant notre maison de fond en comble, raflant tout ce qui Icur piaiSatt, nous bousculant sans cesse, afin de nous faire hater a ra'masser notre maigre ballot a emporter.

Une dizaine de ces individus font irruption dans la chambre de ma (illette, la reveillent brutalement et prennent sur sa table de chevet sa tirefire, son tresor qu' eUe avail tant economise, sans se soucier de ses pleurs.

Pres de 70 personnes juives, hommes, femmes et enfants furent ainsi amenees dans la salle de cinema « Ie Rex ». Dans la deuxieme partie de la nuit, leurs habitations furent pilLees. Au matin du 22 juiiJet, les hommes durent prendre place dans I'un des camions arrives la veille, les femmes et les enfants dans l'autre, pour etre ramenes a La maison ,d'arret de Bourges ... Il y avait au total 26 hommes et 41 femmes et enfants, soil 67 personnes. (Rapport Breton).

On leur adjoignit trois aut res personnes qui avaient ete arretees auparavant, deux Israelites arreres it St-Amand quelques jours avant la rafle generale et un autre prisonnier juif amene dans eette me me ville Ie 19 juillet (deposition de M. Leon Weill).

Nous avons pris a l'aube Ie chemin de la prison de Bourges, pour­suit Mme Salomon. A l'arrivee, on nous a parques dans la cour du Bordiot pour voir a combien de personnes se montait Le fameux bulin. En comptant soixante-dix en tout, Ie superieur de la Gestapo demande avec un sourire moqueut a ceux qui nous avaient arretes : « N'en avez-vous pas perdu en route ? » « Nous en perdrons bien encore queLques-uns ». Des cet instant, nous fumes separes de nos maris et je jus mise en cellule avec seize femmes et enfants. Inutile de mention­ner ce que nous avons souttert par une chaleur torride en plein mois

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de juill.ef et ce qu'un cceur de mere ressent quand son enfant a faim et qu'elle n'a den a lui donner.

Le Len demain, nous sommes mises au secret .. interdiction de com-muniquer. Nous nous demcmdons ce que ce.la veut dire. Nous ne devions pas tarder a l'apprendre. Dans une chambre ou siegeaient deux offi­ders de la Gestapo et une femme, no us jumes foulttees une a une. Les doublures fure:nt arrachees des vetements, les semelles enlevees des chaussures. On cherchait a~rgent et bijoux. Ils nous ont pris tout ce qu'its trouvaient. A un moment, j'entends ma petite fille jeter un cri d'effroi. je me precipite a son secours, et je vois que, lui prenant son sac a main, on fui avail pris egafement son certificat de prix d'excef­fence, cent francs et sa, petite montre dont eUe etail si fiere.

M. Krameisen, Ie seul homme ayant survecu au drame, temoigne Le len demain, 24 juillet, vers 13 h. 30, je fus, avec mes vingt-cinq cama­rades amene devant Ie bureau de la Gestapo allemande. Une camion­nett/a l'immatriculation franraise nous attendait ala porte, dans {'en­ceinte de la prison. Nous dtimes tous Y prendre place, mais nous etions tres serres. Puis la camionnette partit e.t prit la direction de Nevers.

Les gardiens, en uniforme allemand, au nombre de six, avaient pris place en avant de La camionnette ainsi que dans une petite auto­mobile qui suivait derriere. Par un interstice de la bache, je me rendis compte par les bornes kilometriques que nous allions en direction de Nevers. Cela ne m'intrigua pas trop, car avant Ie depart, des gardiens allemands m'avaient dit que nOl1s allions -etre transferes a Beaune Oll

dans la COte d'Or, OU ,deja des compatrio,tes nous av·aient precedes. Mais, apres avoir circuLe une douzaine de kilometres, la camion­

nette tournant a droite s'engagea dans un petit chemin. Elle fit ainsi un 'ou deux kilometres. Puis eUe stoppa. La petite voilure qui suivait passa 'alors devant la camionnette et continua a rouler apres qu' on eut descendll un homme en officier allemand et un civiL Comme il causail, l'otficier allemand lui intima'i'ordre de se taire. Puis Ie civil, en humant l'air, dit en franrais a l'officier que ra sentail mauvais dans les para­ges. Ces paroles nous intriguerent car nous avions compris qu'il s'agis­sait de corps de compatriotes extermines dans la region. Un quart d' heure' apres, la petite voiture revint et son conducteur fit signe a celui de La camionnette d' avancer et de Ie s~ivre. Us firent environ un kilo-

metre. Les femmes arretees etaient rest~es au Bordiot. Le 7 aout au soir

s~lon Ie temoignage de Mme Brunschwig, l'interprete allemand du nom de 'Muller entra dans notre cellule et demanda aux femmes sans enfants de se preparer pour Ie lendemain.

« Vous irez dans un camp »,dil-il. Le 8 aout, je descendis avec neuf de mes camarades de cellule dont une autre Mme Klein, qui etait

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catholique comme moi... je lui sign alai Ie cas de mon amie identique au mien et nous pfirnes toutes deux remonter dans nos cellules.

Le choix des femmes sans enfants, declare Mm(' Turckenkoff, s'est fait d'une maniere singuliere ... Mmes' Lang, Wolff, Strauss, Billou 'et

Smoliak, vraiment twns enfants se presentent. Mme Levy, mere d'une fil!e, Mme jeankelowitsch, mere de deux garfons et Mme Krameisen, mere de deux enfants, craignant pour l'existence de leurs enfants qui etaient a la campagne, se dirent sans enfants et elles furent considerees comme telles.

Toutes ces femmes allaient subir Ie me me sort que les hommes. M. Krameisen decrit de la fac;on suivante les instants qui precederent le4r fin dramatique : On fit descendre six hommes que ['on emmena en direction des baliments de la ferme que ['on apercevqit a deux cents metres a peine. Dix minutes apres, ce fut Ie tour de sept autres. Puis encore de six. Alors que ce demier groupe venait de partir, j'entendis du cOte des batiments quelques coups de feu ainsi qu'un bruit qui me paraissait venir de tuiles tombant a terre. A· ce moment, avec mes six camarades restant dans la camionnette, nons n'e(imes plus aucune illu­sion. Dans Ie but de fuir, r enlevai mes souliers.

Enfin Ie moment de descendre etait arrive. Apres avoir fail une cinquantaine de metres; alors que nous toumions sur la droite, je m'en­juis precipitamment a gauche dans les broussailles. Lorsque les gar­diens vinrent, j'avais deja fait une trentaine de metres. je me baissai et continuai a fuir en rampant. Les gardiens, croyant m'avoir touche et ne voulant pas non plus aba,.'ldonner les autres, n'insisierent pas. J'avais donc reussi a fuir. DifJerefJtes personnes de la region me recU'eit­Urent et c'est ainsi que Ie 12 septembre, je revenais a St-Amand.

Krameisen fit alors part a son entourage de la convidion qu'i1 avait que, Ie 24 juillet,. ses camarades avaient ete massacres dans les bois par les gardiens qui les conduisaient et que lui seul avait pu echapper au massacre par la fuite. On ne Ie crut pas. Le president du Comite Berri!!hon du Souvenir et de la Reconnaissance ecrit, dans un rapport qu'i1 a rMige sur cefte affaire : Le Comite entreprit des demarches. Elles etaient difficiles car Krameisen ne pouvait arriver a situer ,[' endroit exact oil ses camarades avaient eie descendus de la ca­mionnette. Ce point fut enfin situe ; c'etait pres de la ferme aban.don­nee de Guerry, commune de Savigny-en-Septaine. Le terrain, ecrivait en date du 9 novembre 1944 Ie Commissaire de la RepubJique a Orleans au Ministre de l'Interieur, fait partie du camp d' Avord. La ferme est siluee sur Ie terrain de la Commission d'experiences, perimetre stricte­ment militaire et dont ['acces fut, pendant toute ['occupation, interdit aux Franfais.

- .... ----...• --~:-;~,

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Dans la brochurte consacree par Ie Corhite Berrichon aces evene­ments dramatiques, Ie president retra,ce I'activite des recherches. Ce fut vers des puits situes sur Ie domaine de Guerry que I'at~.ention

des enqueteurs se porta. Le curage du puits N° 1 fut laborieux, ce puits ayant une profondeur de 35 metres environ ; Ies objets qui y ava:ient eft jeies et entasses couvraient environ dix metres de hauteur.

On fit d'abord appel au secours des pompiers de Bourges, sous la direction du commandant Hemery, puis ensuif1e a un puisatier spe­cialise, a qui furent d' ailleurs adjoints les pompiers pour faci/iter sa tache, car, outre Ie linge, les effets, les objets divers, it fallut sortir, . dans un air vicie par des l?;renades incendiaires jeiees pour aider a ta destructio:n, des pierres de gros volume, des portes entieres, des bidons de toute nature.

Les premiers objets personnels, linge, vetements, marJiettes, appar­ienaient pour la plupart, ainsi que Ie faisaient ressortir l'examen et l'inventaire, aux huil femmes israetites disparues.

Par la sIlite, on sortait du puils des objets, du linge et des vete­ments qui furent inventories comme ayant appartenu aux hommes israe­lites egalement recherches. La presence des hommes et des femmes dis­parus a la fume de Guerry etait donc bien confirmee. Il s'agissait de retrouver les corps des victimes.

Les recherchies se porterent vers un puits denomme N° 3, ou Ie puisatier avait pu amarrer un corps et signaler la presence d'un char­nier. D'autres cadavres y furent decouverts. Un crime sadique, conti­nue la brochure du Comite Berrichon, sans nom, avail eie commis ; l'examen des corps ret'res par la suite aurait demontre que les mal­heureuses viclimes avaient eie jeiees, pour la plupart, vivantes dans Ie puils ... La reconnaissance s' averail tres diffide, car les corps etaient en complete decomposition. Les victimes ayant eie basculees la tete /0 premiere. les visages n' avaient plus forme humaine, les cranes etaient defonces, pilisieurs ava:ent les membres superieurs casses et ,disloques.

Les corps des vingt-c:nq hommes partis Ie 24 jllillet de la prison ,de Bourges furent sortis du pUils ; non sans peine, car les Allemands .avec leurs satellites, desirant m:eux enfoncer les corps ou voulGiflt ache­ver ceux qui pouvaient encore vivre, precipitaientdans Ie puils des blocs de ciment et des grosses pierres pesant environ cif/quante kilos.

Enfin un troisieme puits, de,nomme puits N° 2, etait sonde. Sur Ie .treuit, des traces de balles etaient visibles et des taches, brunes etaient , relevees dans les memes conditions qu'a,u pUils N° 3, sur la margelle et .Ies asperiies .des pierres. L' odeur etait encore plus insupportable que lors de ['examen du puils N° 3 ... Des dispositions turent prises pour proced,,er a la' visite du pUils N° 2 oil I' on redoutail ,de .'etrouver les .corps des autres disparus. La premiere descente confirmait

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I~s ~up~osilions. Le premier corps retire fut celai d'une femme : it s ,aglssazt de Mme Krameisen, femme dti rescape ; puis en suite celut dun homme dans un tel etat de decomposition qu'it ne pouvait y a;voir de reconnaissance que par les effets. .

Plusieurs corps de femmes furent refires, puis Ie corps d'un hom,me d'aa1fres corps de femmes, puis enfin Ie dernier corps, baignant dan; l' eau, mieux conserve, permetta:i( /'identification immediate ...

Le bilan etaif pour Ie puils N° 2 de trois hommes et huit femmes. A leur propos la veuve d'une des victimes, Mme Rosenfeld, declmre : Le puits ~vaif 250 kilos de pierres et une bombe incen.diaire qui n'avait pas eclate: Les femmes avaient ete 'outragees, les seins coupes, ainsi que les CUlsses, Ie ventre ouvert. Elle ont eu les poignets coupes et ont ele mises nues.

. M. Jacquet, medecin legiste declare dans son rapport ne pouvoir dire, en raison de I'etat de putrefaction plus ou mains avance des vic­times ainsi que des blessures re~ues en tombant au fond des puits si ~lIes etaient vivantes au mortes lorsqu'elles y ant ete projetees. Ii crOlt, cependant, qu'elles devaient deja etlle mortes. Sur trois femmes seulement, iI a releve des traces de balles dans la tete. . . Ainsi donc.' Ie nombre total des ca(davres remontes des deux puits etalt de 36, chlffre can forme au total des personnes israelites arretees en deux fois a St-Amand-Montrond et disparues.

Voici les noms de ces victimes. On remarquera que ce sont en gr.anGe partie d;s vieillards ou des adultes ayant dapasse la cinquan­tame. II apparalt que les actes de barbarie auxquels i1s succomberent ant etc perpetres par la Gestapo et la Milice sur des innocents faute d'avoir pu se saisir des groupes de resistants qui operaient d~ns la region.

1. - Levy Salomon, ne Ie 6-9-1874, a Ingwiller (Bas-Rhin). 2. - Weill Gedeon, ne Ie 14-6-1893 it Ingwiller (Bas-Rhin). 3. - Klein Adolphe, ne Ie 26-6-1891 it IngwiHer (Bas-Rhin). 4. - Metzger Michel, ne Ie 21-2-1872 it Buwiller (Bas-Rhin). 5. - Wolf Felix, ne Ie 21-6-1877 it Hoenheim (Bas-Rhin). 6. - Kahn Lucien, ne Ie 4-12-1887 a Dettwiller (Bas-Rhin). 7. - Walewyk Marcel, ne Ie 30-6-1928 a Aix-Ies-Bains (Savoie). 8. - Strauss Simon,. ne Ie 8-4-1897, it Mommenheim (Bas-Rhin). 9. - Dreyfus Isaac, ne Ie 15-8-1859 a Soultz (Haut-Rhin).

10. - Grum~ach Elie Raym,ond, ne Ie 20-12-1902 a Porrentruy (Suisse). 11. - Halka~n Salomon, ne Ie 11-2-1892 a Schobin (Russie). 12. - Halkam Charles, ne Ie 10-1-1921 a Paris. 13 . .....:. Rosenfeld Alexandre, ne Ie 6-2-1903 a Coarrodera (Roumanie) 14. - Bernheim-Dennery Fernand, ne te 5-7-1868 a Rouen. . 15. - Levy. GalSton, ne Ie 1-II -1882 a N aney. 16. - Salomon Salomon, ne Ie 8-3-1901 a Strasbourg.

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17. - Nathan Leon" ne Ie 6-8-1876 it Paris. 18. ~ Jeankelowitsch Pierre, ne Ie 7-10-1890 a Nancy. 19. - Brunschwig Armand, ne Ie 19-10-.1871 a Loerrach (Bade). 20. - Weil Fernand, ne Ie 1-5 ... 1899 a Paris. 21. - Weil Edmond, ne Ie 4-12-1868 a Strasbourg. 22. - Smoliack Charles,. ne Ie 12-8-1890 a Paris. 23. - Mechel Marck, ne Ie 7-4-1904 a Livan (Pologne). 24. - Davidovici Mayer, ne Ie 3-8-1893 a Bucarest. 25. - Davidovici Sylvain, ne Ie 12-8-1928 a Paris. 26. - juda Georges, ne Ie 15-5-1893 a Bliesbriick (Moselle). 27. - juda Andre, ne Ie 26-4-1885 a Bliesbriick (Moselle). 28. - Le.vy Minar nee MaTs, Ie 10-6-1884 a Ingwiller (Bas-Rhin). 29. - jeankelowitsch Fanny, nee Blum, Ie. 20-7-1897 a Vierzon (Cher). 30. - Lang jeanne, nee Weil Ie 25-1-1876 a Reims. 31. - Wolf Alphonsine, nee Weil Ie 11-8-1891 it SirajSbourg. 32. - Strauss Colette, nee Ie 19-11-1926 a Paris. 33. - Krameisen Marthe, nee Kupferman Ie 23-1-1893 a Sinieva (PoL). 34. - Billou Germaine, nee Gutesmann Ie 30-11-1894 a Paris. 35. - Smoliack Blanche, nee Ie 4-11-1877 a Paris. 36. - Seiden Maurice, ne Ie 13-10-1912 it Rzeszow (Pologne).

LA ~UERIE DE BRON

A la suite du bombardement aerien du 15 aoOt 1944, qui pdt comme cible I'aerodrome de Bron, les autorites allemandes de Lyon eurent recours a desdetenus juifs de la prison de Montluc pour proceder au desamon;age des obus non eclates. Ces detlenus etaient pris dans la « baraque aux juifs » du Fort Montluc, dont Andre Frossard a raconte I'existence dans son ouvrage « La maison des otages » (Editions du Livre Fran~ais - Paris 1945).

Ces juifs fIHent tous extermines dans des circonstances que rap­porte Ie « Memorial de l'Oppression », rMige sous la direction du professeur Maze!, it la suite d'une initiative du Commifsariat de la Republique pour la region RhOn:e-Alpes (pages 47 a 50 fascicule 1).

M. Kor\rin-Piotrowski depose en ces termes sur Ie sort des vic­times de Bron : Detenu moi-meme a la prison allemande du Fort Mont­luc, j'y etais chef de baroque et affecte comme tel a fa baraque occupee par 70 prisonniers juifs. Le 17 aOtIt 1944, 50 de ces prisonniers ont ele extraits sans bagages de la baraque et emmenes par des camions. Aucun n'est revenu.

Le lendemain 18 aoiit, les 20 aufres prisonniers qui etaient dans fa bara..que ont eie cherches, egalement sans bagages, et emmenes en. ca-

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mion . comn:e les 50 de la veille. Tous les bagages appartenant aces 70 pnsonmers onf efe remis pall" moi, en tas, aux auto rites allemandes qui les ont demandes. Par la suite, j'ai appris, com me tout Ie monde q~'on a execute a Bron Ie 17 aout, 49 prisonniers juifs, Ie 50' nomm; Silber, ayant reussi a s'evader et que 20 autres avaient ete executes Ie len demain, 18 aolit.

M. H. Otto ~ssista alux travaux effectues par hI Israelites de Mont- ~ luc sur Ie terraIn de Bran. Des Ie 17 aolii, ecrit-i1, 50 prisonniers du Fort Montluc sont arrives sur Ie chantier pour y tlavaWer. NOlls avons accompagne ces wisonniers sur Ie lieu de lcur travail. Vers 12 hellres un prisonnier s'etant evade, l'adjudant a declare que, si thomme n'e/ai; {Jas retrouvi, ses camarades seraient fllsilies. Les Allema'tlds l' ont recher­che sans resultat. Le soir, a la fin du travail, les prisonniers sont remon­tes sur Ie camion pOllr regagner le.Fort.

A ce moment-Ia Ie major est arrive et a donne l'ordre de taire des­cendre les prisonniers et de les recondu:re sur Iln autre chanti~r oil per­sonne n'avait jamai.~ travail/e.

. Le .18 aou~ en arrivant au camp, j'ai demande a l'adjudant si Ies pTisonmers avatents travaille tard Ia veille.ll m'a repondu que cela ne me ~ega;dait pa.s et que I'affaire itait classee. Quelques instants pIllS tard, II m a al'ertz que les prisonniers de Montluc venaient d'arriver.

ie croyais qlle c'etaient les memes que la veille. J'ai ete surpris d'en compter seulement 23; il n'y en aMit aucun de la veille. Nous avons conduit les 23 prisonniers sur Ie chantier et, pendant Ie travail ;' af remarque' que l'un di eux avail les deux bras cntoures de panse~e~ts. fe.llIi ai demande ce qu'il avail; il m'a repondu qu'il etait blesse par S11lte des mauvais. traitements reflls au Fort Montluc. J'ai informe l'adjudant qll'un prisonnier etail blesse et que, de ce fait, il lui etuit penible de .travail/er. L'adjudant m' a regarde en sauriant et m' a repondu que, Ie sOlr meme, il n' aurait plus mal et a ajoute : « As-tu compris maintenant oil sont les autres ? ».

La journee s'est passee normalement jusqu'a 18 heures. A ce mo­ment-Ia l'adjudant a demande 20 soldats volontaires pour Glccompagner I~s prisonniers. ees soldats etaient

l contents et exprimaient par des

Tires leur satisfaction d'aller « fa:re de la musique ». lls ont charge les prisonniers sur Iln cam ion, en les battant a coups de cravaches et de crosses de fusils.

Le camion a pris la meme direction que laveille . il etait suivi d'un autre cam ion transportant les 20 soldats. Arrives a'l'endroit indi­que par Ie chef les prisonniers et les soldats sont descendus des vehi­cules ; comme il y avail un camion en trop, j'ai demandea l'adjudant si je p()urrais repartir avec; il m'a repondu : « OUi ». ie suis rentre chez moi.

Le 19 aout au malin, l'adjudant a raconli a un sergent comment , l'execution avail eu lieu; je ne pouvais me tenir a proximite d'eux,

mais j'at vu l'adjudant faire les gestes d'un hom me qui vienf d'etre frappe et qui toume sur lui-meme avant de tomber a terre.

Vers 9 heures j'ai rappeie a l'adjudant qu'il fallait aller chercher Ie cate pour les travailleurs ; il m'a repondu que la chose la plus pressee etai! d'aller chercher un camion de terre. ie l'ai accompagne a cette corvee et nous avons amene Ie camion de terre, au meme endroi! oil les 23 prisonniers de la veille ava;ent ete conduits. L'adjuda'nt est descendu seul du camion, s'est approche d'un trou, y a fait glisser un peu de terre avec son pied; ensuite, il nous a ordonne d'amener Ie camion en recula.,nt et de verser la terre dans Ie trou. . ie suis certain que les 72 prisonniers n'ont pas regagne Ie Fort

Mont/uc et qu'ils ont eli executes sur Ie terrain d'aviation. Cette declaratiofl est confirmee par les indicatiqns du rescape Sil­

ber : Le 17 uout, a 9 heures du matin, Witmayer est arrive, appelant 50

d'entre nous, dont deux etaient catholiques. A la derniere minute, les Allemands remplacerent les ca.tholiques par des fuifs. lls nous ont con­duits dans deux camions au camp d'aviation de Bron. La, ils nous ont faif placer trois par trois et conduits, sur fa pisfe, oil nous avons d.U ex/raire du sol les bombes non eclatees, lancees par la R. A. F. troIs jours plus tOt. Parmi nOlls se trouvaient

- Le rabbin Dominitz, 60 ans ; - Buschamin Raymond, 16 ans ;. - Levy Alfred, 14 ans ; - Olschitzki Albert, 17 ans. Nous avons fravaiUe jusqu'a midi et demi, heure a laquelle on ~ous

a conduits dans un hangar pour prendre un repas. A quelques metres de la des requis fibres achevaient de dejeuner. C'est a ce moment .q~e je me suis glisse derriere Ie gardien et que je me .su:s l~ele A au.x clVIls libres. ]'ai saute sur un call1ion, esperant qu'il partlfalf. blCn~ot , quand j'ai compris qu'il sfationllcrait la longtemps e~~ore, Je ~lllS descendu et, marchant a travers champs, j'ai atteint Decmes opres une course de sept kilometres.

Voici, maintenant ce que m'a dit M. Korvin, chef de baraqu:, des Israelites, mais catholique lui-meme.

L~ 19 au matin les Allemands sont venus chercher les bagages de tous les prisonniers. Le meme jour, apres-midi~ u~ s(}/~at. allemand du bureau du Fort, a dil etu chef de baraque q~! s mqUletmt ~e leur sort : « Les 22 qui ont ete appeles hier sont all clel et les50 d avant-hier y sont aussi ». , .

Sur ces 72 hommes, quelques-uns fa'isaient partie de la ReSIstance, mais la plupart ont ete tues pour motif racial.

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. .Ces victimes avaient ete, avant leur execution, J'objet de sevlces amsi que Ie precise Ie tC.moin B.erruyer : Sur Ie soir, au moment oil Ie; pris?nniers etaient changes de chantier ei qu'Us montaient sur Ie camion un sous-officier tapait a grands coups de pied sur un vieillard de 65 ans, prisonnier, qui avait travaille toute la journee et qui eprouvait des difticultes a monter sur Ie camion.

Donc, 73 Israelites avaient ete conduits de Montluc a Bron 50 Ie 17 aoOt, 23 Ie 18. L'un d'eux etait parvenu a s'enfuir. '

Des recherches faites apres la Libemtion, permirent de decouvrir, dans des entonnoirs. de bombes, cinq charniers sur Ie terrain de Bron dont trois, les charniers C, D, E, renfermaient 73 corps dont un de femme. Les temoignages rapportes ci-dessus permettent d'etablir que ks 72 cada'Vres du sexe masculin de·couverts dans les charniers C D E etaient bien ceux des prisonniers extraits les 17 ,et 18 aoOt 1944' de' la baraque aux juifs de Montluc.

II y avait Ill. des hommes de tous ages, des adolescents de 16 ou I? ans, de~ vieilla.rds, dont Ie plus age avait 74 ans, des juifs d'ori­gme franc;alse, nes a Paris, a Lyon ou dans les departements de l'Alsace ('t de la Lorraine ; des refugies allemands ; des juifs et.rangers, certains naturalises, nes en Turquie, en Pologne, ou originaires du Maroc de ia Tunisie et de la Palestine. '

Les conditions exactes de ieur mort n'ont pu eire determinees avec une pre~ision tres grande par Ie m&decin-Iegiste, en raison de leur sejour prolonge sous la terre. Cependant Ie docteur Bourret ecrit, dans Ie rap­po.rt genera.1 qu'il a dresse relativement aux 109 cadavres que conte­nalent les cmq charniers de Bron : Tous les cadavres exhumes portent I:.~ traces .pa:faite/~ent visibles de blessures par coups de feu ; 880nt ete frappes a l~ tete et presentent, a l'exclusion de toute autre plaie, d~s ble:ss~res cra~o-encephaliques transfixiantes au penetrantes, qui ant· de~ermtne !e tres larges eclatements de la vOllte, de la base du c~a~e et meme, pour quelques-uns, des os de la face. L'importance des leSIOns osseuses et cerebrales ainsi realisees montrent avec evidence que la mort est survenue de fafon immediate au, du moins. dans des delais certainement tres brefs.

- 21 ne presentent aucune plaie crdnienne. 12 d'entre eux ant refU une ou plusieurs baUes a hau:teur du thorax au de l'abdomen . 9 ont ete blesses au niveau du cou et certains meme montrent de ve;itables eciatemenfs des vertebres cervi cales superieures ...

- L.e cadavre W 61 (if s'agit d'un Juif non identifie decouvert dans Ie charmer C), seul, presente des particularites qui ne laissent aucun doute sur Ie fail que, vivant encore, if a ete· enterre, la cavite buccale, Ie pharynx et Ia partie superieure du larynx sont entierement oblures par ~e la ter~e, qui n'aurait pu penetrer en quantite si importante et aUSSl profondement dans les voies a:eriennes apres fa mort. II est neCfS-

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saire que soient intervenus de violents mouvements inspiratoires,. dont la blessure legere que portait la victime a l'epaule laissait encore l'en­tiere possibilite.

... L' etendue des eclatements crdniens laisse supposer que Ie plus grand nombre des baUes fut tire a courte distance par des revolv!!rs ou des mitraillettes ou meme, a quelques. metres, par des armes plus puissantes, fUsUs ou mousquetons.

L'etat d'esprit des Allemands qui procederent a ces executions se manifeste parfaitement dans une reflexion que fit un soldat· de la Wehrmacht Ie lundi 21 aoOt, au moment des executions de prisonni,ers non-juifs. Comme Ie temoin Bouellat disait a une sentinelle : « C'est malheureux ce qu'i1s font la-bas, tuer des hommes ainsi... », l'AlIemand lui repondit : « Ce n'est rien, c'est des juifs, c'est bon a faire des. sau­cissons pour des chiens ».

* ** Sans qu'i1 s'agisse d'un drame specialement juif, celui de St­

Genis-Laval,au cours duquel un certain nombre parmi les derniers occupant.s du Fort Montluc trouverent une mort atroce, carbonises, apres avoir ete fusilles au Fort Cote-torette, a fait de nombreuses victimes juives. Le temoin Werlhen, qui avait echappe au massacre, s'exprime en ces termes sur I:es femmes juives qui furent vidimes de ,cette tuerie.

Deux femmes ayant entendu qu'U y avait quelqu'un sont entrees egalement. C'etaient deux petites juives de 18 et 22 ans. L'une d'elles m'a dit « Avez-vous les mains liees ? » ]'ai repondu « Oui ». Elle m'a defait la ficeUe. ]'avais les mains libres .

... Nous etions done caches dans Ie cagibi ; j'ai ete colle contre Ie mur, quand je vois Ie sang des camarades qui nous couiait sur la tete ... La tuerie d' en haut etait terminee ... Avec les 50 qui r:estaient, Us sont dUes a droite ... La tuerie finie, nous sommes restes un quart d' heure ... Pendant ce quart d' heure, on a entendu un Allemand dire : « Partir, partir >c ...

j'ai vu se promener un Allemand avec un grand bidon d'essence, comme les bidons· d'essence de reserve de voiture. On s'est dit : « On s' est sauve jus que la, mais on va y passer dans les flammes parcel qu'ils vont y mettre Ie feu ». A ce moment la ... un jeune de 20 a 22 ans est entre et, de suite, if vint a la cellule oil nous etions caches. Il avail la mitraillette a la main ... La petite Juive est sortie avec rnoi ; eUe s' est mise a genouoX en criant : « Ne tirez pas. »

On ne connait pas Ie nombre exact des victimes, des fragments humains seuls ayant ete r.etrouves. La; decouverte d'une chaussure d'en­fan,t permet de croire que parmi les victimes 'se trouvait un enfant que

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tout porte a croire juif. Quant aux 16 corps qui, bien que calcines, ont pu etre identifies, on trouve, parmi eux, ceux de :

Hencinski Paul,. ne Ie 16 mars 1906 a Lodz (Pologne), De Boton Yves ne Ie 25 septembre 1907 a jaffa (Syrie), Sontag Yetti jeannine, nee Ie 14 juin 1925 a Zurich (Suisse), Levy Simone-Claude, nee Ie 15 septembre 1923 a Paris (6").

Nous ne mentionnerons pas les crimes commis sur des juifs arre­tes pour leur participation aux mouvements de Resistarnoe, et non pour motif racial. IIs furent nombreux dans la region Iyonnaise et dans la region dauphinoise. C'est paree qu'i1 etait a la tete du mouvement « Franc-Tir,eur » que Ie Professeur Marc Bloch fut execute, avec 27 camarades venant de la prison de MontIuc, a St-Didier-de-Formans (Ain).

Nous etudierons maintenant les crimes commis sur des Israelites aux lieux memes de leur arrestation.

LES MASSACREs D'ISRAELITES EN DORDOGNE

Entre Ie mois de mars 1944 et Ie mois d'aout de la meme annee, les troupes d'occupafion allemandes ont deploye dans Ie departement de la Dordogne une activite criminelle particulierement vigoureuse. lis s'en sont pris aux populations soup~onnees de ravitailler les maqui­sards, et leu~s mefa'its se son! plus particulierement diriges contre les juifs refugies dans cette region. Partout oit iIs n'ont pu mettre a mort les Israelites, les AHemands et leurs complices de toutes natures se sont livres au pillage et a I'incendie de leurs demeures.

Urie note rMigee par Ie Service regional de Recherches des Crimes de Guerre de Perigueux, en application d'une circulaire du Ministre de la justice N° 716 du 29 novembre 1944, donne les renseignements sui­vants, a la date du 27 decembre 1944. On y verra l'action systematique­ment. organisee d'assassinats des juifs qui avaient pu echapper aux deportations successives.

CaJIlton de Saint-Astier

Commune de Annesse et Beaulieu : Le 9 avril 1944, des mililaires des troupes d' occupation ont tusilLe

dans un bois en bordure de la route nationale 710 Ie nomme Zurka Benjamin, ne Ie 20 aoul 1914 a Paljanice (Pologne), domicilie a Peri-gueux, 17 rue du Bac. .

Commune de Razac-sur-I'Isle : Le 15 juillet 1944, six personnes ont ete fusillees au lieudil « La

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Cave ». commune de Razac-sur-I'Isle, par les Nurd~Africains et ies­Miliciens de Perigueu,x. Il s'agit de Zameck, Leroch, Zermann Israel, Kociolek Jechiel, Kociolek, Herz Leib, Heymann Andre, Blum Wolf. .

Ces personnes ont ete arretees a leur domicile et transportees en call1ion au lieudil « La Brande ». a proximite de la slation de « La Cave ».

Canton de TheDon Commune de Sainte-Orse :

C' esl Ie 1 er avril 1944 que Ste-Orse connut Les barbares nazis. Vel'S huil heures du matin, ce jour-La, deux cents soldats allemands composes surtout de SS de La division « B » cernerent la ville, en interdisant la sortie. Des perquisitions commencent, on recherche sur­toutles Juifs qui sont conduits Ii La mairie. £'un deux, M. Cahen Abraham, qui n'est pas en possession de ses facultes mentales, essaye de retenir la porte mais les Allemands penetrent tout de meme. Cahen s'enfuil en hurlamt. Il est abattu d'un coup de fusil devahf sa porte .. Sa smur est arretee. On n'a plus eu de ses nouvelles depuis. La maison occupee par ces deux personnes est incendiee apres avoir ete devalisee.

C'est Ie meme sort qui attend M. Moch, ISfQelite strasbourgeois refugie a Ste-Orse depuis 1939. II occupe u.ne maison... (qui) sera incendiee apres avoir ete pilLee.

Mach et ses deux fils sont amenes a la mairie et sonl fusilies. Sa femme, sa belle-fille et l' enfant de cette derniere qui n' a pourtant que cinq ans sont emmenes. On n'a pLus eu de nouvelles depuis.

Au village de Rosas, des Israelites ant pu se sauver a temps de fa maison qu'ils occupaient... Elle est pilLee et incenmee. Quelques. mitres Juifs sont pris.

Tous ces mafheurellx sont emmenes sur la route de Orange d'Ans, (1 que/que trois cents metres du bourg ; its sont executes sur Ie terrain de sport de la commune. TOlltes leurs familles sont deportees. A 14 hel1res, les SS quittent fa localite.

Canton de Thiviers

Commune de Corgnac-sur-I'Isle :

Dans la soiree du 29 mars 1944, un detachement commande par Ie general Brenner, appartenant it la division « B », a procecte a des at:res­tations. Dans la soiree, trois personnes ont ete fusillees. Parmi eIles, se trouvait M. Leibovici Michel, 65 ans ; c' est sans doute sa confession israeli'te qui a motive fa mort de Leibovici. Il etait employe en qualite de menuisier chez M. Jannet a Excideuil.

M. Meyer Jacques Pierre, Israelite, employe de commerce a Cor­gnac-sur-I'Isle, a eft! egalement fusille ce meme jour dans les conditions suivdntes : durant toute la journee, il fut conduit en divers endroits

·l

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pour montrer aux Allemands les emplacements du maquis. II fut abattu par derriere a une heure non precisee a quatre cent metres environ au nord de la gare de Thiviers. Les corps de ces personnes portaient ies traces de nombreuses balles, mais ne semblaient pas avoir subi de mauvais traitements.

Commune de N antheuil

Le 29 mars, vers 18 h. 30 une voiture allemande transportant plusieurs militaires et des civils, s'est arretee a environ trois cents metres du village des « jassonies », commune de Nantheuil. Pen de temps apres, on entendit plusieurs rafales de mitraillettes et fe 30 mars, on decouvrait a cet endroit les cadavres suivants :

Becker Sylvain, 31 ans, demeurant a Ligueux. Becker julien, 30 ans, demeurant a Ligueux. Kahn Marcel, 50 ans, demeurant a Sorges. Les corps n'etaient pas mutiles, mais portaient de nombreuses tra­

. ces de balles et avaient ete tues par derriere. Un mois plus tard, on decouvrait dans un taillis non loin de la, Ie

cadavre de M. Weill, age de 48 ans, tue dans les memes conditions que les precedents.

Ces quatre personnes de confession israelite avaient ete arretees a leur domicile Ie 25 mars 1944. Ce sont des militaires de fa division « B » qui ont pro cede it' ces assassinats.

Canton de Bramome Commune de BranfOme :

Comme, Ie 25 mars 1944, une voiture allemande transportant trois officiers <wait ete attaquee a BrantOme par des membres des F. F. I., les Allemands dirigerent Ie lendemain, 26, une expedition punitive contre cette ville. On arrete en particulier tous les passants, qui sont gardes dans un fosse pres des lieux de I'attentat de la veille. Parmi eux un Israelite, M. Kichler, qui revient d'un match de football est aussi arrete et mis dans Ie fosse. Las de se tenir debout, if met son pied sur Ie rebord du fosse et est immediatement abattu par un soldat allemand. II est interdit auvc aut res detenus de toucher son cadavre. La blessure refue par M. Kichler n'aurait pas ete mortelle si les Allemands eussent tolere que des soins lui fussent donnes. Contrairerncnt a cela, ses cama­rades durent assister, impuissants, a son agonie qui dura plus de deux heures et fut atroce. Vers 18 h. 30, if expira.

Le len demain, des militaires de la division « B » arriverent it nou­veau it Brantome et s'y Iivrerent it de nouveaux assassinats. Quatre Israelites domicilies a Brantome fUl·ent arretes et immediatement fusil­Us. II s'agit des nommes Blum Salomon, Heymann Pa.ul, Weill Fer­nand, Levy Charles. D'autres cadavres ont ele par la suite trouves en

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divers endroits de Brantome. M. Lapeyronie, cultivateur a Cinsac, a eie execute au Iieudit Puy Laurent, commune de Brantome, ainsi que MM. Bonem jules, Ledermann Armand, Baer Guillaume; tous les quatre Israe­lites domicilies a St-Pancrace. Au lieudit «Gourdon », on a retrouve trois corps, dont celui de M. Dreyfus Marc.

Canton de Terrasscl'D.

Commune de la Bachellerie :

Une expedition de represailles fut organisee par les Allemands Ie 30 mars 1944, a la suite de I'enlevement par les groupes de Resistance de la femme du chef departemental de la Milice. Partout ou it y a des juifs, les Allemands veulent mettre Ie feu. M. Laugenie (Ie maire) parvient a les calmer en leur prouvant que ces gens ne sont que des locataires et que les logem.ents qu'ifs occupent ne sont pas leur pro­prieie... Toutes les personnes arretees sont gardees dans Ie preau de !'ecole. M. Laugenie essaye de sauve,. Laroche MOise qui a ete arrete . II veut montrer que, malgre son prenom, cet homme n' est pas jUif. II est vertement rabroue ...

Les femmes et les juifs sont envoyes dans un pre. Les autres hom­mes restent aunombre de dix ; ifs traversent la ville sous escorte et sont emmenes au lieudit « La Genebre ». Lentement, its gravissent un sentier rocail/eux, abrupt au flanc d'une colline. Arrives a la lisiere du bois, tout en· haut du sen tier, its doivent se mettre sur un rang et Ie massacre commence. Ceux de gauche sont les premiers abattus tan dis que ceux de droite s'ecartent pour echapper a cette vision d'horreur. lis sont a leur tour fusilles par deu.x tueurs de la Gestapo.

Outre quatre victimes non-Juives, on trouve : Acsel Marcus : 48 ans, Apelgot Mendel: 46 ans, Gold Rubin: 72 ans, Netter Charles: 46 ans, Vogelhut Charles : 15 ails et son frere Bernard 14 ans. Gerst Maurice qui a servi d'interprete toute la journee est a son tour fusille au lieudit « Le Moulin du Muguet ».

Borenstein julien, Gran Naphtali, Schenkel Nathan qui avaient essaye de s'enfuir ont ete repris et fusilles Ie premier sur Ie terrHoire de la commune de St-Rabier, les deux autres au cimetiere d'Azerat.

Commune de Grange d' Ans :

A Grange d'Ans, les nommes Grambaum et Cohen sont fusitUs dans Ie cimetiere d'Azerat. M. Cohen etait ampute du bras et de la jambe droite. II est cllevalier de la! Legion d'Honneur et. pensionne a 100 % pour faits de guerre.

Canton de Savignac-les~Eglises

Commune de Sarliac-sur-I'Isle :

Le 29 mars vers 8 heures, un detachement allemand compose d'en­viron une centaine de velliCIIles automobiles est arrive au bourg de Sar-

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liac-sur-I'Isle et a immediatement demande au secretaire de mairie de lui co'mmuniquer la liste des juifs habitant la commune. Vne voiture fut alors depechee au lieu,dit « La Bulgerie » commune de Sarliac-sur­l'Isle chez les epoux Schwob, dont les deux enfants etaient sortis. Tandis que la temme etait con.duite au domicile du moire de la com­mune, Ie mari etait emmene dans un petit bois en bordure de la route nationale 21, a trois cents metres de sa demeure.

S'etant rendus au village. des Piles, commune de Cornille et de Tre­lis sac, les militaires allemands l' ont encercle... lls se mirent alors a proceder a des arrestations ... II en tut de meme du juif Rutka, tue a son domicile ...

A Chartiers, ils arrete rent au passage M. Friedmann. La femme de ce dernier ayant fait transporter Ie corps de son malheureux mari qui avait ete fusilie dans l' apres-midi, fut dbattu'e Oiussi avec ses deux enfants. Apres quai, l'immeuble qu'occupait cette tamille tut incendie, carbonisant les corps des quatre victimes.

Canton de Salignac Commune de Salignac :

Le 31 mars 1944, une colonne allemande de la division « B »

arrivant a Salignac cerna cette localite. Vne centaine de personnes furent arretees et conduites sur une place ou elles turent soumises a une touille minutieuse; Elles turent toutes relachees par [a suite, a l' exception de deux Israelites, res nommes Krajsztejn Israel, ne en 1903 a Varsovie et Loeb Max, ne Ie 20 mars 1895 a Mannheim.

Conduits dans un camion, ifs turent diriges vers une destination inconnue. Le l er avril, leurs cadavres turent decollverts au lieudit « Pech­magou », commune de jayac.

Canton de Jumilhac Commune de Hautefort :

Le 2 avril 1944, Hautetort refut la visite des policiers allemands de Perigueux, venus chercher les juits. Des leur arrivee, its om prie Ie maire de la commune de bien vouloir convoquer a la mairie les gen­darmes de la brigade, ce qui fut tait. Des leur arrivee ces derniers refu­rent l'ordre d'accompagner les Allemands au domicile des juits et it I'hopital oil trois d'entre eux etaient en traitement.

Accompagnes de M. Hospital, secretaire de mairie et d'un gendarme de la brigade d'Hautetort, trois soldats en armes se rendirent dans cet etablissement et demanderent a la smur Saint-M(chel de leur indiquer la chambre des juits sus-mentionnes.

Ces derniers furent fouilLes, puis invites a suivre les militaires. Charges sur un camion oil etaient deja d'autres personnes arretees dans

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Ies Localites voisines, ils furent emmenes en direction de Badetols d'Ans.

Ce camion revint quelques instants apres et ,les soldats se tirent conduire chez M. Cahen jerome et l'arreterent ainsi que sa femme.

D'autre part, certains Israelites ayant reussi it s'entuir, Leur domi-cile fut pi.l!e. ,

Vers 20 heures, les Allemands quifterent la locatite. Le lendemam, dans un champ en bordure de la R. N. 62, on decouvrait les cadavres des personne's 'arretees. Les victimes sont

Cahen jerome, ne en 1877 a Metz. Raphael Gaston, ne a Mittelbronn. Wolf Samuel, ne Ie 9 mars 1866 a Mertzwiller. Kohn Abraham, ne Ie 22 janvier 1894 a Nieschava. Quatre autres Israelites turent tues dans les memes conditions Ie

meme jour a Tourtoirac. Ce sont Les nommes : Kohn jacques, ne Ie 2 novembre 1926 it Paris. Ulmer Maurice, ne Le 27 mars 1880 a Hattstadt. Hess SamueL ne Le 4 avril 1871 a Haguenau. Kauffmann Henri, ne Le 9 tevrier 1887 a Hauguenau. Commune de Nailhac : Le 1 er avriL 1944, des militaires alleman.ds .'Ie sont pr~sent,es ~hez

M. Huguet, bouLanger a Nailhac et, apres lui avoi~ ~em~nd~ .Oll ~e trouvaient ses voisins, res epollX Andermann, de relIgIOn Israellte, lis

, se sont rendus au domiciLe de ces derniers et, en leur absence, ont brise la vaisselle et ant derobe tout ce qui leur a pill.. Dans cefte meme com­milne, au lieudit « La Baronnie », ifs ant incendie line maison apparte­nant a M. Cheyrollx de BadefoLs d'Ans et habifee par M. Levy.

Canton d'ISlMgnac Commune de Lisles

Le 21 jilin 1944, vers 10 heures, des Allemands et des .milici.en~ sont arrives au bourg de LisLes qu'ils ont cerne apres avoir .mterdlf a la popuLation de sartiI' des maisons. Cependant un .certat~ nombr~ d'habitants ant reussi a s'enfuir dans La campagne apres avOtr essuye pLusieurs coups de feu. M. Zins, Israelite ,de. nati,o~ali~e etral1gere, effraye, s'etait cache chez M. Mitou jean, all IL a ete deco.ll.v:rt s,ous I'escalier. Apres ['avoir roue de coups, un Allemand et un mlLlClen L ~nt emmene dans une ruelle oil ifs l'ont encore frappe, puis da'ns un camlOn oil il tut a nouveau soumis au supplice de La JLage~Lati?n. Se.s vetements furent dechires et il fut reconduit chez lui all, o~ L o?L~gea ,a en ~rendre d'autres. Jl avait La face ensa'llgLantee et etmt deja meco~nQlssable: II tut a nouv£;au frappe par Le nomme Wingler,. agent de La Gest~po qUI ne s'arreta que sur L'ordre d'un milicien s'ecnant : « Assez, IL en a qssez ».

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Zins fut alors emmene dans Ie cam ion et trois jours apres on retrouva son cadavre sur Ie territofre de la commune de Bissac. La victime etait nee Ie 19 juillet 1896 a Piscorawice (Pologne).

Canton de Perigueux Commune de Chateau-I'Eveque : Le 29 mars 1944, les troupes allemandes ont fusille dans les bois

de Mesplier, commune de Chdteau-l'Eveque, cinq Israelites dont les noms suivent : Kinstein Louis, 73 ans ; Cardberg Molse, 62 ans, Linz Joseph, 49 ans, Kronenberg .Tacques, 68 ans, Epstein Marcel, 59 ans.

Canton de Domme

Communes de Cenac et de Domme :

Le 26 juin 1944, vers 16 heures, un autre detachement de cette colonne (une colonne allemande venant de Sarlat) arriva a Cenac et a Domme. La population de ces deux communes avait fui da'ns les bois, cependant les soldats tiraient sur tous les passants, bombardant les maisons en passant la riviere. Au cours de la journee furent tues : MM. Hugo pere et fils, M. Vidal et Marx Jacques.

Le 28 juin, certaines maisons furent livrees au pillage, Ie restaurant Durand detruit a la bombe et des morts furent trouves apres Ie depart de fa colonne. II s'agit de deux inconnus et de MM ... Weyler,. .. Bouts, Marx, frere du precedent et Helbrunn.

LES MASSACRES DE JUIFS DANS LE DEP ARTEMENT DE L' AIN

La regIOn occidentale du departement de rAin forme une plaine a la population rurale assez disseminee, en dehors du chef-lieu Bourg. Les Juifs y etaient tres rares avant 1939. lIs vinrent s'y refugier d' AI­sace ou de Lorraine des Ie debut des hostilites, puis de la region pari-

'sienne en j uin 1940 ou un peu posterieurement, lorsque les grandes rafles de Juifs commencerent en zone occupee. Ces Israelites vecurent assez paisiblement dans l' Ain. Mais a la fin de l'hiver de 1943 et au printemps 1944, ils furent I'objet de massacres de la part des troupes d'operation allemandes, qui poursuivaient les maquisards et qui profi­taient de cette. tactique pour abattre des Juifs lesquels ne participaient en rien a l'action militaire de la Resistance. En suivant les indications fournies par Ie fasdcule N° I du « Memorial de I'Oppression », nous indiquerons, commune par commune, les massaCles commis dans Ie departement de l' Ain et dont les victimes etaient juives.

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/Arrondissement de Bourg

CANTON DE BAGE-LE CHATEL

Saint-Laurent :

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Le 13 aout, 10 personnes sont arretees au cOU/'S d'une rafle. Parmi eUes, dellx sont liberees en aout ; cinq sont deportees en Allemagne ; trois aut res, Levy Alfred, 52 ans, levy, Charles, 16 ans fils du prece­dent, Buschballm Raymond, 17 O'1S, son neveu, sont ulteriellrement tllsilles a Bron.

CANTON DE BOURG Bourg:

7 Israelites, arretes au cours de cette rafle (Ie 10 juillet 1944) son! a'battus a Marlieux Ie 14 juillet. Les cadavres de 10 autres personnes, arretees Ie meme jour, sont decol/verts Ie 20 juillet, a la lisiere de la toret de Seillon, a quatre cents metres environ du cafe du Stand. En bordure d'un chemin forestier, dans une tranchee profonde de 1m. 50 environ, les corps gisent pele-mele, la tete, Ie thorax et les membres cribICs de balles.

Sur ces dix cadavres, sept sont des Israelites. Ce sont : Blum Leon 75 ans domicilie a Bourg, rue Alphonse-Baudin ; Levv 'Gast~n 54 a~s, gendre du precedent, ingenieur a Bourg Levy Jean-P~ul, 20 ans, fils de Gaston, etudiant en phar~a.c~: Abecassis, Chao, 55 ans, representant de commerce, domlcllie rue

du Gouvernement a Bourg ; Zerbib Isaac, 44 ans, forain a Bourg; Liaser Hai'm, dit Charles, 54 ans, negociant a Oyonnax Schnerb Charles, 32 ans, employe de bureau a Bourg.

Peronnas. Le 13 juin 1944, apres Ie passage d'une voitllre allemande, decou­

verte au lieu dit : « Le Thiolldet », d'lln cadavre crible de baUes. Il est identifie ulterieurement comme eclui de Promt, 65 ans, Israelite hollandais, arrete a Vonnas par les Allemands.

Saint-Remy : Le 13 juin 1944, vers 20 heU/'es, plusieurs coups de feu tout ~ro­

ches sont entendus par les habitants du hameall de Bellevue. M. ~Ize­roud, tonnelier a Bourg, 6, rue Alphonse Mas, qui se. trouve a ce moment dans la ferme de Mme Nevoret, sort sur Ie chemin pour se ren-dre compte de l'origine de ceUe fusillade. ,

II voit passer deux automobiles contenant, ['une des grades alle­mands l'autre des miliciens. Apres leur depart, il se rend a· l' endroit d'ou I~s coups de feu s'etaient fait entendre. II se trouve en fa.c~, de trois victimes ; la premiere, dans Ie fosse ; la deuxieme et la trols.leme dans Ie pre, en bordure du chemin. Les deux premieres vicfimes,. Iden­tifiees depuis, sont MM. Joseph Charles et Bernheim Claude ; lIs ont

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cesse de vivre .: ils ant reru chacun une baUe de revolver de gros cali­bre, tiree par derriere dans la nuque.

Quant a La troisieme, en entendant parler franrais pres d'elle, elle se dresse sur son seant, l'air hagard, en criant « Sauvez-moi, sauvez­moi ! » II s'agit de M. Aboueaya Martin, 60, ans, lIegociant a Marseille. La baUe qu'il a repu dans Le COU, par derriere, n'a atteint aucun organe essentiel ...

Dans la nuit, A1. Aboueaya, soutenu par M .. Lizeroud, peut se rendre en lieu sur a St-Andre-sur-Vieux-Jonc d'abord, puis quelques jours apres a jasseron, alors occupe par La Resistance .

Les trois victimes, de race juive; avaient eie arreiees dans fa jour­nee du 13 juin a Vonnas, loealiie oii elles s' etaient refugiees depllis quelque temps.

Servas : Le 9 juillet 1944, est decouvert, dans lin etat de decomposition

avancee, Ie eadavre d'un inconnu, vraisemblabLement Israelite, age de 30 a 40 ans. D'apres Le medecin, la mort remonte a une quinzaine de jours ; des paysans, voisins de l' en droit Oil la victime a ete retrouvee, sc rappellent avoir Vll circuler des autos allemandes; une fillette a entendu des cris.

CANTON DE COLlGNY

Villemotier Des renseignements recueillis par la Sous-Direction du Service de

Recherche des Crimes de Guerre (dossier 52-2069), il resulte que, Ie 19 mai 1944, vers 7 heures du matin, un detachement allemand, venant de Verjon, passe it Villemotier. L'un de leurs camions se dirige vers la ferme Saint-Germain, qui appartenait au COl1sistoire Central des Israelites de France. 7 j eunes gens et deux femmes, tous Juifs, s'y Iivrent it I'agriculture.

Des I'arrivee des Allemands, les habitants des environs ne tardent pas it entendre des coups de feu. Trois jeunes gens, identifies par la suite : Schwalb Jean, 34 ans ; Aron Wolf, 26 ans ; Horovitz Raphael, 17 ans, sont tues. Les Allemands s'emparent de quatre autres personnes vivant it la ferme. lis s'en retournent et, it la mairie, donnent au garde­champetre I'ordre de faire surveiller la ferme St-Germain et de garder Ie corps des jeunes gens qui avaient Ne tues dans la matinee. Le garde se rend it la ferme et constate que rien n'a ete emmene.

Dans Ie courant de I'apres-midi, vers i 5 heure~, un camion revient it la fenne, ramen ant sous la surveillance de g~rdiens allemands, Meyer Roger, 23 ans, et Cwang Charles, 18 ans. Les Allemands donnent au garde-champetre I'ordre de rejoindre la mairie de Villemotier et lui fixent un rendez-vous it la ferme dans la soiree. A 17 heures, ils viennent I'avertir it la Mairie qu'i1 peut it nouveau se rendre it la ferme pour y

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enlever deux autres corps. Le garde a pu remarquer alors que Ie cam ion allemand etait charge de betail et de denrees alimentaires.

De retour a la ferme, iI a constate que tout I.e betail avait disparu que I'intericur montrait nettement qu'on y avait fouille tous les coins et recoins, qu'aucune des denrees pont iI avait pu constater la presence Ie matin ne s'y trouvait plus. Au dire du seul rescape de cette aven­ture, les Allemands ant enleve 11 juments~ une paire de breufs, trois vaches, six genisses, quatre veaux, sept chevres et moutons, des ani­maux de basse-cour et un stock assez important de provisions alimen­taires. Le tout appartenait tant au Consistoire Central qu'aux habitants de la ferme.

. Les corps des tues portaient des traces de balles dans la nuquc ..

CANTON DE MONTREVEL

Attignat : D'apres les indications fournies par Ie « Memorial de l'Oppres­

sion », Ie 15 juin 1944 au malin, est decouvert dans un fosse. Ie cadavre de Rybinsky Robert, 67 ans, demeurant a Saint-Trivier-de Courtes, arrete la veille a son domicile par les Alleinands.

CANTON DE PONT-D'AIN

Pont-d' Ain : . Le 12 juin, des hommes de la Gestapo, en civil, arretent et emme­

nent M. Levy Marcel} 72 ans} tailleur refugie de Belfort} residant a Pont d'Ain} so femme nee Schwab Clementine., 64 ans, et son fils Gilbert 18 ans.

Le 13 juin, Ie cadavre de M. Levy est retrouve dans fa riviere « Le Suran ». Il presente une plaie par balle dans La region de La nuque, sans orifice de sorlie. et une plaie de poitrine avec orifice d' entree dans la region du C(1!ur} orifice .de sorlie au niveau de l' omoplate.

Le cadavre de Mme Levy et celui de son fils gisent dans Ie bois de Thoi, atteints de multipLes blessures par baUes. A noter que Gilbert, idiot de naissance} avail a 18 ans 10 corpulence d'un enfant de 7 ans ;

U bavait constamment} etait atteint d'enterite chronique et d'incontinence d'urine complete.

. CANTON DE SAINT-TRIVIER

Saint-Trivier-de-C ourtes : Le 14 juin 1944, les AUemands arretent a leur domicile, Rybinski,

61 ans, et son epouse 43 ans} PolaTiais naturalises, refugiesa Saint­Trivier-de-Courtes.

Le cadavre de Rybinski est decouvert a Attignat, Ie 15 juin (voir cette commune).

Aucun renseignement n'a pu eire obtenu sur If sort de Mme Ry-binski.

l

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Arrondissement de Trevoux.

CANTON DE CHATILLON-SUR-CHALARONNE

Chdtillon-sur-Chalaronne :

Le 11 juin 1944, les Allemands accompagnes de miliciens effec­tuent une operation de police. Ils reunissent un certain nombre d'habitants a r epicerie Martin et verifient les pieces d'identite. Tous sont reldches, a l'exception de : Ansleme Mardoche, 68 ans, representant de com­merce refugie de Dijon. Il est conduit en direction de Saint-Trivier et, bientOt, abattu d'une balLe dans La nuque, devant une maison, incen-­diee quelques heures auparavant. M. Ansleme eta it Juif.

Vonnas :

Le 13 juin, M. Pront Marcel, 64 ans, Israelite, refugie a l'hotel de la Gare, e.st arrete; il sera fusille a Peronnas. (voir cette commune).

M. Bernheim Claude et Josep/z Charles, 38 ans, IsraWites egalement sont arretes et seront retrouves fusilLes a St-Remy. -

M. Aboucaya, arrete avec ces deux dernieres victimes, decrit ainsi les circonstances de leur arrestation: Nous vivions a Vonnas, ma femme et moi lorsque, Ie 13 juin dernier, les SS firent irruption et prirent des otages a Vonnas. Je fUs conduit brutalement dans une voiture ceLluLaire ainsi que M. Joseph, age de 38 ans et M. CLaude Bernheim, age de 39 ans, dont Les parents habitent 13, rue Recaniier a Lyon. Ces deux der­fliers fUl-ent davantage maltraites que moi. Vers les 8 heures du soir, on separa M. Josep/z de la s~ur et M. Bernheim de sa femme et de sa mere, car ces deux .messieurs etaient beaux-freres, et moi je fUs sepa­re de ma femme. On flOUS fit monler en voiture et on nous conduisit jusqu'a St-Remy (Ain). A 8 h. 30, on nous tira Ie coup cLassique, la balle derriere La nuque. M. Bernheim rerut deux balles et M. Joseph une seulement.

CANTON DE MONTLUEL

Balan: Le 22 juillet 1944, vel's 15 heures, une voiture venant de Nievroz_

stoppe devant la maison de Mme Lacour qui declare: « Trois hommes . en sont descendus. Ils sont immediatement aUes -au bord du Rhone, a

150 mCtres en avant de la passereLle de foux. Quelques instants plus tard, j'ai entendu plusieurs detonations. Deux hommes seulement sont revenus vel's la voiture, qui repartit en direction de Nievroz. Je me suis rendue sur place ou j'ai decouvert Ie cadavre d'un des occupants. /l avail la tete ensclIlglantee et percee de plusieurs balles.

JL s'agissait de M. Daivid Ernest, Israelite, 57 ans, commerrant a Lyon, identifie quelque temps apres par son fils. Les de/11X hommes qui l'ont abattu etaient des miliciens, reconnus par des habitants de Balan.

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Dagneux : Le 12 juin 1944 ... 'Vers 17 h. 30, Mme Blanc cultivatrice a Pizay

(Ain) gardait ses chevres au lieudit : « Moulin Givry », lorsqu'un homme inconnu en civil, sorfit du bois et Lui dit en bon franrais : « Allez-vous en chez vous ». Croyant avoir affaire a un desequil(bre, eUe s' est dirigee sur Pizay avec son troupeau en marchant lentement. Vne demi-heure apres environ, eUe a' entendu des hurlements de femme, puis plusieurs rafales de coups de feu, et ensuite Ie silence Ie pLus complet.. Etant retournee sur les lieux quelques instants plus tard, elle a constate que de nombreuses personnes venaient d' eire executees ; eUes etaient eten­dues dans une clairiere, la face contre terre ...

D'autre part, une cultivatrice de Dagneux, Mme Langumier, qui se trouvait a 2UO metres en contre-bas, a aussi entendu plusieurs rafaLes, puis des coups de feu isoLes, probabLement Les coups de grace.

D' apres Les renseignements recueillis, Les fusiLles provenaient de La prison de Fort Montluc a Lyon. Ils avaient eie amenes par deux camions dans LesqueLs avaient pris place une dizaine de soldats allemands.

Sur 21 c;ldavres retrouves, 15 ont ete identifies. 8 d'Israelites : Kufmann Eric Martin, 28 ans, ingenieur, ~8, rue Jaboulay it Oul-

lins , Bach Franchel, ~2 ans, tricoteur, 77, rue Henri Rolland, ViIIeur-

banne ; Wurmser Michel, 23 ans, 11, avenue Felix-Faure, Lyon Dreyfuss Roger, 21 ans, II, rue Childebert, Lyon ; Dreyfuss Edouard, II, rue Childebert, Lyon; Gintzburger Rene, 16, place Adolphe Cherioux, Paris Jacques Isidore, 53 ans, agent de fabrique, 75, rue de Crequi,

Lyon; Krotowski Paul, 34 ans, 21, quai General Sarrail, Lyon.

Neyron : Le IO janvier 1944, C;hemin du Barrye, a 2 metres de La route na­

tionaLe 84, Lyon-Geneve, on decouvre deux cadavres de vieillards, un homme et une femme. Ils presentent ['un et ['autre plusieurs blessures par balles. Ce sont : M. Basch Victor, Professeur honoraire a la Sor­bonne, et son epouse, nee Furt Helene, tous deux ages de 81 ans. /ls ont eie enleves la veilLe a leur domicile, 116, rue de St-CLair a CaLuire (Rhone). Sur la poUrine du Professeur Basch est place un papier por­lant ['inscription suivante : « Terreur contre terreur. Le Juif paie tou­jours. Ce fuif paie de sa vie l'assassinat d'un National. A bas De Gaulle - Giraud. Vive La France. Comiie NationaL Anti-Terroriste. Region Lyonnaise. »

Rillieux : Le 28 juin 1944, vers 6 h. 45, les Allemands abattent a coups de

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mitraillettes 7 hommes, vraisemblablement Israelites, au pied d'un des murs du cimetiere, en bordure du chemin. Aucune piece d'identite n'est trouvee sur les cadav'res, mais la poche de certains contenait un mor­ceau de papier sur lequel un nom Nail inserit. Cest ainsi que ['identi­fication a pu eire faite. II s'agissait de :

Krzykowski, 46 ans, fabricant de jouets, 19, rue Lecoq a Sevres ,. Schlisselmann Maurice, 64 ans, maroquinier, 209 rue de Crequi,

Lyon ,. oiaeser Leon, 57 ans, avoca!, 15, rue Therese, Paris ,. Ben Zimra, 24 ans, decorateur,' 106, rue de [,Hotel-de-ville, Lyon Z eizig, 57 ans ; Prock, 42 ans. l!n inconnu paraissant avoir 25 a 30 ans n'a pu etre identifie.

CANTON DE TREVOUX

Sa:thonay-V Wage : Le 14 aozit 1944, un inconnu d' origine israelite est amene dans Ie

chemin de Sathonay a Vanciat par une automobile occupee par plu­sieurs hommes en civil, et armes de mitraillettes. Le cd,davre de l'inconnu est retrouve avec deux blessures a la nuque

Le gendarme Bardot a remarque que l'auto a passe sans diffi­cutte un barrage garde par une sentinelle allemande.

CANTON DE VILLARS

Marlieux : Le 14 juille! 1944, decouverte de 7 cadavres sur Ie chemin rural

de Curtelet, a 50 metres de la route nationale de Bourg a Lyon. II s'agissait de 5 Israelites et de 2 cu.ltivateurs du jura, arretes

a Bourg lors de la rafle du 10 juillet et abattus a coups de feu par la police allemande.

Les cinq Juifs etaient : Meyer Marcel, 40 ans, marchand de bestiaux, domicilie it Bourg,

Cours de Verdun; Unterberger Joseph, 41ans, taiIIeur, 22, rue du 23" it Bourg ; Unterberger Maurice, 40 ans, taiIIeur. 24 rue du 23" it Bourg ; Wei! Fritz, 50 ans, comptable, 7, rue Vaugelas, it Bourg; Wei! Jean Samuel, 42 ans, comptable, 7, rue ,Vaugelas it Bourg.

Matafelon :

Arrondissement de Belley CANTON D'IZERNORE

Le 12 juillet 1944, M. Frajdenrajch Abraham, 44 ans, Israelite, marie, trois enfants, domicilie a St-Claude, est arrete par les Allemands entre les hameaux de Lilliat et de Matatelon.

Le 13 juin, vers 15 heures, declare M. Oenard Henri, cultivateur a Matafelon, deux milifaires de tarmee d'occupation arrivaient encadrant

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un civil. Cet homme, convenablement vetu, paraissai/ age d'une qum'an­taine d'annees. Un ca'pifaine qui s'etait instalLe chez moi, me dil que cet homme avail ele capture dans fa foret, que c'etail un juif et que les officiers allemands apres ['avoir interroge, allaient certainement Ie pendre, ce qui fut la triste verite.

Apres cet interrogatoire qui dura pres de deux heures, j'etais devant ma porte ,. je fus somme de rentrer, ce qlW je tis sans hesifer, mais, vouiant sa voir ce qui allait se passer, je montai au premier etage, et d'une fenetre, a travers les persiennes, je pus decouvrir tout ce qui se passa.

Deux Allemands armes, l'un a sa droite, tautre a sa gauche, lui mirent la main au conet, puis. se dirigerent pres d'un poirier qui se trouve a environ 50 metres de chez mot. Ils etaient suivis de toute une meute de soldats. Arrives sous Ie poirier ils lui passerent une corde au cou, la lancerent sur une branche, et faisant contre-poids, Ie souleverent de terre, puis Ie relacherent en recommenrant plusieurs fois cefle ma­dCEuvre, ce qui provoquait Ie rire aux eclats de taus ces tristes assis­tants. Enfin, Ie soulevant definitivement, ils se mirent a Ie pousser, lui faisant decrire la trajectoire d'une balanroire.

Tout cela a pu durer environ quinze minutes, apres quoi, on lUI /Ogea une balle dans la fete et if fut traine dans un champ de pommes de terre oil on essaya de Ie cachero

Quant a moi, je n'ai pu qu'assister impuissant a cefte scene.

CANTON D'OYONNAX

Oyonnax :

Le surlendemain du debarquement allie, Ie 8 juin 1944, la Resis­tance s'empare d'Oyonnax. Le 10 juillet, ies Allemands superieurs en nombre, munis d'un materiel lourd tres mobile, aides par ['aviation qui bombarde Oyonnax, les 12 et 13 jui/let, obligent Ie maquis a se re­plier. Au cours du bombardement, Ncole professionnelle et l'eglise sont gravement endommagees, M. Roche Arthur, 66 ans, est tue et Mme Weiller blessee.

CANTON DE GEX

Oex : Le 28 mars 1944, vers 13 helll'es, a ['hOtel Oodet, la Oestapo arrete,

paree qu'ils sont Israelites : Mme Cert Leon, nee Ooschler Helene, 72 ans, Mme Perrault, 40 ans, et M. Cert, 40 ans. Ces derniers sont de­pouilles de teurs bijoux et de leur argent (600.000 it 800.000 francs) et incarceres a la Maison d'Arret, oiz Mme Vve Cerf deci!de Ie 29 mars.

Le 30 au soir, alors que Ie eorps de Mme Cerf etail deja en biere, les gendarmes allemands font, a deux reprises, ouvrir Ie ce.rcueil pour tOll iller la morte et la depouiller de ses bijollX.

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* ** Dans diverses localites franc;aises, qu'il s' agisse de gran des vil1es

ou de toutes petites communes, on decouvre les crimes commis par les Allemands sur des Juifs qui ne participaient en rien au Mouvement de Resistance.

A Lyon, en dehors des massacres de Bron et de ceux qui ont eu lieu un peu partout dans la banlieue de la vil1e, des executions de Juifs ont ete perpetrees au siege meme de la Gestapo. Nous en trouvons la trace dans les proces:verbaux des commissaires de police de Lyon, qui ont ete rassembles dans Ie dossier du Service des Crimes de Guerre portant 'Ie numero 52-3539. Nous y trouvons les indications suivantes :

Le nom me Freilich Salomon, ne Ie 11-10-1 R99 a Bolechowice (Po­logne) a ele abattu Ie 17 decembre 1943 par plusieurs coups de feu au siege de la Gestapo, 14 avenue Berthelot a Lyon, par ,des policiers alle­mands. Ces derniers declarent l'avoir tue au caul's d'un interrogatoire, car Freilich aurait profile d'un moment d'inattention de leur part pour essayer de les frapper avec un accoudoir de chaise. Il avail re(:u une balle dans la region du camr et une autre dans l' epaule droite.

Quelques jours apres, l'officier commandant l'Ecole de Sante de Lyon (un officier allemand de la Gestapo) signale aux autorites fran­(:aises la presence de huit cadavres. Il y a trois catholiques et cinq luifs:

10 Kleinhgndel Ca.rol, ne Ie 1-9-1903 a RzersoF, interne au Fort de Chapely (Rhone) ;

2° Kohen Harry, ne Ie 6-2-1896 a Prinkc (Pologne) ; 3° Halaune jacob, ne Ie 12-6-1902 a Brohbeis (Pologne) ; 4 U Benai"m Andre, ne Ie 16-7-1901 a Alger dt a Chamoy : 5° Gula joseph, ne Ie 10-10-1903 a Karabinki, dt a St-Etienne. Les corps se troll vent dans une cave siluee au fond d'un couloir

etendus sur Ie sol, les uns couches sur Ie dos, les autres la face contre terre, baignant dans une mare de sang.

Un proces-verbal en date du 11 janvier 1944 du Commissariat du quartier Jean Mace rapporte que vingt-deux personnes sont decedees Ie 10 dans les locaux de la police allemande. Parmi eux un luif, Eimen­schutz Raphael, ne Ie 19-10-1902 a Anvers.

Le document N" 50 du dossier 52/35 39 rapporte des temoignages etablissant les faits suivants : Hasson Salomon est arrete Ie 6 mars 1944 par la police allemande au cafe du Maconnais, puis conduit it l'Ecole de Sante. Le meme jour, sa femme et ses deux enfants sont arretes par la Gestapo, conduits au meme lieu, puis transferes it Drancy et deportes. Le gendre de Hasson affirme que la victime ne faisait pas de politique et a ete abattue pour la seule raison qu'il etait Israelite. Un deuxieme corps, celui de Kleiman Bernard, gisait it cote de celui de

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Hasson. Mme Frandji ajoute que plusieurs Juifs ont ete arretes a" cafe du Maconnais.

Le document L Y 58 fait etat de I'execution Ie 30 avril 1944 dr Samuel Sandbrand, ne Ie 25-7-1900 it Belewicz, tue d'une balle tr~ns pen;ante it I'abdomen.

Un sous-officier allemand vient, Ie 15 juin 1944, declarer au com­missaire de Police la mort de trois civi!s tues au cours d'une tenta­tive d'e:rasion de I'hopital de la Croix-Rousse. II s'agit d'une veritable execution par les Allemands. Parmi les victimes se trouve Rene Salo­mon Israel sur lequel Ie medecin-Iegiste remarque une plaie transfixiante crano-faciale par balle ; entree region sous-mentonniere, sortie region nuque. On remarque sur Ie cadavre qu'i! avait Ie membre infe'rieur droit et Ie bassin immobilise dans I~ platre (L Y 36).

Le document L Y 116 revele que Ie 15 juillet 1944, des soldats al1e­mands furent requis par plusieurs civils armes de mitraillettes et porteurs de papiers de la Gestapo d'empecher Ie passage d'autol11obi!es et de pietons. Un temoin de la scene voit une personne du groupe de ces policiers faire un geste et entend une rafale de mitraillette qui couche cette personne sur Ie talus. Ce temoin, qui cOl11prenait l'aJlel11and, de­clare que la victime etait vraisemblablement un Juif.

* ** A Grenoble,· on signale Ie meurtre de Denis Marx Ie 25 fevrier

1944. Un rapport de la Direction Nationale des crimes de guerre s'ex­prime it ce sujet de la fac;on suivante :

Le 23 fhrier 1944. Ie jeune Denis Marx etait arrete en gare de Grenoble, venant de Lyon, par l'agent de la Gestapo de Grenoble, Max. Il elait conduit et interne a l'hOtel Suisse et Bordeaux. Au cours d'un interrogatoire ie 25 tevrier, if etait abattu d'une balhe tiree a boul portant, sur ordre du Capitaine Brunner, chef de la Police anti-juive de Grenoble. Dans une lettre du 29 septembre 1945, Mme Lucienne Wei! donne les precisions suivantes : je tiens de Denis Marx et .de la per­sonne qui lui servit d'interprete aupres de Brunner Ie recit de son assassinat ...

Interroge longuement lors de son arrestation, Denis Marx refusa de repondre quand Brunner voulut lui faire donner l'adresse de ses parents et la nOtre. Devant son mutisme, Brunner lui tira un coup de revolver qui Ie blessa mortellement au ventre.

Sur Ie corps de Denis Marx, on trouva un billet de retour de che­min de fer. S'etant rendus dans la localite indiquee par ce billet, les l\lle~nands y. arreterent Mme Wei! et la transfererent it la prison pro­VISOlre de JUlfs de Grenoble. Elle se renseigna sur Denis Marx et on put Ie lui mOl:ltrer Ctendu tout seul dans un local qui servait de pharmacie.

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Le 25 fevrier 1944, a l'angle du Cours Jean Jaures et de l'avenue d'Alsace Lorraine a Grenoble, Ie nomme' Katz dit « Bouvier » etait ahattu par deux agents de la Gestapo.

Quelques jours avant ta Liberation de Grenoble, toute une famiUe j uive etait abattue par les Allemands. Une lettre du 3 janvier 1945 emanant de la Regie des Pompes funebres de Grenoble et adressee au Service de recherche des crimes de guerre, mentionne qu'elle a procecte,

. Ie 21 aout 1944, a la mise en biere des personnes suivantes : Mme Faraggi, nee Sasson Rachel, 56 ans, tuee par balles et retiree

de l'lsere, place Berulle ,. Mme Cohen, nee Falfaggi Flora, 30 ans, tuee par balles et retiree

de /' [sere, pres du theatre ,. M. Faraggi Leon, 58 ans, tl1.e par baUes et retire de l'[sere pres

de Romans ,. Enfant Cohen Jacky, 10 ans, tue par balles et retire de l'[sere pres

de Romans. A titre d'exemple de massacres de Juifs dans les localites isole.=s,

~ignalons un fait de·crit dans un rapport du 8 janvier 1945 de la bri­gade de Brive, Correze :

Le 4 avril 1944, Ie Commandant de Brigade a ete informe par Ie Directeur de l'H6pital civil de Brive, que 3 pers.onnes venaient d'etre fusiltees par les troupes allemandes dans un pre, a proximite du lieu dit « Fadat », commune de Brive (Correze) et que Les cadavres devaient etre emmenes immMiatement.

Le marechaL des Logis chef, Chassagne et Le glendarme Lasserrc se sont transportes sur les lieuC( en compagnie du Directeur de l' h6pilal precite, et Ie chauffeur de ['ambulance. Les cadavres ont eie diriges immediatement sur La morgue de I'h6pilal precite.

Sur les lieux, nous avons appris qu'il s'agissait de trois Israelites, naturalises fraintais, que nous avons identifies comme suit d'apres Leurs papiers :

10 Wachtel Aaron, ne 19 septembre 1891, a Kalisz (Pologne), domicilie d Fadat, commune de Brive.

2 0 Padzerski Hentz, ne Ie 15 janvier 1888 a Wingrow (Pologne), demeurant rue Basse a Brive.

3° Padzerski Simon, ne Ie 11 fevrier 1921 a Paris, fils du precedent, domicilie a Bergera'c, (Dordogne), au il travail/ail a La poudrerie.

Les trois viciimes avaient ete fusiliees dans un pre a 200 metres ellviron et a gauclle du chemin conduisant a Fadat (V. O. N° 2).

La poitrine des trois viciimes etail cribIee de balles, La tete dechi­quetee, Ie crane fracasse ,. fa cervelle etail repandue autour des cada­vres.

Ces derniers avaient ete tountes, les papiers, portefeuilles vides. etaient eparpil/es a proximite. L'un d'eux, sans pouvoir preciser lequef.

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avail eu la veste coupee a hauteur de la poche interieure, vraisembla­b1ement avec un couteau et fa chair de La poilrine etail tailladee a cet emplacement.

Il semble que ces trois personnes aient eUdenoncees par les mili­ciens, mais.aucune precision n'a pu etre obtenue.

La maison d'habilaition de Padzerski, sise a Fadat, a ele incendiee a I' aide de lance-t1ammes.

Dans d'autres communes de la Correze, entre autres it Beynat, les maisons occupees par les Juifs arretes furent incendiees.

Dans l'Indre, dans la petite commune de Villedieu, un Israelite a etc assassine dans les conditions que rapporte Mme Libermann :

Le 22 juillet 1924, vers 11 h. 45, deux hommes se sont presentes d mondomicile et ant demande si M. Fislevicz etait chez moi. Je Leur ai repondu que cet hOHlme eta it s'()rti faire une course, mais qu'il ne tarderait pas a rentrer. rai ensuite demande aces hommes de la part de qui ils demandaient apres M. Fislevicz. lls /ill'ont repondu qu'its faisaient p~rtie de La police secrete allemande.

M. Fislevicz est arrive avec son fils queLques minutes apres. Les deux policiers leur ont demande leurs papiers d'identUe et ils sont taus rentres dans une maison voisine. Environ cinq minutes apres, j'ai cnten­du des coups de feu et j'ai apertU mon beau-frere M. Fislevicz qui sor­tait de chez lui en courant. Ma belle-srEur est venue se retugier chez moi, mais les deux policiers tiraient toujours et ma bel/e-srEur a ele blessee de cinq balles dans la cuisse.

Apres Ie depart des policiers, je· .'luis allee dans La maison ou habi­tait la famille Fislevicz et ai constate que mon neveu age de 20 ans avail cesse de vivre. II etait cribie de balles. Nous avons fait trans­porter ma belle-srEur a I'h6pilal de Chateaurou,x. Je liens a precise! que les policiers, avant de quitter mon domicile, m'ont vole la semme de 124.000 francs. (Rapport de Gendarmerie de la Brigade de Villedieu du 27 octobre 1944).

Bien d'autres crimes restes inconnus ont ete commis sur des Israe­lites dans toute la France.

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CHAPITRE XII

L'EXTERMINA nON DES JUIFS DANS LES CAMPS DU REICH

Le volume IV des «Documents pour servir it I'histoire de la Guerre » intitule « Camps de Concentration» presente Ie tableau gene­ral de la vie des deportes en Allemagne. Par son caractere synthetique, il groupe les aspects communs a la souffrance de toutes les categories de ceux que Ie vainqueur provisoire soumit a lui, dans toute I'Europe.

II ne nous appartient ici que de marquer les traits essentiels qui caracterisent et specifient les Juifs de France dans les camps d'Alle­magne.

Le premier point concerne Ie nombre des deportes raciaux par rapport a Fensemble de la population israelite et fa proportion des victimes.

C'est par milliers que, de toute l'Europe occupee par elle, l'Alle­magne deporta resistants, patriotes, communistes et religieux. Leurs temoignages proclament I'intensitc de leurs souffrances, Ie nombre de leurs morts. Dire ccpendant que c'est par millions que les Juifs euro­peens ont ete Iivres it I'extermination n'apparait pas comme une ou­trance. Des communautes religieuses considerees par les Allemands en raison de leur simple appartenance a une race, ef non pour I'activite de leurs membres, ont ete. decimees, que ce soit en Hongrie, en Italie, en Grece, en Pologne au en U. R. S. S. Les Juifs de France n'ont pas echappe it cette fureur raciste.

Les chiffres fournis par Ie Commissariat General aux Questions Juives en 1941 et 1942, ne sauraient, par leur caractere extravagant, fournir des bases precises a un denombrement des Juifs de France. Le ilefaut de mention speciale a I'etat civil ne permet pas de s'appuyer sur les donnees officielles. Cependant, des approximations dignes de

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foi autorisent a 'fixer a environ 340.000 Ie nombre des Israelites, Fran­~ais de naissance, naturalises ou refugies qui habitaient Ie territoirc metropolitain lors de i'armistice de juin 1940. La moitie environ etaient domicilies dans Ie departement de la Seine. On peut egalement admet­tre que la menace des mesures anti semites a provoque Ie depart clan­destin ou officiel de 40.000 Juifs qui ont qui'tte 13 France a partir de 1940. C'est donc sur 300.000 Israelites que pesait la crainte de l'arres­tation et de la deportation. Un Hers environ, so it 100.000 personnes, a ele effectivement deporte, et ce pour un motif uniquement racial. Les resistants de religion israelite ne sont pas comptes dans ,ce total. Si une epreuve de memes proportions avait ete infligee a la population fran<;aise toute entiE~re, c'est plus de 13 millions de Fran<;ais qui auraient ete envoyes dans les camps de concentration d'Allemagne. lis auraient ete envoyes non seulement au travail, mais a la mort, car, sur ces 100.000 deportes, on peut evaluer a 3.000 Ie total des rapa-

tries. 27.697 femmes et 5.645 enfants, selon les donnees approximatives

du Ministere des Deportes, ont ete transferes en Allemagne. Aucun enfant juif deporte de France n'est rentre.

Le second point concerne Le caractere massif, strictement racial et non individuel de l'extermination.

A la difference des aut res categories de deportes, les Juifs etaient transferes ell Allemagne par families entieres, sans consideration d'age n; de sexe, ni d'etat de sante. Du camp de Drancy ou n'etaient grou­pes que des Israelites arretes comme tels, partaient des fous, des vieil­lards centenaires, des nourrissons, des tuberculeux meme parfois des morts. It fallait co ute que coute que chaque convoi contint 1.000 per-

sonnes. Comme les Nazis cherchaient aexterminer' une race, il etait impos­

sible a ceux qu'ils visaient d'echalpper personnellement a l'extermination qui mena~ait Ie groupe dont ils etaient membres.

La deportation condamnaft Ie Juif a la mort sans qu'il puisse se debarrasser de sa qualification raciale. Son titre de Juif etait indepen­dant de sa volonte. II suffisait au « national » de ne pas faire acte de resistanr e peur echa!pper en principe aux mesures policieres. II aurait suffi aui communiste de repudier les idees et les mots d'ordre de son parti pour n'etre pas recherche. II eut ate possible a ceux qui furent de nouveaux martyrs de la chretiente de ne pas suivre la voie du Christ. I.e Juif, lui, restait marque du sceau racial. Du moment qu'il remplissait les conditions posees par laloi pour definir les membres de sa pretendue categorie biologique, il etait vise, soumis aux raftes et aux arrestati'Jlls, pour etre enfin promis it la chambre a gaz d'Aus-

chwitz.

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Le troisieme trait caracteristique de la deportation raciale concerne l' aciivite geru!rale des fuifs dans les camps de concentration

. Les deportes a titre politique, national ou religieux etaien't envoyes en Allemagne pour etre, e.n principe, retires d'un milieu ou leur activite les rendait hautement indesirables. Les camps ou ils etaient transferes etaient des K. Z. L. (Konzentrations und Zwangsarbeitsla:ger - camps de concentration et de travail force). On recherchait l'utilisation de la main-d'ceuvre qu'its representaient, quitte ales faire mourir par les mauvais traitements, Ie travait harassant ou Ie manque de nourriture.

La « race juive » par contre, representait aux yeux des Nazis un tel danger qu'it convenait de I'exterminer de prime abord et sans meme ~ue ses membres soient, dans leur ensemble, consideres comme apies a un travail qui aurait assure leur vie. Fritz Sauckel, un des accuses du proces des grands criminels de guerre a Nuremberg, Ie marquera fortement lors de sa deposition a I'audience du mercredi 29 mai 1946 : La deportation, declare-t-il, fut d'un grand benefice pour beaucoup des uu "TIers etrangers qui trouverent chez nOllS I' occasion de se perfec­tionner dans leurs specialites. Et Faccuse de se plaindre que Ie traite­ment inexorablemen.t inflige aux Juifs n'ait pas procure au Reich Ie meme appoint en force de travail : Je n'avais aucun interet a faire asphyxier to us les fuifs, expose-t-it. Au contraire, j'aurais prefere utiliser leur rorce de travail. L'industrie avail tellement de mal a se procurer de La main-d'ceuvre ! EUe aurait ainsi recupere quelques millions d'ouvriers sl1pplementaires.

Le quatrieme trait caracteristique de la deportation raciale est relatif a ['organisation de ['extermination speciale au camp oil etaient deportes les fuits ." Auschwitz - Birkenau.

Tous les convois d'Israelites, sauf un, qui partirent de Compiegne au de Drancy ont eu pour destination Ie camp d'Auschwitz et non pas Ie ghetto ectenique que la; propagande allemande promett:ait pour cal­mer les apprehensions d'une opinion publique emue a juste titre.

Auschwitz se differenciait des autres camps de la mort, en ce qu'it comportaH une organisation de « selection initiale ». Seuls entraient au camp les deportes adultes. Les enfa~ts de moins de quinze ans, les personnes agees de plus de cinquante ans et les meres de famille etaient elimines par Ie gaz des l'arrivee des trains. On cite des families en­tieres qui furent ainsi conduites a la mort, les enfants parce qu.'ils etaient trap jeunes, les parents et les grands-parents paree qu'ils etaient trop ages. C'est done a des groupes familiaux entier~ que la lutte raciale etait livree.

Des depositions enregistrees par Ie service de Recherche des Crimes de Guerre et la Direction de la Documentation du Minj~tere des Depor­tes permettent de se fai.re une idee de I'etendue des ravages causes par fa selection initiale.

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200 jeunes hommes environ, et 100 jeunes femmes partis de Draney Ie 23 septembre 1942 avec un convoi de 1.000 personnes, entrerent seuls au camp. Les autres furent directement conduits it lachambre it gaz.

Le transport du 26 septembre 1942, qui se composait egalement de 1.000 deportes, comporte 743 extermines des leur arrivee : seules 253 personnes entrerent au camp.

En fevrier 1943, 205 ]uifs venus de France entrerent au camp. Leurs 825 compagnons de deportation furent des leur arrivee envoyes it la cha'mbre it gaz.

Madame Waisman temoigne en ces terl11es : Nous sommes arrives a Auschwitz Ie 23 janvier 1944. Nous etions donc (apnls selection) 40 femmes, dont 2 mMecins

et 38 qui s' etaient .declarees sans famille. Notre convoi comprenail 700 femmes, cela signifiait que 660 de nos compagnes furent gazees des leur arrivee.

Par la suite, j'appris qu'une quantife a peu pres egale d'hommes etail entree au camp et que le reste avait eie detruil.

241 de.portes ]uifs au convoi du 20 novemb(e entrerent vivants au camp. Le convoi de ]uifs parti de Drancy Ie 20 janvier 1944 com­portait 410 femmes : 10 sculement entrerent au camp. Les 400 autres furent envoyees diJ:ectement it la mort. 110 l11embres du transport du 7 mars 1944 furent seuls epargnes it leur arrivee ; ils etaient 1.000 au depart.

Le convoi du 31 juillet 1944 comportait au depart de Drancy 1.153 ]uifs. Seuls 291 hommes et60 femmes purent echapper it la selection initiale.

C' est surtout les enfants qui etaient vises. Car les Allemands voyaicnt d.ans leur mort Ie mode d'extermination de la race juive, Ie plus parfaIt. Toute possibilite d'avenir pour elle etait ainsi detruite.

Les enfants juifs etaient executes par les SS sur Ie quai de la gare d' Auschwitz, tues d'une balle, efrangles ou (nterres vivants. Si, dans Ie camp, ies enfants russes et l atholiques etaient dans un bloc special, nulle part, depose MIle .A. Aftalion, if n'y avail d'enfants juifs. je vis par la suite qu'on en poursuivail fa destruction systematique.

A Auschwitz- Birkenau, la proportion des juifs morts au travail au sous les coups parai! i!ire plus importante que celle des depories de.s autres categories dans les autres camps.

La chambre it gaz, dont l'emploi systematique semble l'apanage de ce camp de ]uifs, parachevait en masse J'reuvre de mort.

Comme les autres deportes, les ]uifs etaient soumis aux coups, it la sous-alil11enta'tion, au travail force. Mais ils mouraient dans une proportion peut-etre plus grande que les deportes dans d'autres camps. Car, it Auschwitz, la misere physiologique et la maladie etaient une cond(}Jmnation it mort. Les Israelites de France, et ceux-lit seuls qui

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avai.ent echappe it la selection initiale, comllle ceux de toute I'Europe, etaient voues it la chambre it gaz des qu'ils paraissaient devenir inaptes au travail.

Quelques chiffres permettent de preciser rampleur de ce massacre lent ou scientifique. Sur 500 internes jllifs. depose M. A. Chapiro. 15 restaient vivants au bout de 5 mois.

Le Proksseur Waitz donne les details suivants sur la mortalite progressive qui a atteint Ie s::onvoi d'Israelites de France dont il faisait partie.

Mon convoi comportait au depart de Drancy, 1.000 pers·onnes. Le 10 octobre 1943, 330 Franrais sont entres au camp. Un an apres, survivants: 99 Trois mois plus tard : 70 A l'heure actuelle (a la fin de la guerre en Europe) : 15 II n'y avail pas,declare Ie temoin Hochstagn parlant des seuls

deportes israelites, de chance de vie pour les persannes agees de plus de 45 ans. Sur ies 150 que nous restions, dit-il, it en est mort par La suite un grand nombre, soit de maladie, soil d'epuisement. je me demande sf je ne sllis pas un des rares survivants, car je n' ai jamaL,> revu Ull

de mes camarades. Comme dans tous les camps, Ie travail epuisant, sinon productif,

causait la mort des ]uifs les moins aptes aux durs travaux et les moins endurants aux coups. J'etais au kommando n° 6 appele kommalldo de fa mort, dit Ie temoin S. Asso. Nous aviolls Ull kapo Ilomme Willy. C' etail un Allemand, illterne poLitique, mais tres mechant.

On lui donna 68 Israelites franrais. Ell trois mois, depuis decel/l­bre 1943, il en resta 3.

Les ]uifs subissaient des mauvais traitements plus durs encore que leurs camarades de deportation. Le sous-directeur de la mine, de­pose S. Goldlist, avail coutume de deScendre a La mine deux fa is par semaine. Avant que nous puissions le voir arriver sur nous, if frappait les juifs a tour de role avec une canne ferree en disant qu'if 1l0US bat­tait parce que nous etions juifs et que les juifs etaient les responsables de la guerre. II disait « Vous, chiens, on vous tuua tous ici ». Les Polonais qui travaillaient avec nous et n'avaiellt pas Ie droit de nous parler nous ont dit qu'avant notre arrivee\ c'etaiellt eux qui etaient batlus et qu'its etaient bien contents que les juifs prennent leur place.

M. Guy Kohen a!joute meme que les ]uifs arrivant de France etaient menaces de sevkes plus rudes que leurs coreligionnaires du reste de l'Europe. je ne peux, ecrit-il, que faire cette triste COllstatatioll : etre Franrais eta it au camp la reference La pLus noire, a tel point que maints deportes de Drancy n'hesilaient sou vent pas a se fa ire passer pour Belg,es. C'est souvent que j'ai reru des coups pOl/r ne pas etre de r avis de ceux qui salissaient mon pays.

Page 146: La Persecution Raciale

282

La vivisection etait pratiquee sur ces deportes israelites, hommes 011 femmes. Certains vieillards - tel Ie Docteur Rene Bloch, chirurgien en chef de l'hopital Marmottal1 et frere du constructeur d'avions -'­etaient tues d'une injection intra-cardiaque de phenol (deposition du docteur Steinberg). Le meme temoin depose avoir vu mourir des Juifs deportes de France, a la suite d'experiences pratique.es en vue de COI1-naitre la dose mortelle d'un medicament soporifique. Les femmes etaient sterilisees, 'les hommes castres. Citons cet extrait du temoignage du docteur Letiche.

Mars 1943. Debut. A Birkenau. Un Allemand choisissait parmi les juifs du camp, les anciens, les Franfais de preference, ages de moins de 35 ans ... Ies plus beawx et les mieux bdUs. II Ies pGi:isait a /a radio­thermie profonde pour steriliser. Au bout de deux ou trois mois, if les envoyait au camp de Birkenau (installation de rayons se trouvant dan, Ie camp des femmes) a Auschwitz oli on les cas trait. En avrif-mai 1943 un boucher juif de Paris (de la place de fa Republique) ,du convoi du 27 mars 1942 de Compiegne a ete ainsi castre.

La mort par Ie gaz menaj:ait surtout les juifs au camp d' Auschwitz. n y avait la une organisation scientifique de I'extermination chimique certainement inconnue des autres camps et reservee a celui-la, qui ne contenait sauf un convoi d'aryennes venant de France, que des JUifs et des TZiganes .. Les selections etaient fr~quentes mais. les. mMe~in,s SS profitaient des fetes juives pour se hvrer aux operatIOns d ah­mentation des chambres it gaz.

Une deposition du temoin Sussfeld montre I'importance proportion-nelle de l'extermination par Ie gaz chez les deportes juifs de France : A part Ies 200 hOl1lllles de man transport arrives en me,ne temps que mOl, il y avait 350 Franj:ais arrives fin juin et a~ant ta!t partie de l~l deportation de Draney (26 juin), et 200 autres qUI arrlverent Ie 2 aoul 1943, ayantete deportes de Dnincy Ie 30 juillet. O~ peut dO,nc dire que sur 750 juifs franj:ais qui etdlent la au debut d'aout 1943, II en restad encore a peu pres 250 capables de travaillier au debut novembre. Les autres avaient eff! envoyes a Auschwitz en camions. Les anciens nous avaient convaincus que ceux qui partaient ainsi devaient nre gazes, puis passes au crematoire.

L'age, la maigreur, destinaient les cteportes a la mort. j'ai connll, depose M. Hochstajn, a Birkenau, un Franfais, Ie doctellr job. II avail he medecin-chef aux armees franj:aises. Il Nail dge de 78 ans. Un l'avait garde comme malade a thopital pendant 10 mois. Il etaitmede­fin et avait un haut grade dans l'armee franr;aise. Nous lui donn ions Ie titre de general. A l'infirmerie on lui avait confie un petit travail ; VII

son dge et sa carriere mifila'ire, if etait res peete. . ' Le 27 octobre 1944, il fut designe pour la c/zambre a gaz. Il til a

afors interpe!le en me' dc,mandant d' expliquer all SS qu'if etait gene-

283

ral, qu'il desirait etre fusilIe el Illourit comme un soldal. je l transmis sa requete au SS qui, en guise de reponse, sortit son revolver et lui donna quelques coups de crosse sur la tete. Le general fut done oblige de manter sur Ie camion. « Si vous reussissez 6 rentrer en France" me dit-il, allez voir Ie general de Gaulle de ma part. Diles lui que je sui" mort en criant : « \Iive de Gaulle! Vive la France! Nous aurons notre revanche. »

Des Israelites fran~ais perirent pour faits de resistance. II y avail lin Franj:ais israelite, depose Ie docteur Schekter, un nomme Davi.d Reissnamm, deporte en aOllt 1942, qui, sachant qu'il devait etre tue, puisqu'il faisait partie du kommando special d'incineration, a mis /e jeu au mois d'octobre 1944 au four crematoire. II a eU tue, if portait Ie numero 49305.

L'incineration des Juifs tues· par Ie gaz s'accomplissait d'ailleurs dans des conditions specialement penibles. Jl arrivait, rapporte Ie rapa­trie Hochstajn, que des de-tenus en service au kommando du four cre­maloire voient passer, pour y etre jetes, leurs prop res enfants. Car les Allemands, toujours delicats, s'arrangeaient toujours pour que, lors­qu'on brfllait des Francais, par flXemple, Ie kommando de travail au four soit francaiS.

Des milliers et des dizaines de 111illiers de Juifs fran~ais apparte­nant a toutes les categories sociales, qu'i1s fussent professeurs ou C0111-mer~ants, conseillers d'Etat, officiers, avocats, artisans, tailleurs ou fourreurs, perirent ainsi d'une mort qui n'aurait peut-etre pas ete la­leur s'i1s avaient ete. transferes dans un camp de concentration autre qu'Auschwitz.

C'est ce que precIse cette observation de Mme Falk qui, depor­tee juive de France, a connu exceptionnellement un autre camp que celui d'Auschwitz-Birkenau. j'ajoute, depos,e-t-elle, que, malgre toutes les horreurs connu,es du camp de Ravensbruck, il ne peut y avoir Qlucune comparaison avec Birkenau et fes autres camps reserves aux jUifs.

Ceux qui, plus jeunes ou d'une resistance physique plus grande, avaient pu echapper a ce massacre, eurent a subir les epreuves de l'interminable voyage qui suivit l'evacuation du camp d'Auschwitz. Les SS n'y epargnerentpas les trainards ou les fuyards. Les autres, du moins ceux qui n'etaient Pas morts de froid 011 de consomption dans les wagons, eurent a subir les rigueurs habituelles de Buchenwald ou de Dachau.

Un seul convoi d'Israelites deportes de France n'eut pas pour des­tination un camp. Ce fut celui du 15 mai 1944. Ses membres savaient d'avance qu'iIs ne se rendaient pas a Auschwitz, mais qu'i1s allaient travailler pour Ie compte de l'organisation Todt. II n'en est pas moins vrai que la proportion des survivants de ce transport, --- et il n'etait

Page 147: La Persecution Raciale

284

compose que d'hommes forts et valides - est aussi faible que celIe des deportes d'Auschwitz.

« L'Echo du Centre » du 14 novembre 1945 donne quelques pre­cisions sur leur sort :

D'apres un rapport qui nous est parvenu de Moscou, les six cents deportes restes a Kaunas et internes au fort n° 9 auraient ete rapidement extermines. II n'a pas ete possible de relev'er les inscriptions sur les murs, a l'elXception de quelques noms franfais qui appartenaient au convoi du 15 maio

D'apres ce rapport, Kaunas aurait ete un lieu d'extermination. Ce rapport semble formel et indique qu'd i'exception d'une centaine de deportes du convoi du 15 mai, partis de Kaunas pour une destination Lnconnue, on peut .'Ie considerer comme fixe sur Ie sort des autres.

Cependant, nous sommes en possession d'un autre temoignage rap­portant que les deportes du convoi du 15 mai seraient restes 3 semaines a Kaunas. Environ trois cents seraient partis Ie premier jour pour 'une destination inconnue, les autres auraient ete diriges sur Ie camp de ia tourbe a Prichenichki. lls seraient arrives au nombre ([environ 350. Periodiquement, cinqnante ou soit:wnte deportes auraient ele emmenes pour une destination inconnue. Au moment de ['approche des Russes, les deportes sllrvivants du convoi du 15 mai (em'iron 50) auraient ete e .. 'dermines.

Meme si l'authenticite du second rapport s'averait certaine, La CVfl­elusion des deux rapports est pratiquement la mbne. On ct toutes les raisons de supposer que les groupes de cinquante ou soixante depor­tes emmenes pehodiquement ont eie extermines.

... Des trois cents deportes de Revel, une quinzaine seulement sont revenus. Leurs camarades ont ele e/imines com me ceux de Privenichki par groupes de cinquante Oll de soixante (soi-disa,nt partis en corvee de buclleronnage) d'ol! ifs ne sont jamais revenus.

* ** C'est ainsi que, poursulvls par la fureur raciste du nazisme, sont

morts plus d'un tiers des Juifs qui ha!Jitaient la France, qu'i1s aient ete des Franc;ais de naissance, des naturalises ou des etrangers. lis n'avaient tous commis que ce seul crime: i1s etaient Juifs.

AN~lEXES

I. - Operatio,ns generales d'arrestations ordonnees a Paris par les autontes allemandes

PREFECTIJRE DE POLICE

Directiofl de la Police judiciaire Sous-Directjon

des Affaires Juives Paris, Ie 4 novcmbre 1943. (I)

14 mai 1941. - (Sur convocations) - Polonais, Tcheques, Allemands et Autrichiens, diriges sur les camps de Beaune-Ia-Rolande et Pithiviers.

21 aout 1941. --- Rafles effectuees da;ns Paris et plus specialement dans Ie 11" arrondissement, sans distinction de nationalite - diriges sur Drancy.

12 decembre 1941. - Arrestations it domicile effectuees dans Paris sans distinction de nationalite, mais visant plus specialement des Juifs franc;ais (notables) diriges sur Ie Camp de Compiegne.

16 et 17 juillet 1942. - Arrestations it domicile : Allemands, apatrides, Autrichiens, Polonais, Russes, Sarrois, Tchecoslovaques.

14 septembre 1942. -- Arrestations it domicile : Baltes, Bulgares, Neer­landais, Yougoslaves.

23 septembre 1942. - Arrestations it domicile Roumains. 28 septembre 1942. - Arrestations it domicile Belges, Dantzicoi<;.

Luxembourgeois. 4 et 5 novembre 1942. - Arrestations it domicile : Grecs. J I jevrier 1943. - Arrestations pour toutes ces nationalites sans limite

d'age. 19 mars 1943. - Arrestations it domicile de certains Juifs appartenal1r

aux nationalites ci-dessus, titulaires d'Ausweis, et arrestations d~ Juifs etrangers titulaires de cartes de legitimation.

22 mat:> 1943. - Arrestations it domicile des Juifs figurant sur une Iiste fournie par les autorites d'occupation (Hongrois).

19 juillet 1943. - Arrestations de certains titulaires d' Ausweis. 18 octobre 1943. - Nouvelles arrestations de Roumains. 20 octobre 1943. - Ordre d'arrestation des Hongrois (non execute

encore). 25 octobre 1943. - Ordre d'arrestation (non execute encore, des Suis­

ses, Espagnols, Portugais, Danois, Suedois, Finlandais, Italiens. 21 all 22 janvier 1944. - Juifs controles etrangers du lau 8-12-1943

(sauf Turcs, Argentins et Polonais). 28 jamJier 1944. - Argentins. 3 au 4 jevrier 1944. - Polonais (3" fois).

(1) Cett£' note a ell} completee ulterieurement.

Page 148: La Persecution Raciale

286

I I. - Instructions pour les rafles dans la Seine

PREFECTURE DE POLlCE

Direction Generate de Ia

Police Municipale Etat-Major, 1 H Bureau B

Ref. : 9-44 CONFIDENTIEL .

Paris, Ze 3 fevrier 1944

NOTE DE SERVICE

A MM. Ies Commissaires Divisionnaires, Commissaires de Voie Publique, et des Circonscriptions de Banlieue, Ecole Pratique (en com­munication a Directions Generales P. J. et R. G. et Sous-Direction des Affaires Juives).

A la demande des Autorites OCcupaJ1tes, iI y a lieu de proceder a I'arrestation des Juifs et Juives etrangers ou apatrides, faisant I'objet des fiches ci-jointes, ainsi que tous les membres juifs de la famiIle, notam­ment les enfants de moins de seize ans, meme s'i1s ne font pas I'objet d'une fiche, exception faite des ressortissants turcs. Devront egalement etre arretes les Juifs trouves chez les recherches, quelle que soit leur nationalite, mais a condition qu'i1s n'y aient pas elu domicile.

Derogations :

Les seules derogations prevues sont les suivantes :

i 0 La femme juive et les enfants demi-juifs d'un -conjoint aryen ; 2° Les enfants demi-juifs et la femme aryenne d'un conjoint juif

qui, lui, sera arrete s'il est capable de travailler (en principe s'il a moins de 60 ans, individus nes apres 1884) ;

;~. Les personnes intransportables, c'est-a-dire gravement malades, impotentes, alitees, femmes enceintes sur Ie point d'accoucher, aveugles (iJ y a lieu, dans ces calS, de s'entourer de toutes garanties) et dont Ie transport necessitera I'emploi d'un brancard ou d'une ambulance, seront laissees sur place pour etre conduites ulterieurement a I'hopital Roths­child par les soins de I'UGIF, mais tous les membres de la famille seront sans aucune exception, arretes. Les voisins ou la concierge seron! invites a s'occuper du malade jusqu'a son transport a Rothschild.

Pour les cas douteux, il y a lieu de telephoner a la Sous-Direction des Affaires Jtiives (Auto 213-582-586).

Un inspecteur. de la Sous-Direction des Affaires Juives sera a votre disposition dans chaque arrondissement pour renseigner eventuellement ses collegues et vous faciliter I'execution des consignes.

287

ElXecution : Les operations commenceront Ie 3 fevrier a 23 heures et se pour­

suivront jusqu'a complete execution. Vous procecterez de la meme fac;on que lors des precectentes ope­

rations, notamment en ce qui concerne les details d'execution. D'autre part, vous recevrez un certain nombre de fiches de Juifs

it ~lrreter, de5 bandes gommees pour scelles (une bande par domicile), des ordres d'envoi a Drancy et des feuilles de papier blanc, sur les­quelles les equipes d'arrestation porteront, Ie cas echeant, toutes obser­vations concprnant les cas speciaux qui se presenteront a eUes.

A. -- Constitution des equipes : Chaque arrondissement ou circonscription intt'~l essee organisera des

equipes d'.urestation, soit a I'aide de son propre personnel, soit en ad­joignant it ces ccrniers les renforts indiques par ie tableau ci-apres.

Chaque equipe d'arrestation sera composee, en principe, d'un gar­dien en tenue et d'un inspecteur ou d'un gardien en civil, armes. Ces calculs d'effectifs ant ete faits sur la base de quatre operations par equipe pour Paris et la banIieue, chaque arrondissement et circonscrip­tion formant au moins quatre equipes' avec ses effectifs.

Ces renfods seront envoyes dans les centraux, ce jour, pour 23 heures. Les ':"irconscriptions de banlieue opereront avec leurs propres effectifs.

B. - Russemblement et transfert : Les luifs arretes seront conduits dans les pastes de police. Cha­

que com~issaire divisionnaire recevra a 6 h. 30 un ou plusieurs autobus, et il lui appartiendra de regler Ie transfert des Juifs a I'interieur de la Division. Ceux-ci seront conduits, au fur et a mesure, au camp de Drancy, a I'aide de ces vehicules. Lorsque la Division aura termine ses transferts, elle avisera l'Etat-Major avant de renvoyer son ou ses autobus.

Une escorte suffisante sera. constituee pour chaque autobus. Les glaces de la voiture demeureront fermees et la plate-forme sera reser­vee aux bagages.

C. - Consignes speciaZes : Vous donnerez lecture aux equipes chargees des arrestations, des

·consignes suivantes : 10 Le chef d'equipe, apres avoir verifie I'identite des individus qu'il

a mission d'arreter, n'aura pas a discuter les differentes observations qui peuvent etre formulees par eux.

II les conduira, de toutes fac;ons, au poste de police indique par Ie Commissaire de Voie publique, en s'assurant qu'i1s ont bien pris les objets mentionnes pius loin.

2° Les fonctionnaires charges de I'arrestation s'assureront, lorsque

Page 149: La Persecution Raciale

288

taus les occupants du logement seront it emmener, que les compteurs du gaz, de l'electricite et de l'eau auront bien ete fermes, ainsi que les volets. Les animaux seront confies au concierge.

3° Lorsque tous les occupants du logement auront ete emmenes, les ·clefs seront remises au concierge (s'il n'en existe pas, au plus pro­che voisin), en lui signalant qu'il est considere comme responsable de la conservation des scelles. Dans les deux cas, seront mentionnes sur Ie rapport d'arrestation les nom et adresse de la personne depositaire des clefs et gardienne des scelles.

Les Autorites occupantes tiendront personnellement responsables les concierges ou les voisins, s'ils cachent des juifs ou donnent de faux renseignements pour eviter l'arrestation.

4° Les individus arretes se muniront : a) De leur carte d'identite, et de tous autres papiers de famille

juges utiles ; b) De leur carte d'alimentation, feuilles de tickets et cartes de

textiles ; c) Des effets et ustensiles suivants

- Deux couvertures ; - Une paire de chaussures ; .- Deux chemises ; - Deux paires de chaussettes - Deux cale<;ons ; -- Un vetement de travail (ou usage) -- Une paire de draps -- Une gamelle ; - Un gobelet ; - Un bidon, si possible - Un jeu de couverts pour les repas ; - Un necessaire de toilette (Ie rasoir est auto rise).

d) De deux jours de vivres au moins. lis pourront en emporter davantage, s'ils Ie veulent (pas plus d'une valise grandeur moyenne, ne contenant que des provisions de bouche).

e) Les couvertures seront portees en bandouliere, les effets et ob­jets de la liste ci-dessous seront plaC(~s dans un seul sac ou valise, so it, au total, deux valises ou paquets,. dont un pour les vivres.

5° Le chef d' equipe sera responsable de l' execution. Le's operations devront etre effectuees avec Ie maximum de rapidite,

sans paroles inutiles et sans aucun commentaire. Les Autorites Occupantes procecteront, au cours de la nuit, it des

operations de contr61e et de verification, tant dans les postes qu'aux adresses des juifs.

D. - Ouverture des partes " Si, au cours de vos interventions,. on ne repond pas aux somma-

289

tions, iI Y aura lieu d'enfoncer la porte et de se rendre compte s'i1 n'y a p~rsonne.

E. - Apposition des scelles " Si les juifs sont absents de leur domicile, pour quelque raison que

ce soit, mention sera faite sur la fiche, et la concierge ou les voisins avises de leur responsabilite. Toutefois, iI est evident qu'i1 n'y a pas lieu d'apposer les sceBes si l'appartement est vide, c'est-a-dire depourvu de tout mobilier. II conviendra de Ie verifier prealablement.

F. - Resultat des verifications

O. - Compte Rendu

Effectifs : Chaque arrondissement organisera des equipes d'arrestations a

I'aide de son personnel,. et des renforts suivants

A. - PARIS - ..

! I

I Oardiens Arrondis- Nombre Nombre Inspec- Inspec- Oardiens sement ou de de teurs teurs isoles arrondiss.

circonscription fiches domiciles P.]. R.O. tenue civils

I

ler Arrond. 6 - - - - -

2e - 56 47 8 - 8 -3e - 256 204 47 - 47 -

4e - 228 188 - 43 43 -

5e - 22 18 - - - -

6e - 6 4 - - - -

7e - I I - - - -

8e, - 3 3 - - . - -ge - 62 47 8 - 8 -

lOe - 239 189 - 43 i 43 -lie - 405 334 - - 80 80

(venant autres arr. et banlieue)

12e - 45 35 - 5 5 -13e - 28 26 - 3 3 -14e - 18 16 - - - _I

15e - 25 22 - 2 2 -16e - 7 7 - - - -17e - 23 20 - - - -18e - 189 162 36 - 36 -1ge - 199 163 20 17 37 -

20e - 424 369. - - 88 88 (venant

ecole et banlieue)

2.242 1.861 119 113 400 168

.~. --

Page 150: La Persecution Raciale

290

B. - BANLIEUE

Nombre Nombre Nombre Nombre Circonscription de de Circonscription de de -

fiches domi€iles fiches domiciles

Asnieres .......... 3 3 Report ....... 54 47 Boulogne .......... 2 2 Nogent ........... 3 3 Charenton ......... I 1 Noisy ............. 2 2 Clichy ............ 6 5 Pantin -........... 2 2 Co1ombes ......... 1 1 Puteaux .......... 2 2 Gentilly ........... 1 1 Saint-Denis ... , . > • 4 3 Ivry ............ . 2 1 Saint-Maur ....... 9 7 Les Lilas ......... 14 13 Saint-Ouen ....... 14 13 Levallois ......... 3 2 Sceaux ........... 1 1 MOntreuil ......... 18 15 Vanves ........... 4 4 Neuilly ........... 3 3 Vincennes ........ 8 8 ----,-

--~

A reporter . .. 54 47 Totaux ....... 103 92 " --

ORDRE D'ENVOI A DRANey

Chaque individu ou famille arrete, fera I'objet d'un ordre d'envol a Drancy en un seui exempiaire, mentionnant I'etat-civil, Ie sexe, la profession, Ie domicile, la nationalite, la situation de famille de chaque personne, si les scelles ont ete apposes et les clefs remises a la conciergp. et, dans la negative, Ie motif.

L'ordre d'envoi sera remis au convoyeur, qui Ie laissera a Drancy. Signe : Le Directeur General :

HENNEQUIN

HI. - ~tistiques des deporles a titre racial A. - Au depart de Draney

DtpORTtS : HOMMES, FEMMES, ENFANTS

1942 - 1)19 juillet .......... . . 2)23 juillet .......... .

3)24 juillet .......... . 4)27 juillet .......... . 5)29 juillet .......... . 1)10 aollt ............ . 2)12 aollt ............ . 3)14 aollt ............ . 4)17 aollt ............ . 5) 19 aollt ............ . 6)21 aollt ............. ·

1.000 1.000 1.000 1.000 1.000 1.000 1.000 1.000 1.000 1.000 1.000 1.000 1.000 1..000 1.000 1.000 1.000 1.000 1.000 1.000 1.000 1.000 1.000 1.000 1.000

7)24 aollt ............ . 8)26 aollt ............ . 9)28 aollt ............ .

10)31 aollt ............ . 11) 2 septembre ....... .

) 4 septembre ....... . 12) 7 septembre ....... . 13) 9 septembre ....... . 14)11 septembre ....... . 15)14 septembre ....... . 16) 16 septembre ....... . 17) 18 septembre ....... . 18)23 septembre ....... .

-19)25 septembre ....... . 20)28 septembre ....... . 21)30 septembre ....... . 22) 3 novembre ...... . 23) 5 novembre 24) 8 novembre 25) 10 novembre ...... .

1942. 1943. 1944.

900 211

1.000 1.000 1.000

741

29.852

Total

1943 - 1) 9 fevrier ......... . 2) 11 fevrier ......... . 3) 13 fevrier ......... . 4) 2 mars ........... . 5) 4 mars ........... . 6) 6 mars ..... : .... . 7)23 mars ........... . 8)25 mars ........... .

_ 9)23 jufn ............ . 10) 18 juiIlet .......... . 11 )31 juillet .......... . 12) 2 septembre ....... . 13) 7 octobre ......... . 14)28 octobre ......... . 15)20 novembre ...... . 16) 7 decembre ....... . 17) 17 decembre ....... .

1944 - 1 )20 janvier ......... . 2) 3 fevrier ......... . 3) 1 0 fevrier ......... . 4) 7 mars ........... . 5)27 mars ........... . 6)13 avril ........... . 7)29 avril ........... . 8) 5 rnai ............ .

/10)30 mai ............ . 11)31 juiIlet .......... . 12) 17 aollt ............ .

29.852 17 .027 14.432

61.311

B. - CAMPS DE BEAUNE-LA-ROLANDE ET PITHIVIERS

DeporUs de Beaune-la-Rolande 1942 - 8 mai ............. .

27 juin ............. . 17 juillet ............ . 5 aollt ....•.......... 7 aotlt ............... .

125 942 55

990 423

1.196 19 aotlt ............. . 25 aoftt ............. . 15 septembre ........ . 21 septembre .....•...

1943 - 29 janvier ........... .

377 45 6

67 ==:4;=.2""2""'6

DeporUs de Pithiviers

1942 - 8 mai ............. . 25 juin ............ ;. 17 juiIlet ......... , ... . 30 juiIlet. ........... . 22 aollt ............. . 6 aotlt ............. .

20 septembre ........ .

291

1.000 1.000 1.000 1.000 1.000 1.000 1.000 1.000 1.000 1.000 1.000

978 1.000 1.000 1.200 1.000

849

17.027

1.153 1.201 1.500 1.500 1.000 1.000 1.000 1.200 1.000 1.153

51

14.432

155 985

1.049 1.027 1.022

645 977

5.860

Page 151: La Persecution Raciale

TOTAL DES DEPORTES RACIAUXDE FRANCE D'APRES LES STATISTIQUES

DU MINISTERE DES PRISONNIERS, DEPORTES ET RAPATRIES

Draney ................................. . Beaune-Ia-Rolande ...................... . Compiegne (evaluation de la Reiehsbahn) .. . Pithiviers .............................. . Lyon - Montlue ......................... . Toulouse (easerne Caffarelli) ............. . Moulin (prison de la Maleoiffee, aout 1944).

Total appro xi mat if .......... .

CHIFFRES APPROXIMATIFS

61.311 4.226

12.000 5.860 1.200 1.200

100.000

DE FEMMES ET ENFANTS DEPORTES

Sur fiches

Draney ................................... . Pithiviers et Beaune ....................... . Evaluations pour deportes non fiches ........ . Angers : 20 juillet 1942 '. . . . . . . . . . . . . .. 300 Tourelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70 Lyon : jU~II~t;aout 1.944 . . . . . . . . . . . . . .. ! 800 Toulouse . JUlllet-aout 1944............ ,

Total .................... .

Femmes

23.160 3.567

870

~===;O2""7==;. 6""9""7 = 33.353

Enfants au-dessous' de 15 ans

gar~ons et filles

4.288 1.068

300

5.656

r, .

TABLE DES MATIERES

Pages

PREFACE......................................................... 5

CHAPITRE PREMIER: La legislation raeiale ......................... 7

I. - Le statut des personnes juives .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

II. - Lestatut de~ biens juifs.................................... 14

III. - Les atteintes d la liberte et d I'honneur des juifs ............ 21

IV. - L'administration de la minorite nationale juive . . . . . . . . . . . . . . . 28

CHAPITRE II: Spoliations et profanations ............................ 33 I

CHAPITRE III: Arrestations et rafles . . . . . . . . . . . ... . . .. . . . . . . . . . .. . . . 41

I. - Les arrestations individuelles de juifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

I I. - Les rafles .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50

II I. - Arrestations d'enfants. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66

IV. - Le regroupement administratif de 1942 ...................... 68

V. - Rafles massives et denationalisation des juifs . . . . . . . . . . . . . . . . 87

VI. - Les rafles de juifs Iran~ais •. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9)'

CHAPITRE IV: Les Camps de Plthlvlers et de Beaune-Ia-Rolande ...... 95

CHAPITRE V: Le Camp de Compiegne ............................... 103

CHAPITRE VI: Le Camp de Draney............................... .... 117

CHAPITRE VII : Les Camps de JUlfs a Paris......................... 155

CHAPITRE VIII: Les Camps de travail du Nord de la France.......... 159

Page 152: La Persecution Raciale

CHAP ITRE IX: Les Persecutions antlsemltlques en provlace ........... .

I. - L'expulsion des luifs d' Alsace et de Lorraine ........... ... . I I. - La situation des luifs dans une grande ville de province:

Bordeaux ........................................... . II I. - L' agglomeration juive du canton de Luneville .............. . IV. - Une petite communautt! israelite en zone nord: Epernay .... . V. Une grande communautt! de I' Est: Nancy ................ .

V I. Les luifs en zone d'occupation italienne ................... . VII. Les persecutions d Nice ................................. .

V II I. Quelques heures de la vie des luifs d Marseille ........... . IX. -- Quatorze luifs dans une petite commune du Tam .......... . X. Les persecutions dans Ie Nord de la France ............... .

X I. - Israelites autochtones et replies d Saint-Etienne ............ .

CHAPITRE X: Les JUlfs de Tunisle sous I'occupation allemande ...... .

CHAP ITRE X I : Les massacres de Julfs en France ................... .

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174

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Le charnier de Miremont ......................................... 244

l:e drame de Savigny-en-Septaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 247

La tuerie de Bron................................................ 253

Les massacres d'Israelites en Dordogne ............................. 258

Les massacres de luifs dans Ie departement de l' Ain ................ 264

CHAPITRE XII: L'extermlnatlon des Julfs dans les camps du Reich....... 277

ANNEXES......................................................... 285

ACHEVE D'IMPRIMER

LE 20 FEVRIER 1947 SUR LES PRESSES DE

L 'I M P RIM E R I E LAN G,

B LAN C H 0 N GET C I E,

30, RUE DU POTE~U - PARIS

DEPOT LEGAL NO 54